POETRY
1
Après un rêve
Dans un sommeil que charmait ton image
Je rêvais le bonheur, ardent mirage, Tes yeux étaient plus doux, ta voix pure et sonore
Tu rayonnais comme un ciel éclairé par l’aurore ;
Tu m’appelais, et je quittais la terre
Pour m’enfuir avec toi vers la lumière, Les cieux pour nous entr’ouvraient leurs nues, Splendeurs inconnues, lueurs divines entrevues.
Hélas ! Hélas, triste réveil des songes ! Je t’appelle, ô nuit, rends-moi tes mensonges ;
Reviens, reviens radieuse, Reviens, ô nuit mystérieuse !
— Romain Bussine (1830–1899)
Les Soirées de Nazelles, FP 84. by Francis Poulenc 2 Préambule
Le soir
Ni chien ni loup le crépuscule
Estompe le dernier décor
C’est l’heure des jeteurs de sorts
Et lentement le temps bascule.
Étoile d’or ou renoncule
Chien ou loup qu’importe qui mord
Le jour la nuit la vie la mort
Un même souffle encor circule.
After a dream
In sleep made sweet by a vision of you I dreamed of happiness, fervent illusion, Your eyes were softer, your voice pure and ringing, You shone like a sky that was lit by the dawn;
You called me and I departed the earth
To flee with you toward the light, The heavens parted their clouds for us, We glimpsed unknown splendours, celestial fires.
Alas, alas, sad awakening from dreams! I summon you, O night, give me back your delusions; Return, return in radiance, Return, O mysterious night!
Evening
Neither dog nor wolf*, dusk
Blurs the day’s final scenery –
It’s the hour of those who cast spells, And slowly time fluctuates.
Golden star or buttercup, Dog or wolf – no matter! It bites
The day the night life death, The same breath still circulates.
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Aprés un rêve Op. 7, No. 1 by Gabriel Fauré arr. Emmanuel Despax
Tremblantes chimères du soir
Près de moi venez vous asseoir
Mes familières étrangères.
Je ne peux plus vous discerner
Je sens que vous m’avez cerné
Je vais vous suivre, ombres légères.
3 I. Le comble de la distinction
Le Paon et le Rossignol
Le Lion voulut avoir son chanteur officiel
Qui donnerait des sérénades
Aux belles de la cour, aux bals des ambassades, Égayant ses amours jusqu’au septième ciel.
« Sire, dit le Renard, j’ai votre affaire, Le plus beau, le plus éclatant chanteur
De toutes les cours de la terre.
On aimera partout son maintien, sa grandeur !
Il sera votre gloire, Sire !
Déjà vos grands seigneurs l’admirent, Il fait battre déjà les cœurs, Déjà, toutes vos dames
Se pâment.
- Qu’il approche de Nous ! » , commande alors le Roi. À petits pas, le Paon, faisant mille manières, Se dandine superbe et sûr de soi.
Il relève la queue, découvre son derrière.
On dit « Oh ! » , on dit « Ah ! » : chacun de s’extasier, De louer son allure fière.
Trembling chimeras of the evening, Come and sit next to me, My familiar strangers.
I can no longer make you out, I sense that you have surrounded me, I am going to follow you, light shadows.
*‘Entre chien et loup’ = ‘at dusk’.
The Peacock and the Nightingale
The Lion wished to have his own official minstrel
To sing serenades
To the beauties of the court, at embassy balls, Sending his lovers into raptures.
‘Sire’, said the Fox, ‘I have exactly what you need: The most handsome, the most dazzling minstrel
Of any court on earth.
His presence, his greatness will everywhere be admired! He will be the glory of your court, Sire!
Your lords already admire him, He excites hearts, The ladies already swoon.’
‘Let him approach’, the King commands. The Peacock, putting on a thousand airs, draws near, Mincing, vainglorious and sure of himself.
He lifts his train, displays his posterior. Sounds of ‘ooh’ and ‘ah’ can be heard: entranced, Everyone praises his proud bearing.
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— Jacques Charpentreau (Ombres Légères : Élégies, La Maison de Poésie © Jacques Charpentreau, 2009)
« Qu’il chante ! » , dit le Lion. Devant la cour entière, Le Paon se dresse, il bombe le gésier, Et pousse enfin son cri d’orfraie :
« Léon ! »
« Qu’est-ce la ? dit le Roi. C’est un âne qui braie ! »
Un petit Rossignol, caché dans une haie, Presque invisible, terne et gris, Lance alors sa roulade. Et le Roi-Lion surpris
Charmé, conquis, déclare :
« Voilà notre chanteur. Sa voix est des plus rares. Son plumage n’est pas éclatant de couleurs, Mais j’ai besoin d’un roucouleur, Pas d’une gravure de mode. »
Et le petit Rossignol brode
Les chants les plus savants et les airs les plus doux. Il mérite le titre et son art le décroche.
Et le Paon ? direz-vous...
On le mit à la broche.
Colloques et cocktails, que de poètes-paons
Dans leur plus beau costume
Montrent leur suffisance, ébouriffant leur plume ! Mais pour chanter ils braient comme un âne savant.
Fuyez donc leur approche :
On ne peut même pas les rôtir à la broche.
‘Let him sing!’ says the Lion. Before the entire court, The Peacock struts, puffs out his chest, And finally utters his strident cry:
‘Léon!’
‘What is that?’ says the King. ‘A Donkey that brays!’
A little Nightingale, hidden in a hedge, Almost invisible, lustreless and grey, Launches his trills. And the Lion-King, surprised, Charmed, won over, declares:
‘That is our minstrel! His voice is of the rarest kind. His plumage is not resplendent, But I need a Warbler
Not a fashion plate.’
And the little Nightingale embroiders
The most skilful songs and the sweetest airs. He deserves the appointment and his art clinches it. And the Peacock? . . .
He ended up on the spit.
Conversations and cocktails, how many poet-peacocks, Dressed in their finery, Parade their haughtiness by ruffling their feathers! But when they sing, they bray like a learned donkey. Avoid, therefore, their approach: You can’t even roast them on a spit.
— Jacques Charpentreau (La rose des fables, La Maison de Poésie © Jacques Charpentreau, 2007)
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4 II. Le cœur sur la main
Puisque l’aube grandit, puisque voici l’aurore
Puisque l’aube grandit, puisque voici l’aurore, Puisque, après m’avoir fui longtemps, l’espoir veut bien
Revoler devers moi qui l’appelle et l’implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien, C’en est fait à présent des funestes pensées, C’en est fait des mauvais rêves, ah ! c’en est fait
Surtout de l’ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l’esprit sans l’âme triomphait.
Arrière aussi les poings crispés et la colère
A propos des méchants et des sots rencontrés ;
Arrière la rancune abominable ! arrière
L’oubli qu’on cherche en des breuvages exécrés !
Car je veux, maintenant qu’un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D’une amour à la fois immortelle et première, De par la grâce, le sourire et la bonté, Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces, Par toi conduit, ô main où tremblera ma main, Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ; Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie, Vers le but où le sort dirigera mes pas, Sans violence, sans remords et sans envie : Ce sera le devoir heureux aux gais combats.
Et comme, pour bercer les lenteurs de la route, Je chanterai des airs ingénus, je me dis Qu’elle m’écoutera sans déplaisir sans doute ; Et vraiment je ne veux pas d’autre Paradis.
Since day is breaking
Since day is breaking, since dawn is here, Since hope, having long eluded me, would now Return to me and my imploring, Since all this happiness will truly be mine, Enough now of funereal thoughts, Enough of bad dreams, ah! enough
Above all of irony and pursed lips
And words that triumphed devoid of soul.
Away with clenched fists and anger
At meeting evil and foolish folk;
Away with abominable malice! away with Oblivion sought in detested potions!
For I wish, now that a Being of light
Has illuminated my profound night With a primal and immortal love
Through grace, smiles and goodness, I wish, guided by your fair eyes’ gentle glow, Led by your hand in which I place my trembling hand, To walk upright along mossy paths Or boulder-strewn and stony tracks; Yes, I wish to walk upright and calmly through Life, Towards a goal shown to me by fate, Without violence, without remorse and without envy: This shall be my happy duty in merry combat.
And since, to ease the journey’s languid pace
I shall sing some simple airs, I tell myself That she shall surely hear me without displeasure; And truly, I crave no other paradise.
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— Paul Verlaine (La Bonne Chanson, 1870)
5 III. La désinvolture et la discrétion
La Limace et le Papillon
Un Escargot sans carapace (Autant vous dire une Limace)
Rongeait avec application
Une feuille d’oseille amère.
Elle y mettait de la passion.
Pourtant son rêve, sa chimère :
C’était le léger Papillon
Qui butinait à trompe pleine
De fleur en fleur, piquant son ardillon
Par monts, par vaux et dans la plaine.
Ah ! Cesser de ramper ! Etre libre ! Voler !
Des ailes pour me consoler
De la traînée de bave
Que je laisse sur les choux-raves !
Entendre louer ma beauté
Dans l’azur de l’été !
La Limace rêvait encore
Quand l’Hirondelle au vol sonore
En rasant le creux du sillon
Goba le petit Papillon.
La moralité se devine :
Mieux vaut ramper comme vermine,
Vivre à ras de terre en glissant,
Que voler dans l’azur et mourir en passant.
Cette sagesse, hélas ! n’a rien qui satisfasse :
Un Corbeau qui traînait vint manger la Limace.
Vous pouvez penser ce que vous voulez. Qu’importe, après tout, ramper ou voler
Quand l’oiseau passe.
The Slug and the Butterfly
A Snail without a shell
(In other words a Slug)
Diligently gnawed
A leaf of bitter sorrel.
She went at it with a passion.
Yet in its dream and imagination, It was a light Butterfly, Plundering with a full proboscis
From flower to flower, flashing its tongue
Over mountain, dale and plain.
Ah! Crawl no more! To be free! To fly!
To have wings to comfort me
From the trail of slime
That I leave on the kohlrabi!
To hear my beauty praised
In the blue summer sky!
The Slug was still dreaming
When the Swallow in sonorous flight, Skimming over the deep furrow
Swallowed the little Butterfly.
The moral can be guessed:
Better to crawl like vermin, Living and sliding on the ground, Than to fly in the blue sky and die on the way.
This wisdom, alas! availed nothing:
A Crow casually came and ate the Slug.
Think whatever you wish.
What does it matter, after all, whether you crawl or fly
When a bird is passing by.
— Jacques Charpentreau (La rose des fables, La Maison de Poésie © Jacques Charpentreau, 2007)
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Obsession
Grands bois, vous m’effrayez comme des cathédrales ; Vous hurlez comme l’orgue ; et dans nos coeurs maudits, Chambres d’éternel deuil où vibrent de vieux râles, Répondent les échos de vos De profundis. Je te hais, Océan ! tes bonds et tes tumultes, Mon esprit les retrouve en lui ; ce rire amer De l’homme vaincu, plein de sanglots et d’insultes, Je l’entends dans le rire énorme de la mer.
Comme tu me plairais, ô nuit ! sans ces étoiles
Dont la lumière parle un langage connu !
Car je cherche le vide, et le noir et le nu ! Mais les ténèbres sont elles-mêmes des toiles
Où vivent, jaillissant de mon oeil par milliers, Des êtres disparus aux regards familiers.
— Charles Baudelaire (Les Fleurs du mal, 1857)
7 V. Le charme enjôleur
Le poison
Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D’un luxe miraculeux, Et fait surgir plus d’un portique fabuleux
Dans l’or de sa vapeur rouge, Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.
L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes, Allonge l’illimité, Approfondit le temps, creuse la volupté,
Obsession
Great woods, you terrify me as cathedrals do; You howl like an organ, and in our accursed hearts –Those chambers of eternal mourning, where past death-rattles vibrate –The echoes of your De profundis repeat their responses. Ocean, I detest you! Your great crests and troughs, I see them in my soul; the vanquished man’s Mad laughter, full of sobs and blasphemies, I hear it in the enormous laughter of the sea.
How you would please me, O night! without those stars, Whose light speak a language I understand! For I seek the void and the black and the bare! But the darkness itself is a canvas, where, Leaping in thousands from my eyes, Dwell vanished beings whom I recognize.
Poison
Wine can clothe the most sordid hovel In miraculous luxury
And conjure up many a fabulous portico In its red vapour’s gold, Like a setting sun in a hazy sky.
Opium magnifies that which is boundless, Extends the unlimited, Makes time more profound, deepens voluptuous pleasure,
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6 IV. La suite dans les idées
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l’âme au delà de sa capacité.
Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts, Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers...
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.
Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord, Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remord, Et, charriant le vertige, La roule défaillante aux rives de la mort !
— Charles Baudelaire (Les Fleurs
8 VI. Le contentement de soi
Les oreilles de l’Âne
Le Cheval se moquait des oreilles de l’Âne :
« Quels vastes entonnoirs ! Quels absurdes cornets !
À quel triste destin la nature condamne
Ce stupide oreillard de ces piquets orné !
On lui a fabriqué ces machins acoustiques
Pour que les taons les piquent
Et viennent s’abreuver de frais ! »
Au loin, dans la sombre forêt, S’élève une ombre de musique,
Un chant tendre, subtil et doux.
Le Cheval n’entend rien du tout
Et rit de toute sa mâchoire
De vaniteux sûr de sa gloire.
And fills the soul to overbrimming
With dark and dismal pleasures.
All that cannot match the poison that flows
From your eyes, from your green eyes, Lakes where my soul trembles and sees its image reversed . . .
My dreams come flocking there
To quench their thirst in those bitter depths.
All that cannot match the fearsome marvel
Of your acid saliva
Which plunges my remorseless soul into oblivion, And, bringing vertigo on its waves, Swirls it in a swoon onto the shores of death!
The Donkey’s ears
The Horse made fun of the Donkey’s ears:
‘What vast funnels! What absurd trumpets!
To what sad fate does nature condemn
This stupid lop-eared beast with those ornate pegs! He’s been furnished with these acoustical thingamies
So that horse-flies can sting them
And come to drink fresh!’
In the distance, in the dark forest, A shadow of music rises, A tender, subtle and sweet song. The Horse hears nothing at all And laughs with his whole jaw, Vain, sure of his glory.
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du mal, 1857)
Et l’Âne alors a répondu : « Je viens d’écouter la voix sans pareille
D’un Rossignol que vous n’avez pas entendu.
Dieu me fit de longues oreilles
Afin que son chant ne soit pas perdu » .
9 VII. Le goût du malheur
Tristesse
J’ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté ; J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie.
Quand j’ai connu la Vérité, J’ai cru que c’était une amie ; Quand je l’ai comprise et sentie, J’en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d’elle Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu’on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d’avoir quelquefois pleuré.
And the Donkey then answered:
“I have just listened to the peerless voice Of a Nightingale that you have not heard. God furnished me with long ears So that his song will not be lost”.
Sadness
I have lost my strength and my life, And my friends and my mirth; I have lost even the pride That gave me faith in my genius. When I knew Truth, I thought she was a friend; When I understood and felt it, I was already disgusted. And yet she is eternal, And those who have dispensed with her Here on earth have ignored everything.
God speaks and must be answered: The sole virtue left me in the world Is that on occasion I have wept.
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— Jacques Charpentreau (La rose des fables, La Maison de Poésie © Jacques Charpentreau, 2007)
— Alfred de Musset (1840)
10 VIII. L’alerte vieillesse
Vieillesse commençante
C’est en vain aujourd’hui que le songe me leurre. Me voici face à face inexorablement
Avec l’inévitable et terrible moment :
Affrontant le miroir trop vrai, mon âme pleure. Tous les remèdes vains exaspèrent mon mal, Car nul ne me rendra la jeunesse ravie...
J’ai trop porté le poids accablant de la vie
Et sanglote aujourd’hui mon désespoir final.
Hier, que m’importaient la lutte et l’effort rude ! Mais aujourd’hui l’angoisse a fait taire ma voix. Je sens mourir en moi mon âme d’autrefois, Et c’est la sombre horreur de la décrépitude !
— Renée Vivien (Haillons, 1910)
11 Cadence
Renaître
Porté par le reflux des sèves
Par ces paroles qui font l’été
Par ces soleils gorgés d’échos
Tu graviras cœurs et sentiers
Tu ne cesseras de renaître
Taillant brèches et mots
Dans la paroi des jours.
— Andrée Chedid (1920 – 2011)
The beginning of old age
It is in vain today that the dream entices me. Here I am inexorably face to face
With the inevitable and terrible moment:
Facing the too true mirror, my soul weeps. All vain remedies exacerbate my malaise, For no one will give me back my ecstatic youth . . .
I have borne too long the crushing weight of life And my final despair sobs today.
What did I care yesterday for struggle and hard effort!
But today anguish has silenced my voice. I feel my old soul dying within me, And it is the dark horror of decrepitude!
Re-birth
Carried by the surging of sap
By these words that have created summer
By these echo-gorged suns, You shall climb hearts and paths, You shall not cease to be reborn, Carving openings and words
Into the wall of days.
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12 Final
Ma vie
Ma vie
miroite au grand soleil comme une bulle de savon gonflée par l’amour légère et lumineuse
elle s’épanouit dans l’air bleu avec les reflets un peu violets que donne le sang aux choses vivantes. Ma vie éclate de bonheur.
My life
My life
Glitters in the full sun
Like a soap bubble
Swollen with love
Light and luminous
It blossoms in the blue air
With the faint purple reflections
That blood gives to living things. My life explodes with happiness.
— Jacques Charpentreau (la mer l’amour, La Maison de Poésie © Jacques Charpentreau, 1989)
Clair de lune
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques, Jouant du luth, et dansant, et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L’amour vainqueur et la vie opportune, Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune.
Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau, Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.
— Paul Verlaine (Fêtes Galantes, 1869)
Moonlight
Your soul is a chosen landscape
Bewitched by masquers and bergamaskers, Playing the lute and dancing and almost Sad beneath their fanciful disguises.
Singing as they go in a minor key
Of conquering love and life’s favours, They do not seem to believe in their fortune
And their song mingles with the light of the moon,
The calm light of the moon, sad and fair, That sets the birds dreaming in the trees
And the fountains sobbing in their rapture, Tall and svelte amid the marble statues.
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13 Suite bergamasque, L. 75: III. Clair de lune by Claude Debussy
Égalité-Fraternité
Zig et zig et zig, la mort en cadence Frappant une tombe avec son talon, La mort à minuit joue un air de danse, Zig et zig et zag, sur son violon.
Le vent d’hiver souffle, et la nuit est sombre, Des gémissements sortent des tilleuls ; Les squelettes blancs vont à travers l’ombre Courant et sautant sous leurs grands linceuls, Zig et zig et zig, chacun se trémousse, On entend claquer les os des danseurs, Un couple lascif s’assoit sur la mousse Comme pour goûter d’anciennes douceurs.
Zig et zig et zag, la mort continue De racler sans fin son aigre instrument. Un voile est tombé ! La danseuse est nue ! Son danseur la serre amoureusement.
La dame est, dit-on, marquise ou baronne. Et le vert galant un pauvre charron — Horreur ! Et voilà qu’elle s’abandonne Comme si le rustre était un baron !
Zig et zig et zig, quelle sarabande !
Quels cercles de morts se donnant la main ! Zig et zig et zag, on voit dans la bande
Le roi gambader auprès du villain !
Mais psit ! Tout à coup on quitte la ronde, On se pousse, on fuit, le coq a chanté
Oh ! La belle nuit pour le pauvre monde !
Et vivent la mort et l’égalité !
— Henri Cazalis (1840 – 1909)
Equality-Fraternity
Tap, tap, tap – Death rhythmically Taps a tomb with his heel, Death at midnight plays a gigue, Tap, tap, tap, on his violin.
The Winter wind blows, and the night is dark; The lime-trees groan aloud; White skeletons flit across the gloom, Running and leaping beneath their huge shrouds.
Tap, tap, tap, everyone’s astir, You hear the bones of the dancers knock; A lustful couple sits down on the moss, As if to savour past delights.
Tap, tap, tap, Death continues, Endlessly scraping his shrill violin. A veil has slipped! The dancer’s naked! Her partner clasps her amorously. They say she’s a baroness or marchioness, And the callow gallant a poor cartwright. Good God! And now she’s giving herself, As though the bumpkin were a baron!
Tap, tap, tap, what a saraband!
Circles of corpses all holding hands!
Tap, tap, tap, in the throng you can see King and peasant dancing together!
But shh! Suddenly the dance is ended, They jostle and take flight, the cock has crowed. Ah! Nocturnal beauty shines on the poor! And long live death and equality!
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14 Danse macabre, Op. 40 by Camille Saint-Saëns arr. Franz Liszt and Vladimir Horowitz
© Luca Sage
15 Nocturne, Op. 165 by Cécile Chaminade
Soir
Ce qui vient jusqu’à nous des voix du soir n’est plus Qu’un frémissement sourd, un murmure confus, Un bruit de moulin noir, un son de cloche brune, Des feuilles que le vent froisse et traîne une à une. La Nuit par les coteaux descend. Dirait-on pas
Que le sable attiédi grésille sous ses pas
Et que le dernier feu du jour est une rose?
Quelque chose de pur au fond du cœur repose
Et je ne sais plus rien, plus rien de vous, sinon
Que la Nuit d’or sourit à la fraîcheur d’un nom, De votre nom si clair qu’aux échos du bois sombre, À l’infini, redit la voix pâle de l’ombre.
— Émile Despax (La Maison des Glycines, 1899 – 1905)
Evening
What reaches us from the voices of evening Is merely a dull tremor, a confused murmur, The noise of a black mill, the sound of a brown bell, Leaves that the wind crumples and drags along one by one. Night descends the hillsides. As if The warm sand crackles beneath its tread And the last glow of the day is a rose. Something pure rests deep in the heart And I know nothing more, nothing more of you, except That golden Night smiles at the freshness of a name –Your name as clear as the boundless echoes of the dark wood –And repeats the pale voice of the shadow.
16 I. Ondine
Ondine
- « Ecoute ! – Ecoute ! – C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
« Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.
Ondine
‘Listen! – Listen! – It’s me, Ondine, who brushes with these drops of water the sonorous diamonds of your window lit by the bleak rays of the moon; and here, clad in silk, is the chatelaine who contemplates from her balcony the beautiful starlit night and the beautiful sleeping lake.
‘Every wave is a water-sprite swimming in the current, every current is a winding path to my palace, and my palace is built fluidly, at the bottom of the lake, in the triangle of fire, earth and air.
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Gaspard de la nuit by Maurice Ravel
« Ecoute ! – Ecoute ! – Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes soeurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! »
*
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
Aloysius
Le gibet
Ah ! ce que j’entends, serait-ce la bise nocturne qui glapit, ou le pendu qui pousse un soupir sur la fourche patibulaire ?
Serait-ce quelque grillon qui chante tapi dans la mousse et le lierre stérile dont par pitié se chausse le bois ?
Serait-ce quelque mouche en chasse sonnant du cor autour de ces oreilles sourdes à la fanfare des hallali ?
Serait-ce quelque escarbot qui cueille en son vol inégal un cheveu sanglant à son crâne chauve ?
Ou bien serait-ce quelque araignée qui brode une demi-aune de mousseline pour cravate à ce col étranglé ?
C’est la cloche qui tinte aux murs d’une ville sous l’horizon, et la carcasse d’un pendu que rougit le soleil couchant.
‘Listen ! – Listen ! – My father beats the croaking water with a branch of green alder, and my sisters caress with their arms of foam the fresh islands of grass, water lilies and gladioli, or laugh at the declining bearded willow fishing with rod and line!’
*
Having whispered her song, she begged me to receive her ring on my finger to be the husband of a Water-sprite, and to visit her palace with her to be the king of the lakes.
And as I answered her that I loved a mortal, sullen and vexed, she cried a few tears, burst out laughing, and vanished in sudden showers which streamed white along my blue stained-glass windows.
The gallows
Ah! Could what I hear be the yelping of the nocturnal wind Or the hanged man uttering a sigh on the gibbet?
Could it be some cricket singing crouched in the moss and the sterile ivy with which, out of pity, the wood is clothed?
Could it be some hunting fly sounding the horn around these deaf ears to the fanfare of the mort?
Could it be some dung-beetle that gathers in its uneven flight a bloody hair on his bald head?
Or could it be some spider that embroiders half an ell of muslin
As a tie for this strangled collar?
It is the bell that tolls on the walls of a city below the horizon, And the carcass of a hanged man reddened by the setting sun.
25
—
Bertrand (Gaspard de la nuit, 1842)
17 II. Le Gibet
— Aloysius Bertrand (Gaspard de la nuit, 1842)
18 III. Scarbo
Scarbo
Oh ! Que de fois je l’ai entendu et vu, Scarbo, lorsqu’à minuit la lune brille dans le ciel comme un écu d’argent sur une bannière d’azur semée d’abeilles d’or !
Que de fois j’ai entendu bourdonner son rire dans l’ombre de mon alcôve, et grincer son ongle sur la soie des courtines de mon lit !
Que de fois je l’ai vu descendre du plancher, pirouetter sur un pied et rouler par la chambre comme le fuseau tombé de la quenouille d’une sorcière !
Le croyais-je alors évanoui ? le nain grandissait entre la lune et moi comme le clocher d’une cathédrale gothique, un grelot d’or en branle à son bonnet pointu !
Mais bientôt son corps bleuissait, diaphane comme la cire d’une bougie, son visage blémissait comme la cire d’un lumignon, — et soudain il s’éteignait.
— Aloysius Bertrand (Gaspard de la nuit, 1842)
Scarbo
Ah! How many times have I heard and seen him, Scarbo, when at midnight the moon shines in the sky like a silver shield on a blue banner strewn with golden bees!
How often have I heard his laughter humming in the shade of my alcove, and his fingernail grating on the silk curtains of my bed!
How many times have I seen him descend from the floor, pirouette on one leg, and roll through the room like a spindle fallen from a witch’s distaff!
Did I think he had fainted then? The dwarf grew between the moon and me like the steeple of a Gothic cathedral, a golden bell swinging from his pointed cap!
But soon his body turned blue, diaphanous like the wax of a candle, his face paling like the wax of a snuffed candle – and suddenly he was extinguished.
Le piano dans la nuit
Écoute le piano
Comme une voix qui chante
Cette complainte lente
C’est la nuit qui descend
Sur la peine du monde
C’est la douceur de l’eau
La tendresse de l’air
La caresse du feu
Le charme de la terre
The piano in the night
Listen to the piano
Like a singing voice
This slow lament
Is night descending
On the pain of the world
It’s the sweetness of water
The tenderness of the air
The caress of fire
The charm of the earth
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19 Aux étoiles by Henri Duparc
C’est la nuit qui s’incline
Et se penche vers toi
C’est un murmure infime
Le chant secret d’un coeur
Et tu le reconnais
C’est la pitié qui pleure
Et qui berce le monde
Pour que dorme la peine
Un moment quelques heures
Quelques instants à peine
Le temps de quelques notes
La brume de l’oubli
Une voix une haleine
La pitié de la nuit
Le témoin de l’esprit
Caresse de l’espace
Quelques notes qui passent
Comme un souffle de l’air
Comme un soupir du feu
Comme un chant de la terre
Comme un frisson de l’eau
La grâce la douceur
Le battement d’un coeur
Écoute le piano
It’s the night bowing
And leaning towards you
It’s a tiny whisper
The secret song of a heart
And you recognize it
It’s pity that weeps
And cradles the world
So that pain might sleep
For a moment, a few hours
A mere few seconds
A few moments of several notes
The mist of oblivion
One voice one breath
The pity of night
The witness of the spirit
Caress of space
A few passing notes
Like a breath of air
Like a sigh of fire
Like a song of the earth
Like a shiver of water
The grace the sweetness
The beating of a heart
Listen to the piano
— Jacques Charpentreau (La Poésie dans tous ses états, Les Éditions ouvrières, collection
Enfance heureuse © Jacques Charpentreau, 1984)
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Recorded in The Menuhin Hall, Surrey, UK from 7th to 9th October 2022
Producer: Andrew Keener
Recording Engineer: Mike Hatch
Editor: Tom Lewington
Recorded on a Fazioli model 278, kindly provided by Fazioli Pianoforti and Jaques Samuel Pianos
Cover and photos of Emmanuel Despax: © Luca Sage
Booklet design: Marshall Light Studio
Translation: Roland Smithers
S. W. Mitchell Capital LLP
Music in Blair Atholl
Lodewijk van Moorsel
Luis Oganes
Florence and Santiago Pardo
Susan and Marc Winer
2023 The copyright in this sound recording is owned by Signum Records.
© 2023 The copyright in this CD booklet, notes and design is owned by Signum Records.
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SIGCD747
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