réFleXions PoUr DeMain
ENJEU
Accompagnement des personnes : le salut par les machines ? À voir les « gentils » robots Pepper, Nao ou Robear, et d’une autre façon le big data, les objets connectés ou les applications « nouvelle génération », l’assistance « numérique » est sujet de bien des expérimentations pour suppléer l’humain. Ces facteurs d’espoir sont aussi sources de questions sur ce terrain si « fragile » qu’est la solidarité. Les apports de la technologie 2.0 vont-ils changer notre rapport aux soins, ou aux autres dans toutes leurs différences ? Inventaire de quelques pratiques actuelles pour tenter une réponse. Du haut de son un mètre vingt, Pepper relève la tête et la penche légèrement vers la gauche. Une ombre passe sur ses grands yeux noirs qui clignent avant de se fixer sur son interlocuteur. Ses bras oscillent un peu, son épaule droite s’est à peine soulevée. « Il est 7 h 20. L’infirmière arrive à 7 h 30 », assure-t-il. Son phrasé et le ton chaud de sa voix accentuent l’illusion d’une présence : le petit robot répond parfaitement à la question sur l’heure. L’accès à l’agenda de la journée lui permet de compléter l’information. Selon Rodolphe Gelin, responsable de l’innovation à SoftBank Robotics, qui a testé le robot auprès de personnes âgées et de patients, « c’est une fonction très appréciée. Il est très important, pour les malades et les personnes âgées en particulier, d’avoir une timeline. » Jamais la machine ne se fatigue de répondre. Elle donne aussi les actualités et la météo à la demande, informe du menu du midi, émet de la musique selon vos envies et, grâce à l’écran fixé sur sa poitrine, diffuse des vidéos. Mieux, Pepper peut converser et proposer des jeux, pour passer le temps ou aider à la conservation des fonctions cognitives. Un futur employé modèle du service à la personne ? Les machines, les outils informatiques, les objets connectés, l’intelligence artificielle, etc., envahissent notre quotidien, réponses possibles à des questions économiques, démographiques autant que sociales. Le care (le soin dans toutes ses 96
dimensions) et l’économie sociale et solidaire n’échappent pas au phénomène. Mais quels sont, dans ce domaine, les besoins et la réalité des solutions envisageables ? Quels sont les effets de ces technologies sur les plus vulnérables, les malades chroniques, ceux qui souffrent de solitude, les personnes âgées mais aussi les valides ? Qui accompagnent-elles vraiment et comment ? Enfin, quel type de société choisissons-nous ainsi de construire ? réPonDre aUX enJeUX DU vieillisseMent En 2050, près d’un tiers des Français aura plus de 65 ans, contre moins de 20 % aujourd’hui. Cinq millions auront plus de 85 ans. La population vieillit et le solde migratoire ne compense pas la relative stabilité des naissances. « Dans les années 1950 en France, on dénombrait cinq actifs pour un retraité. En 2010, ce ratio est de 3,5. Il sera égal à deux à partir de 2040 », ont prédit les statistiques de l’OCDE. Qui donc, dans ces conditions, s’occupera des plus fragiles ? La population vieillit et les maladies létales deviennent chroniques, nécessitant de nouvelles prises en charge. Et déjà le secteur de l’aide à la personne manque de bras : à l’été 2018, O2, le leader du secteur, a proposé 7 000 CDI. Seules VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3