La Casbah d'Alger, crise identitaire et renouvellement urbain.

La Casbah d’Alger Crise identitaire et renouvellement urbain

SEMAR Sonia directeur de mémoire / KOURNIATI Marilena crédit photo : Sonia Semar. Novembre 2012

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine Master 2

La Casbah d’Alger Crise identitaire et renouvellement urbain

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Remerciements

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J’aimerais remercier tout d’abord Mme Marilena Kourniati, directrice de ce mémoire, pour ses conseils et son suivi qui m’ont aidée à aborder pas à pas ce travail. Ainsi que les élèves et professeurs de l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme d’Alger et Mme Bendani, avec qui je me suis entretenue et qui ont pu me conseiller et me diriger pour mes recherches lors de ma visite à Alger.

Je remercie également Mr Rachid Abdiche ainsi que Mr Kouba, que j’ai eu l’opportunité de rencontrer à Alger, tous deux natifs de la Casbah pour leurs témoignages et la visite de la Casbah. Je remercie enfin Mr Semar Malek, qui m’a accompagnée et soutenue lors de mon voyage à Alger.

Je voudrais dire un grand merci, à ma famille et mes amis qui m’ont encouragée et soutenue tout au long de ce travail et surtout aidée à la réalisation de cette étude à travers leur regard exterieur.

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Fondation Rémy Butler -

C’est avec un immense plaisir que je présente aujourd’hui ce travail au concours du meilleur mémoire de master en architecture organisé par la fondation Rémy Butler, en espérant retenir une attention particulière sur la cause de la Casbah d’Alger.

A la suite de cette étude j’ai souhaité développer mon projet de fin d’étude en continuité avec ce mémoire, en tentant de redessiner le boulevard Khemisti dans Alger centre. Ma réponse à la problèmatique urbaine du boulevard a fortement été influencée par les nombreuses recherches de ce mémoire, non seulement sur le plan architectural et urbain mais aussi et surtout sur la société, les modes de vie et l’identité de la ville.

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Sommaire

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Introduction

Chapitre I - Analyse

du processus de patrimonialisation à Alger depuis la période de la régence.

I. Les prémisses de la notion de « patrimoine » dans la culture musulmane et sous la régence du Dey.

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5 5

II. La colonisation et l’imposition d’une vision et d’une législation patrimoniale occidentale.

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III. L’indépendance et l’émergence de la notion de patrimoine urbain : une évolution commune en France et en Algérie.

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IV. Les Grands projets de restauration – Etat des lieux

Chapitre II - Divergence d’usage et de représentation du patrimoine : la Casbah

ou centre historique d’Alger aujourd’hui.

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I. La Casbah : un trésor urbanistique, architectural et culturel sous la régence.

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II. La complexité de la relation habitant/habité ou contenant/contenu

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III. Quel avenir pour la Casbah ?

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Conclusion

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Bibliographie

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Tables des matières

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Annexes

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La Casbah d’Alger Crise identitaire et renouvellement urbain

Alger tente de renaître avec des projets colossaux, des plans d’aménagements urbains ont été votés cette année pour toute la wilaya, en termes de transports publics, de logements, de restructuration et surtout de délocalisation du port et des activités industrielles basées sur la baie dans Alger centre. La Casbah qui prend place sur la baie, s’inscrit donc dans un vaste projet de développement du littoral. « […] l’aménagement de la grande baie d’Alger, la réhabilitation du centre historique de la capitale qui passe essentiellement par la restauration du vieux bâti, mais aussi le maillage du réseau routier, constituent l’épine dorsale de ce plan stratégique ».1

En effet c’est sur la baie que se concentrent les plus importants projets de restructuration et de réhabilitation, en y injectant activités commerciales, logements, espaces verts et infrastructures. La Casbah d’Alger a toujours occupé une place stratégique sur la baie, le site a été choisi pour y implanter la ville et la citadelle qui permettait de surveiller les allées et venues depuis la mer.

Sa position géographique lui confère un confort climatique, une esthétique et un panorama exceptionnel sur la mer. Cependant la Casbah, qui a acquis son nom en référence à la citadelle (traduction arabe de casbah) est relayée au second plan. La ville coloniale lui prend son nom d’Alger et elle perd ainsi sa centralité de ville.

Même si elle est décrite par les voyageurs et écrivains comme le plus bel endroit de la Méditerranée pour ceux qui arrivent de la mer, elle est aujourd’hui au cœur d’une controverse, entre ses habitants qui la dénigrent, les autorités qui la délaissent et les associations qui tentent de la sauver. Les avis sont mitigés et ralentissent le processus de sauvegarde, que ce soit la phase d’étude ou la phase action sur le terrain.

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M. Mohamed Kébir Addou, Wali d’Alger, Assainissement de l’oued El-Harrach, réhabilitation d’immeubles et baie

d’Alger, Vendredi 25 Janvier 2013

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« C’est l’un des paysages urbains les plus justement célèbres de tout le littoral méditerranéen que la vue d’Alger pour le voyageur venant de la mer. »2

C’est en son cœur même que nous observons une rupture nette, à travers les différents évènements qu’a vécu l’Algérie, avec la colonisation comme période charnière. La rupture s’opère autant au niveau urbain, des ruelles étroites qui deviennent des avenues larges et rectilignes, qu’au niveau architectural avec des bâtiments haussmanniens déconnectés de la bâtisse mauresque. La Casbah présente une partie haute (résidentielle) et une basse (commerciale) et c’est la Basse Casbah qui crée la rupture entre la partie haute et la mer, la promenade n’y est plus fluide, et la Casbah est dépossédée d’une de ses caractéristiques les plus importantes, la vue sur la baie. La haute Casbah présente encore les caractéristiques de la ville ottomane, avec sa densité de maisons, sa myriade de ruelles et d’escaliers… Elle offre presque exclusivement des logements et quelques mosquées en son cœur, et nous trouvons à sa périphérie quelques équipements éducatifs et sportifs ainsi que culturels. Mais aujourd’hui elle est la partie la plus en danger de ruine. Le Bastion XXIII ou Palais des Raïs de l’époque ottomane, se situe dans la Basse Casbah, il est le seul bâtiment prouvant que la Casbah s’étalait jusqu’à la mer. Ainsi la basse Casbah représente l’image de l’arrivée des Français en Algérie et les destructions qui s’en suivirent.

Dans cette atmosphère de controverse et de divergence d’opinion, comment la Casbah évolue-t-elle ? Dans un pays nouvellement indépendant, qui a fêté son cinquantenaire de l’indépendance en 2012, quelle est la position du nouvel Etat Algérien face au questionnement sur le patrimoine urbain ? Quelles actions sont mises en place et dans quel but ? Et plus spécifiquement quel est le sort 2

LEYRITZ Armand, Le Domaine colonial français, tome 2, Paris, Ed. Du Cygne, 1929. Dans cet ouvrage l’auteur

affirme déjà : « la Casbah est un patrimoine culturel, d'architecture, d'histoire, d'identité et de symboles forts ». (p.

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de la Casbah à travers l’Histoire mouvementée de l’Algérie et surtout après l’indépendance.

C’est en gardant à l’esprit le contexte actuel de requalification et restructuration de la ville d’Alger que nous étudierons le sort de la Casbah à travers son processus de patrimonialisation. La notion de patrimoine en Algérie, a été l’image de plusieurs périodes distinctes au niveau politique et fut la victime en quelque sorte des évènements historiques de l’Algérie. Après avoir étudié le processus et les différentes étapes de reconnaissance du patrimoine urbain que représente la Casbah, en passant par l’analyse des acteurs institutionnels et sociaux de chaque période, nous étudierons les différents plans de sauvegarde et politiques patrimoniales ainsi que leurs conséquences sur la Casbah. La reconnaissance d’un patrimoine urbain est lourde car elle demande une étude approfondie tant au niveau urbanistique et architectural, qu’au niveau de son anthropologie sociale et culturelle. Nous tenterons alors de visualiser comment intégrer la dimension sociale et comment assurer l’intégration d’un centre historique dans la ville dite nouvelle, ces éléments qui sont indispensables à la sauvegarde d’un patrimoine urbain. Ce travail traite donc de la question du patrimoine urbain parallèlement en France et en Algérie, de son évolution et de sa définition à travers le cas de la Casbah d’Alger.

De retour d’Asie après une année d’échange c’est l’ébullition et le dynamisme de la Corée du Sud et sa forte identité culturelle aux antipodes de la culture occidentale, qui m’a fait prendre conscience de la perte progressive de l’identité culturelle qui s’opère aujourd’hui à travers le monde. J’ai pu observer à travers plusieurs voyages dans les pays d’Asie, une force culturelle et identitaire mais souvent écrasée par la mondialisation et par conséquent par un tourisme affichant parfois une culture sous forme théâtrale. C’est à la suite de ce constat que j’ai voulu étudier et surtout découvrir avec un nouveau regard, l’histoire de

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l’Algérie et comment ses traditions si fortes dans les récits, ouvrages et poèmes s’éteignent aujourd’hui au profit d’une uniformisation culturelle à l’échelle mondiale. Aujourd’hui on ne peut parler d’identité d’un pays sans parler de son patrimoine, qui vient prouver l’existence d’une culture typique. Il me parait évident que ce concept de patrimoine et de sa sauvegarde a été « imaginé », pour signifier à un moment de l’histoire, comme au moment fatidique de l’industrialisation des villes, l’oubli progressif des cultures propres à chaque nation, chaque région ou encore chaque peuple. Enfin c’est à la suite d’un voyage à Alger que l’intérêt pour la Casbah et mon désir d’y consacrer mon mémoire de fin d’étude est né.

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Chapitre I - Analyse

du processus de patrimonialisation à Alger de la période

de la régence à aujourd’hui.

Dans cette partie nous étudierons chronologiquement l’évolution ou plutôt les différentes périodes qui ont caractérisé et défini la notion de patrimoine. Nous verrons également différentes visions du terme patrimoine, en orient et en occident, comment les deux notions se rapprochent mais surtout en quoi elles diffèrent. Les trois périodes charnières de l’évolution de la notion mais également de la législation patrimoniale, sont la régence d’Alger sous les Turcs et l’apport de la culture musulmane, puis l’arrivée des Français ou l’imposition d’une culture européenne et occidentale. Enfin nous terminerons par étudier la législation patrimoniale sous l’Algérie indépendante, nous verrons qui sont les acteurs, et comment l’Etat articule ses politiques sur le patrimoine urbain. En effet l’assimilation d’un patrimoine urbain est un sujet délicat et demande un travail plus large sur l’acceptation d’un espace social.

I.

Les prémisses de la notion de « patrimoine » dans la culture musulmane et sous la régence du Dey.

La notion de patrimoine qui sera mise en avant en Algérie et telle que nous l’entendons aujourd’hui a été apportée et imposée par les Français, c’est donc une vision occidentale du patrimoine. Dans la culture occidentale, la notion de patrimoine est liée au monument qui retrace l’histoire entre autre. Il était donc vécu à travers le monument qui rappelle ou rend hommage à un évènement passé ou à un personnage important. On met l’accent sur le temps, et le passé qui est un élément presque fondateur de la notion de patrimoine en occident.

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« Le monument est une marque publique destinée à transmettre à la postérité la mémoire de quelque personne illustre ou de quelque action célèbre ».3

Françoise Choay parle d’un « art de la mémoire universel », et évoque donc toutes les cultures, ainsi selon sa définition, le monde entier considère son patrimoine comme un héritage du passé sensé remémorer et rendre hommage.

Cependant nous reconnaissons à l’Orient une vision différente du patrimoine que nous verrons dans cette partie.

Avant l’arrivée des Français en Algérie, et sous la régence (1540-1827), une notion de propriété prévalait, nous pouvons la rapprocher à celle de patrimoine par divers caractéristiques. Dans la culture musulmane et le droit islamique plus particulièrement, il existe des biens protégés par une loi d’inaliénabilité. Le « Habous » est un bien matériel, mobilier ou immobilier, inaliénable et qui obéit à la loi islamique, la condition exclusive est qu’il doit servir à la communauté et dont les revenus sont uniquement réservés à une œuvre pieuse. Nous reconnaissons alors, bien avant l’arrivée des Français étant donné que ce statut est de culture musulmane, le désir de préserver et sauvegarder des biens. Soit le habous est « l’acte juridique par lequel un bien mobilier ou immobilier est

donné par des particuliers ou par l’Etat au profit d’une œuvre charitable ou d’utilité publique »4. Tahar Khalfoune rapproche la définition du habous à celle de la domanialité publique, de par la protection de l’activité du bien habous.

Cependant ici, nous nous intéressons plus au rapprochement de la législation du habous et celle du patrimoine, en termes de protection.

Ainsi le habous bénéficie du droit d’inaliénabilité, soit il ne peut être modifié ni dans sa forme ni dans son activité ou fonction, et enfin il ne peut être vendu. Ce 3

Dictionnaire de l’académie française, Edition de 1814

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Khalfoune Tahar, Le Habous, le domaine public et le trust, Revue internationale de droit comparé. Vol. 57

N°2, 2005.

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terme est uniquement utilisé dans les pays du Maghreb à part la Libye qui utilise le terme « Wakf » comme dans les pays du Moyen-Orient.

Nous pouvons définir le habous public « lorsque le donataire du bien est une

fondation pieuse ou d’intérêt général (confrérie religieuse, mosquée, école, cimetière…) et qu’il y a coïncidence entre le moment de la donation et le moment de l’appréhension du bien »5. Cela signifie que lorsque le donataire est issu du domaine public le habous est considéré comme publique, lorsqu’au contraire le donataire est une personne physique ou une famille et qu’au moment de la donation le propriétaire ou son hériter est encore vivant, alors il est privé. De plus le bien n’est cédé qu’à la mort de toute la lignée d’héritier, et ainsi le habous obtient le statut de public. Mohamed Khoudja sous l’ordre des Colons Français, a recensé la totalité des biens habous de la Casbah durant la période ottomane. D’après cette étude la Grande Mosquée d’Alger possédait en habous ; 125 maisons, 3 fours, 107 viagers, 39 boutiques et 19 vergers. Ainsi les revenus issus de ces différents habous, permettaient la restauration de la mosquée mais assuraient également la charge des professeurs, des étudiants ou encore des fonctionnaires.

Nabila Oulebsir6, traduit les termes « monument historique » et « patrimoine » en arabe et en donne une signification totalement différente si on suit l’étymologie de ces mots. Le « monument historique » se traduirait par « vestiges ou traces » et le mot « patrimoine » par « héritage matériel et spirituel ». Nabila Oulebsir parle d’un décalage entre la perception que font chacune des cultures, orientale et occidentale, du temps qui passe et de l’Histoire. La définition ou signification du patrimoine avant l’arrivée des 5

Khalfoune Tahar, Le Habous, le domaine public et le trust, Revue internationale de droit comparé. Vol. 57

N°2, 2005.

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Nabila Oulebsir, Les usages du patrimoine, Paris, 2004

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Français en Algérie était exclusivement liée au domaine religieux, c’est-à-dire à l’Islam. La vision du patrimoine se fait donc de manière spirituelle sous la forme de la transmission de la culture, des mythes, des savoirs faire et surtout de la religion à travers les générations. L’héritage est donc considéré comme héritage immatériel, car comme nous le savons le bien matériel, dans la culture musulmane, n’est pas « vénéré » car il est considéré comme voué à disparaitre.

Le bien matériel n’est donc pas considéré comme patrimoine spirituel du fait de son état physique mais il est tout de même protégé de manière réelle.

Carte actuelle répertoriant le statut des habitations. Pdau Alger 2012

Les

bâtiments préservés avec le statut de « habous » subissent une

conservation totale, c’est-à-dire qu’aucun changement ne peut y être opéré.

Ainsi la sauvegarde de ces biens est nécessaire et indispensable si le propriétaire veut garder le statut de habous et donc jouir des avantages que lui confère le statut. L’entretien des biens habous doit intégrer le respect de son

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état, de sa forme et de sa fonction, donc aucun changement de cet ordre ne peut être opéré ou le bien perdra son statut. On comprend ici que la ruine, image du temps et du passé, jugée esthétique par le monde occidental, n’a pas de raison d’être dans la culture arabe, si le habous tombe en ruine, alors il n’est plus habous et donc plus patrimoine.

La création d’un patrimoine musulman, comme nous l’avons vu plus haut, est surtout lié à son coté spirituel, ainsi nous pouvons trouver dans certaines propriétés des styles ou des éléments architecturaux venus d’autres pays ou cultures. Nous comprenons alors que l’aspect architectural ou formel du habous doit être préservé mais que ce qui lui confère son statut est bel et bien lié uniquement à son activité au service de la communauté musulmane.

Ces biens habous ont été confisqués par l’Etat Français dès leur arrivée en 1830, et une série de lois viennent au fur et à mesure annihiler la notion de habous en Algérie. Nous avons vu plus haut que la Grande Mosquée d’Alger possédait un nombre important de habous, et les revenus issus de ces habous étaient également très élevés. L’apport financier a été déterminant dans la décision d’annexer les habous à l’administration Française en vigueur. En 1844, l’inaliénabilité du habous est abolie en faveur des Français qui opèrent de nombreuses modifications sur les propriétés. En juillet 1873, une loi abolie le habous en Algérie et donc tout le système juridique légitimant leur existence.

La période ottomane en Algérie a donc vu s’organiser tout un monde autour de la religion qu’est l’Islam. La notion de patrimoine étant d’avantage liée au transfert ou héritage de biens spirituels ou immatériels avec un regard sur le patrimoine physique abordé sous l’angle de la propriété et de la domanialité.

Nous pouvons clairement affirmer que la culture du patrimoine islamique est comme détachée ou même à l’opposé de la conception occidentale.

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II.

La colonisation et l’imposition d’une vision et d’une législation patrimoniale occidentale.

La France arrive sur les terres d’Algérie en voulant imposer un nouveau mode de vie Européen, l’Afrique du Nord sert entre autre de terrain d’expérimentation des différentes politiques urbaines imaginées en France, et permet ainsi d’étudier leurs conséquences sur la ville. Si l’expérience se révélait positive alors les politiques urbaines étaient mises en place à Paris. Ces expérimentations auront lieu en Algérie, en Tunisie et au Maroc mais nous nous attarderons sur les effets de l’imposition du style Européen à Alger, ainsi qu’à la naissance du style Jonnart ou Néo-Mauresque.

Auguste Jonnart, Gouverneur d’Algérie 1900, 1901, 1903. Wikipedia.com

Premièrement, on ne peut pas nier que l’architecture musulmane a été appréciée par une certaine catégorie de Français, on le voit avec Edmond Duthoit7, architecte et élève de Viollet-Le-Duc, qui met en avant la qualité esthétique des ornementations dans l’architecture islamique. Il est nommé architecte en chef des monuments historiques d’Algérie en 1880. Grace à cette nomination il découvre l’art islamique et commence un travail de relevé architectural, il met en évidence la qualité géométrique des motifs et leur 7

Edmond Clément Marie Duthoit (1837-1889) architecte français du XIXe siècle

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déclinaison à l’infini, il étudiera également les différentes composantes formelles

de

l’architecture

comme

les

minarets,

les

coupoles,

les

moucharabiehs…

La dépêche Algérienne, Charles Henri Petit, encyclopedie-afn.org

Les galeries de France, J. Voinot, encyclopedie-afn.org

Les ingénieurs Français sous la direction du colonel Charon8 étudieront de près les maisons de la Casbah en termes techniques, c’est-à-dire leur résistance aux séismes et leur performance face au climat, laissant de côté tout élément architectural issu de la religion musulmane ou de la culture maghrébine. Le colonel Charon adresse à la suite des études architecturales, une lettre au

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Colonel Charon directeur du génie en Algérie nommé en 1880

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gouverneur d’Algérie Bugeaud sur les dispositions à prendre quant à la construction de la nouvelle ville coloniale. « […] premièrement, d’éviter, autant que possible, de percer des rues du nord au midi, et, dans le cas où les communications exigeraient qu’on leur donnât cette direction, de les onduler de manière que l’un des côtés de ces rues puisse toujours projeter assez d’ombre pour garantir des ardeurs du soleil ceux qui auraient à les parcourir […] » « Sous le rapport de la solidité des constructions et sous celui de la sureté des habitants, en raison de la probabilité des tremblements de terre, les édifices et les maisons devraient être peu élevés. »9

Ainsi Charon insiste sur le fait qu’il est nécessaire que les ingénieurs fassent un état des lieux de la Casbah, il met en avant le fait que la maison arabe est extrêmement bien pensée et est parfaitement adaptée à son environnement.

Cependant ces conseils avisés ne seront pas pris en compte dans la création de la ville coloniale car la ville arabe et son urbanité sont jugées sans intérêt et surtout non pensées. En effet ses petites ruelles entrelacées ne vont pas avec la conception grandiose des percées et des avenues à la Française. Les premières interventions sur l’habitat seront d’usage, en effet les maisons seront vidées et mises à la disposition des exigences françaises, ainsi on y installe des hôpitaux ou encore des casernes. Et ces maisons modifiées au profit des activités françaises, seront les seules maisons légitimes et préservées ou entretenues dans la Casbah. Même si le Colonel Charon appelle à un respect et une étude approfondie, les actions sur le terrain seront complètement à l’opposé de ses prescriptions.

9

Picard Aleth, Architecture et urbanisme en Algérie. D'une rive à l'autre (1830-1962), In: Revue du monde

musulman et de la Méditerranée, N°73-74, 1994. Figures de l'orientalisme en architecture

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Jean-Charles Humbert, Avenue de l’impératrice, algeroisementvotre.com

L’architecture et l’urbanisme mis en place seront européens, afin de marquer un renouveau dans le pays, et mettre en avant la force française. Même si plusieurs ingénieurs comme Charon veulent protéger ou du moins arrêter les démolitions de la Casbah, les autorités civiles, politiciens, administration… auxquels ils font face demanderont une modernisation rapide quitte à détruire certains éléments de la casbah ou de la ville traditionnelle au profit de la ville moderne coloniale. La première partie de la colonisation se fait donc sous les traits de l’imposition d’un style architectural européen dans un environnement opposé à celui de la France.

Rue dans Alger Centre. Photo Sonia Semar.

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Rue dans Alger Centre. Photo Sonia Semar

C’est donc le style Haussmannien qui sera adopté et érigé à Alger, symbole de la modernité à la française. La seconde période qui arrive avec la naissance d’une première génération de Français nés en Algérie, marque l’avènement d’une crise identitaire. Les Français nés en Algérie ont donc besoin de créer leur propre identité issue d’un mélange entre la culture arabe et française. En 1905 est créé le « comité du vieil Alger » avec à sa direction E.D De Grammond, pour dénoncer les actes de destruction sur les maisons de style mauresque ainsi que tous les éléments représentatifs de la culture arabe. Le comité voit le jour plus de 70 ans après la colonisation et la série de destructions dans la Casbah. Ceci s’explique peut-être par la prise de conscience de la perte de la culture arabe, car l’Alger moderne et français n’est que l’image de la ville française et laisse le vieil Alger ou la Casbah aux musulmans, enserrés dans ses limites.

En effet, on remarque que l’intérêt pour l’architecture mauresque renait avec l’arrivée d’Auguste Charles Célestin Jonnart10 qui devient gouverneur général en 1903, et qui aidera à la création du comité du vieil Alger. Grâce à ce poste il impose aux architectes des bâtiments publiques qui seront créés à Alger un style architectural particulier.

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Auguste Charles Célestin Jonnart (1857-1927) Homme politique Français. 3 fois Gouverneur Général de l'Algérie en (1900-1901, 1903-1911, 1918-1919) et qui a permis une mixité culturelle entre l’Algérie et la France.

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Maison particulière, Alger centre. Photo Sonia Semar

La Grande Poste, Voinot et Toudoire, 1910, Alger centre. Patrick Gruban, Wikipedia.com

La Grande Poste, intérieur néo-mauresque. Photo Sonia Semar

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Le style néo-mauresque se veut un mélange subtil entre les deux cultures, européenne et musulmane ou algérienne, étymologiquement le néomauresque est le renouveau du style mauresque. Le style qu’on appellera par la suite, style « Jonnart » est donc une architecture contemporaine ou européenne avec un vocabulaire traditionnel algérien, en effet les bâtiments d’activités nouvelles, telle que la Grande Poste ou l’Hôtel de Ville, sont érigés afin de mettre en avant une complicité ou une « arabisation » de l’architecture afin de rendre la colonisation peut-être plus douce. En effet la France apporte la modernité dans ses édifices, à travers la création de bâtiments publics et leur enveloppe bénéficie d’une architecture mauresque afin de ne pas rompre avec la culture maghrébine. Les architectes de cette époque et sous la direction de Jonnart, ont donc œuvré à la réalisation d’édifices nouveaux et surtout uniques au monde.

Medersa Thaalibya, Henri Petit, Casbah d’Alger, algeroisementvotre.com

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Porte de la Medersa Thaalibya, Henri Petit, Casbah d’Alger, photo Lamine B. vitaminedz.com

Ensuite à partir de 1920, les terres colonisées du nord de l’Afrique servent de terrains d’expérimentations pour des techniques de construction nouvelles qui seront adaptées en France, si elles s’avèrent réussies. Après plus d’un siècle d’occupation, la troisième génération de Français nés en Algérie considère donc ce pays comme le leur.

Immeuble-pont Burdeau, Pierre Marie, 1952, Alger, photo Sonia Semar

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A l’occasion de ce centenaire, les Français entreprennent plusieurs projets afin de marquer ces années de colonisation et pour cela plusieurs architectes français et européens arrivent à Alger pour étudier l’architecture néomauresque. Ce sont Le Corbusier11 et Roland Simounet12 (qui a fortement influencé par Le Corbusier) qui redécouvriront la Casbah et ses maisons mauresques sous l’œil de l’architecture moderne. Le Corbusier visite la Casbah en 1931 et qualifie l’urbanisme de cette dernière de « parfait ». « L’un des lieux le plus beau d’architecture et d’urbanisme »13

L’architecture en place dans les années 30 en Algérie est donc moderne tout en alliant une architecture décorative de style traditionnel lié à l’environnement méditerranéen. Même si Le Corbusier voyait ses voyages en Algérie comme la clé à la réalisation de ses grands projets, il ne construira pas en Algérie, cependant il influencera beaucoup d’architectes qui eux construiront à Alger, comme la réalisation de l’immeuble pont Burdeau par Pierre Marie en 1952. Ou encore l’ « Aéro-Habitat », qui prend en référence l’unité d’habitation de Marseille, par les architectes Louis Miquel, Pierre Bourlier et José Ferrer-Laloë, tous nés en Algérie.

1866 / 63 000 habitants : 50 000 Européens et 13 000 musulmans.

1906 / 170000 habitants : 130 000 européens et 40 000 musulmans.

1926 / 270 000 habitants : 190 000 Européens et 70 000 musulmans 1948 / 480000 habitants : 250 000 européens et 230 000 musulmans 1954 / 580 000 habitants : 280 000 européens et 300 000 musulmans

11

Le Corbusier ou Charles-Édouard Jeanneret-Gris (1887-1967) parle de la Casbah dans ses voyages d’Orient.

12 Roland Simounet, architecte Né en Algérie (1827-1996) il réalisera une cinquantaine d’édifices en Algérie.

13 Collection Particulière Le Corbusier, Lettres à Jean de Maisonseul, 1931

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Aéro-Habitat, Louis Miquel et José Ferrer-Laloë, 1952 Alger. Skyscrapercity.com

Dans les années 1950, les architectes tentent alors de répondre aux exigences de l’identité algérienne et la première Agence d’Urbanisme Française avec P. Dalloz et G. Hanning est créée en 1954. Leur but étant de proposer une stratégie générale visant à maitriser l’urbanisation de la ville et son impact sur le paysage algérien. Mais le plan de Constantine de 1958, annihile les ambitions de l’agence à la vue des derniers évènements politiques. La France tente de proposer un terrain d’entente à la vue de la montée en puissance du FLN 14, à travers la création de logements pour les populations musulmanes, la distribution de terres agricoles, la scolarisation des enfants… Avec ce début de projets colossaux, soit la création de 50 000 logements par an, de nombreux architectes tentent de renverser la tendance des grands ensembles, en proposant un habitat adapté et méditerranéen.

Le FLN s’impose pendant la guerre d’Algérie à travers plusieurs attentats. La bataille d’Alger se déroule pendant l’année 1957, lorsque le Général Massu se voit attribuer les pleins pouvoirs pour faire régner la paix à Alger. La bataille met en scène les partisans du FLN, et la 10ème division du Général Massu. Les

14

FLN : Front de Libération National, groupe de personnes œuvrant à l’indépendance de l’Algérie.

19

membres du FLN mettent en place la zone autonome d’Alger dont les réunions se déroulent dans la maison de Yacef Saadi 15, dans la Haute Casbah. C’est luimême qui met également en place le fameux « réseau bombes » composé de femmes d’origines française et algérienne. Ainsi nous assisterons à plusieurs explosions dans la ville européenne orchestrées par Yacef Saadi. Ce sont les explosions du 30 septembre 1956 dans deux restaurants qui annoncent le commencement

de

la

Bataille

d’Alger.

Cependant

des

délégations

internationales sont organisées afin de régler les problèmes existants et de trouver un terrain d’entente. C’est le détournement d’un avion transportant des membres du FLN et leur arrestation par l’armée Française, qui annihilera tout espoir d’un règlement politique. Le 7 janvier 1957, le Général Massu dirige la division de parachutistes mais aussi la police urbaine et judiciaire, les différentes équipes espionnes et bien d’autres groupes armés. Les membres du FLN ripostent avec une série d’attentats à la bombe, un appel à une grève de 8 jours à la vue de l’arrivée d’une délégation de l’ONU. Cependant la grève est arrêtée de force par la division de parachutistes du général.

Les militaires Français entreprennent alors des patrouilles dans la Casbah, la fouille des entrants et sortants… Un garde se poste devant chaque immeuble et contrôle l’identité de ceux qui entrent ou sortent afin de trouver les clandestins ou maquisards venus à l’appel du FLN. La mise en place d’un couvre-feu permet à l’armée Française d’user de différents moyens de tortures, d’enlèvements et d’exécutions. Des centres de détentions sont créés mais, le nombre et la situation sont inconnus. C’est à l’arrestation de Yacef Saadi, le 24 septembre 1957 et la mort d’Ali La Pointe16 le 8 octobre que le FLN s’éteint. Ce dernier meurt dans l’explosion de sa cachette, rue Abdérames dans la Haute Casbah,

15 16

Yacef Saadi (né en 1928), Chef de la zone autonome d’Alger soit la Casbah pendant la guerre d’Algérie Ammar Ali, dit Ali la Pointe (1930 - 1957) combattant du FLN, engagé par Yacef Saadi.

20

grâce à la complicité d’un ancien membre du FLN retourné par l’armée Française.

La Casbah a donc été le siège de la zone autonome d’Alger, avec à sa tête différentes personnalités algériennes, des étudiants, des femmes mais aussi des Français. La Casbah porte alors la défaite de cette bataille d’Alger, même si l’organisation du front de libération s’est opérée dans ses rues. Plus tard le 18 mars 1962, un cessez le feu est signé sous les accords d’Evian puis l’indépendance le 5 juillet, qui ouvre les portes de la ville à la population musulmane de la Casbah, ainsi les habitants descendent dans les rues de la ville coloniale pour manifester et par la suite occuper les lieux.

En conclusion, la colonisation a tenté d’écraser une culture méditerranéenne, arabo-musulmane afin de mettre en avant l’érection du pouvoir occidental et moderne. Il est cependant notable qu’à partir des années 1900, le regain d’intérêt pour l’architecture mauresque permet de faire revivre en quelque sorte une identité perdue ou plutôt cachée dans la Casbah et dans la culture musulmane. De nombreux architectes ont œuvré à la réalisation de bâtiments respectant l’identité du lieu mais l’urbanisme ou la ville arabe, la Casbah, ne sera pas prise en compte et ne servira en aucun cas de modèle au développement de la ville française. Les actions seront basées sur une étude architecturale de la maison arabe et de ses avantages techniques, sans jamais l’intégrer dans un processus urbanistique de développement de la ville.

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III.

L’indépendance et l’émergence de la notion de patrimoine urbain : une évolution commune en France et en Algérie.

Scène de liesse pour l'indépendance de l'Algérie, Alger, le 5 juillet 1962. Humanite.fr Défilé devant la Grande Poste d’Alger

La définition du patrimoine n’a cessé d’évoluer au cours du temps et des évènements, depuis les années 70 nous nous attardons justement sur le phénomène de patrimoine urbain notamment en France. En effet le patrimoine peut à la fois définir un bâtiment, un ensemble de bâtiments mais aussi un ensemble urbain, c’est ici que la sauvegarde prend un tout autre aspect. Les plans de sauvegarde doivent maintenant jouer avec l’aménagement du territoire, la liaison entre le patrimoine ou centre historique avec la ville dite « nouvelle » et adopter une politique stratégique de sauvegarde. C’est-à-dire qu’on ne se cantonne plus à la restauration basique à l’état d’origine, mais travaille sur un inventaire et un état des lieux de l’ensemble urbain, en répertoriant monuments, rues, parcs… et en proposant une stratégie d’ensemble, même si, pour le bon déroulement du projet de sauvegarde, certains éléments doivent être abandonnés afin de préserver le site dans sa majeure partie.

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D’un point de vue historique, la notion de « patrimoine urbain » a été utilisée la première fois par G. Giovannoni17, architecte italien du XXème siècle. C’est la première fois qu’un architecte parle du patrimoine urbain en lui attribuant une valeur d’usage, c’est-à-dire à usage d’habitation, de commerces… en résumé un lieu de vie sociale et une valeur historique, soit avec la légitimité de rendre compte d’un passé historique commun. Ainsi le patrimoine n’est plus un objet d’art, dépourvu de « vie » mais un objet en perpétuel mouvement, il devient donc espace de vie. Selon lui, la valeur architecturale et urbaine de l’ensemble a autant d’importance que la culture et l’identité de sa population. Il note que la ville qui est en marche, celle de l’ère industrielle, sera une ville en mouvement, forte de communication, de changements, de voyages… Il utilise alors la notion de « réseaux » pour définir ces axes de communication qui se dessinent, et rend compte d’une nouvelle échelle plus importante que celle de la ville, qui est celle du territoire. La ville industrielle s’inscrit dans un réseau plus grand et fait partie d’un aménagement territorial d’ensemble.

Par la suite, et au fur et à mesure de ses études sur les tissus urbains anciens ou villes anciennes, Giovannoni adopte un positionnement nouveau sur le devenir de ces villes. En effet l’architecte, conscient des mutations urbaines qui s’opèrent en ce moment, soit l’industrialisation et surtout l’uniformisation des villes, préconise de penser la ville industrielle ou « nouvelle » en collaboration étroite avec les tissus urbains anciens. La ville ancienne doit donc être intégrée à un vaste plan d’aménagement. Même si Gustavo Giovannoni fut le premier à utiliser le terme, celui-ci ne sera pas mondialisé et reconnu en son temps. Ce n’est qu’en 1962, qui est également l’année de l’indépendance de l’Algérie, que l’Etat Français prend en charge les actions sur la sauvegarde du patrimoine

17

Gustavo Giovannoni (1873-1947) architecte et ingénieur Italien.

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urbain, avec la Loi Malraux18. Elle protège les sites ou ensembles urbains de la démolition, technique de la table rase adoptée pour venir à bout de l’insalubrité, et marque la prise de conscience que la sauvegarde ne se cantonne plus au monument mais s’étend à son ensemble urbain. « Les centres urbains sont témoins dans les années 1960 de nombreux réaménagements destinés à y faciliter la circulation, et à y introduire de nouvelles surfaces de bureaux, de commerces et de services. André Malraux prend rapidement conscience de ce que cette vitalité urbaine signifie pour l’intégrité des quartiers historiques des villes. Il accorde une attention privilégiée aux abords des monuments qui méritent à ses yeux d’être protégés et met en place pour y veiller une nouvelle section de la commission supérieure des monuments historiques ; il va plus loin encore en faisant adopter la loi du 4 août 1962 sur les secteurs sauvegardés qui prend en compte l’existence d’ensembles urbains cohérents et organise leur mise en valeur. Le premier secteur sauvegardé concerne la ville de Sarlat en Dordogne qui a conservé quasiment intacts le tracé de ses rues médiévales et l’élévation des façades de ses hôtels construits à la Renaissance.»19

A travers la définition classique du patrimoine, on comprend qu’il est un héritage historique appartenant à la collectivité, il symbolise un lien entre les générations passées, présentes et futures, il est donc d’intérêt publique. Avec la définition de l’Unesco, le patrimoine prend un sens universel et s’adresse aux populations mondiales, ainsi le patrimoine national ou encore régional est relayé au rang international. Ainsi le processus de patrimonialisation est un processus de reconnaissance d’un ensemble urbain en tant qu’héritage et que bien collectif. Le fait d’utiliser le terme « collectif » n’est pas anodin, la reconnaissance de la Casbah en tant que patrimoine n’est pas d’avis général, et 18

Loi Malraux du 4 aout 1962 : législation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la

France qui tend à faciliter la restauration immobilière 19

Source: communiqué de presse «50 ans de culture», site électronique du Musée du Louvre.)

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laisse place à une incompréhension au regard des pratiques des habitants sur leur propre habitat. « La conversion de la ville matérielle en objet historique a été provoquée par la transformation de l’espace urbain consécutive à la révolution industrielle ». 20

La naissance de la prise en considération du patrimoine national en Algérie est à mettre en relation avec le patrimoine en France. En effet les deux pays intimement liés ont connu un regain d’intérêt pour le patrimoine après l’indépendance de l’Algérie, d’un côté les Français redoutent la période d’industrialisation et d’uniformisation des villes et de l’autre les Algériens, après leur indépendance, recherchent une identité culturelle perdue ou enfouie sous 130 années de colonialisme. La notion de patrimoine urbain se développe donc au cours des années 1970, et est prise en compte dans les études urbanistiques.

« La conservation visait autrefois à redonner leur apparence d’origine aux biens considérés comme ayant une valeur patrimoniale, la mise en valeur se donne aujourd’hui, pour objectif de maintenir leur signification dans le cadre de leur contexte social et historique, que cela exige ou non la survie de tous les éléments signifiants» 21

D’un point de vue plus général, le centre historique ou patrimoine urbain, s’il est reconnu en tant que tel, devrait faire partie intégrante de la stratégie d’aménagement et du plan d’urbanisme de la ville. Il devra être pleinement intégré aux activités économiques et sociales de la ville dans sa globalité. Dans la réalité, et dans un pays en voie de développement ayant tout juste gagné son indépendance, l’assimilation du patrimoine urbain est compliquée.

20 21

Françoise Choay, l’allégorie du patrimoine, Seuil, 2007 François Charbonneau et Marie Lassard, La gestion du patrimoine bâti dans une perspective

urbanistique, le cas de Puebla, L’urbanisation des pays en développement, Ed economica ; 1991.

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Au réveil de la libération, la ville d’Alger tente de recoller les morceaux de son territoire, la ségrégation et les séparations physiques entre Européens et Musulmans étaient telles qu’on le ressent dans le développement même de la ville, la Casbah a donc été la première à subir le colonialisme. La basse Casbah est rasée, des percées y sont réalisées et les bâtiments haussmanniens érigés pour accueillir les Européens, même si la stratégie urbaine adoptée était en avance de son temps, et amenait Alger au rang de capitale d’Afrique la plus moderne. Les colons se rendent vite compte que la Casbah ne pouvait être à la hauteur des espérances de la ville moderne, très vite ils dépassent ses fortifications pour investir au-delà de ses limites. Ainsi les populations se séparent, les Européens dans les bâtiments Haussmanniens et les Musulmans dans la Casbah. La Casbah acquière aujourd’hui (la Haute en l’occurrence) une image identitaire, elle représente une identité nationale sous forme alternative.

A travers cette ségrégation la population de la Casbah développe une organisation, à travers différentes techniques d’entretien, des commerces… ce qui renforce la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance à la Casbah.

Le processus de patrimonialisation met en scène divers acteurs dont les statuts sont plus ou moins capables d’influencer ce processus. Pour résumer la situation, la Casbah est, pendant l’occupation française,

la demeure des

Musulmans. Puis à l’indépendance, les Français rentrent en France et les Musulmans quittent la Casbah pour le luxe moderne des habitations françaises.

La Casbah privée de son cœur qu’était sa population abrite désormais des populations venues des campagnes à la recherche d’une vie citadine et qui profitent de la Casbah comme porte d’entrée d’Alger.

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Bâtiments en ruine et utilisations des ruines par les habitants comme déchetterie. Djaffar Lesbet LA

CASBAH : un Patrimoine Cassé, nov 2009

.

Café des Sports, dans la basse Casbah. Respectivement 1975, 1980 et 1995. Djaffar Lesbet LA CASBAH : un

Patrimoine Cassé, nov 2009

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Café des Sports aujourd’hui. Photo Sonia Semar

La Casbah reste cependant dans les discours et est au cœur de la question du patrimoine urbain et de l’identité de la culture arabe, ainsi de nombreux acteurs viendront activer la recherche sur le patrimoine, la restauration et la renaissance de cette identité perdue. Nous distinguons trois échelles ou trois institutions dans la course à la sauvegarde. Les acteurs institutionnels ont le pouvoir décisionnel sur toutes les actions sur le devenir de la Casbah. Ce sont toutes les institutions d’Etat, soit la Présidence, les ministères reliés, la Wilaya, la Mairie…

Ils ont un pouvoir absolu de décision sur le plan de sauvegarde mais également sur les autres acteurs. Ensuite viennent les ateliers, ou structures étatiques, dont nous parleront plus loin. Ces ateliers sont donc en charge de produire une étude, des plans et de mettre en œuvre les actions sur le terrain. Enfin viennent les associations, ou organismes de la société civile, militant pour la sauvegarde et la sensibilisation au patrimoine.

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Mais on se rend vite compte que l’avancement reste faible, en effet les premières études sur la nécessité de sauvegarder la Casbah ont débuté en 1970.

Pdau alger 2012

LE COMEDOR - Comité permanent d'étude de développement, d'organisation et d'aménagement d’Alger -

Le comité voit le jour en 1970 sous la direction du président de la république Houari Boumediene. Il a pour but de réaliser des études d’aménagement et d’urbanisme de la ville d’Alger et analyser les conséquences de son extension.

Cinq ans d’étude auront servi à mettre en place le premier plan produit par le comité, le Plan d’Orientation Général, P.O.G pour le développement de la wilaya à l’horizon 2000. Dans cette étude, nous trouvons non seulement une proposition sur le développement futur d’Alger mais également un plan de rénovation et de restructuration de la Casbah. C’est donc la première fois que la Casbah fait partie d’un plan d’ensemble, c’est-à-dire de l’agglomération entière.

C’est à ce moment que différents organismes sociaux ou associations naissent afin de préserver la Casbah.

Le plan de sauvegarde P.O.G est étudié selon deux axes principaux qui permettent de répertorier, trier et restaurer les bâtiments de la Casbah mais également de sensibiliser les populations et les professionnels de l’architecture,

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de l’histoire et de l’urbanisme à la cause de la Casbah. Dans un premier temps l’action est de répertorier chaque bâtisse et d’en faire une fiche technique présentant son intérêt de sauvegarde, ainsi tous les éléments ne présentant aucun intérêt historique seront détruits afin d’apporter une respiration dans la Casbah et concentrer les efforts sur l’essentiel. Dans un deuxième temps la Casbah devra être inscrite au patrimoine national afin de prouver la nécessité de sa sauvegarde et de sa protection.

Mais au moment de la publication du P.O.G les réactions ne furent pas unanimes. Entre les partisans de son inscription au patrimoine et un avis tranché avançant que la Casbah est un problème et un frein au développement de la ville, la mise en pratique du plan est discutée et donc repoussée.

En effet la Casbah est perçue, par une partie, comme un espace à problèmes, souffrant d’insalubrité et de violence, elle représente le point faible d’Alger.

Mais ceux intéressés par sa sauvegarde et l’étude présentée par le Comedor, la juge comme patrimoine, symbole de l’Histoire d’Alger, mais également comme un espace urbain unique.

Le P.O.G est approuvé en 1975 et remis en cause en 1979, malgré la production de plans de sauvegarde. Le Comedor est affaibli par une défaite après des années de travail et de lutte pour la reconnaissance de la Casbah comme cœur historique de la ville d’Alger et comme patrimoine national. En 1979, le comité se verra changé de direction, il sera désormais sous la tutelle du ministère de l’Habitat, qui n’assure pas sa survie.

Avec le refus de mise en place d’une action concrète pour la sauvegarde de la Casbah, nous comprenons les limites du désir de reconnaissance et de la capacité du gouvernement à mettre en œuvre un vrai plan d’action sur le terrain. Avec le changement de tutelle et les changements politiques le plan de sauvegarde est constamment remis en question et sa mise en pratique est stoppée.

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ATELIER CASBAH

Cet organisme est à l’origine destiné à la seule restauration du Palais du Dey, situé dans la haute Casbah. Le Palais du Dey, étant la Citadelle d’Alger. Mais le projet s’étend et prend un tout autre objectif, même si les actions menées ont commencé par des « missions d’urgences », c’est-à-dire la consolidation ou renforcement structurel de certaines bâtisses menacées de ruine ainsi que le relogement des familles sinistrées, on se rend vite compte que le projet de sauvegarde est délaissé au profit de la question du logement à Alger. En effet de nouvelles cités d’habitations sont créées en périphérie de la ville afin d’accueillir les habitants de la Casbah afin, non seulement de faciliter les travaux dans la casbah et sur les demeures mais également parce que l’insalubrité et les conditions de vie deviennent trop dures. Les différentes cités se trouvent du côté de Bab Ezzouar ou Dely Brahim ou dans des villes proches. Même si le travail effectué se retrouve être une réponse à la crise du logement et une forme de lutte contre les mauvaises conditions de vie dans la casbah le résultat reste le même, la Casbah est abandonnée.

Nous comprenons alors que le travail est surtout axé sur le relogement plutôt que la réhabilitation. Un plan d’aménagement et de revalorisation de la Casbah est voté en 1982, avec des plans réalisés de concert avec l’Unesco, qui amène la Casbah au rang de patrimoine architectural et appelle à une étude précise et une intervention spécifique au site.

En 1985, l’Atelier Casbah devient l’Ofirac.

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L'OFIRAC -

Office d'intervention et de régulation d'opérations d'aménagement sur la Casbah –

La nouvelle appellation évoque la prise de conscience de l’urgence des travaux, plusieurs mesures seront prises afin de sauver la Casbah, même si nous devons passer par la démolition de certains bâtiments.

Le ministère de l’habitat et de l’urbanisme dirige toujours l’office afin de produire un plan d’aménagement dans la Casbah, intra-muros. Afin de mener à bien son projet, les actions sur le terrain sont radicales, en évoquant le principe d’améliorer les conditions de vie de ses habitants, certaines bâtisses sont détruites pour permettre à d’autre de survivre. Cependant le plan et les actions sont fragiles, l’urbanisme de la Casbah est tel que chaque maison est soutenue et soutient une autre maison, ainsi tout pourrait s’effondrer comme un château de carte. C’est ici que la question technique se pose, le but est d’alléger et éliminer certains éléments pour créer des vides, mais si avec la création de ces vides, le tout risque d’être en danger réel. Le projet de démolition de 200 maisons est donc en attente, faute de plan stratégique et de moyens technique.

La mise en attente est fatale, l’office disparait.

L’Algérie connait ensuite une période difficile dans les années 90, avec l’arrivée du terrorisme durant la décennie noire, qui inhibe presque immédiatement toute avancée en termes de patrimoine. Mais malgré cette période noire, une nouveauté apparait, le gouvernement de la Wilaya d’Alger. Ainsi la ville d’Alger est apte à mener des actions qui répondent aux besoins directs de la population algéroise, et ne se préoccupe plus de la région entière. Les plus importantes sont d’un

ordre organisationnel avec la création de 5

circonscriptions administratives, 57 communes dont 28 seront considérées comme arrondissements de l’Alger intramuros. En revenant à la Casbah, c’est un pas en avant car dorénavant elle fait partie intégrante de la ville et en

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représente un arrondissement. Il est cependant important de noter que le statut de la Casbah supposé être reconnu comme noyau urbain et historique de la ville est relayé au rang d’arrondissement représentant 0,5% du territoire de la ville d’Alger. Ici même si il y a une avancée considérable de reconnaissance d’un espace urbain, il n’est cela dit pas reconnu à sa juste valeur.

La seconde action importante issue du gouvernement de la Wilaya, est la rédaction du Grand Projet Urbain ou GPU qui évoque de grands projets de réhabilitation de la Casbah. Le projet constitue « l’épine dorsale »22 du vaste plan de requalification de la ville, il se situe donc dans la zone de la Casbah et présente un fort potentiel patrimonial, urbanistique et architectural mais aussi historique et culturel. La zone à traiter s’étale sur toute la Casbah, basse et haute, les ports de pêche et de plaisance ainsi que le quartier de la marine. Le projet se présente sous forme de promenade ou parcours partant du haut de la Casbah ou maison du millénaire jusqu’à la baie.

Les objectifs fixés sont la réhabilitation et la sauvegarde des rues, ruelles et des monuments majeurs tel que la maison du millénaire, la mosquée Sidi-Ramdane, la mosquée Djemaa-El-Djeddid, la mosquée Djemaa-El-Kebir et le mausolée des Saints. Au niveau des aménagements, le plan prévoit la création d’espaces de respiration dans la Casbah, à travers parcs, terrasses… Et surtout la remise en valeur de la communication Casbah / Mer en mettant l’accent sur les circulations douces.

Grâce au GPU, il est également enfin possible de poursuivre en justice des actions considérées comme allant à l’encontre de la sauvegarde du patrimoine.

C’est ainsi qu’un procès a été intenté suite au projet de création d’un parking pour le conservatoire de musique qui devait être construit sur les ruines de la

22

Interview de Mohamed Kebir Addou, wali d’Alger, Naissance d’une éco métropole de la méditerranée,

Février 2013

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cité romaine d’Icosium23. Même si un grand pas est fait en termes de reconnaissance du patrimoine dans les projets d’avenir de la ville d’Alger, le parking sera finalement construit.

C’est ici que l’on se rend compte des limites de sa reconnaissance. Même si les intérêts patrimoniaux sont pris en compte, ce qui représente une avancée considérable, les intérêts politiques et économiques sont prioritaires. C’est en ce point que la Casbah doit être intégrée à la réalité de la ville, aujourd’hui elle n’est que cité endormie. L’Algérie connaitra ensuite sa période noire pendant les années 90, avec des révoltes et une guerre civile, le travail sur le patrimoine et son évolution est donc mis en suspens.

Cependant les révoltes de la société civile portent également sur le besoin d’identité dont manquent cruellement les Algériens. Ainsi de nombreuses associations voient le jour durant cette période, pour revendiquer cette identité culturelle perdue. C’est donc les associations et organismes civiles qui prennent en quelque sorte la relève. Parmi les plus importantes associations traitant de la sauvegarde de la Casbah comme centre historique de la ville : les Amis d'Alger, Sauvons la Casbah, la Fondation Casbah et VAPIC (Association des Propriétaires des immeubles de la Casbah). L’action principale et du moins la plus importante est l'inscription puis le classement de la Casbah sur la liste du patrimoine national en 1991 et mondial en 1992. Avec la naissance de ces associations, émerge une sensibilisation de la société à la défense de la Casbah, qui depuis l’indépendance n’était qu’une affaire d’Etat avec les différents organismes institutionnels. Elles ont également réalisé plusieurs actions jusqu’alors mises en suspens par les organismes étatiques. Le grand changement est, nous l’avons vu, l’inscription du site au patrimoine national et mondial, ce qui permet la protection du site contre des politiques de réhabilitation dangereuses ou 23

Icosium, nom donné à la ville d’Alger (Casbah) à sa période de port phénicien en 202 av J.C.

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invoquant des destructions massives. De plus l’Unesco est une porte ouverte sur la communication entre les pays, ce qui permet de développer des relations internationales autour de la cause du patrimoine, dans le cas de la Casbah, c’est la problématique du site historique qui est mis en jeu. Enfin leur statut social d’association fait enfin intervenir des Algériens et Algérois sur la cause de la Casbah, ainsi les citoyens sont enfin acteurs de la sauvegarde et participent à l’élaboration des plans et objectifs des organismes d’Etat. Larbi Icheboudène explique :

« L’insuccès de la politique de sauvegarde suivie jusque-là peut être expliqué par l'impression d'une multiplication des acteurs dans le même temps et surtout par leurs tribulations administratives, du fait des tutelles exercées et de l'instabilité des organismes opérationnels »

Selon lui, la raison des échecs du plan de sauvegarde réside dans la trop grande diversité des intervenants et acteurs.

Précisément, comme nous l’avons vu avec l’étude des acteurs institutionnels, c’est le même organisme qui subit des mutations, changement de tutelle, de statut, de nom, d’objectif… et engendre par la suite, une réduction des activités, des effectifs… La dispersion des énergies est évidemment fatale et nous assistons au gel des actions et à la disparition des institutions. La trop forte fragilité des politiques et législations qui sont adoptées à chaque mandat entraine un ralentissement des actions.

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IV.

Les Grands projets de restauration – Etat des lieux

Jusqu’à aujourd’hui les projets de sauvegarde n’ont été basés que sur la technique de restauration la plus adaptée, comme le dit l’architecte Mohamed Larbi Merhoum24 : «Le ministère de la Culture, en charge du projet, s'attache uniquement aux murs. Pour lui, il s'agit d'une problématique strictement technique, qui ne sauve en aucun cas La Casbah. Il n'y a malheureusement plus de raison de vivre dans ce patrimoine classé ».25

PPSMVSS

- Le Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de la

Casbah MINISTERE DE LA CULTURE / WILAYA D’ALGER Maître d’ouvrage délégué: Direction de la Culture de la Wilaya d’Alger Bureau d’étude: CNERU Septembre 08

L’objectif du plan permanent est avant tout un travail sur la restauration à l’état d’origine, soit la conservation du tissu urbain traditionnel. Pour ce faire, le plan prévoit trois axes d’interventions, premièrement la dédensification de la population, l’intégration de la Casbah dans la ville et le développement de son patrimoine culturel et de son potentiel touristique. Afin d’arriver à un résultat satisfaisant les actions devront se porter essentiellement sur l’amélioration de l’habitat, le développement d’activité économique et enfin d’un point de vue urbanistique, le rétablissement d’un lien continu entre la Haute, la Basse Casbah et la mer. « La sauvegarde et la mise en valeur ne sont pas une simple addition d'opérations ponctuelles de restauration, l'action doit porter sur le cadre de vie d'un milieu social tout entier où le contexte humain et le domaine bâti sont indissociables » 26.

24

Merhoum Larbi, architecte algérien.

25

Oulebsir Nassima, La Casbah, un plan de sauvegarde très contesté, El Watan, 20 avril 2012

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Le plan permanent s’interroge sur la question du patrimoine habité, et travaillera donc sur la restauration des logements en parallèle d’un travail sur la conservation du patrimoine. Nous comprenons alors le décalage entre l’habitant et l’habitat ou encore la relation contenant / contenu. Le but est alors de réhabiliter non seulement l’habitat afin d’offrir un lieu de vie décent aux habitants mais surtout de redonner un souffle à l’activité sociale de la Casbah.

L’accent est mis sur l’activité sociale, cette vie sociale qui a pour but de faire participer la Casbah à l’échelle de la capitale. Afin de mettre en place un vrai plan d’action, le travail se divise en plusieurs phases : 

Une analyse architecturale et urbanistique du site, puis un travail de recherche sur les éléments existants qui assurent la connexion Casbah/Ville.



La mise en place d’un rapport sur les opérations à mener en termes de conservation, restauration et réhabilitation.



Puis vient l’action sur le terrain, soit des recommandations sur les actions à mener, résultant d’une analyse juridique sur les problèmes de propriété foncière et immobilière.

A la suite d’un travail théorique et analytique et l’état des lieux, le plan permanent propose une chronologie d’actions à mener, afin d’entreprendre des opérations allant du global au particulier. En effet l’action commence par la réhabilitation des tissus anciens dans la Haute Casbah (habitat du quartier de la Mer Rouge, Ali Amar et Sidi Ramdane), puis la restructuration du quartier Souk El-Djemaa, Amar El Kama qui englobe la partie traditionnelle et d’immeubles coloniaux. Plus bas, la restructuration du tissus urbain du quartier de la Marine et enfin l’aménagement des espaces libres suite aux effondrements.

26

Larbi Icheboudène, Sauvegarde et les acteurs : Cas de la Casbah d'Alger, Magazine Vie de Villes

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Pour résumer globalement les objectifs du plan, il prévoit de créer des pôles attractifs qui font partie intégrante de la Casbah afin de la lier à la vie de la ville.

Ainsi une étude de potentialité est menée sur le site, potentiel architectural, historique, culturel… Le plan met en lumière huit pôles d’attraction : 

Le quartier de la Marine comme zone d’équipement : actuellement s’y trouvent la Chambre de Commerce, le Trésor Public.



Le quartier de Lalahoum (côté Bab el Oued) comme zone d’activités tertiaires



La place Ben Badis comme centre culturel et touristique : où sont situés plusieurs monuments architecturaux importants comme des palais ou musées.



L’Amirauté comme centre d’arts et du commerce avec le port et les voutes reliant la ville à la Mer.



Bab Azou comme ilot transport et commerce : nœud de transport avec métro et téléphérique



La Citadelle comme espace culturel et scientifique



Sidi Ramdane comme centre d’activités culturelles, de loisirs et de sciences : pôle de formation et d’expositions sur l’artisanat.

Aujourd’hui, le plan permanent de sauvegarde fait partie du plan global de restructuration de la ville d’Alger dans sa totalité. Ainsi elle sera traitée dans un travail englobant toute la métropole, et assurera donc une connexion entre le vieil Alger et la ville nouvelle. En effet le PDAU, plan d’aménagement urbain paru en avril 2011 et approuvé en 2012 intègre la question du patrimoine.

Reste à savoir maintenant si le plan prendra forme ou bien s’il sera remis en question.

Aujourd’hui le plan d’aménagement urbain approuvé en 2012 fait apparaitre la Casbah comme une unité urbaine faisant partie de la ville d’Alger. La nouveauté du plan réside également dans le fait que l’aspect historique est important et qu’il est important de réfléchir l’avenir de la Casbah, de l’intégrer dans le processus de développement de la ville, qu’il soit politique, social ou

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économique. En analysant le plan d’aménagement urbain, nous supposons que la Casbah ne représentera plus l’image d’une époque révolue mais se positionnera à la même échelle que les autres quartiers de la ville en termes d’évolution. Sachant que dans le PDAU édité en 1995, la Casbah avait déjà été considérée comme centre historique, culturel et touristique.

Depuis 2004 et la mise en place du Plan permanent, les actions d’urgence ont permis d’évacuer quelques éléments gênant à la restauration et restaurer plusieurs édifices importants de la Casbah. C’est ainsi que 100 000 tonnes de gravats et détritus ont été évacués, la circulation automobile réorganisée et la création de deux marchés dans le quartier Lallahoum à la place d’un marché informel et illégal. La wilaya d’Alger a entrepris la réhabilitation de la maison du millénaire, le palais Mustapha Pacha, le palais Dar Aziza, le palais du Bey ou encore le Bastion XXIII… Tous ces édifices qui se verront réhabilités et attribués à chacun une fonction culturelle ; respectivement siège de la direction de la culture, musée de la miniature, siège de l’agence nationale d’archéologie, siège administratif du TNA, centre des arts et de la culture. Avec la réhabilitation des mosquées et mausolées, nous comprenons que la restauration reste dans le domaine de l’héritage de la période ottomane, soit mauresque et islamique.

A travers l’étude de ces différentes périodes, de la période ottomane à la situation actuelle d’Etat indépendant, nous pouvons relever que la notion de patrimoine et ce qu’elle véhicule n’a cessé d’être malmenée. Une première période sous la régence nous apporte une notion orientale et musulmane de la notion. Cependant il est important de rappeler que le terme « patrimoine » n’existait pas sous la régence, le habous est un statut juridique de propriété. En effet, le rapprochement se fait surtout par la notion d’inaliénabilité et de maintien de l’état du bien, qu’il soit formel et architectural ou d’usage. La loi sur

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le habous est donc une loi islamique qui se veut être d’intérêt général, l’accent est donc mis sur l’aspect collectif et communautaire aux habitants de la Casbah.

Les biens habous et leurs revenus étaient donc importants durant cette période et c’est pour cela qu’à l’arrivée des français en 1830, les biens ont été confisqués et réappropriés par le nouvel Etat colon. Ainsi les biens autrefois conservés pour des œuvres pieuses ont été annexés et changés d’activités selon les besoins des Français, écoles, hôpitaux, casernes… Il est également notable que le habous peut également être constitué de terres, cultivées ou non, la totalité de ces terres sont situées sur la mitidja aux pieds des montagnes du Sahel et donc de la Casbah. Les Français se réapproprient alors tous les biens habous et prennent le soin d’annuler toute loi existante avant leur arrivée, nous comprenons alors que les nouveaux arrivants n’ont pas l’intention de communiquer avec le pays mais d’y imposer leur culture. S’amorce alors tout un processus d’acculturation et d’arabisation des populations de la Casbah. Les Français prennent alors la totalité du pays en charge, en partant de l’éducation jusqu’au pouvoir de l’Etat, en passant par une imposition physique qui est la destruction et construction d’une ville à l’image de la métropole.

Enfin et après 132 années de colonisation, l’Algérie se retrouve perdue avec une ville dont elle ne connait pas le fonctionnement. Ainsi le pays a besoin tout d’abord de mettre en place un gouvernement, de réguler l’économie, de créer une législation à l’image du pays… Autant d’éléments qui ralentissent les études, précédemment menées par des cabinets français, sur le patrimoine algérien. Il aura fallu attendre 30 ans après l’indépendance pour que la Casbah soit reconnue patrimoine national et mondial. Une prise de conscience issue d’un soulèvement de la société en crise d’identité et à la recherche d’un passé afin de pouvoir se projeter dans l’avenir. Nous engageons alors cette seconde partie sur les conséquences et les constats des politiques jusqu’à aujourd’hui

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adoptées par les différents organismes. D’abord nous verrons quelles sont les caractéristiques de la Casbah qui ont mené à sa reconnaissance en tant que patrimoine national et mondial. Puis les problèmes rencontrés par la Casbah en tant que patrimoine urbain.

Vue de la Casbah, Yann Arthus Bertrand.

41

Plan d’Alger sous la régence, design.epfl.ch par minhluc le 07|03|2011

Plan de la Casbah aujourd’hui, maps. google.fr

42

Chapitre II

- Divergence d’usage et de représentation du patrimoine :

la Casbah ou centre historique d’Alger aujourd’hui -

Après plus d’un siècle de colonisation un autre phénomène « d’acculturation » sous une forme dite moderne, se met en place, celui de la globalisation et de l’uniformisation de la culture, soit la création d’une culture universelle basée sur l’expansion d’un mode de pensée occidental. A travers une nouvelle ère qui est celle de la communication, du partage des technologies et des informations à travers la planète, par ce partage des informations l’identité propre à la culture de chacun s’estompe doucement pour laisser place à une identité collective universelle. Ainsi l’alternative au patrimoine apparait comme un moyen de garder le souvenir d’une identité propre et nationale, en retraçant l’histoire mais aussi en sauvegardant des traditions, des langues, des activités… Ce besoin de reconnaissance d’identité intervient également pendant et à la suite de la « décennie noire »27. Afin d’affirmer un sentiment d’appartenance au pays et de motiver un esprit national, la politique sur le patrimoine et surtout sur le patrimoine culturel est renforcée. La loi du 15 juin 1998 sur le patrimoine culturel fait apparaitre la notion de bien culturel immatériel. Puis la création des « secteurs sauvegardés » affirme la protection de la Casbah.

Dans cette

seconde partie nous traiterons des effets des différentes politiques, ce qui laissera transparaitre comment l’Etat a lui-même mis en danger la Casbah.

« Mêmes les médinas qui étaient jadis des « touts urbains », ne sont devenues que des fractions dans un périmètre plus large à savoir l’agglomération. Et les politiques urbaines actuellement menées dans ces pays n’ont pas réussi à les intégrer comme des éléments polarisateurs dans le développement futur; ainsi que les références

27

Désigne le conflit qui opposa le gouvernement algérien, disposant de l’armée nationale populaire et divers

groupes islamistes à partir de 1991.

43

architecturales et conceptuelles, n’ont pas su tirer profit dans les nouvelles formes urbaines proposées. »28

Samia Benabbas, déplore ici le manque d’entretien de la Casbah de la part des autorités et surtout de l’Etat. Les études urbaines pour le développement des villes et surtout de la périphérie d’Alger, depuis l’indépendance est selon S. Benabbas basé sur un modèle occidental alors que la richesse du patrimoine algérien, adapté à son pays aurait dû être plus largement pris en considération.

Les rues de la Casbah GUION Paul, La Casbah d'Alger, Paris, Publisud, 1999

28

Samia Benabbas, La problématique du patrimoine Architectural, 2011

44

Johannes Janssonius, Atlas Van der Hagen (1650), Vue d’Alger depuis l’autre côté de la baie.

Braun and Hogenberg, la ville d’Alger.

45

I.

La Casbah : un trésor urbanistique, architectural et culturel sous la régence.

La ville d’Alger a été construite à la fin du Xème siècle, par les Zirides, sur les ruines de la cité Romaine d’Icosium. Le site paraissait idéal avec la baie qui ouvrait et en même temps protégeait de la méditerranée. Le site profitait des collines du Sahel pour protéger des vents, et des terres de la Mitidja très fertiles pour les plantations. Elle se situe à une position stratégique profitant de cheminements naturels menant au Maroc et à la Tunisie, ainsi qu’aux différentes régions et villes de l’Algérie. A partir du Xème siècle la ville est donc berbère et vit du commerce et de l’exportation de miel, de beurre ou de figues.

Elle passe aux mains des Arabes puis des Berbères pour enfin vivre sa période ottomane avec l’arrivée des Turcs en 1516 avec Arudj Barberousse, qui a été appelé pour arrêter les Espagnols possédant déjà quelques villes au Maghreb et en Algérie.

La période ottomane s’étend jusqu’en 1827, moment où les Français décident d’envahir l’Algérie. Nous nous attarderons donc sur la description de la vie Casbadji sous la régence Turc et donc la période précédant l’arrivée des Français en 1830.

« Amoncellement de cubes étincelants ».29 « C’est la ville la plus standardisée et la plus fonctionnelle que l’on puisse rêver c’est aussi la ville la plus poétique pour qui sait y regarder ».30 « Dans le domaine de l’architecture, aucune différence n’autorise à séparer l’architecture de la maison et l’architecture de la ville ».31

29

Albert Camus, L'été à Alger, Noces, 1938

30

Le Corbusier, Le voyage d'Orient, Paris, 1966

31

Jean Jacques Deluz, L’urbanisme et l’architecture d’Alger, Pierre Mardaga, Alger, 1988

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Selon Jean-Jacques Deluz, l’urbanisme de la Casbah ne peut exister que par son association avec ses maisons, et vice-versa. La relation qu’entretiennent la rue et la maison est telle qu’il est impossible de savoir si la maison ou la rue était là en premier, quel élément a donné naissance à l’autre. Visuellement depuis la mer, Alger prend la forme d’un triangle avec en son sommet la citadelle protectrice, dans la partie haute les logements et à sa base le quartier du port.

D’un point de vue organisationnel, Paul Guion nous explique que la Casbah a été imaginée selon la topographie du site et les différents besoins fonctionnels des habitants, ainsi aucun plan organisé et réfléchi au préalable n’est à l’origine de sa création. Nous pouvons, cela dit, diviser la Casbah en deux parties distinctes ; la Haute et la Basse Casbah. La partie haute accueille le résidentiel dans sa majorité avec ses mosquées, quelques commerces de proximité et les fontaines où les femmes se retrouvent. On y trouve la « vraie ville arabe »32 comme le souligne Mahfoud Kaddache33, avec sa densité de maisons collées les unes aux autres. La partie basse fait office de centre-ville, avec le port, sa rue principale accueillant tous les commerces, les administrations et les palais et grandes maisons. La Basse Casbah était donc un point central dans la casbah, elle profite également d’une surface plane contrairement à la partie haute et de la présence du port. Ce port permettait à la ville d’Alger d’être reconnue dans toute la Méditerranée grâce à ses exportations de produits locaux mais également pour la beauté du site, d’où l’attrait des poètes et écrivains.

32

Mahfoud Kaddache, Alger : La casbah sous les Turcs, Blog Internet, post n°55, 2005

33

Mahfoud Kaddache (1921-2006) écrivain, qui est né et a vécu dans la Casbah.

47

Plan de la Casbah d’Alger aujourd’hui. Sonia Semar.

La Casbah présentait un nombre important de ruisseaux et de petits ravins qui ont permis de placer le système d’égout, puis de chaque côté des égouts de positionner les bâtisses. C’est alors l’espace résiduel entre les façades des maisons qui servait de rue et desservait alors les habitations. Ainsi les maisons sont toutes groupées et mitoyennes et n’ont qu’une unique façade donnant sur

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la rue. C’est ainsi qu’on obtient une multitude de rues, de dimension et d’orientation différentes, couvertes ou non… Certaines maisons du fait de leur étroitesse profitent de l’espace sur la rue pour créer des encorbellements, on peut même trouver deux encorbellements se faisant face et se soutenir l’un l’autre et ainsi bloquer la lumière dans la rue. On trouve également un certain nombre d’impasses qui finissent toujours par la porte d’une maison, ces impasses ne sont empruntées que par ses habitants ou par quelques étrangers perdus. Mahfoud Kaddache nous explique que si nous sommes perdus, nous devons toujours descendre. Le site est sur un dénivelé de 118m, ainsi la descente se fait jusqu’à la mer. L’espace publique dans la Casbah, n’est fait que de rues et ruelles, d’escaliers et passages couverts, ainsi aucune place publique ou jardin n’y est présent.

Carte des circulations, origine des axes de communications.

Alger, lexilogos.com

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L’espace au sol est utilisé au maximum pour les maisons, et c’est à l’extérieur des remparts qu’on trouve la nature et tout le vide désiré. Les seuls vides ou places extérieurs sont situés dans la Basse Casbah, et sont exclusivement réservés aux activités commerciales. Les raisons de la raréfaction des espaces libres dans la ville sont dues au fait que la densité d’habitation a été préférée.

De plus, la majorité des familles Maures possédaient une maison de campagne à l’extérieur des fortifications sur les terres de la Mitidja avec un jardin et des arbres fruitiers et les maisons de la Casbah avaient presque toutes, nous le verrons plus loin, un patio. Ainsi l’espace vide dans l’espace public n’était pas une nécessité. Les rues et les espaces extérieurs se voulaient fonctionnels, les rues profitent d’un courant d’air frais, à l’ombre des ardeurs du soleil, qui vient la plupart du temps de la mer et les espaces publics servaient aux commerces et au port dans la Basse Casbah.

La résidence d’été du Pacha, aujourd’hui musée du Bardo. Algeriantourism.com

50

Depuis la rue la maison parait être un grand cube blanchi à la chaux, elle ne laisse rien entrevoir de ce qui pourrait se passer à l’intérieur. Les rares ouvertures, qu’on appelle moucharabiehs, sont imaginées de telle sorte que l’on puisse regarder depuis l’intérieur mais ne jamais voir depuis l’extérieur.

Ainsi rien ne laisse deviner qu’il y a lumière et luxe dans la maison, le seul élément permettant d’imaginer un intérieur riche est la qualité des détails sculptés sur la lourde porte d’entrée en bois.

Porte de l’hôtel de la division d’Alger, Photo Sonia Semar.

Porte de du palais du Pacha, Photo Sonia Semar.

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Cette lourde porte est la première étape pour entrer dans la maison, deux heurtoirs à deux hauteurs différentes sont destinés aux piétons et aux cavaliers.

Le son produit est différent et permet à la personne à l’intérieur de la maison de savoir qui est à sa porte. Enfin une fois que la première porte séparant de la rue est passée, le visiteur entre dans un espace un peu sombre appelé « squifa », qui est un espace tampon surélevé entre la rue et le patio. Cet espace est très important si on se réfère à la culture musulmane, en effet la maison représente la sphère de l’intime et le domaine de la femme, ainsi l’entrée se fait en passant plusieurs étapes. La quasi absence de lumière apporte une atmosphère silencieuse et discrète et surtout rompt clairement avec la rue.

Skiffa du palais Dar Es Souf, Mustapha Pacha. La porte d’entrée du patio se trouve au fond sur la gauche.

Algeroisementvotre.com

Une deuxième porte permet d’accéder au patio, celle-ci est soigneusement placée de manière à ce qu’on ne laisse rien entrevoir du patio si les deux portes se retrouvaient ouvertes au même moment. C’est donc dans cet espace tampon entre la sphère publique et privée ou intime que le visiteur attend qu’on l’invite à entrer dans la maison. La squifa est décrite dans les légendes et histoires comme l’endroit où les « djins » ou mauvais esprits peuvent entrer, on y trouve

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alors souvent de l’eau pure ou de l’eau de mer pour éloigner le mauvais sort.

Enfin la cour, des maisons riches en particulier, est recouverte de faïence ou de marbre parfaitement orné de sculptures et motifs géométriques, de couleurs etc. Généralement la cour est rectangulaire ou carrée et une ouverture sur le ciel permet de laisser entrer la lumière et l’air.

Cour du palais Dar Es Souf, Mustapha Pacha. Photo Sonia Semar

Cependant il existe plusieurs types de maisons qui varient selon la taille dans la plupart des cas. La Casbah renferme plusieurs types de maisons, allant de la plus modeste à la plus luxueuse comme les palais. La maison « Alaoui » est construite en hauteur avec une très faible emprise au sol. Par ces faibles dimensions elle n’offre pas de patio mais une ouverture sous forme de puits de lumière donnant sur un escalier. Ces maisons se situent en général au-dessus d’un

commerce

ou

d’un

équipement

et

ont

souvent

recours

aux

encorbellements sur la rue pour gagner de l’espace. Ensuite la maison à « Chebek », avec de faibles dimensions mais la présence d’un patio couvert, qui laisse entrer air et lumière. Enfin vient la maison à portiques, ou l’on trouve toutes les caractéristiques de la maison tournée vers l’intérieur, la taille générale varie de la petite maison au palais. Elle possède souvent un deuxième étage et la maison est richement décorée.

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Maison Alaoui, détail du plan. SAHLI Anne-Marie, Alger : évolution, révolution et permanence.

Maison à chebek, plan et élévation. SAHLI Anne-Marie, Alger : évolution, révolution et permanence.

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Dans chaque type de maison, l’organisation est sensiblement la même, elle se divise en général en 3 parties ou étages avec la terrasse. Le sous-sol, accessible par un escalier de 8 marches directement par le patio, accueille un puits, une buanderie ainsi qu’une citerne permettant de recueillir les eaux de pluies depuis la terrasse et la cour.

Un puit « djbel », dans une maison casbadji. Algeroisementvotre.com.

La fontaine au centre de la cour n’existe que dans les maisons les plus riches et luxueuses, ainsi on n’en compte qu’une dizaine dans la Casbah. Le patio est la pièce la plus importante de la maison où se déroule la vie familiale, ainsi les décorations y sont nombreuses. Le marbre blanc est largement utilisé afin que la lumière s’y reflète au maximum, les arcades sont soutenues par des colonnades en marbre ou en pierre et sont au nombre de 1, 3 ou 5, ce qui permet de toujours avoir une vue sur la fontaine située au centre de la cour, et ne pas avoir un pilier en plein centre. On trouve souvent une pièce de bois qui relie les colonnes, qui permet de réguler le son des voix. Les pièces n’ont pas d’affectation précise, celles du rez-de-chaussée restent des pièces pour vivre en famille, elles servent alors de salle pour les provisions, à manger ou de pièce pour effectuer des travaux domestiques comme la cuisine. Le patio dans la Casbah et dans la culture musulmane tient donc une place très importante,

55

autant au niveau architectural, technique et fonctionnel qu’au niveau culturel.

Le « west ed-dar », soit la cour ou patio a une position centrale dans la maison, il est le lieu des activités familiales et domestiques ainsi que le lieu où l’on accueille les invités. « On a le sentiment d’être au cœur […] mais aussi d’être en relation avec toutes les parties de la maison »34

Maison à Portique, coursives du 1er étage de la Maison du Pacha. Photo Sonia Semar.

Les pièces du premier étage bénéficient également d’arcades et d’une circulation autour du patio. Une balustrade en bois massif sculptée donne sur la cour et les pièces sont les plus éclairées de la maison et accueillent les chambres. Dans les palais on y trouve le hammam qui se décompose en trois pièces de plus en plus chaudes, mais les hammams se situent dans la ville et sont communs. Le hammam est également un endroit important, il est un lieu de détente et de rencontre, surtout entre femmes. La sortie au hammam est très importante pour les femmes, qui y emmènent leur plus beaux nécessaires de toilettes. Enfin on arrive au sommet de la maison, la terrasse.

Les terrasses, réservées uniquement aux femmes et aux enfants, sont l’image d’Alger depuis la mer d’où le célèbre nom donné à la ville « Alger la blanche ».

Les terrasses sont toutes communicantes et sont l’espace privilégié des femmes 34

Jean-Jacques Deluz, L’urbanisme et l’architecture d’Alger, Pierre Mardaga, Alger, 1988

56

qui y passent des journées entières à contempler la mer, discuter mais aussi cuisiner, préparer les mariages ou étendre leur linge. Les terrasses d’Alger recouvertes des draps séchant au soleil sont largement dessinées par les peintres de l’époque. On peut dire que la vie sur les terrasses, interdite aux hommes, est une sorte de troisième sphère, l’espace public aux hommes, la sphère domestique de la famille, et la sphère intime réservée aux femmes sur les toits de la cité.

Les terrasses de la Casbah, algeroisementvotre.com

Benjamin Seraillon, Les terrasses de la Casbah

Les terrasses de la Casbah. Photo Sonia Semar

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Immeubles de la Basse Casbah. Photo Sonia Semar

Carte répertoriant l’origine des bâtisses des Casbah. Pdau Alger 2012

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Pour conclure, plusieurs points sont à relever, il est évident qu’il existe non seulement une rupture entre la Casbah et la ville française, mais également au cœur même de la Casbah, avec une rupture du tissu urbain entre la partie haute et la partie basse. La basse Casbah des maures ayant totalement disparue, elle profite tout de même encore des commerces et du dynamisme de la ville alors que la haute, principalement résidentielle, est dans un état de dégradation avancé et même de ruine. Enfin les rues principales dans la période ottomane, c’est-à-dire qui abritaient tous les commerces, ne sont pas mises en évidence.

La Casbah pendant la période ottomane, accueille de nombreuses nationalités et de cultures différentes, mais la citadinité de la ville fait qu’une forte cohésion sociale y existe avec chacun son rôle à jouer dans la vie en communauté. Nous trouvons donc dans la Casbah, des Turcs qui sont les dirigeants de la ville, le plus souvent de passage dans la ville et à la recherche d’enrichissement.

Certains Turcs s’installent pourtant dans la Casbah et se marient avec des femmes Maures qui étaient issues de grandes familles riches. On appelle Koulouglis, les enfants nés de ces alliances. Ce sont donc les Maures qui étaient les plus présents dans la Casbah, ils représentaient trois quarts de la population Casbadji. Les Maures étaient doués artistiquement, ainsi leurs activités étaient très minutieuses, la broderie, les bijoux ou la poterie mais également la musique, la littérature… Ce sont des adeptes de la vie citadine et urbaine. Ils possédaient tous une maison secondaire, à la campagne, dans laquelle ils vivaient les beaux jours de l’année. Les Kabyles également étaient amenés à la ville par les Maures pour les servir, ainsi ils se retrouvaient sur les galères ou en tant que soldat. Cependant beaucoup d’entre eux venaient dans la Casbah pour le commerce et vendre huile, figues ou herbes… De nombreux Juifs se sont également installés dans la cité et possédaient des boutiques de mercerie ou étaient bijoutiers. Les Juifs s’adaptaient à la Casbah, ils parlaient Arabe et

59

s’habillaient comme les Maures, mais ils étaient les seuls à porter du noir sur leurs vêtements. Les Biskris du sud de l’Algérie étaient engagés par les Maures comme porteurs d’eau et évacuaient les ordures à l’aide de leurs ânes. Les Mozabites, peuple berbère venant de la région du Mzab, étaient marchands, épiciers ou gérants des hammams. Parmi les populations minoritaires, il y a les noirs du Soudan qui vivaient comme domestiques dans les maisons des Maures. Certains d’entre eux se voient offrir leur liberté, certains refusent et préfèrent rester servir la famille et d’autres décident de travailler comme marchand dans la cité. La population chrétienne était très faible et avait des statuts administratifs ou était capturée dans les prisons ou servait sur les galères. Enfin les femmes maures qui ne sortaient que très peu et toujours accompagnées d’un homme, de parents et toujours d’enfants, étaient couvertes de voiles épais et ne sortaient que pour se rendre au bain, chez le couturier ou dans des lieux de cultes. Leur rôle dans la cité est domestique et familial.

Evidemment d’autres aspects traditionnels et culturels font partie des caractéristiques de la sauvegarde de la Casbah. Comme par exemple la musique, le chaabi, style musical qui est né dans la Casbah. Ainsi que l’algérois, un langage propre aux habitants de la Casbah, connu uniquement par les natifs… Tous ces biens font partie intégrante de la Casbah, au-delà de la notion d’urbanisme, nous parlons de ville historique, avec tous les éléments la définissant comme telle.

60

II.

La complexité de la relation habitant / habité ou contenant / contenu

Les politiques de restauration ne se basent en aucun cas sur les échecs des précédentes actions mais à chaque fois le plan est réitéré sans aucune avancée, sans aucun changement. Premièrement nous pourrions évoquer le manque de compétence et de rigueur dans l’élaboration des études. En effet il est quasi impossible de rassembler des données concordantes entre les auteurs des textes depuis l’indépendance. Ainsi il devient difficile d’élaborer des plans sur des bases solides. Plusieurs politiques ont été mises en place par l’Etat et les différents organismes, comme première mesure de sauvegarde. Mais la crise que subit l’Algérie est bien celle du logement, le manque en nombre mais également le manque de modernité et d’entretien des bâtiments existants.

Avec un nombre important de bidonvilles et de constructions illégales la ville d’Alger comme plusieurs autres villes d’Algérie doit faire face à cette crise du logement.

La solution apportée par les plans de réhabilitation est le relogement. Une solution qui a déjà montré ses limites plusieurs fois auparavant. Le principe étant que les familles vivant dans les habitations faisant partie du plan de sauvegarde qui sont jugées les plus dangereuses et les plus insalubres pour ses habitants bénéficient d’une proposition de relogement. En effet les populations qui vivent dans les biens les plus délabrés de la Casbah sont les premiers à être relogés dans des habitations neuves construites en périphérie de la ville. On opère alors un système de déplacement de population du centre vers la périphérie. Les familles bénéficiant de ce nouveau logement totalement gratuit, sont donc relogée dans un appartement neuf, avec tout le confort moderne et qui ne demande aucun loyer.

61

Les familles déplacées, l’Etat entreprend un programme de condamnation sommaire des maisons afin d’éviter un phénomène de squat, en attendant les premières actions d’urgence. Pendant ce temps, les familles nouvellement installées à la périphérie souffrent d’un manque de transport en commun qui les relient au centre, car il y a une forte centralisation des activités, qu’elles soient économiques, éducatives, de loisirs etc… Plusieurs comportements de la part des familles se mettent enfin en place.

La première réaction est de quitter le nouveau logement et de retrouver la Casbah. Si leur ancien logement est inoccupé et possible d’accès alors les familles se réinstallent. L’action devient impossible. La seconde, est de garder le logement gracieusement offert par l’Etat, mais de le mettre à la location ou bien de le vendre. Puis les familles délogées de la Casbah retournent sur leur pas et retrouvent la Casbah avec l’apport financier issu de la vente. Ainsi les logements de la périphérie entièrement financé par l’Etat tombent dans un réseau de commerce parallèle ou dans le marché noir. Ainsi 10 000 logements ont été construits et donnés neufs aux habitants de la Casbah depuis l’indépendance. Dans ces deux cas de figure, le résultat pour la Casbah est qu’elle voit revenir les habitants délogés et déplacés vers la périphérie, et pendant qu’ils ont été déplacés d’autres familles issues des zones rurales arrivent dans l’agglomération et trouvent en la Casbah une terre d’accueil ou une porte d’entrée à la vie citadine. En effet cette politique de relogement est en quelque sorte abusée par les familles, car les populations de la Casbah étant les premières à bénéficier d’un logement gratuit, neuf et moderne, les populations rurales à la recherche d’une vie plus citadine profitent de cette opportunité et s’installent dans la Casbah pour un premier temps.

Evidemment, ce sont les familles vivant dans les logements les plus insalubres et dangereux qui sont les plus susceptibles de bénéficier d’un appartement

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gratuit en périphérie. Comme le dit Rachid Sidi Boumedine35, il y a un processus « d’automutilation »36 des familles sur leur propre habitat. Dans l’espoir d’être relogées, les familles n’hésitent pas à dégrader leur maison afin de bénéficier de l’aide de l’Etat. Plusieurs techniques de dégradation sont opérées par les habitants. Nous savons que la plupart des maisons menacent de tomber en ruine, divers éléments sont à l’origine de cet état, et les familles en profitent.

Premièrement l’eau est largement utilisée. L’installation des canalisations d’eau à la période coloniale, a permis aux habitations de profiter de l’eau courante, ce qui augmente le risque, non seulement de gaspillage, mais aussi d’une utilisation abusive et dangereuse. L’eau est souvent utilisée afin de rafraichir la cour et les pièces profitant d’un courant d’air, ainsi c’est à la force de grands jets d’eau et de détergents que les familles détériorent leurs maisons, fragilisant ainsi les murs et la structure. Deuxièmement l’apport de mobiliers moderne ainsi que la modernisation générale de l’habitat. Création de chambres fermées, de salons et de cuisines toutes équipées, alourdissent la structure. Viennent ensuite les différents moyens de dégrader les décorations et matériaux des habitations. Les habitants n’hésitent pas à piller les différentes mosaïques, balustrades en bois… et à les revendre à de riches propriétaires de maisons sur les hauteurs de la ville. Ainsi le patrimoine artisanal de la Casbah se voit dispersé aux quatre coins du pays, profitant aux propriétaires des hôtels, restaurants ou demeures.

35

Rachid Sidi Boumedine sociologue-urbaniste et président de l’ancien COMEDOR

36

Rachid Sidi Boumedine, Dans les murs de la Casbah, France 24.

63

Débris de mosaïque et pièce authentiques. Djaffar Lesbet, La casbah d’Alger, un patrimoine cassé.

Ici nous comprenons que la course au relogement produit en parallèle une compétition à la destruction de la Casbah car celui qui vit dans la maison la plus insalubre et dangereuse est le plus susceptible de profiter de l’offre de relogement. Djaffar Lesbet propose un plan préalable d’intervention, c’est-àdire une demande qui devra être acceptée par le Wali d’Alger avant d’accepter le poste de directeur de l’OFIRAC. Dans ce plan il propose de reloger les habitants des maisons surpeuplées. « Je lui ai soumis un avant-projet préalable à mon acceptation, il m'a traité d'utopiste, parce que je préconisais de reloger en priorité les familles habitant les maisons suroccupées mais en bon état de conservation».37 « Je souhaitais que l'Etat récompense les familles qui ont œuvré à la sauvegarde de notre patrimoine. Celles qui habitent des maisons dégradées doivent d'abord s'investir dans la réhabilitation des maisons qu'elles occupent, avant de prétendre à un relogement. »38 « Tant qu'on ne se penche pas sur cette question, on a peu de chances de casser la logique infernale : démolition = attribution/rétribution, avec partage de la rente

37

Entretien de Djaffar Lesbet, réalisé par Amrouche Akli et Rif Nahla, dans le magasine Vie de Villes

38

Idem

64

pétrolière par le biais de la redistribution des logements dits sociaux. Ces derniers finissent dans les circuits du marché parallèle ».39

La logique de relogement des familles est donc, selon Djaffar Lesbet, totalement détournée par la population. En effet, l’Etat adopte une politique dangereuse en incitant les populations à investir les logements de la casbah dans un premier temps, puis à le détruire. Il y aurait également un parallèle à faire au sujet de ces cités construites à la périphérie de la ville, sans transport, sans zone commerciale, uniquement une myriade d’immeuble (flambant neuf la première année) sans aménagement urbain. Les cités construites deviennent des cités endormies, l’Etat déplace les populations de la Casbah pour les mettre dans des logements neufs mais dans un espace dépourvu de vie.

Ainsi comme le dit clairement Réda Sébih 40, « sans la complicité des habitants de la Casbah aucun projet ne pourra réussir, aucun »41. Réda Sébih, propose un nouveau système de relogement, reloger ceux qui veulent partir et proposer d’aider financièrement et physiquement ceux qui désirent la rénovation de leur habitation. La politique de relogement actuel, fait preuve d’opacité complexe, en effet il n’y a aucun moyen pour la population de savoir pourquoi telle famille est relogée et l’autre non, ainsi le seul indicatif visible est l’état de l’habitation et son degré de dangerosité.

Certaines familles attachées à leur vie dans la Casbah, entreprennent euxmêmes des travaux sur leur maison. Prenons l’exemple de cette maison au N° 49, rue Sidi Driss.

39

Entretien de Djaffar Lesbet, réalisé par Amrouche Akli et Rif Nahla, dans le magasine Vie de Villes

40

SEBIH Réda, doctorant en sciences du langage et sociolinguistique urbaine, Dans les murs de la Casbah,

France 24 41

Idem

65

Constructions illégales dans la Casbah. Photo Sonia Semar.

Les propriétaires ont entrepris des travaux de rénovation sur leur parcelle sans tenir compte du fait que le site était protégé42, même si le geste est illégal il ne soulèvera aucune action de l’Etat, qui n’a en aucun cas puni l’érection d’un bâtiment à l’opposé, non seulement du mode de vie de la Casbah, mais qui affiche un dédain certain vis-à-vis du patrimoine. La présence des balcons directement sur la rue par exemple, est en rupture totale avec le style de vie Casbadji. En effet les maisons musulmanes traditionnelles ne possèdent aucune fenêtre directement sur l’espace public, à part les moucharabiehs. L’intimité est secrète et bien gardée à l’intérieur de la maison. Djafar Lesbet énonce dans un de ses nombreux écrits sur l’abandon de la Casbah, les constructions « hideuses »43 en ajoutant qu’elles discréditent l’action de l’Etat et toute la politique de sauvegarde. Il ajoute qu’aucun permis ne devrait être approuvé 42

La Casbah est sur la liste du patrimoine national (1991) et mondial (1992) et fait partie de la liste des secteurs sauvegardés (2005) 43

LESBET Djafar, LA CASBAH un Patrimoine Cassé, International Journal of Urban Culture and Planning in Developing Countries

66

sans l’autorisation de la commission chargée de la sauvegarde et sans la condition exclusive que les travaux soient en concordance totale avec le cahier des charges de la Casbah. D. Lesbet apporte des solutions radicales et pourtant nécessaires à l’avancement ou du moins au début des travaux.

Constructions illégales dans la Casbah. Création de balcons et de fenêtres directement sur la rue.

LESBET Djafaar, LA CASBAH : un Patrimoine Cassé.

« Ce n’est plus cette identité brillante, de la course, de la médina, de l’Algérie de l’Alger productrice de culture… Ça devenait de plus en plus une identité de précarité »44 « On a construit sur les terrasses, on a construit au-dessus des maisons, on a agressé l’espace urbain très fortement. Il n’a plus son harmonie […] il ne peut plus avoir la lisibilité qu’il avait précédemment. »45

Sous le règne du Dey d’Alger (période avant colonisation Française), les familles dont la maison présentait un risque d’effondrement ou était dégradée, avaient l’obligation de réparer leur maison dans un délai d’une année, et si elles ne parvenaient pas à remettre en état leur propriété alors, elles en étaient expropriées et la maison était remise au Dey. Il semble impossible d’adopter une telle loi aujourd’hui, mais il serait possible par contre de proposer à chaque propriétaire deux possibilités : une aide financière de l’Etat afin de remettre à 44

Fatma Oussedik, professeur de sociologie, université Alger 2, Ecole des Beaux-Arts. In Dans les murs de la Casbah, France 24 45 Fatma Oussedik, professeur de sociologie, université Alger 2, Ecole des Beaux-Arts. In Dans les murs de la Casbah, France 24

67

neuf la maison selon le cahier des charges de la Casbah en terme de patrimoine et donc de retrouver l’état d’origine de la maison, en imposant un délai de travaux et une transparence complète sur l’achat des matériaux, la main d’œuvre... Ou de proposer l’abandon ou désistement de la maison de la part du propriétaire ou héritier, avec en « récompense » l’aide au relogement.

Ainsi la récompense offerte aux habitants motivés par la restauration de leur habitat provoquera peut-être un effet domino, et entrainera une motivation collective. Djaffar Lesbet affirme qu’il est « impossible de retrouver le mode de vie d’antan »46, premièrement à cause de la globalisation et l’uniformisation de la société qui passe par sa modernisation et son ouverture sur le monde, ensuite car il est utopique de croire qu’il est possible de revenir à un mode de vie ancien. Des actes simples permettraient aujourd’hui la consolidation d’une vie de quartier, d’une cohésion sociale et surtout d’une dynamique collective.

Lors de ma visite de la Casbah, accompagnée du guide Rachid Abdiche, natif de la Casbah, j’ai pu constater que les habitants n’utilisent pas les poubelles et jettent leurs détritus en pleine rue, preuve qu’ils n’ont pas conscience de la politique de réaménagement. Aujourd’hui la plus petite aide est sollicitée, les actions les plus simples permettraient de rendre clair le travail de restauration et ainsi l’Etat pourra entreprendre plus clairement une action sur le terrain. « Par contre ce que l'on pourrait faire, c'est réorganiser en premier lieu les choses, comme par exemple le ramassage des ordures ».47

D’autres

actions

simples

et

à

la

portée

des

populations

semblent

indispensables, la sensibilisation à la cause de la Casbah, l’investissement de chacun dans la cause de la rénovation ou du moins l’entretien de leur maison…

46 47

Entretien de Djaffar Lesbet, réalisé par Amrouche Akli et Rif Nahla, dans le magasine Vie de Ville Entretien de Djaffar Lesbet, réalisé par Amrouche Akli et Rif Nahla, dans le magasine Vie de Ville

68

« La nécessaire appropriation du patrimoine par la population confère un rôle essentiel à la multitude des associations locales qui s’impliquent dans les processus de patrimonialisation et la gestion du patrimoine ».48

L’analyse des politiques entreprises par l’Etat et ses institutions depuis l’indépendance permet d’affirmer qu’elles ont été catastrophiques pour la sauvegarde du site. Des politiques mal menées et répondant à d’autres impératifs que la sauvegarde urgente du site, ont entrainé une mauvaise compréhension des objectifs de la part non seulement des institutions mais également des populations habitant la Casbah. Nassima Driss 49 apporte un témoignage d’un architecte travaillant dans l’atelier Casbah dans les années 70, qui avoue qu’en travaillant sur plusieurs projets invoquant des personnes du gouvernement, l’Etat était beaucoup plus présent et affichait un réel investissement pour les projets à court-terme. En effet, le projet de restauration de la Casbah demande un investissement permanent pendant plusieurs années et surtout impliquant une législation détaillée et précise afin qu’à chaque changement de gouvernement, le travail sur la restauration puisse continuer.

Cependant le PPSMVSS qui travaille depuis 2003, parait avancer selon ses échéances et devrait entamer cette année ou à l’aube de l’année prochaine des actions de restauration sur le terrain. En effet, nous avons vu que le plan permanent se divise en trois phases, dont les deux premières sont quasiment terminées et le plan de la troisième phase a été voté en 2012.

La Casbah, nous l’avons vu plus tôt, s’est vu vidée de ses habitants natifs au moment de l’indépendance. Selon une étude menée par Réda Sebih, les populations affirment qu’il y a un avant et un après 1962. Mais l’indépendance 48

Michel Vernières, Patrimoine, patrimonialisation, développement local : un essai de synthèse interdisciplinaire.

MEP La relation patrimoine développement, 2011.

49

DRISS Nassima, ville mouvementée : Espace public, Centralité, mémoire urbaine à Alger, L'Harmattan,

2002

69

n’est pas le seul moment de la rupture entre la Casbah d’avant et d’aujourd’hui, plusieurs dates surviennent dans le discours des populations interrogées par Réda Sébih, toutes s’échelonnaient entre 1962 et 1996, de la libération à la vague de relogement. Même si les dates du changement différent bien qu’en restant dans la même tranche, les réponses à sa seconde question restent les mêmes pour tout le monde. « Avant 62 la Casbah était propre, après elle ne l’était plus ».50

En conclusion de cette étude de terrain, Réda Sébih soulève que le réel problème n’est pas la perte ou disparition de l’image de la Casbah, symbole de citadinité musulmane mais se résume plutôt à la notion « d’appropriation de

l’identité Casbahdji ». Pour lui, le fait de revendiquer la perte d’un certain mode de vie (avant et après) est une façon de dire que « nous sommes Casbahdji », le fait d’avoir perdu quelque chose signifie qu’on l’a possédé ou que nous possédons cette identité perdue. Ici la notion d’identité est importante, le patrimoine de la Casbah passe également par l’appropriation d’une image, d’un mode de vie, d’un pouvoir de critiquer ce qui nous appartient etc… Ainsi la perte d’identité de la Casbah serait liée à la perte directe de ses habitants natifs, premièrement au moment de l’indépendance puis de façon linéaire pendant la vague de relogement. Lors du départ de ces familles, le phénomène de squat prend de l’ampleur, les populations rurales à la recherche d’une vie à la ville, et de travail surtout, s’installent à la Casbah comme dans les bidonvilles d’Alger.

Les populations actuelles sont donc un mélange de familles Casbadji, c’est-àdire des familles qui n’ont jamais quitté la Casbah et qui répondent de plusieurs générations qui y ont vécu, et de familles de passages qui profitent de la Casbah comme espace tampon entre la vie rurale et la vie dans un logement

50

Dans les murs de la Casbah, Réda Sébih, 2011

70

social de la périphérie. Car c’est bien dans l’attente d’un logement « gratuit » offert par l’Etat que ces familles s’y installent.

L’image du squat a de tout temps été en marge de la société, même si la définition du squat est la même, soit « l'installation dans un lieu pour y habiter

sans l'accord du titulaire légal du lieu »51 les objectifs différent. En effet nous pouvons voir en France ou dans d’autres pays, des squats se former avec un objectif précis de revendication. Nous trouvons des squats à revendications politiques, culturelles ou encore artistiques, certains légitiment leur présence comme nécessaire à la survie de la culture d’un site, comme par exemple Les Tanneries de Dijon, qui sont en ce moment remises en question car il y a un projet d’Ecoquartier sur les friches industrielles qu’ils occupent. Mais il n’est pas question à la Casbah d’un squat « productif » ou tout du moins, productif d’une activité légale. Le squat devient purement logement ou plutôt abri et surtout espace de transit.

51

Source Wikipédia, définition du terme « squat ».

71

III.

Quel avenir pour la Casbah ?

Plusieurs études personnelles ont été menées par les architectes Algériens et qui proposent des solutions au cas de la Casbah. Nous étudierons évidemment l’analyse de Djaffar Lesbet, personnage important dans la sauvegarde de la Casbah. Ensuite Djamel Boussaa qui porte un regard plus environnemental et surtout plus optimiste quant à l’avenir de la casbah.

Selon la réflexion de Djamel Boussaa52, la sauvegarde de la Casbah doit passer non seulement par une étude précise et détaillée de l’état actuel des lieux, mais également par une hypothèse ou une vision large de l’avenir de la restauration de la Casbah. Selon le principe « simple » du développement durable. « In order to change the image of the urban slum, there is an urgent need to inject a new heart in the Casbah ». 53

Ici D. Boussaa évoque la nécessité de sensibiliser les populations vivant dans la Casbah à la cause patrimoniale en les faisant participer à la restauration, que ce soit une aide physique soit l’entretien de leur propre maison, ou une aide de propositions et de solutions. Ainsi les habitants auront un rôle d’acteur dans le projet et ne subiront pas les plans de sauvegarde sans savoir pourquoi telle ou telle action est mise en place. Il nous renvoi ici au problème d’opacité évoqué par Lesbet au début de cette étude. En effet les populations n’ont aucun moyen de savoir l’avancement des travaux sur la sauvegarde.

Pour lui l’héritage culturel est considéré comme une ressource à préserver, à travers l’identité et la mémoire qu’il apporte. De plus le centre historique, s’il est 52

Architecte Algérien, diplômé de l’EPAU en 1984 puis a étudié la philosophie de l’Architecture, à l’Université de

York en Grande Bretagne en 1987.

53

2nd International Conference-Workshop on Sustainable Architecture and Urban Design (ICWSAUD) organized by

School of Housing, Building & Planning, University Sains Malaysia, Penang, March 3rd -5th, 2012

72

sauvegardé et bien utilisé est un critère de valeur d’une ville qui affirme son histoire et par là même son avenir. En effet la sauvegarde de la Casbah et sa réussite prouveront l’intérêt que porte l’Etat à son histoire et à son peuple, et affirmera par là son origine et son attachement à sa culture. Ce qui par la suite indiquera comment le pays s’ouvre au monde, ce monde sans limite qu’est celui de la communication. Cette identité assumée apportera également une certaine reconnaissance des pays étrangers et favorisera le tourisme.

D’un point de vue de l’organisation urbaine, il prévoit de préserver les fonctions de la Haute et de la Basse Casbah soit respectivement, logement et activité commerciale en y injectant du tourisme patrimonial. Soit un tourisme respectueux du site, de son histoire et de sa valeur aux yeux de l’Algérie et du monde.

Ce qui est intéressant dans l’étude de Boussaa est qu’il imagine la Casbah pendant la restauration mais également comment elle survivra après cette période de restauration. Si nous nous projetons, l’apport du tourisme dans la Basse Casbah à fort potentiel historique et culturel avec ses monuments, permettra de financer l’entretien des maisons de la Haute Casbah. Nous pouvons remarquer ici le parallèle avec la notion de habous, et le fait que les revenus de ces biens sont uniquement destinés à des œuvres pieuses dont l’entretien des lieux saints. Si nous prenons l’exemple des habous de la Grande Mosquée, les revenus issus de ses biens habous servaient à la collectivité mais aussi à la restauration de la mosquée. Ici nous transposerions le principe au tourisme, soit les revenus générés par les hôtels, musées ou les artisans seront reversés en partie à un organisme dépendant et géré par les habitants de la Casbah pour son entretien et sa restauration.

La création de nouvelles activités touristiques ou la mise à jour des différents arts peuvent également créer de l’emploi. Cependant nous ne devons pas réduire la production de produits artisanaux à la seule consommation

73

touristique qui ne profiterait qu’à une élite et deviendrait produits de luxe. Il faut alors développer en parallèle un vrai système de formation et de sensibilisation à l’artisanat de la Casbah. Ainsi l’activité économique engendrée profitera directement aux populations et à l’entretien de la vieille ville, cette dynamique pourrait influencer au fur et à mesure la cohésion sociale et faire apparaitre une forme d’autogestion du patrimoine par ses habitants. Rachida Zadem54, propose justement l’élaboration d’une sorte de coopérative ou association de propriétaires de la Casbah. En mettant en place une loi qui permettrait aux propriétaires ne pouvant pas assumer la restauration de leur bien, de soumettre par contrat leur logement à l’association qui se chargera de la restauration. Seront proposés à l’association, les logements inhabités et sans propriétaires, bâtiments menaçant ruine… Evidemment cette association ainsi créée par les habitants eux-mêmes, bénéficierons d’une aide de l’Etat pour les bâtiments à rénover en plus des revenus générés par l’association.

Cependant la sensibilisation ne se fait pas uniquement envers la population vivant à la Casbah, mais le visiteur doit aussi comprendre le site afin de mieux le vivre. Ainsi le visiteur devra être informé des caractéristiques de la Casbah tant au niveau historique, architectural et urbanistique qu’au niveau culturel et religieux. Le tourisme peut apporter plus qu’un apport financier, et indirectement participer à l’entretien, au respect et finalement à la sauvegarde du site. Les commerçants, hôtes et artistes œuvrant ensemble à faire vivre la Casbah seront par la suite influencés par cet intérêt international qui leur est porté. Evidemment ce système qui parait, à la vue de l’état physique et de la population de la Casbah aujourd’hui, complètement utopiste, doit répondre à d’autres questions importantes, comme premièrement une restauration urgente et deuxièmement offrir à la population une possibilité d’organiser une vie de

54

Rachida Zadem, directrice de la protection légale des biens culturels et de valorisation du

patrimoine culturel au ministère de la Culture.

74

quartier. Ces organismes ainsi créés pourront chacun être soumis à des tâches précises tel que la réhabilitation des biens ou l’entretien quotidien de la Casbah. Les biens habous, qui appartiennent aujourd’hui à l’Etat pourraient être une source de revenu pour aider les familles dans le besoin vivant dans la Casbah, ce qui est considéré comme une œuvre de charité. Afin de faire des habitants de la Casbah des vrais acteurs légitimes de la sauvegarde, D. Boussaa insiste sur l’importance de l’éducation et la sensibilisation. Ainsi les populations devront être sensibilisées au cas de la Casbah et ils décideront par la suite d’y rester et de respecter les termes du cahier des charges ou de la quitter pour profiter de l’offre de relogement de l’Etat.

D. Lesbet quant à lui, offre une vision plus réaliste et insiste sur les plans d’urgence à adopter face à la crise que subit la Casbah depuis l’indépendance.

Selon lui, il y a eu assez d’études qui ont terminé oubliées, ou introuvables pour recommencer à étudier sans action.

Les principales actions proposées par l’auteur sont donc de l’ordre de l’urgence, en effet il met en avant les problèmes de chantier avant tout. En proposant différentes actions simples permettant d’organiser et de tenir à jour un cahier des travaux. Quelques actions qui paraissent logiques pour l’auteur n’ont pourtant jamais été étudiées. Comme l’analyse des rapports que les équipes précédentes ont rédigées, car à chaque création d’un nouvel organisme de sauvegarde, ce sont les mêmes études qui sont menées. Les documents réalisés par l’équipe précédente sont ainsi archivés mais restent introuvables (ex.

Comedor, Atelier Casbah…).

-

« L’analyse des conséquences des précédentes actions, ainsi que l’étude des cas dont la réhabilitation a échoué ou n’a jamais vu le jour.

-

Le terme « démolition » […] remplacé par celui de démontage de maison classée. La rétribution sera désormais calculée, non plus par rapport à la

75

quantité de m3 de gravats à évacuer, mais désormais en fonction de la quantité de matériaux d’origine soigneusement récupérés.

-

Destruction des constructions hideuses, […] en violation flagrante des restrictions et interdictions contenues dans le cahier des charges d’un site classé […].

-

Soumettre toute transaction foncière et/ou immobilière dans le périmètre sauvegardé à un droit de préemption, exercé par la commission (à créer) chargée des programmes de sauvegarde de la Casbah […].

-

Rendre obligatoire la tenue de fiches de chantier par thème sur lesquelles sera quotidiennement consigné l’ensemble des difficultés que rencontrent les entreprises au cours des travaux. Ceci afin d’établir un répertoire exhaustif des obstacles de tous ordres et qui sont souvent à l’origine des retards […] »55

La réflexion de Lesbet se base évidemment sur l’analyse des problèmes rencontrés par les précédentes actions en tentant de trouver des solutions adaptées mais également radicales. Il est important de noter que les remarques faites par l’auteur, portent non seulement sur des conseils à suivre à la lettre, mais mettent également en lumière le manque de compétence de la part des acteurs. En effet en lisant toutes ses recommandations, nous comprenons alors que les principaux problèmes relèvent du domaine de la rigueur, de l’organisation et du respect des règles. Cela vaut autant pour les habitants que pour les actions ratées menées sur le terrain par les divers entreprises de travaux. Nous savons maintenant que le principe de construction des maisons de la casbah repose sur le fait qu’il n’y a aucune fondation et qu’elles tiennent debout car elles se soutiennent entre elles. Ainsi avec les démolitions inconsidérées, les bâtiments tombant en ruine et les bâtisses fragiles, la structure de toute la Casbah est en péril. Ainsi D. Lesbet propose, au lieu de la reconstruction à l’identique, d’imaginer une nouvelle typologie alliant la

55

Djaffar Lesbet, LA CASBAH : Quel avenir?, Article "Midi-Libre"18 novembre 2009

76

technique moderne de stabilité et l’architecture musulmane ou mauresque. Il souligne la qualité architecturale des réalisations de Léon Claro56, comme le projet de la maison du centenaire dans la Casbah. Rebaptisée aujourd’hui maison du millénaire à l’occasion du millénaire de la ville d’Alger au moment de l’indépendance, depuis sa construction par Bologhine.

Maison du Centenaire de la Colonisation, Léon Clarot, Haute Casbah.

Marenostrum.com

Aujourd’hui renommée Maison du Millénaire d’Alger, Léon Clarot, Haute Casbah. mutual-heritage.crevilles.org 56

Léon Claro, architecte français né à Oran (1899-1991)

77

Après avoir analysé les éléments déclencheurs à la patrimonialisation de la Casbah, nous pouvons avancer qu’elle est une ville symbole de la citadinité des Maures mais aussi un symbole historique fort. En effet à travers l’histoire des conquêtes, Alger a toujours su se défendre des divers peuples voulant la coloniser,

elle

fut

un

grand

port

et

un

symbole

dans

toute

la

méditerranée. L’urbanisme et l’architecture de la Casbah sont un fait exceptionnel, caractérisé par l’originalité du site lui-même. Car c’est par rapport au site et à son environnement que la ville s’est installée sur le flanc de la montagne à l’abri des vents et à la vue de la mer. La relation qu’entretiennent la ville ou Casbah avec le site est harmonieuse et c’est en cela que la ville a su se démarquer d’autres médinas. Cependant nous nous rendons compte aussi qu’elle est aujourd’hui marginalisée par l’Etat et mal traitée par ses habitants.

Nous pouvons maintenant affirmer que les politiques jusqu’alors mises en place ont été désastreuses pour la Casbah et entrainent la nécessité de mesures d’urgence. Car il est vrai que malgré les destructions opérées par les Français à leur arrivée, il apparait que la Casbah a subit plus de dégradations et de pertes après l’indépendance. Même si la période de revendications identitaires, culturelles et politiques a été décisive dans la création de nouvelles lois sur le patrimoine et les secteurs sauvegardés, plusieurs questions restent en suspens.

78

-

CONCLUSION -

Nous le savons, le patrimoine Casbadji se comprend sous trois aspects : historique, culturel et urbanistique. Du point de vue historique la Casbah a toujours résisté aux envahisseurs comme les Espagnols, les Italiens, les Anglais et même les Français. En se focalisant sur la période coloniale, de 1830 à 1962, la Casbah accueille les musulmans, les troupes françaises qui voulaient sa démolition pour y construire la ville coloniale française. Mais très vite, les colons se rendent compte que la nouvelle ville qu’ils veulent développer se veut grande et au-delà des fortifications. Elle fut aussi le haut lieu de la Résistance Algérienne et de la libération du pays pendant la guerre d’Algérie.

Aujourd’hui et après son indépendance, elle est encore perçue par les autorités comme un endroit difficile à contrôler comme nous pouvons le voir dans le film « Pepe le Moko »57, ou un fugitif se cache dans la Casbah, ou encore et surtout dans « La bataille d’Alger », siège de la ZAA du FLN. Son urbanisme original est un facteur important, sa myriade de ruelles étroites et sa multitudes de cheminements rendent impossible l’action et le contrôle de l’Etat. La Casbah reste alors en marge des préoccupations, ainsi se développent divers activités illégales et la violence y est importante. Même si des actions théoriques sont en place, la mise en pratique de chacun des plans effectués n’a jamais vu le jour.

Evidemment plusieurs études ont été réalisées sur les plans théoriques ainsi que des restaurations plus ou moins rapide ont vus le jour. Mais chacune des restaurations a été une action ponctuelle relevant plus de la réhabilitation de monument historique que de la sauvegarde d’un patrimoine urbain ou centre historique. Ainsi il est légitime de se demander si la marginalisation de la Casbah a été voulue ou si les actions menées n’étaient là que pour palier la

57

La Bataille d’Alger, film italo-algérien de Gillo Pontecorvo, sorti en 1966.

79

crise du logement? L’élargissement de la notion de patrimoine en 1998 avec la loi relative à la sauvegarde du patrimoine, annonce que l’on passe de la reconnaissance de monument ou site à « biens culturels matériels et immatériels ». C’est donc à partir de 1998 que le tout urbain est considéré dans la Casbah, autant son architecture que son histoire, sa culture et ses traditions.

Ainsi la patrimonialisation est-elle arrivée à son terme ? La reconnaissance d’un tout urbain grâce à la loi de 1998, est certes une avancée considérable en Algérie, mais résiste le problème du passage à l’action.

Après les recherches effectuées et la réflexion autour de la position de la Casbah dans les projets de renouvellement urbain d’Alger, nous nous rendons évidemment compte de la passivité de l’Etat. Les actions ponctuelles à des fins politiques ont été menées à bien, tel la restauration des palais ou du bastion XXIII qui accueillent des ministères, des musées… Ou encore la politique de relogement des familles « sinistrées », qui n’apporte, depuis 1962, que la dégradation de la Casbah. Malgré les études et critiques, des auteurs, architectes, urbanistes… le relogement continue, à qui donc profite-il dès lors ?

Si le but est de déplacer les familles, alors où est la place du logement dans les projets de réhabilitation ? Quelle importance porte l’Etat au résidentiel dans la Haute Casbah ? Ces questions en amènent une plus générale que Djaffar Lesbet se pose constamment, « La Casbah, pour qui ? »58 Ainsi à qui sera destinée la Casbah réhabilitée ? La réponse reste toujours floue et amène donc à des suppositions. Nous ne pouvons mettre de côté les phénomènes de gentrification et de spéculation immobilière qui s’imposent dans les centres urbains à la suite de leur restauration. Premièrement l’arrivée du tourisme apportera à la Casbah une valeur culturelle touristique et attirera ainsi divers investisseurs pour la création d’hôtels ou de tout organisme à vocation

58

Djaffar Lesbet, LA CASBAH : Quel avenir?, Article Midi-Libre, Alger 18 novembre 2009

80

touristique. La valeur du site ne cessera alors de monter, augmentant ainsi le prix de la terre et des biens réhabilités.

Même si le renouveau urbain d’Alger est grand et optimiste, la considération qui est portée à la culture, à la langue et aux traditions de tous les peuples Algériens est mise de côté. La richesse du pays ne réside-t-elle pas dans la diversité de ses cultures, qui ont vécu ensemble durant des siècles ? N’oublions pas qu’Alger a été créée pour y installer un port de commerce, ainsi elle a vu arriver sur ses terres de nombreuses civilisations, de nombreux peuples, qui ont chacun laissé la trace de leur culture.

Pendant la colonisation les Algériens ont subi l’arabisation et l’uniformisation de leur culture, et aujourd’hui c’est l’Etat Algérien lui-même qui impose cette arabisation des peuples d’Algérie à travers l’éducation par exemple. Plusieurs questions subviennent alors, en prenant en compte le contexte politique de l’Algérie aujourd’hui. L’Etat est-il prêt à protéger son patrimoine et surtout le considère-t-il comme légitime ? Les actions menées jusqu’à présent ne sontelles qu’une manière superficielle de répondre à l’inscription du site au patrimoine mondiale ? Autant de questions qui restent sans réponse, dans un pays dont le pouvoir et les décisions politiques restent opaques sur leurs objectifs.

81

La Casbah d’Alger Crise identitaire et renouvellement urbain

-

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Ouvrages

BIBLIOGRAPHIE

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Filmographie

-

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La Bataille d'Alger, film italo-algérien de Gillo Ponte Corvo, 1966 A travers la ville d'Alger, du port à la Casbah, vidéo documentaire, diffuseur Les Actualités Françaises, 1948

La Casbah d’Alger « El Bahdja », film documentaire Nasser-Eddine Benalia, 2005 Algérie, l’indépendance, Radiodiffusion Télévision Française, Ina.fr, 30 juin 1962

84

-

Table des matières

-

- Table des matières Introduction

Analyse du processus de patrimonialisation depuis la période de la régence -

I.

Les prémisses de la notion de « patrimoine » sous la régence du Dey.

1 5 5

Le patrimoine dans la religion. héritage immatériel et spirituel.

La propriété et l’inaliénabilité du Habou.

II.

La colonisation et l’imposition d’une vision et d’une législation patrimoniale occidentale.

10

Le processus de reconnaissance d’un patrimoine musulman selon sa définition Européenne.

L’imposition de la culture Française et le rejet de la culture musulmane.

L’avènement du Néo-Mauresque sous la gouvernance de Jonnart.

III.

L’indépendance et l’émergence de la notion de patrimoine urbain : une évolution commune en France et en Algérie

22

Premières évocations de la notion de « patrimoine urbain ».

Transposition de la notion au cas de la Casbah, chronologie des politiques patrimoniales.

Les acteurs de la sauvegarde : institutions politiques et sociales.

IV.

Les Grands projets de restauration – Etat des lieux

36

La législation patrimoniale après la décennie noire.

Les changements et nouveautés en termes de plan de sauvegarde.

Le plan permanent de sauvegarde : Enjeux et nouveautés

Divergence d’usage et de représentation la Casbah ou centre historique d’Alger aujourd’hui -

43

I.

46

La Casbah : un trésor urbanistique, architectural et culturel sous la régence.

Description et analyse de l’urbanisme et de l’architecture sous la régence.

Détail sur l’architecture mauresque : la maison à patio Une société multi ethnique.

II.

La complexité de la relation habitant / habité ou contenant / contenu

61

L’intervention de l’Etat, la politique face à la crise du logement.

Les effets indésirables, dégradations volontaires.

La Casbah comme espace de transit : squat / location illégale…

III.

Quel avenir pour la Casbah ?

72

La vision environnementale de Djamel Boussaa.

Les actions d’urgence et le besoin de changement de Djaafar Lesbet.

La période post-rénovation ?

Conclusion

79 85

-

Dossier annexes

-

Annexe 1 - Chronologie descriptive des évènements importants.

De l’époque coloniale à aujourd’hui. Evolution de la carte d’Alger - Extension de la Casbah.

Annexe 2 - Liste des monuments classés dans la Casbah.

Travail sur le PPSMVSS.

Annexe 3 - Carte détaillée de la Casbah.

Plan des rues et ruelles - Emplacement des maisons et palais.

Annexe 4 - La bataille d’Alger, Gillo Pontocorvo, 1966. Images du Film.

Film tourné à Alger - Sur les affrontements entre le FLN et le Général Massu en 1957.

Annexe 5 - Travaux de soutènement dans la Casbah.

Action d’urgence du PPSMVSS

Annexe 6 - Construction “parasismique” après le séisme de 1716.

Détail constructif des bâtisses.

Annexe 7 - Relevé architectural dans la Casbah.

Détail constructif des bâtisses.

87

Annexes 1 - Chronologie descriptive des évènements importants.

Frise de l’époque coloniale à aujourd’hui.

1827

Le coup d’éventail

A la suite d’une visite du consul Français Pierre Deval au pacha Hussein Dey d’Alger, il annonce que l’argent prêté par Alger ne sera pas remboursé par la France. Le pacha, d’un coup d’éventail repousse le consul.

1831

1850

Les destructions

La disparition de la Basse Casbah. Quartier de la Marine. Zone de commerce sous la Régence d’Alger elle devient zone portuaire avec des bpatiments haussmanien et percée nord / sud.

Le quartier de la Marine algeroisementvotre.com

1860

La ville d’Haussmann

Les tracés et l’architecture Erection de bâtiments Haussmanien dans le Alger Français.

Résidence des Français.

Alger centre Sonia Semar

Plan d’Alger la première année d’occupation.

1870

Tracé Haussmanien du quartier de la Marine.

1888

Developpement de la ville au delà des fortifications. Vers le Sud

1900

1916

Le Néo-Mauresque

Avec le Gouverneur Jonnart. âtiment alliant architecture maure et technique Européenne.

Grande Poste voinot et toudoire

Developpement vers l’Ouest, sur les hauteurs.

1937 1954

la Guerre d’Algérie 1954-1962

Opposition entre les indépendantistes Algériens et l’Etat Français.

1957

La Casbah devient un quartier d’Alger Centre.

1962

La Bataille d’Alger

Opposition entre le FLN basé dans la Casbah et le général Massu.

Accords d’Evian et indépendance

Négociation entre le gouvernement Français et le Gouvernement provisoire Algérien.

1962 1968

ATELIER CASBAH

Créé pour la restauration du palais du Dey

1970

COMEDOR

1er organisme institutionnel pour la sauvegarde de la Casbah.

1975

POG accepté

1979

POG rejeté

1985

OFIRAC

Succède à l’atelier casbah.

Plusieurs destructions 1991

Casbah Patrimoine national

1992

Casbah Patrimoine mondial

1995

PDAU Alger

1998

Loi sur le Patrimoine

Plan directeur d’Aménagement urbain.

Casbah comme centre historique, culturel et touristique.

15 JUIN 1998

Reconnaissance du patrimoine immateriel et du tout urbain.

2004

2012

2012

PPSMVSS

L’objectif du plan est la restauration et la conservation du tissu traditionnel.

PPSMVSS

Phase I et II terminée.

Approbation de la phase III.

Sonia Semar

Annexes 1 - Chronologie descriptive des évènements importants.

De l’époque Phenicienne à l’époque coloniale.

Annexe 2 - Liste des monuments classés dans la Casbah.

De la Régence à aujourd’hui. Evolution de la carte d’Alger - Extension de la Casbah.

PDAU Alger 2012

Annexes 3 - Carte dĂŠtaillĂŠe de la Casbah.

Plan des rues et ruelles - Emplacement des maisons et palais. neababeloued.fr

Annexes 3 - Carte dĂŠtaillĂŠe de la Casbah.

Plan des rues et ruelles - Emplacement des maisons et palais.

alger-roi.fr

forums.france3.fr

Annexe 4 - La bataille d’Alger, Gillo Pontocorvo, 1966. Images du Film.

Film tourné à Alger - Sur les affrontements entre le FLN et le Général Massu.

Les terrasses de la Casbah.

L’armée surveillant les allées et venus des Casbahdjis sur l’Avenue du 1er Novembre.

Annexe 5 - Travaux de soutènement dans la Casbah.

Action d’urgence du PPSMVSS

Photos Sonia Semar. Novembre 2012

Annexe 6 - Construction “parasismique” après le séisme de 1716.

Détail constructif des bâtisses.

Encorbellement ou “kbou”.

“Détail de construction, l’extension est soutenue par des rondins de thuya qui permettent une certaine mobilité en cas de seisme.”

“Les planchers sont constitutés d’une superposition de rondins de thuya insérés dans toute l’épaisseur du mur, créant une différence de niveau.

Entre deux rangées de bois est disposé un voligeage qui permet le mouvement par roulement ou glissement.”

“Détail départ arc : une rangée de thuya.”

Source Djaffar Lesbet.

Règlementation parasismique des séismes d’Alger 1716 à de Boumerdes 2003 en Algérie: Structure en maçonnerie porteuse Structure flexible : Type arcade Planchers constitués par des poutres en bois en saillie des murs sur lesquels elles sont posées.

Renforts en bois pour les encorbellements

Azzouz Bouguerba - a rchi-mag.com

Annexes 7 - Relevé architectural dans la Casbah.

Détail constructif des bâtisses.

Khalef Naima - Documents récoltés dans un mémoire sur l’architecture et l’urbanisme de la Casbah d’Alger. Le 30|06|2012

RDC - source S. Ammour

Source - Besim

1er - source S. Ammour

Source - Le Corbusier Terrasse - source S. Ammour

Annexes 7 - Relevé architectural dans la Casbah.

Détail constructif des bâtisses.

Source - design.epfl.ch par minhluc le 07|03|2011

Alger avant l’arrivée des Français en 1830.

L’orientation des maisons et des ruelles suit directement la topographie du site.

Densité des bâtisses.

L’orientation des bâtisses dépend également de la relation à la mer.

Ainsi chaque bâtisse se pose en escalier et ne bloque pas la vue à la maison située plus haut.

La Casbah d’Alger Crise identitaire et renouvellement urbain

Semar Sonia