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Et si… la solidarité devenait totalement collaborative ? À quoi pourrait ressembler une société dont les liens de solidarité seraient intégralement portés par chacun d’entre nous ? Les outils numériques pourraient-ils vraiment produire une organisation sans centre, faite d’interactions entre individus ? Cette séduisante promesse a-t-elle une face cachée ?
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D
ans les pratiques solidaires du XXIe siècle, la proximité sera la clé et la logique collaborative le moyen d’y accéder », avance Olivier Lebel, ancien directeur de la Croix Rouge française et de Médecins du Monde. Ainsi se dessine la voie d’une solidarité « 100 % collaborative ». Mais cette perspective est-elle souhaitable ? Autrement dit : s’agit-il d’une utopie ou d’une dystopie ? cHaPitre 1 : L’UtoPie La société collaborative se déploie sous nos pas d’humains du troisième millénaire. Horizontalité, pair-à-pair, mutualisation : les maîtres mots de la modernité balaient les vieilles organisations verticales, symboles d’un patriarcat en berne et mémoires embarrassées du colonialisme et de l’impérialisme économique. À l’école 42, les élèves
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apprennent entre eux, sans autorité professorale. Dans les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), les cultivateurs et les mangeurs font affaire ensemble sans passer par le ventre des supermarchés. Dans les Coopératives d’activité et d’emploi, les travailleurs s’organisent entre eux, sans patron ni actionnaire. Sur les plateformes de financement participatif, les porteurs de projets lèvent de l’argent auprès de particuliers, évitant les fourches Caudines des très sélects clubs d’investisseurs ou des très tatillons guichets d’aide publique. Partout, les intermédiaires semblent tomber, découvrant un monde d’humains interconnectés, émancipés du joug de la verticalité, cette hiérarchie trop souvent écrasante dont l’organisation normative bride l’initiative individuelle.
des citoyens s’inscrivent sur la plateforme CALM (Comme à la Maison) pour accueillir des migrants directement chez eux. Ainsi, aux Pays-Bas, des infirmiers quittent « l’industrie » hospitalière pour créer des réseaux autonomes de soins à domicile, appelés Buurtzorg. Ainsi, les citoyens se mobilisent contre des perturbateurs endocriniens, des projets de loi, des projets d’infrastructures, en signant d’un clic des pétitions en ligne sur Change.org ou Avaaz.org. Ainsi, des riverains décident de s’occuper ensemble de leurs voisins sans abri, en s’organisant via l’application Entourage. À la manière des Colibris de Pierre Rabhi, les citoyens semblent vouloir renouer avec un engagement, au quotidien, direct, sur le mode de la « solidarité distribuée », où chacun prendrait sa part.
« Le secteur social et solidaire ne fait pas exception », observe Olivier Lebel. Ainsi,
La solidarité qui fait la distinction entre aidés et aidants est de plus en plus VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 2