Utopia 56 : deux jeunesses unies dans l’urgence

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L'invEntion sur LE tErrain

BESOINS ESSENTIELS

Utopia 56 : deux jeunesses unies dans l’urgence D’un côté, de jeunes exilés démunis. De l’autre, plus de 200 volontaires de l’association Utopia 56, guère plus âgés. Avec tout un dispositif d’accompagnement, non seulement des migrants, mais aussi des bénévoles qui partagent la même réalité amère.

DES « ÉBOUEURS » DE LA JUNGLE DE CALAIS « On stigmatise et on déshumanise ces exilés qui viennent parce qu’ils n’ont guère d’autres choix, en oubliant le principal : ce sont des humains comme nous, qui eux ont dû quitter la détresse de leur pays d’origine. » C’est sur ce constat qu’Agathe, titulaire d’un master en sociologie, s’est engagée avec Utopia 56. Cette association a été officiellement créée le 15 janvier 2016, pour apporter un soutien logistique aux bénévoles qui se mobilisaient afin de rendre plus supportable le quotidien des migrants pris dans la nasse de ladite jungle de Calais. Tout a commencé par une prise de conscience de Yann Manzi après que son plus jeune fils lui eut demandé : « Pourquoi tu ne fais rien papa ? », face à la photo du petit Aylan, un enfant échoué sur une plage grecque dont le destin sordide connut un vaste écho médiatique. À cette question, qui en interpella plus d’un, ce Breton va répondre avec sa femme et son fils aîné en s’engageant sans attendre sur le rude terrain de la réalité. « Nous nous 48

sommes rendu compte de la catastrophe sanitaire sur laquelle Médecins sans frontières et Médecins du Monde avaient alerté l’opinion. Les ordures n’étaient pas ramassées. Il y avait déjà des “assos” qui se chargeaient de l’aide alimentaire, de fournir des vêtements, de proposer des cours… Alors, on a pris en main les déchets. Nous avons été les éboueurs de la jungle ! » DE RÉGISSEUR DE FESTIVAL À LOGISTICIEN D’AIDE AUX MIGRANTS Face à ce bourbier déshumanisé, Yann Manzi a surtout transféré des compétences acquises, au fil des années, de son métier : régisseur logisticien de certains grands festivals européens, notamment Les Vieilles Charrues de Carhaix, où il a assurait la gestion des campings et se chargeait d’encadrer les bénévoles. « Dans un festival, il s’agit de monter des petites villes en un temps record. C’est exactement cela que nous avons réalisé pour Calais et Grande-Synthe, et ce sont plus ou moins les mêmes problématiques qu’il a fallu résoudre : violence, drogues… » Un premier noyau, autour de son informel réseau, s’est constitué. Et cinq ans plus tard, la belle équipe affiche 18 000 adhérents, plus de 200 volontaires sur le terrain, 23 salariés déployés sur plusieurs villes (Calais, Lille, Paris, Rennes, Toulouse et Tours). Ce changement d’échelle n’a pas perverti les motivations initiales. Yann Manzi tient à l’indépendance de son association, financée aux deux tiers par des dons de particuliers, et pour le reste par des entreprises et fondations en adéquation avec une charte éthique. Cette indépendance financière est en V

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Crédit photo : Ludovic Carème/Moderne Multimédias

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ls s’appellent Hamidou, Youssouf, Boreima ou bien encore Yaya, ils se nomment Agathe, Mael, Kerril ou bien Alexia. Les premiers sont ivoiriens, érythréens, maliens, afghans et ne sont encore que des enfants, ou presque… Les seconds, français, anglais, européens, ont pour la plupart à peine quelques années de plus. Ils n’étaient pas forcément préparés pour se rencontrer, mais le monde est ainsi fait que les uns ont dû fuir leur pays et que les autres ont choisi de leur tendre la main, quand trop décident de dresser des barrières.


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