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Volume XXI, n˚ 24 Montréal, 15 décembre 2014

www.itineraire.ca

P.K. Subban Redonner aux autres

Zoom : Jean-Pierre Ménard Le difficile pari de Loto-Québec Glace noire, un conte de Noël Eric Weissman, de la rue au doctorat



Jean-Pierre Ménard Camelot No : 1281 | Âge : 59 ans Point de vente: angle St-André/St-Zotique

D

ans ma vie, j'ai connu des hauts et des bas. C'est bizarre à dire, mais c'est presque une chance», lance Jean-Pierre Ménard en repensant à ses nombreuses expériences de vie. Originaire de Longueuil, ce quinquagénaire a longtemps occupé des postes de hautes responsabilités, avec de gros salaires. Père de deux enfants, véritable workaholic, initiateur de projets, sa vie allait très bien. En 1999, il a même organisé un grand carrefour d'emploi… en seulement quatre mois! Mais à l'âge de 55 ans, il se retrouve dans la rue pour une question d'argent. «On ne peut jamais prévoir devenir itinérant un jour». Il se retrouve au « bas de l'échelle.» Après 6 mois d'itinérance, il est rescapé par son fils. Il fréquente alors plusieurs organismes avant de travailler pour L'Itinéraire. «Ce qui me manquait le plus, c'était le social. Et de manger correctement». Jean-Pierre vend le magazine depuis le mois d'août. Cela lui permet de gagner sa vie, mais aussi de manger et de parler à du monde. La flexibilité de ce travail lui permet aussi de prendre soin de ceux qu'il aime. Autre changement, il n'est plus workaholic. En plus de vendre le magazine, il apprend à faire du graphisme et travaille sur d'autres projets pour aider l'organisme. «J'ai plein d'idées pour aider L'Itinéraire à trouver du financement. Je suis également en train de préparer la page titre du mois de janvier, avec une vingtaine de camelots». Toujours plus d'ambition pour combler son amour du travail.

TEXTE : MAHAUT FAUQUET PHOTO : GOPESA PAQUETTE

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Le Groupe L'Itinéraire a pour mission de réaliser des projets d'économie sociale et des programmes d'insertion socioprofessionnelle, destinés au mieux-être des personnes vulnérables, soit des hommes et des femmes, jeunes ou âgés, à faible revenu et sans emploi, vivant notamment en situation d'itinérance, d'isolement social, de maladie mentale ou de dépendance. L'organisme propose des services de soutien communautaire et un milieu de vie à quelque 200 personnes afin de favoriser le développement social et l'autonomie fonctionnelle des personnes qui participent à ses programmes. Sans nos partenaires principaux qui contribuent de façon importante à la mission ou nos partenaires de réalisation engagés dans nos programmes, nous ne pourrions aider autant de personnes. L'Itinéraire c'est aussi plus de 2000 donateurs individuels et corporatifs qui aident nos camelots à s'en sortir. Merci à tous !

NOS PARTENAIRES ESSENTIELS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

La direction de L'Itinéraire tient à rappeler qu'elle n'est pas responsable des gestes des vendeurs dans la rue. Si ces derniers vous proposent tout autre produit que le journal ou sollicitent des dons, ils ne le font pas pour L'Itinéraire. Si vous avez des commentaires sur les propos tenus par les vendeurs ou sur leur comportement, communiquez sans hésiter avec Shawn Bourdages, chef du développement social par courriel à shawn.bourdages@itineraire.ca ou par téléphone au 514 597-0238 poste 222.

PARTENAIRES MAJEURS

Nous reconnaissons l'appui financier du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. Les opinions exprimées dans cette publication (ou sur ce site Web) ne reflètent pas forcément celles du ministère du Patrimoine canadien.

PRINCIPAUX PARTENAIRES DE PROJETS ISSN-1481-3572 n˚ de charité : 13648 4219 RR0001

DU MONT-ROYAL

Le magazine L'Itinéraire a été créé en 1992 par Pierrette Desrosiers, Denise English, François Thivierge et Michèle Wilson. À cette époque, il était destiné aux gens en difficulté et offert gratuitement dans les services d'aide et les maisons de chambres. Depuis mai 1994, L'Itinéraire est vendu régulièrement dans la rue. Cette publication est produite et rédigée par des journalistes professionnels et une cinquantaine de personnes vivant ou ayant connu l'itinérance, dans le but de leur venir en aide et de permettre leur réinsertion sociale et professionnelle.

Desjardins

L'ITINÉRAIRE EST MEMBRE DE

RÉDACTION ET ADMINISTRATION 2103, Sainte-Catherine Est Montréal (Qc) H2K 2H9 LE CAFÉ L'ITINÉRAIRE 2101, rue Sainte-Catherine Est TÉLÉPHONE : 514 597-0238 TÉLÉCOPIEUR : 514 597-1544 SITE : WWW.ITINERAIRE.CA RÉDACTION Rédactrice en chef par intérim : Mélanie Loisel Chef de pupitre, Actualités : Martine B. Côté Chef de pupitre, Société : Gopesa Paquette Responsable à la production écrite des camelots : Patricia Gendron Infographe : Louis-Philippe Pouliot Stagiaires à la rédaction : Mahaut Fauquet, Said El Hadini et Michaël Giguère Journaliste indépendant : Isaac Gauthier Collaborateurs : Denyse Monté et Ianik Marcil Adjoints à la rédaction : Sarah Laurendeau, Hélène Filion, Lorraine Pépin, Hélène Mai, Carolyn Cutler, Marie Brion Photo de la une : MADOC / Mario Jean Révision des épreuves : Paul Arsenault, Lucie Laporte, Michèle Deteix

Convention de la poste publication No 40910015, No d'enregistrement 10764. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada, au Groupe communautaire L'Itinéraire 2103, Sainte-Catherine Est, Montréal (Québec) H2K 2H9

Québecor est fière de soutenir l'action sociale de L'Itinéraire en contribuant à la production du magazine et en lui procurant des services de télécommunications.

ADMINISTRATION Direction générale : Christine Richard Chef des opérations et des ressources humaines : Duffay Romano Conseiller aux ressources humaines et matérielles : Philippe Boisvert Responsable du financement : Gessi Vanessa Sérant

ÉQUIPE DE SOUTIEN AUX CAMELOTS Chef du Développement social : Shawn Bourdages Agent d'accueil et de formation : Pierre Tougas Agente de soutien communautaire : Geneviève Labelle Agent de développement : Yvon Massicotte

CONSEIL D'ADMINISTRATION Président : Philippe Allard Vice-Président : Jean-Marie Tison Trésorier : Guy Larivière Administrateur : Stephan Morency Conseillers : Geneviève Bois-Lapointe, Martin Gauthier, Julien Landry-Martineau, Jean-Paul Lebel

GESTION DE L'IMPRESSION TVA ACCÈS INC. | 514 848-7000 DIRECTEUR GÉNÉRAL : Robert Renaud CHEF DES COMMUNICATIONS GRAPHIQUES : Diane Gignac COORDONNATRICE DE PRODUCTION : Édith Surprenant IMPRIMEUR : Transcontinental

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CONSEILLÈRES : Renée Larivière 450-541-1294 renee.lariviere18@gmail.com Ann-Marie Morissette 514-404-6166 am.mori7@itineraire.ca


15 décembre 2014 Volume XXI, n˚ 24

ACTUALITÉS

CARREFOUR

Mots de camelots 7 Pour en finir avec la division 13 GAÉTAN PRINCE ÉDITORIAL

par Mélanie Loisel

8 ROND-POINT 10 ROND-POINT INTERNATIONAL

COMPTES À RENDRE

par Ianick Marcil

11 Ce qui ne s'achète pas RENCONTRE

14 P.K. Subban : Redonner aux autres

par Gopesa Paquette

DOSSIER

18 Le difficile pari de Loto-Québec par Isaac Gauthier, Martine B. Côté

et Gopesa Paquette

› Le jeu sérieux › La machine contre nous › Mon baptême des jeux de loterie › « Ça change pas le monde…»

13 DANIEL PRINCE 13 SERGE TRUDEL 21 BENOIT CHARTIER 32 BILL ECONOMOU 32 MAXIME VALCOURT 32 RÉAL LAMBERT 33 SYLVAIN CLOT 33 CINDY TREMBLAY 33 MANON FORTIER 34 DANIEL GRADY

CULTURE CULTURE

42 Raconter la rue

Par Martine B. Côté

44 LE JOSÉE FLÉCHÉ 45 DÉTENTE 46 À PROPOS DU… HASARD

DANS LA TÊTE DES CAMELOTS

30 Plaisir coupable CONTE

37 Glace noire

par Pierre Saint-Amour

35 INFO-RAPSIM

SOCIÉTÉ

26 Appelez-le Docteur Weissman

par Mélanie Loisel

50 % DU PRIX DE VENTE DU LES CAMELOTS SONT DES MAGAZINE LEUR REVIENT TRAVAILLEURS AUTONOMES L'article de Marie-Andrée B. (15 novembre) sur la pièce de théâtre Pour réussir un poulet démontre une réalité que les gens refusent de voir. On vit dans un monde dans lequel bien des patrons sont prêts à tout afin d'augmenter la productivité. La violence existe encore. On voit tout l'aspect difficile de la réalité de tous les jours chez la majorité des gens, comme quoi bien des entrepreneurs ayant une autorité sont à remettre en question. Un article à lire. Dany

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'éditorial de Mélanie Loisel, intitulé « Assurer un toit à tous est possible », du 15 novembre dernier. Le rapport annuel du Homeless Hub au sujet de l'état de l'itinérance au Canada est effectivement révélateur : avec un petit effort, nous pourrions enrayer l'itinérance au Canada. […] L'élimination de la pauvreté commence par s'assurer que tout le monde ait un toit sur la tête. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé la campagne « Un Toit, Un Droit », pour réclamer du gouvernement conservateur qu'il s'engage à réinvestir dans le logement social. Marjolaine Boutin-Sweet Députée du NPD, Hochelaga

NOMINATION Monsieur Serge Lareault a été nommé président honoraire du réseau international des journaux de rue (INSP). En plus de sa nouvelle position, M. Lareault fera du développement et des relations publiques au sein de cet organisme international. Il occupait auparavant la présidence du conseil d'administration de l'INSP.

ÉCRIVEZ-NOUS ! à COURRIER@ITINERAIRE.CA Des lettres courtes et signées, svp! La Rédaction se réserve le droit d'écourter certains commentaires.


ILS HABITENT

NOS RUES.

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LEUR VIE Vous êtes partie prenante de la solution.

Camelots: Jean Guy Deslauriers Robert Ménard Franck Lambert Gabriel Bissonnette France Lapointe

Maude Guérin, porte-parole du 20e, en compagnie des camelots

PHOTO: SYLVIANE ROBINI

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Pour en finir avec la division L'année 2014 en aura été une de division. Elle a commencé dans la tourmente alors que le débat sur la charte des valeurs battait son plein. Le projet du Parti québécois pour affirmer la laïcité de l'État a complètement déchiré la population. Les immigrants d'origine arabo-musulmane se sont sentis visés, mais surtout exclus. Au cours des mois qui ont suivi, on a vite compris que le PQ avait élaboré une stratégie électoraliste basée en quelque sorte sur l'ethnicité. Les péquistes comptaient sur « l'électeur blanc dit de souche » dans l'espoir de conserver le pouvoir avec un gouvernement majoritaire.

ÉDITORIAL

MÉLANIE LOISEL | Rédactrice en chef par intérim

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eur stratégie leur a coûté cher, ils en paient le prix, mais la jeunesse de s'épanouir et de travailler, il ne faut pas s'étonner que cette stratégie de division a laissé des marques profondes la marmite finisse par sauter. Et oui, elle peut sauter ici aussi. dans la société. La communauté musulmane, qui peine Depuis le projet de la charte des valeurs, les partis politiques à déjà à combattre tous les préjugés liés à la montée des mouve- Québec ont évité de relancer des débats sur le « vivre ensemble. » ments islamistes, a été stigmatisée. Difficile pour bon nombre L'immigration est sûrement l'un des sujets les plus chauds dans les de Québécois portant un nom arabe ou africain médias qui donnent toujours lieu à des dérapages de trouver du boulot. Le taux de chômage chez basés sur l'ignorance et la peur. Résultat : on n'ose Après une année pas en parler. les Maghrébins vivant à Montréal est au-dessus de 20 % même s'ils parlent français et sont insOr, ce n'est pas en gardant le silence qu'on de division, il truits pour la plupart. parviendra à favoriser une meilleure intégration Ces dernières années, le niveau de vie des immides immigrants qui sont une force vive dont le serait temps de grants vivant au Québec a grandement diminué. Québec a grandement besoin et aura encore mettre sur pied Les groupes communautaires constatent que de plus besoin ces prochaines années. Le discours plus en plus d'immigrants réclament de l'aide trop souvent entendu de « ils nous volent nos des politiques alimentaire et ont besoin de logement à prix jobs » ou du « s'ils ne sont pas contents qu'ils d'inclusion pour retournent chez eux » doit être réfuté de façon modique pour joindre les deux bouts. Dans une situation de précarité, il va aussi de soi que les imintelligente. éviter de se migrants cherchent de l'aide auprès des membres La problématique est beaucoup plus comde leur communauté. Le danger est d'assister, à plexe. Le gouvernement doit d'abord régler retrouver, dans plus ou moins long terme, à la ghettoïsation de deux problèmes épineux : la reconnaissance l'avenir, avec certaines communautés. Le Québec ne peut se des diplômes et la question de la langue. Il permettre de prendre cette voie-là. Après une anest temps d'entamer des pourparlers avec les des problèmes née de division, il serait temps de mettre sur pied ordres professionnels (médecin, pharmacien, des politiques d'inclusion pour éviter de se retrouingénieurs pour n'en nommer que quelquessimilaires aux ver, dans l'avenir, avec des problèmes similaires uns) pour faciliter l'embauche de la main banlieues aux banlieues françaises. d'œuvre immigrante qualifiée et réinvestir dans Avec la pauvreté qui s'accroît dans les quartiers des services linguistiques. Travailler et pouvoir françaises. où on retrouve plus d'immigrants, les intervenants parler la langue de son pays d'accueil est la du milieu sont bien placés pour constater que la base. C'est la seule façon de créer une société situation pourrait éventuellement devenir explosive. Les émeutes unie et non divisée ce que le projet de charte a fait. C'est de de Montréal-Nord en 2008 en sont la preuve. La moindre petite cette façon qu'on pourra alors reparler de nos valeurs, de nos étincelle peut faire des ravages. À plus grande échelle, on l'a très cultures, et de nos différences. Parce qu'on n'aura pas le choix bien vu avec le printemps arabe. Quand on maintient des popula- d'en reparler pour mieux les démystifier, mieux se comprendre tions entières dans la précarité, qu'on discrimine les gens en fonc- et mieux bâtir, tous ensemble, le Québec de demain. tion de leur religion ou de leur couleur de peau, quand on empêche Joyeux Noël à tous et à toutes!

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ROND-POINT

PAR MARTINE B. CÔTÉ

LE NOMBRE :

235 milliards Richesse créée au Canada par le travail des bénévoles, des proches aidants et des personnes au foyer. C'est un tiers du PIB. Source : Statistiques Canada, 1995 et 2010

Je n'ai pas voté pour ça… La grogne contre le gouvernement Couillard se fait de plus en plus sentir. Avec l'insatisfaction montante, les discours sur la réforme du mode de scrutin se font réentendre. Fernand Courchesne, un citoyen de Sherbrooke, en a fait une lutte personnelle. Vous l'avez peut-être vu passer, à vélo, au courant de l'été : il a parcouru 6000 km à travers tout le Québec pour faire signer une pétition, qui vient d'être déposée à l'Assemblée nationale. La randonnée est terminée mais l'idée de remplacer le système actuel, appelé majoritaire uninominal, continue son chemin. Monsieur Courchesne rappelle qu'avec un mode de scrutin proportionnel mixte, les Libéraux auraient obtenu sept sièges de moins, Québec solidaire, six de plus, alors qu'Option nationale et le Parti vert auraient fait leur entrée à l'Assemblée nationale avec un député chacun. (MBC)

Ma bibliothécaire à moi Vous cherchez des livres sur un sujet pointu, une étude sur le lien entre pauvreté et alimentation dans les colonies au 17e siècle ou un ouvrage sur l'histoire de l'itinérance à Montréal? Plutôt que de vous perdre dans les méandres d'Internet et de finir par regarder des vidéos

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de chats, faites appel au service des bibliothécaires personnalisés de BAnQ. Nous l'avons testé à deux reprises et en moins de 24 h, nous avons reçu un courriel avec une liste détaillée des ouvrages sur le sujet qui nous préoccupait. En cliquant sur la liste des ouvrages trouvés par cette bibliothécaire, nous étions dirigés vers le site de la bibliothèque et la cote pour les trouver sur les rayons. Google ne pourra jamais battre ça. banq.qc.ca (MBC)


Un Noël en solo ou plus jojo Voici quelques suggestions d'activités, pour ceux qui ne désirent pas passer Noël seul ou pour qui cette fête est plus tristounette. Les cinémas sont généralement ouverts les 24 et 25 décembre, contrairement à la majorité des commerces. Les Alcooliques Anonymes organisent les «Douze heures de Noël, le 25 décembre, à l'Église Saint-Gilles, 226 rue des Alouettes, à Laval, dès 11 h. Au programme : présence du vrai père Noël, buffet, danse, musique et partage d'expériences. Le tout, évidemment, dans la sobriété. Pour les plus spirituels d'entre nous, un moment de recueillement dans une église peut nous ressourcer, peu importe nos croyances. Les églises sont généralement ouvertes le jour, messe ou pas. Parfait pour se retrouver dans un silence parfois dur à trouver. La Maison du Père accueille sa clientèle les 24 et 25 décembre. La soirée de réveillon s'amorce à 16h30, le 24, avec une messe célébrée par Monseigneur Christian Lépine, suivie d'un repas, d'une remise de bas de Noël et d'une soirée musicale. Le 25, place au petit-déjeuner de Noël. (MBC/MG)

Interdiction de se syndiquer Le projet de loi 8, adopté par le gouvernement Couillard, interdit à une grande partie des travailleuses et travailleurs du secteur agricole de se syndiquer pour améliorer leurs conditions de travail et de vie. Malgré un jugement de la Cour supérieure et l'opposition de la Commission des relations de travail, le gouvernement va de l'avant avec cette loi qui vise à « protéger les petites fermes familiales de moins de trois employés ». Or, le secteur agricole s'est complètement transformé et des entreprises comme Fraisebec, inscrite au Registre des entreprises comme une compagnie de moins de cinq employés, embauche, pendant la saison de la cueillette, jusqu'à 300 personnes (et s'en vante même sur son site Internet!). La loi 8 privera environ 13 000 personnes du droit de s'unir syndicalement. Parmi eux, on trouve de nombreux travailleurs migrants, souvent en situation de précarité. (MBC)

Camp ou refuge, telle est la question À Edmonton, de plus en plus de sans-abri délaissent les refuges et mettent le cap dans des camps de fortune à la périphérie de la ville. Une situation qui préoccupe sérieusement les intervenants des organismes qui viennent en aide à cette population. Le temps froid a frappé la région d'Edmonton dès novembre, ce qui ajoute aux inquiétudes de voir ces gens s'installer dans la rue. Chaque année, de nombreuses engelures conduisent à des amputations. Il est difficile d'expliquer cette récente désertion, mais plusieurs évoquent le refus de dormir avec des centaines d'étrangers. (MBC/SE)

Un autre morceau de tourtière? Non, j'ai déjà eu ma juste part. (MBC)

Du cinéma sous le pont Jusqu'au 21 décembre, le dessous du pont Jacques-Cartier se transforme en salle de cinéma extérieure gratuite. Recyclage qui met en vedette 13 hommes de la rue, des membres de l'ancienne Chorale de l'Accueil Bonneau, est l'œuvre de Pierre Anthian, l'excentrique conseiller municipal de Laval-des-Rapides. Le film sera projeté sur un pilier du pont, tout près de L'Itinéraire, sur De Lorimier. Aux côtés de ces acteurs d'un jour, qui ont également participé à l'écriture et à la réalisation, 37 personnalités publiques y font des caméos : de Jean Charest, (qui joue un directeur d'école!) à Jean-René Dufort, en passant par Stéphane Quintal et Louis-José Houde… en éboueur. Si la météo est clémente, le film sera présenté tous les soirs dès 19 h et à 15 h 30 la fin de semaine. Tarif : 10 $ au profits de Brouillon d'Idées facebook.com/recyclagelefilm (MBC/SE) 15 décembre 2014 | ITINERAIRE.CA

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ROND-POINT INTERNATIONAL

L'itinérance demeure un problème croissant aux États-Unis, et ce, malgré que l'administration Bush ait appuyé, il y a une décennie, la politique du Logement d'abord. La politique soulève la controverse à plusieurs endroits, car certains critiques jugent qu'on ne devrait pas payer d'impôts pour loger des sans-abri sans auparavant les réhabiliter à la vie citoyenne. L'approche semble pourtant faire des miracles dans plusieurs pays. Et ce, surtout car ces pays ont inclus dans leur charte des droits le droit au logement. Peutêtre un exemple dont les États-Unis pourraient s'inspirer? (INSP)

MONDE | L'ONU, la violence et les femmes

Lakshmi Puri, l'assistante-secrétaire générale de l'ONU et directrice exécutive adjointe de ONU Femmes, rappelle que la violence faite aux femmes est une problématique globale prioritaire, et qu'elle devrait préoccuper la communauté internationale. Puri affirme que le renforcement des politiques globales et des cadres de travail assurerait que les mécanismes mis en place soient plus fonctionnels. Elle croit enfin que des partenariats renouvelés entre l'ONU et ses pays membres seraient la solution qui pourrait faire la différence pour que les femmes et les filles vivent dans un monde non violent. (IPS)

Les jeunes syriens continuent d'aller à l'école, même s'ils rencontrent sur leur chemin des immeubles défigurés par la guerre. Ils le font, car cela leur permet de mettre l'accent sur autre chose que la destruction autour d'eux. Et les autorités jugent que les enfants éduqués sont l'unique chance de la Syrie d'avoir un avenir. Or, l'hiver n'a pas encore frappé que les enfants sont déjà emmitouflés, car ils doivent aller à l'école dans des sous-sols froids et humides où l'on a emménagé des salles de classe à l'abri des bombardements. Des 750 écoles régulières de la région d'Alep, seulement 20 sont encore ouvertes. (IPS)

L'Itinéraire est membre du International Network of Street Papers (Réseau International des Journaux de Rue - INSP). Le réseau apporte son soutien à plus de 120 journaux de rue dans 40 pays sur six continents. Plus de 200  000 sans-abri ont vu leur vie changer grâce à la vente de journaux de rue. Le contenu de ces pages nous a été relayé par nos collègues à travers le monde. Pour en savoir plus, visitez www.street-papers.org.

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ITINERAIRE.CA | 15 décembre 2014

PHOTO: SHELLY KITTLESON/IPS

SYRIE | Écoles souterraines

PHOTO: UN PHOTO/RICK BAJORNAS

PHOTO: REUTERS/CATHALMCNAUGHTON

ÉTATS-UNIS | Logement d'abord

La frontière de pêche entre les deux nations coréennes reste floue. Même si les deux pays ont accepté le 38e parallèle comme frontière géographique après la guerre, ils n'ont pas fixé celle pour la pêche dans la mer Jaune. Mais de précédentes ententes datant des années 2000 concernant une frontière de pêche et zone de coopération pacifique sont en voie de renaître et d'unir les deux pays. Toutefois, les difficultés diplomatiques entre les deux pays ralentissent le processus. Et si les Corée pouvaient faire la paix par la pêche? (IPS)

PHOTO: SASHA FRIEDMAN/CC-BY-2.0

CORÉE NORD/SUD | Pêcher pour la paix


Ce qui ne s'achète pas Vous pouvez vous « vendre » comme cobaye à une entreprise pharmaceutique pour participer à des tests de nouveaux médicaments, contre une généreuse rémunération. Certains suggèrent qu'on devrait instaurer un programme afin de payer les enfants pour la lecture d'un livre. Si vous êtes fortuné, vous pouvez obtenir plus rapidement que les autres le statut de résident permanent au Québec en échange d'un investissement substantiel.

COMPTES À RENDRE

IANIK MARCIL | Économiste indépendant

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u'ont en commun ces exemples? Mettre un prix en dollars sur des choses qui, il y a peu de temps, étaient hors de la sphère de l'économie de marché. De marchandiser certains comportements qui ne l'étaient pas ou ne devraient pas l'être. La recherche scientifique devrait être désintéressée et viser le bien commun. De plus, offrir une rémunération pour servir de cobaye équivaut à une certaine forme d'esclavage. Je sais, je choisis un mot un peu fort. Mais il reste que ce ne sont que les personnes les plus démunies financièrement qui accepteront de passer quelques jours en clinique, ayant un besoin urgent d'argent. Cela est tout sauf désintéressé de part et d'autre. Payer un enfant pour qu'il lise ? Voilà une bonne manière de corrompre une activité de liberté et de plaisir. Que sera la perception de l'enfant de la lecture, par la suite ? De la même manière, est-il légitime de monnayer la citoyenneté et de favoriser les mieux nantis au détriment de médecins, d'ingénieurs ou de soudeurs ? Ces questions sont soulevées dans un important ouvrage récemment traduit, du philosophe américain Michael Sandel, Ce que l'argent ne saurait acheter (Seuil, 2014, 333 p.). Il y explique que depuis quelques décennies, la logique de marché a contaminé la presque totalité de nos vies. De l'économie de marché, nous sommes passés à la société de marché. Toutes choses et toutes relations ont, essentiellement, maintenant une valeur financière. Les droits de polluer ou la reproduction assistée, l'éducation ou les relations amoureuses sont maintenant évalués selon leurs coûts et leurs bénéfices économiques. Or, affirme l'auteur, cette logique est moralement corrosive, en ce qu'elle promeut « des attitudes qui

conditionnent l'appréhension des biens échangés ». Ainsi, si l'attitude est louable d'inciter les enfants à la lecture en les payant, ils risquent de percevoir cette activité comme une corvée nécessaire à un gain monétaire plutôt qu'un loisir permettant de se cultiver. De l'économie de Le problème fondamental de cette vision du « tout marché, nous sommes marché » est donc profonpassés à la société de dément moral. À donner à marché. Toutes choses toute relation sociale une valeur marchande, on lui et toutes relations retire sa véritable valeur ont, essentiellement, humaine. L'éducation, maintenant une la culture, les relations amoureuses ou amicales, le valeur financière. bénévolat, la nature, l'art, le Les droits de polluer don, même le travail sont constitutifs du lien social, ou la reproduction de la solidarité si ça n'est de assistée, l'éducation notre civilisation. Les réduire ou les relations à l'état de marchandise leur enlève leur noblesse en amoureuses sont les assimilant à un sac de maintenant évalués pommes de terre ou à un selon leurs coûts t-shirt. Il me paraît urgent et eset leurs bénéfices sentiel de redonner toute économiques. leur noblesse à ces choses et ces relations. Faute de quoi, des pans entiers de notre civilisation perdront leur véritable valeur et nous léguerons aux futures générations une société désincarnée, sèche et calculatrice.

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5_Itinéraire_dec2014.pdf 1 2014-11-21 14:11:40

Puisse la beauté du temps des Fêtes illuminer votre vie tout au long de l’année

Jacques Chagnon

Député de / M.N.A. for Westmount-Saint-Louis 1155, rue University Bureau 1312 Montréal (Québec) H3B 3A7 Tél : 514-395-2929 jchagnon-wsl@assnat.qc.ca

May the beauty of the Holiday Season be with you throughout the year

© Collection Assemblée nationale du Québec, photographe Valérie Cliche

Meilleurs vœux pour la saison des fêtes et pour la nouvelle année! Best Wishes for the Holiday Season and the New Year! Marc

GARNEAU

Député/MP We s t m o u n t - Vi l l e - M a r i e

4 0 6 0 S t e - C a t h e r i n e O . / W. Suite 340 QC H3Z 2Z3 514-283-2013 marcgarneau.liberal.ca

Merci à tous nos donateurs :

LUDO L’A LU

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Quel beau présent pour le 15e anniversaire du programme ! lalectureencadeau.org


MOT DE CAMELOT

Premiers patins

Souvenirs de Noël

Noël! Quelle fête!

Noël! Je me rappelle particulièrement un Noël aux environs des années 1965-1966. Le 24 décembre, ma mère nous avait habillés de nos plus beaux vêtements et comme il ne faisait pas très froid et que les trottoirs étaient exempts de neige, j'arborais des souliers neufs pour aller à la messe de minuit. À la sortie de l'église, surprise, il était tombé au moins six pouces de neige. J'étais très fâché d'avoir mouillé mes nouvelles chaussures.

Le 24 décembre au soir, comme d'habitude, ma mère nous couchait très tôt, vers 7 heures. Il n'y avait encore aucune décoration dans la maison et rien n'annonçait la fête à venir. Une fois que nous étions endormis, elle se mettait à l'ouvrage.

Le temps se vêt de blanc,

Rendu à la maison, je me suis mis à bougonner jusqu'au moment où je suis entré dans le salon et que j'ai vu tous les cadeaux en dessous de l'arbre. Ils avaient été apportés par le père Noël (probablement mon oncle Raymond) pendant la messe. Et qu'est-ce que j'ai découvert dans une grosse boîte? Une paire de patins! Mes premiers patins neufs! Oubliées les chaussures mouillées; je ne pensais plus qu'à étrenner mes patins et à m'élancer sur la patinoire de l'aréna. Joyeuses fêtes à tous mes clients et clientes et merci de votre fidélité.

Elle sortait toutes les décorations, montait le sapin, installait les guirlandes et la crèche. Enfin, elle étalait les cadeaux sous l'arbre. Puis, à minuit, elle nous réveillait. On allait la rejoindre dans le salon en se frottant les yeux. Tout d'un coup, les lumières nous éblouissaient et une fois, complètement réveillés, nous nous jetions sur les cadeaux. On jouait une heure ou deux et fatigués (on n'était pas habitué de veiller si tard) on retournait au lit heureux en sachant que des journées de plaisir s'en venaient. Joyeux Noël à tous et à toutes.

DANIEL PRINCE Camelot, métro McGill et angle Fabre / Mont-Royal

Les gens se pressent dans le temps. C'est Noël! Joie! Joie pour tous? Noël! La guignolée! Les pauvres en fête! Quelle joie de regarder ces frimousses! Mais pour moi, Noël est un jour de non-fête. Je pense à ces autres Noëls de tristes p'tits mousses, Le dernier Noël de celle qui m'a donné la vie, Que de tristesse dans mon cœur qui s'ennuie! Noël, Noël, va-t-en! À l'an prochain. J'ai mal de ta venue, tu ne me dis rien.

SERGE TRUDEL Camelot, angle Sainte-Catherine / Morgan

GAÉTAN PRINCE Camelot, métro Bonaventure et promenade Masson

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ENTREVUE

P.K. Subban : Redonner aux autres Il est beau, jeune, riche et talentueux. Avec un salaire de 9 millions de dollars par année, P.K. Subban a vraiment tout pour lui. Mais le joueur vedette des Canadiens de Montréal a rapidement appris qu'il fallait redonner lorsque la vie nous sourit. Engagé dans plusieurs causes sociales, il vient notamment en aide aux jeunes défavorisés à travers les Jeunes espoirs du hockey Hyundai. Lors de la Collecte de sang annuelle des Canadiens, il a accepté de discuter d'entraide avec L'Itinéraire. TEXTE : GOPESA PAQUETTE PHOTOS : MARIO JEAN / MADOC STUDIO

Vous êtes très engagé de même que votre famille dans diverses causes sociales. Pourquoi est-ce si important pour vous de faire votre part?

Je crois que c'est une responsabilité de redonner aux autres et de le faire à chaque fois que l'occasion se présente. Lorsqu'on parle des salaires des athlètes professionnels, on devrait aussi parler de notre responsabilité à redonner à la communauté. Le simple fait de participer à la Collecte est aussi une bonne façon de faire notre part. En plus, on met un sourire aux lèvres des gens qui viennent donner du sang! Eux aussi, ils posent un geste important pour les autres. C'est bon de voir ça et je crois que c'est un bon message à transmettre aux jeunes.

Quel message cherchez-vous à faire passer?

Qu'il faut redonner, penser aux autres, s'entraider. Je crois que dans ce monde, on accorde trop souvent notre attention à tout ce qui est négatif, mais il y a beaucoup de positif. Lorsque je regarde autour de moi, je vois que beaucoup des gens qui sont venus à la Collecte sont des jeunes. C'est bon ça! Les jeunes ne vont pas seulement dans les bars, ils viennent aussi donner du sang. Nous devrions parler de ça aussi.

Réalisez-vous que vous avez un impact bien au-delà du monde du hockey?

Je pense rarement à ça. Je fais simplement mon travail et je me concentre sur ce que je peux changer. En plus de donner mon meilleur à mon équipe, j'essaie aussi de donner mon meilleur à ceux qui m'entourent et de redonner à la société. J'essaie de garder le cap là-dessus.

Ces valeurs de partage viennent-elles de vos parents?

Bien sûr, ce sont des valeurs auxquelles ma famille adhère. Que ce soit mes frères, mes sœurs ou mes parents. Nous y croyons tous. Alors bien entendu, ils appuient ça.

Vos parents ont immigré il y a de nombreuses années au Canada. Est-ce que vous avez l'impression que cette expérience a influencé votre éducation?

Mes parents sont de bonnes personnes et pour eux, il a toujours été

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Ça va prendre plus que ça

pour passer un joyeux temps des Fêtes.

AIDONS LES SANS-ABRI

1 87 PAUVRETÉ

leger.org


ENTREVUE

important de redonner. Je ne crois pas que ce soit nécessairement lié à leur expérience. Ils croient simplement qu'il faut aider les autres. Je crois aussi que c'est tout simplement la bonne chose à faire. Quand tu redonnes, tu cherches à avoir un effet sur les autres et produire un changement positif. Pour moi, redonner, c'est un peu le sens de la vie.

Quel genre de changement voudriez-vous voir dans la société?

Il y en a des millions. Mais il faudrait d'abord plus s'entraider. Le changement n'arrive pas du jour au lendemain. C'est un processus qui commence avec une personne. Ça peut prendre des centaines d'années avant que quelque chose ne change. Je ne cherche donc pas à changer quoi que ce soit, mais simplement à aider.

Ici au Québec, trouvez-vous qu'il y a assez d'entraide?

Je crois que le Québec est un endroit très intéressant où les gens aiment se rassembler. Regarde Montréal, c'est une des villes les plus multiculturelles. Je trouve ça intéressant de voir comment les gens interagissent entre eux, peu importe leur culture, leur pays d'origine ou leurs croyances. Les gens se respectent et trouvent des façons différentes de travailler ensemble et de s'entraider.

Faire du sport est souvent une bonne façon de s'unir. Comment le hockey peut-il aider les jeunes?

Ça aide à développer nos aptitudes et à travailler en équipe. En faisant du sport, tu n'as pas le choix de travailler avec tes coéquipiers et d'apprendre à bien communiquer. Si tu n'es pas capable de communiquer, tu n'auras probablement pas un grand succès professionnel. La communication est la clé de la réussite et je dois le faire à chaque jour avec mes coéquipiers, mes entraîneurs et les fans. Je crois que le sport permet vraiment le développement de nos talents et de nos habiletés dans la société.

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DOSSIER

Le difficile pari de Loto-Québec Loto-Québec semble constamment sur la corde raide, pris entre les feux croisés de ceux qui crient au conflit d'intérêts dans la prévention du jeu pathologique et le gouvernement provincial qui lui demande d'augmenter ses revenus. Les appareils de loterie vidéo sont ciblés comme étant particulièrement nocifs, ils génèrent pourtant la moitié des profits de la société d'État. Alors que les politiques d'austérité du gouvernement libéral demandent à tout le monde de se serrer la ceinture pour renflouer les coffres de l'État, comment concilier ces deux mandats? PHOTOS : GOPESA PAQUETTE

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Jeux sérieux L'introduction en 1994 des appareils de loterie vidéo (ALV) par Loto-Québec a été une étape décisive du développement de l'industrie du jeu québécois. Cette industrie connaît une croissance fulgurante comme le rapportait La Presse en 2013. Entre 1992 et 2009, les recettes de l'État en matière de jeu ont bondi de 248 %. PAR ISAAC GAUTHIER

C

es ALV aux coûts minimes représentent aujourd'hui la culture chrétienne, n'est pas partagée par tous. Dès 1920, plus de 50 % du 1,2 milliard des profits nets de la Montréal est une plaque tournante du jeu illégal en Amésociété d'État. Loto-Québec maintient qu'elle agit rique du Nord, où l'on trouve des centaines de maisons de avec «responsabilité sociale» dans sa gestion du jeu, des jeu et de loteries fermement contrôlées par le crime organiassurances récemment réitérées par le gouvernement lisé. Bien que répondant à une réelle demande, ces endroits béral. Les critiques, eux, ne démordent pas, citant les mulsont discrets et généralement mal vus par la société. tiples études dénonçant le danger de ces appareils. «En Alors que les magnats du crime s'enrichissent, les gouvernements sont à la merci des crises budgétaires. En terme de santé publique, les jeux de hasard et d'argent sont 1928, le maire Camilien Houde propose de légaliser les pires depuis qu'ils sont sous le contrôle de l'État», dénonce jeux de hasard pour combler l'éternel déficit financier de Alain Dubois, travailleur psychosocial et fondateur de EmJEU (Éthique pour une modération du Jeu), Montréal, une idée qui gagnera en popularité au Québec. La première loterie gouun organisme militant pour une meilleure vernementale, décrite comme une «taxe gestion du jeu au Québec. Dans ce cas, qu'entend-on par «responsabipar son instigateur, le maire La légalisation volontaire» lité sociale»? Dans un rapport aux conclusions Jean Drapeau, a lieu en mai 1968. Après controversées, les chercheurs Yves Bélanger, seulement 19 mois d'activités, les tirages est avancée Yves Boisvert, Élisabeth Papineau et Harold doivent cesser, la Cour suprême affirmant comme un Vétéré définissent la responsabilité sociale l'illégalité de la loterie. Le gouvernement comme la démonstration que «des acteurs moyen d'assurer du Québec revient toutefois à la charge la publics ou sociaux sont responsables de cette même année en passant la Loi sur la Société activité et qu'ils travaillent dans une logique «de l'ordre et de des loteries du Québec, créant ainsi une nousociété d'État réglementant les jeux de précaution afin d'en minimiser les impacts la mesure» chez velle de hasard. négatifs». En ce qui concerne les ALV, il n'y a pas de doute que Loto-Québec en est les exploitants La légalisation est avancée comme un moyen d'assurer «de l'ordre et de la mesure» l'entité responsable : elle gère le nombre et du jeu. chez les exploitants du jeu, c'est-à-dire de la distribution de ces appareils. Pourtant, il retirer le contrôle (et surtout le revenu) est moins évident que la société d'État agisse du crime organisé et d'assurer que ces dans une «logique de précaution» et cherche jeux restent avant tout, un divertissement à minimiser les impacts négatifs. D'où le déet non un outil d'exploitation des plus bat sur le coût social des appareils de lotevulnérables de la société. De même rie vidéo et sur le rôle de Loto-Québec que ses homologues internationaux, en tant que fournisseur unique de ce Loto-Québec introduit les ALV sur genre de divertissement. le marché du jeu québécois pour Le gambling au Québec contrer les revenus en déclins des Avant 1970, les jeux de hasard et jeux traditionnels (loterie, casino). d'argent sont illégaux en vertu du Code Cette décentralisation du jeu a criminel canadien. Cette aversion au ouvert la voie à l'établissement de jeu lucratif, profondément ancré dans milliers d'ALV dans les bars et tavernes du Québec.

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DOSSIER

Un jeu dangereux

«En santé, on traite l'héroïne différemment du cannabis à cause des différents niveaux de risques. Ça devrait être la même chose pour le jeu.»

Les appareils de loterie vidéo sont depuis les vingt dernières était des joueurs compulsifs et que 1,4 % années considérés comme un dérivé toxique des jeux de était des joueurs à risques. Pourtant, un hasard et d'argent. Un rapport hollandais de 1993 associait sondage Léger Marketing concluait en 73 % de toutes les dépendances aux jeux aux appareils de 2001 que 5 % des Québécois s'identiloterie vidéo, même si ces derniers n'étaient pas la forme fiaient volontairement comme joueurs de pari la plus populaire. Les chercheurs anglais Richard T. pathologiques, une fois qu'on leur en A. Wood et Mark D. Griffith ont conclu en 1999 que les ALV donnait la définition. sont, parmi toutes les formes de paris, celles qui créent le Du jeu pour tous plus de dépendances. Plus près de nous, le sénateur Jean L'appareil de loterie vidéo est non seuleLapointe avouait au Voir en 2006 que «les loteries vidéo, ment le jeu de hasard qui crée le plus de pour moi, c'est l'équivalent du crack…» dépendances, il est aussi le plus accesSelon Alain Dubois, les appareils de loterie vidéo sont «une sible. Alors que plusieurs jeux ne sont disforme agressive du jeu». Ils opèrent selon deux algorithmes principaux, soit le taux de retour (ou de rendement) et le taux d'encaissement, ponibles qu'au casino, les ALV se trouvent à la taverne du tous deux sur un pourcentage préétabli par Loto-Québec. Le premier équivaut coin. Dans une étude sur l'accessibilité des ALV à Montréal, au nombre de parties gagnées dans le temps, alors que le deuxième équivaut les chercheurs Éric Robitaille et Patrick Herjean du centre plutôt au total du gain en argent dans cette même période de temps. Selon le Léa-Roback arrivent à la conclusion qu'il y a un lien significadirecteur des relations de presse de Loto-Québec, Jean-Pierre Roy, le taux de tif entre la distance à pied des ALV et la vulnérabilité socioretour des ALV est de 92 % alors que le taux d'encaissement se situe autour de économique d'un quartier. Un autre rapport commandé en 75 %. Donc, un joueur gagnera en moyenne 92 % de ses parties, mais, selon le 2012 par la Direction régionale de santé publique de la Cataux d'encaissement, il ne sortira au total qu'avec 75 % de l'argent misé. C'est ce pitale-Nationale arrive aux mêmes conclusions. En d'autres rapport mathématique qui donne l'impression aux joueurs d'aligner les victoires termes, plus la population d'un quartier est pauvre et peu et qui rend les ALV particulière- éduquée, plus les appareils de loterie vidéo sont accessibles. La moyenne du temps de déplacement à pied à Montréal ment accrocheurs. Selon Jean-Pierre Roy, toute entre la maison et un ALV serait de neuf minutes, dans cer«forme de jeu où il y a la possibi- tains quartiers, elle est de trois. «La distribution des licences d'ALV se fait par la Régie des lité de répétition peut causer des débordements chez un joueur», alcools, des courses et des jeux», explique Jean-Pierre Roy, c'est pourquoi des mesures de alors que Loto-Québec ne s'occupe que de la gestion des prévention sont incorporées. appareils. La société d'État affirme avoir tout de même Des mesures insuffisantes, des critères de distribution selon le revenu familial d'un estime Alain Dubois, puisqu'elles quartier et le nombre d'appareils par habitant, tout en ne tiennent pas compte de restant nébuleuse sur leur nature exacte. L'accessibilité la «dangerosité du jeu». Tout aux ALV des quartiers défavorisés et l'apparente comcomme la drogue, les jeux de plicité de Loto-Québec remet en question l'importance qu'accorde la société d'État à hasard et d'argent n'ont la prévention du jeu compulpas les mêmes dangers. sif, surtout dans une logique «En santé, on traite l'héEn 2012, le où ses revenus plafonnent, roïne différemment du ainsi que le rapportait Le Decannabis à cause des gouvernement voir en juin 2013. Loto-Quédifférents niveaux de risque. Ça devrait être la Marois demandait bec n'est pas insensible aux suggestions que ces appareils même chose pour le jeu», explique le fondateur de une augmentation soient dangereux : en 2002, un moratoire est imposé sur EmJEU. La société d'État de 50 millions de nouveaux appareils à la estime qu'il y a très peu des bénéfices de suite d'études dénonçant de joueurs pathologiques les ALV. Le but? S'attaquer au Québec  : une étude Loto-Québec. au jeu pathologique et par le commandée à l'Universifait même, réduire le nombre té Concordia en 2012 par d'appareils de loterie vidéo au Loto-Québec concluait Québec. Pourtant, dans un que 0,4 % des Québécois


revirement majeur, le gouvernement québécois change d'avis en 2010 et approuve 375 nouvelles licences, faute de revenus. Aujourd'hui, il y aurait 11 6 83 ALV au Québec, dont le tiers à Montréal. Comme le rappelle Jean-Pierre Roy, «si Loto-Québec est capable de verser 1,2 milliard au gouvernement par année, c'est parce que des gens perdent». Depuis 2010, Québec augmente «Si Loto-Québec la pression sur sa société d'État pour qu'elle génère est capable de plus de revenus. Par verser 1,2 milliard exemple, Le Devoir rapportait en 2012 que le au gouvernement gouvernement Marois une augmenpar année, c'est demandait tation de 50 millions parce que des gens des bénéfices de LotoQuébec. Devant ces exiperdent.» gences, la société d'État a modernisé ses ALV, les nouveaux appareils étant plus attirants et dynamiques. Contrairement au temps du crime organisé où le jeu était marginalisé, on le vend aujourd'hui comme un divertissement légitime. Une tendance qui frise le conflit d'intérêts, selon Alain Dubois. «Les autobus de Loto-Québec font la tournée des résidences pour personnes âgées pour les amener au casino. Et on ose parler de responsabilité sociale», raconte le militant. Les jeunes adultes seraient aussi ciblés par la société d'État, après tout, ils sont la clientèle du futur. Une clientèle vraisemblablement déjà bien accrochée : dès 2001, le Forum sur le jeu pathologique identifiait qu'un jeune sur vingt au Québec avait des problèmes de jeu.

Taire la critique

En sa défense, Loto-Québec estime faire sa part pour la société. Plus d'un millier d'organismes sont financés chaque année par la société d'État à raison de 125

millions de dollars. Elle donne 22 millions de dollars pour la prévention au Ministère de la Santé et des Services sociaux, en plus du 1,2 milliard qu'elle remet au gouvernement. Elle a créé l'organisme Mise sur toi!, un organisme dit «indépendant» axé sur la prévention du jeu. Des mesures insuffisantes selon le Groupe de travail sur le jeu en ligne, qui y voit une méthode de contrôle du dialogue publique par la société d'État, particulièrement dans un contexte où l'État cherche de nouvelles sources de revenus. Selon Alain Dubois, Mise sur toi! a toujours été fermement sous l'emprise de Loto-Québec qui l'a rendu délibérément inefficace. Une étude de l'Institut national de santé publique indiquait qu'une personne sur cinq croyait que les messages de prévention de l'organisme étaient en fait de la publicité encourageant le jeu, alors que 45 % des répondants ne voyaient dans ces messages aucune valeur de prévention. Au-delà des critiques, plusieurs pistes de solution ont été proposées. Louise Nadeau, présidente du Groupe de travail sur le jeu en ligne, Le Groupe de estime qu'il faut un réel organisme de préventravail sur le jeu tion financièrement indépendant de LotoQuébec. Une position reprise par d'autres, en ligne, estime tel le militant Alain Dubois. Cet «observatoire sur les jeux de hasard et d'argent» relèverait qu'il faut un directement de l'Assemblée Nationale et réel organisme aurait pour mandat la gestion du financement et la coordination des efforts en prévention. de prévention D'autres mesures ont été proposées afin de financièrement réduire la dangerosité des ALV, soit une réduction du nombre d'appareils, une fermeindépendant de ture automatique des machines à minuit et des meilleures campagnes de prévention. La Loto-Québec. modification de la Loi sur le tabac en 2006 a été bénéfique au sens qu'elle obligeait les joueurs à prendre des pauses pour aller fumer. Rien pour plaire à Loto-Québec, qui a ensuite vu ces bénéfices baisser de 5 à 10 %. L'accessibilité des appareils de loterie vidéo, particulièrement dans les régions défavorisées du Québec, pose un réel problème éthique. Un dilemme complexifié par la tendance à financer l'État à même des appareils jugés manipulateurs et dangereux. Comment conjuguer l'État protecteur des citoyens à l'État gestionnaire du revenu? Une réflexion s'impose alors que Loto-Québec s'implante dans le jeu en ligne, où le potentiel d'atteintes de nouveaux joueurs, responsables ou compulsifs, semble sans limites.

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DOSSIER

La machine contre nous Que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque nous sommes devant un appareil de loterie vidéo? Qu'est-ce qui fait qu'on remet un petit 20 $, se disant « qu'elle va finir par payer »? Explications. PAR MARTINE B. CÔTÉ

I

sabelle Giroux, du Centre québécois d'excellence pour la prévention et le traitement du jeu de l'Université Laval, affirme d'emblée que la majorité des gens réagissent de la même façon devant une machine à sous. Que ce ne sont pas seulement les joueurs pathologiques qui tentent de battre la machine. Devant un tel appareil, nous faisons des « liens cognitifs erronés », explique la chercheure. Nous sommes biaisés et commettons une erreur dans l'interprétation de ce qui se passe avec la machine. «Quand on se dit "ça fait longtemps que je perds, je suis dû", on commet une erreur dans l'interprétation de ce qui se passe avec l'appareil, c'est une perception erronée». Elle emprunte l'expression anglaise le « near miss » pour expliquer ce phénomène : « Quand on a l'impression qu'on est passé près de gagner, on se met à voir une perte comme une presque victoire. Mais on a bel et bien perdu!» Madame Giroux soutient que cette idée s'applique à presque tous les jeux : «Prenez pile ou face : si vous obtenez trois piles de suite, vous vous direz quoi? Que vous êtes dus pour lancer face. Mais au fond, chaque fois, c'est une chance sur deux! Et on relance en se disant que la prochaine fois, ça va être face.» La majorité des gens font ce genre de distorsions cognitives par rapport aux jeux. «C'est une mauvaise compréhension de ce qu'est le hasard. Les stratégies ne servent à rien sur le hasard.» Et sachant que les appareils de loterie vidéo au Québec sont programmés selon des algorithmes qui nous sont défavorables, les arguments du type « elle va finir par payer» s'effondrent (voir encadré). Les machines nous font faire de petits gains, certes. Mais que fait-on avec ces petits gains? On les rejoue. «Plus on joue, plus on va s'approcher de ce taux de retour de 92 %. Et plus on joue, plus on perd», explique madame Giroux. Évidemment, tout le monde n'a pas en lui un joueur pathologique. Le joueur qui a un problème a lui aussi ces perceptions erronées, mais sera convaincu qu'il

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MOT DE CAMELOT

Le jeu

a raison et croit à ses stratégies, à ses trucs. Et le tout s'aggrave lorsqu'on joue plus que ce qu'on pouvait se permettre. La chercheure explique : «En thérapie, on passe beaucoup beaucoup de temps à expliquer comment fonctionnent les appareils pour tenter de défaire leur perception qu'ils peuvent battre la machine.» Alors qu'est-ce qu'il a notre cerveau à ne pas vouloir comprendre que les machines sont faites pour NOUS battre? Isabelle Giroux parle de la tenQu'est-ce qu'il dance de l'humain à vouloir faire des liens, a notre cerveau à donner du sens. «On se met à faire des liens à ne pas vouloir entre ce qui se produit comprendre que dans nos vies et aux jeux de hasard. À faire les machines intervenir le rationnel de notre quotidien à du sont faites pour hasard, en tirant des NOUS battre? conclusions qui ne sont pas réalistes. Ce n'est pas parce que j'ai gagné une fois que je vais gagner encore. Ce n'est pas parce que j'étais là au bon moment. Non, j'ai été chanceuse, point!» La chercheure insiste aussi sur le phénomène de renforcement intermittent : « puisqu'on ne sait jamais quand ça va payer, ça devient encore plus dur de s'arrêter. Et la meilleure façon de continuer un comportement, c'est de le renforcer ». Un effet de renforcement dit «classique», lui, est procuré par les machines ellesmêmes : «Il y a les lumières et les bruits qu'émet la machine. Si je joue 2,50 $ et que je gagne 1,25 $, la machine s'active, certaines affichent des bonhommes qui dansent. Ça renforce l'idée qu'on a gagné alors qu'on a perdu 1,25 $!»

La première fois que j'ai mis les pieds dans un casino, c'était à Paradise Island, à Nassau aux Bahamas. Tout le monde prenait du café ou du moins, c'est ce que je pensais. Les tasses servaient à mettre les jetons pour jouer aux machines. J'ai joué avec 35 $ en partant; pas plus, car je m'étais fixé un objectif. En 15 minutes, j'ai gagné 385 $ et je l'ai perdu dans les mêmes 15 minutes. Aujourd'hui, j'achète seulement un Mini-Loto à chaque début de mois, car il y a souvent des lots bonis comme des voitures et 10 à 20 lots bonis de 1000 $, tout ceci pour 50 cents.

BENOIT CHARTIER Camelot, IGA place Bercy et métro Radisson

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DOSSIER

Mon baptême des jeux de loterie

V

ingt dollars en poche en poche, j'entre dans un bar de la rue Ontario, stressée à l'idée que je ne reverrai pas le vert de ce billet. À quelques jours de Noël, la pensée de le faire fructifier m'apparaît tout de même douce. Mais à voir la vitesse à laquelle la machine gobe mon vingt dollars et la banalité avec laquelle jouent mes voisins, je constate que j'entre dans un monde rempli d'espoir vain. D'abord, un jeu classique. Des fruits. Trois oranges côte-à-côte et me voilà qui pousse un youpi devant mon gain de 75 sous. Avec l'envie de jouer à un jeu qui solliciterait davantage les neurones, je me tourne vers le poker. Les mains se succèdent. Je perds un peu, gagne des micro-montants. Ça manque de sensations. Misons plus : à coup de 75 sous la partie,

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puisque ce nombre semble m'avoir porté chance. Je me découvre un talent pour les brelans. Mais ce n'est pas très payant. S'ensuit quatre cartes de cœur. J'ai l'impression que le cœur me sourit, j'appuie. Flush! Double youpi. Quinze minutes sont passées, j'en suis à 17 $. Je ne peux tout de même pas repartir délestée de 3 $… Avec le billet d'autobus dépensé pour me rendre à ma destination, j'en suis à une perte de 6 $. Je décide de me refaire. Dès que je retrouverai ma mise initiale, j'arrêterai de jouer. La chose finit par se produire. Me voilà à 20,50 $, j'appuie sur Encaisser et je sors. À côté de la taverne, un jeune accompagné de son chien quête. Je lui donne un huard. Je me sens gagnante sur toute la ligne. (MBC)


«Ça change pas le monde…» Les slogans de la loterie, comme le fameux «Ça change pas le monde, sauf que…», résonnent dans notre imaginaire collectif depuis des décennies. Tout le monde s'est déjà demandé ce qu'on ferait si on gagnait le million. On parle de La poule aux œufs d'or comme une quasi institution culturelle. Rares sont les entreprises qui ont une telle présence dans notre culture populaire. Avec ses casinos, ses bingos et ses loteries, LotoQuébec dit vendre du divertissement, mais de quel genre exactement? Que vend Loto-Québec et comment le fait-il? PAR GOPESA PAQUETTE

L

«

oto-Québec vend du rêve et de l'espoir,» répond Sylvain citaire annuel de 40 millions, les trois quarts vont à la Desrochers, responsable du certificat en publicité à promotion des produits de loteries, le volet de la société L'Université de Montréal et observateur de longue le plus sympathique aux yeux de la population selon M. date de l'industrie. Jean-Pierre Roy, porte parole de Loto- Tremblay. Dans le milieu de la pub, Loto-Québec est un Québec, précise que l'attrait des produits de la loterie est bon client. «C'est un gros joueur, confirme M. Desrochers, cette possibilité que le quotidien puisse changer radi- juste après le gouvernement, les compagnies pharmaceucalement. Faisant écho à M. Desrochers, il affirme : «Ce tiques et d'hygiène personnelle et les voitures.» qu'on vend, c'est un moment d'espoir en des temps moroses. Tu achètes un billet et pour un certain moment tu oublies Vendre une idée tes problèmes, tu te permets de penser à autre chose.» Avec de bons budgets de création, les publicitaires La loterie serait aussi une sorte de grande égalisatrice : doivent tout de même vendre un produit assez abstrait. «Concrètement, on vend la possibilité de «Nous sommes tous égaux devant le changer sa vie,» explique M. Tremblay, hasard, avance M. Roy. Que tu sois riche le père du fameux «Ça change pas le ou pauvre, tu as les mêmes chances de gagner.» Une sorte de voie de contour«Ce qu'on vend, monde, sauf que…». Pour y arriver, il faut frapper l'imaginaire et s'assurer nement du discours de méritocratie où c'est un moment que les gens s'identifient au produit. il faut suer pour gagner sa croûte. «Chaque produit doit devenir une relid'espoir en des Gros joueur gion, poursuit-il. Il faut que ça devienne «Loto-Québec est une des trois vaches temps moroses.» indispensable aux gens qui l'achètent.» à lait de l'État québécois, avec HydroLa conception des campagnes puise Québec et la SAQ, rappelle Roger Tremdonc dans la culture populaire et doit blay, publicitaire qui a travaillé sur des faire preuve d'une fine connaissance de campagnes pour la société d'État penla psyché humaine. «Il faut arriver à ce dant 15 ans. Le gouvernement lui met que les gens parlent de ta pub, qu'ils en constamment de la pression pour augmenter ses profits.» viennent à la trouver sympathique et donc qu'ils trouvent la Si les casinos composent le volet le plus prestigieux de marque sympathique», affirme M. Tremblay. Selon lui, ce ces activités, ils ne représentent qu'un cinquième de ses travail sur la sympathie envers la marque Loto-Québec revenus et 14 % des profits. L'argent se trouve dans les est d'autant plus important qu'elle se fait régulièrement loteries vidéos et classiques, qui ont rapporté 50 % et écorcher sur la place publique lorsqu'il est question des 36 % des profits en 2013. Et c'est grâce à des campagnes conséquences du jeu pathologique. «On vend le produit marquantes qu'on vend de la loto. Sur un budget publi- et la marque.» Le rêve et la vache à lait.

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ACTUALITÉ

Appelez-le Docteur Weissman Avez-vous entendu parler de cet ancien sans-abri qui a remporté, cette année, le prix de la meilleure thèse de doctorat en sciences humaines dans tout le pays? Pendant quelques jours, le nom d'Eric Weissman a énormément circulé sur les réseaux sociaux. L'Itinéraire a donc retracé le nouveau docteur en Colombie-Britannique où il enseigne maintenant la sociologie et continue son combat pour démystifier l'itinérance et la toxicomanie. PAR MÉLANIE LOISEL Traduction de l'entrevue : Manfred Bischoff

Docteur Weissman, pouvez-vous nous raconter un peu votre histoire ?

Je viens d'une très bonne famille. Nous n'avions aucun historique de problèmes de toxicomanie ou de santé mentale, mais je suis devenu toxicomane. J'ai commencé par le pot, le hasch et la bière quand j'étais adolescent. Mais ce n'est pas avant la vingtaine que j'ai commencé à consommer des drogues, dont la cocaïne, sur une base quotidienne. À 27 ans, la drogue m'a fait dévier de mon chemin. Pendant plusieurs années, j'ai consommé et à 35 ans, je ne pesais plus que 130 livres. Mon médecin m'a dit qu'il ne me restait plus que quelques semaines à vivre. J'étais alors sur l'aide sociale et vivais dans un appartement à Toronto. J'avais quelques vêtements. Pas de nourriture, pas de serviettes, pas de meubles à l'exception d'un futon. Tout ce que je faisais c'était boire, prendre de la coke et fumer de la dope. Pendant la nuit, j'avalais des Tylenol parce que la cocaïne m'avait fait un trou dans les sinus. Mais chaque nuit, je sniffais quand même un peu de coke, juste pour engourdir la douleur dans mon nez. À la longue, les Tylenol n'avaient plus d'effet. J'avais atteint un sérieux bas-fond physique et spirituel. Les seules calories que j'emmagasinais provenaient de l'alcool. Je buvais environ une bouteille de whisky de 26 onces tous les jours. Souvent, les gens se demandent comment nous faisons pour consommer autant quand nous sommes sans le sous. Mais, les toxicomanes partagent, échangent, font des combines et - même si je ne l'ai jamais fait - volent. En vérité, beaucoup de gens que je connaissais me donnaient de l'argent pour me nourrir ou me loger, mais une partie allait pour la drogue.

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Pendant votre période de consommation, vous vous êtes retrouvés sans-abri. Comment cette expérience vous a-t-elle marqué?

Je n'ai jamais vécu dans la rue, en tout cas, pas de la manière que la plupart des personnes se l'imaginent. Habituellement j'étais aux prises avec ma toxicomanie, j'avais assez d'argent pour me payer une chambre quelque part où je pouvais déranger un ami pour qu'il me laisse dormir sur son divan. J'ai même persuadé ma sœur aînée de me laisser vivre chez elle pour quelques mois, puis je me suis trouvé un travail pour gérer un bar à Toronto. J'ai alors dormi sur une des tables de billard pendant huit mois. Récemment, un ami m'a d'ailleurs envoyé une note dans laquelle il me disait que, pour lui, je n'avais jamais été un sans-abri puisque je me débrouillais toujours. Il avait tort. Il y a eu des moments où j'ai dû dormir à l'extérieur car je n'avais nulle part où aller. Pendant près de six années, j'ai fait l'expérience de ce que l'on appelle aujourd'hui une « itinérance épisodique ». Cette expérience fut profondément troublante et aura considérablement développé ma capacité d'être empathique vis-à-vis des personnes itinérantes avec qui je travaille maintenant. Je comprends la honte associée au fait d'avoir perdu la maîtrise de soi-même et sa demeure. Je comprends la peur dans l'attente d'une éviction et la folie de l'esprit causée par la toxicomanie, une folie qui m'a forcé à boire ou à prendre des drogues alors que j'aurais dû payer mon loyer.


Quel a été l'élément déclencheur pour vous en sortir?

Un jour, ma sœur est entrée dans mon appartement, après m'avoir cherché pendant des jours et s'être inquiétée. Elle m'a dit : «Eric tu as besoin d'aide, tu vas mourir», j'ai répondu : «Oui, tu as raison». Je ne sais pas pourquoi j'ai dit cela. Je ne l'avais jamais admis auparavant. Mais ce jour-là, je l'ai fait. Les semaines suivantes, j'ai rencontré une excellente médecin qui m'a aidé à me désintoxiquer. Je me suis rendu à un centre de désintoxication, géré par la ville, puis dans un centre de traitements dans le nord de l'Ontario pour 28 jours. Je me sentais bien après avoir suivi ce programme, mais mon abstinence n'a duré que quelques mois. J'ai connu une sévère rechute parce que j'avais décidé, un soir, de prendre une bière non-alcoolisée. J'ai recommencé à boire réellement le jour suivant. En un rien de temps, j'étais dans le trouble. Mon médecin m'a aidé à entrer dans un autre centre de désintoxication. Je suis allé à la maison de rétablissement Buena Vista on the Rideau pour six mois. C'est là que j'ai appris au sujet de ma maladie, et qu'on m'a montré comment vivre avec. J'ai appris à prendre soin de moi-même, et je suis sobre depuis maintenant 19 ans.

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ACTUALITÉ

Quelles leçons tirez-vous de cette période où vous avez souffert de dépendance aux drogues ?

Les drogues (et j'inclus l'alcool) ne discriminent pas. La dépendance aux drogues est une maladie, point à la ligne, comme le sont le cancer et le diabète. Il y a les symptômes qui, lorsqu'ils sont non traités, aggravent la maladie au point où elle peut provoquer la mort. N'importe qui peut développer une toxicomanie et cela arrive pour toutes sortes de raisons. Et je veux que ce soit clair : la dépendance aux drogues n'est pas la cause de l'itinérance chez tous les individus. L'itinérance est causée par le manque de logements abordables, un point c'est tout. Le coût élevé des loyers, de même que les conditions qui empêchent les gens de gagner suffisamment d'argent pour payer ces prix, font en sorte que les gens peuvent se retrouver en état d'itinérance. La dépendance aux drogues est un facteur parmi tant d'autres qui peut empêcher une personne d'avoir un logement. Le sous-emploi et les faibles revenus constituent d'autres conditions qui ont le même effet. Les personnes qui, pour une série de raisons, sont forcées à l'itinérance, ont aussi souvent une santé mentale fragile, et connaissent la dépression, la tristesse, la solitude et la peur. Elles consomment des drogues pour s'auto-médicamenter. Il en résulte donc cette fausse perception que la consommation de drogues est la cause de leur itinérance. Je pense réellement que les gens devraient comprendre que la toxicomanie n'est qu'une pièce du casse-tête.

Vous avez été honoré cette année par l'Association canadienne pour les études supérieures qui vous a remis le Prix d'excellence pour votre thèse de doctorat sur l'itinérance. Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans ce long parcours scolaire?

Il y a eu plusieurs difficultés. Il y d'abord eu le problème de trouver une école d'études supérieures qui m'accep-

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terait dans un programme de doctorat. J'ai obtenu deux diplômes au milieu des années 80, mais plus de 20 ans s'étaient écoulés lorsque j'ai voulu retourner aux études. Par conséquent, dans la plupart des universités, personne ne comprenait pourquoi je voulais revenir après tout ce temps. Les universités ont rejeté ma candidature trois années de suite. C'est finalement l'Université Concordia qui m'a accepté dans ses programmes individualisés. Une autre difficulté a été de recommencer à avoir une vie étudiante à 48 ans. C'est très difficile lorsqu'on approche la cinquantaine, de lire, d'étudier et de mémoriser comme je le faisais plus jeune. Il m'a fallu mettre les bouchées doubles et me creuser la tête pour maintenir mon énergie et ma concentration. Faire une thèse de doctorat n'est pas seulement un exercice mental : c'est une expérience spirituelle et physique très éprouvante.

Où avez-vous trouvé la volonté pour persévérer dans votre projet ?

Quand vous entendez l'appel du destin, il vient un moment où vous n'avez plus le choix de prendre les moyens pour arriver à vos fins. Dans mon cas, la dépendance aux drogues et l'alcoolisme m'ont conduit à abandonner les études à la fin des années 80. J'ai toujours senti que j'avais échoué, que j'avais ignoré ma destinée d'enseigner et d'être un universitaire. Lorsque j'ai eu l'occasion de retourner aux études, je n'avais pas d'autres choix que de la saisir. Au cours des années, la souffrance que j'ai vécue à travers ma toxicomanie, puis mes recherches indépendantes pour réaliser des films sur l'itinérance, m'ont appris beaucoup au sujet de la vie des sans-abri et ce que ça signifie d'être dans la rue. J'avais des idées utiles pour le monde et pour les sciences sociales. J'ai ressenti une sorte d'urgence. C'était urgent de partager ce que j'apprenais parce que le problème des sans-


abri s'est aggravé au lieu de s'atténuer ces dernières années. Donc, l'énergie et la force de volonté nécessaires pour réaliser mon travail étaient partiellement internes – basés sur mon propre besoin de me réapproprier une identité – et partiellement externes, sur mon sentiment que le monde est confronté à des problèmes urgents que je pouvais aider à résoudre.

À la lumière de vos études et votre expérience, comment les villes canadiennes pourraient-elles aider davantage les sans-abri ?

C'est une question vraiment facile à répondre. Au Canada, plusieurs villes ont mis en œuvre un type de relocalisation rapide appelé Housing First. À Montréal le projet pilote Chez soi a démontré hors de tout doute que la relocalisation des personnes de la rue vers un appartement et la fourniture de soutien social, médical et psychologique, constituaient une démarche plus humaine et moins coûteuse que de les laisser dans la rue ou dans des refuges. Comme il est plus économique d'abriter les gens et de les soutenir, ne devrions-nous pas abriter tout le monde? Au Canada, nous voulons aller vers cette direction et cela m'apparaît comme la seule solution.

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DANS LA TÊTE DES CAMELOTS

Plaisir coupable Ahhh les plaisirs coupables! Ils sont interdits ou tout simplement à éviter, mais ils sont si agréables que nous ne pourrions nous en passer. Tant mieux car ils donnent une légèreté au quotidien et nous rendent si parfaitement imparfaits. Les camelots nous ont partagé leurs petits plaisirs coupables.

Une bonne bière SERGE SAVARD Camelot angle Bordeaux/Cartier

Jouissance gustative Une pizza toute garnie JEAN-PIERRE MÉNARD Camelot angle Saint-Zotique/ Saint-André

Avec le 1,50$ qu'on fait sur la vente d'un magazine à 3$, ça donne une chance, de temps en temps, de se payer un petit ou gros plaisir. Moi, ce que j'aime, c'est me payer une bonne grosse pizza toute garnie, quand c'est bien mérité. Ça fait du bien!

JOSEPH CLERMONT Camelot angle Dorion/Sainte-Catherine

Après une dure journée de travail et lorsque les moyens me le permettent, mon plaisir coupable est de m'acheter un bon repas. Je ne parle pas d'un repas congelé ou d'un fast food, mais d'un bon steak ou encore des crevettes que je peux savourer avec un verre de vin à la maison. C'est une satisfaction instantanée et une jouissance pour les papilles gustatives.

Soirée cinéma BENOÎT CHARTIER Camelot IGA Place Bercy et Métro Radisson

Mon plaisir c'est d'écouter le deuxième film de TVA, le soir, vers 22:30, même si je sais que j'en ai pour trois jours à m'en remettre, parce que je dois me lever tôt le lendemain, en général. Je ne peux pas faire ça tout le temps. Sinon, quand j'étais jeune, j'aimais bien regarder les femmes en bikini à la page 7 du Journal de Montréal. Je trouve que L'Itinéraire devrait avoir sa page du même genre. Ha! Ha!

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Trip de bouffe GILLES LEBLANC Commis archiviste et artiste

Manger du fast-food! Pas du McDo ou d'autres bouffes en carton du genre, mais manger des aliments trop sucrés, trop salés, trop épicés et tout ce qui m'est déconseillé vu que je fais du diabète. Mon estomac est comme moi : trop sensible! Depuis mon opération à cœur ouvert, ma vie est plus saine, mon attitude est plus saine et je dois m'assurer que mon alimentation le soit tout autant.

J'ai de la difficulté à me récompenser, à reconnaître que je mérite de m'arrêter, de temps en temps, pour mieux repartir ensuite. Il faut que je me donne un coup de pied dans l'cul, des fois. En général, juste aller prendre une bière fait l'affaire. Ça fait du bien, ce n'est pas trop long, pas trop cher. La vie pour moi est un combat de tous les instants, je ne veux jamais m'éloigner trop longtemps de mes luttes personnelles pour garder le cap.


Liberté CYBELLE PILON Camelot St-Zotique/ St-Hubert

S'évader SYLVAIN PÉPIN-GIRARD Aide-concierge

Les douceurs MICHEL LOYER Camelot à Joliette

Un plaisir coupable? Le sexe! Ha! Ha! Sérieusement, j'ai arrêté de consommer de la drogue depuis le 8 décembre 2013 alors mes petits plaisirs coupables sont plutôt la cigarette et les desserts. J'aime toutes les sucreries mais, plus particulièrement la tarte au sucre et bien entendu les belles femmes.

Des fois, j'ai besoin de réfléchir, de me connecter à mon âme, de rêver les yeux ouverts, de méditer sur comment contourner les barrières qui sont dans mon chemin et de trouver la solution la plus constructive. Un petit joint, à l'occasion, m'aide à avoir les idées plus claires.

Mon plaisir coupable est la liberté de gérer ma vie à ma façon. Fumer ma cigarette tranquillement, boire un bon café. Je suis célibataire, je peux donc manger, me laver et faire mes choses quand je veux et où je veux. C'est ça la liberté!

Cordon bleu MANON FORTIER Camelot Village Champlain

Croustillant PIERRE T. Camelot complexe Desjardins

J'ai arrêté de consommer de la drogue mais, mon plaisir coupable reste le même depuis mon enfance : les chips. Je ne peux simplement pas m'en passer et j'en mange à tous les jours. Je sais que ce n'est pas un choix santé mais le mélange croustillant et salé est pour moi réconfortant. Bonne chance à celui ou celle qui voudra me faire arrêter ce plaisir coupable.

J'aime me faire plaisir, quand c'est bien mérité. Un bon repas, c'est toujours une bonne option. Ça me rappelle qu'une fois, j'avais été au restaurant cinq étoiles du casino, où j'ai déjà travaillé dans le passé. Je n'ai pas pu m'empêcher de manger 5 assiettes de scampis, même si normalement on me dit raisonnable et que je me limite à une ou deux assiettes. C'était excellent et ça m'a fait sourire!

Non coupable CLAUDE LYRETTE Camelot Métro Sherbrooke

Je n'ai pas vraiment de plaisir coupable, car j'ai arrêté de me sentir coupable d'avoir du plaisir depuis déjà un bon moment. Maintenant, je profite de ce que j'ai, quand je l'ai. Je n'ai plus de temps pour les remords et la culpabilité, c'est en dehors de ma vie maintenant.

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MOT DE CAMELOT L'école et la vie

Preparation for the Christmas Season Every year I prepare for the Christmas season in advance. First, I buy my Christmas cards from the internet and mail them out to my friends in early December. Before it gets to cold outside, I place my colorful lights on the stairway, but I don't necessarily light them immediately. About a week or two later, I place more lights from the inside on the frame of the window facing the street. I decorate my tree by first positioning the lights and then I wrap the gold and silver garland around the branches and after I start adding the glass balls and plastic ornaments carefully. I finally add a few more decorations and Christmas cards. Underneath the tree I place the Nativity Scene with baby Jesus in the manger with his parents, three wise men and animals. I also put red Christmas bows on the doors inside the house. Other people on my street also decorate Christmas trees and place lights on their stairways and balconies making the street look colourful for about a month. After, I start buying presents for my immediate family, wrap them and place them under the tree. The morning of December 25th, we wish each other Merry Christmas and exchange our gifts. At lunch time we eat a special meal together. It's pleasant to see all this during this time of year, but we must remember the real essence of Christmas is the birth of Jesus Christ.

Le retour Chers clients, après 5 ans de pause, je suis de retour! Vous avez été nombreux, depuis mon départ, à me demander pourquoi je ne vendais plus de journaux, pourquoi je n'écrivais plus de belles histoires. Artistes, comédiens, personnes âgées, vous tous m'avez intercepté. Même vous, Guylaine Tremblay, êtes venue me demander pourquoi je ne vendais plus. Vous m'avez parlé de mes articles parus dans L'Itinéraire, comme celui où j'ai fait le tour de la Gaspésie jusqu'au Nouveau-Brunswick, en sirotant mon café McDo à volonté. Eh bien, je vous ai entendus, je vous ai écoutés! J'ai bien hâte de vous revoir, de vous reparler, et de vous servir encore une fois de belles histoires. Je vous souhaite à tous un Joyeux Noël et une bonne année!

MAXIME VALCOURT Camelot au Jean Coutu Fleury/ Christophe-Colomb

Je n'ai que 17 ans. Je rêve de voyage et de bateau. Je décide d'aller à Rimouski dans la marine marchande pour devenir capitaine. Nous sommes environ une douzaine à s'y inscrire en août 1968. Nous restons sur place dans un bâtiment deux par chambre. J'apprends la cartographie, les moteurs marins et comment les entretenir. Nous faisons des parades paramilitaires en costume et nous pratiquons des sports : natation et ballon balai. Après un an, nous devons prendre tout le temps pour être à bord du bateau-école pour se familiariser avec la mer. Nous partons du port de Québec avec des obus pour livrer cela à Hambourg en Allemagne. Mais avant d'entrer au port, nous frappons un ouragan. Moi, je suis dans la cale, je prends soin du moteur pour qu'il fonctionne bien, je suis huileur. Le bateau brasse beaucoup, je dois faire attention pour ne pas tomber lorsque je descends les escaliers. Nous devons descendre les guis pour passer pardessous le pont avec l'aide d'un treuil. Le fil d'acier lâche et tue celui qui manœuvre. Nous sommes tristes de voir l'un des nôtre mourir. Il a été frappé à la tête. Malgré cela, nous réussissons à amarrer le bateau, vider le contenu et ensuite le recharger de rouleaux de papier et retourner à Québec. Merci à tous mes clients pour vos encouragements.

RÉAL LAMBERT Camelot rue Laurier coin Lanaudière

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PHOTO: 123RF.COM/EVGENY KARANDAEV

BILL ECONOMOU Camelot, Marché Atwater


MOT DE CAMELOT Le journal émotif Sueurs froides La plus grande peur de ma vie a été le moment où je suis tombé face à face avec un ours noir. J'avais alors 17 ans et je me trouvais au chalet de mon père, situé au Lac Labelle. Cette région est reconnue pour sa grande population d'ours noirs. Un matin, je me suis levé très tôt, à l'aube, pour aller chercher un poêle à gaz que nous avions besoin pour aller en camping. Je devais passer à travers la forêt. Il y avait un petit brouillard qui créait des ombrages, ce qui faisait que je ne voyais pas très bien devant moi. C'est à ce moment que je l'ai vu : un immense ours, imposant et gigantesque, à moins de deux mètres de moi. Il était vraiment épeurant du haut de ses 200 livres! J'ai immédiatement arrêté de bouger. Je suis resté immobile pendant plusieurs minutes, à retenir ma respiration en me demandant si ce beau nounours avait pris son déjeuner ou pas. Apparemment oui, car il est reparti sans me manger! Quelle chance… Lorsqu'il a quitté, je suis reparti à la course chez mes parents, blême comme un drap. Je peux vous dire que mon père a décidé de laisser tomber le camping pour un bon moment! Depuis ce jour, j'ai peur de me promener en forêt. Je suis resté marqué par la rencontre avec cet ours.

Mon livre intérieur crie de douleur Mes pages brûlent remplient de rancœur Mes crayons ont transpercé mon cœur Je saigne et je retiens mes pleurs L'encre de mes mots se perd Je dessine la pureté, je barbouille Lucifer Le papier s'accumule avec le temps Mes maux deviennent des cris d'enfants Les vers de mon passé sont gravés Je suis un dictionnaire chargé Je suicide mon âme pour ramasser Les mines que les gens ont jetées Quand je veux fuir la réalité dramatique Je me transforme en livre de rêve fantastique Mes problèmes tournent la page un moment Je suis l'héroïne de ce script sanglant J'ai une encyclopédie d'émotions à travers moi Il y a des étoiles filantes qui habitent mes choix Je suis droguée de sensations et de passion Un roman enflammé me définit dans ces occasions Trop souvent j'ai laissé une main écrire à ma place Je reprends maintenant mon stylo et j'efface Je veux oser déchirer les feuilles qui m'ont fait mal Grandir et respirer avec un nouveau journal

CINDY TREMBLAY Métro Champ-de-Mars Poète de rue

L'espoir de les retrouver Aujourd'hui je veux parler de mon père et j'ai décidé de faire un article dans L'Itinéraire, j'aimerais être près de lui pour avoir une famille véritable, mais je sais peu de choses sur lui. Je me souviens qu'un jour, j'étais assise sur la table de ma mère et il a dit : «À elle, tu y fais attention!». Dans la vingtaine, j'ai revu ma tante Rachel. Elle m'a dit d'un ton sec : «C'est toi la p'tite Charlebois». C'est là que mes deux épaules se sont baissées et que je me suis sentie mal à l'aise. Elle m'a dit : «Tu ressembles beaucoup à ton père». Ensuite elle m'a très bien parlé de lui. Elle ne se souvenait pas s'il s'appelait Roger ou Sylvain. Il animait une émission dans une radio et elle pensait qu'il vivait à Tétreaultville. De la parenté de l'Ontario, du côté de mon père, venait me voir parfois à Montréal sur la rue Sainte-Élisabeth. À la fin de ma jeunesse, on s'est perdu de vue. J'étais trop gênée pour passer à Claire Lamarche. Il faut venir à moi! Le monde est petit, on ne sait jamais…

MANON FORTIER Village Champlain

SYLVAIN CLOT Saint-Denis/Ontario

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MOT DE CAMELOT Christmas is Important What is important to me about Christmas? Well for starters I like to see snow on Christmas Day. I like to see smiling faces on people at Christmas time. Christmas is important because we can listening Christmas music on radio. I also get to see Christmas decorations on people's houses and apartments. I can shake my customer's hands and wish them a Very Merry Christmas. I like the fact that it is Jesus Christ time and not a Devil's time. It is also an important time to go to church and praise the Lord. We should be glad at this time of the year and know that Jesus has done so much for us. We should take time on Christmas Day to say a little prayer and thank Jesus for all we receive. I also think it is an important time that we shouldn't go to bars. We should just go to coffee shops and restaurants. It is also an

important time to love at Christmas. You should love another person at this time of the year and if not already married, you should get married. Every season of the year is nice, but when winter comes, Christmas it is always a special time of the year. You can maybe see a star in the sky telling you He is watching over you. Christmas is very important for work and you will get rewarded for the hard work that you do. One day when you will pass away you will get a special gift from Jesus.

DANIEL GRADY Camelot, angle des Pins / Saint-Laurent


Il y a quarante ans, le RAPSIM…

INFO RAPSIM

BERNARD ST-JACQUES | Organisateur communautaire

C'

est en 1974 que différents intervenants du milieu de l'itinérance s'associent pour créer le RAPSIM, souhaitant ainsi analyser la situation et différents besoins en interventions. Voici un extrait de la mission du RAPSIM qui vient avec son incorporation en 1978 : « Opérer un réseau d'échange d'information et d'entraide composé des organismes qui œuvrent auprès des personnes itinérantes du bas de la ville; distribuer l'information et des services d'entraide aux alcooliques et clochards ». Force est de constater qu'une quarantaine de chandelles plus tard et avec quelque 103 organismes membres, la situation a bien changé.

Quelques moments forts pour le RAPSIM 1974

Naissance du RAPSIM

1987

Année internationale du logement des sans-abri

1992

Création du Comité de liaison en itinérance (instance tripartite Agence de la santé/Ville de Mtl/RAPSIM)

1999

Naissance du programme de financement fédéral (Stratégie de Partenariats de lutte contre l'itinérance - SPLI)

2005

Premiers États généraux de l'itinérance au Québec (on y identifiera le besoin d'une Politique en itinérance)

2008

Commission parlementaire sur l'itinérance

2014

Adoption de la Politique nationale de lutte à l'itinérance

La multiplicité des visages et les nombreux dossiers qui se sont pointés au fil des années ont marqué le RAPSIM tout comme son intervention. La question du logement a été bien sûr inévitable. La spécificité des maisons de chambres a été abordée dès les années 1980 et le logement social avec soutien communautaire est devenu une approche incontournable pour favoriser le maintien en logement. Qui plus est, le retrait du fédéral de son financement de nouveaux logements sociaux en 1994 a aussi amené son lot de défis. Par ailleurs, le RAPSIM a assisté à la mise en place de nombreux organismes (notamment dans la 2e moitié des années 1980) et est intervenu en matière d'accès aux services. Il a connu les dures réformes de l'aide sociale et, plus positive, la salutaire décision du Tribunal administratif (TAQ) en 2002 permettant l'accès au chèque même lorsque sans adresse fixe. De plus, c'est en constatant la hausse des contraventions dès la fin des années 1990 qu'il a œuvré à la dé-

fense de droits (l'Opération Droits Devant en 2003) avec les intervenants du milieu et encouragé la dénonciation du profilage social, ce que la Commission des droits de la personne a fait en 2009.

De grands défis

Quarante ans plus tard, le Québec s'est doté d'une Politique nationale de lutte à l'itinérance dans laquelle on enchâsse une vision globale et la réintégration des droits des personnes. Maintenant qu'on a bien assis les principes, il faut que les gestes à réaliser, notamment dans un nouveau plan d'action interministériel, s'inspirent adéquatement de ces principes forts. Par ailleurs, les temps sont durs concernant la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance (SPLI), le gouvernement fédéral ayant financé jusqu'à maintenant pour près de 8 millions $ annuellement à Montréal en intervention et immobilisation. Ottawa va de l'avant avec son idée que les fonds soient désormais consacrés majoritairement au financement d'une approche spécifique, le housing first. L'enjeu est grand, car en privilégiant ce modèle, ce sont plusieurs interventions et services qui sont en péril, et ce, malgré une opposition largement exprimée face à ce choix d'orientation.

Célébrer dans l'action

Récemment déménagé au 1431 rue Fullum, le RAPSIM a amorcé les festivités de son 40e en pendant la crémaillère. Mais comme à son habitude, c'est davantage en discutant des enjeux de l'heure, de leur historique et des actions nécessaires les concernant qu'il compte célébrer, en tenant des rencontres thématiques et un événement 40e anniversaire de type forum d'ici au printemps 2015… Comme quoi, 40 ans, ça se fête, mais ça nous montre tout autant à quel point il y a encore du pain sur la planche.

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des mesures d'urgence en place Dans les rues de Montréal, la température chute à -30 degrés Celsius. On annonce une vague prolongée de froid intense. Pour éviter que des personnes en situation d'itinérance passent ces rudes nuits d'hiver à l'extérieur, des mesures sont mises en place par le comité des Services d'hébergement d'urgence. En 2002, la Ville de Montréal et l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal convenaient de collaborer avec leurs partenaires pour offrir durant la saison froide un hébergement suffisant aux sans-abri sur le territoire de Montréal. Le comité des Services d'hébergement d'urgence (SHU) a alors été mis en place. Pour le maire de Montréal, Denis Coderre, « la recherche de moyens qui aident les citoyens vulnérables à retrouver leur dignité fait partie des responsabilités de la métropole. Il est de notre devoir de venir en aide aux plus démunis et d'augmenter les ressources durant la saison froide. Tous les Montréalais ont droit à la sécurité et à la dignité ».

inclut les 35 places de débordement qui sont ajoutées aux lits disponibles à la Mission Bon Accueil du 15 décembre au 30 avril. Durant la même période, nos concitoyennes sans abri ont accès à 64 places d'hébergement d'urgence réparties entre le Pavillon PatriciaMackenzie, Le Chaînon, La rue des Femmes et Projets autochtones du Québec. Des places additionnelles leur sont également offertes dans d'autres ressources d'hébergement telles que L'Abri d'espoir, La Maison Marguerite, Passages et En Marge 12-17. Pour leur part, Le Refuge des jeunes de Montréal et le Bunker de Dans la rue mettent à la disposition des jeunes 62 places d'hébergement d'urgence. Ces ressources répondent à des besoins de base : accompagnement, suivi, référencement, repas chauds et accès à des installations sanitaires. L'achalandage des lits d'hébergement d'urgence est l'objet d'un suivi quotidien de la part de la Ville de Montréal. Jusqu'au 30 avril, un autobus fait la navette entre la Maison du Père, la Mission Old Brewery et la Mission Bon Accueil afin d'optimiser l'utilisation des places disponibles en soirée.

Un peu de répit

Parallèlement à cette offre d'hébergement d'urgence, un service accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 est mis à la disposition des sans-abri en crise ou exclus des refuges. Ce lieu sous la responsabilité de la Maison L'Exode offre un service d'hébergement temporaire de dégrisement ou de répit. Ce centre peut recevoir 8 hommes et 4 femmes. Cette année encore, le comité des SHU poursuit le même objectif : s'assurer que toutes les personnes en situation d'itinérance qui en font la demande puissent passer la nuit au chaud. Pour ce faire, les responsables des ressources d'hébergement d'urgence unissent leurs efforts afin d'offrir suffisamment de places pour répondre à une demande accrue durant l'hiver. Cette collaboration entre les divers partenaires est essentielle; elle permet de gérer efficacement et rapidement les demandes d'hébergement d'urgence.

Des places pour tous

Durant les grands froids, les refuges pour hommes et femmes assouplissent leurs critères d'accès : toutes et tous sont admis sans exception. Cet hiver, un total de 654 places d'hébergement sont disponibles pour les hommes en situation d'itinérance à Montréal. Ce nombre

Enfin, un nouveau service de transport est expérimenté cette année. Dès la tombée du jour, un autobus affrété par la Mission Old Brewery effectue la navette entre La Porte Ouverte, Chez Doris, la place Normand-Bethune, les refuges pour hommes et femmes ainsi que le centre de répit et de dégrisement. Un intervenant invite les personnes qui le désirent à monter à bord. Ces mesures n'auraient pu voir le jour sans la collaboration de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, du CSSS Jeanne-Mance, du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal du Service de police de la Ville de Montréal et des organismes communautaires dont les contributions déjà mentionnées.

PUBLI-REPORTAGE

Vague de froid intense :


CONTE DE NOËL

Glace Noire PAR PIERRE SAINT-AMOUR ILLUSTRATIONS : LOUIS-PHILIPPE POULIOT

A

la pointe du jour, un ciel sans nuages. Le froid mordant qui fait craquer les branches. Et un homme seul, dans le tiède confort de son habitacle. Il roule à tombeau ouvert. Il connaît chaque courbe, chaque dénivellation et la route est déserte. L'homme est joyeux. Dans quelques minutes, il arrivera à destination. Il imagine déjà la tête qu'elle fera. Ses cheveux en bataille. Son odeur de femme qui le fait chavirer. Il pense à l'arôme du café au lait, aux chocolatines dont elle raffole. Il pense aussi à ses fesses charnues en forme de cœur et à ses petits seins fermes. À ce corps qui frémit au contact du sien. Il se dit qu'il la désire autant qu'au premier jour. Peut-être même plus. Une vive émotion l'étreint. Il aperçoit alors un barrage d'épinettes qui se dresse devant lui. Il amorce machinalement son virage en appuyant sur la pédale de frein. C'est une grave erreur. L'automobile dérape soudainement et se met à pivoter en glissant sur l'asphalte. L'homme tente de braquer les roues et de redresser le véhicule, mais il est trop tard. L'automobile est entraînée inexorablement dans le fossé bordant la route. Elle effectue plusieurs tonneaux et vient se fracasser sur un rocher. Sur sa stèle. C'est maintenant terminé. À deux kilomètres en amont, sur le versant nord d'une montagne, une maison. Dans la chambre des maîtres, une femme dort profondément en compagnie de son chat, Wyoming. Plus tard dans la matinée, la sonnerie troublante du téléphone viendra interrompre leur sommeil. À partir de cet instant, la vie de cette femme va basculer. Elle aurait pu être différente, évidemment. Sans ce malheureux concours de circonstances. Sans la force obscure. Invisible. Sournoise. La glace noire.

J

e hais le froid. Naguère, j'avais convié à un souper Gérard-Horace, Harissa, sa nouvelle et ondoyante compagne de vie, Hannibal Felteau-Dupras et Ben Poudrette, alias le Chamane. Ce groupe insécable que nous formions aujourd'hui, auquel je m'étais affilié au lendemain d'une beuverie mémorable en compagnie d'Hannibal, portait un nom : la Sainte-Alliance. C'était ma fratrie et le symbole de ma résurrection. Autour d'un caquelon de fondue chinoise, nous avons, ce soir-là, éclusé des hectolitres de bon vin et réinventé le monde, pour le simple plaisir de nous abandonner à la rêverie et à la joie d'être ensemble. À la fin du repas, je servis le digestif et nous nous dirigeâmes au salon. Au bout de quelques minutes, Hannibal Felteau-Dupras, visiblement sous l'emprise d'une pulsion incoercible, s'extirpa de son fauteuil et se dirigea à grandes enjambées vers la fenêtre, qu'il ouvrit à pleine grandeur. Un vent glacial s'engouffra dans la pièce. «Évoé! Évoé! De l'air enfin ! Ô mon air, mon bon air frais. Mon bonheur frais. Ah, mon air, mon tendre ami, fluide de vie, où étais-tu ? Tu sais pourtant que, sans toi, je me débilite ? Que, sans toi, je me vicie ? Le maître de céans t'avait chassé comme un gueux ? Passe outre, je t'en supplie. Il ne savait pas, l'Évaporé. C'est une linotte acéphale,

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tu comprends ? Allons, viens. Ne t'en va pas : je t'aime. Viens à moi, nous serons heureux...» Hannibal inspira profondément en fermant les yeux. J'estimai qu'il était temps de m'investir dans mon rôle d'amphitryon : «Il y a quelque chose qui cloche, Hannibal ?» Il me regarda avec un air courroucé : «Ce qui cloche, monsieur le Déliquescent, c'est que vous faites en vérité bien peu de cas du confort de vos invités. -Et en quoi aurais-je manqué à mes devoirs élémentaires, s'il m'est permis de t'interrompre ?

- En ceci que, depuis que j'ai franchi le porche de votre pandémonium, monsieur, j'ai l'impression de camper dans la caldeira du Krakatau, qui a pété, je le signale pour mémoire, en 1883. -Merci de la précision. J'aimerais toutefois te faire remarquer, Hannibal, que les causes qui te font pétuner ne sont peut-être pas extérieures à toi, mais en toi. À propos, comment vis-tu ton andropause, ces temps-ci ? Et tes bouffées de chaleur, ça va mieux ? -Holà, forban ! Mettriez-vous en doute ma bonne foi ? Insinueriez-vous, par votre jactance insane, que j'ai perdu la maîtrise de mon corps et de mon esprit ? -Je soulève l'hypothèse. -Dans ce cas, je m'en remets ex cathedra au jugement de mes pairs.»

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Il se tourna vers son auditoire. «Je demande le vote. Que celui ou celle qui, pour se rafraîchir, rêve de terminer cette soirée dans un bain-marie avec Marie en maillot de bain lève la main.» Quatre bras se levèrent à l'unisson. Forcé de me rendre à l'évidence, je naviguais à la boussole sur un océan de perplexité. «Il fait donc aussi chaud que le prétend Hannibal ?» Ben Poudrette, homme de peu de mots, fut catégorique : «On crève dans ta piaule, bout d'câlisse !» Hannibal traversa le salon jusqu'au thermostat mural : «Voici la preuve par neuf de la pertinence de mes assertions, madame et messieurs. Trente-trois degrés ! Le verdict de la science est sans appel. L'accusé est coupable. Avec une perfidie sans nom, il nous a attirés dans son antre pour nous asséner à l'hypocrite le coup de l'autoclave. Que peux-tu invoquer pour ta défense, Vulcain ? -On gèle, dehors. -Ce n'est pas une raison pour que, dans vos accès de démence calorifère, vous ambitionniez de faire toupiner les turbines de la BaieJames jusqu'au tournis. -Je ne sais pas, Hannibal. J'ai écouté la météo, ce matin. On a annoncé la journée la plus froide de l'hiver. Alors j'ai augmenté la température. J'avoue que je l'ai fait distraitement.» Gérard-Horace, jusque-là silencieux, jugea bon d'intervenir : «Il y a quelque chose d'illogique dans ton geste, Pierre. Un thermostat est un appareil servant à réguler la température ambiante, nous sommes d'accord ? -Tout à fait. -Alors pour quelle raison as-tu haussé la température ? Tu avais froid ? -Je l'ignore. J'ai agi sans y penser. -Il n'est donc pas téméraire d'affirmer que tu l'as fait inconsciemment ? Ou mieux : que c'est ton inconscient qui t'a dicté ce geste ? -Cette hypothèse m'apparaît tirée par les cheveux. -Je ne crois pas. Je suis convaincu que, si tu creuses un peu, il y a un souvenir enfoui en toi que tu as occulté. Un événement important, dans ton histoire personnelle, qui serait à l'origine d'une problématique reliée au froid de près ou de loin. -Je suis certain que tu te trompes. Je m'en souviendrais. -Peut-être. Peut-être pas. Je t'invite néanmoins à réfléchir sur la question. -Je vais y penser.» Mes amis mirent les voiles au milieu de la nuit. Une tonne de vaisselle souillée et implorante croupissait dans l'évier, mais j'étais trop épuisé pour m'atteler à cette tâche - que je remis au lendemain. J'allai m'allonger. Des images de la soirée se bousculaient dans ma tête. Je repensai à ce que m'avait dit Gérard-Horace. Voyons, c'était ridicule. Comment avait-il formulé ça ? Ah oui : «une problématique reliée au froid». Cela n'avait pas de sens. Je ne suis même pas frileux. Je me retournai sur le dos, les yeux grands ouverts. Un long moment passa. Et puis subitement tout s'est éclairci. Je ne suis pas frileux, non. Mais Bob, lui, l'était.


CONTE DE NOËL

J

adis, après de nombreux mois d'instabilité financière et de nomadisme, j'avais fini par dénicher, au cœur de la Petite Italie, un logement à peu près convenable. Mon nouveau propriétaire était le fils d'une amie de ma mère, lien indirect qui m'avait valu le privilège d'obtenir une substantielle réduction de loyer. Mais j'étais toujours sans emploi. Par hasard, j'appris concurremment qu'un important diffuseur recherchait des candidats pour accomplir du travail saisonnier. Je sollicitai une entrevue - qui me fut accordée. On me précisa qu'une des conditions essentielles pour remplir le poste était de connaître un peu les livres. Je tranquillisai mon futur employeur en lui certifiant que je savais lire. L'explication parut le satisfaire et, le lundi suivant, je commençais. J'occupais désormais une nouvelle position sociale : j'étais devenu, pour une période de temps indéterminé, manutentionnaire. Contrairement à la plupart de mes amis, je n'avais aucune ambition. J'estimais qu'il était absurde de se définir par sa réussite sociale et qu'il était infiniment préférable d'assumer lucidement sa liberté que de subir aveuglément son aliénation. Évidemment, le poids de mes convictions était parfois lourd à porter. Certains jours, au bord du découragement, je repensais à mon ami Philippe qui, malgré son jeune âge, possédait déjà une maison, alors que je logeais, quand j'avais un toit, dans d'immondes réduits. Mais j'avais fait ce choix en pleine connaissance de cause et, même à rebours, j'en acceptais les conséquences.

s'allongeait à chaque tour de compteur. En revenant de travailler, un mardi, je vidai ma boîte aux lettres. Naturellement, la société d'État ne m'avait pas oublié. Depuis trois mois, la dette que j'avais accumulée dépassait de loin mes prévisions les plus pessimistes. J'étais exaspéré. Je travaillais comme un con à longueur de journée sans parvenir à joindre les deux bouts. Vers dix heures, je finis par m'endormir. Le lendemain matin, avant mon départ, je réglai tous les thermostats de mon logement à zéro. *** C'était le 22 décembre. Un vent de force 8 sur l'échelle de Beaufort, provenant du cercle arctique, traversa la baie d'Hudson d'ouest en est et souffla sur le Québec, qui se relevait à peine d'une importante tempête de neige. À Montréal, ce 22 décembre en fin d'après-midi, le mercure chuta de vingt degrés en moins d'une heure, pour se figer définitivement à -35 degrés Celsius. Cette nuit-là, Éole, le dieu des vents, comptabilisa ses premières victimes : une automobiliste, retrouvée morte à bord de son véhicule tombé en panne dans le parc de la Vérendrye, deux itinérants du centreville qui s'étaient réfugiés dans une boîte de carton à deux pas d'un sauna pour hommes et Bob, l'amant de ma mère devenu mon ami, foudroyé par un infarctus du myocarde durant son sommeil.

Comme mon logement était mal isolé, les radiateurs électriques fonctionnaient en permanence pour m'apporter un minimum de confort. J'anticipais avec angoisse le moment où j'allais devoir régler la facture, qui

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M

on poisson rouge n'avait pas survécu : l'eau de son minuscule aquarium avait gelé. Le matin, avant mon départ, je prenais pourtant grand soin de le déposer devant l'écran du téléviseur allumé. La chaleur dégagée par celui-ci était suffisante - du moins jusque-là - pour maintenir la température de l'eau au-dessus du point de congélation. Mais aujourd'hui, c'était vraiment trop froid. J'étais consterné. Je maudissais le mauvais sort qui s'acharnait après moi. Je m'affalai sur le canapé. Au bout de quelques minutes, le téléphone sonna : «Salut, Pierre, c'est Bob. -Comment ça va ? -Pas si mal. Je suis avec ta mère et ta soeur. Nous sortons de table. Et on se disait justement qu'il nous manquait quelqu'un... -Désolé, Bob, j'arrive de travailler. Je suis crevé. On se verra une autre fois. -On se disait aussi que nous avions hâte - ta mère, ta soeur et moi - de visiter ton nouveau logement. -Vous voulez venir chez moi  ? Là, maintenant ? -C'est une affaire de dix minutes. J'apporte le dessert et ma bouteille de rhum. Tu n'as qu'à fournir les verres et les assiettes. -Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. -C'est une excellente idée, au contraire, d'autant plus que ta mère insiste. Et quand elle insiste... Tu vois ce que je veux dire ? -Oui, mais... -Alors, c'est réglé. On arrive.» Et il raccrocha. Je courus à la cuisine pour allumer les plaques et le four de la cuisinière. Je savais que ça ne suffirait pas, qu'il faudrait des heures avant que la température de la pièce se stabilise à un niveau acceptable. Je cachai le sarcophage de glace de mon poisson rouge dans mon unique garderobe et j'attendis l'arrivée de mes «invités». *** Tel que prévu, la tribu débarqua en grand équipage dix minutes plus tard. Sans l'aide de personne, Bob avait transbahuté une immense boîte de pâtisseries, achetées à La Pâtisserie de la Gascogne moyennant une somme

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qui eut acculé le comte de Monte-Cristo à la banqueroute. Quant à ma sœur, elle s'était attribuée le rôle de gardienne du rhum. En franchissant le pas de la porte, ma mère nous communiqua ses premières impressions à voix haute : «Mais c'est pire que le pôle Nord ici ! -Oui, ne t'en fais pas, j'ai allumé le chauffage. Tout devrait rentrer dans l'ordre très bientôt. -Tu crois ? -Mais oui. Allons, venez. Ne vous faites pas prier.» Je délestai mes hôtes de leur fardeau. Le petit groupe assiégea alors mon logement sans prendre la peine de se déchausser. Ma mère déambulait à travers les pièces avec assurance, car elle connaissait les lieux (elle m'avait accompagné lors de la signature du bail). Pour masquer son malaise, elle parlait sans arrêt. Je profitai de l'occasion pour m'éclipser discrètement dans la cuisine. Quand la visite guidée fut terminée, chacun vint me rejoindre et s'attabla. Il faisait un froid de loup. Bob emplit nos verres pendant que ma mère disposait les pâtisseries dans un plat en porcelaine. Après avoir trinqué, nous mangeâmes. La scène était à la fois grotesque et pathétique. Quatre adultes apparemment sains d'esprit étaient réunis autour d'une table pour déguster des charlottes russes, des saint-honorés et des tartelettes aux fraises, tous plus exquis les uns que les autres, attifés de leur anorak, de leurs mitaines et de leurs bottes Kodiak. Enfin, je parle pour moi. Bob, toujours très élégant, portait un pardessus anthracite couronné d'une écharpe en mohair blanc. Des gants noirs en cuir souple et un chapeau à bords complétaient son habillement. Parfait pour faire ses courses le midi au centre-ville, certainement pas pour affronter les rigueurs de l'hiver de façon prolongée. Ma mère rompit le silence qui s'était installé : «Tu ne chauffes donc pas ton logement ? -Je chauffe le soir pour économiser l'électricité. -Mais, voyons, c'est complètement ridicule. -C'est d'être pauvre qui est ridicule. -Mais tu travailles. -Au salaire minimum. -Chauffer son logement n'est pas un luxe. -Tout ce qui rend la vie plus agréable est un luxe.» Bob se rangea de mon côté : «Laisse-le donc tranquille. Nous aussi, quand nous étions jeunes, nous étions pauvres.


CONTE DE NOËL

-Mais nous avons trimé dur pour ne pas le rester, répliqua-t-elle. Je ne suis pas convaincue qu'il ambitionne de s'en sortir. -Ça ne regarde que lui. -Ça me regarde aussi parce j'ai froid.» Ma mère avait raison. Les gestes que l'on pose pour soi ont souvent des conséquences sur les autres que nous ne soupçonnons pas. Mais je n'y pouvais rien. Chacun le comprit, et la conversation bifurqua sur une voie moins cahoteuse. Graduellement, la température s'élevait. Au bout d'une demi-heure, elle devint presque supportable, et bientôt le rire de ma mère occupa toute la place. Je poussai intérieurement un soupir de soulagement. Dans quelques mois, ma mère égaierait son auditoire avec un récit très personnalisé de cette soirée au cours de laquelle elle avait eu si froid. Je dirigeai alors mon regard vers Bob. Contrairement à son habitude, il était resté silencieux et semblait étrangement absent. Ignorant que je l'observais, il tendit la main vers son verre de rhum et le vida d'un trait. Personne, à part moi, ne le remarqua. Une vague inquiétude m'envahit. Jamais je n'avais vu Bob se comporter de la sorte. Il aimait le rhum, assurément, mais il était un buveur modéré. La plupart du temps, un verre consommé au cours de la soirée suffisait largement à combler ses besoins en alcool. Je constatai qu'il avait le front humecté de sueur. Je coupai brusquement la parole à ma mère  : «Tout va bien, Bob ? -Oui, oui, ça va. Je vais très bien. -Tu n'as pas l'air dans ton assiette.

-Mais non, je me porte à merveille. Ne t'en fais pas, je m'amuse beaucoup. J'ai juste un peu froid. Au fait, sais-tu ce qui me ferait vraiment plaisir ? -Quoi donc ? -Un bon café.» Je ne me fis pas prier. Cinq minutes plus tard, le café était prêt. Bob se saisit de la bouteille et se versa une généreuse rasade de rhum directement dans sa tasse de café brûlant. Puis il imposa les mains autour de celleci pour capter la chaleur qui s'en dégageait. Malgré ses efforts, il parvenait difficilement à dissimuler les tremblements qui l'agitaient. Pendant qu'il buvait, ma mère, anxieuse, lui dit : «On devrait s'en aller, Bob. J'ai l'impression que tu nous couves une bonne grippe. -Ça va beaucoup mieux maintenant. J'ai moins froid. C'est ma faute aussi : je ne me suis pas habillé assez chaudement. -Dans des conditions normales, tu n'aurais pas eu à le faire, ajouta ma mère en me jetant un regard chargé de reproches.» J'étais bourrelé de remords. Bob but son café au rhum et ils partirent. Il mourut cette nuit-là. Le temps a passé et j'ai fini par tout oublier. On oublie toujours tout. Sauf de hausser la température au maximum quand on a des invités.

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LIVRES

Raconter la rue Sophie Bienvenu a imaginé le quotidien d'un jeune sansabri, Mathieu. Comme nombre de personnes itinérantes, il a pour compagnon et garde du corps, son chien, une pitbull nommée Sam. Dans un style percutant, l'auteure nous propose des allers-retours entre la vie dans la rue de Mathieu et celle qu'il menait avant. Loin d'être misérabiliste, l'histoire nous happe et nous touche. Nous avons eu envie de poser quelques questions aux personnages de ce roman plein de vérité, Mathieu et sa fidèle amie Sam.

PAR MARTINE B. CÔTÉ ET SOPHIE BIENVENU ILLUSTRATION: LOUIS-PHILIPPE POULIOT

Sophie Bienvenu

Née en Belgique, Française sur papier, Québécoise d'adoption et Montréalaise de cœur, Sophie Bienvenu a exercé divers métiers avant de se consacrer pleinement à l'écriture. Son premier roman, Et au pire, on se mariera, est paru à La Mèche en 2010, puis aux éditions Notabilia (France) en 2013. Il a connu un vif succès et lui a notamment valu le Prix des arcades de Bologne en 2013. Il est en cours d'adaptation cinématographique par la réalisatrice Léa Pool. Chercher Sam est son second roman.

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Comment expliques-tu le fait d'être devenu itinérant?

Je le dis dans le livre. Survivre au dehors c'est ce qui me fait survivre en dedans. C'est de même. J'ai juste eu le goût d'arrêter ou plus eu le goût de continuer. Il n'y avait plus rien qui avait du sens. Je ne sais pas. J'aimerais te dire que c'est arrivé de même. Ouais. C'est arrivé de même.

M

AT H I E U

Qu'est-ce que tu trouves le plus difficile?

SA M

Je ne sais pas trop. Ce n'est pas vraiment la rue que je trouve tough. Je ne me plains pas. On trouve toujours de quoi pour s'arranger, Sam pis moi.

C'est comment, pour un chien, vivre dans la rue?

Je crois que mon maître se sent super coupable qu'on vive dans la rue, mais moi je préfère ça. C'est sûr que parfois, je m'ennuie de mon spot sur le sofa. Entre 10h du matin et midi, il était chauffé par le soleil, ça tombait pile poil avec l'heure de ma troisième sieste de la journée. C'est sûr aussi que depuis qu'on vit dans la rue, justement, mes siestes sont moins timées et même que parfois, j'en ai seulement six dans la journée. Mais la plupart du temps, j'aime vraiment mieux notre vie aujourd'hui. On ne manque pas de bouffe, enfin, Mathieu s'arrange pour que moi, je ne manque jamais de bouffe. On est tout le temps ensemble, lui et moi. Il ne me laisse plus jamais toute seule à la maison, parce que notre maison, maintenant, c'est partout en ville. On va où on veut, quand on veut. Enfin on va où il veut quand il veut, et moi je le suis. J'aime ça, le suivre. Je me sens utile. Parfois, avant, je m'ennuyais tellement que je me faisais croire que j'avais entendu un bruit, et je jappais comme s'il y avait un intrus. Je jappais tellement longtemps que j'oubliais pourquoi je jappais. C'était un peu plate. Dans la rue, il y a tout le temps du monde, des chats, des écureuils… il se passe plein d'affaires, on ne s'ennuie jamais. Dormir et être dehors, ce sont mes deux affaires préférées dans la vie. Alors maintenant que je dors dehors, je crois que je ne pourrais pas être plus heureuse. Il manque juste un sofa.

Parle-nous de ton maître…

Je ne sais pas trop quoi te dire, sur lui. Il est triste. Il s'ennuie de Lila. Moi aussi, je m'ennuie, mais nous, les chiens, on a moins tendance à la mélancolie que les humains. Je crois que c'est parce qu'on sait plus d'affaires que vous, ou au moins parce qu'on sait la seule chose importante à savoir: que rien n'est grave. Mais il n'est pas juste triste. Il est malheureux. C'est le cran au-dessus. Pour lui, il n'y a plus rien qui a de l'importance. À part moi. Et moi, c'est ça qui me rend triste. Et le problème c'est que… Oh! T'as vu passer l'écureuil? Il était si gros. Les gros, ce sont les plus faciles à chasser, parce qu'ils sont plus lents. Je n'ai jamais réussi à en attraper un, mais le jour où je vais réussir, ça va être la plus belle journée de ma vie.

SA M

Parle-nous de ton chien…

J'aurais plein d'affaires à te dire sur Sam. Tellement que je ne sais pas par où commencer. Juste le feeling que j'ai quand je pose ma main dessus, ou quand elle vient s'accoter sur moi. Quand elle sent que je pogne un fixe, que je pars trop loin dans mes pensées, pis que ça ne va pas être bon pour moi, elle trouve toujours un moyen pour me sortir de ce mood-là. Elle me colle ou part chasser un chat, ou un sac plastique, ou whatever. Elle n'aime pas ça quand je ne feele pas, on dirait. Ça la fait feeler mal, elle aussi. Alors faut que je me force. Faut que je trouve une place où dormir pour ne pas qu'elle ait froid, idéalement avec un sofa dans la place, parce qu'elle tripe ben gros sur les sofas. Faut que je trouve de la bouffe pour nous deux. Elle aime ça quand on partage, on se sent moins seuls. Tsé pas seul « seul ». Lonely. Il n'y a pas de mot en français pour dire ça. C'est le mot le plus triste qui existe, tu pourrais en crever, je crois. Moi je serais mort si je n'avais pas eu Sam. Et tu sais ce que je fais à tous les soirs quand je m'endors? Je me répète que ça fait un jour de moins. Un jour de moins de vie de chien. Pis là, l'angoisse me pogne. Parce tu ne peux pas mourir de douleur, mais ça peut te faire virer fou. Et le jour où elle ne sera plus là, je n'aurai plus rien pour me retenir avec vous autres, les sains d'esprit. Ce n'est pas de ça, que j'ai peur. J'en croise plein du monde dans la rue, pas toute là. Ils sont ben, eux autres. C'est la vraie réalité qui sucke. Quand t'es parti dans celle que tu t'es inventé, t'es correct, dans le fond. Ce qui me fait peur c'est le chemin pour se rendre à la folie. Je ne sais pas combien de temps ça prend. Je ne sais pas combien de douleur ça prend de plus, pis si là, je ne suis pas déjà rendu fou. La plupart du temps, j'ai l'impression que la vie me passe au lance-flammes, over and over, comme si j'étais en enfer sans le savoir. Anyway. Si là, je ne suis pas encore rendu fou, pis que ça prend encore plus de mal pour enfin perdre la carte… je ne pourrais pas dealer. Je ne pourrai pas dealer sans Sam. Quand elle ne sera plus là, je n'aurai plus rien, nulle part. Je serai… tout nu, même en dedans. Ça, je trouve ça difficile pour répondre à ta question de tantôt.

M

AT H I E U


hésitiez ergotai globale potiche

déchireraient

ventres âpreté

sodium

fabrique d’étuis

parti du Québec froissée rire

LE JOSÉE FLÉCHÉ

jolie mesurée

note

en cheveux

« Je m'appelle Josée et j'aime bien marcher de côté »

absolu sado outils

argent poème

fourni de nerfs pronom creusées enlèves

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tour

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recueil béant

autochtone

cercle

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potiche

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alu pauvreté

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usine médicament existences

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I écrivain français alu

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plante vivre

V Solution dans le prochain numéro

T D R G E I G U NR S A RD AI C A I GE S U N IS N T EE VS I A R EE TO I A I R RI L E SB EL L M IO S A C EI E I AE ZS T hésitiez

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Réponses du 1er decembre 2014 SOLUTION DU 1er DÉCEMBRE Réponses du 15 DÉCEMBRE 2014 ventres parti du Québec sodium

âpreté globale fabrique d’étuis

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lettre

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pauvreté

cérium

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JOSÉE CARDINAL | Distributrice


DÉTENTE

1 2 3 4 5 6 7 8 4 9 10

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7

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9 10 11 12

Solution dans le prochain numéro

HORIZONTALEMENT 1. Probabilité qu'une caractéristique soit transmise génétiquement. 2. Encens. - Peser. 3. Pièces de monnaie. - Coiffures. 4. Existes. - Irlande. 5. À toi. - Tout-terrain. 6. Tissages. - Courant marin. 7. Déclarée. - Accent. 8. Dans. - Alcaloïde. 9. Naturelles. - Donner. 10. Possédées. - Pinacothèques. VERTICALEMENT 1. Auberge. 2. Victorieux. - À la mode. - Comme un ver. 3. Parti québécois défunt. - Arbuste. 4. Ibériques. 5. Amas. - Et le reste. 6. Année. - Greffées. 7. Ameublies. 8. Répétés. - Bouclier. 9. Esprits tutélaires. - Extrêmement. 10. Colère. - Raide. 11. Coupelle. - Mégie. 12. Succédané. - Lentille.

HORIZONTALEMENT 1. Probabilité qu'une caractéristique soit transmise génétiquement. Jeu réalisé par Josée Cardinal | joseecardinala1@yahoo.ca 2. 4Encens. - Peser. - Coiffures. NIVEAU DE DIFFICULTÉ: FACILE 6 3.Solutions 7Pièces 8dude1 monnaie. décembre 2014 4. Existes. - Irlande. Placez un chiffre de 1 à 9 1 2 3 7 4 5 6 7 8 9 10 11 12 dans chaque case vide. 6 8 9 5 5. BÀ toi. 1 A O U- Tout-terrain. T I S S A N T S Chaque ligne, chaque colonne et chaque boîte 2 N U I 4 S E T T E E A U 3x3 délimitée par un trait 6. RTissages. marin. 3 5 3 A E A G E- Courant R H O N E plus épais doivent contenir tous les chiffres de 1 à 9. 4 T I S S E R A I E N T Chaque chiffre apparaît 25 O7. NDéclarée. 7 2 N A- Accent. I N S R E donc une seule fois dans 6 M I L I A I R E S I X une ligne, dans une colonne 8. Dans. Alcaloïde. 7 I S A T I S T O A S T 5 4 7 3 et dans une boîte 3x3. 8 S T E R T I G M A 9. Naturelles. - SDonner. 9 T E R M E S E S E S LOGICIEL 8 9 3 4 6 NOTRE DE SUDOKUS EST 10 E10.S Possédées. S S E S E N S E - Pinacothèques. MAINTENANT 9 1 DISPONIBLE. VERTICALEMENT 5 8 1 6 2 4 7 3 9 10 000 sudokus inédits de 4 niveaux par notre expert, 6 4 9 7 3 5 8 1 2 9 1 7 4 8 Fabien Savary. En vente 1. Auberge. exclusivement sur 7 3 2 1 8 9 4 6 5 notre site. 4 6 8 3 5- À 7 la 9 mode. 2 1 2. Victorieux. - Comme un4 ver. 5 www.les-mordus.com 2 1 7 8 9 6 5 4 3 3. Parti québécois défunt. Arbuste. 6 3 9 5 3 4 1 2 6 7 8 8 2 4 5 6 1 3 9 7 4. Ibériques. Solution dans le prochain numéro 3 9 6 2 7 8 1 5 4 5. Amas. 1 7 5 - 9Et 4le 3reste. 2 8 6 Jeu réalisé par Ludipresse | info@les-mordus.com 6. Année. - Greffées. 7 4 6 8 3 2 1 9 5 7. Ameublies. 1 3 2 4 9 5 6 8 7 45 8155décembre 9 1 6 2014 7 2 | 3ITINERAIRE.CA 4 8. Répétés. - Bouclier. 5 6 4 2 8 1 9 7 3 2 1 8 9 7 3 4 5 6 9. Esprits tutélaires. - Extrêmement. er


A PROPOS DU...

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ITINERAIRE.CA | 15 décembre 2014



AUSSI SIMPLE QUE 1, 2, 3. La modération, c’est pas compliqué. Pour les femmes, ça consiste à limiter sa consommation d’alcool à 2 verres par jour et à 10 par semaine. Pour les hommes ? À 3 par jour et à 15 par semaine. Et on ne boit pas tous les jours. Modérer sa consommation d'alcool, ça ne veut pas dire modérer le plaisir.

educalcool.qc.ca/2340


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