Estimation : 200 000-300 000 € « Important Design »
Vente à Paris le 20 mai
Zao Wou-Ki
14.5.86, 1986
Estimation : 800 000-1 200 000 € « Art moderne et contemporain »
Vente du soir à Paris le 10 avril
Vente du jour du 2 au 11 avril
Antoine de Saint-Exupéry
15 dessins du Petit Prince (Alger, fin 1943-début 1944)
De la collection Pierre Amrouche et Suzanne Amrouche-Molbert « Livres et Manuscrits »
Vente en ligne du 4 au 18 juin
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La verrière du 83 Faubourg Saint-Honoré, les nouvelles galeries de Sotheby's France
Chers lecteurs, En couverture… impossible de choisir, tantôt ; le Gorille dérangé de François-Xavier Lalanne ; Le Petit Prince qui nous invite à une délicate poésie ; Napoléon Bonaparte, dont le regard nous transperce et enfin une œuvre de Zao Wou-Ki, véritable invitation au rêve et à l’évasion.
L’écho de Napoléon résonne à travers une vente exceptionnelle, hommage au faste de l’Empire, tandis que Betty Catroux, muse d’Yves Saint Laurent, se dévoile à l’occasion de notre vente « Important Design ».
L’univers des arts se poursuit avec un entretien exclusif de Mauro Moniz Sodré, petit-fils de Niomar Moniz Sodré Bittencourt, dont nous avons l’honneur de disperser la collection. Le regard érudit de Sir Norman Rosenthal, commissaire de l’exposition David Hockney à la Fondation Louis Vuitton, nous plonge quant à lui dans l’art vibrant et coloré du peintre britannique, qui continue de nous émerveiller.
Vous découvrirez le duo mythique Dolce & Gabbana dans un entretien exclusif, où les couturiers dévoilent les coulisses de leur exposition « Du cœur à la main » au Grand Palais. Entre passion et savoir-faire, ils nous
livrent les secrets d’une mode enracinée entre artisanat et tradition italienne qui ne cesse d’embrasser la modernité avec audace.
Caroline Pigozzi nous ouvre les portes de son univers, en partageant son amitié précieuse avec le sculpteur Diego Giacometti. À travers ses mots, l’artiste se révèle dans toute sa simplicité et son génie poétique.
Pour les amateurs de littérature et de cinéma, le manuscrit de À bout de souffle, présenté prochainement en vente, nous transporte au cœur d’une œuvre culte, où chaque mot porte l’empreinte indélébile de la Nouvelle Vague.
Notre-Dame, symbole de Paris, s’anime sous le regard de Claire Tabouret et à travers les mots de Jean-Charles de Castelbajac. Ces artistes insufflent une vie nouvelle à l’âme de la cathédrale, en dialogue avec la lumière.
L’Art déco enfin s’affirme avec grâce dans une rubrique inédite, offrant une exploration riche et éclairée à l’occasion du centenaire de ce style. Avec les contributions d’India Mahdavi et de Jean-Victor Meyers, cette esthétique sophistiquée, qui continue d’inspirer et de séduire, est célébrée avec passion.
Enfin dans la double page « Clairobscur », notre regard se pose sur les portraits des personnalités présentes à la soirée d’ouverture de notre nouveau siège parisien, tandis que Pierre Sauvage, figure incontournable de la scène parisienne, partage ses coups de cœur.
Enfin l’Asie, avec « L’œil averti », vient compléter ce voyage, ouvrant de nouvelles perspectives sur la création hors de nos frontières.
Que ce voyage entre héritage et innovation, entre tradition et intime, vous inspire autant qu'il nous a enchantés à le composer.
Florent Jeanniard Chairman
Vice-président et co-directeur monde Design
Grandeur
3 Édito par Florent Jeanniard
8 Décors : Napoléon, une collection historique
16 Le dernier cri
18 Mécène, résistante, visionnaire : l’héritage de Niomar Moniz Sodré Bittencourt avec Mauro Moniz Sodré
28 Haute culture par Pierre Sauvage
30 Diego Giacometti, ce merveilleux voisin par Caroline Pigozzi
32 Iconique avec Betty Catroux
34 Dolce & Gabbana : Italian Touch avec Domenico Dolce et Stefano Gabbana
Découvrez notre nouveau restaurant imaginé par le chef Gaëtan Thibert au cœur de nos galeries d’expositions.
83 RUE DU FAUBOURG SAINT-HONORÉ, PARIS 8 e
N« Napoléon, une collection historique »
Vente à Paris le 25 juin 2025
Fauteuil de représentation par François Honoré Georges Jacob-Desmalter, d’après un dessin de Percier et Fontaine, pour le palais des Tuileries, vers 1804
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Assiette en porcelaine de Sèvres du service égyptien, commandé par Joséphine de Beauharnais, vers 1811
Assiettes en porcelaine de Sèvres du service d’Eugène de Beauharnais, vers 1813, et divers objets lui ayant appartenu
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Bicorne de l’empereur, modèle réalisé par Poupard, offert par Napoléon au général Mouton après la bataille d’Essling en mai 1809, timbale en argent du service de l’Empereur subtilisée lors du sac de la berline impériale au soir de la bataille de Waterloo le 18 juin 1815
École française du xixe siècle
Portrait de l’impératrice Marie-Louise
Cadre aux aigles impériales
Ancienne collection de l’impératrice
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Boîte à jeu en acajou au chiffre de Napoléon Ier, attribuée à Martin
Guillaume Biennais
LE DERNIER CRI LE DERNIER CRI
Éléments de travail et d’inspiration appartenant à Karl Lagerfeld Estimation : 500-800 € Vendus : 26 400 € Vente « KARL, Karl Lagerfeld’s Estate V, Le Studio », 31 janvier 2025, Paris
MÉCÈNE, RÉSISTANTE, VISIONNAIRE
L’HÉRITAGE DE
NIOMAR MONIZ SODRÉ BITTENCOURT
« Collection Niomar Moniz Sodré Bittencourt. La Liberté pour dogme » Vente à Paris le 10 avril 2025
: 250 000-350 000 €
↑ Piero Manzoni Achrome, vers 1962
Estimation
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Niomar Moniz Sodré Bittencourt dans les bureaux du journal Correio da Manhã, dans les années 1960
« L’héritage de Niomar est celui d’une femme d’exception, à la fois défenseure des arts et des libertés. Elle incarne la résilience et le courage face à l’adversité, son combat rappelant que la culture et la presse sont des armes puissantes contre l’oppression. »
En un mot, qui était votre grand-mère Niomar Moniz Sodré Bittencourt ? Courageuse. Niomar était une femme d’une bravoure exceptionnelle, défendant inlassablement les libertés individuelles, l’expression et la presse. Certains ont aussi décrit son tempérament comme orageux et indomptable, mais je peux vous assurer qu’elle était aussi très amusante et spirituelle.
Votre grand-mère a fondé le musée d’Art moderne de Rio de Janeiro dans les années 1950. Comment décririezvous l’environnement culturel de l’époque ? Quels sont les modèles qui ont guidé sa démarche ?
Dans les années 1950, Rio de Janeiro était une ville en pleine ébullition culturelle. Le Brésil cherchait à renforcer ses liens avec les ÉtatsUnis dans le contexte de la guerre froide et l’art moderne y était en plein essor. Niomar et son époux Paulo Bittencourt étaient déjà de grands collectionneurs passionnés d’art. Proches de Nelson Rockefeller dont la famille avait fondé le MoMA de New York, ils appartenaient à une élite intellectuelle et cosmopolite. C’est d’ailleurs sur les conseils et avec le soutien des Rockefeller qu’elle a, en 1952, décidé de créer un musée d’art moderne à Rio. Le MAM s’est d’abord installé au palais Capanema, un édifice emblématique conçu par de jeunes architectes brésiliens, dont Lúcio Costa et Oscar Niemeyer conseillés à l’époque par Le Corbusier. L’enthousiasme du public fut immédiat : expositions, publications, ateliers d’art pour enfants se multiplièrent, soutenus par une colonne dédiée dans le Correio da Manhã, le journal appartenant à Niomar et Paulo Bittencourt. En 1958, le MAM s’installa définitivement dans un bâtiment iconique au sein des jardins de Roberto Burle Marx. Ce projet ambitieux, porté par un élan collectif, fit du MAM une institution phare, comme Niomar l’avait rêvé. Rapidement, le musée devint une institution incontournable, rassemblant une collection remarquable, dont une œuvre de Jackson Pollock offerte par la famille Rockefeller. Avec l’aide d’amis parmi lesquels Marcel Duchamp et Maria Martins, Niomar parvint à acquérir des œuvres d’artistes émergents et confirmés pour la collection du musée devenue majeure.
Issue d’une famille très cultivée et engagée dans la presse nationale, Niomar fut très tôt sensibilisée à l’art et à la culture. Son mari,
INTERVIEW DE Mauro Moniz Sodré
Paulo Bittencourt, était un homme cosmopolite, formé à Cambridge, et ensemble ils explorèrent les scènes artistiques du monde entier. Lors de leurs voyages à New York, ils nouèrent des relations privilégiées avec les grandes galeries comme celles de Sidney
Janis et Pierre Matisse. Niomar se rendit aussi au Pérou et au Mexique où elle rencontra Diego Rivera, Frida Kahlo ou encore Clemente Orozco. Ensemble, ils collectionnèrent des œuvres modernes et contemporaines, conjuguant art international et brésilien. Leur appartement qu’ils avaient transformé en une véritable galerie d’art privée réunissait des chefs-d’œuvre d’une qualité exceptionnelle. Malheureusement, en 1985, une grande partie de cette collection fut détruite dans un incendie, une perte inestimable pour l’art brésilien.
Niomar Moniz Sodré Bittencourt a joué un rôle clé durant la période politique troublée des années 1960 au Brésil. Qu’est-ce qui l’a poussée à s’engager politiquement ?
Niomar prit la direction du journal Correio da Manhã en 1963, après le décès de son mari Paulo. Fidèle à l’héritage du journal, elle s’opposa rapidement et fermement au régime militaire installé en 1964. Correio da Manhã devint un bastion de la contestation, dénonçant les atteintes aux libertés et plaidant pour l’amnistie des opposants. Cette posture courageuse lui valut d’être arrêtée et emprisonnée, tandis que le journal subissait des attaques violentes. Elle fut finalement acquittée après un procès suivi par des observateurs de l’ONU. Son engagement, marqué par une élégance inébranlable face à la répression, fit d’elle une figure centrale de la résistance intellectuelle brésilienne.
Quels sont l’héritage et l’actualité de Niomar Moniz Sodré Bittencourt aujourd’hui ?
L’héritage de Niomar est celui d’une femme d’exception, à la fois défenseure des arts et des libertés. Elle incarne la résilience et le courage face à l’adversité, son combat rappelant que la culture et la presse sont des armes puissantes contre l’oppression. Son rôle dans l’histoire du MAM et du Correio da Manhã reste un modèle pour les générations futures. En mars 2025, la parution d’un livre sur sa vie suivie de la vente de sa collection chez Sotheby’s permettront de mieux mettre en lumière sa vie hors du commun. Son engagement demeure une source d’inspiration, notamment pour les femmes qui, comme elle, osent défier les conventions et poursuivre leurs idéaux avec passion et détermination. ○
Le président du Brésil Juscelino Kubitschek, Georges Mathieu, Niomar Moniz Sodré Bittencourt et le comte d’Arquian devant l’œuvre sculptée de Maria Martins, symbole de Brasília
↑ Musée d’Art moderne de Rio de Janeiro
ART MODERNE ET CONTEMPORAIN
Vente du soir à Paris le 10 avril — Vente du jour du 2 au 11 avril
Un ouvrage fascinant qui plonge le lecteur dans l’univers prestigieux de l’un des plus beaux châteaux d’Angleterre. À travers des photographies époustouflantes et des récits inédits, ce livre dévoile l’histoire et l’architecture de Castle Howard. Un véritable voyage au cœur du raffinement, parfait pour les amateurs de patrimoine et de décoration.
PAR
Pierre Sauvage
GUILLAUME BRESSON AU CHÂTEAU DE VERSAILLES
J’aime beaucoup le travail de ce peintre français, dont le style est à la fois très classique et extrêmement moderne, et dont j’ai la chance de posséder un diptyque. Dans cette exposition, l’artiste réinvestit le mode de représentation classique de la peinture religieuse et d’histoire, et présente ses toiles dans les salles d’Afrique. Ses œuvres hyperréalistes, représentant des personnages en proie à des combats dans des scènes de rue, seront confrontées aux tableaux historiques d’Horace Vernet, questionnant ainsi la mise en scène de la violence en peinture. Du 21 janvier au 25 mai 2025.
150 ANS DU PALAIS GARNIER
En 2025, l’Opéra national de Paris célèbre le 150e anniversaire de ce lieu emblématique de la capitale, avec notamment un gala anniversaire réunissant artistes, danseurs et chanteurs de l’Opéra.
Pierre Sauvage est PDG de Casa Lopez et de Tissus Choisis, deux maisons de décoration sur mesure à Paris. Il est l’auteur de Un art de vivre (2018), de Chez eux (2020) et de Plans de table (2024).
Le palais de la Découverte rouvrira ses portes le 6 juin 2025. Ce musée consacré aux sciences et expérimentations, créé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1937, a marqué mon enfance. J’adorais y aller, en particulier pour son planétarium. Je suis donc très curieux de le redécouvrir. Avenue Franklin-Delano-Roosevelt, 75008 Paris. 5 4
LA MODE AU LOUVRE
Le musée du Louvre, emblématique de la capitale, présente sa première exposition mode de l’histoire. Il met en regard ses trésors issus de l’art classique avec les créations des plus grands couturiers et des jeunes talents prometteurs. Une raison de plus de retourner dans ce musée incontournable !
Du 24 janvier au 21 juillet 2025.
PALAIS DE LA DÉCOUVERTE
C↑
Diego Giacometti, dans son atelier de la rue du Moulin-Vert, avec sa chatte Pita blottie dans ses bras, sous le regard complice de Caroline Pigozzi
aroline Pigozzi est d’abord reconnue pour sa vaste expertise du Vatican ; première et seule Française à avoir suivi trois papes : Jean-Paul II, Benoît XVI et François. Après douze années passées au Figaro Magazine, puis trente-deux comme grand reporter à Paris Match, cette vaticaniste confirmée doublée d’un écrivain a couvert d’innombrables événements à travers le monde : de l’Afghanistan à l’Arabie Saoudite, l’Amérique latine, la Mongolie, la Papouasie, l’Afrique, les pôles… Elle a également interviewé cinq présidents de la République française et bien sûr le pape François, mais aussi Bernadette Chirac, Brigitte Macron, le roi Mohammed VI, Caroline Kennedy, Brigitte Bardot, Marcello Mastroianni, le dessinateur de bande dessinée Charles Schulz, auteur de Snoopy, et tant d’autres* ; Caroline Pigozzi a par ailleurs suivi nombre de personnages mythiques dont la reine Élisabeth II. Mais ce que beaucoup ignorent est que cette journaliste audacieuse était une grande amie du sculpteur Diego Giacometti qu’elle connut toute jeune chez les Bokanowski et les Tubiana. Une profonde complicité qui reposait d’abord sur un amour commun et infini des animaux et en particulier des renards. Ainsi sont-ils restés très proches jusqu’à la disparition de l’artiste en juillet 1985. Quarante années plus tard, elle partage avec nous les émouvants souvenirs de cette amitié privilégiée. ○
* Pourquoi eux aux éditions Plon
Florent Jeanniard
Diego Giacometti parlait doucement, d’une voix chaude et posée, ponctuée de temps à autre d’intonations italiennes, héritage sans doute de son Tessin natal. Cette façon de s’exprimer avec des mots précis donnait à son interlocuteur la voluptueuse impression de pénétrer dans l’univers privé de l’artiste. D’être en quelque sorte un privilégié partageant ses confidences… même s’il s’attardait peu sur les femmes qu’il avait séduites dont je me suis toujours demandé s’il empruntait là une pudeur tout helvétique… Diego aussi raffiné qu’élégant, généralement vêtu d’un pantalon de velours côtelé et d’un pull vert, gris ou brun, parfois teintés de nuages des poussières de plâtre de son atelier, appréciait surtout les tête-à-tête, les bons repas mais pas vraiment les mondanités !
Ces sympathiques parenthèses lui permettaient notamment des commentaires éclairés sur l’actualité, car l’homme qui ne s’arrêtait jamais de travailler sculptait en écoutant la radio qu’il n’éteignait que lorsqu’il recevait ceux qui lui avaient commandé des œuvres. Souvent des personnages en vue – dans les domaines les plus éclectiques : de Marguerite et Aimé Maeght, amoureux dès les tout débuts de son travail, à Robert Badinter, Simone Veil, le professeur Raoul Tubiana, l’historien d’art Jean Leymarie, le décorateur Henri Samuel, sans oublier JeanPierre Moueix, propriétaire bordelais du grand cru de pomerol Château Pétrus, pour ne citer qu’eux – traversaient émerveillés la cour encombrée des bronzes dépareillés de l’atelier de la rue du Moulin-Vert. Un petit monde de proches qui ne se croisaient guère et venaient avec une fausse candeur
« Diego avait le sens des mots, le culte de l’amitié, de l’amour des animaux, vertus que rien ne pouvait entamer ! »
demander à l’artiste où en était leur commande, histoire de s’assurer que le meuble en bronze sculpté ou la pièce qu’ils espéraient tant était bien inscrit au Bic bleu dans son cahier d’écolier aux pages jaunies. Alors Diego, que rien en réalité n’impressionnait, souriait, plissait les yeux… Puis, pour faire diversion, commentait avec réalisme la politique, la poésie et le reste… Toutefois la maîtrise des dates dans ce domaine restait la sienne ; il n’était pas question de faire de caprice avec ce grand artiste ! « Le temps est galant homme », lâchait-il, très gentleman, heureux que ce vieux proverbe italien vienne à son secours… Ensuite, il refermait dignement son cahier magique, objet des fantasmes de ses visiteurs qui tentaient d’y lancer un regard furtif.
Avec Diego nous parlions de tout, mais d’abord d’animaux, un sujet pour nous éternel ; les renards et ses deux chats bien sûr – j’ai d’ailleurs hérité à sa disparition en 1985 de Pita, le tigré qui a symbolisé l’âme de Diego dans mes murs. Car au-delà de m’avoir fait aimer le xive arrondissement et incitée à m’installer à quelques jets de pierre de chez lui, nous partagions une fascination, le mot n’est pas trop fort, pour les renards. Après avoir évacué ceux de la politique, il me confessait avec émotion sa tristesse quand une ravissante renarde rousse, venue s’abriter pendant la guerre dans sa cour avec ses petits qu’il nourrissait quotidiennement de pain trempé dans du lait, était néanmoins un beau matin repartie en direction de
Montrouge… « À cette époque, soulignait-il, j’espère, comme il y avait beaucoup moins de voitures, qu’elle ne s’est pas fait écraser avec ses renardeaux. » C’est ce jour-là que je lui avais avoué un rêve d’enfant, celui d’apprivoiser un fennec, petit renard des sables aux oreilles pointues qui vit surtout dans le désert. Nous pouvions aborder des heures durant toutes sortes de thèmes, mais le plus frappant chez cet ami merveilleux était son naturel, son humilité puisque pour lui l’artiste c’était son frère, le grand Alberto. Même s’il était mort depuis 1966, l’ombre tutélaire de cet aîné restait toujours tellement présente… D’ailleurs le matin, il se rendait rue Hippolyte-Maindron dans l’atelier où il avait sculpté avec Alberto et, l’aprèsmidi, œuvrait chez lui. Diego n’avait guère de date pour ses commandes. Sa logique dans l’existence était d’abord celle de ses pulsions affectives, reposant sur ce que lui dictaient son instinct, son élégance de cœur, son humour, les rires de ses visiteurs et le bon vin…
Je laissais Moueix lui apporter de grands crus de sa production et moi j’osais lui offrir des pots de ma gelée de pomme et groseille sucrée au miel, recette que j’avais apprise enfant auprès de notre cuisinière de famille. C’est alors que Giacometti, de sa belle voix, me lançait : « Ce que tu réussis à faire de tes mains est formidable ! » Quelle jolie déclaration de sa part ! Diego avait le sens des mots, le culte de l’amitié, l’amour des animaux… vertus que rien ne pouvait entamer ! Ainsi l’une de ses plus grandes joies secrètes était d’être accueilli lorsqu’il rentrait chez lui par ses chats ronronnant de plaisir et se frottant contre ses épais pantalons. ○
Lalanne
Bar aux autruches Estimation sur demande
Vente à Paris le 20 mai
Retrouvez le questionnaire de Proust de Betty Catroux sur le site de Sotheby's
DOLCE
&& GABBANA
Italian Touch
S’ils devaient choisir une ville italienne, ce serait Rome l’éternelle, ou peutêtre Milan la dynamique, Naples la décadente, Venise et sa lagune magique, Palerme et son meltingpot de cultures normande, baroque, byzantine et ottomane... Par leur mode, Domenico Dolce et Stefano Gabbana célèbrent cette image de l’Italie : exubérante, foisonnante, jamais classique. Leurs collections Alta Moda, Alta Gioielleria et Alta Sartoria étaient exposées au Grand Palais, à Paris, à l’occasion de la rétrospective « Du cœur à la main » qui présentait plus de 200 robes et costumes tous plus luxueux les uns que les autres. Une exposition baroque et somptueuse autour de leurs ateliers et de l’excellence du savoir-faire, visitée par des centaines de milliers de personnes. « C’est un immense honneur car cette rétrospective n’est pas qu’une exposition sur nous, mais elle rend hommage à l’artisanat italien, incarné par les centaines d’artisans avec qui nous collaborons. Cette exposition est pour eux ! », s’enthousiasme le duo de créateurs. Aussi dédiée à la mode soit-elle, « Du cœur à la main » raconte aussi l’amour que les deux designers portent à l’art. Rencontre.
L’exposition « Du cœur à la main » témoigne de votre relation unique avec l’art ancien. Comment celle-ci influe-t-elle sur votre mode ?
Domenico Dolce : Nous travaillons beaucoup en nous inspirant de l’art ancien qui a cette capacité unique de raconter des histoires, de nous transmettre des émotions. C’est ce qui le rend si passionnant. Prenez le baroque : il exalte la passion, le drame, le théâtral, l’opulence. Une vision du monde qui nous parle, c’est une mode à laquelle nous aspirons.
Stefano Gabbana : Moi, je dirais que l’art ancien dégage à la fois du mystère et de la perfection. Ce qui est sûr, c’est que notre passion pour l’art ancien n’est pas qu’esthétique. Il véhicule une culture, une spiritualité. Mais il nous arrive aussi de nous en éloigner. La Renaissance, le classicisme, l’art contemporain, voire le minimalisme, peuvent nous inspirer s’ils permettent de raconter une histoire de manière plus intense.
Dans l’exposition, il y a aussi de la place pour l’art sacré...
D. D. : Vous savez, nous évoquons constamment la religion chrétienne dans nos créations. Comme lorsqu’en 2017 nous avons voulu traduire la beauté et le faste de la cathédrale de Monreale, en Sicile, dans notre collection Alta Moda. Chacune des robes reproduisait sequin par sequin les motifs de ses mosaïques.
S. G. : Mais attention, notre passion pour le sacré ne relève pas uniquement du religieux ! L’idée des habits liturgiques, leur confection et la symbolique cachée derrière chaque tenue nous passionnent. Pour nous, le vêtement s’apparente parfois à une rencontre mystique. Voilà pourquoi nous avons inclus dans l’exposition une salle consacrée à cet univers : on y accède comme dans une chapelle, avec son halo de mystère conféré par le noir et l’or des habits, la musique liturgique qui résonne... J’adore !
Comment s’est développé votre goût pour l’art ?
D. D. : Grandir en Italie facilite les choses car l’art est partout ! Au coin d’une rue, niché dans les palais princiers, affiché au grand jour sur les fresques des églises, suspendu aux habits traditionnels des processions de Pâques... C’est de l’art à l’état pur.
S. G. : C’est tout à fait juste. D’autant plus que nous avons toujours été passionnés par l’art et la beauté, ce qui nous a amenés à découvrir, approfondir et collectionner les œuvres.
(Page précédente)
Domenico Dolce et Stefano Gabbana
Du cœur à la main, Dolce&Gabbana « White Baroque » →
Du cœur à la main, Dolce&Gabbana « Devotion »
« Pour nous, le vêtement
s’apparente parfois à une rencontre mystique. Voilà pourquoi nous avons inclus dans l’exposition une salle consacrée à cet univers : on y accède comme dans une chapelle, avec son halo de mystère conféré par le noir et l’or des habits, la musique liturgique qui résonne... J’adore ! »
INTERVIEW
Domenico Dolce et Stefano Gabbana
Quel style de collectionneurs êtes-vous ?
S. G. : Progressivement, nous avons commencé à acheter des œuvres qui nous touchaient, sans pour autant avoir l’ambition de constituer une véritable collection.
D. D. : Oui, nous fonctionnons à l’instinct. Et quand on tombe amoureux d’une œuvre, on ressent le besoin impérieux de l’avoir chez nous. Petit à petit, nous nous sommes rendu compte que nous étions en train de constituer une collection qui racontait notre esthétique et notre façon de voir le monde.
Que dit votre collection de vous ?
D. D. : Elle est éclectique ! Elle combine différentes époques artistiques tous azimuts, du baroque à l’art contemporain, constituée de peintures, sculptures, photographies. Mais avec un fil rouge : des œuvres à l’identité forte.
S. G. : Elle raconte notre amour pour les œuvres du passé mais aussi pour des pièces plus avant-gardistes. Nos goûts s’influencent mutuellement. Parfois l’un est attiré par l’art du passé, tandis que l’autre est fasciné par l’art contemporain, et vice versa. Progressivement, nous avons appris à ordonner le chaos de nos sensibilités, aussi bien dans notre travail que dans nos préférences artistiques.
D. D. : Il y a plusieurs années, Stefano m’a offert un portrait de femme de Tamara de Lempicka, car j’aime profondément le travail de cette artiste polonaise. À partir de ce cadeau, nous avons commencé à nous inspirer des influences de l’Art déco. Le résultat a été la collection automne-hiver 2000-2001 que nous avons dédiée à cette artiste !
Avec quels artistes contemporains aimeriez-vous collaborer chez Dolce & Gabbana ?
D. D. : Difficile de choisir ! Mais par exemple, pour l’exposition de Paris, avec la commissaire Florence Müller, nous avons sollicité des artistes numériques : Vittorio Bonapace, Quayola ou Felice Limosani, qui ont créé des œuvres spécifiques pour le projet. Le résultat est extraordinaire ! Beaucoup de gens diabolisent l’art numérique, mais il ne faut pas oublier que, derrière les machines, les ordinateurs, et même l’intelligence artificielle, il y a et il y aura toujours un artiste et sa sensibilité propre.
S. G. : Sans oublier Anh Duong, qui depuis 2012 imagine une œuvre d’art pour chacune de nos collections de Alta Moda. Nous avons réuni ses peintures dans la toute première salle de l’exposition, comme pour introduire la visite.
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Sac baroque en bois laqué et résine avec Vierge à l’Enfant peinte à la main, Dolce&Gabbana
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Sandro Botticelli
Le Printemps, vers 1480
Musée des Offices, Florence
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Du cœur à la main, Dolce&Gabbana, vue de l'exposition
Vous considérez-vous comme des artistes ?
S. G. : Plus que des artistes, nous essayons d’être les gardiens d’un artisanat qui risque de se perdre.
D. D. : La vérité c’est que nous avons lancé nos collections Alta Moda et Alta Gioielleria précisément pour rendre hommage aux artisans qui, de génération en génération, cultivent et transmettent un savoir-faire unique. L’art de la micro-mosaïque, le tressage des paniers d’osier, la marqueterie de bois, le filigrane d’or, la broderie, les décorations du carretto sicilien... Nous nous efforçons de traduire ces procédés dans nos vêtements. C’est notre façon à nous de faire rayonner le Made in Italy et de clamer haut et fort que seul l’être humain sait créer de la beauté qui dure. En 2012, nous avons lancé le projet des « Botteghe di Mestiere » : une école au sein de notre maison de luxe qui a pour objectif de transmettre les bases de la couture aux jeunes.
Pour finir, quelle œuvre d’art seriez-vous ?
S. G. : La Primavera de Botticelli, pour sa beauté, sa légèreté et l’idée du pouvoir de la nature et du changement qu’elle évoque. Encore une fois, en 1993, nous avons conçu des vêtements inspirés de cette magnifique peinture.
D. D. : Pour moi, ce serait l’intensité de Guernica de Picasso. ○
Propos recueillis par Ilaria Casati
Journaliste mode à ELLE, Ilaria Casati décrypte depuis seize ans la scène mode internationale. Enfant, elle se rêve styliste de mode. Ensuite elle se spécialise dans le journalisme, puis finit par combiner ses deux amours. Depuis, elle écrit les tendances, part en reportage lors des fashion weeks et rencontre les créateurs du monde entier.
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Photographie prise par Raymond Cauchetier de Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg sur le tournage dʼÀ bout de souffle
« QU’EST-CE
QUE C’EST, DÉGUEULASSE ? »
Cette phrase culte d’À bout de souffle est connue même de ceux qui n’ont pas vu le film. La mort de Belmondo (Michel Poiccard), rue Campagne-Première, reste gravée dans les mémoires.
Au sol, agonisant, Michel comprend qu’il a été trahi par Patricia (Jean Seberg), une jeune étudiante américaine dont il est amoureux. « C’est vraiment dégueulasse », lui dit-il avant de mourir. Debout au-dessus de lui, en robe rayée, elle demande au policier qui lui a tiré dessus : « « Qu’est-ce qu’il a dit ? – Il a dit, vous êtes vraiment une dégueulasse ». Elle prononce alors ces mots célèbres : « Qu’est-ce que c’est, dégueulasse ? » face caméra, en se passant le doigt sur les lèvres comme Michel le fait à plusieurs reprises au cours du film. Gros plan sur elle, elle se retourne avant que n’apparaisse le mot « Fin ».
Godard, à 29 ans, réalise son premier film, une histoire de gangsters dans le style américain. À bout de souffle deviendra un des films cultes de la Nouvelle Vague, aux côtés des 400 Coups de Truffaut.
Georges de Beauregard, son producteur, a compris très vite le talent de Godard et a voulu lui faire réaliser son premier film. Ce dernier lui apporta alors un synopsis de quatre pages vaguement écrit par Truffaut et Chabrol qui lui plut et qui s’inspirait d’un
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Jean-Luc Godard
À bout de souffle, 1959
Scénario, dialogues, découpage de la bandeannonce, divers documents et photographies. Manuscrit autographe inconnu de 72 pages
Provenance : collection Bruna de Beauregard
Estimation : 400 000-600 000 €
« Livres et Manuscrits »
Vente en ligne du 4 au 18 juin 2025
fait divers qui défraya la chronique en 1952 : « Là-dessus Godard a tout changé et il a fait ce qu’il a voulu », dira Chabrol.
Sans l’audace de Georges de Beauregard, qui eut du mal à monter financièrement un tel film, lequel nécessita la mention fictive de Truffaut et de Chabrol au générique, À bout de souffle n’aurait jamais vu le jour. Le tournage, rapide, se déroule du 17 août au 15 septembre 1959.
« J’avais écrit la première scène (Jean Seberg sur les Champs-Élysées) et, pour le reste, j’avais énormément de notes correspondant à chaque scène. Je me suis dit : c’est affolant ! J’ai tout arrêté. Puis j’ai réfléchi : en un jour, si on sait s’y prendre, on doit arriver à tourner une dizaine de plans. Seulement, au lieu de trouver longtemps avant, je trouverais juste avant. Quand on sait où l’on va, ce doit être possible. Ce n’est pas de l’improvisation, c’est de la mise au point de dernière minute », dira Godard.
Filmé caméra à l’épaule, avec des dialogues écrits au dernier moment que Godard demande à ses acteurs de répéter directement en une seule prise, les scènes sont tournées en muet, avec l’utilisation de la postsynchronisation, des techniques innovantes comme les jump cuts (coupes franches dans les plans) et les faux raccords, les scènes volées, les consignes courtes données aux acteurs font d’À bout de souffle un film « révolutionnaire » comme le qualifie Martin Scorcese. En effet, Godard choque et refuse les contraintes, créant un « cri » cinématographique, selon Truffaut. En mai 1967, celui-ci écrit qu’À bout de souffle marque un tournant décisif dans l’histoire du cinéma, à l'instar de Citizen Kane en 1940 : « Godard a pulvérisé le système, il a fichu la pagaille dans le cinéma. »
En rupture totale avec ce qui a été fait auparavant, Godard transforme le cinéma et le rajeunit. Il le réinvente en partant d’une histoire conventionnelle, donnant l’impression de découvrir les procédés cinématographiques pour la première fois. « À bout de souffle était le genre de film où tout était permis, c’était dans sa nature. Quoi que fassent les gens, tout pouvait s’intégrer au film. J’étais même parti de là », dira-t-il des années plus tard.
Ce film ovni, au succès interplanétaire, deviendra l’un des plus grands mythes du cinéma. À voir ou à revoir ! ○
Anne Heilbronn
Vice-présidente, directrice du département Livres et Manuscrits
Renaissance
Cinq ans après l’incendie de Notre-Dame, la cathédrale renaît de ses cendres et retrouve sa splendeur grâce à une mobilisation extraordinaire et sans commune mesure. Symbole du génie français, ce chantier titanesque a réuni des artisans d’exception – tailleurs de pierre, charpentiers, maîtres verriers – aux savoir-faire séculaires. Cette réhabilitation magistrale place la création contemporaine au cœur de son approche et affirme ainsi l’ancrage de Notre-Dame dans le présent et l’avenir. Parmi les figures marquantes de cette réouverture, deux artistes témoignent de ce dialogue entre tradition et modernité. Jean-Charles de Castelbajac, créateur pop à l’âme visionnaire, a conçu les habits liturgiques portés par les célébrants lors de la cérémonie d’inauguration. De son côté, Claire Tabouret, l’une des artistes françaises les plus adoubées de sa génération, réinterprète la lumière de la cathédrale avec une série de vitraux figuratifs destinés à remplacer d’anciennes verrières historiques d’ici fin 2026. Un dialogue fascinant entre mémoire et modernité, où le sacré s’écrit au présent.
Installée dans le top 10 des artistes français les mieux cotés, Claire Tabouret a été retenue à l’unanimité pour réaliser 121 m2 de vitraux figuratifs pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ceux-ci remplaceront, d’ici fin 2026, six verrières en grisaille placées au xixe siècle par Viollet-le-Duc, classées monument historique.
uelle est l’impression laissée, sur la rétine, par les vitraux de Viollet-le-Duc ? Quel souvenir, quelle sensation ont-ils ancrés en nous ? C’est un projet quasi impressionniste que l’artiste française Claire Tabouret a imaginé avec les maîtres verriers de l’Atelier Simon-Marq pour la création de nouvelles baies dans la cathédrale NotreDame de Paris, sur le thème de la Pentecôte. Parmi les huit finalistes sélectionnés sur 110 candidatures, Philippe Parreno, Daniel Buren ou encore Yan Pei-Ming avaient aussi été auditionnés : « L’idée du vitrail dans le vitrail permet de faire le lien, d’être dans le respect de ce qui a été fait avant, de ce qu’il y aura après… », a expliqué la plasticienne lors de la conférence de presse du projet, sur le chantier de Notre-Dame de Paris, le 18 décembre dernier. L’artiste présentait ce jour-là des esquisses de 2 mètres de haut (contre 7 mètres à taille réelle). « Ce travail s’inscrit dans une histoire justement, un palimpseste, en faisant apparaître non pas tant une reproduction exacte des motifs de Viollet-le-Duc mais ce qui en serait la mémoire, ce qui en demeurerait dans notre mémoire visuelle » (source Le Figaro Live).
Avant d’obtenir des monotypes, un procédé qu’elle connaît bien, Claire Tabouret s’est servie de photographies à faible résolution des vitraux, imprimées ensuite en grande format, dans une quête de « l’érosion des formes ». Née en 1981 à Pertuis – aux portes du Luberon –, ancienne élève des Beaux-Arts de Paris, la plasticienne a imaginé au fil des années une nouvelle peinture figurative, où les formes humaines le disputent à la mouvance du geste, à l’indétermination du récit dans un nouveau champ des possibles : « Ma première expérience de peinture, c’est une surface mouvante », racontait Claire Tabouret en 2019, dans une vidéo au sujet des Nymphéas de Monet pour le musée d’Orsay. « La surface de l’eau est en perpétuel mouvement et, pour moi, la surface du visage a cette même impermanence. » Repérés très tôt par François
Pinault, les milles visages de Claire Tabouret posent désormais leur regard partout dans le monde, du Musée national d’art moderne –Centre Pompidou à l’Institute of Contemporary Art de Miami, en passant par la chapelle privée du château de Fabrègues, lieu de création de Pierre Yovanovitch.
« Je me suis posé beaucoup de questions avant de me lancer dans une candidature : je me suis demandé si j’étais légitime, ce que j’avais à dire… », poursuit Claire Tabouret. « Je me suis posé des questions, aussi, sur le bien-fondé du projet. Plus j’en ai appris, plus j’ai lu et plus j’ai été enthousiaste car j’ai de suite reconnu une grande audace dans ce projet » (source AFP). Aussi téméraires que controversés, les nouveaux vitraux de Notre-Dame de Paris ont alimenté l’un des feuilletons de l’année 2024, constituant pour certains une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, décortiquée par les médias du monde entier : « Pour s’immortaliser, “les présidents américains ont leurs bibliothèques, leurs homologues français, eux, préfèrent le verre”, ironise The Wall Street Journal, aux États-Unis » (Courrier international). Le 11 juillet dernier, alors qu’elle n’en est encore qu’au stade de l’appel à projets, l’initiative du président de la République Emmanuel Macron et de l’archevêque de Paris, Laurent Ulrich, est rejetée à l’unanimité par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture – qui s’était, par le passé, opposée à la pyramide du Louvre et aux colonnes de Buren au Palais-Royal. Une pétition, lancée en décembre 2023 par Didier Rykner, fondateur de La Tribune de l’art, a recueilli depuis plus de 270 000 signatures. ○
Propos recueillis par Mathilde Berthier Mathilde Berthier a signé un chapitre sur le couturier Alexander McQueen dans HistoryCube (2021) et a écrit, avec Céline Cabourg, l’ouvrage Claquettechaussette & Corset, paru en 2022 aux Éditions de La Martinière.
INTERVIEW DE
Jean-Charles de Castelbajac
S’il s’assume aujourd’hui comme « rétro-futuriste », Jean-Charles de Castelbajac a toujours eu une longueur d’avance. Le couturier, qui a habillé les 700 célébrants pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris en décembre dernier, fait actuellement partie de l’exposition « Louvre Couture ».
mode audelà de la
Portrait
Ce n’est pas la première fois que vous créez des vêtements sacerdotaux. En 1997, vous habilliez le pape Jean-Paul II... En 1987 déjà, j’avais travaillé sur la liturgie en prison et c’est à cette époque que monseigneur Lustiger m’avait remarqué et m’avait dit : « On se reverra. » Dix ans plus tard, il m’a rappelé pour les Journées mondiales de la jeunesse. Ce fameux arc-en-ciel sur les chasubles, c’était comme un coup de tonnerre : on entrait vraiment en rupture avec le vêtement liturgique traditionnel, dans son élaboration brodée… Je faisais presque du sweat-shirt, des ponchos de couleur avec des rayures, dans la continuité finalement des vêtements liturgiques de prison réalisés avec K-Way. L’aumônier allant de prison en prison, il avait besoin d’un vêtement transformable.
Votre carrière s’est construite dans la transversalité, dans le dialogue entre les univers et ce, depuis vos débuts… Mon travail a toujours été protéiforme. J’ai œuvré pendant dix ans autour de l’accumulation. Dès 1971, j’ai imaginé mes premières vestes en serpillère, en upcycling. L’époque que nous vivons ressemble, je trouve, à ce que j’avais envisagé : quand j’ai commencé à travailler sur la rencontre entre l’art et la mode en 1982, avec Robert Mapplethorpe, Keith Haring… mais aussi quand j’ai engagé de premières collaborations, avec Weston par exemple.
Vous parlez d’« électriser l’histoire ». Dans « Louvre Couture », jusqu’au 21 juillet, vous exposez d’ailleurs un tailleur à deux Bambi sur fond de tapisserie. Comment trouver le juste équilibre entre tradition et modernité ? Ma relation avec l’histoire est la plus instruite. Au moment de ma rétrospective au musée Galliera, en 2007, on m’avait ouvert les tiroirs de l’histoire. Quand vous ouvrez ces tiroirs, vous trouvez le petit costume de Louis XVII au Temple, la robe de chambre de Napoléon à Sainte-Hélène… Quand vous ouvrez ces tiroirs, ce sont des fantômes qui jaillissent. J’ai longtemps été dans l’anticipation et, aujourd’hui, j’ai tendance à devenir rétrofuturiste : j’aime aller chercher le contenu de l’histoire pour le ramener dans le présent.
« ... j’aime aller chercher le contenu de l’histoire pour le ramener dans le présent. »
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Collection « L’Archipel Sentimental » Gien × Jean-Charles de Castelbajac
Tailleur de Jean-Charles de Castelbajac devant les tentures des « Chasses de Maximilien » à l’exposition « Louvre Couture. Objets d’art, objets de mode », 2025
À l’approche de la réouverture de Notre-Dame de Paris, sentiez-vous que vous étiez en train de faire quelque chose d’important ?
Parfois ça m’a coûté cher… mais je suis sûr de moi. Cette détermination fait que le dernier mystère qu’il restait, c’était la convergence entre les 120 bannières et les 700 vêtements liturgiques. Comment tout cela allait fonctionner ? se regrouper ? La réouverture de la cathédrale a constitué, aussi, une mise en lumière du savoir-faire français. Ma fierté, ça a été d’emmener tous ces artisans du 19M, Lesage, Montex, Maison Michel, Goossens, Paloma… à côté des compagnons. Cette expérience extraordinaire m’a donné envie de refaire de la mode alors que ce n’était pas de la mode.
Ce n’était pas de la mode ?
Je pense que la paramentique va au-delà de la mode : elle parle de sacré. La mode parle du visible et ce travail parle de l’invisible. La paramentique, ce sont des vêtements qui accompagnent une cérémonie, qui ne sont pas là pour paraître mais pour sublimer, pour magnifier, pour transcender le geste du célébrant… Voilà pourquoi je m’y sens aussi confortable : parce qu’il y a cette dimension d’intemporalité.
Avec plusieurs millions de téléspectateurs, vous avez touché un nouveau public.
Ce coup de projecteur sur mon travail est extraordinaire : des gens très différents viennent vers moi aujourd’hui, c’est très touchant… Au-delà de l’accomplissement qu’elle représente, cette expérience m’a donné des ailes. Moi-même, tant que je reste « fan », je suis vivant. La « grande forêt » s’est dépeuplée, avec les disparations de David Lynch, Oliviero Toscani… mais j’ai aussi beaucoup d’amis que j’admire, de la jeune génération. ○
Propos recueillis par Mathilde Berthier
DAVID HOCKNEY
INTERVIEW DE
Norman Rosenthal
Sir Norman Rosenthal connaît David Hockney depuis plus de cinquante ans. En tant que secrétaire des expositions à la Royal Academy of Arts de Londres de 1977 à 2008, il a organisé en 1995 une exposition consacrée aux dessins de l’artiste britannique. Il a également joué un rôle clé dans la participation de Hockney à deux expositions estivales de cette même institution. Aujourd’hui, en 2025, il est le commissaire invité de l’exposition David Hockney 25 : « Do remember they can’t cancel the Spring » à la Fondation Louis Vuitton. Cette rétrospective explore les 25 dernières années de la carrière de l’artiste et réunit des œuvres réalisées avec une grande diversité de techniques.
PEINDRE LA VIE
Quand avez-vous rencontré David Hockney pour la première fois ?
J’ai découvert le travail de David Hockney en 1966, à Bond Street, notamment à la galerie Kasmin, juste après avoir quitté l’université. Puis, en 1971, un ami, Karl Bowen, un jeune peintre, m’a emmené au Hard Rock Café le soir même de son ouverture, près de Hyde Park Corner. À l’époque, c’était l’endroit le plus branché de Londres, et nous nous sommes retrouvés assis à une table avec David Hockney.
Bien plus tard, en 1995, alors que j’étais secrétaire des expositions à la Royal Academy of Arts, j’ai organisé, avec Marco Livingstone, une exposition de ses dessins. J’ai aussi œuvré pour qu’il puisse présenter certains de ses tableaux du Grand Canyon (1998) dans l’exposition d’été de la Royal Academy, et en 2012, dans cette même exposition, son immense toile Bigger Trees near Warter or/ou Peinture sur le motif pour le nouvel âge post-photographique, composée de 50 panneaux. Cette œuvre figure d’ailleurs dans l’exposition de la Fondation Louis Vuitton, où elle constitue le point d’orgue d’une salle dédiée à son travail dans le Yorkshire, réalisé principalement au cours des dix premières années de ce siècle.
↑ David Hockney
27 March 2020.N1., 2020 lithographie offset
Qu’est-ce qui vous a amené à être le commissaire de son exposition à la Fondation Louis Vuitton ?
Il y a deux ans, David m’a appelé chez moi à l’improviste et m’a demandé : « Norman, aimeriez-vous organiser mon exposition à la Fondation Louis Vuitton ? » À ce moment-là, j’étais déjà commissaire de deux autres expositions, l’une à Istanbul, l’autre à Venise. Mais bien sûr, après avoir pris une grande inspiration, j’ai immédiatement répondu : « Oui ! »
Ces deux dernières années ont été un immense plaisir et un privilège pour moi. J’ai pu mieux connaître David, à la fois en tant qu’homme et, surtout, en tant qu’un des plus grands artistes de notre époque. Il est au sommet, aux côtés de Picasso : un artiste aimé et admiré par tous.
Comment interprétez-vous l’interaction entre sa vision et la diversité des médias qu’il utilise ?
C’est un peintre et un dessinateur classiques, au sens noble du terme : il réalise des peintures, des gravures et des dessins. Contrairement à Picasso, il ne sculpte pas vraiment. En revanche, il a aussi fait des films, qu’il considère comme des peintures animées. Lorsqu’il travaille sur iPad, il dessine directement avec ses doigts, comme s’il utilisait un pinceau.
Ce qui m’a frappé chez David, c’est le caractère inépuisable de son travail – encore une fois, exactement comme chez Picasso. Il trouve son bonheur dans la création quotidienne. Son œuvre forme un tout incroyablement cohérent, malgré sa diversité. Il peint ce qui est devant lui, physiquement et mentalement. Par exemple, la manière dont il a peint les rondins est totalement différente de celle qu’il a utilisée pour représenter les fleurs d’aubépine. Plus jeune, il peignait les murs des clubs gays, et pourtant, il applique la même approche aujourd’hui en peignant les feuilles des pommiers en Normandie.
David Hockney
Christopher Isherwood and Don Bachardy, 1968
Acrylique sur toile, 212,1 × 303,5 cm
David Hockney
May Blossom on the Roman Road, 2009
[Floraison de mai sur la route romaine]
Huile sur huit toiles, 182,9 × 487,7 cm ensemble
David Hockney est passionné par l’histoire de l’art et a publié en 2001 Savoirs secrets. Les techniques perdues des maîtres anciens. Comment cette exposition reflète-t-elle cet intérêt ?
David s’intéresse profondément à l’histoire de l’art et aux multiples façons dont les artistes ont représenté l’espace en deux dimensions. Il sait qu’il s’inscrit dans une longue tradition et qu’il se tient sur les épaules des maîtres du passé, de Fra Angelico et Claude Lorrain à Picasso. Il observe sans cesse les grands artistes et réinterprète leurs œuvres à sa manière, notamment celles de Van Gogh, Pissarro, Sisley et Picasso dans son travail normand. Ses œuvres réalisées en Normandie sont absolument spectaculaires. L’exposition présente la plupart des 220 peintures qu’il a réalisées en 2020, durant la pandémie, sur iPad et sur toile. Jonathan Wilkinson, directeur de son atelier, a conçu une magnifique mise en scène de ces œuvres numériques. Mais l’exposition inclut aussi des toiles de cette période que David continue de retravailler aujourd’hui, même depuis Londres.
L’exposition consacre une section à son entourage, avec des portraits de proches et de figures célèbres comme John Baldessari, Frank Gehry et Harry Styles. Comment choisit-il ses modèles ?
Il peint les personnes qu’il connaît, ses amis. Il ne réalise pas de portraits sur commande, à une exception près, il y a longtemps. Il m’a d’ailleurs peint deux fois l’année dernière, simplement parce que j’étais là, je suppose ! Dans l’un de ces portraits, je porte ma tenue de la Royal Academy of Arts, avec toutes mes médailles et mon nœud papillon blanc.
Comment décririez-vous l’expérience de poser pour lui ?
Il lui faut environ cinq jours pour réaliser un portrait. Il faut rester aussi immobile que possible, mais il veille à ce que la pose ne soit pas une torture. En général, il se concentre sur son travail et parle peu. Il décrit ses portraits récents comme des dessins, même sur toile, car il les réalise directement, sans esquisse préparatoire. Il cherche avant tout la vérité visuelle.
« Il existe une poignée d’artistes dont le nom ne disparaîtra jamais de l’histoire. Un amateur éclairé peut citer cinq à dix artistes par génération. Un historien de l’art, peut-être vingt-cinq. Mais David Hockney fait partie de ceux dont on se souviendra toujours. »
Une autre section de l’exposition est dédiée aux décors d’opéra qu’il a réalisés dans les années 1970 et 1980. Comment a-t-il intégré son amour de la musique à son œuvre ?
Il adore la musique, il l’écoute en boucle, et elle se transforme en couleurs, en formes et en espaces sur ses toiles. Il entend littéralement les couleurs. Grâce à ses appareils auditifs, il peut de nouveau écouter de la musique, et il en profite pleinement. Nous avons eu la chance d’assister à deux concerts extraordinaires dans son atelier : Yuja Wang a joué pour lui et une poignée d’invités, et Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy lui ont interprété Le Sacre du printemps de Stravinsky et la Fantaisie en fa mineur de Schubert. Nous avons même réussi à faire entrer un piano de concert dans l’atelier !
Selon vous, quelle sera la place de David Hockney dans l’histoire de l’art ?
Il existe une poignée d’artistes dont le nom ne disparaîtra jamais de l’histoire. Un amateur éclairé peut citer cinq à dix artistes par génération. Un historien de l’art, peut-être vingt-cinq. Mais David Hockney fait partie de ceux dont on se souviendra toujours. ○
Propos recueillis par Anna Sansom, journaliste et correspondante pour The Art Newspaper, The Design Edit et Artnet
PAR Anne Heilbronn
VICE-PRÉSIDENTE, DIRECTRICE DU DÉPARTEMENT LIVRES ET MANUSCRITS
TOUT LE MONDE CONNAÎT MOLIÈRE, MAIS SON LIBRAIRE ?
Le titre à lui seul éveille notre curiosité.
Comment Jean Ribou, après avoir publié de nombreuses pièces sans l’accord de Molière, envoyé des espions dans les théâtres pour mémoriser ses comédies et risqué la prison, est-il devenu son libraire exclusif ? Alain Riffaud nous plonge dans l’univers insolite du théâtre et de la librairie à l’époque de Louis XIV.
L’Étonnante Aventure du rusé
Jean Ribou, bouquiniste des quais devenu l’éditeur de l’illustre Molière d’Alain Riffaud, Matière à dire, 178 p.
GAINSBOURG ENFLAMME
LA FRANCE
Le 11 mars 1984, lors de l’émission « 7 sur 7 » et devant près de 10 millions de téléspectateurs, Serge Gainsbourg enflamme un billet de 500 francs, provoquant un véritable scandale. Ce livre, illustré d’images inédites, de manuscrits et d’archives inconnues, témoigne d’une époque révolue et célèbre l’héritage inaltérable de Gainsbourg, poète et chanteur du xxe siècle.
Serge Gainsbourg. La flamme du scandale de Julien Paganetti, avec les photographies inédites de Michel Giniès et la collaboration d’Alain Guiavarch, Herscher, 235 p.
POUR LES AMOUREUX DE DÉCOUVERTES LITTÉRAIRES ET PÉDESTRES
Après Stevenson et son célèbre Voyage avec un âne dans les Cévennes, Giono nous entraîne avec cet inédit sur les chemins de la Haute-Drôme en juillet 1939, et attise notre envie de découvrir ces paysages, le livre à la main !
Voyage à pied dans la Haute-Drôme.
Notes pour « Les Grands Chemins » de Jean Giono, Éditions des Busclats, Gallimard, 118 p.
LE CHEF-D’ŒUVRE DE CENDRARS ET LÉGER
Une réédition attendue et réussie, celle d’un des livres illustrés de pochoirs les plus séduisants du xxe siècle. Pour ceux qui ne peuvent s’offrir l’édition originale, parue en 1919 et qui se vend entre 2 000 et 3 000 €, en voici une parfaitement reproduite pour 34 €.
La Fin du monde filmée par l’Ange N.-D. Roman de Blaise Cendrars, compositions en couleurs par Fernand Léger, Denoël, 56 p.
↓ UNE PLONGÉE SAISISSANTE DANS L’UNIVERS DE NICOLAS DE STAËL
Encore une réussite de l’illustrateur Stéphane Manel qui, après Céleste, imagine, à travers ses dessins et ses souvenirs d’enfance, les derniers jours de Nicolas de Staël. Roman graphique ou livre d’art ?
Cet ouvrage, où l’on côtoie Picasso, Matisse, Braque ou Char, ne peut que susciter notre admiration.
Exercices de Staël de Stéphane Manel, Seghers, 239 p.
ADÈLE HUGO SOUS UN JOUR NOUVEAU
Cet ouvrage met en lumière la personnalité vibrante et sombre d’Adèle H., souvent éclipsée par l’ombre de son père. Ce livre, enrichi de photos, de lettres, de journaux intimes et d’écrits inédits, nous invite à redécouvrir son histoire et sa voix.
Adèle Hugo. Ses écrits, son histoire de Laura El Makki, préface par Isabelle Adjani, Seghers, 213 p.
VRAI OU FAUX ?
Découvrez un bijou imaginé par le génial libraire du 7L : un catalogue de 1921, révélant des hachures fascinantes –simples, composées, alphabets, ou vanités. Plongez dans un univers où chaque page invite à la créativité.
À vos crayons, plumes ou pinceaux ! Compagnie française des hachures. Fac-similé du catalogue de 1921, présentation de Vincent Puente, L’Éditeur singulier et Vincent Puente, 42 p.
BEAUX LIV R ES
↗ HISTOIRE D’UN AMOUR EN MOTS ET EN DESSINS
En sortant de l’exposition Niki de Saint Phalle au Grand Palais (juin 2025janvier 2026), n’oubliez pas, en rentrant chez vous, de déployer ce livre-objet de 9 mètres de long plié en accordéon. Cette petite merveille éditoriale, parue en 1971 et introuvable depuis, est ici reproduite à l’identique de l’édition originale.
My Love de Niki de Saint Phalle, Gallimard.
← LA LIVE DE JULLY : POUR L’AMOUR DE L’ART
Ange Laurent La Live de Jully, amateur éclairé, dessinateur, graveur, musicien, historien, bibliophile, collectionneur et mécène, est une figure incontournable du Siècle des lumières. Cet ouvrage collectif nous plonge dans l’univers de cet homme aux multiples facettes, à travers ses collections où se côtoient peintures, sculptures, mobilier, objets d’art, estampes, livres et coquilles.
Ange Laurent La Live de Jully (17251779). Un grand amateur à l’époque des Lumières. Ouvrage collectif sous la direction de Marie-Laure de Rochebrune, conservateur général honoraire, Éditions Liénart, 487 p.
↑ LA CHASSE AUX FOULARDS
Benoit Pierre Emery, créateur passionné, a rassemblé en 20 ans plus de 10 000 carrés de soie, accessoire de mode ultime. Ce catalogue en reproduit 2 178 et se dévore comme un livre. C’est un véritable voyage au cœur des couleurs, des formes géométriques et des créations, qu’elles soient signées ou anonymes. En le refermant, on ressent une envie irrésistible de plonger dans cet univers chatoyant et inspirant.
Carré. A Vintage Scarf Collection de Benoit Pierre Emery, Steigl.
Le 28 avril 1925, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes ouvre ses portes sur l’emplacement des expositions universelles de 1889 et 1900 à Paris, entre le Champ-de-Mars et les Champs-Élysées. Pendant six mois, des visiteurs venus du monde entier arpentent ses allées et visitent des pavillons montrant les réalisations les plus innovantes en matière d’architecture intérieure et de mobilier. Par la présence remarquée d’artistes modernes délaissant les courbes florales de l’Art nouveau pour un style aux lignes plus orthogonales et aux motifs stylisés, elle devient rapidement l’emblème du style Art déco. Reprenant la sobriété et la rigueur prônées par les créateurs de la Sécession viennoise quelque vingt ans plus tôt, ce modernisme à la française s’y développe en particulier dans l’Hôtel du collectionneur, dessiné par l’architecte Pierre Patout et décoré par l’ensemblier JacquesÉmile Ruhlmann, et dans le Pavillon d’une ambassade française, réalisé par la Société des artistes décorateurs. Autour des meubles en bois précieux de Ruhlmann, de Chareau et de Groult, des tapis de Lurçat, des laques de Dunand, des sculptures de Bourdelle et des toiles de Dupas se marient harmonieusement et créent deux écrins abritant des objets aux formes homogènes. « L’art 1900 fut l’art du domaine de la fantaisie, explique le
peintre Charles Dufresne, celui de 1925 est du domaine de la raison. » Si l’Art déco (une appellation qui n’apparaît que dans les années 1960) se caractérise par son goût pour la symétrie classique, son ornementation discrète et ses lignes fluides rappelant la streamline des paquebots, il lorgne également vers la fonctionnalité et certaines inventions formelles que reprendront les membres de l’UAM (Union des artistes modernes) à partir de 1929 dans un registre plus industriel. L’Art déco ne dure donc qu’une petite vingtaine d’années et ses créations, aux matériaux onéreux, sont destinées à une clientèle à la recherche de luxe et de perfection. C’est pourquoi, entre coût de la production et rareté des pièces, l’Art déco atteint aujourd’hui des sommets. D’Ernest Boiceau à Gustave Miklos, de Tamara de Lempicka à Eileen Gray, des prix records accompagnent ces meubles en galuchat et macassar, ces tapis au point Cornely ou ces toiles précieuses prisées par de grands collectionneurs internationaux. « L’Art déco est un art total », explique le décorateur Jacques Grange qui l’a découvert très tôt, lors de vacances dans la maison moderniste des Noailles, construite par Robert Mallet-Stevens à Hyères. ○
La nef du musée des Arts décoratifs
Les Arts Décoratifs / Luc Boegly
UNE ANNÉE ART DÉCO
Le musée des Arts décoratifs (MAD) à Paris lance dès le mois de mars une année Art déco. D’abord, à l’occasion de l’ouverture de son nouveau cabinet d’arts graphiques aménagé grâce au mécénat de Sakurako et William Fisher et en l’honneur d’Hélène David-Weill et de Maggie Bult, avec une exposition autour des dessins, papiers peints et photographies de Jacques-Émile Ruhlmann (du 5 mars au 8 juin). Le musée possède en effet vingt-six carnets de dessins, légués par sa veuve en 1959, ainsi que les décorations murales de la Cité universitaire, réalisées en 1933 et sauvées en les détachant du mur en 2022. Le deuxième point fort a lieu pendant l’été avec « Paul Poiret, couturier, décorateur et parfumeur », monté par Marie-Sophie Carron de la Carrière. Il s’agit de la première monographie dédiée à ce créateur fasciné par les Ballets russes et qui s’associe avec le peintre Raoul Dufy pour créer une entreprise de décoration et d’impression de tissus, La Petite Usine (du 25 juin au 11 janvier).
Rappelons au passage que l’Atelier Martine, fondé par Poiret pour produire tous les accessoires de la maison, avait son magasin au 83 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, qui est aujourd’hui le nouveau siège de la maison Sotheby’s. Enfin, à l’automne, l’historien de l’art Emmanuel Bréon est chargé de réaccrocher les collections permanentes de l’institution parisienne autour des grandes donations comme celles d’Hélène de Rothschild, de Jeanne Lanvin et de Jacques Doucet. En complément, une exposition sur l’Exposition de 1925 (du 21 octobre au 29 mars 2026) évoque les changements de la société d’alors, les productions des grands magasins Primavera, Pomone et Studium, et surtout les créations Art déco des grandes marques, de Puiforcat à Lalique et Baccarat. N’oubliez pas, bien sûr, un détour par la galerie des bijoux du MAD, riche en pièces des années 1930 de Raymond Templier, Jean Després et Jean Fouquet ainsi que des grandes maisons telles que Boucheron et Cartier. Quant à la Cité de l’architecture et du patrimoine, elle propose de redécouvrir les édifices emblématiques de l’Exposition de 1925 grâce à une maquette immersive du 24 octobre au 29 mars 2026. ○
LE BAL ART DÉCO
Sous la direction artistique de la réalisatrice Sofia Coppola et avec Jean-Victor Meyers en président du comité d’honneur, le musée des Arts décoratifs à Paris lance cet été son Grand Bal. Aussi prestigieux que le Met Gala, organisé au profit du Costume Institute du Metropolitan Museum of Art de New York, et aussi glamour que le bal des Têtes, donné par Alexis de Redé à l’hôtel Lambert en 1956, il veut être « la célébration de la mode et de l’art de vivre à la française » mais aussi un soutien au musée et à ses collections. Un nouveau défi pour celle qui a fait virevolter anachroniquement Marie-Antoinette au palais Garnier dans son film de 2006 et a donné à son Paris du xviiie siècle la légèreté d’une mousse fouettée. « Cette ville, que je considère comme ma seconde maison, assure Sofia Coppola, me touche profondément, et célébrer un tel symbole de la culture française est une source d’inspiration particulière ». Rendez-vous est donc pris pour le 6 juillet sous les voûtes de la nef Lefuel au décor xixe. En ces premiers jours de l’été, Paris redevient la ville de la fête et réaffirme sa place de centre de la mode. ○
Avec Christian Boutonnet, disparu en 2020, Rafael Ortiz a fait de la galerie L’Arc-en-Seine, au 27 rue de Seine, un havre de paix et d’élégance pendant plus de vingt-cinq ans.
Trait → Ce qui caractérise le mieux l’Art déco est l’élégance géométrique de la ligne, fonctionnelle et résolument moderne, mise en valeur par le savoir-faire d’artistes exceptionnels.
Objet → Les créations en plâtre d’Alberto Giacometti pour Jean-Michel Frank, notamment les iconiques Albatros et Vase Aigle, car elles mêlent à la fois toute la poésie, la simplicité et la puissance du sculpteur au service de l’esthétique raffinée d’un décorateur.
Lieu → La villa Cavrois à Croix (Nord), œuvre d’art totale de Robert MalletStevens, avec ses volumes dépouillés, ses toits-terrasses et un confort exceptionnel. ○
CHESKA VALLOIS
Installée depuis 1981 au 41 rue de Seine, Cheska Vallois défend l’Art déco depuis les années 1970. Dans sa galerie ou sur ses stands de la Biennale des antiquaires, elle a monté des expositions importantes sur les plus grands créateurs Art déco comme JeanMichel Frank, Paul Iribe ou Eileen Gray.
Trait → La modernité totale de l’époque Art déco et la magnificence des matériaux employés (ivoire, ébène, galuchat, marqueterie de paille).
Objet → La chaise longue Pirogue (1919) d’Eileen Gray, en bois laqué, que j’avais présentée en 2000 au Grand Palais.
Lieu → Les salles du musée des Arts décoratifs avec les œuvres de Pierre Legrain ayant appartenu au couturier et collectionneur Jacques Doucet, telle la Chaise africaine (vers 1924). ○
JEAN-BAPTISTE DE PROYART
Libraire et expert en livres anciens et modernes, Jean-Baptiste de Proyart a créé le département des livres chez Sotheby’s à Paris en 1998 (ventes Jaime Ortiz-Patiño, Renaud Gillet, Charles Hayoit…). Depuis 2004, il anime avec sa famille la boutique de livres et manuscrits au 21 rue Fresnel à Paris.
Trait → L’apparition de formes nouvelles dans tous les domaines de l’Art déco me semble essentielle. C’est ce bouleversement des formes anciennes, créé par quelques artistes seulement et aboutissant à une transformation généralisée du monde des objets, qui m’a toujours fasciné. À cette époque, le livre a vécu une transformation complète avec Pierre Legrain, Jean Dunand et François-Louis Schmied. Qui, avant Legrain, aurait songé à placer des coquilles d’œufs sur les décors de reliure ?
Objet → La reliure de Germaine Schroeder réalisée pour Coco Chanel sur le livre Vaslav Nijinsky. Six vers de Jean Cocteau. Six dessins de Paul Iribe.
Lieu → Le restaurant Prunier avenue Victor-Hugo et son décor de 1924. On s’y croirait ! ○
JULIE BLUM
Depuis 2008, Julie Blum a repris la galerie de sa mère Anne-Sophie Duval au 5 quai Malaquais. Elle y poursuit le travail sur l’Art déco effectué par celle-ci depuis les années 1960, et présente également des créations contemporaines de Sylvain Dubuisson et Salomé Lippuner.
Trait → Pour l’Art déco, le pluriel s’impose car on devrait parler des styles Art déco allant du baroque d’Armand Rateau jusqu’au purisme minimaliste de Jean-Michel Frank en passant par le style voluptueux d’André Groult. Pour moi, il s’agit davantage d’un mouvement que d’un style.
Objet → Le paravent et le bureau en laque de Jean Dunand, qui trônaient sur le stand de ma mère imaginé en 1972 par Karl Lagerfeld pour la Biennale des antiquaires. Celui-ci avait installé au sol des dalles en caoutchouc pastillé noires et des dalles de verre en hommage à la Maison de verre de Pierre Chareau.
Lieu → La villa E-1027 d’Eileen Gray à Roquebrune aussi bien que la boutique Guerlain sur les Champs-Élysées avec les décors de Frank et Giacometti. ○
Fille de Félix Marcilhac, le célèbre marchand et collectionneur Art déco, Amélie Marcilhac est experte dans ce domaine et collabore avec une trentaine de commissaires-priseurs à Paris et en région. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages dont une monographie sur Marcel Coard et le catalogue raisonné de Jacques Majorelle écrit avec son père.
Trait → Le choix des matériaux et la noblesse affichée par rapport à l’Art nouveau voulaient donner une nouvelle crédibilité aux créations mobilières et renforcer l’idée de pièces uniques.
Objet → Le bureau de Jacques Doucet, entièrement recouvert de python, qui a été donné par Mme Doucet au musée des Arts décoratifs. Ce fut l’un de mes premiers chocs esthétiques pour l’Art déco.
Lieu → Le musée de la Piscine à Roubaix car c’est un lieu exceptionnel avec une superbe architecture Art déco et des collections qui dénotent réellement par rapport aux autres musées concernant cette période. ○
EMMANUELLE CHASSARD ET SÉBASTIEN MOINET-BECHAR
Installée depuis 2013 au 26 rue de Seine, la Galerie Parisienne présente des bijoux, du mobilier et des objets d’artistes du xxe siècle. D’une parure de Suzanne Belperron à un bracelet de René Boivin, c’est le « Radical Chic » que mettent en avant Emmanuelle Chassard et Sébastien Moinet-Bechar.
Trait → La géométrie nous semble la caractéristique la plus importante de l’Art déco. On la retrouve dans de multiples créations joaillières de cette époque.
Objet → La parure Girafe de Jean Dunand en oréum et laque ayant appartenu à Joséphine Baker. Il s’agit d’une « véritable relecture ethnique combinée aux subtiles géométrisations cubistes », a écrit Yves Badetz.
Pierre Chareau
Lampadaire SN31 dit aussi
La Religieuse, vers 1928
« Collection Henri Chwast », 21 novembre 2016
Lieu → La Maison de verre de Pierre Chareau, située rue Saint-Guillaume et construite entre 1928 et 1931 à la demande de Jean et Annie Dalsace. ○ ↑ Le grand hall de la
↑ Le musée de la Piscine à Roubaix
Alain Leprince
Maison de verre de Pierre Chareau, vers 1966
Extraordinaire modernité
Jean-Victor Meyers, petit-fils de Liliane Bettencourt, grand amateur et collectionneur d'Art déco, nous parle de ce courant artistique et de ses grands représentants.
Vous collectionnez, entre autres, des œuvres de la période Art déco. Qu’aimez-vous dans ces créations des années 1920-1930 ?
Je suis d’abord sensible à la perfection des proportions. Mais j’apprécie aussi particulièrement la simplicité et l’élégance des lignes que rehaussent des matières parfois extrêmement précieuses ou au contraire pauvres.
Êtes-vous plutôt sensible à la ligne rigoureuse d’un meuble de Ruhlmann ou aux courbes sensuelles des vases de Dunand ?
La rigueur de Jacques-Émile Ruhlmann est très souvent contrebalancée par des courbes sensuelles ! Il est, selon moi, le grand représentant d’un premier Art déco, où priment l’excellence du savoir-faire et le raffinement ultra-chic de la ligne. Mais une vision plus épurée du meuble apparaît au même moment avec de grands créateurs comme Jean-Michel Frank ou Pierre Chareau et elle me touche tout autant.
Est-ce que le lien de ces objets avec la période de leur création (la France de l’entre-deux-guerres) est important pour vous ?
Il y a d’abord le lien de ces objets avec leurs créateurs qui est important pour moi. J’adore Frank et Giacometti par exemple, qui sont des personnalités remarquables au-delà de leur singularité artistique. Mais, surtout, j’aime l’idée de cette époque qui a été particulièrement propice à la création dans tous les domaines et à un certain art de vivre extrêmement raffiné et malheureusement révolu.
Les noms des grands créateurs de l’Art déco, tels Rateau, Iribe ou Frank, sont souvent associés à leurs commanditaires comme Jeanne Lanvin ou Jacques Doucet. Que pensez-vous de ces incroyables collaborations artistiques ?
On dit qu’on a les amis qu’on mérite ; peutêtre les commanditaires de valeur ont-ils les artistes qu’ils méritent également ?
Le couturier Jacques Doucet s’est créé un univers à nul autre pareil, où les artistes de son temps ont su répondre à sa demande et imaginer pour lui des œuvres exceptionnelles d’une grande modernité. Eileen Gray, Pierre Legrain sont nés aussi avec Doucet. Les Noailles, François Mauriac, Templeton Crocker et tant d’autres ont saisi chez Jean-Michel Frank le pouvoir expressif du vide, la beauté des matières, la pureté de la ligne, tout ce qui fait que chacun de ses décors est unique et immédiatement identifiable. Quant au maharadjah d’Indore, il a attiré toute la création contemporaine pour donner vie à un palais d’une modernité inégalée à l’époque pour l’Inde.
Les chefs-d’œuvre de l’Art déco atteignent aujourd’hui des prix stratosphériques. Croyez-vous que seule leur rareté les justifie ?
Les prix extraordinaires que peuvent atteindre les chefs-d’œuvre Art déco sont évidemment dus à leur rareté, mais aussi à leur provenance. De moins en moins d’œuvres sortent sur le marché, toutes sont dans des collections prestigieuses et l’apparition d’une pièce remarquable en vente est forcément un événement qui se paye cher. Ces œuvres sont aussi le témoignage d’une épo-
que très courte de l’histoire de l’art et du mobilier, et aussi de l’histoire tout simplement. Ces années 1920-1930 sont un moment de renouveau, d’espoir et d’extraordinaire modernité avant un basculement tragique. ○
Propos recueillis par Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des arts.
Vendu 3 681 500 € (record mondial pour l’artiste) « Collection Félix Marcilhac », 12 mars 2014
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Jean-Michel Frank
Table basse Aragon, le modèle créé en 1928
Vendu 642 600 € (record mondial pour une table Aragon) « Important Design », 22 novembre 2022
Source dʼinspiration
Architecte d’intérieur de réputation internationale, India Mahdavi aime l’Art déco pour ses motifs stylisés et ses matériaux originaux mais l’adapte, dans ses créations, à l’aune de la contemporanéité.
L’Art déco est-il une de vos sources d’inspiration ?
Plus que le style Art déco, ce qui m’intéresse dans cette période est l’ornementation, la richesse des motifs et des matières, toutes les techniques employées pour leur mise en œuvre, les savoir-faire, le « craft » dans tous les aspects décoratifs. Je suis attentive aux matériaux choisis par ces créateurs des années 1920-1930. Ils utilisent cependant, de manière un peu arrogante, l’ébène, le galuchat ou l’écaille, venus de l’autre bout de la planète. Des matériaux ostentatoires, onéreux et qui ne sont plus du tout en adéquation avec notre époque soucieuse de protéger l’environnement. La stylisation des motifs Art déco m’intéresse également et j’aime les mélanger avec ceux, plus floraux, de l’Art nouveau. J’aime casser les codes. Donc il ne s’agit pas pour moi de copier l’Art déco, comme certains décorateurs aiment à le faire de manière un peu nostalgique, mais de le moderniser.
Comment y parvenez-vous ?
En le réinterprétant. J’aime, par exemple, la marqueterie de paille comme celle que déployait Jean-Michel Frank dans ses créations. Avec l’atelier de Lison de Caunes, je la mets en œuvre pour mes meubles mais je la fais « redescendre » car je l’ai utilisée de façon pop pour ma table Bugs Bunny Cela m’amuse d’utiliser des matériaux nobles et de les associer à une imagerie populaire. Ou, à l’inverse, utiliser une technique sophistiquée comme la marqueterie en l’adaptant à des matériaux plus accessibles comme le rotin ou le formica. Ma table Bishop, circulaire et en rotin, et ma table basse Fullhouse, en noyer et dont le dessus est une association de carrés, peuvent rappeler l’Art déco mais réinterprété au prisme de la contemporanéité.
Irez-vous voir l’exposition des papiers peints de Ruhlmann au MAD ?
Est-ce qu’une présentation de ce genre peut-être source à réinterprétation pour vous ?
Oui, car je suis toujours intéressée par les savoir-faire. J’ai utilisé il y a quelque temps des papiers peints de William Morris imprimés par l’Atelier d’Offard. Des motifs préraphaélites, graphiques et colorés. La couleur me sert d’ornementation et permet de donner une identité à un lieu. ○
Propos recueillis par Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des arts.
Symbole de la culture du royaume de Dali, cette statuette en bronze doré d’Avalokiteshvara, datant du xie-xiie siècle, constitue une représentation rare et exceptionnelle du bodhisattva Guanyin à onze têtes et seize bras.
Assise dans une posture noble, la figure porte une jupe nouée à la taille et une écharpe drapée sur son torse nu, orné de perles et de pendentifs. Ses trois têtes principales sont couronnées, tandis que les huit autres s’élèvent au-dessus, illustrant les étapes du chemin vers l’illumination. Ses nombreuses mains adoptent diverses postures et tiennent une panoplie d’attributs rituels destinés à guider les fidèles vers le salut, notamment un bol et une branche de saule, symboles de guérison, une aiguière d’eau sacrée, une fleur de lotus et un chapelet.
Cette sculpture est caractéristique des œuvres du royaume de Dali (actuelle province du Yunnan), où une interprétation distincte du bouddhisme mahayana a prospéré entre 927 et 1253. La pratique tantrique du bouddhisme ésotérique vajrayana qui s’y est développée reposait sur la dévotion aux bodhisattvas, en particulier l’Acuoye Guanyin, divinité tutélaire emblématique de la culture locale. Le panthéon bouddhique y intégrait ainsi des divinités paisibles, à l’image de cette figure, conçues comme supports de méditation.
Le style de la région se distingue nettement des représentations bouddhiques voisines de la Chine et du Tibet. Les sculptures assises à plusieurs bras et têtes adoptent généralement la posture noble, où une jambe repose sur l’autre, plutôt que la posture plus courante des exemples tibétains, où les jambes sont croisées avec la plante des pieds visible. Se distinguant par leur silhouette élancée et leurs épaules saillantes, ces figures partagent également des traits faciaux distincts, tels que des yeux mi-clos, un nez large et des lèvres proéminentes, témoignant de l’influence des traditions du royaume voisin de Champa, lui-même inspiré de styles venus d’Inde du Sud via l’Indonésie. ○
Par Carla Lee Cataloguer, Arts d’Asie ↗
Statuette d’Avalokiteshvara en bronze doré, royaume de Dali, province du Yunnan, XIe-XIIe siècle
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Jacques Dauchez fut notaire par défaut, succédant à une lignée de notaires. Grâce à sa localisation, l’étude familiale comptait parmi ses clients de nombreux artistes, tels qu’Henri Matisse, dont l’atelier était situé quai de la Tournelle, ou Jean Dubuffet, alors marchand de vins à la Halle aux vins, sur l’actuel emplacement de l’université de Jussieu.
Pour Jacques Dauchez, une étude notariale était comme une auberge espagnole : on y trouvait ce que l’on y apportait. Amateur d’art, il devint ainsi un notaire spécialisé dans la création artistique, guidé par sa curiosité pour la démarche des artistes et des auteurs. Cette passion le mena à devenir bibliophile et collectionneur.
De Jean Dubuffet, il eut à cœur de rassembler non seulement les livres illustrés, souvent imprimés sur les plus précieux papiers, mais aussi les ephemera – invitations, programmes – retraçant sa carrière, ainsi que ses lettres et manuscrits. L’univers de Dubuffet devint le sien : il collectionna les œuvres des auteurs proches de l’artiste, notamment Ponge et Michaux, ainsi qu’un bel ensemble de publications sur l’art brut.
Sa seconde passion littéraire fut Céline. Il possédait notamment le manuscrit de Casse-pipe ayant servi à l’édition originale, ainsi que tous ses textes en grand papier, dont Voyage au bout de la nuit sur Arches, avec envoi, et Mort à crédit sur Japon.
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Jean Dubuffet
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Président, Sotheby’s France mario.tavella@ sothebys.com
Marie-Anne Ginoux
Directrice générale, Sotheby’s France marie-anne.ginoux@ sothebys.com