83 Magazine

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Chers lecteurs, chères lectrices, Envoûtante. Éclectique. Onirique. Foisonnante. Précieuse. Radicale. Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier la saison qui s’annonce. L’événement culturel de la rentrée, déjà dans tous les esprits, sera à n’en pas douter la spectaculaire rétrospective consacrée à Gerhard Richter à la Fondation Louis Vuitton. Les trois commissaires de l’exposition nous font le privilège de dévoiler en avant-première les secrets de l’hommage magistral qui sera rendu à l’art du maître allemand.

Ce temps fort de la rentrée ouvrira ses portes simultanément à la foire Paris Art Basel, moment phare du marché de l’art mondial. Pendant cette semaine incontournable du calendrier, Sotheby’s organisera deux de ses ventes emblématiques, « Surrealism and its Legacy » et « Modernités », qui auront cette année pour marraine la flamboyante Rossy de Palma.

Ces deux ventes feront dialoguer des icônes de l’art moderne avec l’art plus radical d’Yves Klein, de Jean Dubuffet ou de Roy Lichtenstein, dont un ensemble exceptionnel d’œuvres provenant de sa succession sera dispersé. Deux tableaux légendaires créeront l’événement au cours de cette semaine : la toute première, et sans doute la plus belle, des Magies noires de René Magritte et le poignant portrait de Raymond Radiguet par Amedeo Modigliani.

Dialogue, encore, des styles, des périodes et des cultures, dans les trois collections qui seront dispersées au fil de la saison. Celle de Roberto Agostinelli, constituée avec le soutien de Jacques Grange, dans une démarche mêlant passion et curiosité : les deux complices nous en parlent. Celle de la princesse Niloufar Pahlavi, dont l’hôtel particulier parisien, également décoré par Jacques Grange, constituait un écrin poétique et éclectique. Enfin, la collection de Manny Davidson, qui vous émerveillera par son raffinement et son foisonnement, avec des œuvres allant de l’Antiquité au XXe siècle.

Dialogue, aussi, entre les arts euxmêmes. Cette saison, Sotheby’s ne mettra pas seulement en avant les arts plastiques et décoratifs, mais également la danse, à l’occasion de la célébration des 150 ans de l’Opéra de Paris, la mode, avec Pierre Hardy qui assurera la curation de notre prochaine vente « Design », la littérature, sans oublier l’art du vin, avec la vente des Hospices civils de Beaune, sous la houlette de Sotheby’s pour la cinquième année consécutive.

Avant d’entamer cette rentrée parisienne riche en événements, nous vous proposons une incursion en GrandeBretagne, à Castle Howard, qui nous a exceptionnellement ouvert ses portes. C’est une grande joie de vous faire partager notre émerveillement pour ce lieu exceptionnel.

Bonne lecture !

(Nos couvertures)

René Magritte

La magie noire

Estimation :

5 000 000-7 000 000 €

« Surrealism & its Legacy »

Vente à Paris le 24 octobre

« The Manny Davidson Collection »

Ventes à Paris les 5 et 6 novembre

Vente en ligne le 7 novembre

Paul Delvaux

La Rose, 1936

Estimation :

2 000 000-3 000 000 €

« Surrealism & its Legacy »

Vente à Paris le 24 octobre

Sotheby’s France

83, rue du Faubourg-Saint-Honoré

75008 Paris

Tél +33 (0)1 53 05 53 05

Prix

15 €

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Agrément no 2001–002 du 25 octobre 2001 –ISSN 2267-4993

Responsable de la publication

Pauline de Montgolfier

Directrice de la rédaction

Laurène Beytout

Direction artistique

Emmanuel du Bourg

Élise de Terlikowski

Secrétaire de rédaction

Céline Delavaux

Relecture

Christophe Parant

Photographes

© Art Digital Studio / Sotheby’s

© Micha Patault

Impression

Groupe Prenant

Remerciements

Hortense Allard

Bianca Biaggi

Antonia Canat

Anne Heilbronn

Olivier Lefeuvre

Benoit Puttemans

Emilie Salmon

Aurélie Vandevoorde

© Adagp, Paris, 2025

4 Édito par Aurélie Vandevoorde

12 Rossy de Palma Icône surréaliste

16 Gerhard Richter en version XXL

Entretien avec Suzanne Pagé, Nicholas Serota et Dieter Schwartz

22 Haute culture par Sarah Andelman

24 Place aux artistes femmes !

Entretien avec Camille Morineau

26 Le dernier cri

28 Robert Agostinelli et Jacques Grange

36 Proust. Découverte d’une archive inédite pour la BnF

38 Pierre Hardy Un chausseur de rêve passionné de design

44 En toutes lettres Par Anne Heilbronn

46 Follow back

48 La pièce de charité des Hospices de Beaune

52 L’Opéra de Paris 150 ans, un anniversaire sous le signe de la création !

58 À bon escient

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Décors : chez Manny Davidson

68 Histoire vivante

Entretien avec Nicholas Howard et Remy Renzullo

76 L’œil averti

78 Le trésor endormi du Petit Palais

Entretien avec Baptiste Roelly

80 Clair-obscur

82 Le détail qui tue 84 Calendrier 88 Provenances 90 Contacts

Portrait de Sarah Andelman
© Amélie Ambroise

Estimation :

1 200 000-1 800 000 €

« Modernités »

Vente à Paris le 24 octobre

↑ Yves Klein
Monochrome bleu sans titre (IKB 329), 1958

MODERNITÉS

Vente à Paris le 24 octobre

Amedeo Modigliani
Raymond, 1915
Roy Lichtenstein
Interior with Shadow, 1993
Art © Estate of Roy Lichtenstein
Estimation sur demande

ROSSY DE PALMA ICÔNE SURRÉALISTE

Explosive, énigmatique, inoubliable : l’artiste Rossy de Palma poursuit dans nos pages son dialogue avec les visions et les grandes figures du surréalisme, affirmant son lien unique avec ce mouvement qui bouleversa les codes de l’art et de la beauté.

©
Javier Biosca
| Autoportrait par Rossy de Palma | © Ruvén Afanador

SURREALISM & ITS LEGACY

Vente à Paris le 24 octobre

Estimation :

000-500 000 €

Magritte La magie noire

Estimation : 5 000 000-7 000 000 €

Konrad Klapheck
Der Mustergatte (Le Mari idéal)
René

SION

GE R HA R D R ICHTE R EN VE

ENTRETIEN AVEC

LES TROIS COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION

Suzanne Pagé, Nicholas Serota et Dieter Schwartz

La rétrospective Gerhard Richter à la Fondation Louis Vuitton (du 17 octobre au 2 mars) promet d’être l’événement de la rentrée à Paris par sa taille et sa temporalité. Elle commence par le tableau de 1962 désigné comme son premier par l’artiste allemand et court jusqu’aux dernières œuvres peintes en 2017. Près de trois cents œuvres permettent de comprendre le parcours original de Gerhard Richter qui, pendant sa longue carrière, passe de la figuration à l’abstraction et vice versa, réalisant de séduisants portraits, paysages ou vanités contemporaines parallèlement à des abstractions rigoureuses.

Suzanne Pagé : Cette trente-cinquième exposition de la Fondation Louis Vuitton s’inscrit dans l’axe de nos grandes monographies, de Jean-Michel Basquiat à Mark Rothko. Dès le début, avec Bernard Arnault, nous avons imaginé d’inviter deux grands artistes qui nous semblaient essentiels. D’une part, le Britannique David Hockney (né en 1937). D’autre part, l’Allemand Gerhard Richter (né en 1932). Le hasard des calendriers a fait que les deux projets ont abouti en 2025. Pour la rétrospective de Gerhard Richter, nous avons contacté Dieter Schwartz, qui dirigeait le Kunstmuseum de Winterthour, en Suisse, et qui a déjà monté des expositions avec l’artiste, et Nick Serota, qui a été le directeur de la Tate de Londres et aujourd’hui le président de l’Arts Council. Ensemble et avec le soutien de Gerhard Richter, nous avons bâti cette exposition qui est la plus vaste jamais organisée avec 271 œuvres (peintures à l’huile, sculptures en acier et en verre, dessins au crayon et à l’encre, aquarelles et photographies peintes) et qui couvre soixante-deux années de la carrière de l’artiste. Elle occupe la totalité des espaces de la Fondation Louis Vuitton. Le parcours est chronologique, par grandes décennies et en 34 cabinets.

Nicholas Serota : Gerhard Richter, aujourd’hui âgé de 93 ans, est l’un des plus grands artistes modernes. Nous bénéficions d’espaces très vastes qui permettent de montrer toute sa carrière. Nous commençons par Tisch (1962), le premier tableau que l’artiste considère marquer le début de son œuvre. Dans ce tableau, comme dans de nombreuses peintures ultérieures, l’objet est trivial et banal et le geste est un acte délibéré de destruction de l’image. Ici, cependant, le geste est copié à partir de l’image imprimée originale, que l’artiste a effacée avec du solvant. Après cette démarche assez agressive,

Richter adopte un type de modification beaucoup plus doux de l’image photographique, obtenu en faisant glisser le pinceau sur la peinture encore humide pour produire une impression de flou… Nous terminons le parcours avec sa dernière toile, alors qu’il est encore vivant mais travaille en se concentrant sur le dessin.

(Page précédente)

Gerhard Richter Selbstportrait [ Autoportrait ], 1996

Gerhard Richter Carotte [ Mohre ], 1984

Dieter Schwartz : Je voudrais souligner que nous avons affaire à un artiste qui a choisi de désigner une peinture comme la peinture numéro 1 de son travail. C’est une chose très rare parmi tous les artistes du XXe siècle. Ce qui veut dire également que tout ce qui est avant cette peinture numéro 1 est rejeté, disparaît, n’est pas accepté comme faisant partie de l’œuvre de Richter. Et puis nous avons un artiste qui, en 2017, estime avoir achevé sa production picturale. Ce qui est également très rare. Nous pouvons donc présenter un trajet qui mène de la première à la dernière peinture. Richter avait alors l’impression d’avoir tout dit, qu’il n’avait plus l’envie de peindre, qu’il en avait fini avec ce médium. C’est pourquoi nous racontons cette histoire en chapitres, grands et petits. Trente-quatre salles pour suivre, voir et comprendre les étapes, les hésitations, les contradictions, les paradoxes de l’œuvre de Richter. Tout ce qu’il y a dans cette œuvre qui continue, mais toujours en se mettant en doute, en posant des questions et ne faisant pas que des affirmations.

N. S. : La première section de l’exposition couvre la décennie jusqu’en 1970. Elle correspond à son passage par l’Académie de Düsseldorf, après son départ de la DDR pour Berlin. Dès le début, le choix des sujets de Richter est complexe. Soit des images tirées de journaux, soit des portraits de famille qui renvoient à son passé comme Onkel Rudi ou Tante Marianne. On y voit également des références à l’histoire de l’Allemagne avec des tableaux comme Bombers. Chaque œuvre de Richter naît d’une idée, puis il y a la photographie ou le dessin avant la peinture. Il y a toujours une image intermédiaire entre l’idée et l’œuvre finale. Pour moi, Richter a également un grand sens de l’émotion, qui montre comment il voit et ressent le monde. Il y a d’abord ses liens avec l’Histoire, de l’Holocauste aux événements tragiques liés à la Bande à Baader, l’organisation terroriste allemande des années 1970 qui menaçait la société capitaliste à coup de vols et d’attaques à la bombe. Mais Richter ne traite ces événements que rétrospectivement, jamais sur le moment. Le cycle intitulé 18 octobre 1977 n’est peint qu’en 1988. Pour représenter l’atrocité du 11-Septembre 2001 à New York, ce sont des peintures de 2005 ! Pour Richter, la création vient lentement, après de longues réflexions.

S. P. : Le parcours passe du rez-de-chaussée, qui se clôt sur la question de la représentation avec les 48 Portraits, peints pour la Biennale de Venise de 1972, et les grands nuanciers de couleurs, au premier étage avec son exploration de l’abstraction.

D. S. : Il est intéressant de voir qu’au tout début de sa carrière, en RDA, Richter était protégé de la modernité. Il a commencé par la figuration, formé dans la tradition du réalisme du XIXe siècle. C’est pourquoi

Gerhard Richter Apfelbäume [ Pommiers ], 1987 ↓

Gerhard Richter Lesende [ Femme lisant ], 1994 ↘

Gerhard Richter Onkel Rudi [ Oncle Rudi ], 1965

Gerhard Richter Ema (Akt auf einer Treppe) [ Ema

sur un escalier) ], 1966

(Nu

il a déclaré que sa peinture, figurative ou abstraite, représente toujours quelque chose. Ses abstractions ne sont pas des abstractions dans le sens moderniste mais elles représentent sa réalité, donc ses doutes, ses failles et ses forces au travail tandis que ses peintures figuratives représentent ses désirs, son idéal. C’est à l’envers de tout ce que l’on a pensé sur l’abstraction et le réalisme de Richter.

S. P. : Dans les galeries 4 et 5, on explore l’abstraction avec Richter. Un ensemble éclatant d’œuvres abstraites aux couleurs primaires vives et contrastées tirant parti de la révélation progressive de plusieurs strates de couleurs et d’effets de matière au moyen de spatules et racloirs. Au deuxième étage, les galeries 7 à 9 sont intitulées « Nouvelles perspectives en peinture : le hasard » et aboutissent à 4900 Colors et à son hommage au compositeur John Cage. Le parcours se termine par un groupe d’œuvres inspirées de quatre photographies prises dans le camp d’extermination nazi de Birkenau et la dernière salle présente ses ultimes peintures abstraites.

D. S. : Nous présentons de nombreux chapitres consacrés au dessin. Et puis, après 2017, quand il en finit avec la peinture, Richter retourne au dessin et, dans ses dernières années, il a fait de grandes expositions muséales avec des dessins. Nous ne présentons pas l’artiste comme quelqu’un qui aurait terminé son œuvre mais comme un artiste vivant, qui continue à dessiner, à penser, à créer à quatre mains avec Blinky Palermo pour des pièces en verre, et à imaginer des commandes publiques comme son projet tout récent, qui a été inauguré en juillet 2025.

S. P. : Les plus grands musées en Europe et aux États-Unis nous ont prêté leurs chefsd’œuvre : le MoMA, les musées de Saint Louis et de San Francisco, le musée Samsung en Corée, le musée Burda de Baden-Baden en Allemagne… Obtenir de tels prêts n’a pas été facile mais, en expliquant nos idées, nous y sommes arrivés.

N. S. : Richter est très impliqué dans cette exposition. Les plans, la sélection des œuvres, tout lui a été montré et béni par lui, si j’ose dire. ○

Propos recueillis par Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts.

« Ses abstractions ne sont pas des abstractions dans le sens moderniste mais elles représentent sa réalité, donc ses doutes, ses failles et ses forces au travail tandis que ses peintures figuratives représentent ses désirs, son idéal. C’est à l’envers de tout ce que l’on a pensé sur l’abstraction et le réalisme de Richter. »

Sarah Andelman est la fondatrice de JUST AN IDEA, une agence de conseil spécialisée dans le développement de collaborations, et une maison d’édition de livres d’artistes.

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ITEM IDEM

J’ai hâte de découvrir la nouvelle adresse de mon ami Cyril Duval qui mêle art, design, éditions et des collaborations exclusives avec des artistes comme Barbara Kruger. 12 rue Bleue, Paris 9e

Je suis très impressionnée par la superbe exposition autour de Rick Owens au palais Galliera, conçue par Alexandre Samson. Préparez-vous à quelques surprises ! « Rick Owens. Temple of Love », jusqu’au 4 janvier 2026.

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GALERIE HAUSER & WIRTH

La galerie Hauser & Wirth exposera Jeffrey Gibson, cela devrait être une explosion de couleurs qui nous mettra de bonne humeur. « Jeffrey Gibson.

This is dedicated to the one I love », jusqu’au 20 décembre.

PALAIS GALLIERA
« Rick Owens. Temple of Love »
© Palais Galliera - Paris MuséesGautier Deblonde

CAFÉ CONSTANT

Si vous êtes gourmands, un petit secret : les madeleines du Café Constant sont juste exceptionnelles ! C’est la recette de Christian Constant que son fils a reprise.

3 rue Augereau, Paris 7 e

INDIA MAHDAVI X WE ARE ONA

Il ne faut pas manquer le pop-up d’India Mahdavi avec WE ARE ONA pour une expérience culinaire unique inspirée par la rose d’Ispahan. Et aussi, j’aime toujours la programmation de sa Project Room rue de Bellechasse.

29 rue de Bellechasse, Paris 7 e

RUBIROSA’S

Coup de cœur absolu pour Rubirosa’s, la nouvelle boutique de chemises et pyjamas au 37 rue de Grenelle fondée par Lauren Rubinski. Non seulement les vêtements sont de grande qualité, mais le lieu coloré vaut le détour.

37 rue de Grenelle, Paris 7 e

7 JAÏS

Le restaurant Jaïs reste une valeur sûre. Les linguine au zeste de citron et œufs de truite sont inoubliables. Ambiance garantie ! 3 rue Surcourf, Paris 7 e

8 PARIS INTERNATIONALE

Cette année, Paris Internationale s’installe tout près de Sotheby’s, au rond-point des Champs-Élysées. Cette foire propose toujours des galeries émergentes et des artistes prometteurs. Incontournable.

9 FONDATION CARTIER POUR L’ART CONTEMPORAIN

Le grand rendez-vous de cet automne sera sans doute l’ouverture de la nouvelle Fondation Cartier en face du Louvre. Je suis impatiente d’admirer le bâtiment de Jean Nouvel sous la direction de Chris Dercon.

10 CAFÉ NUANCES

Ce café, déjà présent près de la place Vendôme et rue de Tremoille, vient d’ouvrir une nouvelle adresse dans le Marais et le design du lieu est signé Harry Nuriev – Crosby Studios. 51 rue des Francs-Bourgeois, Paris 4 e

Portrait dʼIndia Mahdavi
© Laura Friedli

ENTRETIEN AVEC

Camille Morineau, conservatrice du patrimoine et cofondatrice de l’association AWARE, engagée dans la défense de l’œuvre des artistes femmes.

PLACE

Les Distractions de Dagobert, 1945

Depuis l’exposition @elles au Centre Pompidou (2009-2011), dont une partie a voyagé à Seattle puis au Mexique, la reconnaissance du travail des femmes artistes a considérablement évolué en France, à l’instar de ce qui se passe à l’international. De nombreuses expositions thématiques ou monographiques leur sont enfin dédiées : des rétrospectives Germaine Richier, Suzanne Valadon ou Dora Maar au Centre Pompidou, jusqu’aux « Pionnières » au musée du Luxembourg ou encore « Femmes abstraites » des années 50. Le marché de l’art n’est pas en reste, si l’on en juge par les résultats publiés dans le Sotheby’s Report en juin. ↑

Vendu chez Sotheby’s à New York en mai 2024 pour 28 500 000 $

Vendu chez Sotheby’s à New York en novembre 2022 pour 14 100 000 $

AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions) existe depuis plus de dix ans. Pensez-vous avoir atteint les objectifs fixés en 2014 ?

Camille Morineau : Nous avons atteint 1 300 biographies d’artistes femmes, 250 articles de recherche, 40 contenus pour enfants ; et bientôt une anthologie de textes écrits par des artistes européennes de passage à Paris, montrant combien la ville fut celle de l’émancipation des femmes. C’est là que le féminisme naît, très tôt, avec ses théoriciennes, ses héroïnes, ses victimes et ses porte-drapeaux. Je suis fière de proposer ces informations sur un site gratuit en plusieurs langues et plusieurs niveaux de lecture. AWARE s’adresse à tous, et sa communauté grandissante, aujourd’hui 180 000 visiteurs par mois, témoigne d’un besoin, d’un désir.

Nous travaillons depuis deux ans avec le Centre Vivant Denon du Louvre, avec une équipe de conservateurs enthousiastes, afin d’ouvrir notre chronologie aux siècles anciens, aux arts appliqués, à l’architecture. Les femmes occupent très tôt toutes les activités manuelles, y excellent, et bientôt signent leurs œuvres. Un colloque réunissant d’autres musées européens menant des réflexions similaires sera organisé par le Louvre et AWARE en février.

Leonora Carrington
Tamara de Lempicka
Portrait de Romana de la Salle, 1928

ARTISTES

Le nombre très important d’événements consacrés à l’art au féminin manque parfois de confrontations avec le travail des artistes hommes, de mises en perspective. Ne pensez-vous pas que cela risque d’être contre-productif à la longue ?

L’information que nous mettons à disposition produit naturellement un cercle vertueux : on redécouvre, on approfondit la recherche, d’abord monographique puis thématique. Il y a quelques années, une exposition sur le cubisme au Centre Pompidou ne comportait aucune femme, alors que « The World Goes Pop » à la Tate avait intégré les artistes femmes à la redéfinition du mouvement. Plus récemment, l’exposition sur le surréalisme a fait l’effort d’intégrer les femmes, et cela change le point de vue. Refaire des listes, comparer les œuvres, comprendre la circulation des idées entre hommes et femmes, tout cela renouvelle notre regard. L’initiative du Centre

Pompidou de ne montrer que des artistes femmes dans sa « rue » principale, au quatrième et cinquième étage, était une sorte de manifeste : « Elles sont là, regardez-les. »

Comment évaluez-vous les records désormais atteints par les œuvres d’artistes femmes, de Tamara de Lempicka à Marlene Dumas ? Y a-t-il encore des étapes à franchir ?

Beaucoup de ces femmes qui atteignent aujourd’hui des sommes importantes avaient déjà des marchés très forts de leur vivant. Je pense à Artemisia Gentileschi, qui voyageait de cour en cour et faisait travailler un atelier ; à Suzanne Valadon, qui vendait bien ses nus et ses portraits ; à Marie Laurencin, portraitiste des écrivains et du monde de la mode ; ou encore à Tamara de Lempicka, qui vendit très tôt à Hollywood. On a peine à imaginer ce marché vibrant qui laissait une place naturelle aux femmes, dont les œuvres étaient publiées, commentées, achetées dans des collections privées et publiques. Puis, quelque chose se referme après la guerre. Mais nous avons les moyens de continuer l’enquête dans le monde entier, et les conclusions tiennent en une phrase : plus on a d’informations sur un artiste (sur son catalogue raisonné), plus il vaut cher. Ce travail d’organisation systématique et de partage a davantage concerné les hommes que les femmes. C’est pourtant un horizon à atteindre absolument. ○

Propos recueillis par Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts

LE DERNIER CRI LE DERNIER CRI

Hermès

Le Birkin original créé pour Jane Birkin Cuir box noir et garniture laiton, 1985

Vendu : 8 582 500 € 10 juillet 2025

Robert Agostinelli et Jacques Grange

Le financier américain Robert Frank Agostinelli et Jacques Grange se connaissent depuis 1984. « J’avais 30 ans quand l’antiquaire Didier Aaron nous a présentés », se souvient Agostinelli. Didier m’a dit : « Il faut que tu rencontres Jacques Grange, c’est la future grande star mondiale de la décoration d’intérieur. » Une heure plus tard, les deux hommes se retrouvaient à Bagatelle, où Grange préparait une exposition sur les marchands parisiens du XVIIIe siècle. « Nous avons tout de suite sympathisé », raconte Agostinelli. « Le génie de Jacques Grange, c’est qu’il a une vision cohérente de l’histoire et le sens du confort, et il sait faire en sorte que les deux fonctionnent ensemble. »

Un dialogue entre le

collectionneur et

son décorateur

Au cours des quatre décennies suivantes, Agostinelli et Grange ont conçu onze projets, de Londres à Palm Beach, en passant par Paris et Monaco. La prochaine étape, c’est Rome. « Jacques a décuplé mon instinct à évoluer, à prendre de l’ampleur, à toujours aller plus loin », confie Agostinelli. Grange, quant à lui, parle de confiance et du plaisir à travailler avec Robert : « C’est un jeu de collectionner, de chiner et de faire de la décoration d’intérieur pour lui. »

Le temps passe vite quand on les écoute discuter de la prochaine vente de la maison londonienne d’Agostinelli (comme bien d’autres, le copropriétaire du groupe Rhône quitte le Royaume-Uni). En effet, il est difficile de ne pas être happé par leur complicité et par leurs multiples aventures. L’architecte d’intérieur raconte d’hilarants récits de visites immobilières, sa rencontre avec des artistes devenus des amis, tels Claude et François-Xavier Lalanne ou Guy de Rougemont. Le collectionneur parle de sa découverte de l’univers de Christian Bérard, Jean-Michel Frank, Diego Giacometti, Gio Ponti et Bernard Boutet de Monvel. « C’est vrai que j’ai aidé Robert à développer son œil, mais il était déjà doté d’un goût très sûr », déclare Grange.

Robert, avant d’aborder votre relation avec Jacques, dites-nous quelques mots de votre carrière, qui a débuté chez Jacob Rothschild et qui vous a amené à côtoyer d’autres monstres sacrés de la finance.

Robert Agostinelli : Je suis passé de Jacob Rothschild à Goldman-Sachs, dirigé par Geoffrey Boisi et Steve Friedman, entre 1982 et 1987. Les gens de Goldman-Sachs étaient brillants ; presque tous sont devenus milliardaires. Puis j’ai rejoint Lazard

Frères avec Michel David-Weill et Antoine Bernheim, de 1987 à 1995. Ils formaient un groupe puissant : des hommes forts, complexes, coriaces. Je les vois comme de grands gorilles – c’est un compliment ! – qui créaient de la valeur.

La plupart étaient et sont encore de grands collectionneurs. Qui souhaitiez-vous devenir à l’époque ?

R. A. : En lisant un article de Cary Reich sur le géant de la finance André Meyer, je me suis dit que je voulais devenir comme lui. Meyer m’a sérieusement inspiré. Il travaillait chez Lazard Frères, il était dans le capitalinvestissement et collectionnait des œuvres d’art. Plus tard, Jackie Onassis, qui était devenue une amie, m’a comparé à lui.

Étiez-vous collectionneur quand vous étiez enfant ?

R. A. : J’avais une collection de cartes de base-ball. J’en avais 5 000, qui vaudraient probablement 10 millions de dollars aujourd’hui, si ma mère ne les avait pas jetées ! Je suis ensuite passé à des pièces du XVIII e siècle, que j’achetais chez des marchands à New York, puis j’ai investi dans de très bons vins français.

Jacques, comment avez-vous commencé avec Robert ?

Jacques Grange : J’ai élargi sa collection à des artistes plus contemporains, comme Christian Bérard, Jean-Michel Frank, Diego Giacometti et les Lalanne. L’idée était de les mêler aux classiques et de tisser un lien avec la modernité.

R. A. : En 1996, j’ai rencontré les Lalanne avec Jacques et Pierre Passebon dans leur atelier à Ury. Tout était là, disposé dans le jardin. C’est comme ça que j’ai acquis ma lampe Grue. À l’époque, les Lalanne étaient

en difficulté, mais Jacques croyait en eux. J’ai acheté une quinzaine de pièces ; j’avoue une petite préférence pour le travail de François-Xavier.

J. G. : Lorsque François-Xavier utilisait des animaux et des oiseaux, iI en faisait tout autre chose. Ces bureaux, cette cheminée, cette baignoire ou mon Bar aux autruches nous plongent dans un autre monde.

Parlons de ce paravent d’inspiration religieuse de Christian Bérard (1934), qui provient de l’appartement parisien d’Elsa Schiaparelli, rue Barbet-de-Jouy.

R. A. : J’aime ce paravent, parce qu’on l’imagine tout aussi bien dans la chapelle Sixtine que dans un décor du XXIe siècle. Chez moi, il est placé derrière la lampe Cygne de François-Xavier, près de la cheminée.

J. G. : J’ai rencontré Schiaparelli par l’intermédiaire de Marie-Laure de Noailles. Je me souviens d’un déjeuner, où j’étais assis à table entre elles. Tout d’un coup, MarieLaure a lancé : « Dis-moi, Elsa, comment s’appelait ton assistant qui couchait avec des Allemands ? » Schiaparelli l’a menacée de quitter la table, mais Marie-Laure lui a ordonné de s’asseoir !

Jacques, vous avez également connu Diego Giacometti.

J. G. : Oui, grâce à mon travail pour Henri Samuel. Giacometti était un homme charmant, mais il m’a fallu le talonner pour qu’il termine une balustrade pour Lina de Rothschild, la première épouse d’Edmond de Rothschild. Je lui disais : « M. Samuel s’impatiente », et Giacometti répondait : « Ça arrive, ça arrive ! » Je lui ai ensuite commandé une table pour Marie-Hélène de Rothschild. C’était un peu comme avec les Lalanne. La renommée de Diego a explosé lorsqu’il a réalisé des meubles pour le musée Picasso. Tout a changé. ←

Bernard Boutet de Monvel Cactus

Estimation :

50 000-70 000 €

Francois-Xavier Lalanne Lampe Grue lumineuse

Estimation :

100 000-150 000 €

Jacopo Tintoretto

Concert des Muses

Estimation :

300 000-500 000 €

Hiroshi Sugimoto

Sea of Japan, Hokkaido-Su.305

Estimation :

250 000-350 000 €

« Avec Jacques, tout est toujours question de sensation, de texture et de la manière dont tous les sens doivent être pris en compte. C’est pourquoi rien ne dérange jamais le regard dans les maisons qu’il crée. »

Robert, cette bibliothèque de Gio Ponti est incroyable, tout comme la table ronde et son plafonnier Zodiac

R. F. : La bibliothèque provient de la maison de Gio Ponti, elle est là grâce à Jacques et Pierre… Il y a environ vingt ans, Jacques m’a dit : « Ponti sera la prochaine grande valeur et nous allons vous procurer les meilleures pièces avant que quiconque ne l’ait compris. »

Aujourd’hui, on parle de Ponti par-ci, Ponti par-là mais, à l’époque, personne ne s’intéressait à lui.

N’est-ce pas exactement ce qui s’est passé lorsque vous êtes allé avec Jacques à la vente de Pierre Bergé chez Sotheby’s en 2018 ?

R. A. : Nous avons passé trois jours là-bas et tout le monde nous observait. Jacques avait constitué cette collection : il était capable de vite connaître la valeur de chaque pièce et sa signification. Les commissairespriseurs adoraient ça. Jacques sait fixer le prix d’une œuvre et me pousser : « Allez, allez, allez ! » Si je réponds : « Eh, attends une minute, c’est délirant ! », il me dira : « Tu me fais confiance ou pas ? » [Ils rient tous les deux.] Jacques a toujours raison. C’est comme ça que nous avons eu tous ces meubles Vittorio Bonacina qui venaient de la villa Mabrouka, à Tanger.

La paire de colonnes lumineuses d’Ernest Boiceau (1935) faisait partie de la même vente…

R. F. : Avant la vente, Jacques avait déjà décidé : « Nous allons les acheter, car elles seront parfaites pour la salle à manger à Londres. Et même si elles ne conviennent pas, elles sont trop extraordinaires pour les laisser passer. » Nous avons surenchéri sur tout le monde et Jacques avait vu juste. Il savait que ces colonnes en terre cuite, marbre et bois créeraient un parfait équilibre des lumières dans la salle à manger.

Jacques, vous êtes également réputé pour votre flair en matière d’appartements.

J. G. : Je sais reconnaître l’endroit parfait. À Palm Beach, Robert devait visiter quatre biens. Nous avons vu le premier, et j’ai dit : « Robert, partons sur-le-champ ! » Lors de la dernière visite, je lui ai dit : « Achète surle-champ ! »

R. A. : Notre agent immobilier, Christian J. Angle, est le numéro un aux États-Unis. Il ne savait pas qui était Jacques Grange et il a commencé à nous donner une multitude de conseils jusqu’à ce que Jacques lui dise : « Monsieur, occupez-vous de vos oignons ! » Christian Angle raconte encore cette anecdote autour de lui !

J. G. : Mais je ne me suis pas trompé, n’est-ce pas ? En plus, je te fais gagner du temps et de l’argent.

Le Cactus de Boutet de Monvel représente un sujet inhabituel chez le peintre… Il reste plutôt plus connu pour ses portraits.

J. G. : Je l’ai acheté à sa fille en 1998.

R. A. : Jacques pensait qu’il s’accorderait bien avec les panneaux de Federico Pallavacini. Avec Jacques, tout est toujours question de sensation, de texture et de la manière dont tous les sens doivent être pris en compte. C’est pourquoi rien ne dérange jamais le regard dans les maisons qu’il crée.

Robert, vous avez acquis Le Concert des Muses de Tintoret chez Sotheby’s à New York en 1993.

R. A. : Le tableau était en très mauvais état. Sa provenance remontait à la famille Guerlain. Je l’ai confié à Marco Grassi (1934-2025), le restaurateur attitré du Met. Huit mois plus tard, il m’appelle et me dit : « Venez immédiatement à l’atelier. » Grassi avait éliminé le vernis jauni : les couleurs explosaient, elles avaient retrouvé tout leur éclat.

Une fois réencadré, le Tintoret a été accroché en face du portrait de Sophia Loren (1963), dans la salle à manger.

R. A. : C’est comme ça que l’on procède avec Jacques Grange !

J. G. : C’est Pierre qui a trouvé Sophia. N’estelle pas incroyable ? Il s’agit en fait d’un panneau d’affichage du film [La Chute de l’Empire romain, d’Anthony Mann].

Robert, qu’est-ce qui vous a attiré dans Sea of Japan de Sugimoto ?

R. A. : La profondeur de sa manière est comparable à celle des maîtres anciens. La sensation de pureté est fascinante. J’ai rencontré Sugimoto et sa femme au Japon vers 2010. Je l’ai beaucoup apprécié, c’est un homme très étrange…

Dans la mesure où chaque objet raconte une histoire, il doit être délicat de les vendre.

R. A. : Quand vous vendez un objet, vous lui donnez une nouvelle vie. Cela fait partie de l’acte même de collectionner et du plaisir du collectionneur.

J. G. : On espère que ces objets, ces peintures, ces photographies apporteront autant de plaisir à l’acheteur que nous en avons éprouvé quand nous les avons nousmêmes acquis. ○

Propos recueillis par Natasha A. Fraser, écrivain, journaliste et expert du monde du luxe. Auteur de Sam Spiegel, Monsieur Dior, Loulou de La Falaise et de deux livres de souvenirs : After Andy: Adventures in Warhol Land et Harold! Ma jeunesse avec Harold Pinter. Co-productrice des documentaires : Inside Dior et The Mysterious Mr. Lagerfeld

Diego Giacometti

Table basse aux bouquetins, le modèle créé vers 1955

Estimation :

200 000-300 000 €

Christian Bérard Paravent à trois feuilles

La Vierge Marie et ses deux pages, commande spéciale, 1934

Estimation :

150 000-200 000 €

P R OUST

DÉCOUVERTE D’UNE ARCHIVE

INÉDITE

POUR LA B n F

C’est une découverte unique dans la vie d’un expert : des manuscrits de son auteur fétiche, comme il n’aurait jamais osé rêver d’en avoir entre les mains !

DLongue et impressionnante paperole manuscrite (75 cm) sur le sommeil d’Albertine dans La Prisonnière, détachée d’un cahier figurant dans le fonds Proust de la BnF (1916-1922)

epuis les ventes des collections de la famille Proust, en 2016 et 2018, nous pensions que ces ensembles étaient les seuls survivants de l’immense archive que Suzy Mante-Proust, nièce de l’écrivain, avait cédée à la Bibliothèque nationale de France en 1962. Je n’espérais jamais plus revoir un autre fonds Marcel Proust de cette ampleur sur le marché, jusqu’à ce qu’un jour les descendants de l’écrivain m’invitent, avec Anne Heilbronn, à examiner d’autres documents. Ce fut un jour inoubliable.

Contacts :

Pour faire un don, rendez-vous sur le site www.bnf.fr/fr/soutenez-la-bnf

Benoît Puttemans 01 53 05 52 66 BnF 01 53 79 46 60 ou proust@bnf.fr

Sur un bureau, des boîtes d’archives ; dans ces boîtes, au fur et à mesure que je les ouvrais, se révélait un trésor inespéré : une invraisemblable quantité de manuscrits de Marcel Proust, jamais étudiée. Lettres, brouillons de la Recherche et de Jean Santeuil, paperoles, articles de presse, travaux scolaires, dessins, pastiches, traductions de Ruskin et préfaces : toutes les facettes de l’œuvre de Proust étaient réunies dans ces boîtes.

Stupeur ! Émerveillement ! Quel privilège : j’étais l’un des premiers à parcourir ces pages totalement inconnues. Un siècle après la mort de Proust, après tant de colloques et d’éditions définitives qui lui avaient été consacrés, et alors qu’on pensait presque tout en connaître, surgissait une immense terra incognita. L’exploration de ce nouveau et vaste continent littéraire prit des mois : avec ma complice Nathalie Mauriac, il fallut identifier chaque fragment, trouver le destinataire d’une lettre, reconnaître le passage de la Recherche que tel brouillon préfigurait. Un petit fragment peu lisible se révélait être un morceau détaché d’une autre page rangée plus loin ; le bord effrangé d’une paperole, longue comme le bras témoignait de son origine, un épais cahier aujourd’hui conservé à la BnF. Dans une ébauche, la célèbre madeleine n’était encore que pain rassis, avant de se transfigurer en biscotte dans une autre version. De nombreuses lettres se révélèrent inédites, Proust ayant tout simplement décidé de ne pas les envoyer – elles devenaient parfois le support de brouillons du roman. À côté de manuscrits de plusieurs pages, d’autres avaient la taille d’un timbre-poste, témoin d’une méthode de travail très particulière, le copier-coller que l’écrivain pratiquait en découpant dans certains de ses manuscrits un passage qui lui plaisait pour le réemployer dans une nouvelle version.

L’inventaire achevé, une évidence s’imposa : il fallait conserver cet ensemble cohérent et qu’il rejoigne les autres manuscrits du fonds Proust de la BnF qu’il complète si parfaitement. Convaincre les conservateurs fut chose aisée : l’enthousiasme des équipes de la BnF n’eut d’égal que le mien. Le fonds fut rapidement classé « œuvre d’intérêt patrimonial majeur », classement reconnaissant son importance et la nécessité de le faire entrer dans les collections nationales.

Sotheby’s est honoré d’avoir accompagné la famille Proust dans cette découverte et aujourd’hui de promouvoir cette acquisition, afin que le fonds Marcel Proust de la BnF demeure le plus important au monde.

Faites un don à la BnF pour que cet ensemble entre dans les collections publiques ! ○

Benoît Puttemans

Spécialiste, Livres et Manuscrits

« Important Design »

Les deux passions de Pierre Hardy – la danse et le dessin – l’ont conduit vers l’univers de la création, où il a signé des collections de chaussures pour des maisons prestigieuses, Christian Dior, Hermès et Balenciaga. En 1999, il fonde sa propre marque d’accessoires qui porte son nom, où il explore son langage esthétique, à la croisée de l’architecture, du mouvement et de la couleur. Aujourd’hui, il occupe également le poste de directeur de la création pour les chaussures et la bijouterie chez Hermès.

Cette saison, Sotheby’s l’invite à porter son regard sur les arts décoratifs et lui confie la curation de la vente « Important Design » à Paris. À travers une sélection d’œuvres du XXe et XXIe siècles, Pierre Hardy orchestre un dialogue entre design, sculpture et mode, soulignant les résonances entre fonctionnalité et poésie des formes. Sa vision propose un parcours où chaque pièce recèle une tension entre discipline et liberté, à l’image de son propre processus créatif.

À quoi ressemblait votre enfance ?

J’ai été élevé par mes deux grand-mères –l’une habitait près de Montmartre, l’autre sur le boulevard Raspail –, car mes parents, qui étaient professeurs d’éducation physique et de danse, travaillaient beaucoup. Je suis très parisien, depuis toujours. J’avais une tante qui était peintre, mais personne d’autre dans ma famille ne se préoccupait d’art ou collectionnait. Je dessine depuis que je suis tout petit. Et j’ai passé une agrégation en arts plastiques. Mon seul but dans la vie était de peindre et de dessiner.

Comment avez-vous commencé à travailler dans la mode ?

PROPOS RECUEILLIS PAR

Comme beaucoup de choses dans la vie, par habitude et par plaisir ! J’avais des amis dans la mode, donc je les ai aidés à faire leurs

(Double page précédente, de gauche à droite)

Ronan et Erwan Bouroullec Suspension Lianes 15+, 2010

Estimation : 70 000-100 000 €

La résidence parisienne, avec l’œuvre de Daniel Arsham

Le portrait de Pierre Hardy par Rory van Millingen

La résidence new-yorkaise, avec l’œuvre de Robert Longo ↑

La résidence parisienne, avec les photographies de Peter Hujar

Richard Peduzzi

Table basse en marqueterie de paille teintée et tapis en laine

L’Éveil du printemps, 2024

Estimations :

4 000-6 000 € (tapis)

12 000-15 000 € (table)

dossiers. Je suis entré dans ce monde en faisant des illustrations pour des magazines. C’était un peu comme un jeu et cette légèreté m’a donné beaucoup de liberté. Ensuite, j’ai commencé à créer des collections pour de petites marques avant de réaliser les collections de chaussures chez Dior.

Vous avez dit de vos débuts chez Hermès que vous aviez montré quelle serait la chaussure de vos rêves si vous deviez dessiner la collection. À quoi ça ressemblait ?

Il y avait une dizaine de dessins très épurés, très simples. Je cherchais à traduire l’identité et les codes de cette maison dans une chaussure, qui est un tout petit objet, un petit espace. J’avais utilisé une citation d’Hermès Trismégiste, le fameux clou de selle et d’autres éléments qui font partie du vocabulaire de la marque.

Vous avez collaboré avec Nicolas Ghesquière quand il était directeur artistique chez Balenciaga.

À l’époque, on ne se rendait pas compte mais, dix ou quinze ans plus tard, on se dit que c’était un moment incroyable de la mode. On travaillait de la manière la plus forte, la plus efficace et la plus novatrice possible. C’était une expérience extraordinaire de collaborer avec le meilleur designer du moment, d’être porté par des idées que je n’aurais jamais trouvées tout seul. Pour lui, la chaussure était aussi importante que le vêtement, car elle définit toute la silhouette.

Pourquoi avoir fondé votre propre marque en 1999 au moment où vous travailliez chez Hermès et chez Balenciaga ?

Et de quelle manière l’art, le design et l’architecture vous inspirent-ils pour créer vos collections ?

Je m’apercevais que j’avais beaucoup d’envies et d’idées qui ne correspondaient ni à Hermès ni à Balenciaga et qu’il serait bien de créer un espace pour les exprimer. Le vocabulaire formel qui m’intéresse, c’est l’abstraction, la modernité, le minimalisme, une certaine radicalité. Ce que je cherche dans mes collections, c’est une sophistication, une féminité et une séduction. Je ne sais pas si je suis inspiré par le design et l’architecture mais c’est un univers dont je me sens proche. Comme l’architecture imagine des boîtes dans lesquelles on habite, les chaussures sont des boîtes pour le corps. J’essaie de retrouver cette simplicité et quelque chose de structurel dans l’objet. Le Corbusier disait

« Le Corbusier disait qu’une maison devrait être une machine à habiter. On pourrait dire que la chaussure devrait être une machine à marcher. »

qu’une maison devrait être une machine à habiter. On pourrait dire que la chaussure devrait être une machine à marcher.

Le dessin de la série Men in the Cities par Robert Longo, sur le mur de votre salon à New York, évoque l’influence de votre passion pour la danse sur votre choix de certaines œuvres… Je l’ai acheté il y a dix ans chez Sotheby’s, à New York. Robert Longo est un génie du dessin. C’est époustouflant, magistral ; il crée des dessins grand format, juste à la mine de plomb, traitant de sujets modernes avec une technique hyper classique qui fait penser à la Renaissance et au XVIIe siècle.

Quelles sont les premières œuvres que vous avez achetées ?

Des objets design, très modernes, comme les chaises de Robert Wilson, une console de Shiro Kuramata et les lampes de Tobia Scarpa en marbre. Ainsi que des photos de Cindy Sherman en noir et blanc, de petits formats de sa série Bus Riders, où elle joue la femme dans le bus ou le garçon qui attend sur une chaise. Je les ai achetées à New York et je les ai toujours, dans mon appartement parisien.

Comment définiriez-vous votre goût ? Ma collection est toujours assez radicale et minimaliste, même dans les formes d’expression. D’abord, je suis un très mauvais collectionneur car je n’ai pas d’obsession. J’ai des goûts assez éclectiques. Ce que j’aime, c’est trouver une certaine esthétique dans plusieurs choses différentes. Aujourd’hui, j’habite à New York – dans un immeuble des années 1920 que j’ai fait refaire comme une white box – et autour de moi il y a des éléments très figuratifs, d’autres plus abstraits et des œuvres murales. Ici, j’ai une pièce de Donald Judd que j’ai achetée il y a très longtemps. Je trouve que cette radicalité raconte bien tout le XXe siècle, la recherche d’une nouvelle esthétique et d’une nouvelle sensibilité, non pas par embellissement des détails mais par l’équilibre des pleins, des vides, la matière et la forme. En design, Ettore Sottsass est un des maîtres pour moi. J’ai plusieurs pièces uniques, tels ses cubes monochromes en aluminium poli. Ce n’est pas le Sottsass ludique ou décoratif de Memphis. À New York, j’ai aussi une grande photo de Paul Mpagi Sepuya, un photographe qui fait des autoportraits dans son studio et les retravaille par découpes.

Votre appartement sur l’île Saint-Louis est décoré par l’architecte italien Vincenzo De Cotiis. Racontez-nous cette histoire.

Je me suis marié il y a dix ans avec un Américain qui venait de s’installer à Paris. On voulait une maison qui serait la nôtre. Il se trouve que je connais la femme de Vincenzo, qui m’a dit qu’ils étaient à Paris pour deux jours. On venait d’acheter l’appartement ; ils sont venus et nous sommes tout de suite devenus amis. C’est un immeuble classé du XVIIe siècle avec des plafonds peints par les frères Boullogne. La problématique était d’accompagner ces plafonds de façon contemporaine. Vincenzo a eu l’intelligence de ne pas s’approprier l’espace de façon trop violente. Il a joué avec les volumes et l’architecture existante pour créer le podium, le canapé, le lit, les tables et la cuisine avec des matériaux comme la pierre, la résine et le métal. J’aime ce mélange entre le brut et le minimal, le radical et le baroque.

Quelles œuvres peut-on découvrir à l’intérieur ?

J’ai un grand tableau de Liz Deschenes, une artiste américaine, et de grandes photos de Robert Longo. Ce sont les portraits préparatoires de Cindy Sherman et d’un

Pierre Paulin

Face-à-face et Dos-à-dos, les modèles créés en 1967

Estimation : 15 000-20 000 € (chaque)

autre copain à New York, qu’il faisait pour ses dessins et qui parlent de danse. J’ai aussi une photo en noir et blanc d’Irving Penn –une de mes idoles – très abstraite, avec des cubes. Dans la chambre, il y a deux très belles peintures des cubes de Sol LeWitt sur un mur. Sur un autre, il y a quatre autoportraits, nus, de Peter Hujar en noir et blanc réalisés durant une master class de Richard Avedon dans son atelier. Ils sont très émouvants et sensuels, mais c’est à la fois très brut. On voit juste un mur, le sol, et Peter Hujar qui danse comme un faune.

Quelle est votre dernière acquisition ?

Une toile de Jean Degottex, un artiste français que j’aime depuis mon adolescence. Je l’ai achetée chez Sotheby’s. C’est comme un amour d’enfance, j’étais très content de trouver cette toile des années 1960. Elle est dans mon appartement parisien. Récemment, j’ai aussi acquis une sculpture de Bourdelle. Je trouve que le musée Bourdelle est un des plus beaux musées de Paris. Je n’aurais jamais pensé pouvoir un jour acquérir un bronze de ce sculpteur.

Quand vous achetez une œuvre, savezvous où vous allez la mettre ?

Non, pas du tout. Les dialogues entre les œuvres se créent de manière organique. Par ↘

« Être séduit par une image, c’est comme être séduit par quelqu’un. On sait tout de suite si on va l’aimer profondément, parce qu’elle fait appel à des choses inconscientes qui touchent des points très sensibles. »

exemple, j’ai deux photos noir et blanc de Robert Mapplethorpe. L’une est un rocher dans l’eau à Stromboli, en Sicile ; l’autre est une jambe, le détail d’une statue antique en bronze photographiée à Naples. J’ai acheté la première il y a dix ans, l’autre cinq ans plus tard. Je ne pensais pas qu’elles se rencontreraient mais toutes deux, placées côte à côte, parlent de la Méditerranée, de manière très austère, comme un film de Rossellini. Être séduit par une image, c’est comme être séduit par quelqu’un. On sait tout de suite si on va l’aimer profondément, parce qu’elle fait appel à des choses inconscientes qui touchent des points très sensibles.

Vous êtes un collectionneur passionnel, émotionnel ?

Complètement. Je ne pense jamais à la spéculation. Je n’ai jamais revendu une œuvre. Il y a très longtemps, j’ai acheté un grand dessin de Daniel Arsham, Eyes (2010) – une tête avec deux cubes à la place des yeux. Maintenant, je ne le veux plus chez moi, mais je l’ai accroché dans ma boutique de la rue Saint-Honoré et il est très bien là-bas.

De quel artiste rêvez-vous d’acheter une œuvre ?

Ellsworth Kelly ! C’est magistral comme il arrive à créer avec très peu de moyens, par ses

grands aplats découpés, autant de résonance et d’émotion : deux couleurs et des géométries très simples. Je pense qu’on peut regarder ses tableaux infiniment ; ça devient comme une méditation. Je donnerais ma vie pour avoir un Kelly ! J’aime tout, même des photos de lui sur les toits de New York avec ses copains dans les années 1950. Ses dessins de plantes sont absolument sublimes. J’adorerais aussi un jour acheter une œuvre antique en bronze ou en marbre, mais elles sont d’une telle rareté et au-delà de mes capacités financières. ○

Propos recueillis par Anna Sansom, journaliste et correspondante pour The Art Newspaper, The Design Edit et Artnet

↑ LE MANUSCRIT À PEINTURES

LE PLUS CÉLÈBRE DU MONDE, QUALIFIÉ PAR CERTAINS DE « JOCONDE » DES MANUSCRITS

Si vous avez manqué l’exposition au château de Chantilly, le catalogue vaut à lui seul le détour. Magnifiquement illustré, il résulte d’un travail collectif scientifique impressionnant et offre une plongée dans les collections du duc de Berry, rassemblées sur dix ans. Il propose un regard neuf sur les douze pages du célèbre calendrier, présentées pour la première fois ensemble lors de l’exposition. De janvier à décembre, ces images révèlent le travail éblouissant des frères de Limbourg pour leur mécène, le duc de Berry.

Les Très Riches Heures du duc de Berry. Catalogue dirigé par M. Deldicque, In Fine, 2025

↑ YVES SAINT LAURENT

PAR LA PHOTOGRAPHIE :

UN REGARD INTIME

Ce livre rassemble 145 photographies illustrant la vie du couturier : portraits signés Penn, Newton, Avedon, Leibovitz, ainsi que des polaroïds pris par Yves Saint Laurent lui-même pour référencer ses robes. On y croise Pierre Bergé, Catherine Deneuve, Loulou de La Falaise et Betty Catroux. Au-delà des images célèbres, des archives inédites du musée dévoilent une histoire croisée de la mode et de la photographie, brossant le portrait d’un artiste hypersensible, attachant et incroyablement talentueux. Yves Saint Laurent et la photographie. Dirigé par E. Janssen, préface de Madison Cox, Phaidon / Musée

Yves Saint Laurent, 2025

POUR CRÉER DES VOCATIONS

D’ARTISTE DÈS 18 MOIS

Les livres pour enfants sur Matisse sont nombreux. Dès 12 mois, Coucou, c’est Matisse invite à soulever des caches en feutrine pour découvrir l’univers de Matisse. Pour les plus de 5 ans, Mes Docs Art : Henri Matisse retrace sa vie de façon ludique, tandis que Matisse : Pourquoi t’es connu ? le laisse se raconter. Procurez-vous ces ouvrages et filez au musée : qui sait, un futur Matisse peut naître ! Coucou, c’est Matisse, S. Andrews & V. Petit, Palette, 2025 – Henri Matisse. Mes Docs Art, S. Barthère & A. K. Moghaddam, Milan, 2024 – Matisse. Pourquoi t’es connu ? V. Brocvielle, Grand Palais Rmn, 2025

→ DANTE EN IMAGES :

UN AUTRE REGARD

Dès l’origine, Dante fascine par la force de ses images et la beauté de son texte. Jamais un poète n’a su rendre aussi vivants, par les mots, les souffrances, les paysages, les figures et les lumières qui hantent son œuvre. Cette puissance visuelle a inspiré les artistes de tous temps. Ce livre d’art s’inscrit dans cette continuité, offrant au lecteur, à travers 280 illustrations, une expérience sensible et intime, bien au-delà d’un simple album ou d’un commentaire académique. La Divine Comédie. L’Univers de Dante, Daniel Thierry, Gourcuff Gradenigo, 2025

ESSAIS ROMANS BEAUX LIV R ES

PORTRAIT D’UNE OUBLIÉE

Après ses monographies sur Marguerite Gérard, Marie-Victoire Lemoine et JeanneÉlisabeth Chaudet, Carole Blumenfeld rend justice à Adèle de Romance, portraitiste aussi talentueuse que méconnue. Fruit de longues recherches en archives, ce bel ouvrage illustré éclaire un pan oublié de la scène parisienne, durant l’une des périodes les plus troublées de l’histoire. L’essai, qui se lit comme un roman, révèle aussi une trajectoire familiale hors norme au sein d’un cercle amical remarquable.

Adèle de Romance, dite Romany (1769–1846), Carole Blumenfeld, Silvana Editoriale, 2025

→ SAGAN, FACE B

On connaît surtout Françoise Sagan pour ses romans. Mais saviez-vous qu’elle a aussi écrit des chansons ? Tout commence avec Michel Magne, jeune musicien séduit par Bonjour tristesse, qui lui propose d’écrire des paroles. Leur rencontre est un coup de foudre : lui compose, elle trouve les mots. Gréco, Montand, Dalida, Mouloudji, Johnny les interprètent. Vingt-trois chansons, dix brouillons et inédits révèlent ici une histoire méconnue, qui plaira autant aux amateurs de musique qu’aux lecteurs de Sagan.

Françoise Sagan. Sans un regret. L’intégrale des paroles, avant-propos de Denis Westhoff, texte de Sophie Delassein, éditions Seghers, 2025

↑ LA HAUTE COUTURE

CHEZ CHANEL : BRILLANTE ET ÉBLOUISSANTE

Sous la direction de Sofia Coppola, ce livre à la couverture miroir plonge au cœur de l’univers Chanel. Plus de 400 illustrations, essentiellement des photos, mêlent croquis, portraits et silhouettes, de 1915 à nos jours. On y croise Marilyn, Romy ou Grace de Monaco. Des ateliers aux défilés, en passant par les pages des magazines, les robes se révèlent, dans toute leur élégance et éclat. Haute Couture, edited by Sofia Coppola, a project conceived with the support of Chanel / Important Flowers, 2025

AMOURS ÉPISTOLAIRES

Ce livre-objet au design épuré, entouré d’un élastique rose, réunit vingt et une lettres d’amour en anglais, de Sid Vicious à Mozart, d’Oscar Wilde à Alfred Douglas, de Rimbaud à Verlaine, de Bonnie Parker à Clyde Barrow. Chaque lettre est glissée dans une enveloppe individuelle. L’originalité : une feuille blanche à remplir et à glisser dans une enveloppe restée muette, à joindre au livre que vous offrirez à la personne de votre cœur. À vos plumes !

Love Letters, imagined, designed and curated by A. Vaccarello, Saint Laurent éditions, 2025

RELIGARE : LA RELIURE

SOUS UN JOUR NOUVEAU

Et si la reliure racontait autant que le texte, en reflétant l’évolution des goûts du XVe siècle à nos jours ? Religare propose une approche vivante, illustrée et accessible. Cet ouvrage relie passé et présent, et son second volume actualise et complète le célèbre dictionnaire de Fléty, publié il y a près de 40 ans. Un livre pour porter un autre regard sur la reliure, parfait pour enrichir votre collection. Bibliophiles, ne manquez pas le tirage de tête, limité à 80 exemplaires : un vrai trésor à acquérir ! Religare, Mirabelle-Louise Biheng Martinon et Julien Fléty, MP Éditions, 2025

LA PIÈCE DE CHARITÉ DES HOSPICES DE BEAUNE  L’

EXCELLENCE

VITICOLE AU SERVICE DES GRANDES CAUSES

Point d’orgue de l’événement caritatif des Hospices de Beaune, la vente de la pièce de charité soutient chaque année une cause de santé publique portée par des associations triées sur le volet. À l’occasion de la 165e édition de la vente aux enchères des Hospices de Beaune, c’est au profit du handicap et des technologies intelligentes que se perpétue l’engagement solidaire de l’institution hospitalière. Un temps fort qui marque l’aboutissement d’une création viticole toujours unique.

Chaque année, le troisième dimanche de novembre, se tient la plus célèbre vente de charité au monde. La vente aux enchères des Hospices de Beaune, qui s’apprête à célébrer sa 165e édition en 2025, rassemble des acheteurs et des passionnés des quatre coins de la planète. Sous la houlette des Hospices civils de Beaune, qui comprennent à la fois une institution hospitalière, l’Institut de formation paramédicale, le patrimoine emblématique de la Bourgogne, l’hôtel-Dieu, ainsi qu’un domaine viticole de 60 hectares sur les meilleures appellations de Bourgogne, l’événement caritatif allie tradition viticole et mission hospitalière. Clou du rendez-vous annuel, la vente de la pièce de charité, également appelée pièce des Présidents, scelle un engagement solidaire. Les parrains et marraines des associations bénéficiaires de sa vente, vedettes et personnalités influentes, orchestrent les enchères. « La vente des vins du domaine viticole des Hospices de Beaune est avant tout une œuvre de charité car le vignoble appartient à un hôpital public : les Hospices civils de Beaune. L’intégralité des fonds de la vente est donc reversée à l’hôpital pour lui permettre d’investir dans ses infrastructures immobilières et matérielles. À l’exception des fonds récoltés pour la vente de la pièce de charité qui fêtera ses 50 ans en 2028. L’objectif est de faire bénéficier des associations d’une petite partie de la vente de charité au travers d’une pièce unique qui valorise une cuvée d’exception vinifiée pour l’occasion », commence Guillaume Koch, le directeur général des Hospices civils de Beaune.

Des causes sanitaires au cœur de l’actualité

Depuis quelques années, la vente de la pièce de charité est en lien direct avec la santé et l’hôpital, ses missions de service public, de soin et de prévention. « Le choix des associations bénéficiaires suit une logique d’actualité de la santé nationale. La thématique est validée par l’hôpital avec Alain Suguenot, le maire de Beaune et président de notre conseil de surveillance », décrit Guillaume Koch. Après avoir soutenu l’approche One Health « Une seule santé », pour la prévention et la lutte contre les maladies, en 2024, les fonds récoltés pour la pièce de charité 2025 seront mis au service du handicap et des technologies intelligentes. Un choix qui se justifie notamment par la célébration des vingt ans de la loi Handicap. Mais cette orientation

reflète aussi l’engagement des Hospices civils de Beaune qui ont signé la charte Romain Jacob en début d’année. « Seront notamment mises à l’honneur les technologies destinées à améliorer la mobilité, l’autonomie et donc l’inclusion des personnes en situation de handicap », souligne Guillaume Koch. « Nous sommes un petit hôpital, avec peu de programmes de recherche et cet engagement nous permet, à notre échelle, de participer à ces projets », ajoute-t-il.

L’excellence viticole au service de la cause

Pour Ludivine Griveau, la régisseuse du domaine viticole des Hospices de Beaune, la pièce de charité représente un défi vigneron à chaque édition : « Ce qui guide l’ensemble des décisions techniques et œnologiques, c’est l’envie de faire de cette pièce de 228 litres un lot unique qui la différencie de toutes les autres. Car c’est une vente dans la vente, de la charité au sein de la charité. » Cette quête de singularité guide les choix de la régisseuse, du processus de vinification jusqu’à la conception du contenant. « Selon la récolte du millésime, le choix du vin – peu importe s’il s’agit d’un Grand Cru ou non –résulte d’un coup de cœur qualitatif. Que ce soit un Beaune 1er Cru, comme en 2024, ou un Mazis-Chambertin Grand Cru comme en 2023, il faut que les planètes s’alignent et que les jus répondent à nos attentes qualitatives pour trancher sur le contenu de la barrique », ajoute-t-elle.

Aventure humaine, défi viticole hors du commun, la conception de la pièce de charité mobilise la créativité des équipes, leur intuition et nécessite une veille technique. « Il y a quelques éditions en arrière, par exemple, nous avions décidé avec la Tonnellerie Cadus, de nouer un partenariat avec le parc forestier du Domaine de Chambord pour la conception d’un fût en bois rare qui a nécessité 36 mois de séchage. C’est ce contenant qui a constitué la pièce de charité en 2020. Il arrive également que nous tentions des modes de vinification un peu particuliers, comme la vinification intégrale en fût fermé. Pour la vente de charité 2025, c’est d’ailleurs un processus complexe d’élaboration du vin qui va mobiliser tous nos efforts », poursuit Ludivine Griveau.

« C’est la cause et les associations qui sont en première ligne le jour J »

Dans une vente aux enchères qui écoule 600 pièces à chaque édition, la seule pièce de charité cristallise toute l’attention.

Véritable électron libre au sein de l’événement, elle convoque également la sagesse philosophique des vignerons. « Nous savons que c’est davantage la cause et les associations qui sont en première ligne le jour J lors de cette vente très spéciale. Cela ne change, bien évidemment, absolument rien au soin que nous apportons au vin qui est toujours un Grand Cru ou un très joli Premier Cru. Mais le vin s’éclipse au profit de la charité qu’il soutient et des parrains qui en font la promotion », précise Ludivine Griveau.

Des causes qui parlent, des parrains renommés

Garants du succès de l’événement, les parrains et marraines des associations sont des ambassadeurs clés. « Lors du dépôt des candidatures, on regarde aussi qui sont les parrains et marraines de ces associations qui deviennent, de fait, les présidents de la vente », explique Guillaume Koch. En 2024, comme les années précédentes, cette stratégie a porté ses fruits avec un plateau d’exception : Jean Reno, Zabou Breitman, Dominic West et Eva Longoria ont parrainé la vente d’un prestigieux Beaune 1er Cru « Les Bressandes » au profit de Médecins sans frontières et de la Global Gift Foundation, soutenant le concept One Health « Une seule santé ». Ils sont parvenus à faire grimper les enchères jusqu’à récolter le montant de 360 000 euros donné aux associations. C’est pourquoi la vente de la pièce de charité génère une telle effervescence dans les halles, où « tout le monde veut être devant pour voir les célébrités animer la vente », raconte Guillaume Koch. Un engouement qui peut déclencher des records : en 2022, la pièce de charité a été adjugée à 810 000 euros, établissant un nouveau record et dépassant légèrement le prix de 2021. « Le millésime 2025, qui s’annonce avec des conditions favorables, laisse présager un nouveau succès pour cette vente de charité », conclut Ludivine Griveau. ○

Par

Romy Ducoulombier est journaliste spécialisée dans le vin et la gastronomie. Elle collabore avec divers médias en abordant toutes les facettes de l’univers viticole : environnement, consommation, actualité, portrait des artisans du vin... Elle met également son expertise au service de la rédaction en chef de magazines et a publié plusieurs ouvrages en lien avec sa spécialité.

« L’intégralité des fonds de la vente est reversée à l’hôpital pour lui permettre d’investir dans ses infrastructures immobilières et matérielles. »
Hôtel-Dieu des Hospices de Beaune
Dominic West, Eva Longoria, Zabou Breitman et Jean Reno président la vente de la Pièce de Charité lors de la 164e vente des vins des Hospices de Beaune
Palais Garnier : un anniversaire sous le signe de la création !

L’Opéra de Paris invite douze artistes contemporains à investir le palais Garnier pour une année de résidence exceptionnelle. Sous la fresque lumineuse de Marc Chagall et au rythme des répétitions, ils ont exploré les coulisses, rencontré les artistes qui peuplent l’Opéra, capté l’âme des lieux. Entre fascination, émerveillement et rencontres inoubliables, leurs créations inédites témoignent d’un dialogue vibrant entre patrimoine et art contemporain.

Ces douze œuvres seront dévoilées au public avant d’être mises aux enchères par Sotheby’s en juin 2026, sur la scène du palais Garnier, aux bénéfices des activités de l’Opéra national de Paris. Dans cet article, nous révélons en avant-première trois artistes du Projet 12 : Dhewadi Hadjab, GaHee Park et Emma Webster. Immersion au cœur d’un Opéra transformé, le temps d’une résidence, en un formidable terrain d’expérimentation et d’émotion.

© Vincent
Desailly

Dhewadi Hadjab

RÉSIDENCE : JANVIER 2025

Quelle a été votre première impression du palais Garnier ?

C’était fascinant de découvrir l’histoire du bâtiment dans ses moindres détails et de réaliser qu’à chaque recoin sommeillent des récits. C’est un musée déguisé en opéra, un lieu qui respire la mémoire.

À quels matériaux, lumières, sensations et odeurs associez-vous le palais Garnier ?

Le son des pas des danseurs sur un sol poudré d’or.

Quels sont les éléments de l’Opéra de Paris qui résonnent avec votre vision artistique ?

Les ateliers, les sous-sols, les mains qui fabriquent les rêves. Il y a une beauté dans le geste si technique soit-il, dans le travail silencieux. Cette idée du corps au travail, des répétitions des danseurs, s’accorde parfaitement avec ma démarche artistique. Durant votre résidence, qu’est-ce qui a le plus nourri votre création ? Un lieu, une rencontre, une atmosphère ?

C’est un tout : le lieu, les lumières, les spectacles. Mais s’il faut désigner un moment clé, ce serait ma rencontre avec Ludmila Pagliero. Elle incarne l’intensité, la générosité, une présence puissante. Son histoire, son adieu à la scène, il y avait là quelque chose d’immédiat, d’irréfutable.

Qu’avez-vous retenu des spectacles auxquels vous avez assisté ?

La force des corps en mouvement, la précision de chaque geste, les éclairages, et cette sensation unique d’être bouleversé, presque transformé. Certaines pièces m’ont frappé par leur tension et leur beauté visuelle, d’autres pour ce qu’elles ont réveillé en moi de plus intime. Si vous deviez résumer votre résidence en un mot, lequel serait-ce ? Fortune. La fortune d’avoir été accueilli dans un lieu légendaire, de pouvoir créer librement, de vivre des rencontres marquantes. Un moment rare et précieux qui m’accompagnera toujours.

GaHee Park

PERROTIN

RÉSIDENCE : AVRIL 2025

Quelle a été votre première impression du palais Garnier ?

J’ai été submergée par l’opulence du lieu et son aspect labyrinthique. À quels matériaux, lumières, sensations et odeurs associez-vous le palais Garnier ?

Quand je pense à l’Opéra Garnier, je pense à la lumière qui éclaire le plafond peint par Marc Chagall.

Quels sont les éléments de l’Opéra de Paris qui résonnent avec votre vision artistique ?

Pendant la résidence, je réfléchissais aux similitudes entre la scène de théâtre et la toile en peinture. Les matériaux et l’échelle diffèrent, mais il y a des parallèles dans l’usage des couleurs, des mouvements, des effets qui influencent le regard. J’utilise beaucoup de rideaux et de drapés dans mes œuvres, et voir l’échelle monumentale des rideaux de scène a nourri ma réflexion sur l’espace psychologique qu’ils créent.

Durant votre résidence, qu’est-ce qui a le plus nourri votre création ? Un lieu, une rencontre, une atmosphère ?

J’ai été particulièrement inspirée par la visite des ateliers de peinture et de sculpture, cette plongée dans les coulisses de l’Opéra Bastille. Qu’avez-vous retenu des spectacles auxquels vous avez assisté ?

Le ballet La Belle au bois dormant m’a profondément marquée. Avant le spectacle, l’équipe de l’Opéra m’a permis d’assister aux répétitions, et j’ai eu l’opportunité d’échanger avec l’étoile Sae Eun Park sur sa pratique. Observer et écouter l’intensité de leur travail en amont, puis découvrir la magie du spectacle, cette illusion qui vous emporte loin du réel, m’a profondément impressionnée. Ce contraste entre le dévouement intense en coulisses et la pure joie transmise au public m’a touchée.

Si vous deviez résumer votre résidence en un mot, lequel serait-ce ? Magique.

Portraits : © Julien Benhamou

Emma Webster

PERROTIN

RÉSIDENCE : MAI 2025

Quelle a été votre première impression du palais Garnier ?

Ma première impression fut celle d’une complexité décadente de marbres, un collage de teintes et de textures, chef-d’œuvre d’ornementation sans égal. Le palais Garnier semble s’enivrer de voyeurisme à tous les niveaux. C’est un temple de la contemplation, mais il ne s’agit pas seulement de regarder la scène : on observe à travers des arches, des cadres dorés, des escaliers, jusqu’aux spectateurs eux-mêmes.

À quels matériaux, lumières, sensations et odeurs associez-vous le palais Garnier ?

Je l’associe à la lumière scintillante et à l’or du théâtre. Conçu pour être éclairé au gaz, je l’imagine baigné de petites flammes chaudes, se reflétant et résonnant dans l’entrée majestueuse. Le feu n’est jamais loin au palais Garnier, jusque dans ses systèmes innovants de sécurité incendie et le réservoir souterrain, révolutionnaires pour l’époque. Quels sont les éléments de l’Opéra de Paris qui résonnent avec votre vision artistique ?

La magie ! Les accessoires, les décors, les costumes de l’Opéra de Paris se conjuguent pour matérialiser une vision symphonique.

La scène nous transporte ailleurs, tout en nous ancrant dans ce monument historique somptueux.

Durant votre résidence, qu’est-ce qui a le plus nourri votre création ? Un lieu, une rencontre, une atmosphère ?

J’ai été profondément marquée en observant Manuel Legris diriger les répétitions

avec les danseurs principaux pour Sylvia Voir son génie s’exprimer dans le moindre geste, décomposer un mouvement complexe en éléments simples, révélait une acuité que je n’aurais jamais imaginée. Ce travail de raffinement était à mille lieues de ce que je connais dans l’atelier de peinture.

Qu’avez-vous retenu des spectacles auxquels vous avez assisté ?

J’ai eu la chance d’assister à plusieurs opéras et ballets. De Sylvia, j’ai tiré une immense admiration pour la beauté et le souci du détail. Tout s’y répond : les formes de la chorégraphie, les costumes, les décors, tout fonctionne en symbiose. Plus généralement, j’ai été frappée par l’intemporalité du ballet : il n’est pas si éloigné des spectacles créés il y a cent cinquante ans.

Si vous deviez résumer votre résidence en un mot, lequel serait-ce ?

Enchanteur.

Jean-Michel Othoniel

PERROTIN

RÉSIDENCE : AOÛT 2025

Quelle a été votre première impression du palais Garnier ?

Étant sculpteur, ma première impression fut liée à l’architecture évidemment, à ce monument tellement inspirant par sa beauté et sa folie. Plus tard, j’ai eu la chance d’y découvrir les chefs-d'œuvre du répertoire.

À quels matériaux, lumières, sensations et odeurs associez-vous le palais Garnier ?

Le palais Garnier est pour moi une fleur ouverte, généreuse, à l’odeur capiteuse, avec des pointes d’extravagance et de légèreté. Ce pourrait être une pivoine célébrant tous les âges, portant la jeunesse comme la voluptuosité d’une architecture ouverte à tous.

Quels sont les éléments de l’Opéra de Paris qui résonnent avec votre vision artistique ?

C’est évidemment l’architecture, l’audace de créer un style singulier qui finit par représenter l’empereur lui-même et son époque. L’audace d’un architecte qui a su créer un lieu qui porte la joie, le rythme, la musique. un lieu qui à lui seul exprime déjà ce qu’est la danse et le mouvement. Ce qui est incroyable c’est que cette architecture nous parle encore aujourd’hui, au XXIe siècle, et transmet toutes ses émotions. Durant votre résidence, qu’est-ce qui vous a le plus inspiré pour votre création ? Un lieu, une rencontre, une atmosphère ?

Ce qui m’a inspiré le plus, c’est le corps de la danse, le corps des danseurs et la rencontre avec l’exceptionnel danseur étoile Hugo Marchand. Il a inspiré à Carolyn Carlson une chorégraphie exceptionnelle écrite pour mes œuvres et que nous avons eu la chance de donner dans la cour d’honneur du palais des Papes à Avignon au moment de mon exposition « Othoniel. Cosmos ou les fantômes de l'amour ». À cette occasion, grâce aux ateliers de l’Opéra, nous avons pu

réaliser des costumes qui font le lien entre mes sculptures et la chorégraphie. Qu’avez-vous retenu des spectacles auxquels vous avez assisté ?

J’aime ce rapport éphémère à l’art que suscitent les performances et le ballet. Contrairement à la sculpture qui est un objet sur lequel on revient sans cesse, ils nourrissent l’imaginaire de souvenirs ineffaçables. Je me rappellerai toujours un voile d’organza jaune citron, s’envolant au-dessus des danseurs dans un ballet de Mathilde Monnier ou l’exceptionnelle danseuse étoile Marie-Agnès Gillot dans Rubis, où, grâce à la maîtrise de son art, le métronome de la danse classique nous rapproche de l’art conceptuel contemporain.

Si vous deviez résumer votre résidence en un mot, lequel serait-ce ?

Si je devais choisir un mot, ce serait « fulgurance ». Fulgurance, dans la rencontre entre Carolyn Carlson, Hugo Marchand et moi-même. Fulgurance dans la création des costumes avec Christine Neumeister, costumière hors pair. Fulgurance, dans l’image que nous avons pu créer ensemble.

Omar Ba

RÉSIDENCE : MARS 2025

Quelle a été votre première impression du palais Garnier ?

Ma première impression s’est immédiatement portée sur l’architecture. À l’intérieur, l’organisation des disciplines, le nombre de personnes qui fréquentent le lieu – danseurs, public, photographes – était véritablement frappant. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est la vie vibrante qui anime l’Opéra : toutes les branches coexistent, les ateliers, la couture, la manière dont tout est façonné sur place. Les immenses ateliers sont extraordinaires ; ils donnent le sentiment d’un monde autonome, riche et en perpétuel mouvement. À quels matériaux, lumières, sensations et odeurs associez-vous le palais Garnier ?

Je l’associerais à la pierre – quelque chose qui transcende le temps, de profondément ancré dans l’histoire, durable et immuable. La pierre raconte l’histoire de différentes époques et résiste à l’épreuve du temps. La lumière, je la décrirais comme tamisée, quelque part entre le clair-obscur et une lueur douce et diffuse. Et l’odeur serait celle du bois – je ne sais pas exactement pourquoi, mais c’est ce qui me vient instinctivement à l’esprit.

Quels sont les éléments de l’Opéra de Paris qui résonnent avec votre vision artistique ?

Le savoir-faire de l’Opéra résonne profondément avec ma vision artistique car il englobe différentes formes d’art. J’ai observé leur travail avec les peintres, la manière dont les images sont transposées sur des formats monumentaux pour créer des décors de scène. Dans les ateliers, les pinceaux deviennent gigantesques, tout fonctionne à une autre échelle. Pourtant, malgré cette grandeur, on retrouve toujours l’essence d’un atelier de peintre. C’est inspirant et exaltant de ressentir cette énergie créative dans chaque recoin. Durant votre résidence, qu’est-ce qui a le plus nourri votre création ? Un lieu, une rencontre, une atmosphère ?

Les représentations de ballet m’ont laissé la plus forte impression. Sur scène, le clairobscur des lumières, les décors, les danseurs, et en face, le public… tout cela crée un moment suspendu. Quand on s’assoit dans la salle pendant une représentation, on a l’impression de vivre dans un autre temps, un instant hors du monde. On ressent véritablement ce dont les êtres humains sont capables d’exprimer à travers la lumière, la danse et la scène.

Qu’avez-vous retenu des spectacles auxquels vous avez assisté ?

J’ai été profondément marqué par une pièce autour de la mort, où les danseurs portaient des costumes d’époque mêlés à des éléments contemporains. Ils dansaient la mort, les funérailles… Les costumes, les lumières, la sensation du temps suspendu, la chorégraphie – tout dansait avec une rare intensité. Les danses contemporaines et modernes étaient particulièrement bouleversantes.

Si vous deviez résumer votre résidence en un mot, lequel serait-ce ?

Enrichissante. Tout, absolument tout, a été enrichissant. Cette immersion m’a ouvert les yeux. J’ai ressenti le besoin d’absorber tout ce que je voyais, d’apprendre, de tout retenir. Je suis reparti avec une immense inspiration et le sentiment d’avoir énormément appris. ○

À bon escient

LES MIRETTES* N’Y VOIENT RIEN,

même en plein jour

(Ou comment éviter les pièges lexicaux en sculpture)

Il est loin le temps béni des cathédrales, quand peintres et sculpteurs étaient indifféremment désignés comme « ymagiers ». Les techniques artistiques ont évolué et, avec elles, le vocabulaire de la sculpture sʼest considérablement enrichi. Alors comment s’y retrouver ? Puisque au commencement était le verbe, il convient avant tout de « modeler » la terre, de « tailler » le marbre, ou de « fondre » le bronze. Le reste coule de source…

Faux amis

Une « âme en bois » n’est pas une personne insensible.

Même en pleine terre, le « noyau » d’un bronze ne germe pas.

Un « chef-reliquaire » n’est pas le gardien des reliques d’un trésor.

La ciselure peut être « reprise à froid », mais pas nécessairement à tête reposée.

Une feuille de métal « emboutie » ne fait pas l’objet d’un constat.

Un buste « petite nature » ne souffre pas d’une santé fragile.

Un « morceau de réception » n’est pas présenté sur un buffet.

La « selle » du sculpteur n’a pas de pommeau.

Un « colombin » n’est pas l’amoureux de Colombine.

Le sculpteur ne pleure pas son modèle parce qu’il est de « dépouille »

Un marbrier qui tombe sur une « veine » n’est pas chanceux.

Le modelage

Ébauchoirs : spatules de formes diverses employées pour travailler la terre ou du plâtre.

Mirettes : outils permettant de retirer de la matière et évider une pièce.

Colombins : boudins de terre permettant de « monter » une pièce.

Barbotine : composée de terre séchée, broyée et détrempée, elle s’applique au pinceau entre deux éléments à réunir.

Cuisson : entre 880 et 1 100 °C pour l’argile employée par les modeleurs.

Patine : qu’elle soit à froid ou à chaud, elle comprend une infinité de nuances et permet, outre ses qualités esthétiques, de protéger l’alliage de l’oxydation.

La fonte

Bronze : alliage essentiellement composé de cuivre (80 à 90 %) et d’étain (8 à 12 %), auxquels d’autres éléments peuvent être ajoutés tels que plomb (facilite la coulée) et zinc (améliore la fluidité).

Fonte au sable / fonte à la cire perdue : les deux principales techniques employées dans la production artistique.

Moule à bon creux : se dit d’un moule en plusieurs parties permettant de reproduire une forme complexe faite de dépouilles et contre-dépouilles.

Égouts : réseau d’évacuation de la cire avant la coulée.

Évents et jets : réseau d’évacuation des gaz et d’alimentation en bronze lors de la coulée.

Décocher un bronze : action de libérer le bronze obtenu du « moule de potée » dans lequel il est enfermé.

Brute de fonte : se dit d’un bronze avant le travail de ciselure et de patine.

La taille

Gradine, pointe, pointue, maillet, ciseau plat, trépan, rifloir, raspe : quelques outils de base du tailleur.

Dégrossir : action de retrancher du bloc les parties non comprises par la forme souhaitée, en veillant à garder l’ensemble des points les plus hauts.

Taille directe : se dit de la sculpture d’une forme sans modèle initial, en opposition à la « taille indirecte ».

Report : système de transfert précis des proportions d’un modèle à l’aide de points de repère, que ce soit à l’échelle, en agrandissement ou en réduction.

Compas et pantographe : outils permettant le report.

« Le langage de la sculpture est un néant prétentieux s’il n’est pas composé de mots d’amour et de poésie. »

Ossip Zadkine

Manny Davidson Chez

Ventes à Paris les 5 et 6 novembre 2025

UNE CONVERSATION AVEC

Histoire vivante

© Mattia
Aquila

Célèbre dans le monde entier comme l’un des palais baroques les plus emblématiques de Grande-Bretagne – et instantanément reconnaissable comme le mythique Brideshead des adaptations cinématographiques et télévisées du roman culte d’Evelyn Waugh, Brideshead Revisited –, Castle Howard est à la fois un chef-d’œuvre architectural et une demeure familiale. Au cœur d’un paysage vallonné du North Yorkshire, ce domaine est la résidence de la famille Howard depuis plus de trois siècles. Neuf générations se sont succédé dans cette propriété conçue par Sir John Vanbrugh et Nicholas Hawksmoor à la demande de Charles Howard, 3e comte de Carlisle. Se rêvant en « Roi-Soleil du Yorkshire », ce dernier s’inspira sans doute du faste versaillais pour imaginer sa résidence.

Commencée en 1699, la construction de Castle Howard s’étendit sur plus d’un siècle, donnant naissance à un édifice d’une ampleur et d’une magnificence surpassant celles des résidences royales britanniques de l’époque. Son dôme spectaculaire – le premier jamais érigé sur une architecture privée en Grande-Bretagne – s’élève à près de 25 mètres au-dessus de la Grande Salle, qui présente l’un des premiers exemples anglais de scagliola, technique raffinée de stuc imitant le marbre. Par son style baroque anglais, rare et théâtral, Castle Howard est considéré comme l’une des plus importantes réalisations architecturales européennes du XVIIIe siècle. D’importantes collections de peinture, de sculpture et de mobilier y sont toujours conservées et l’édifice fait l’objet d’un ambitieux programme de restauration dans le cadre du projet « Renaissance du XXIe siècle ».

Peu de demeures en Grande-Bretagne possèdent tant de grandeur et exigent tant de responsabilités. Pour Nicholas Howard et son épouse Victoria, les actuels « gardiens » du domaine, Castle Howard dépasse le joyau architectural ou le décor de cinéma : il est un héritage vivant, nourri par des siècles de dévotion familiale, de mécénat éclairé et de la charge, parfois écrasante, de l’intendance.

Aujourd’hui, alors que Castle Howard entre dans une phase de transformation sans précédent, une monographie historique, Castle Howard, rédigée par son conservateur, le Dr Christopher Ridgway, et illustrée par les photographies de Mattia Aquila, propose l’étude la plus aboutie jamais consacrée au domaine. Photographe lui-même, Nicholas Howard nous offre aussi une série d’images saisissant les changements saisonniers et les mystérieuses transformations du paysage, un témoignage profondément personnel des lieux qui ont façonné son être même.

Parallèlement à ce nouveau livre, une équipe soigneusement sélectionnée de designers, de restaurateurs et d’historiens a discrètement révolutionné la manière dont la demeure dialogue avec notre époque contemporaine. Parmi eux, le designer américain Remy Renzullo a signé l’intelligente restauration de plusieurs salles historiques, véritable leçon de superposition temporelle, où le mariage artistique d’éléments anciens et contemporains est si harmonieux qu’il semble avoir jailli des fondations mêmes de l’édifice. En étroite collaboration avec Nicholas et Victoria Howard, Renzullo a insufflé à ces espaces une atmosphère vivante et élégante, loin de toute muséification, leur rendant

Le Dressing Room de Castle Howard est décorée d’un papier peint japonais de la fin du XIXe siècle, de type kinkarakawakami, conçu pour imiter l’aspect du cuir doré, complété par des peintures florales de Jean-Baptiste Monnoyer.

l’âme et l’intimité d’une véritable habitation. Dans cet entretien, Nicholas Howard partage son expérience de vivre et de travailler aujourd’hui à Castle Howard, les échos d’un dévouement ancestral et sa vision en constante évolution pour l’avenir de ce domaine extraordinaire. Remy Renzullo décrit son travail de décorateur pour cette demeure historique.

Qu’est-ce que cela fait de se réveiller chaque matin dans l’une des plus sublimes demeures baroques d’Angleterre ?

Nicholas Howard : C’est un plaisir et un privilège ! Mais l’aspect le plus prosaïque, sans doute, c’est que depuis ma table de petitdéjeuner, je peux contempler le mausolée de Hawksmoor. C’est un bâtiment exceptionnellement beau et imposant, qui sera aussi ma dernière demeure. Un rappel, peut-être, que le lieu survivra toujours aux hommes.

Votre père fut le gardien le plus dévoué et un innovateur pour Castle Howard. Comment percevez-vous son esprit dans la maison aujourd’hui ?

La Long Gallery offre une perspective majestueuse d’environ 50 mètres ; parcourir la salle trente-trois fois équivaut à un mile. La galerie a été entièrement rénovée en 2024-2025, offrant un nouvel accrochage où de somptueux paysages italiens côtoient de raffinés portraits anglais.

N. H. : Nous n’aurions pas cette conversation sans lui. Castle Howard serait probablement aujourd’hui une ruine en décomposition. Le dôme manquerait encore, les pièces endommagées par le feu seraient toujours des coquilles vides, sans fenêtres, et le contenu aurait disparu – une maison mourante. La vie qui l’anime aujourd’hui lui a été insufflée par George Howard, donc son esprit est partout. Ma mère et lui aimaient cet endroit et ils m’ont appris à l’aimer aussi.

Les collections de Castle Howard couvrent plusieurs siècles : comment naviguez-vous entre les exigences de la préservation et l’exigence de la présentation au public ?

N. H. : Les gens adorent toucher les choses, je ne fais pas exception : comment résister à l’envie de caresser une magnifique étoffe ? Mais 300 000 paires de mains touchant cette étoffe vont la rendre légèrement moins magnifique ! C’est pourquoi il faut des cordons de protection dans les pièces ouvertes. Cela s’oppose pourtant à un autre principe : nous ne sommes pas un musée. J’espère que

les visiteurs percevront ces pièces, malgré les cordons, comme des lieux vivants, des endroits où de vraies personnes se réunissent. Ainsi, lorsque nous avons aménagé le Tapestry Drawing Room, nous avons souhaité que ce salon reste une pièce à vivre, où l’on pourrait s’asseoir, plutôt qu’un simple espace d’exposition pour les tapisseries. Les visiteurs voient donc des piles de livres d’art contemporain et de photographie posées sur l’ottomane, tandis que les fauteuils de l’époque Queen Anne, recouverts de leur velours coupé, sont réellement destinés à être utilisés.

L’acte de révélation est aussi un acte de sélection. Comment décidez-vous quels aspects de la collection et de la maison doivent sortir de la sphère privée pour entrer dans la lumière publique ?

N. H. : Il est trop facile de tomber dans l’attitude paresseuse qui consiste à penser que, parce qu’un objet a toujours été à un endroit, c’est là qu’il doit rester. Nous venons d’achever ce qui est en réalité un réaccrochage complet de la collection de tableaux, et ce fut une expérience extrêmement rafraîchissante. Par le passé, il y a toujours eu un certain roulement dans la disposition des pièces, mais cela restait assez limité – un ou deux objets échangés de temps en temps. Un réaccrochage de l’ampleur de celui que nous venons de réaliser est une remise à zéro. La conception d’Alec Cobbe pour l’accrochage a donné à chaque pièce une cohérence accrue. Cela a aussi entraîné des ajouts à la collection. Cette maison est le fruit du Grand Tour et nous voulions le rendre visible dès l’entrée. Nous avons donc acquis plusieurs bas-reliefs moulés à partir de l’antique pour orner les murs de pierre de l’escalier d’entrée et plonger immédiatement le visiteur dans le Grand Tour. C’est un bon exemple d’amélioration à la fois esthétique et pédagogique.

Votre collaboration avec Remy Renzullo, jeune designer américain, représente un pont fascinant entre les générations et les continents. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce partenariat et quelle transformation vouliez-vous accomplir dans ces espaces restaurés ?

N. H. : Nous cherchions quelqu’un avec qui travailler sur des projets d’intérieur, sans grand succès, lorsque Remy nous a été présenté par ma fille. Le courant est passé immédiatement et nous l’avons intégré progressivement au processus. Il est à la fois extrêmement érudit et avide d’apprendre

En regardant vers le sud-est, on aperçoit le paisible élysée rural de Carlisle. Plus loin se dresse le mausolée de Hawksmoor – « Et in Arcadia ego ».

En 2025, Castle Howard a lancé sa « Renaissance du XXIe siècle » pour célébrer l’achèvement d’une série de grands travaux de restauration, dont la reconstitution du Tapestry Drawing Room du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, la salle comprend des fauteuils provenant de deux ensembles du début du XVIIIe siècle, retapissés par l’atelier A. T. Cronin.

La vue vers l’ouest à travers le Great Hall offre un aperçu de la niche en scagliola et de la statue de Bacchus. À Castle Howard, même le simple geste de monter ou descendre un escalier se transforme en une expérience à la fois spectaculaire et théâtrale.

– une combinaison revigorante – et d’une compagnie très agréable. Une grande partie du processus a consisté dans de longues conversations entre Vicky, Remy, Alec et moi-même, avec d’autres qui intervenaient ponctuellement. Castle Howard est un microcosme qui possède sa propre langue et la comprendre est essentiel pour réussir les interventions. La soie plissée des murs de la chambre à coucher n’a aucun précédent dans la maison et, pourtant, le traitement de Remy s’y intègre comme un costume neuf taillé à la perfection. Cela lui appartient. La beauté de Castle Howard est inscrite à jamais dans l’architecture et les intérieurs doivent être en harmonie avec elle. Chaque génération lira ces harmonies différemment, mais la mélodie reste la même. Ce fut une belle expérience d’associer la sagesse et l’expérience d’Alec au désir et à l’intelligence de Remy. À mes yeux, ils ont réussi à insuffler une nouvelle vie à l’endroit.

Parmi les rénovations récentes, laquelle s’est révélée la plus ambitieuse ou a révélé des surprises qui ont changé votre compréhension de la maison elle-même ?

N. H. : Le Tapestry Drawing Room concentrait tout. Tant de savoir-faire et d’artisanats différents étaient impliqués que le calendrier était crucial. À mesure que nous approchions de la date butoir, les tensions n’étaient pas celles auxquelles on aurait pu s’attendre. La pièce qui émergeait confirmait à chaque étape que Francis, Alec et Remy avaient vu juste. Mais, au tout début, lorsque les murs n’étaient encore que de la pierre nue, je me tenais là, contemplant un fragment intéressant d’histoire. Des deux côtés de la cheminée se trouvaient deux arches murées. Il est probable que, à l’origine, le projet prévoyait des entrées en arche vers le couloir de pierre, mais cela a changé en cours de construction. Cela m’a rappelé qu’aussi précis soit un dessin sur papier, rien ne remplace le regard neuf sur un projet en voie d’achèvement.

Il était donc naturel de procéder à des changements significatifs à la dernière minute lorsque nous avons commencé à accrocher les tableaux. Chaque jour, je pouvais remettre plus facilement en question les choix décoratifs passés, libéré de l’idée que « parce que c’est ancien, c’est forcément juste ». J’ai le sentiment que chacune des pièces sur lesquelles nous avons travaillé est désormais plus vivante et plus accueillante. On dit que cette demeure a mis cent ans à être construite, mais j’ai compris au fil de ce projet que ce n’est pas vrai. Les travaux n’ont jamais cessé depuis la pose de la première pierre et ne s’arrêteront probablement jamais. La réinvention et le rajeunissement semblent inscrits dans son ADN.

Le réaménagement du Stair Hall célèbre désormais la noble tradition du Grand Tour. Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce récit particulier et comment éclaire-t-il notre relation actuelle avec la culture et la découverte ?

N. H. : Vous parlez d’un récit au singulier, mais il s’agit de récits imbriqués les uns dans les autres. Les bas-reliefs originaux sont souvent des fragments captivants d’histoires racontées visuellement. Ils ont été installés pour annoncer qu’il s’agit d’une maison dont une grande partie de l’histoire est liée au Grand Tour. Et ces souvenirs de pierre sont en eux-mêmes une partie des histoires vécues par les collectionneurs. Je ne

m’attends pas à ce que les visiteurs fassent immédiatement ces liens, mais entrer devant cet escalier donne désormais un véritable sentiment d’arrivée, de la même manière que les fortifications factices et l’arche pyramidale annoncent l’entrée extérieure. Comme cette maison a toujours été habitée par les descendants de celui qui l’a bâtie, son histoire est leur histoire : leurs goûts, leurs amours, leurs richesses, leurs aventures. Et cette continuité dans la préservation rend les récits plus faciles à raconter. Dès que les visiteurs commencent à s’intéresser à ces comtes de Carlisle, ils souhaitent connaître ce que firent leurs fils et petits-fils, devenant sans s’en apercevoir des étudiants de ce petit coin de culture et d’histoire.

Vos contributions photographiques au nouveau livre sur Castle Howard offrent le regard intime d’un artiste sur les transformations saisonnières : quelles révélations apparaissent lorsque vous capturez votre demeure ancestrale sous toutes les lumières et les humeurs du moment ?

N. H. : Castle Howard est tout entier consacré à la beauté, on n’y manque donc pas de sujets intéressants. Ayant connu ce lieu toute ma vie, je sais qu’avec la bonne lumière il peut soudainement prendre vie. Une grande partie du temps passé à photographier consiste à poursuivre cette lumière. Plutôt que des révélations, mes photographies sont des célébrations de cette beauté, des instants où lumière, atmosphère, préparation et cadrage convergent parfaitement. Quand j’ai utilisé un drone pour la première fois, j’ai été stupéfait de voir combien les angles aériens constituaient des œuvres d’art à part entière, des angles impossibles à voir pour ceux qui les avaient créés. Lorsque le Tapestry Drawing Room approchait de son achèvement, j’ai eu la sensation de ce que cela devait être de voir la maison en construction. Parfois, en regardant à travers l’objectif, j’ai l’impression, l’espace d’un instant, de traverser le temps, imaginant ces bâtiments comme neufs dans un paysage ancien, et de voir le sourire satisfait de ceux qui les ont bâtis.

En envisageant l’avenir de Castle Howard, non pas seulement dans les décennies mais dans les siècles à venir, quelle vision guide votre gestion de cet héritage irremplaçable ?

N. H. : Mon but est de laisser l’endroit dans un meilleur état que je ne l’ai trouvé. Il ne s’agit pas seulement du patrimoine bâti, mais aussi

des terres, du patrimoine environnemental. Car Castle Howard ne se résume pas à des bâtiments : ce sont aussi les bois, les lacs, les prairies et les fermes. Et le sol. Comme la plupart des agriculteurs, nous avons bombardé le sol de produits chimiques, cultivant parfois des terres qui ne pouvaient produire qu’avec d’énormes apports chimiques. Une ferme de 182 hectares, justement appelée Bog Hall, à la lisière du domaine a été retirée de la production. Nous encourageons la flore naturelle à se régénérer, nous introduisons des castors pour restaurer les zones humides, nous faisons venir différents animaux de pâturage et nous suivons attentivement les changements qui en résultent. Ceci se fait en parallèle d’un changement plus vaste des pratiques agricoles du domaine. Chaque génération a sa propre définition d’une gestion responsable, parfois contradictoire, parfois étonnamment en harmonie. Mais ces processus mettront du temps à produire leurs effets, plus de temps qu’il ne me sera accordé. Et il y a une certaine satisfaction à cela, qui me fait penser à l’une des inscriptions que le 3e comte de Carlisle a fait graver sur l’obélisque au sommet de l’allée : If to perfection these plantations rise, / If they agreeably my heirs surprise… (Si à la perfection ces plantations s’élèvent, / Si elles

surprennent agréablement mes héritiers...) Elles continuent de me surprendre chaque jour, comme je l’espère, elles surprendront mes descendants dans cent ans.

Remy Renzullo, qu’avez-vous ressenti lorsque l’on vous a demandé de travailler sur la rénovation de l’une des plus grandes demeures historiques du monde ?

Remy Renzullo : Au départ, travailler à Castle Howard m’a totalement impressionné : la beauté et l’histoire combinées à une immense échelle rendaient le projet presque insurmontable. Heureusement, j’ai eu une alliée précieuse en Vicky Howard. Conscients de l’ampleur de la tâche, nous avons commencé par ce qui, avec le recul, peut sembler risible : des lampes, des abatjour, des coussins, dans une maison qui compte près d’une douzaine de pièces incendiées à restaurer. C’était finalement la meilleure option, car cela m’a permis de faire connaissance avec la maison, de me familiariser avec elle dans un contexte moins complexe. Cela m’a permis de m’imprégner des lieux avant de prendre des décisions plus importantes en matière de décoration (même si je suis toujours satisfait de bon nombre de ces premiers abat-jour !).

Quels principes directeurs ont façonné votre approche pour restaurer une maison dotée d’une histoire aussi riche ?

R. R. : L’un des principes qui guide toujours mon travail consiste à créer des environnements qui semblent avoir toujours existé, de sorte que ma présence soit imperceptible. Nulle part cette maxime décorative n’a été plus pertinente qu’à Castle Howard. Mon travail n’est qu’une petite partie de la longue histoire de la maison, et il était fondamental pour moi de ne pas me tromper. Là encore, j’ai eu la grande chance d’avoir des clients aussi inspirants que Nick et Vicky, qui partageaient totalement ma vision. Vicky et moi finissions souvent les phrases de l’autre en décrivant nos idées pour la décoration d’une pièce et, à plusieurs reprises, nous avons choisi sans concertation préalable les mêmes tissus ou meubles parmi les milliers vus dans les showrooms et chez les marchands londoniens. Ce genre de synergie créative est rare dans mon métier, mais il était inconcevable de travailler autrement à Castle Howard.

Comment avez-vous choisi les matériaux et les fournisseurs ?

R. R. : Le goût mis à part, les Howard et moi étions convaincus que les matériaux et techniques utilisés devaient être de la plus haute qualité et, idéalement, réalisés avec les méthodes d’époque. J’ai donc fait appel à des manufactures textiles françaises comme Tassinari et Chatel ou encore Prelle qui produisent des soies et velours depuis le XVIIIe siècle et utilisent les mêmes métiers et méthodes traditionnelles.

À ceux qui pourraient dire que nous aurions dû nous limiter aux fabricants anglais, je rappellerais que la tradition d’importer des tissus du continent a commencé à la fin du XVIIe siècle et a atteint son apogée au milieu du XVIIIe siècle, précisément l’époque où de nombreuses pièces que nous restaurions furent décorées à l’origine.

Mais nous avons aussi bénéficié d’un partenariat exceptionnel avec Watts 1874, pilier de l’industrie textile anglaise, qui a fidèlement et magistralement reproduit un lot de cotons indiens datant du XIXe siècle, imprimés à la

Le Temple Terrace, menant vers la demeure, baigne dans l’ombre de la matinée.

Après le Great Hall, la chapelle figure parmi les intérieurs les plus richement ornés de la maison : peintures murales et vitraux de William Morris et Edward Burne-Jones.

main, retrouvés dans les archives de Castel Howard. Leur équipe, incroyablement coopérative, ne s’est jamais découragée face à mes demandes d’« un dernier échantillon » – j’ai osé aller jusqu’à douze ! – pour obtenir une couleur correspondant parfaitement au fragment original. ○

Propos recueillis par Suzanne Tise-Isoré, directrice de collection Styles & Design aux éditions Flammarion.

Quiconque a vu, ne serait-ce qu’une fois, une œuvre de Joan Miró ne sera pas surpris d’apprendre que la personne ayant rapporté cette pièce en Occident fut l’un de ses découvreurs et plus fervents admirateurs.

Jacques Viot, proche du groupe des surréalistes auquel il appartint, collabora avec Pierre Loeb, grand marchand installé rue des Beaux-Arts. Grâce à lui, il partit en 1929 en Nouvelle-Guinée afin d’y rapporter des pièces destinées à la vente, notamment des tapa du lac Sentani.

Ces œuvres furent présentées lors d’une exposition en 1930, dont l’esprit nous est restitué par Poncetton et Portier dans Décoration océanienne : « Ces tapa (...), on n’en saurait rien en dire, sinon qu’elles dépassent notre habituelle mesure. Elles présentent les signes d’une écriture si subtile, si spirituelle, si abstraite que l’esprit en éprouve un choc qui dépasse la mesure des sens et nous entraîne enfin à des méditations (…)*. »

Cet exemplaire provient très probablement de ce voyage. Formidable envolée esthétique, il est typique de cette région. Étoffes d’écorces, les tapa étaient portés par les femmes mariées ou initiées. Le décor est inscrit dans un rectangle noir tracé avec précision. Sur le registre supérieur, une frise de spirales fouw en noir et ocre surmonte quatre poissons stylisés. Le registre inférieur représente des poissons, un lézard et des oiseaux, tous sur un même plan. Retranscription d’un monde, d’une vision, d’un espace déroutant et inconnu ?

Les artistes Max Ernst et Miró ont eux-mêmes possédé des maro. Nul doute que la fascination qu’ils exerçaient à la fin des années 1920 demeure intacte aujourd’hui.

* André Portier et François Poncetton, Décoration océanienne, Paris, Librairie des arts décoratifs, A. Calavas éditeur, 1931. ○

Par

Émilie Salmon, directrice Europe du département Arts d’Afrique et d’Océanie

Un tapa, maro, lac Sentani, baie de Humboldt, Nouvelle-Guinée occidentale, Indonésie

Estimation : 15 000-20 000 € « Arts dʼAfrique, dʼOcéanie, dʼIndonésie » Vente à Paris le 10 décembre

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ENDORMI TRÉSOR LE DU PETIT PALAIS

RENCONTRE

AVEC BAPTISTE ROELLY, CONSERVATEUR AUSSI DISCRET QU’ENGAGÉ

Auparavant conservateur du patrimoine au musée Condé de Chantilly, Baptiste Roelly vient de prendre la tête des collections de gravures, dessins et livres anciens du Petit Palais, le musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Son ambition : sortir de l’ombre sa bibliothèque, encore trop méconnue, qui témoigne de plusieurs siècles d’histoire de l’art à travers le livre. De Dürer à Cézanne – en passant par Raphaël, Callot, Claude Lorrain, Fragonard, Watteau et Goya pour ne citer que les plus célèbres –, elle conserve les traces imprimées de l’œuvre des plus grands artistes européens.

Ce bréviaire du XVe siècle a appartenu au roi René II et compte de somptueuses miniatures représentant la vie de la Vierge, du Christ et de différents saints.

La Nef des fous de Sébastien Brant est un ouvrage emblématique de la Renaissance allemande dont les gravures sont attribuées à Albrecht Dürer. Cette illustration se moque des bibliophiles !

L’exceptionnelle reliure aux croissants de lune de cette bible montre les armes d’Henri II et de sa maîtresse, Diane de Poitiers.

Le Petit Palais est connu pour ses collections de peintures et de sculptures, mais moins pour sa bibliothèque. Quels types d’ouvrages y conservez-vous ?

Des ouvrages du XVe au XIXe siècle de toutes natures : livres d’heures et d’emblèmes, traités médiévaux, grands classiques de la théologie ou de la philosophie... Il s’agit aussi bien d’incunables et de manuscrits enluminés que de livres illustrés ou de recueils de gravures, qui sont tous du plus haut degré de qualité.

Comment cette collection est-elle née ?

Deux frères, Auguste et Eugène Dutuit, l’ont léguée à la Ville de Paris en 1902. C’est pour abriter leurs œuvres que le Petit Palais, construit deux ans plus tôt, a été converti en musée. En matière de livres, les Dutuit étaient exigeants à tous égards : provenances illustres, reliures artistiques, état impeccable... Ils ont essentiellement acheté lors des ventes aux enchères des plus prestigieuses collections de bib-

En rapport avec les arts appliqués, plusieurs ouvrages du Petit Palais recèlent des modèles à broder de la Renaissance italienne.

liophiles. Ce legs fondateur est enrichi d’achats qui dialoguent avec lui et il arrive que des amateurs nous consentent des dons. En comparaison avec les autres grandes bibliothèques, souvent thématiques ou plus rationnelles dans leur classement, celle du Petit Palais est vraiment une collection de bibliophiles.

Avez-vous des projets d’expositions ou de publications autour des fonds graphiques et de livres ?

Nous travaillons avec les autres départements du musée et, cet automne, le Petit Palais consacrera par exemple une exposition à la représentation de l’enfance par Jean-Baptiste Greuze. Nous présenterons à cette occasion des ouvrages du XVIIIe siècle qui abordent la question de la maternité et de l’éducation. De même pour une exposition sur les portraits et autoportraits d’artistes, qui nous permettra d’exposer l’an prochain nos exceptionnels autoportraits gravés de Rembrandt.

On imagine souvent la bibliothèque comme un lieu figé, réservé aux spécialistes. Envisagez-vous une ouverture plus large de la bibliothèque au public ?

La bibliothèque Dutuit est un vaste espace permettant de recevoir aussi bien des chercheurs que des amateurs et des groupes. Nos équipes sont attachées à cette collection et se réjouissent de toute occasion pour accueillir quiconque s’y intéresse. Tous nos ouvrages sont répertoriés sur notre site internet, où nos livres les plus précieux sont même consultables en intégralité.

Comment voyez-vous le rôle d’un conservateur au XXIe siècle ?

Il nous incombe d’ouvrir à nos contemporains des fenêtres sur le passé. ○

Anne Heilbronn

Vice-présidente, Livres et Manuscrits

La reliure de ce guide illustré à la gouache porte le chiffre et les armes du roi Louis XIV, auquel il a servi pour s’orienter dans le labyrinthe de Versailles et ses fontaines inspirées des Fables d’Ésope.

Le Petit Palais conserve sept catalogues de vente aux enchères dont les lots sont esquissés à la pierre noire dans les marges par Gabriel de Saint-Aubin.

Mary Charteris
Derek Blasberg, Lauren Santo Domingo
Eva Losada, Catherine Baba, Debra Shaw
Bianca Brandolini d'Adda, Kristina O'Neill
Lena Hardt Telma Louise
Alessandro Volpi, Maria Lightner
Tianna St Louis, Arnaldo Campbell
Mel Ottenberg, Alain Kraemer, Sofiia Manousha
Lucien Pages
Garance Primat, Louis-Marie de Castelbajac
Juliette de Blegiers, Lorena Vergani
Alexandre Baron Reverdito, Djanet Grevet
Adam Leja
Naomi Greene, Jean-Charles de Castelbajac

un roemer retourné : le test de lʼongle, 1659

Estimation : 500 000-700 000 €

« The Manny Davidson Collection »

Vente les 5, 6 et 7 novembre 2025

Michael Sweerts
Jeune homme au turban tenant

Le verre est vide, il est temps de le remplir à nouveau.

Une dernière goutte glisse du bord d’un verre incliné sur l’ongle du jeune buveur enturbanné, le regard tourné vers le spectateur. Dans un geste théâtral, presque de défi, le coude gauche levé et le poing droit tendu vers son public, il nous fait comprendre qu’il est temps qu’on le resserve.

Ce « test de l’ongle » par Michael Sweerts est un motif pictural intrinsèquement lié à la culture de la boisson et au vocabulaire visuel de l’âge d’or néerlandais, comme en témoignent d’autres interprétations du sujet par Peter Franchoys, Frans Hals ou Judith Leyster. En retournant son verre au-dessus de son ongle, le jeune homme nous montre qu’aucune goutte n’en coule, que le verre est désormais définitivement vide. Avec une précision naturaliste, l’artiste démontre sa maîtrise de la lumière et du rendu du verre, jouant avec les reflets et la transparence sur les parois du récipient. Il s’agit donc d’une incitation à boire par un geste humoristique et un échange complice avec son ou ses compagnons. Il est aussi possible que ce visage ne soit pas celui d’un individu réel, mais plutôt une figure de caractère, une « tronie », genre apprécié dans les Provinces-Unies du XVIIe siècle. Sweerts y verrait alors un prétexte à l’étude d’une expression, d’un type, ou d’un effet de lumière, plutôt qu’un portrait fidèle. Le modèle devient ainsi une construction picturale, incarnant un idéal ou une humeur plus qu’une identité définie. Avec son pourpoint ouvert, son visage imberbe et marqué par l’acné, le jeune homme incarne peut-être la découverte de l’ivresse et de la gourmandise –une nouvelle relation au sens que l’artiste cherche à suggérer. Il a ainsi été avancé que nous serions face à une figuration du sens du goût, rejoignant une série incomplète comprenant notamment Le Garçon au turban tenant un bouquet, conservé au Musée national Thyssen-Bornmisza, pour le sens de l’odorat, qui est de dimensions similaires.

Plus qu’une scène du quotidien, ce tableau est également l’occasion pour l’artiste de témoigner de ses divers voyages méditerranéens. Le turban porté par le modèle nous renvoie à un exotisme élégant et au raffinement oriental. Il reflète aussi la diversité culturelle et sociale que Sweerts a pu découvrir à Rome, ville où il aurait peutêtre réalisé cette œuvre, alors âgé d’une trentaine d’années. Le choix d’une lumière caravagesque et d’un coup de pinceau épais, qu’il a développés dans la Ville éternelle, semble appuyer cette hypothèse. Le choix de coiffer son modèle d’un turban est également l’occasion pour Sweerts de témoigner de sa virtuosité technique dans le rendu des matières, la maîtrise de la représentation d’un tissu ouvragé, la complexité des plis ou encore les jeux de lumière. Il permet enfin d’entourer le jeune homme d’un certain mystère, tant sur son âge, son origine que sur son identité.

La figure même de Michael Sweerts demeure encore aujourd’hui énigmatique, comme en témoigne sa fin de vie. Après ses séjours entre les Pays-Bas et Rome, devenu profondément pieux et dévot, il se joint à une mission d’évangélisation en Orient. Il apparaît cependant rapidement dans les témoignages des autres membres comme provocateur et irascible, ce qui conduit à son renvoi. Sweerts meurt en 1664 à Goa, sur la côte ouest de l’Inde, dans des circonstances obscures. Cette disparition peu commune, loin de l’Europe, dans un effacement presque total, renforce l’aura d’un peintre déjà difficile à cerner, dont le travail oscillait entre rigueur académique, motifs caravagesques et étrangeté poétique. ○

Olivier Lefeuvre

Directeur du département Tableaux & Dessins anciens et du XIXe siècle

Calendrier

COLLECTION

ROBERTO AGOSTINELLI. UNE SÉLECTION, DU TINTORET À GIACOMETTI

VENTE À PARIS LE 6 OCTOBRE

ARTIST BOOKS

↖ VENTE EN LIGNE DU 16 AU 23 OCTOBRE

MASTER SCULPTURE

VENTE À PARIS LE 13 NOVEMBRE

COLLECTION

PRINCESSE NILOUFAR PAHLAVI. UNE MAISON PAR JACQUES GRANGE

VENTE À PARIS LE 14 OCTOBRE

SURREALISM & ITS LEGACY

VENTE À PARIS LE 24 OCTOBRE

THE MANNY DAVIDSON COLLECTION

VENTES À PARIS

LES 5 ET 6 NOVEMBRE

VENTE EN LIGNE LE 7 NOVEMBRE

WINE AND DINE EXPERIENCES | CITÉ DU VIN

VENTE EN LIGNE DU 7 AU 27 OCTOBRE

MODERNITÉS

VENTE À PARIS LE 24 OCTOBRE

165 e VENTE DES VINS DES HOSPICES DE BEAUNE

VENTE À BEAUNE LE 16 NOVEMBRE

REJOIGNEZ LA COMMUNAUTÉ DE SOTHEBY’S

Retrouvez sur le site internet sothebys.com tous nos catalogues de vente ainsi que nos actualités en France et dans le monde, enrichies de vidéos, articles et interviews.

© Adeline Mai

ELIXIR OF LIFE. PHOTOGRAPHS FROM THE OLBRICHT COLLECTION

VENTE EN LIGNE DU 12 AU 19 NOVEMBRE

MODERN & CONTEMPORARY

DAY AUCTION

VENTE À PARIS LE 3 DÉCEMBRE

TREASURES

→ VENTE À PARIS LE 11 DÉCEMBRE

Ce calendrier présente une sélection de nos ventes d’octobre à décembre 2025, sous réserve de modifications.

THE NEW AMERICAN WEST

EXPOSITION

DU 13 AU 26 NOVEMBRE

LIVRES ET MANUSCRITS

VENTE EN LIGNE

DU 12 AU 19 NOVEMBRE

JAMAIS PERDU EN MER. COLLECTION JEAN-PAUL MORIN

VENTE EN LIGNE DU 13 AU 20 NOVEMBRE

ARTS D ’AFRIQUE, D ’ OCÉANIE, D’INDONÉSIE

VENTE À PARIS LE 10 DÉCEMBRE

IMPORTANT DESIGN

VENTE À PARIS LE 25 NOVEMBRE

ASIAN ARTS / 5000 YEARS

VENTE EN LIGNE DU 2 AU 11 DÉCEMBRE

BIBLIOTHECA BROOKERIANA

VENTE EN LIGNE DU 9 AU 17 DÉCEMBRE

LE SALON

DU LUNDI AU VENDREDI : 10H - 18H

© Alexei Riboud

Lille, Marseille, Nantes, Toulouse... De Provence en provinces, de campagnes en Champagne, de villes en îles, nos régions révèlent continûment les trésors qui seront vendus chez Sotheby’s, que ce soit à Paris, New York ou Hong Kong.

→ Contactez nos consultants près de chez vous (page 90)

BRETAGNEPAYS DE LA LOIRE ET TOURAINE

François d’Hautpoul

Descartes, René

Discours de la méthode, Leyde, 1637

Estimation : 15 000-20 000 €

Vendu : 33 600 €

HAUTS-DE-FRANCE

Pascale Bomy

Auguste Nicolas Cain

Relais de chiens bâtards français, appartenant à l’équipage de Jacques Stern, 1893

Estimation : 60 000-80 000 €

Vendu : 81 600 €

AQUITAINE

Olivier Valmier

Rare vase meiping à glaçure rouge 'Langyao', dynastie Qing, époque Kangxi

Estimation : 30 000-50 000 €

Vendu : 171 450 €

NE-ALPES

Ghislaine de Montgrand

Raymond Delamarre

Torse d’homme (Male Torso)

Estimation : 20 000-30 000 €

Vendu : 48 000 €

MIDI-PYRÉNÉES

Florence Grassignoux

Atelier des Zavattari

Saints martyrs

Estimation : 70 000-100 000 €

Vendu : 82 550 €

PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR

Florence Vidal

Étincelles mirror

Line Vautrin

Estimation : 40 000-60 000 €

Vendu : 48 000 €

SOTHEBY’S FRANCE

Mario Tavella

Chairman, Sotheby’s Europe

Président, Sotheby’s France mario.tavella@ sothebys.com

Marie-Anne Ginoux

Directrice générale, Sotheby’s France marie-anne.ginoux@ sothebys.com

Florent Jeanniard

Chairman, Vice-président florent.jeanniard@ sothebys.com

Pierre Mothes Vice-président pierre.mothes@ sothebys.com

Anne Heilbronn Vice-présidente anne.heilbronn@ sothebys.com

Stefano Moreni Vice-président stefano.moreni@ sothebys.com

Aurélie Vandevoorde

Vice-présidente aurelie.vandevoorde@ sothebys.com

Olivier Fau

Vice-président olivier.fau@ sothebys.com

Thomas Bompard Vice-président thomas.bompard@ sothebys.com

ART IMPRESSIONNISTE, MODERNE ET CONTEMPORAIN

Aurélie Vandevoorde

+33 (0)1 53 05 53 56 aurelie.vandevoorde@ sothebys.com

Thomas Bompard thomas.bompard@ sothebys.com

Étienne Hellman

+33 (0)1 53 05 53 73 etienne.hellman@ sothebys.com

DESIGN

Florent Jeanniard

+33 (0)1 53 05 52 69 florent.jeanniard@ sothebys.com

TABLEAUX & DESSINS ANCIENS ET DU XIXe SIÈCLE

Olivier Lefeuvre

+33 (0)1 53 05 53 24 olivier.lefeuvre@ sothebys.com

MOBILIER FRANÇAIS DU XVIIIe SIÈCLE

Louis-Xavier Joseph +33 (0)1 53 05 53 04 louis-xavier.joseph@ sothebys.com

SCULPTURES ET OBJETS D’ART

Stéphanie Veyron +33 (0)1 53 05 53 65 stephanie.veyron@ sothebys.com

ORFÈVRERIE

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ARTS D’AFRIQUE ET D’OCÉANIE

Émilie Salmon emilie.salmon@ sothebys.com +33 (0)6 58 41 20 32

ARTS D’ASIE

Christian Bouvet +33 (0)1 53 05 52 42 christian.bouvet@ sothebys.com

LIVRES ET MANUSCRITS

Benoît Puttemans +33 (0)1 53 05 52 66 benoit.puttemans@ sothebys.com

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HORLOGERIE

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SACS À MAIN ET ACCESSOIRES

Aurélie Vassy +33 (0)6 37 74 19 62 aurelie.vassy@ sothebys.com

VINS ET SPIRITUEUX

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DÉVELOPPEMENT ET COLLECTIONS

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LE SALON SOTHEBY’S

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PARTOUT EN FRANCE

Olivier Valmier (Aquitaine)

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François d’Hautpoul (Bretagne - Pays de la Loire et Touraine)

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Florence Grassignoux (Midi-Pyrénées)

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Joëlle Koops (Languedoc-Roussillon)

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Florence Vidal (Provence-AlpesCôte d’Azur)

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Ghislaine de Montgrand (Rhône-Alpes)

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CONSULTANTES

Anne de Lacretelle

+33 (0)1 45 48 44 57

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SOTHEBY’S MONACO

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SOTHEBY’S BELGIQUE

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+32 (0)2 627 71 98 marianna.lora@ sothebys.com

Découvrez notre restaurant imaginé par le chef Gaëtan Thibert au cœur de nos galeries d’expositions. 83 RUE DU FAUBOURG SAINT-HONORÉ, PARIS 8 e

LE NOUVEAU PODCAST DE SOTHEBY’S

10 minutes pour s’émerveiller.

Sotheby’s est le gardien éphémère des objets les plus remarquables et convoités au monde, dans 70 catégories de collection. Chaque semaine, un de nos spécialistes, expert du marché, révèle tout ce qui fait la singularité d’une œuvre.

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