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Volume XXI, n˚ 13 Montréal, 1er juillet 2014

www.itineraire.ca

RENCONTRE

PAtch AdAMS

Je quête depuis 400 ans -grand dossier-

AUD H . E C B I U E Q M É R CI DR ITO IL T L N C É A N R S E A E I O M M J R E : T MA IANIK COMPLÈT ZOOM: FEU VER


Récupérer les vélos au Nord. Transformer des vies au Sud. cyclonordsud.org/donner-velo 514 843-0077 /cyclonordsud


MarieAndrée B. Camelot No : 1210 | Âge : 31 ans Point de vente: métro Préfontaine

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arie-Andrée est née à Kingsey Falls, près de Victoriaville. Dans son enfance, elle a appris à se débrouiller seule dans une famille dysfonctionnelle, où elle a vécu de l'abandon et de la violence. «J'avais une maison et de la nourriture, mais il y avait une pauvreté des liens affectifs», explique la brunette. De plus, elle consommait de la marijuana quotidiennement. À 19 ans, Marie-Andrée a quitté sa bourgade pour étudier en travail social dans la métropole. Une fois son diplôme décroché, la jeune femme s'est lancée sur le marché du travail. Animatrice en maison des jeunes, agente d'administration dans une maison pour femmes en difficulté et, ironiquement, intervenante auprès des sans-abri; elle a enchaîné les emplois, mais s'est épuisée rapidement. L'anxiété et le traumatisme issu de sa lourde enfance rendaient chaque fois la pression du marché du travail insupportable. La vie de Marie-Andrée a basculé lorsqu'elle a mis fin à une relation amoureuse malsaine. Elle est alors tombée en dépression et a traversé une crise d'identité majeure. Mais rien n'arrive pour rien : alors qu'elle patientait dans la salle d'attente de son thérapeute, celle qui se considère comme une entrepreneure a découvert L'Itinéraire, qu'elle a joint en novembre 2013. Sa qualité de vie s'est améliorée. «J'ai de l'argent, je gère mon propre horaire et la pression, c'est moi qui me la mets.» Malgré les difficultés, Marie-Andrée insiste sur le fait qu'elle n'a jamais été une victime de la vie. «Je suis consciente, je prends des décisions et je passe à l'action. J'ai le pouvoir de faire des choix», ajoute-t-elle. Marie-Andrée est maintenant complètement sobre depuis sept ans, en plus d'avoir intégré des valeurs plus solides. Quant à l'avenir, la trentenaire aimerait continuer à écrire des articles pour L'Itinéraire. Qui sait, peut-être que les lecteurs pourront la suivre dans les pages du magazine!

tEXtE : cAthERINE MORASSE PHOTO : GOPESA PAQUETTE

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NOS PARtENAIRES ESSENtIELS dE LUttE cONtRE LA PAUVREté

L'Itinéraire a pour mission de combattre la pauvreté et l'exclusion par le travail et une place en société. Notre organisme soutient et fait travailler quelque 200 personnes par semaine. Le magazine est donc une entreprise d'économie sociale qui s'autofinance. Mais son volet services sociaux comprend différents programmes pour offrir de l'aide psychosociale, du soutien alimentaire et en logement ou encore des services adaptés aux jeunes. Sans nos partenaires principaux qui contribuent de façon importante à la mission ou nos partenaires de réalisation engagés dans les programmes, nous ne pourrions aider autant de personnes. L'Itinéraire, c'est aussi plus de 2 000 donateurs individuels et corporatifs qui aident nos camelots à s'en sortir. Merci à tous! la direction de L'Itinéraire tient à rappeler qu'elle  n'est pas responsable des gestes des vendeurs  dans la rue. si ces derniers vous proposent tout  autre produit que le journal ou sollicitent des  dons, ils ne le font pas pour L'Itinéraire. si vous  avez des commentaires sur les propos tenus  par les vendeurs ou sur leur comportement,  communiquez sans hésiter avec shawn Bourdages,  coordonnateur au développement social par  courriel à shawn.bourdages@itineraire.ca ou  par téléphone au 514 597-0238 poste 222.

PARtENAIRES MAJEURS

nous  reconnaissons  l'appui  fi nancier  du  gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds  du Canada pour les périodiques, qui relève de  Patrimoine  canadien.  les  opinions  exprimées  dans cette publication (ou sur ce site Web) ne  refl ètent pas forcément celles du ministère du  Patrimoine canadien.

PRINcIPAUX PARtENAIRES dE PROJEtS ISSN-1481-3572 n˚ de charité : 13648 4219 RR0001

DU MONT-ROYAL

Desjardins

L'ItINéRAIRE ESt MEMBRE dE

Le magazine l'itinéraire a été créé en 1992 par Pierrette Desrosiers, Denise English, François Thivierge et Michèle Wilson. À cette époque, il était destiné aux gens en difficulté et offert gratuitement dans les services d'aide et les maisons de chambres. Depuis mai 1994, l'itinéraire est vendu régulièrement dans la rue. Cette publication est produite et rédigée par des journalistes professionnels et une cinquantaine de personnes vivant ou ayant connu l'itinérance, dans le but de leur venir en aide et de permettre leur réinsertion sociale et professionnelle. Convention de la poste publication no 40910015, no d'enregistrement 10764. retourner toute correspondance ne pouvant  être livrée au Canada, au groupe communautaire  l'itinéraire 2103, sainte-Catherine est,  Montréal (Québec) h2K 2h9

Québecor est fière de soutenir l'action sociale de L'Itinéraire en contribuant à la production du magazine et en lui procurant des services de télécommunications.


Volume XXI, n˚ 13 RédActION Et AdMINIStRAtION 2103, Sainte-Catherine Est Montréal (Qc) H2K 2H9

ActUALItéS

LE cAFé L'ItINéRAIRE 2101, rue Sainte-Catherine Est

7 ÉDitorial

téLéPhONE : 514 597-0238

8 ronD-Point

téLécOPIEUR : 514 597-1544 SItE : WWW.ITINERAIRE.CA

LE MAGAZINE L'ITINÉRAIRE : éditeur : Serge Lareault Rédacteur en chef : Sylvain-Claude Filion chef de pupitre Actualités : Marie-Lise Rousseau chef de pupitre développement social : Gopesa Paquette Infographe : Louis-Philippe Pouliot Stagiaire à la rédaction : Anne Frédérique Hébert-Dolbec et Christophe Perron-Martel collaborateurs : Valentine Bourgeois, Éric Godin, Ianik Marcil, Denyse Monté, Catherine Morasse, Joanie Pietracupa et Pierre Saint-Amour Adjoints à la rédaction : Caroline Velleca, Hélène Filion, Lorraine Pépin et Marie Brion Photo de la une : Gopesa Paquette Révision des épreuves : Michèle Deteix et Sabine Schir design et infographie du site Internet : Vortex solution

11 ianiK MarCil 12 PAtch AdAMS   une folie pleine de bon sens

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15 Piste 16  Dossier   400 ANS dE

QUÊtE Et d'ItINéRANcE

22 CaFÉ en attente

PEtIt cAFé... VA LOIN

cONSEILLèRES PUBLIcItAIRES Renée Larivière : 514 461-7119 | renee.lariviere18@gmail.com Josée Poirier : 514 273-5002 | josee.poirier@itineraire.ca LE cONSEIL d'AdMINIStRAtION Président : Stephan Morency Vice-président : Gabriel Bissonnette trésorier : Yvon Brousseau Secrétaire : Serge Lareault conseillers : Jean-Paul Lebel, Philippe Allard et Martin Gauthier L'AdMINIStRAtION directeur général : Serge Lareault conseillère au financement et aux partenariats: Elisabeth Julien-Rocheleau conseiller au développement social : Philippe Boisvert coordonnatrice de l'administration et des ressources humaines : Duffay Romano Adjoint aux communications et relations de presse : Dorian Keller

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LE cŒUR dE L'ItINéRAIRE

26 Le cœur 28 Les mots des camelots 35 info raPsiM

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PANORAMA

38 Culture

FOU dE cIRQUE

41 vivre 43 livres

éQUIPE dE SOUtIEN AUX cAMELOtS coordonnateur au développement social : Shawn Bourdages Agent d'accueil et de formation : Pierre Tougas Agent de soutien communautaire : Geneviève Labelle Agent de soutien milieu de vie : Christian Torres Agent de développement : Yvon Massicotte GEStION dE L'IMPRESSION TVA ACCÈS INC. | 514 848-7000 dIREctEUR GéNéRAL : Robert Renaud chEF dES cOMMUNIcAtIONS GRAPhIQUES : Diane Gignac cOORdONNAtRIcE dE PROdUctION : Édith Surprenant IMPRIMEUR : Transcontinental

1er juillet 2014

44 DÉtente 46 Feu vert À...  JOSéLItO MIchAUd

46 ce magazine coûte

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éditorial

Les pics, et après? Il n'a fallu que quelques heures pour que la saga se termine et que tout rentre dans l'ordre. Le maire a furieusement ordonné qu'on retire les «pics de la honte», posés il y a trois ans (!) sur la façade du magasin Archambault à l'angle Berri/Sainte-Catherine par le propriétaire de l'édifice. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les pics sont partis; mais les itinérants, eux, sont toujours là et plus nombreux que jamais. PAR MARIE-LISE ROUSSEAU | Chef de pupitre Actualités

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es réseaux sociaux amènent à la mobilisation… coupure au ministère de l'Emploi et la Solidarité sociale : temporaire. Nous l'avons constaté sur nos pages 93 millions $ ! À ce montant, c'est l'ensemble des serTwitter et Facebook en cet avant-midi du 10 juin : vices essentiels déjà insuffisants qui va en souffrir. les Retweet et commentaires contre les pics pleuvaient Un budget est censé représenter concrètement les à la vitesse de la lumière; du jamais vu. Puis, rien. Si- orien­tations d'un gouvernement. Force est de constater lence radio. que la lutte contre l'itinérance et la pauvreté ne fait pas A-t-on réglé un problème en retirant les pics anti-iti- partie des priorités de M. Couillard et de son équipe, qui nérants? On a certainement retiré un dispositif barbare de devaient pourtant s'occuper «des vraies affaires». On n'y retrouve aucune mention du Plan d'action qui notre espace public, ce qui est une bonne chose en soi. devait faire suite à la Politique nationale Mais cette mobilisation n'a rien fait pour de lutte contre l'itinérance dévoilée en éliminer le vrai problème : l'itinérance, en février. Il n'y est pas plus question du hausse perpétuelle à Montréal. A-t-on réglé un 120 millions $ qui devait être alloué au La même chose s'est produite en janmilieu communautaire, qui en a durevier dernier lorsqu'un policier a menacé problème en ment besoin. Seule bonne note : la cons­ d'attacher un itinérant à un poteau par truction de 3000 logements sociaux, un froid glacial. «C'est inhumain!», ont retirant les pics dont 500 dédiés aux sans-abri. C'est crié d'une seule voix les Montréalais sur anti-itinérants? moins que prévu, mais comme on dit, leur page Facebook. c'est mieux que rien. Il est facile de s'indigner devant une Les raisons de s'occuper de ce fléau ne photo qui circule sur le web et de par­ manquent pourtant pas. La fréquentager son opinion en ligne. Dans le cas tation des refuges est en hausse des pics, cette mobilisation spontanée chaque année. La crise est telle que deux ressources a eu un résultat concret, chose rare en société! Mais les vrais acteurs de changement sont ceux qui, au d'hébergement pour femmes n'ont eu d'autre choix que quotidien, de façon moins spectaculaire que notre maire de fermer leurs portes les fins de semaines (lire notre qui se fâche devant les caméras, travaillent à lutter contre nouvelle en page 8). Cela fait 400 ans qu'on lutte contre l'itinérance. À la l'itinérance. Car la réalité ne change pas du jour au lendemain. C'est un travail de longue haleine qui prend du lecture de notre dossier sur le sujet, en page 16, force temps. À ce sujet, chapeau aux intervenants sociaux, qui est de constater que toutes les démarches entreprises par les gouvernements pour l'éradiquer ont échoué : œuvrent dans des conditions exigeantes et précaires. répression, institutionnalisation, désinstitutionnalisaBudget zéro tion, judiciarisation… Et si on se donnait les moyens La réalité est que les ressources pour véritablement lutter d'essayer la prévention? Pour cela, il faudra une réelle contre l'itinérance sont nettement insuffisantes. Le bud- mobilisation. get Leitao l'a démontré en attribuant sa plus importante

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ROND-POINT

PAR ANNE FRÉDÉRIQUE HÉBERT-DOLBEC, ÉRIC GODIN, CHRISTOPHE PERRON-MARTEL ET MARIE-LISE ROUSSEAU

L'Itinéraire en direct!

questions à

Du 1er juillet au 31 août, découvrez les coulisses de L'Itinéraire comme vous ne les avez jamais vues! Nos activités seront diffusées en direct sur le web, 24h/24, 7 jours sur 7. Une occasion inouïe, dans le cadre des célébrations de notre 20e anniversaire, de découvrir de fond en comble le fonctionnement de l'organisme et la production du magazine à travers une série de rencontres quotidiennes avec l'équipe et les camelots. Syntonisez en tout temps le nomadlive.tv pour vivre cette expérience hors du commun! (MLR)

Jason Rodi Fondateur de Moment Factory, président et directeur de création à NOMAD industries PAR MARIE-LISE ROUSSEAU

Depuis le 1er juillet, vous expérimentez un nouveau projet à L'Itinéraire. De quoi s'agit-il?

Cet été je réalise un rêve : Nomad Live, une diffusion web 24 h/24 h, 7 jours sur 7, un lien constant entre le citoyen et sa ville. Il s'agit d'un projet très local, très montréalais. Quand on se lève le matin et qu'on regarde Netflix ou YouTube, on s'éloigne de notre environnement direct. Je veux nous en rapprocher. Dans ce cas-ci, on est sur les lieux de L'Itinéraire tous les jours et on présente en direct sur le web ce qui s'y passe. C'est un méchant défi de présenter un contenu intéressant 24 h/24! Ça va être le fun de passer deux mois avec vous et de vous explorer tout l'été.

Pourquoi avoir choisi L'Itinéraire?

L'Itinéraire est un média qui a un lien complètement unique avec la ville. Il y a un lien direct entre les camelots et les Montréalais. Quand j'ai visité le Café L'Itinéraire, un lieu différent, effervescent, j'ai senti un contact privilégié avec les gens du quartier et ça m'a emballé. J'ai réalisé que ce serait intéressant pour nous de passer plusieurs heures par jour à capter et diffuser ce qui s'y passe.

Qu'est-ce qui vous inspire?

Après avoir fondé Moment Factory il y a une douzaine d'année, j'ai démarré NOMAD industries pour me concentrer davantage autour du contenu : je veux raconter des histoires! J'ai étudié en cinéma. J'ai réalisé à la fin de mes études qu'on était tous pour devenir réalisateurs dans un monde ou le rêve et la réalité cohabitent sur différentes plateformes. Je voulais participer à la création de cet univers. Je voulais faire une nouvelle sorte de broadcast qui explore le monde autour de nous, pour se ramener au vrai monde.

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Des funérailles vertes pour les avions Pour la première fois, une compa­gnie aérienne canadienne, Air Transat, a procédé au démantèlement écoresponsable de deux de ses avions en fin de vie. Cette action a permis de recycler près de 87 % de la masse totale des appareils, soit 136 tonnes de composants. Pour son initiative, la compagnie a reçu le Prix Novae de l'Entreprise citoyenne en juin dernier. (AFHD)


GODIN DANS LA RUE

Band de garage La Fondation du Dr Julien a inauguré les nouveaux locaux de son Garage à musique au 2080, avenue Bennett dans Hochelaga-Maisonneuve. Ce projet de pédiatrie sociale permet d'intervenir avec les jeunes comme Jesse James Bourgie, sur cette photo, par la pratique de la musique. (MLR) Photo : alarie Photos

LA cItAtION «C'est inacceptable! C'est inhumain. Je ne veux pas de ça dans ma ville. Ce n'est pas vrai qu'on va humilier les sans-abri. S'il y en a ailleurs, on va les enlever. C'est une question de sécurité publique.»

2 intervenants au Square cabot Qui dit été dit défi de cohabitation. Pour mieux gérer l'augmentation de la population marginalisée dans l'espace public, la Ville de Montréal a embauché deux intervenants de milieu au Square Cabot, près de la rue Atwater, lieu hautement fréquenté par les itinérants autochtones. Ce projet pilote s'accompagne d'une ligne téléphonique dédiée aux riverains pour améliorer leur sentiment de sécurité. (MLR)

San Francisco approche du zéro déchet

Photo : 123Fr.CoM/tono Balaguer

Denis Coderre, maire de Montréal, réagissant à la présence de pics antiitinérants dans Ville-Marie

Fins de semaines interrompues

La ville de San Francisco est sur le point d'être la première grande ville au monde à éliminer tous les déchets non recyclés ou compostés de son territoire. Plusieurs mesures ont été mises en place par la ville pour atteindre son objectif, fixé pour 2020 : la vente et la distribution de bouteilles d'eau en plastique sont interdites dans l'espace public, les sacs en plastique sont bannis des supermarchés et le recyclage et le compostage sont obligatoires pour tous. De quoi inspirer d'autres villes à travers le monde! (AFHD)

La crise dans les refuges pour femmes s'amplifie. Après la Maison Marguerite, le refuge Chez Doris annonce qu'il sera fermé les fins de semaine jusqu'à nouvel ordre. Les services de repas et de protection contre les menaces diverses seront interrompus. La décision résulte d'un manque de fonds : le nombre de femmes fréquentant le refuge a doublé en sept ans, mais les subventions n'ont pas suivies. (CPM)

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RONd-POINt INtERNAtIONAL

Photo : eriC ares

étAtS-UNIS | Une journée pour les locataires

Avoir un appartement à Los Angeles n'est pas donné à tous! «Je vis ici depuis 18 ans, et il n'a jamais été aussi difficile de se payer un loyer», affirme Leonard Woods, locataire au centreville de Los Angeles. L'homme n'est pas seul dans sa situation. Pour chaque tranche de 100 familles avec un faible revenu, on trouve seulement 17 logements sociaux. C'est pourquoi le 23 avril dernier, 300 individus se sont réunis sur les marches de l'hôtel de ville pour inaugurer la toute première Journée des locataires, une occasion de dénoncer les impacts de la crise du logement sur toutes les familles. (Community Connection)

UNION EUROPéENNE | Quand Robin des Bois s'en mêle

La France et l'Allemagne sont à la tête d'un groupe de 11 pays européens qui militent pour l'adoption d'une taxe sur les transactions financières, dès janvier 2016. L'objectif est de faire payer les banques pour la crise financière européenne de 2008 qui a mené la Grèce et l'Irlande à la faillite. Plusieurs divisions demeurent toutefois à l'intérieur du groupe pour déterminer le fonctionnement de cette taxe, dont l'efficacité est contestée par plusieurs économistes. (Reuters) Photo: reuters/FranÇois lenoir

PALEStINE | Solutions extrêmes

ZIMBABWE | Les reines du tabac

Les femmes au Zimbabwe ont trouvé un nouveau moyen de faire fortune : le tabac. Dans ce pays où la plupart des mères élèvent leurs enfants seules et peinent à les nourrir, de nouvelles statistiques démontrent que 40 % des propriétaires de petites fermes de tabac sont des femmes. Plusieurs d'entre elles sont même en train de devenir de véritables magnats dans ce marché, ce qui contribue grandement à soutenir l'économie instable du pays. (IPS)

La pénurie de carburant, causée par Israël depuis huit ans dans la bande de Gaza, amène les réfugiés à des solutions extrêmes. En plein centre du camp de réfugiés Nuseirat, Ibrahim Sobeh et ses fils ont passé 200 jours à construire un dispositif primitif qui convertit les restes de plastique en carburant. Une innovation qui inspire plusieurs Gazaouis, mais dont les conséquences à long terme sur la santé restent difficiles à établir. (IPS)

Photo: JeFFrey Moyo/iPs

Photo: KhaleD alashQar/iPs

L'Itinéraire est membre du International Network of Street Papers (Réseau International des Journaux de Rue - INSP). Le réseau apporte son soutien à plus de 120 journaux de rue dans 40 pays sur six continents. Plus de 200 000 sans-abri ont vu leur vie changer grâce à la vente de journaux de rue. Le contenu de ces pages nous a été relayé par nos collègues à travers le monde. Pour en savoir plus, visitez www.street-papers.org.

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Doux commerce À l'arrivée des Européens à Hochelaga, avant qu'elle ne s'appelle Montréal, l'équipage de Jacques Cartier a pu constater que les nations autochtones qui y habitaient possédaient le sens du commerce comme peu d'autres. Quelques siècles plus tard, les politiques capitalistes contemporaines glorifient ce talent pour le commerce, à travers l'accord de libre-échange entre le Québec et l'Europe.

ianik marcil

ianik marcil | Économiste indépendant

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n somme, peu de choses ont changé depuis les services publics, en passant par la mobilité de la mainquelques siècles qui nous séparent de l'époque des d'œuvre, la culture ou la propriété intellectuelle. envahisseurs Blancs en terre d'Amérique. Marco C'est sans précédent dans l'histoire économique du Polo, Christophe Colomb et autres Jacques Cartier ont Québec et du Canada. Et pourtant, personne, ou pres­ simplement accéléré une antique pratique du commerce que, ne parle de l'AÉCG. international. La mondialisation, mainPersonne ? Le ministre des finances tenant banale, n'a rien de contempoCarlos Leitão en glisse un mot dans son rain. Toutes les époques ont vu naître dernier budget (Plan budgétaire, p. 176) : Sacrifier la des initiatives d'ententes entre nations avec cet accord, soutient-il, «le Québec pour favoriser le commerce. a donc l'opportunité de se positionner protection de nos Bien évidemment, en ce début de XXIe comme l'un des principaux pôles logisindustries et de siècle, les ententes commerciales sont tiques des activités d'import-export entre plus sophistiquées et incluent nombre de les deux continents». nos entreprises considérations techniques très poussées. Alors qu'on vante les vertus du libreEn revanche, elles répondent toujours de échange en ce qu'il créerait des opporartisanales la même logique : l'intérêt économique tunités d'affaires innombrables pour les sur l'autel de prime sur l'intérêt politique et social. entreprises d'ici sur les marchés étran­ L'Accord économique et commercial le grand argentier du gouvernel'idéologie libre- gers, global (AÉCG) qui sera signé bientôt enment du Québec affirme que tout ce tre le Canada et l'Union européenne n'y qu'il nous permettrait d'atteindre est de échangiste fait pas exception. Négocié dans le plus devenir une plaque tournante du compour ne devenir merce international entre l'Europe et les grand secret, fer de lance politique du gouvernement Charest, contre lequel États-Unis. qu'une nation on ne devrait pas s'opposer, à moins Voilà une vision simpliste, réductrice de commerçant et asservie à l'économie mondiale d'être un extrémiste comme l'a dénoncé le premier ministre Harper. on en a rarement vue. Sacriinternationaux. comme Or le problème est double. D'une part, fier la protection de nos industries et de cette entente ne fait l'objet d'aucune nos entreprises artisanales sur l'autel de discussion politique, contrairement à ce l'idéologie libre-échangiste pour ne dequi a été le cas dans le passé, notamment pour l'Accord venir qu'une nation de commerçant internationaux, c'est de libre-échange (ALÉ) entre le Canada et les États- ce qu'offrent les gouvernements Couillard et Harper aux Unis ; à cette époque, Brian Mulroney en avait fait l'enjeu Québécois et aux Canadiens. même de son élection. D'autre part, la nature même de Les Premières Nations habitant Hochelaga au début du l'entente a une portée radicalement nouvelle : tous les XVIe siècle avaient au moins la grandeur de nourrir leur secteurs économiques sont touchés, des fromages aux vie sociale d'autre chose que du commerce.

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Patch Adams Une folie pleine de bon sens Son nez de clown emblématique et ses habits hautement excentriques sont devenus sa marque de commerce. Derrière cette apparente folie, se cache une mission des plus sérieuses. Depuis 1971, le Dr Hunter «Patch» Adams parcourt le monde pour prodiguer des soins médicaux alternatifs et apporter de la joie à ceux qui en ont le plus de besoin. Au printemps dernier, Montréal l'accueillait dans le cadre de la Semaine de la «foulosophie». L'Itinéraire a profité de l'occasion pour discuter avec le célèbre médecin qui n'a qu'une idée en tête : répandre la paix et la justice. PAR JOANIE PIETRACUPA | Collaboration spéciale

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ertains le connaissent mieux sous les traits de l'acteur Robin Williams, qui l'a interprété dans le film hollywoodien portant son nom, sorti en 1998 et acclamé des critiques et du public. Pourtant, Patch Adams est bien loin de cette image à la fois léchée et loufoque qui y est montrée. En vrai, il est décontenançant de contrastes, vacillant constamment entre l'humour et le sérieux, la générosité et le pouvoir. Sa longue chevelure blanche, teinte en bleue pour célébrer le 15e Symfolium de l'Université de Foulosophie (un organisme sans but lucratif ayant pour mission de célébrer l'humour engagé), n'a d'égal que son costume de clown moderne, fait d'imprimés graphiques et de couleurs vives, qu'il revêt au quotidien. C'est un peu essoufflé, le regard grave, mais le sourire aux lèvres qu'il vient à notre rencontre, après avoir participé au flashmob Montréal Ville Clown City au Quartier des spectacles, en compa­ gnie de bouffons d'occasion venus valser, rire et chanter avec lui. D'emblée, il s'excuse de son retard à l'entrevue, à la Placedes-Arts, l'œil brillant de bonheur : «J'ai pris une vingtaine de photos avec des enfants, que leurs parents voulaient absoPatch Adams entouré du comédien Stéphane Crête et de Frédéric Péloquin, médiateur chez Exeko, lors de son passage à Montréal.

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ITINERAIRE.CA | 1er juillet 2014 Photo : DdeCollasson/Execo


RENcONtRE

J'avais 18 ans lorsque j'ai décidé de ne plus jamais passer une mauvaise journée.

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Garder espoir

lument me présenter. C'était très touchant!» Dur de lui en vouloir, surtout quand on voit les gens si contents d'avoir croisé leur super-héros. S'il se décrit aujourd'hui comme un homme «heureux et chanceux», tel n'a pas toujours été le cas. «J'ai vécu une belle enfance, entouré de parents qui m'aimaient mais qui n'étaient pas toujours "là", même quand ils étaient là, ditil. Mon père était officier dans l'armée des États-Unis et a combattu en Corée, puis est revenu à la maison avec l'air absent. Ç'a été très difficile pour moi.» À ça se sont rajoutés des problèmes d'intimidation à l'école et une trop grande sensibilité au monde et à l'environnement. Bien vite, Hunter s'est mis à souffrir de dépression, allant même jusqu'à tenter de s'enlever la vie. «Puis, un jour, je me suis dit : la solution, ce n'est pas le suicide. C'est la révolution! confie-t-il. J'avais 18 ans lorsque j'ai décidé de ne plus jamais passer une mauvaise journée. D'opter pour le bonheur, à chaque matin de ma vie. De me réveiller et de me demander quelle chemise j'allais porter, quelle personnalité j'allais adopter. Le positivisme, la quête de la justice pour tous et la paix intérieure : c'était ça mon choix.» Après des études en médecine et l'obtention de son diplôme de l'Université Virginia Commonwealth, en Virginie, il fonde en 1971 l'Institut Gesundheit! («Bonne santé!», en allemand) avec des amis. L'idée? Promouvoir les soins médicaux alternatifs, prouver que l'amour et la compassion autant que la médecine dite conventionnelle peuvent aider à apporter des soins aux malades et démontrer l'efficacité du recours par le concours du rire. «Je suis un activiste politique, explique Patch. J'ai étudié la médecine et les systèmes d'assurance médicale afin de m'y connaître et d'apporter à ce milieu souvent injuste un changement social. J'ai fondé l'Institut dans le but de créer un nouveau modèle de soins médicaux et d'aider à la lutte pour les droits de l'homme.» Aujourd'hui, à 69 ans, il voyage le

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monde (la Russie, la Chine et le Tibet, surtout) avec des bénévoles, près de 300 jours par année, afin de faire rire des orphelins et des patients; il écrit des livres inspirés et inspirants; il soigne gratuitement des malades, souvent pauvres, dans l'Institut (plus de 25 000 à ce jour!); il donne des ateliers et des conférences sur les vocations médicales ou d'engagement envers la société (tel «Joy of Caring» le 31 mars dernier, à la Place des Arts); et beaucoup plus encore. Et il partage ses opinions marquées, aussi, avec passion et assurance : «À mon avis, la pauvreté, l'itinérance et plusieurs autres maladies sociales découlent directement du monde capitaliste dans lequel nous vivons. Le capitalisme de marché, c'est le pire meurtrier, le pire destructeur de masse. C'est un monde où la richesse règne, pas l'éthique. Parce que je ne crois pas que la fortune et les règles éthiques peuvent cohabiter. Par exemple, quand on y pense bien, il y a assez de chambres, assez de maisons, dans ce monde, pour héberger tous les êtres humains de la planète. Et pourtant, on n'arrive pas à éliminer l'itinérance. Mais j'ai espoir qu'on va arriver à changer ça, bientôt. Je le sens, je suis près de mon but. Près d'avoir réussi à défendre ce pourquoi je me bats depuis près de 45 ans : la justice et le bien-être pour tous.»

La pauvreté, l'itinérance et plusieurs autres maladies sociales découlent directement du monde capitaliste dans lequel nous vivons.

Lorsqu'on lui demande comment voir la vie en rose quand tout semble gris, comment se réveiller heureux comme lui à chaque matin, comment garder espoir, Patch Adams s'emballe : «Pour répondre à cette question, je ne peux que citer mon poème préféré, Hope is the thing with feathers, de la grande Emily Dickinson» : «Hope» is the thing with feathersThat perches in the soulAnd sings the tune without the wordsAnd never stops – at allAnd sweetest – in the Gale – is heardAnd sore must be the stormThat could abash the little Bird That kept so many warmI've heard it in the chillest landAnd on the strangest SeaYet – never – in Extremity, It asked a crumb – of me.»

Photo : reuters/Mario laPorta

Patch Adams amuse les patients de l'hôpital Indira Gandhi à Kaboul, en Afghanistan, en 2002.


Pour innover socialement tous ensemble

PIStE

piste.itineraire.ca cOMMUNAUté «de la peur à l'espoir» Plus de la moitié de la planète a élu domicile en milieu urbain. Une des villes les plus dangereuses au monde, Medellin, la 2e cité de la Colombie, ravagée par les cartels de la drogue dans les années 1990, est devenue un modèle mondial d'urbanisme social. Entre une planification urbaine participative et un agenda politique favorable, celle qui amorçait en 2004 «le virage urbain le plus remarquable de l'histoire moderne», selon le Urban Land Institute, détonne et fascine. C'est à partir d'une réflexion collective innovatrice à la fin des années 90 que les professionnels de l'aménagement, les intellectuels et les membres de la société civile ont, en amont, ravivé l'intérêt général – et politique – à convertir les espaces urbains marginalisés et dévitalisés vers une ville pour la vie. «Notre stratégie s'est articulée selon cinq étapes. Elle était basée sur le comment faire de la politique autrement, pour et par tous», rapporte David Escobar Arango, jeune conseiller du maire Sergio a mis en œuvre au début Pour lire le texteFajardo, intégral:qui piste.itineraire.ca

LOGEMENt Le conteneur Nouvelle manne de logements ? Devant la crise du logement, la ville de Vancouver se tourne vers des mesures écologiques. Architecture pour l'humanité (APH), une organisation internationale sans but lucratif, qui adopte «des solutions architecturales et de design à des crises globales, sociales et humanitaires», tient l'événement Maisons rapides, défi incroyable au cours duquel designers, architectes et étudiants échangeront des idées afin de convertir des conteneurs en logements habitables. En travaillant ensemble, l'organisation Architecture pour l'humanité, appuyée par d'autres défenseurs du logement abordable, espère créer de vraies solutions au problème des sans-abri en même temps qu'à la pénurie de logement. Dans le quartier Downtown Eastside, des tentes improvisées et des structures ressemblant à des forts s'alignent le long des trottoirs et des allées, preuve évidente que le manque de logements disponibles constitue un Pour lire le texte intégral: piste.itineraire.ca

REVENU Muhammad Yunus Le banquier des pauvres Après des études à l'Université de Dhaka puis l'obtention de son doctorat en économie aux États-Unis, Muhammad Yunus décide de retourner au Bangladesh pour soutenir les indépendantistes durant la guerre de libération. Il devient responsable du département d'économie de l'Université de Chittagong mais devant la famine qui frappe le pays, il décide de s'intéresser au mode de vie misérable des villageois vivant à proximité de l'université. Il comprend vite qu'une grande partie des problèmes rencontrés par les paysans pauvres est liée à leurs difficultés d'accès à des capitaux. Poussé par la croyance que l'accès au crédit est un droit fondamental, Yunus en vient à proposer un premier «micro-prêt» (entre 30 et 50 $) à quelques Pour lire le texte intégral: piste.itineraire.ca

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400 ANS DE QUÊTE ET D'ITINÉRANCE

Avec la fo ndat ion de la No uvell e-France, vint l'apparit ion de l'it iné ra nc e, caractérisée par l'e xc lusion so ciale et la marginali té. Depuis 400 ans, to ut es sor te s de me su re s ju ridiques, polit iques et so ciales ont été mi ses en place af in de l'é limin er. Re to ur su r 400 ans de lut te à l'It inéra nc e. PHOTOS: GOPESA PAQUETTE

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dossier

Les quêteux:

indésirables depuis 1608

De la Nouvelle-France à aujourd'hui, l'itinérance a toujours fait partie du paysage québécois. Pour l'éradiquer, les décideurs politiques ont pris des mesures variées. PAR CHRISTOPHE PERRON-MARTEL

L

'itinérance existe au Québec depuis les débuts de la Nouvelle-France. En 1676, le conseil souverain de France interdit de mendier sans certificat. Le premier bureau des pauvres voit le jour à Québec en 1688. Dès le début des années 1700, les forces de l'ordre peuvent bannir de la Nouvelle-France les individus ayant une «vie errante». En 1742, le gouverneur Beauharnois ordonne l'arrestation des itinérants dans la capitale. «Ce n'est pas un hasard si cette répression commence au 18e siècle, estime Isabelle Perrault, criminologue à l'Université d'Ottawa. C'est vraiment à partir de ce moment-là que l'itinérance commence à devenir un problème.» La mendicité augmente drastiquement dans la décennie 1780-1790. «Plusieurs travailleurs de la Baie d'Hudson se retrouvent au chômage à cause d'une baisse de la demande de fourrures en Europe, relate Mme Perrault. Ils descendent alors dans la ville de Québec. Rapidement, on voit surgir de fortes tensions sociales.» Les autorités de Québec réagissent en réprimant les mendiants. On ordonne notamment aux commercants de leur refuser toute forme de nourriture.

Enfermez-les!

Si le 18e siècle est caractérisé par la répression, le 19e siècle est celui de l'institutionnalisation. Partout en Occident, on interne les individus déviants, notamment les gens atteints de maladie mentale, qui touche bon nombre de sans-abri.

Cette option gagne du terrain dans la province. «Une lettre de Lord Durham datant de 1838 réclame plus d'institutions d'enfermement et il y en aura beaucoup; de 1840 à 1895 environ, c'est l'âge d'or de ces institutions», affirme Mme Perrault. Cette période concorde avec l'émergence du capitalisme, qui donne davantage de liberté et d'autonomie aux travailleurs, mais qui crée plus d'exclusion sociale.

Pendant ce temps à Montréal

Malgré l'institutionnalisation, l'itiné­ rance reste importante, surtout à Montréal. «Les itinérants montréalais qui viennent de milieux ruraux perdent leur famille élargie qui pouvait les soutenir en cas de difficultés et tombent ainsi dans l'itinérance, souligne Marcela Aranguiz. Le travail plus saisonier et l'absence de filet social à Montréal expliquent aussi pourquoi tant de gens tombent dans la misère.» La justice se montre expéditive envers les itinérants qui ne cessent de croître en nombre. Elle doit appliquer

«Une lettre de Lord Durham datant de 1838 réclame plus d'institutions d'enfermement et il y en aura beaucoup.» Isabelle Perrault, criminologue à l'Université d'Ottawa

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dans la peau d'un itinérant «Mon mari m'a séquestrée et dès que j'ai pu, je me suis sauvée. Je n'avais nulle part où aller, je me suis donc retrouvée dans la rue. L'itinérance, ça a été de multiples années de sévices. Je ne quêtais pas par gêne. J'étais nourrie dans les centres et je recevais mon chèque de bien-être social à cause de mes multiples maladies. Je me sentais traitée comme de la merde par les passants, comme un problème de société.» (CPM)

Nancy, 44 ans la loi canadienne sur le vagabondage votée en 1860, qui prohibe et rend passible d'incarcération un éventail de comportements. «La magistrature traite sévèrement les itinérants, mais recommande une autre prise en charge que de les envoyer en prison, où ils séjournent pour une courte période de temps et y reviennent aussi vite, affirme Marcela Aranguiz. Les juges de l'époque estiment qu'il faut trouver d'autres alternatives.» Selon Mme Aranguiz, ce constat se reflète dans la construction du refuge Meurling en 1914 qui porte le nom de son donateur Gustave Meurling. «Ce refuge de nuit est, à ma connaissance, le premier bâti par la Ville de Montréal pour venir en aide aux itinérants, affirme-t-elle. Avant, plusieurs d'entre eux s'arrangeaient pour se faire arrêter par les autorités afin de trouver refuge au poste de police.» Au 19e siècle et au début du 20e siècle, les autorités religieuses et quelques particuliers viennent en aide aux itinérants en organisant des soupes populaires ou en ouvrant des refuges à Montréal (voir Il était une fois, la charité en page 20).

Ligne du temps Le conseil souverain de Nouvelle-France interdit de mendier sans certificat sous peine de châtiment corporel. (Première loi répressive envers les itinérants au Québec)

1676

1688

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Dans la période d'après-guerre, les institutions d'enfermement sont sévèrement critiquées partout en Occident. Au Québec, la première vague de désinstitutionnalisation des années 1960 se caractérise par beaucoup d'échecs de réinsertion. Isabelle Perrault explique que les fonds «La désinstituétaient au rendez-vous durant les années 1960, mais qu'ils ont vite manqué à l'appel tionnalisation se au court des années 1970. Sa collègue historienne à l'Université d'Ottawa, Marie-Claude caractérise par un Thifault, renchérit : «La désinstitutionnalisation se caractérise par un excès d'optimisme, mais excès d'optimisme, aussi par un manque chronique de ressources.» mais aussi par un Elle considère que beaucoup d'itinérants ont été et sont toujours échappés par l'État manque chronique à cause de ce manque de ressources. «Cela de ressources.» amène un enchaînement de problèmes allant de la santé jusqu'au logement, croit-elle. Il était très optimiste de croire que tous les gens des institutions qui étaient parfois là depuis de nombreuses Marie-Claude Thifault, années, allaient tout bonnement réintégrer la historienne à l'Université d'Ottawa société», juge l'historienne. «Il y a un point sur lequel la documentation scientifique est unanime; la désinstititutionnalisation a engendré une hausse de l'itinérance au Québec.» Les effets de ce phénomène se font encore sentir aujourd'hui; les ressources d'aide aux itinérants peinent à suffire aux besoins sans cesse croissants.

Le rapport Durham arrive à la conclusion que pour éviter les problèmes sociaux, il faut formater les jeunes à problèmes en bas âge. Pour ce faire, l'utilisation des institutions d'enfermement est recommandée.

Permission aux autorités de bannir les gens ayant des «vies errantes» de la Nouvelle-France.

1700

Création du Bureau des pauvres à Québec, chargé de délivrer des certificats de pauvreté.

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L'échec de la désinstitutionnalisation

1742 Le gouverneur Beauharnois détache des milices pendant deux mois pour arrêter les mendiants et les vagabonds dans la ville de Québec.

1840


dOSSIER dans la peau d'un itinérant «L'itinérance a duré trois mois de ma vie en 1976. Pour moi, cette situation voulait dire que personne ne voulait de moi. Je quêtais toujours en tendant la main. En essayant d'expliquer ma situation aux gens, je réussissais à me ramasser de l'argent pour aller à la Maison du Père. On me regardait avec dégoût. C'était beaucoup plus difficile être itinérant en 1976 qu'aujourd'hui.» (CPM)

Adoption de la Politique nationale de lutte à l'itinérance

Année internationale du logement des sans-abri par l'ONU

Robert, 57 ans

1987 Fondation du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)

Le ministère du Bien-Être Social est créé. Il interviendra en matière de santé et de pauvreté, mais aussi dans le domaine de l'éducation.

Les institutions psychiatriques débordent. Le gouvernement du Québec met en place des politiques pour limiter les admissions de cas psychiatriques présentant peu de risque pour la société.

1974

2014

Le gouvernement du Québec cesse de subventionner les logements sociaux.

Petit lexique de l'itinérance

1960 1970

1940

1994

Première vague de désinstitutionnalisation.

... Les Vagabond, clochard, mendiant, itinérant vivent termes pour décrire les individus qui men t les dans la rue sont multiples. Voici com ier. différenc qui vit sans Vagabond ou quêteux: individu ement adresse et sans emploi fixe, volontairge en villa de le circu bond vaga Le ou non. revenus de ce sour une ver trou se village afin de temporaire. ent et Mendiant: Personne qui vit d'argIl est

1921 1910 1920

1860

La loi sur l'assistance publique est adoptée par l'Assemblée nationale. Des établissements sont construits afin de venir en aide aux itinérants et aux malades.

de nourriture donnés par charité. habituellement sans domicile fixe, mais un contrairement au vagabond, s'associe à er. iculi part en ge villa un , toire terri it une Clochard: Terme péjoratif qui décr te à une personne sans domicile fixe, qui est sujet souvent est ard cloch Le . ation cialis déso de gran problèmes exclu du monde du travail à cause de e. giqu holo psyc ou liés à sa santé physique ire toute Sans-abri: Terme utilisé pour décr Il a xe. fi icile dom de pas n'a personne qui une connotation moins péjorative que les appellations précédentes. dans les Itinérant: L'expression apparaitord utilisée

Adoption de la Loi canadienne sur le vagabondage prohibant et rendant passible d'incarcération un éventail de comportements attribués aux itinérants.

années 60 au Québec et est d'ab la lutte à par le milieu de la prévention et de t pas de toit, l'itinérance. Décrit les gens qui n'onont un accès qui ont un revenu très faible et qui limité aux services publics. (AFHD)

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Il était une fois, la charité Lorsqu'on parle d'itinérance, on pense à la Maison du Père, La rue des Femmes ou encore le P.A.S. de la rue. Pourtant, ces organismes sont récents dans l'histoire du Québec. PAR ANNE FRédéRIQUE héBERt-dOLBEc

J

usqu'au 19e siècle, le système carcéral semble la réponse la plus appropriée pour régler le problème de l'itinérance. Cette solution était loin d'être idéale, explique Shirley Roy, professeure au département de sociologie de l'UQAM. «À la fin du 19e et au début du 20e siècle, les coûts sociaux de l'emprisonnement ont explosé. Les prisons débordaient. On s'est alors demandé comment sortir une partie de ces gens des établissements carcéraux, et on a commencé à réfléchir sur le lien entre la lourdeur de la peine et la gravité du délit commis. » Graduellement, on assiste à une prise de conscience face au phénomène de la pauvreté. «On réalise que le chômage est lié au vagabondage et que la prison nuit à la réinsertion sociale», souligne Mme Roy.

La naissance du communautaire

Entre la fin du 19e siècle et l'entredeux-guerres, les contraintes à

l'emploi sont très fortes et le chômage est en hausse. Devant l'absence de programmes sociaux, les élites religieuses et certains individus mieux nantis ouvrent des refuges pour les pauvres, tel que l'Accueil Bonneau, un précurseur dans le domaine, en 1877. L'objectif : la rééducation par les principes dictés par l'Église et la réinsertion au milieu du travail. Dans les années 60, on assiste à une transformation du rôle de l'Église au sein de la société. Les responsabilités déléguées aux communautés religieuses sont graduellement transférées à l'État et au milieu communautaire. Dans cette optique, différents regroupements veulent créer un outil de revendications qui permet d'identifier les besoins en itinérance et de porter les demandes aux instances gouvernementales. Le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) naît de cette volonté en 1974.

1987, année charnière

L'année 1987 est décrétée l'Année internationale du logement des sans-abri par l'ONU. On assiste à cette période à un développement des réponses à l'itinérance, comme le souligne Pierre Gaudreau, coordonnateur au RAPSIM. «Alors que l'aide passait majoritairement par des refuges et des soupes populaires, de plus en plus d'organismes sont créés pour

L'itinérance au féminin Longtemps, le vagabondage et l'itinérance ont été associés aux hommes. Il a fallu l'initiative d'Yvonne Maisonneuve pour que les femmes aient accès à un premier foyer d'accueil qui réponde à leurs besoins spécifiques : le Chaînon, créé à la suite de la crise économique de 1929. Devant l'accroissement du problème, plusieurs autres femmes visionnaires ont mis en place des refuges pour soustraire les femmes des risques liés à la rue. Malgré le développement qu'elles ont connu ces dernières années, les ressources d'hébergement pour femmes traversent présentement une période de crise. Depuis trois ans, La rue des Femmes, l'Auberge Madeleine et le Chaînon, entre autres, font face à une augmentation de leur fréquentation d'environ 25 %, au-delà des ressources disponibles. Par conséquent, les refuges sont contraints de refuser l'accès à un nombre grandissant de femmes. (AFHD)

répondre à des besoins spécifiques, comme l'hébergement pour les jeunes et les femmes ou le soutien en santé mentale et en toxicomanie.» En 2014, nous voilà arrivés à une période clé, selon Pierre Gaudreau. Après des années de revendications, une Politique nationale de lutte contre l'itinérance a été déposée par le précédent gouvernement, mais l'itinérance et la fréquentation des refuges sont toujours en hausse. Les organismes d'aide aux personnes itinérantes vivent d'importantes difficultés financières et peinent à répondre à la demande. «Certains organismes commencent à fermer leurs portes les fins de semaine (voir page 8). On doit travailler à ce que les actions qui ont prouvé leur efficacité soient menées, que les réponses soient bel et bien soutenues. La croissance de l'itinérance n'est pas une fatalité.»

dans la peau d'un itinérant «Dans mon cas, ça a duré un an. Je me sentais au bout du rouleau. Je ne quêtais pas, j'attendais que le gouvernement me donne de l'argent. Je trouvais les passants froids à Montréal. Les gens me laissaient là à mourir. Ils me traitaient de niaiseux, m'insultaient souvent.» (CPM)

Sylvain, 51 ans

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dOSSIER

La petite histoire du vagabond Les récits de tradition orale datant du 19e siècle qui sont parvenus jusqu'à nous dépeignent une image du mendiant qui circule de maison en maison, de village en village, pour quémander un peu de nourriture et parfois un gîte pour la nuit. Cette représentation s'est imprégnée dans l'imaginaire collectif québécois, inspirant conteurs et artistes depuis des décennies. PAR ANNE FRédéRIQUE héBERt-dOLBEc

A

u tournant du 20e, le vagabond était une figure marquante des contes et des récits qui forgeaient l'histoire et l'identité de plusieurs communautés au Québec. Le passage de ces étrangers dans un village contribuait à déjouer la routine et à forger des souvenirs impérissables. Lorsqu'il arrivait dans un village, le quêteux, pour s'identifier comme tel, enfilait un bas mauve sur sa tête, qu'il calait jusqu'aux oreilles, et se promenait toujours avec sa canne. Avec lui venaient les potins des autres villages et du voisinage.

Le spectacle du mendiant

certain point intégrés à la communauté. La charité chrétienne ordonnait la générosité. Dans plusieurs contes, le mendiant était dépeint comme un sorcier qui pouvait à tout moment jeter un sort à la famille qui lui refusait l'hospitalité. Il était aussi imaginé comme une menace pour les enfants désobéissants, associé au diable tentateur ou au Bonhomme Sept Heures.

Le vagabond était un spectacle en luimême. Dans son article Le quêteux et la société québécois -. Les rapports symboliques de l'itinérance et de la sédentarité, Lucile Guilbert raconte que «assis dans l'escalier, les enfants le regardaient installer ses draps et sa paillasse : «C'était un vrai rituel.» Cette image du vagabond se traduit dans le personnage de Jambe-de-Bois, le quêteux du téléroman culte Les belles histoires des pays d'en haut. L'homme, issu de la noblesse française, choisit d'adopter «l'honorable métier de quêteux» et vit de la charité des gens qu'il rencontre à travers ses voyages. Les mendiants, contrairement à ce qu'on peut constater aujourd'hui, étaient à un

«À force de se faire traiter de vagabond à rien...»

De la fin du 20e siècle jusqu'à aujourd'hui, la personnification artistique du mendiant prend une forme plus engagée. Le clochard le plus célèbre de la province, Sol, interprété par le défunt Marc Favreau, provoquait à l'aide de ses brillants calembours une réflexion sur la politique et la société. Ses discours visaient notamment à défaire les préjugés sur la pauvreté et l'exclusion. C'est aussi le cas du conteur Patrick Dubois, qui amorçait en mars dernier sa tournée du «Quêteux». Son objectif? Reproduire les conditions des vagabonds de l'époque, s'enrichir de rencontres à défaut de moyens et stimuler la charité et l'hospitalité chez les villageois chez qui il loge en échange de récits sur sa Gaspésie natale.

Le banc de quêteux Au 20e siècle, en échange d'histoires, le vagabond pouvait espérer de la nourriture et un gîte pour la nuit. Certaines familles, dont les portes étaient toujours ouvertes, possédaient un banc de quêteux, un meuble dont le siège et la façade se rabattaient pour former une boîte dans laquelle le vagabond pouvait dormir. Lorsqu'il passait dans un village connu, le quêteux avait tendance à toujours retourner chez les paroissiens qui l'avaient déjà accueilli. (AFHD)

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Petit café... Concept hérité de nos cousins européens, le café en attente fait beaucoup parler depuis son arrivée de notre côté de l'Atlantique. Symbole de solidarité et d'intégration, qu'advient-il du phénomène un an après son implantation au Québec? PAR VALENTINE BOURGEOIS

J

ulie Gilbert, propriétaire du café Ô deux soeurs dans le quartier Rosemont­–La Petite-Patrie, a été la première à emboîter le pas à Montréal. Depuis avril 2013, il est possible de payer un café, une soupe ou un sandwich qui pourra être réclamé plus tard par une personne dans le besoin dans son commerce. «C'est un échange qui remet sur Terre», raconte Mme Gilbert, passionnée par le sujet. Ayant déjà l'habitude d'aider les personnes dans le besoin qui se présentaient à son café, il lui semblait tout naturel d'initier le projet. Avec Fabien Torres, fondateur d'une page Facebook puis d'un site web qui répertorie les endroits qui offrent le service dans la belle province, ils espèrent joindre le plus de commerçants possible. «Si les épiceries embarquaient avec une section produits en attente, ce serait génial!», explique M. Torres dans un élan enthousiaste.

Solidarité ordonnée

En mars dernier, une soirée porte ouverte avait lieu au café Ô deux soeurs. Le débuté du NPD Alexandre Boulerice y était présent. «Si les épiceries «Prendre un café ou une soupe, c'est un bonheur qui devrait être accessible à embarquaient tout le monde», explique-t-il. Patrick Pilon, propriétaire du caféavec une section bistro Bobby McGee dans Hochelagaproduits Maisonneuve n'a pas hésité non plus en entendant parler du concept à l'été en attente, dernier. «Ça permet aux autres de profiter ce serait génial!» de ce qu'on a.» Depuis août dernier, son tableau est rarement vide. Quand ça arrive, «je l'écris sur Facebook et pendant la Fabien Torres, journée, il y a toujours quatre ou cinq fondateur de cafeenattente.org personnes qui viennent payer un sandwich.» La générosité des clients de M. Pilon ne s'arrête pas là. Un monsieur à la retraite cuisine des carrés aux rice krispies pour donner en attente.

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...va loin Une autre, employée d'une boulangerie, lui apporte les croissants de la veille qui seraient autrement jetés. Une cliente lui a même déjà apporté un pain aux pommes fait maison!

Plus que du café

Les commerçants ne craignent pas que le phénomène s'essouffle. «La société effectue un retour à la terre, un retour vers des valeurs humaines», estime Julie Gilbert. Patrick Pilon croit en la solidarité humaine. «Tant que je vais avoir le Bobby, je vais continuer, je ne vois aucune raison d'arrêter», soulignet-il tout simplement. Selon Mme Gilbert, il s'agit d'un geste «Tant que je vais d'intégration, une main tendue vers les itinérants dont elle ne s'explique pas la peur avoir le Bobby, je qu'ils suscitent chez plusieurs. «Les gens n'ont pas conscience que n'importe qui peut vais continuer. Je se retrouver dans la rue demain matin.» ne vois aucune Chez Ô deux sœurs ou chez Bobby McGee, on n'a que des commentaires posiraison d'arrêter.» tifs sur l'expérience. Si quelques commerçants ont émis la crainte de voir leur café se remplir de sans-abri, ceux qui en Patrick Pilon, ont fait l'expérience affirment que c'est propriétaire du café-bistro loin d'être le cas. Pour Julie Gilbert, «tout Bobby McGee s'est fait en douceur et dans le respect.» Selon Fabien Torres, les cafés en attente ne sont que le début d'une grande chaîne de solidarité. «On ne va plus à l'église, on peut faire une soupe populaire à la place.»

Avec le service en attente, les plus démunis peuvent se procurer gratuitement un café ou un repas payé d'avance par les clients du café Bobby McGee dans Hochelaga-Maisonneuve. Photos : courtoisie Bobby Mcgee

Photo : courtoisie Ô deux sœurs

Pour connaître les cafés en attente du Québec : cafeenattente.org

Chez Ô deux sœurs, le premier café en attente à Montréal, on comptabilise sur ce tableau les cafés et repas reçus et donnés.

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ILS HABITENT

NOS RUES.

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Camelots: Jean Guy Deslauriers Robert Ménard Franck Lambert Gabriel Bissonnette France Lapointe

Maude Guérin, porte-parole du 20e, en compagnie des camelots

PHOTO: SYLVIANE ROBINI

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les Mots De

CAMELOTS

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Si votre vie était un film...

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chEMIN FAISANt

Souvenirs, souvenirs

Par Manon Fortier

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hORS PIStE

Aider ou judiciariser les mendiants? Par Jean-Marc Boiteau

Benoît chartier camelot, métro Radisson Photo: goPesa PaQuette


LE cŒUR

SI LEUR VIE ÉTAIT UN FILM... Vous êtes vous déjà dit que votre vie était à ce point dramatique, absurde ou mouvementée, qu'elle ferait le parfait scénario d'un blockbuster hollywoodien? Avez-vous déjà visionné un film et rêvé d'être propulsé dans l'univers qui vous était présenté? Nos camelots y ont réfléchi...

Pour l'amour de Carla

L'ère de glace

Je n'écoute pas beaucoup de films, mais j'ai été marquée par Pour l'amour de Carla. C'est une femme qui est internée en santé mentale. Elle rencontre un gars comme elle, et elle tombe en amour. Ils arrivent à bâtir quelque chose. J'ai un peu retrouvé la même belle histoire dans le film québécois Gabrielle, de Louise Archambault.

Je choisirais un dessin animé. Mon préféré est L'ère de glace. Je l'ai trouvé très drôle. Je suis une grande amatrice de films et particulièrement de dessins animés. Je me rappelle qu'au début de la télévision, j'étais fascinée par les petits dessins qui bougeaient à l'écran. Maintenant, ça a beaucoup évolué et c'est encore meilleur. En plus, j'aime beaucoup ce qui traite des époques passées. Ça me donne le goût de voyager dans le temps et ça me rappelle que je viens de quelque part.

cLAUdINE BOUchER Responsable des activités de loisir

Retour vers le futur

LORRAINE SYLVAIN Camelot, métro Peel

Autant en emporte le vent

More

Si j'avais vécu dans un film, ce serait Retour vers le futur. J'aurais vraiment aimé pouvoir voyager dans le temps. Qui sait? Peut-être que j'aurais pu changer les résultats au hockey cette année.

Autant en emporte le vent, c'est un film qui m'a beaucoup marqué à l'adolescence. Ma mère me disait toujours : «T'es un romantique, Sylvain.» J'aurais aimé vivre une grande histoire d'amour comme celle-là. Mais ça n'existe plus l'amour aujourd'hui, il y a juste de la violence.

Le film More raconte l'histoire de jeunes amateurs d'héroïne. Ils en veulent toujours plus, jusqu'à la surdose. Je leur ressemble beaucoup, parce que je suis moi-même toxicomane. Je me pose toujours beaucoup de questions sur le bonheur et la souffrance de vivre. Le film que j'ai choisi pousse aussi à ce genre de réflexions.

YANNIck LAROUchE Camelot, métro Atwater

SYLVAIN cLOt Camelot, angle Saint-Denis/Ontario

ROBERt MéNARd Camelot, angle Union/McGill


1984

MISSION IMPOSSIBLE

Je choisirais le film 1984. C'est un film qui parle du pouvoir des caméras et des policiers. Moi, je me sens toujours surveillé. Même quand je vends L'Itinéraire et que je fais attention de rester sur les trottoirs, il y a des policiers qui ne veulent pas que je vende. Il y en a un en particulier qui m'a déjà donné trois contraventions. Une fois parce que je vendais le magazine dans la rue et deux fois parce que je n'avais pas de lumière sur mon vélo. La plupart des policiers sont gentils, mais il y en a qui se prennent pour Big Brother.

Ce serait un film d'aventure! J'ai eu une vie assez rock'n'roll. Je dirais Mission impossible. À l'âge de 14 ans, j'étais délinquant et je me suis retrouvé en prison avec les adultes. Quand je suis sorti, j'ai ouvert cinq maisons de crack. J'ai dû arrêter quand il y a eu une fusillade chez nous. J'ai aussi été victime de deux autres attentats. Si ça ne ressemble pas à Mission impossible, ça! Mais bon, depuis que je suis à L'Itinéraire, je suis pas mal plus tranquille.

GAétAN PRINcE Camelot, Promenade Masson

SCARFACE Scarface, sans aucun doute. J'ai consommé beaucoup de coke dans ma vie. J'ai commencé à l'âge de 15 ans. J'ai vendu de la drogue, comme le personnage d'Al Pacino dans le film. À 38 ans, j'ai rencontré la femme de ma vie. J'ai eu le coup de foudre et j'ai voulu changer. Du jour au lendemain, je suis passé d'une vie de débauche à une vie rangée. Ça va super bien depuis cinq ans.

ALEXANdRE PéLOQUIN Camelot, métro Berri

JAMES RIcE Camelot, angle René-Lévesque/De Lorimier

Le bon, la brute et le truand Si je vivais dans un film, je voudrais que ce soit un western. Il y a un bar où je vais dans lequel je ne suis pas le bienvenu, mais je rentre quand même. J'aime ça provoquer les choses. Dans la vie, il faut prendre des chances. Je suis comme le cowboy téméraire, avec son chapeau et son fusil, qui entre dans un pub où il est considéré comme un étranger.

RAOUL JOUBERt Camelot, métro Montmorency

L'Histoire de Pi

Le scorpion

L'histoire de Pi raconte l'histoire d'un naufragé, coincé au milieu de l'océan sur une petite barque. Traumatisé, séparé de sa famille, il imagine que plein d'animaux l'accompagnent dans son périple, pour rendre sa vie plus supportable. Ça me ressemble beaucoup. J'invente parfois un monde imaginaire pour dédramatiser la vie. Elle est tellement triste. Si je n'arrivais pas à me créer un autre univers dans mon esprit, j'aurais toujours envie de rester enfermé chez moi.

Le scorpion, le film avec The Rock, je l'ai beaucoup aimé. J'aime vraiment les films d'action et, dans celui-là, il y a vraiment de bonnes passes, de bonnes cascades. J'aimerais vivre dans ce genre d'univers, pour les poussées d'adrénaline que ça me donnerait au quotidien.

NIcOLAS PLOUFFE Camelot, angle Saint-Louis/Mont-Royal

RIchARd t. Camelot, métro Pla ce-des-Arts

The Road Je choisirais le film The Road, basé sur le livre de Cormack McCarty. Comme le personnage de Viggo Mortensen dans le film, j'ai souvent été sur le pouce dans la vie. Ça m'a permis de faire beaucoup de voyages, de voir du pays et de rencontrer des gens.

ANd RhéO GALL Cadillac ro ét m , ot el Cam


Mots de camelots

Le plus beau jour de ma vie

Benoit Chartier Camelot, métro Radisson

Lors de mes 18 ans, nous étions 32 personnes du village de Lac-des-SeizeÎles, à mi-chemin entre l'Outaouais et les Laurentides, pour fêter mon anniversaire. Comme on était en août, tout le monde mangeait à l'extérieur. Ma grand-mère avait fait un immense gâteau à la vanille et à la costarde, de 4 pieds par 5 pieds. Malgré cela, quand je suis venu pour me servir, il n'en restait plus. Je garde quand même un excellent souvenir de cette journée, car c'est à ce party que je me suis fait une copine. C'est également à cette occasion que j'ai fumé ma première cigarette (une Export A) et bu ma première bière (une Molson Export), sans me cacher. Enfin, j'étais devenu un Homme. Une vingtaine d'invités m'ont donné la bascule à l'aide d'une toile de tente et je montais environ 10 pieds dans les airs. J'ai eu la chienne de ma vie!

photo: Laurence Boucher

Gisèle Nadeau Camelot, métros Jarry et D'Iberville

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C'était en mars 1970; il y eut une tempête de neige énorme. Ni les autobus, ni les automobiles ne pouvaient circuler. Les écoles, les cégeps et les universités étaient tous fermés. Il n'y avait que les snowmobiles et les skidoos qui pouvaient circuler sur la neige. Tout était blanc partout sur le sol. Il y avait aussi d'immenses bancs de neige partout à voir. Je demeurais chez ma tante à Montmagny, mais je me trouvais à Québec ce soirlà. Lorsque je suis allée pour reprendre l'autobus à la gare centrale, on m'a dit que les autobus ne fonctionnaient plus. Je me suis assise sur le banc pour réfléchir à quoi faire. Tout à coup, il me vint une idée. Disons que cela était gênant pour moi, mais je me suis dit : «Je ne suis pas pour coucher à la gare.» J'ai appelé au poste de police pour voir si je pouvais coucher en prison, car je ne pouvais pas redescendre chez nous à Montmagny. Un policier est venu me chercher à la gare. Il m'a dit : «Montez Mademoiselle, mais je n'irai pas vous conduire en prison. Je vais aller vous conduire à la maison pour jeunes filles et dames en difficulté.» J'ai été hébergée à cette maison-là pendant trois jours, à cause de la tempête. Je fus très heure d'avoir eu recours à cette solution, mais je ne souhaite à personne de rester pris dans une tempête.

ITINERAIRE.CA | 1er juillet 2014

Geneviève Bois-Lapointe Camelot, métro Laurier

Je m'appelle Geneviève et je suis une nouvelle camelot. Laissez-moi vous raconter comment je suis arrivée à L'Itinéraire. Ça faisait un an et demi que je travaillais au Tim Hortons de Gatineau, mais je n'étais plus capable de toujours dire les mêmes choses, faire les mêmes affaires sous pression. Donc, j'ai décidé de déménager à Montréal le 1er février 2014. La première porte où j'ai frappé fut le Carrefour Jeunesse Emploi. J'y ai imprimé plusieurs CV et suis allée les porter un peu partout. Mais comme tout le monde le sait, janvier et février sont les pires mois pour se trouver un emploi. Alors, j'ai fait beaucoup de recherches pour être admise dans un programme d'insertion sur le marché du travail. Je suis maintenant sur la liste d'attente du Resto Plateau qui offre une AEP en cuisine rémunérée par Emploi-Québec. Du coup, je devais embarquer sur l'assurance emploi et j'ai donc entrepris les démarches qui sont un peu compliquées à mon avis. Un jour, je me suis mise à jaser avec Stéphane, le camelot du métro Place-d'Armes, et il m'a convaincue de devenir camelot moi aussi. Par la suite, Yvon m'a fait rencontrer les intervenants du journal et, depuis ce temps, je vends le magazine au métro Laurier. Je suis heureusement surprise par la réaction positive des passants. C'est pourquoi vous me voyez sur la rue, en train de ramasser quelques dollars en vendant un magazine qui contribue à améliorer la qualité de vie des camelots, à briser l'isolement et à sensibiliser les gens à l'exclusion sociale, la pauvreté et la santé mentale. Grâce à vous, chers lecteurs et lectrices, des portes s'ouvrent à moi vers un avenir stable. Merci beaucoup.

photo: philippe boivert

La tempête

L'Itinéraire  Un repère d'espoir


chemin faisant

Souvenirs, souvenirs Manon Fortier | Chroniqueuse de rue

Q

uand je pense à ma mère, des souvenirs d'enfance reviennent. Un des premiers est celui où je pleurais dans les bras de ma mère. Elle m'a assise au bord de la table. Mon père lui a dit : «Fais attention à elle.» Ma mère a répondu : «Regarde, elle rit.» Moi j'avais entendu : «A r'garde.» J'avais moins de deux ans. Aussitôt, elle a dit que je pensais au sexe. Elle a continué à le dire chaque fois que je disais «A r'garde», et ça pendant toute sa vie. Elle me maltraitait psychologiquement et physiquement. Après m'avoir donné une raclée, en me te­ nant les jambes, elle me donnait des coups de ceinture, puis m'envoyait dans ma chambre. Ensuite, elle me réveillait vers minuit pour me donner de la pizza qu'elle avait commandée. Puisque ma mère avait les moyens, ça fonctionnait aux cadeaux. Ma mère me tapait parfois aussi avec un morceau de bois avec un clou. J'ai des cicatrices dans le dos et dans mon cœur. Je ne pouvais pas en parler devant les services sociaux, sinon j'étais fessée encore plus. Ma mère avait déjà un dossier au Palais de justice, même si elle était infirmière. Certains de ses enfants étaient placés.

illustration: louis-philippe pouliot

L'amour dans tout ça

Elle était ambivalente, elle avait un côté noir et un côté blanc. Elle me réveillait aussi pour écouter le festival d'Elvis Presley vers 23 h. Je ne voulais pas le manquer. Une fois, je n'ai pas voulu me réveiller, je l'ai manqué et je pleurais. Même si ma mère me maltraitait, elle me protégeait d'un autre côté. Par exem­ple : étant enfant gauchère, j'écrivais de la main gauche. À l'école St-Jacques, on me tapait avec une règle pour ça. J'avais de la peine. Ma

mère a été à l'école et s'est fâchée. J'ai aimé cela. Maintenant, je marche sur le côté droit de la vie, tout en étant gauchère. Une autre fois, j'avais neuf ans, j'étais dans ma chambre. Il y avait un homme derrière moi, pour moi c'était comme le diable. Je me suis mise à courir jusqu'à la chambre de ma mère qui était allongée sur le lit. À ce moment, elle a sorti sa carabine et l'a pointée sur l'homme barbu, puis vers moi. Ensuite, elle a lancé la carabine et m'a prise dans ses bras. C'est à ce moment que j'ai ressenti ce que c'est que l'amour. Notre relation s'est terminée quand un de mes oncles a tué ma mère. Il donnait des coups de poing dans son estomac, elle est décédée devant moi. Je suis fière d'avoir appelé la police à ce moment-là, ce qui a permis que mon oncle soit arrêté, pris sur le fait. Deux policiers bons samaritains m'ont emmenée avec eux et m'ont mise en famille d'accueil pour me protéger. Bon boulot de ces po­ liciers, j'ai pu vivre autrement. C'était au début de l'adolescence.

La survie

Le harcèlement est souvent dissimulé habilement, qu'il soit physique ou psychologique. Il se nourrit de notre sécurité. Il a pour seul but de nous déposséder de notre identité et de notre dignité. C'est un des dommages de la maltraitance. Je sais qui je suis et je sais qui ils sont, ces gens qui aiment malmener, il y en a partout. Je ne voulais pas ressembler à ma mère. Dans la vie, que ce soit intimidation, violence, mots méchants, voies de fait, je n'étais pas destinée à les recevoir. C'est la façon dont nous gérons notre fragilité qui détermine nos points forts et nos points faibles. Il est impossible d'être à l'abri, mais grâce à des cours d'autodéfense j'ai pu trouver une certaine confiance. Quand la personne en qui vous avez le plus foi s'en prend à vous, elle détruit votre confiance. Mais j'ai espoir de pouvoir de nouveau avoir confiance.

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Mots de camelots Liberté retrouvée Bertrand Derome Camelot, Sutton

Merci Monsieur L'Itinéraire Comme je suis content de vous avoir connu. Depuis le 29 mai 2012, vous m'avez permis de faire renaître plusieurs choses en moi. La chose la plus importante est de retrouver mon identité et de me réinsérer. J'ai retrouvé mes valeurs que j'avais perdues depuis si longtemps et que je ne savais pas comment retrouver. J'ai pu récupérer grâce à vous la confiance en moi-même. Vous m'avez donné une nouvelle armure comme on en donne à un guerrier prêt à foncer. Bref, vous m'avez aidé à refaire surface comme si vous m'aviez donné une deuxième vie. J'enrichis non seulement mes poches, mais aussi mon âme et mon esprit. Étant donné que j'ai une dette envers vous, Monsieur L'Itinéraire, je vais la rembourser en continuant à vous faire connaître partout dans la ville, dans la province, dans le pays et dans le monde entier. Je ne serai pas gêné de dire comment vous avez été si bon pour moi. Grâce à vous j'ai retrouvé le Michel Dumont que j'étais, en meilleur!

photo: Jerome Savary

photo: Olivier Lauzon

Michel Dumont Camelot, métro Joliette

Pendant neuf ans, j'ai vécu dans la rue, hiver comme été. Puis, ma voie s'est éclaircie. Le salut est d'abord arrivé grâce à une marchande de la rue Laurier, là où je mendiais. Cette personne m'a aidé de plusieurs façons. Par exemple, elle me permettait de remiser mes effets personnels dans sa boutique et d'y dormir à l'occasion. L'hiver, c'était particulièrement apprécié. Également, ma bonne samari­ taine m'a introduit auprès de personnes du quartier qui m'ont confié de petites tâches à exécuter, de sorte que j'ai réussi à louer une chambre et à m'établir quelque peu. Cependant, je continuais à consommer et ma santé déclinait. C'est alors que mes parents sont venus me chercher pour me faire faire une retraite au Foyer de Charité de Sutton. Suite à cette retraite, j'ai enfin cessé de consommer. Depuis cinq ans et huit mois, je suis sobre et j'ai retrouvé la santé. J'ai aussi retrouvé la marchande de la rue Laurier qui m'a tendu la main. Cela s'est fait grâce au Zoom camelot qui parlait de moi dans L'Itinéraire du 15 mars. Ma gentille marchande a reconnu ma photo et a communiqué avec L'Itinéraire qui lui a donné mes coordonnées. Merci à ma première bonne samaritaine et à tous les autres qui ont suivi.

Mon évolution à L'Itinéraire François Gauthier Réceptionniste

Il y a maintenant cinq ans que je fais partie de L'Itinéraire. C'est par l'entremise d'un copain qui m'avait suggéré de visiter les locaux du groupe que, de fil en aiguille, j'ai commencé à vendre le magazine. L'expérience de la vente m'a permis de reprendre confiance en moi et de déve­ lopper des habiletés de vendeur. Mon point de vente au coin de Parc et de Laurier m'a fait rencontrer des gens fantastiques et, encore aujourd'hui, je pense à eux. Par la suite, j'ai pu bénéficier d'un programme gouvernemental et travailler comme distributeur. Ainsi, j'ai fait la connaissance de la majorité des camelots. À ce moment-là, je me sentais membre d'une grande famille, famille qui continue d'être la mienne aujourd'hui, puisque je travaille maintenant comme réceptionniste, au troisième étage. Mon programme ayant été renouvelé pour une autre année, je compte travailler à L'Itinéraire un an encore et, après, j'espère pouvoir voler de mes propres ailes.

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hors piste

Aider ou judiciariser les mendiants? Un confrère portait récemment à mon attention une information divulguée par une station de radio en Haïti, faisant état d'une loi qui sera votée sous peu en Louisiane. Une amende de 200 $ ou 6 mois d'emprisonnement ira à ceux qui quêtent de l'argent — une loi qui vise aussi le milieu de la prostitution — du déjà-vu au Québec et au Canada. Ça n'a pas empêché la pauvreté de proliférer! Jean-Marc Boiteau | Chroniqueur de rue

L

es pauvres et/ou mendiants, sans-abri, ne choisissent pas de vivre la vie qu'ils mènent. Beaucoup d'entre eux souffrent de problèmes reliés à leur santé mentale. D'autres encore ne possèdent pas les outils nécessaires comme l'instruction leur permettant d'occuper un travail. Prenant une pause entre deux jets d'écriture de cette chronique, je décide d'aller marcher et de profi­ ter de cette journée chaude et ensoleillée. Une femme d'imposante stature me croise dans la rue et m'interpelle. Vêtue de vieux vêtements — usés à la corde — les che­ veux gras couettés, elle me regarde tristement et déclare : «Maudite société de marde! Je demande seulement un dollar et 25 sous pour m'acheter un hamburger chez McDo, c'est pas la fin du monde. On n'est pas des animaux, on a aussi droit de manger!» Ces mendiants ont aussi droit à la liberté et quelques moments de bonheur! Ce n'est pas en les em-

prisonnant pour ne plus voir les effets de la crise sur cette partie de notre population que l'on va régler la pauvreté dans le monde. Une pauvreté générée par un système capitaliste désuet qui ne favorise que les plus riches de notre société. Parmi ses personnes victimisées, obligées de passer par-dessus leur orgueil afin de quêter pour réussir à manger, s'habiller et survivre, il y a ceux qui ne savent ni lire ni écrire. Ces démunis gênés de leur statut d'illettrés ne peuvent pas compléter un formulaire de dernier recours à l'aide sociale. Ces personnes ne vivent pas une vie de rêve comme les pri­ vilégiés de notre société. Je n'ai rien contre le fait que des gens qui ont travaillé récoltent les fruits de leur labeur, mais j'en ai plutôt contre ceux qui se permettent de voter en faveur des lois qui vont à l'encontre des droits et libertés de la personne : manger, se vêtir et se loger devraient normalement être reconnus partout dans le monde.

Encore faut-il en avoir les moyens! Ces moins nantis, comme moi, sont ceux qui portent tout le fardeau de la crise sévissant dans le pays depuis 2008. Ne bénéfi­ ciant pas de carte de crédit comme plusieurs citoyens endettés, vivant sur un respirateur artificiel. Ça ne m'empêche pas de donner un dollar ou deux, parfois cinq, à des mendiants dans la nécessité. J'inviterais la classe privilégiée, propriétaires de maisons et de véhicules à en faire autant, car pour moi investir pour aider notre communauté, c'est se respecter en tant qu'individu. Une loi comme la HB 1158 qui sera appliquée sous peu en Louisiane me choque puisqu'elle contrevient aux droits et libertés des individus. Un examen de conscience s'impose! Emprisonner ces personnes, qui méritent le respect, ou les aider? Les personnes mendiantes ont droit à leurs rares moments de bonheur dans la vie, et ce n'est pas en les emprisonnant que l'on va régler la pauvreté dans le monde.

«Investir pour aider notre communauté, c'est se respecter en tant qu'individu.»

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PUBLI-REPORTAGE

Le développement social dans Ville-Marie

Pas à pas contre la pauvreté et l’exclusion sociale L’arrondissement de Ville-Marie soutient plusieurs projets destinés spécifiquement à lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Ces projets porteurs rejoignent des groupes cibles dans des zones particulièrement défavorisées. Plein feu sur des programmes qui font la différence. L’arrondissement de Ville-Marie est un vaste territoire qui compte plus de de 84 000 habitants. Densément habité, le centre-ville doit composer avec des enjeux de cohabitation entre résidents, personnes itinérantes et autres populations transitoires – gens d’affaires, travailleurs, étudiants, voyageurs. L’arrondissement compte également des secteurs où un nombre important de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Au cours des dix dernières années, Ville-Marie a reçu en moyenne 240 000 $ par année pour des projets réalisés grâce à l’entente financière conclue entre le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Devant les besoins particulièrement aigus dans le centre-ville de Montréal, cette enveloppe budgétaire annuelle peut sembler modeste. Toutefois, elle a permis de réaliser des projets menés par des organismes communautaires auprès de personnes et de familles particulièrement vulnérables.

Une démarche centrée sur les besoins du milieu

Pour la sélection des projets et compte tenu des ressources et des moyens limités, l’équipe du développement social de l’arrondissement a choisi de privilégier la concertation avec les trois tables de quartier, des partenaires bien établis et reconnus dans leur milieu : la Table de développement social Centre-Sud, la Table interaction du quartier de Peter-McGill et la Table de

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PHOTO: 123FR.COM/TATIANABELOVA

« Nous voulons soutenir des projets susceptibles d’avoir un véritable impact sur la qualité de vie des populations vulnérables. »


PUBLI-REPORTAGE

Des projets collés à la réalité du terrain En 2014-2015, neuf projets pilotés par huit organismes ont reçu l’aide financière de l’arrondissement de Ville-Marie au chapitre du développement social.

. . . . . . . . . . . . . . . Saint-Jacques . . . . . . . . . . . . . . . Centre de pédiatrie sociale Ce projet vise à accroître la réussite scolaire et l’estime de soi d’enfants de 14 ans et moins. Centre communautaire et de loisirs Sainte-Catherine d’Alexandrie Deux projets incluant des interventions auprès de femmes immigrantes résidant en HLM. Cactus Montréal Un projet de cirque de rue auprès des jeunes itinérants dans la zone piétonnière estivale de la rue Sainte-Catherine Est. Accueil Bonneau Projet pour améliorer la gestion de l’espace public au parc Fleury-Mesplet situé près de l’organisme dans le Vieux-Montréal.

. . . . . . . . . . . . . . . Sainte-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . Centre récréatif Poupart Projet d’initiation aux arts de la scène avec des enfants de l’école Champlain. Éco-quartier de Sainte-Marie Animation de comités de citoyens du quartier. Carrefour de ressources en interculturel Formation de femmes-relais qui peuvent faire le lien entre les nouveaux arrivants et les services institutionnels et communautaires.

. . . . . . . . . . . . . . . .Peter-McGill . . . . . . . . . . . . . . . . YMCA – Projet Dialogue Travail de rue et sensibilisation auprès des personnes itinérantes du centre-ville. Foyer pour femmes autochtones itinérantes de Montréal Aide auprès des femmes itinérantes dans l’espace public autour du square Cabot.

concertation du faubourg Saint-Laurent. « Ce sont des interlocuteurs qui connaissent très bien les enjeux de leur milieu, explique Bruna Viana, conseillère en développement communautaire à l’arrondissement de Ville-Marie. Nous voulons soutenir des projets en lien avec les missions de la Ville, susceptibles d’avoir un véritable impact sur la qualité de vie des populations vulnérables. » Depuis 2012, ce sont neuf projets qui ont obtenu une aide financière. Ces projets répondent aux problématiques d’itinérance ainsi qu’aux besoins de groupes particuliers, comme les jeunes de la rue, les enfants vivant en milieu défavorisé et les femmes immigrantes nouvellement arrivées au pays. Parmi eux, trois projets permettent de bien comprendre les objectifs et les moyens utilisés par les organismes communautaires pour répondre aux besoins de leurs groupes cibles : la formation de femmes-relais offerte par le Carrefour de ressources en interculturel (CRIC), le projet Dialogue du YMCA Centre-ville et les activités sociales et d’éducation populaire développées par le Centre communautaire de loisirs Sainte-Catherine d’Alexandrie.

En appuyant des initiatives efficaces provenant des milieux concernés et formant consensus, l’Entente offre un excellent cadre d’intervention permettant de faire la différence auprès des personnes les plus démunies. Tisser des liens entre les femmes immigrantes et leur milieu de vie

Établi dans le quartier de Sainte-Marie, dans l’est de l’arrondissement, le CRIC a réalisé un projet de formation de femmes-relais afin de faciliter l’intégration des femmes immigrantes du secteur. Le concept de femmes-relais a fait ses preuves en Europe et dans les quartiers montréalais de SaintMichel et de Saint-Léonard. Dans le cadre de ce projet, les femmes reçoivent une trentaine de formations dans des domaines variés : la relation d’aide, la violence conjugale, les services de santé, l’approche interculturelle, le deuil migratoire, les droits ainsi que des formations sur la société d’accueil et les ressources du quartier. Une fois formées, avec une attestation de la Commission scolaire de Montréal en poche, elles devien-

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PUBLI-REPORTAGE

nent des agentes multiplicatrices et des interlocutrices auprès de leurs compatriotes éprouvant des difficultés d’intégration. Le projet du CRIC a bénéficié d’une subvention de 32 000 $ de l’arrondissement en partenariat avec le Centre de ressources éducatives et pédagogiques et le Laboratoire de recherche sur les relations interculturelles.

Améliorer la vie des personnes itinérantes du centre-ville

Installé au cœur du centre-ville, le YMCA Centre-ville connaît bien la problématique de l’itinérance et de la mendicité. En 1997, l’organisme a conçu le programme Dialogue, destiné à repérer et à aider les individus isolés et sans domicile fixe à reprendre confiance en eux et à prendre le contrôle de leur vie. Dans le cadre des projets de l’arrondissement en développement social, cette initiative bénéficie d’une aide financière de 15 000 $ depuis trois ans. Cette aide lui permet d’offrir des activités sportives dans des plages horaires réservées aux personnes itinérantes du centre-ville et de former des camelots pour distribuer L’Itinéraire dans l’ouest du centre-ville. Outre un salaire d’appoint qui leur permet d’améliorer leurs revenus et leur estime de soi, les camelots reçoivent un soutien psychologique. Le projet rejoint environ une centaine de personnes par les activités sportives et 25 camelots distribuent L’Itinéraire. Il bénéficie de l’aide de 20 bénévoles et du soutien non financier de L’Itinéraire, du Département de psychologie de l’Université de Montréal, de l’Armée du Salut, de Chez Doris et de la Maison du Père.

Favoriser l’inclusion de femmes de minorités ethniques allophones

Une entente à renouveler

Reconduite périodiquement depuis 2003, l’entente signée entre le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal pour contrer la pauvreté et l’exclusion sociale se termine le 31 décembre 2014. Fort des résultats probants obtenus par les nombreux organismes ayant bénéficié de cette aide financière au fil des ans, l’arrondissement de Ville-Marie souhaite qu’une nouvelle entente permette de continuer le travail.

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PHOTO: 123FR.COM/DENISPEPIN

Situé dans l'Est du secteur Saint-Jacques, le Centre communautaire de loisirs Sainte-Catherine d’Alexandrie est entouré de plusieurs HLM où vivent un certain nombre de femmes isolées et à faible revenu ayant besoin d’outils pour intégrer la communauté d’accueil montréalaise. Grâce à une subvention de 30 000 $ du développement social de l’arrondissement, un projet a été mis en place à l’intention de ces femmes. Depuis trois ans, il mise sur des activités sociales, d’éducation populaire et des cours de francisation pour briser l’isolement des participantes et de leurs familles en leur offrant un lieu d’entraide, d’échange et de référence.


BUdGEt LEItAO

La lutte à l'itinérance délaissée Le premier budget du gouvernement Couillard apporte bien peu de moyens pour que se déploie la Politique nationale de lutte à l'itinérance adoptée l'hiver dernier. Trop peu pour le logement social, moins de moyens pour la lutte à la pauvreté et rien de plus pour le soutien aux organismes communautaires. Avec son approche d'austérité, non seulement le budget Leitao fait trop peu pour contrer l'itinérance, mais pire, il risque de l'aggraver.

INFO RAPSIM

PAR PIERRE GAUdREAU | COORDONATEUR DU RAPSIM

A

près l'adoption bien reçue de la Politique nationale de lutte à l'itinérance en février, le budget 2014-2015 du gouvernement du Québec était attendu avec hâte. Quels moyens ce budget allait-il donner au premier Plan d'action interministériel qui doit être adopté pour décliner en actions la Politique en itinérance? La Politique nationale de lutte à l'itinérance adoptée avant les élections est forte. Elle reconnait la capacité des individus de s'en sortir, elle nomme la responsabilité collective face au phénomène et la nécessité d'une stratégie globale. «L'État et les pouvoirs publics ont le devoir de mettre en place des conditions visant à prévenir et contrer l'itinérance, notamment en s'attaquant aux inégalités économiques et sociales*.» À la lumière de cet objectif, le budget Leitao serait recalé : 1) Au niveau du logement social. Le budget diminue de 8 % l'investissement annoncé sous le PQ, réduisant de 3250 à 3000 unités le financement de nouveaux logements sociaux, en conservant l'affectation de 500 unités pour les sans-abri. 2) Au niveau de la lutte à la pauvreté. Non seulement aucun rehaussement de l'aide sociale est prévu, le Ministère de l'emploi et de la Solidarité sociale hérite des plus importantes compressions : 93 millions $ en 2014-2015. Le rehaussement des prestations et l'amélioration des programmes de réinsertion sont pourtant essentiels.

Le communautaire sur la paille

Le budget Leitao abandonne le rehaussement annoncé aux organismes communautaires. Celui-ci visait à augmenter sur trois ans de 120 millions $ le soutien au vaste réseau de ressources œuvrant en santé et services sociaux, dans lequel se retrouve la grande par-

tie des groupes œuvrant pour contrer l'itinérance. Des organismes tels que l'Accueil Bonneau, les ressources d'hébergement pour femmes ou L'Itinéraire, qui auraient pu bénéficier de cette aide accrue pour répondre aux besoins croissants auxquels ils font face, devront s'en passer et continuer à faire plus avec moins. Alors que pour les médecins spécialistes, le choix a été d'étaler la hausse accordée par le gouvernement précédent, dans le cas du communautaire, le gouvernement Couillard a décidé de la scrapper.

Pour quand le Plan d'action?

En février, quand la Politique en itinérance est sortie, des députés libéraux ont demandé : «Où est le Plan d'action interministériel en itinérance? Où sont les mesures concrètes?» Dans une de ses premières interventions sur le dossier, la ministre déléguée Lucie Charlebois a promis l'adoption d'un Plan d'action... au plus tard d'ici l'hiver prochain! Lors de sa première rencontre avec la ministre, le 26 mai, le Réseau SOLIDARITÉ itinérance du Québec lui a rappelé que la table était mise, les actions bien identifiées et que l'adoption de ce plan pressait. Il a aussi insisté sur la nécessité d'obtenir des moyens importants. Le premier budget du gouvernement Couillard ne répond certes pas à cet objectif pour lequel le travail devra continuer. La révision de tous les programmes et la commission sur la fiscalité annoncé par le gouvernement seront des moyens de revenir à la charge pour défendre l'investissement dans la lutte à l'itinérance. *Politique nationale de lutte à l'itinérance, p. 32

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Dignité Pauvreté

Plus de six millions de personnes à travers le monde votent pour la dignité en achetant un journal de rue. En agissant ainsi, ils participent à changer la vie de 27 000 camelots dans 40 pays, représentant plus de 120 journaux de rue différents. En retour, les lecteurs profitent d’un journalisme indépendant de qualité, tout en sachant qu’ils ont fait une différence.

Votez pour la dignité.


PANORAMA PAR ANNE-FRédéRIQUE héBERt dOLBEc

Napoléon s'offre la crypte

Nuits d'été Vous rêvez de plonger au cœur de l'Afrique? Dès le 8 juillet, la 28e édition du Festival International Nuits d'Afrique vous propose de danser au Bal de l'Afrique enchantée, de rencontrer des artisans africains au Marché Tombouctou et de déguster des saveurs typiques dans les restaurants et terrasses du quartier des spectacles. Une centaine de spectacles de musique du monde provenant de 30 pays de l'Afrique, des Antilles et de l'Amérique Latine seront également proposés.

FEStIVAL INtERNAtIONAL NUItS d'AFRIQUE Du 8 au 20 juillet 2014 festivalnuitsdafrique.com

humour choc Pour une rare fois en 185 ans d'existence, la crypte de la basilique Notre-Dame ouvre ses portes au public pour présenter plus de 350 objets d'art ayant appartenu à Napoléon 1er. Par l'architecture, la sculpture, les arts décoratifs et la peinture, l'exposition propose une incursion dans l'environnement quotidien de l'empereur et illustre l'importance de l'art dans tous les aspects de sa vie.

Le Zoofest, petit frère éclaté et déjanté du Festival Juste pour Rire, est de retour! 300 artistes de la relève provenant des quatre coins du monde se relayeront pour déranger, choquer et amuser un public qui n'a pas froid aux yeux. Le rendez-vous 60 humoristes, 60 minutes proposera un défilé de comiques qui tenteront chacun leur tour de séduire les spectateurs en une minute. Le Harry Potter Show mettra en scène des sketchs d'humour inspirés des récits du célèbre sorcier. Un cabaret illégal, façon années 30, se tiendra chaque samedi pour toute la durée du festival. De quoi sortir des sentiers battus!

LES tRéSORS dE NAPOLéON

ZOOFESt

jusqu'au 1er septembre 2014 Crypte de la basilique Notre-Dame

Du 10 juillet au 3 août zoofest.com

napoleon-montreal.ca

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Le Québec

FOU DE CIRQUE

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Depuis la fondation du Cirque du Soleil dans les années 80, le cirque est la marque de commerce du Québec à l'étranger. Pourtant, cet art fait partie de notre ADN depuis bien plus longtemps. Retour sur cette épopée acrobatique. PAR CHRISTOPHE PERRON-MARTEL

Représentation lors du Festival Montréal Complètement Cirque

orsque le cirque de l'anglais John Bill Ricketts débarque à Québec en 1798, il connait un succès inatendu. Le fondateur du premier cirque en Amérique du Nord ne devait s'arrêter que pour quelques jours dans la capitale. Le cirque se produira finalement en spectacle continu pendant un mois. Il en fera de même peu de temps après à Montréal, où le succès sera encore plus retentissant. Au cours du 19e siècle, la fièvre du cirque se poursuit au Québec. Des spectacles fort courus sont donnés notamment au jardin Guilbeault à Montréal. «Des cirques améri­ cains et anglais, omniprésents à l'époque, sont très actifs dans la province, raconte Louis Patrick Leroux, professeur en études françaises à l'Université Concordia. Les Québécois n'ont alors aucun cirque à eux bien qu'ils y participent régulièrement. Ils n'en possédaient pas les moyens de production.» À l'émission Tout le monde en parlait diffusée sur Ici RadioCanada Télé le 11 juillet 2011, le producteur du cirque Gastoni, Guy Auger, dit ne jamais avoir manqué de travail de sa car­rière. Le cirque où il œuvrait dans les années 1960 était encore, dans beaucoup de villages, le spectacle de l'année. En effet, le cirque était une des rares manifestations pu­bliques tolérées par l'Église dans un Québec très catholique, à quelques exceptions près. «À Montréal, il est arrivé que les évêques condamnent et incitent à boycotter certains spectacles de cirque, mais les gens y allaient quand même», relate Louis Patrick Leroux.

Des animaux aux acrobates

La première troupe nord-américaine de passage au Québec déploie un spectacle essentiellement équestre. Aux 18e et 19e siècles, les spectacles de cirque sont formés de numéros avec des animaux. Avec l'apparition des premières troupes québécoises, ces numéros seront progressivement délaissés au profit de performances acrobatiques. De son côté, la musique traditionnelle laissera place à une musique plus moderne.

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Le Cirque Eloize en perform

ance à Sydney, en Australie.

Photo : Reuters

Louis Cyr a cofondé le premier cirque québécois avec Horrace Barré en 1899.


Premier cirque québécois

Le premier cirque à être fondé par des Québécois est celui de Louis Cyr et d'Horrace Barré en 1899. «En plus d'avoir révolutionné l'homme fort dans le cirque, Louis Cyr connait un succès notable avec son associé, explique Louis Patrick Leroux. Ils étaient très très fiers d'avoir créé un cirque québécois.» Et ce, bien qu'ils ne pouvaient compétitionner avec les cirques anglo-saxons de l'époque. Qu'est-ce qui explique le succès du cirque au Québec? Il y a ce désir de réaliser des prouesses spectaculaires. «Je crois que de tout temps, les Québécois font de la projection avec le cirque, commente M. Leroux. Derrière le succès fulgurant du cirque au Québec, se cache le désir d'aller au-delà du possible. On tente de vivre à travers les artistes qu'on voit sur scène et même de faire partie de quelque chose de plus grand que nous.» Cette aspiration a donné naissance au Cirque du Soleil en 1984. Au-delà de ce désir des Québécois, il y a un aspect très circonstanciel au succès fulgurant que rencontre le cirque dans la province. Le Cirque du Soleil en est lui aussi l'illustration. «Le Cirque du Soleil tombe à pic dans les années 80, affirme M. Leroux. Le Québec post-référendaire vit alors dans un état de morosité politique et un climat de récession économique.» Les Québécois ont-ils fait de la projection dans l'arène sur ce qu'ils ne semblaient pas pouvoir faire dans la réalité? «On voulait voir des Québécois faire des choses extraordinaires», répond le professeur de l'Université Concordia.

Du talent à revendre

Parallèlement au Cirque du Soleil, la première école de cirque au Québec a été fondée en 1981 : l'École nationale de cirque. Elle aura indirectement contribué à la création de cirques de plus petite envergure. «Ces petits cirques, tels le cirque Éloize ou Les 7 doigts de la main, sont fort courus et offrent une vision plus large du cirque contemporain», explique le professeur. L'histoire du cirque ne s'arrête pas à ces succès. Il y a dix ans, la TOHU, seule salle permanente au monde dédiée uniquement au cirque, était fondée. Depuis cinq ans, la tenue du festival Montréal Complètement Cirque fait de Montréal la capitale du cirque. Devenue un pôle d'attraction majeure, la métropole attire les artistes de cirque les plus réputés au monde et rayonne à l'international. «Partout où je vais, que ce soit à Prague ou à Las Vegas, tout le monde me parle du Québec en abordant le cirque», confie Louis Patrick Leroux. L'historien français Pascal Jacob parle même de l'«hégémonie» du cirque québécois. Le cirque aura effectué une longue et inégale progression au Québec, de la première performance du cirque Ricketts à aujourd'hui. «On était une terre d'accueil et d'émerveillement, ensuite nous avons exporté nos talents individuels et, aujourd'hui, on exporte notre savoirfaire à 100 %», résume M. Leroux. Varekai, du Cirque du Soleil . Photo : Reuters/ Sergio Perez

La troupe Les 7 doigts de la main en représentation à Madrid

Photo : Reuters/ Juan Medina

Festival Montréal Complètement Cirque

du 2 au 13 juillet

montrealcompletementcirque.com

John Bill Ricketts, fondateur du premier cirque en Amérique du Nord qui a connu un succès monstre au Québec .

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ZOOM MédIA Depuis maintenant près de 10 ans, Zoom Média appuie le Groupe L'Itinéraire grâce à un partenariat d'affichage. «Zoom Média se fait un devoir citoyen d'aider les causes sociétales et les OBNL avec des partenariats philanthropiques que nous développons pour chaque cause», commente François-Pierre Boucher, directeur de comptes sénior chez Zoom Média. C'est ainsi que grâce à notre partenariat de visibilité avec Zoom Média, la promotion du concept des cartes-repas dans les bars et restaurants de la métropole l'année dernière fut une réussite exceptionnelle. Cette année, la campagne d'affichage s'oriente vers la promotion du magazine, qui entame sa 20e année d'existence. Un magazine dont la reconnaissance publique, les ventes, le tirage et l'appréciation des lecteurs sont à la hausse, un magazine devenu un média d'actualité incontournable et qui a dorénavant pour devise : informer, inspirer, innover. Grâce à la précieuse collaboration de Zoom Média, notre organisme peu diffuser efficacement et rapidement son message et ainsi continuer de promouvoir un magazine socio-responsable qui favorise la solidarité, les innovations sociales et le mieux-vivre en société pour les Québécois de toutes conditions. Merci à Zoom Média pour leur soutien!

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VIVRE

PAR dENYSE MONté

cEUX QUI AIMENt LES chAtS :

des intelli-gens?

Les personnes qui préfèrent la compagnie des chats sont plus introverties, plus ouvertes d'esprit et plus sensibles, mais moins énergiques et moins conformistes que celles qui préfèrent les chiens, selon une récente étude de la professeure de psychologie Denise Guastello, de l'Université Carroll dans le Wisconsin. À ces attributs s'en ajoute un, digne de faire enfler la tête de beaucoup de mères et de pépères aux chats. Plus intelligents, seraient-ils, selon la chercheure! Du moins, c'est ce qu'elle a observé chez les quelque 600 étudiants qu'elle a soumis à des tests mesurant leur quotient intellectuel. Doit-on étendre ces résultats à l'ensemble de la population amoureuse des chats? Assurément, disent les uns. Ce serait chien, disent les autres!

Verdir (avant de périr) au bureau

reau toute Enfermé dans un bu mettre un d'y ffit la journée? Il su de santé : et re rdu ve peu d'été, de t le pouvoir les plantes vertes on qui sévists de filtrer les polluan Plus ens. clo sent en milieux taux pergé vé les il, va core, au tra fatigue, le mettent d'atténuer la de gorge ux stress, la toux, les ma la pront sse au et de tête, reh n des tio tra en nc co la ductivité et nter me ug employés, en plus d'a de et r eu nh le sentiment de bo t tou : ns tro pa x au bien-être. Avis ts po e cent dragon affirmera qu es de bellegu lan de s, ée d'araign ouc valent tch mère et de caou ssement. sti ve l'in amplement pourquoi n, tie tre l'en Quant à es café des ne pas faire des paus e? pauses arrosag

(Source : Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec)

Oust! Les bebites nous chassent de notre cour, de notre jardin? Quelle vie à l'envers! Il existe pourtant des répulsifs sans danger pour l'environnement, totalement dépourvus du méchant insectifuge DEET. Un jardin composé de plantes aux parfums d'agrumes éloigne les moustiques. Suggestions : planter du basilic, du thym citron, de la mélisse, de la verveine citronnelle, de l'ail ou de la ciboulette; placer un géranium odorant, un plant de tomate en pot ou des oranges piquées de clous de girofle sur la table de patio. Imprégner les ampoules électriques d'essence de lavande avant de les allumer. Porter un bracelet antimoustiques ou placer un ventilateur près de soi éviterait également, dit-on, d'être une proie facile pour l'attaquant piqueur.

Exit les exotiques en juillet Tout le monde la connaît, elle a fait fureur ces dernières années. La baie de Goji, utilisée en médecine traditionnelle chinoise, aurait des vertus prodigieuses : anti-inflammatoire, antimigraine, antifatigue. Une merveille qui améliorerait aussi la vision, le sommeil, la digestion et quantité d'autres fonctions de l'organisme. Des propriétés thérapeutiques semblables associées à d'autres fruits exotiques tels les mangoustans, les baies d'açai et de noni, sont à prendre avec des pincettes! Les nutritionnistes recommandent plutôt de nous tourner vers les bleuets, canneberges, framboises, mûres et fraises de chez-nous, des antioxydants tout aussi précieux. L'ail, l'oignon, l'épinard et le brocoli de nos champs en regorgent également. Cet été, tout particulièrement, privilégions l'agriculture locale.

défoulement animal Les zoologues américains Martin et Chris Kratt, à l'origine des séries télévisées Zoboomafoo et Soyons bêtes, nous ont initiés au plaisir de se mettre dans la peau des animaux pour mieux les comprendre et les faire aimer. Le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke suit l'exemple de ces amants de la faune avec son exposition «Allez hop! Locomotion animale», une expérience instructive au cours de laquelle les enfants peuvent mimer toutes sortes d'animaux en sautant, grimpant, courant, se tortillant dans des tunnels ou en grimpant sur des toiles d'araignée géantes. Aux parents, quant à eux, d'imiter les frères Kratt... (Détails à : www.naturesciences.qc.ca/programmes-dactivites/calendrier/ conferences-et-sorties-scientifiques)

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Barbecue annuel tELUS Plus de 25 bénévoles de TELUS ont participé le 31 mai à la quatrième édition du barbecue du Groupe L'Itinéraire, une activité qui permet chaque année de récompenser le travail des camelots et participants aux programmes d'insertion sociale de l'organisme. Cette initiative a eu lieu dans le cadre de la Journée du bénévolat de TELUS où plus de 15 000 membres de l'équipe TELUS et leurs proches se sont retroussés les manches pour aider des organismes partout au pays. Sous le pont Jacques-Cartier, les bénévoles TELUS ont préparé et servi près de 400 repas gratuits pour les camelots, les participants aux programmes d'insertion sociale, les sans-abri et les personnes démunies qui fréquentent quotidiennement L'Itinéraire. «TELUS s'engage à bâtir des communautés saines, fortes et durables en appliquant une philosophie communautaire bien simple, mais très importante : "Nous donnons où nous vivons"», souligne François Gratton, président de TELUS Québec et des provinces de l'Atlantique.

Journée du bénévolat de tELUS

Fidèles à leur philosophie, TELUS et les membres de son équipe, actuels et retraités, ont versé plus de 350 millions $ à des organismes caritatifs et sans but lucratif et offert 5,4 millions d'heures de bénévolat au service des communautés locales depuis l'an 2000. Depuis 2005, TELUS a remis plus de 100 000 $ au Groupe L'Itinéraire afin d'appuyer ses programmes d'insertion sociale et notamment pour sensibiliser et faire de la prévention sur le décrochage scolaire et la consommation de drogue. Depuis 2006, la Journée du bénévolat de TELUS a mobilisé plus de 79 000 bénévoles qui ont participé à plus de 2 000 activités.

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CARTES-REPAS Faites un don autrement. Le Groupe L’Itinéraire, par le biais du Café L’Itinéraire, offre la possibilité à des personnes à revenus modestes de se nourrir avec dignité. Pour les modalités, consultez notre formulaire dans le magazine ou sur notre site web www.itineraire.ca

Photos: telus

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De gauche à droite : Alain Arbour, responsable du soutien aux élus, Développement social, communautaire et itinérance, Ville de Montréal; Nadia Paquet, directrice générale, Communications corporatives de TELUS; Monique Vallée, conseillère de la Ville de Montréal et membre du comité exécutif, responsable du développement social et communautaire et de l'itinérance; François Gratton, président de TELUS Québec et Serge Lareault, directeur général du Groupe L'Itinéraire.

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PAR SIMON cORdEAU, ANNE FRédéRIQUE héBERt-dOLBEc, GOPESA PAQUEttE Et PIERRE SAINt-AMOUR

dessine-moi une économie Vous êtes le genre à avoir besoin d'un dessin pour comprendre ce qu'est un système bancaire à réserves fractionnaires? Voici une BD qui fait exactement cela. Des premières sociétés à actions hollandaises du 17e siècle au krach financier de 2008, les auteurs vulgarisent les événements et les concepts qui ont formé notre système économique. Le ton est résolument critique et l'argument de fond détaille le paradoxe du néolibéralisme actuel : les profits sont privatisés alors que les risques sont socialisés. Un cadeau parfait pour votre ado qui commence à s'intéresser aux rouages du vaste monde ou pour vous-même qui cherchez toujours à savoir ce qu'est ce fameux système bancaire à réserves fractionnaires. Glossaire, index et bibliographie viennent donner un peu plus de poids à l'ouvrage en offrant des pistes pour aller plus loin. (GP)

Economix

Par Michael Goodwin, illustrations de Dan E. Burr, Les Arènes, 304 pages

LIVRES

Le vrai trudeau Pierre Elliott Trudeau, on l'adule ou on le déteste. Les souvenirs de la crise d'Octobre, du référendum de 1980 et du rapatriement de la Constitution ont gagné une dimension symbolique avec les années. On a délesté les détails en apparence anodins pour transformer ces évènements en mythes. Mais le magazine L'actualité a conservé dans ses archives ces détails qui parsèment les articles de l'époque. Sur la piste de Trudeau en est le florilège. Il nous (re)plonge dans le quotidien des appréhensions, des questionnements, des indignations et, surtout, des conflits entre nationalisme et fédéralisme. À travers les éditoriaux de Jean Paré et les divers articles, Trudeau regagne un visage concret, actuel et d'autant plus intransigeant. (SC)

Sur la piste de Trudeau : 40 ans de frictions entre deux nationalismes

Sous la direction de Jean Paré Paré, L'actualité politique/Éditions Rogers, 191 pages

Femmes de rue Paradis perdu

Qu'est-ce qui motive un adolescent à intégrer un gang de rue? Comment une jeune fille se retrouve-t-elle entraînée dans l'univers de la prostitution? Dïana Bélice, coordonnatrice du programme Sortie de secours, offre un portrait accessible et direct d'une réalité qu'elle connaît bien : les gangs de rue au Québec et le rôle qu'on y réserve aux femmes. L'auteure expose en profondeur les motivations et les nombreuses techniques d'intimidation présentes dans cet univers. Son objectif? Bousculer les idées reçues et cesser la stigmatisation et l'exclusion de ces jeunes, qui ne sont pas si différents des autres. En appuyant ses hypothèses seulement sur son expérience personnelle, Dïana Bélice demeure parfois en surface et cerne plutôt la problématique des gangs de manière anecdotique, et non académique. (AFHD)

85 pages de notes, 10 pages de bibliographie sélective, une équipe de 12 chercheurs bardés de diplômes : Alain Deneault n'a pas lésiné sur les moyens pour mener à bien cet essai, nouvellement paru, consacré aux paradis fiscaux. C'est que le sujet exigeait une étude exhaustive afin que nul ne puisse remettre en question sa crédibilité. Les faits exposés dans cet ouvrage coupde-poing sont si troublants, si scandaleux qu'aucun électeur responsable ne devrait aller voter sans l'avoir lu. Alain Deneault, avec une minutie maniaque, traque les responsables qui ont conduit le Canada à créer les paradis fiscaux dans les Caraïbes et démontre comment le Canada est devenu lui-même un paradis fiscal en adoptant une «législation de complaisance» pour attirer les investisseurs étrangers. Personne ne ressortira de cette lecture complètement indemne. (PSA)

Les prostituées des gangs de rue

Paradis fiscaux : la filière canadienne

Par Dïana Bélice, VLB Éditeur, 75 pages

Par Alain Deneault, Écosociété, 391 pages

1er juillet 2014 | ITINERAIRE.CA

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À PROPOS dE...

SUR L'été Ah, la nuit d'été a un sourire de lumière et elle s'assied sur un trône de saphir.

Le Canada a deux saisons, l'hiver et le mois de juillet. ROBERt hOLLIER

BARRY cORNWALL

Qui chante pendant l'été danse pendant l'hiver. ESOPE

La nuit d'été est comme une perfection de pensée. WALLAcE StEVENS

Les brefs étés ont souvent des printemps précoces.

L'été est une saison qui prête au comique. Pourquoi? Je n'en sais rien. Mais cela est. GUStAVE FLAUBERt

WILLIAM ShAkESPEARE

L'été qui s'enfuit est un ami qui part. VIctOR hUGO

L'été se marque non moins par ses mouches et moustiques que par ses roses et ses nuits d'étoiles…

Il y aura été éternel au cœur reconnaissant. cELIA thAXtER

ITINERAIRE.CA | 1er juillet 2014

Merci, petit Elliot Je n'ai pas eu la chance d'avoir d'enfants, mais je suis régulièrement surprise par les gestes généreux qu'ils posent parfois. Il y a quelques semaines, je prenais le métro de la ligne verte un soir de match des Canadiens. Le match venait de finir par une victoire des Canadiens, et le métro s'est vite rempli de fans un peu exubérants. Le wagon dans lequel j'étais s'est rapidement rempli de déchets de toutes sortes laissés par les fans. J'étais un peu découragé en pensant au travail que les employés du métro auraient à faire plus tard. Le wagon s'était tranquillement vidé lorsqu'on est arrivés à la station Cadillac et c'est là que je me suis rendu compte de quelque chose qui m'a fait sourire. De l'autre côté de l'allée, il y avait depuis le début un homme et son garçon agé d'environ 10 ans. Pendant que je maugréais sur la malpropreté des passagers, ce petit garçon avait pris deux sacs de son père et s'était occupé à ramasser tout ce qui traînait dans le wagon. Il avait rempli un sac de canettes et de bouteilles vides, et, dans l'autre, il avait mis tous les autres emballages. On débarquait les trois à Cadillac et, en sortant, le petit a trié à nouveau le sac de déchets pour mettre les choses recyclables au recyclage et le reste aux déchets. À la sortie, il y avait un homme qui quêtait et le petit garçon lui a donné le sac rempli de canettes et de quelques bouteilles vides. L'homme lui a fait un petit sourire complice en lançant au père : «Vous avez ben élevé votre ‘ti gars. Bravo!» Et j'étais bien d'accord. Je tiens à féliciter ce petit garçon et ses parents. Continue comme ça, mon petit Elliot.

Jolianne

MARcEL PROUSt

L'été arrive, et la vie devient facile. IRA GERShWIN

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SOLIdARIté dANS LE MétRO

Envoyez-nous vos propres histoires de solidarité ou de beaux gestes dont vous avez été témoin ou partie prenante dans le métro et les autobus de Montréal à : courrier@itineraire.ca


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Mots croisés L'itinéraire - 1er juillet 2014 1

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HORIZONTALEMENT 1. Dépareillées. 2. Lieu planté d'osiers - C'est pour bientôt. 3. Fréquentée par le tailleur. 4. Douce au cinéma - Pronom - Tête de serpent. 5. Mentent peut-être - Rongeurs. 6. Pas acquise - Échappas. 7. Démonstratif - Série de reproches. 8. Tamises - Crie dans la forêt. 9. Ne change pas de couleur - Vocables - Reine de beauté. 10. Orifice - Sous la croûte. VERTICALEMENT 1. Religieux. 2. Contre le glaucome - Note. 3. Promesses. 4. Mystère - Confident. 5. Classement d'huile - Éclat. 6. Pour s'adresser au roi - Famille italienne. 7. Diminuent le champ de vision. 8. Sont dans la classe. 9. Un peu de talc - Irlande poétique - Plus haut que ré. 10. Peut être chargé - Lion de mer. 11. Possédé - Enceintes sportives. 12. Anxieuses.

5 6 Solution dans le prochain numéro 9 4 7 HORIZONTALEMENT 4 3 1. Dépareillées. 9 Jeu réalisé par MaxwoodMedia | grille@maxwood.ca 2. Lieu planté d'osiers - C'est pour bientôt. 1 3. Fréquentée par le tailleur. NIVEAU DE DIFFICULTÉ: DIFFICILE 5 Solutions 15 juin 2014 4. Douceduau cinéma - Pronom - Tête de serpent. 5. Mentent peut-être - Rongeurs. 1 7 6 5 I N D I F F E R E N T E - Échappas. R 6. E Pas U N acquise I O N D U A L R 8 U N 7 E V V E I N E 6 5 4 7. Démonstratif - Série de reproches. E R A F L E R E N T G Crie Sdans G 8. O Tamises N F A L O- N U A la forêt. 6 1 3 Feuil1

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Vieux jardin - Mister - La fin de Florence. Faites pour dormir - Ils sont rebelles. Écorce - Vieille clef - Envoyée dans le pré. Avec style.

SOLUTION du 15 juin 2014 1

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Placez un chiffre de 1 à 9 dans chaque case vide. Chaque ligne, chaque colonne et chaque boîte 3x3 délimitée par un trait plus épais doivent contenir tous les chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre apparaît donc une seule fois dans une ligne, dans une colonne et dans une boîte 3x3.

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9. Ne change pas de couleur - Vocables - Reine de beauté. 9 1 3 10. Orifice - Sous la croûte. E NOTRE LOGICIEL 5 6 VERTICALEMENT R DE SUDOKUS EST MAINTENANT 1. Religieux. DISPONIBLE. 6 3 1 4 5 7 6 8 1 2 3 10 000 sudokus inédits de 2.92 Contre le glaucome Note. 4 niveaux par notre expert, 7 3 4 1 5 9 6 8 3 2 9 8 Fabien Savary. En vente 3.6 Promesses. 1 8 3 2 9 4 7 5 exclusivement sur notre site. 8 5 2 6 7 4 3 1 9 2 8 9 6 4. Mystère - Confident. www.les-mordus.com 7 3 9 2 5 1 8 4 6 5.4 Classement d'huile Éclat. 6 1 8 9 3 7 5 2 2 4 9s'adresser 8 7 6 3 1 au roi - Famille italienne. 6.5 Pour Solution dans le prochain numéro 3 9 6 1 4 2 5 8 7 7.1 Diminuent le champ de vision. 8 7 5 3 6 2 9 4 Jeu réalisé par Ludipresse | info@les-mordus.com 8. Sont dans la classe. 9. Un peu de talc - Irlande poétique - Plus haut que ré. 9 7 2 6 1 5 8 4 3 10. Peut être chargé - Lion de mer. 8 6 5 4 2 3 7 1 9 1 juillet 2014 | ITINERAIRE.CA 45 1 3 4 7 9 8 6 2 5 11. Possédé - Enceintes sportives. 7 4 9 2 8 1 3 5 6 12. Anxieuses. 3 5 1 9 6 4 2 7 8

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JOSéLItO MIchAUd

Les gloires de la vie J'ai consacré presque huit années à observer le deuil sous toutes ses formes, comme un prisme aux multiples facettes, et à échanger avec des individus qui lui ont fait face. À la lumière de ces échanges et de ces nombreux partages - ils se comptent par centaines -, j'ai été en mesure de constater qu'il existe parmi nous des «glorieux».

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es gens qui ont cette capacité infiniment grande de se relever, après avoir mis un ou deux genoux par terre. C'est impressionnant à voir. C'est bon à savoir. C'est tout simplement réconfortant. Ces victorieux qui se sortent des épreuves sont plus nombreux qu'on pense. Miraculeusement, des forces insoupçonnées jaillissent d'eux. La résilience fait office de bouclier devant l'adversité qui se dresse comme un mur. La vie n'est pas toujours faite de petits riens. Il y a aussi des misères. Petites ou grandes. La vie peut s'acharner et les vents se font violents. Elle mesure notre capacité à l'affronter. Nous devons lui montrer qui est le plus fort des deux, même si la force n'y est plus et que le cour-

Producteur-animateur et intervieweur marquant de la télévision – il a présenté, entre autres, On prend toujours un train pour la vie –, Josélito Michaud fait aussi carrière à la radio et dans les médias écrits. Il a été le directeur de la première édition de Star Académie et a agi à titre d'imprésario et de producteur. Troquant le micro contre la plume, et un appareil photo cette fois-ci, Josélito Michaud conserve dans La Gloire démystifiée une approche qui a fait sa marque, ce qui lui a valu de figurer au sommet des best-sellers avec Passages obligés et son récit, Dans mes yeux à moi.

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ITINERAIRE.CA | 1er juillet 2014

age nous a quittés. Cette mise à l'épreuve nous donne du fil à retordre, mais au bout du compte, plus souvent qu'autrement, la vie nous donne du ressort pour poursuivre ce parcours de vie fait ici et là de passages obligés. Au cours de la dernière année, je me suis intéressé de près au phénomène de la gloire et à ceux et celles qui réussissent à se hisser une place enviable aux sommets. J'ai cherché à mieux comprendre le profil de ces individus et ce qui les motive à vouloir toucher à tout prix le ciel et se rapprocher des étoiles pour les décrocher une à une comme des victoires sur la vie. Je me suis souvent demandé si nous avions tous la même chance au départ pour accomplir quelque chose de grand. La réponse est non. Chacun a sa route. Tracée ou pas d'avance. Chacun a son Everest à gravir. Et parfois le simple fait d'être en vie est déjà la plus grande gloire qui soit parce que nous avons eu à nous rendre jusqu'à aujourd'hui, alors qu'on croyait ne jamais y parvenir. On entend souvent dire par les plus inspirants de ce monde qu'il faut rêver grand, espérer le meilleur, viser l'excellence, ne jamais se contenter de peu et ne jamais abandonner. Facile à dire mais difficile à faire quand le ventre crie sa faim, que le cœur vaillant n'a plus l'essentiel pour battre aussi fort qu'avant et que la dignité ne peut plus exercer son plein contrôle. Quand je vois le nombre grandissant de personnes qui ont recours aux banques alimentaires du Québec parce que c'est la seule alternative à leur survie, je me dis qu'il faut faire quelque chose de grand pour elles en posant un tout petit geste, celui de donner. Donner parce que c'est «glorieux» de le faire quand on n'attend rien en retour.


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Chez Tim Hortons, si nous ne pouvons servir notre café de première qualité dans les vingt minutes suivant sa préparation, nous ne le servons tout simplement pas. C’est pour cette raison qu’à chaque nouvelle carafe que nous préparons, nous y inscrivons l’heure. De cette façon, vous êtes assurés que nous vous servons un café toujours savoureux.


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