BACRI-séraphine__PO

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LʹARBRE A MUSIQUE OU LES AVENTURES DE SERAPHINE

Conte musical pour enfants op. 89

Pour récitant et petit orchestre sur un texte de Sylvie Robe

La partition est notée en sons réels sauf pour la contrebasse.

Adagio sognando

PRELUDE

Nicolas BACRI 2004

Adagio sognando

C'est l'heure où les rayons du soleil du petit matin se frottent contre les feuilles de l'arbre à musique.

C'est l'heure de la musica du premier point du jour. C'est l'heure préférée de Séraphine, qui se réveille, s'étire comme les chats des humains, se frotte les yeux, frappe dans ses mains pour attirer les croques notes et les croque sans plus de façon pour son petit déjeuner.

-Bonjour le jour, reviens chaque jour et coiffe tes cheveux nuages, ils sont tout ébouriffés. Ça va, la compagnie?

Adagio (ca 60 = q )

Aujourd'hui est un grand jour pour Séraphine. Elle se donne l'air d'être bien à l'aise

Adagio (ca 60 = q )

mais tout au creux de son ventre, là, elle a un petit pincement. Eh oui! C'est le jour du voyage dans le ventre de l'arbre, le jour du grand dedans. Séraphine a sept ans. Elle ne peut plus se contenter des croques notes et du soleil. Elle doit savoir. Quoi? elle ne le sait pas. Elle sait juste qu'elle doit partir pour savoir une chose qu'elle ne sait pas...

Il n'est plus temps de rêver, il n'est plus temps de s'étirer. -Au revoir le jour, je reviendrai un jour, promis, juré, craché. En attendant bon pied, bon œil, en avant pour le grand dedans. Sans plus de manière, elle va s'asseoir au centre de l'arbre, là où finit le tronc, là où naissent les branches et fait les gestes ancestraux de la lignée des séraphins, qu'elle sait sans le savoir. Elle frappe trois fois dans ses mains, frotte chacun de ses doigts l'un contre l'autre,

ce qui produit une petite musique très délicate et légère.

C'est ainsi que Le centre de l'arbre s'ouvre et qu'au même instant, Séraphine comprend une première chose. Elle est une musicante, ses mains le lui ont appris.

Adagio (ca 60 = q )
Adagio (ca 60 = q )

Séraphine glisse doucement, longuement au

Elle n'a pas peur. Elle se dit tout haut : Voilà que je tombe comme Alice, au pays des merveilles. Oui, mais moi, c'est pour de vrai, on n'est pas au pays des merveilles et des contes à dormir debout. Et pour s'en convaincre, elle se pince le nez et crie : -Aïe, ouille, ça fait mal donc j'existe, vrai de vrai, c'est pas du pipeau.

Adagio misterioso

Adagio misterioso

Le temps ne se compte plus. Le jour et la nuit, c'est du pareil au même. Séraphine ne voit pas, mais elle entend. Elle entend au lointain le bruit du grand dedans. Cela fait comme si on approchait son oreille tout près, tout près, jusqu'à la coller

contre un ami pour entendre battre son coeur. Enfin, ses pieds se posent, elle perd l'équilibre, tombe par terre sur le derrière et dit :

-Aïe, ouille, ça fait mal donc j'existe, vrai de vrai, c'est pas du pipeau. Bonjour Séraphine, je t'attendais. C'est moi, l'éveilleur.

Suite du texte de la mesure 53

Elle a devant elle un drôle de personnage à l'allure de champignon des bois.

-Tu es une musicante, tu dois partir à la recherche du facteur de monstration.

-Celui qui porte les lettres des monstres, demande Séraphine un peu inquiète.

-Non, celui qui sait faire et montrer ce qu'il fait, lui répond l'éveilleur.

Maintenant, suis ma luciole, elle te guidera.

C'est ainsi que Séraphine court après la luciole, cette drôle de bestiole qui se prend pour un lumignon.

Allegramente (ca 92 = qk )

INTERLUDE I La luciole

Elle court tant et si bien qu'elle finit par arriver devant un atelier. Une porte se tient toute seule devant elle sans mur et sans fenêtre. Séraphine frappe : -Toc, toc, toc

Elle aurait pu tout aussi bien entrer dans l'atelier sans tambour ni trompette et dire d'un air guilleret : -Salut la compagnie!

Mais Séraphine est polie surtout quand elle est impressionnée. Et là, elle en a le souffle coupé.

Une vraie caverne d'Ali Baba remplie de fioles, de pinceaux, d'outils de toutes sortes. Au plafond sont accrochés des dizaines d'instruments, violons, luths, altos, violoncelles. Une contrebasse

se prélasse au fond de la pièce. Sur le sol, un tapis de copeaux, et au milieu de tout cela, un établi. Penché devant, un vieux bonhomme aux cheveux blancs, une paire de lunettes sur le bout du nez.

-Bonjour Séraphine, je t'attendais dit-il, en relevant le nez, je suis le luthier. -Alors je me suis trompée, dit Séraphine. Moi, c'est le facteur de monstration que je dois trouver. -Assieds-toi et écoute-moi. Tu es une musicante, Séraphine, et tu le sais. Les musicants naissent dans les arbres et pourquoi? Ça, tu ne le sais pas. C'est parce que les arbres sont de gros instruments de musique. Ils résonnent comme le tambour, ils jouent avec le vent comme la flûte et le hautbois, ils murmurent en hiver et pleurent parfois comme le violon. Certains sont graves et majestueux, d'autres fluets et souples. Quelques uns continuent à nous faire entendre leur musique lorsqu'ils deviennent un instrument et que vous, les musicants, les faites chanter. -Maintenant, fini, les discours. Il nous faut trouver ton instrument, celui que tes doigts appellent, celui qui fait vibrer ton cœur, celui qui t'attend, tapi dans un morceau de bois. Le bonhomme a l'air si grave en disant cela que Séraphine reste bouche bée et bras ballants. -Quelle affaire, comment faire? finit-elle par articuler. Le luthier décroche délicatement chaque instrument et le pose dans les bras de Séraphine. Les yeux fermés, elle entend la voix de chacun,

legato

legato

legato

legato espressivo

legato

l'un après l'autre, au fur et à mesure.

Soudain, elle sent dans ses bras comme un animal léger qui frémit, elle tend l'oreille et se concentre. Alors, doucement la petite musique du violon se fait entendre,

vibre, prend l'espace et se déploie.

Lorsque la petite musique se tait, Séraphine ouvre les yeux et dit doucement: -C'est celui-là. -Il ne nous reste plus qu'à fabriquer celui qui t'appartiendra.

Andante meccanico (ca 108 = q )

ils font naître un violon.

Sans plus de façon, ils se mettent à l'ouvrage. Coupent, scient, rabotent, assemblent, collent, râpent et sculptent. De quelques morceaux de bois,

-Maintenant qu'il est né, il nous faut l'habiller de belle façon, que dirais-tu d'un habit aux reflets orangés. -Habiller un violon, le bonhomme est un peu fêlé, se dit Séraphine, il a dû trop travailler. -Allez, Séraphine, je ne suis pas un vieux fou, dit le luthier qui semble lire dans les pensées. Observe plutôt ce que je fais. Prends cette fiole, ces ingrédients, nous allons fabriquer la potion magique.

Ils dosent, mélangent, chauffent, puis délicatement, au pinceau,

recouvrent l'instrument de cette drôle de composition.

-Maintenant Séraphine, le moment est venu de nous séparer, il te faut comprendre les mille façons de faire sonner ton violon. Il te faut entendre son âme.

-Et à quoi ça sert une âme?

-A vibrer, Séraphine, à vibrer à l'unisson.

-Mais, dit encore Séraphine, perplexe, je devais voir le facteur de monstration et c'est toi que j'ai rencontré.

-Luthier, facteur de monstration, c'est du pareil au même, ne t'ai-je pas montré mes secrets de fabrication? Adieu, mademoiselle, tiens, un petit cadeau. Et de derrière son dos, il sort un archet qu'il tend à Séraphine.

-Adieu, facteur luthier, le violon me parlera de toi, ainsi je ne t'oublierai pas. Et Luciole, la bestiole, attends-moi!

ôtez la sourdine

ôtez la sourdine

la sourdine

Allegramente (ca 92 = qk )

Son violon sous le bras, Séraphine presse le pas. Elle sait que son voyage n'est pas terminé. Elle ne sait toujours pas ce qu'elle ne sait pas. Lorsqu'elle est fatiguée, elle s'arrête, frotte l'archet sur les cordes du violon.

Ecoute ça, la luciole, on croirait les vieilles branches de mon arbre quand elles se plaignent de rhumatismes. Ça grince et coince, mais de musique, pas.

Adagio sognando

Adagio

Soudain, elle aperçoit deux étranges silhouettes, bras dessus bras dessous, avançant doucement, flottant plus que marchant.

-Bonjour, dit Séraphine, je suis un peu perdue, êtes-vous ceux que je dois rencontrer? -Nous rencontrer? Mais ce n'est pas possible, tu ne dors pas. Nous sommes le récolteur de rêves et le ramasseur de songes. Nous cherchons la Belle au bois dormant. Et les voilà qui disparaissent. Séraphine se pince la joue et crie:

Allegro (ca 120 = q )

Aïe, ouille, ça fait mal donc j'existe, vrai de vrai, c'est pas du pipeau.

Allegro (ca 120 = q )

Furtivo (ca 144 = q )

À peine a t-elle fait quelques pas qu'elle voit arriver en courant un petit homme tout essoufflé, un filet de cr evettes à la main et deux crapauds en guise de pieds. -Eh monsieur, êtes-vous celui que... -Pas le temps, pas le temps, ne vois-tu pas, la péronelle que je suis très occupé.

d'elle mais ne voit personne. Elle a juste l'impression qu'un courant d'air très froid lui a tourné autour. -Mais qui êtes-vous?

crie t-elle au petit homme qui s'enfuit. -Le chasseur de cauchemars. Désolé, le devoir m'appelle, adieu! lui répond ce drôle d'oiseau chaussé de crapauds.

Le grand dedans est inquiétant. Elle pense au temps d'avant, jouant de branche en branche entre ciel et terre. Oh le beau temps, le joli temps plein de couleurs, ici tout est en noir et blanc, et la luciole, drôle de bestiole ne ressemble pas au soleil. Elle a tout juste l'air d'un luminaire.

Adagio (q = hk)

Séraphine s'endort doucement bercée par la petite musique qu'elle avait entendue chez le luthier.

Adagio cantabile (ca 50 = q )

INTERLUDE III Berceuse de Séraphine

p

legato espressivo

p legato espressivo

p legato espressivo

Réveillée soudain par la sensation d'être une coquille de noix ballotée au milieu de la mer, Séraphine n'en croit pas ses yeux. -Laissez-moi, voulez vous me poser? Ne touchez pas à mon violon. Je ne suis pas une poupée. Elle est tout simplement transportée sur le dos d'un ânon, mené par une drôle de tribu, ribambelle d'enfants. -Mais je vous reconnais, dit-elle. N'êtes vous pas les enfants perdus de Peter Pan? -Pas vraiment, c'est toi, qui est perdue. Nous sommes les porteurs d'histoires et les souffleurs de mots.

Più mosso (ca 184 - 192 = q )

Più mosso (ca 184 - 192 = q )

Et les voilà marchant gaiement. Ils chantent et dansent en avançant, inventent des charades, jonglent avec les mots,

sifflent les vieilles chansons. Ils tiennent la main d'anciens héros, les princesses et les vagabonds des

histoires oubliées et de celles qui n'ont jamais encore été racontées.

Une porte apparaît alors devant elle. Sur une petite pancarte accrochée à la clenche, elle lit: -Gratte-moi le dos de bas en haut! Franchis-moi, c'est bien là! Séraphine s'exécute, n'ayant pas le choix. Elle se met à gratouiller timidement la porte qui ne bouge pas. Elle se décide alors à être plus ferme et gratte fortement le bois. La porte se met alors à se trémousser.

Lento

Elle continue à la gratouiller, à la chatouiller jusqu'à ce que la porte cède, toute gondolée, comme prise d'une sorte de fou-rire silencieux. -Bonjour Séraphine, je t'attendais.

Adagio sognando

Séraphine ouvre des yeux ronds.

Adagio sognando

Ne me voit que celui qui sait entendre

Tu es là pour cela petite musicante: apprendre à entendre.

Séraphine fait un signe à la porte qui se referme doucement.

C'est décidé, elle reste là.

la voix et le silence qui se mêlent et jouent ensemble; tantôt elle ouvre les yeux, prend son violon et cherche à retrouver la mélodie qu'elle vient d'entendre.

ôtez

Peu à peu, elle se met à jouer avec la voix. Elle ne cherche plus seulement à imiter le chant.

ôtez la

ôtez la

Elle se promène et gambade dans la musique au gré de son humeur. Elle prend de l'assurance et se laisse surprendre par le chant du violon.

ce qui fait environ trois de nos années. C'est durant la troisième lune que Séraphine voit distinctement les couleurs que la musique invente. Plus elle joue avec la voix de Maïa, plus elle voit surgir

des sons toutes sortes de couleurs qui s'agencent et composent des paysages changeants, des tableaux mouvants, des rêves d'arc en ciel

INTERLUDE IV Au matin du septième soleil

Adagio sognando

Adagio sognando

-Bonjour Séraphine, le temps est venu de nous quitter. Tu sais maintenant ce que tu ne savais pas. En apprenant à entendre, tu as su voir les couleurs du grand dedans, celles que la musique fait naître. Tu es preête maintenant. Prends le chemin qui mène au pays du dehors. Le peuple des séraphins t'attend. Adieu, petite musicante. -Adieu Maïa, je ne t'oublierai pas. Ta voix, je pourrai l'entendre et la voir, en écoutant là. Et elle pose une main sur son

Allegramente (92 = qk )

Allegramente (92 = qk )

Luciole, sacrée bestiole, réveille-toi et guide-moi! En route pour le pays du dehors! Séraphine gratouille

et chatouille la porte qui s'ouvre dans un éclat de rire silencieux.

Et les voilà parties. Séraphine courant derrière la luciole,

drôle de bestiole, ne fais pas la folle, attends-moi!

C'est ainsi que Séraphine rejoint le monde des Séraphins qui est aussi celui des elfes, des oiseaux-licornes et des composites, vous savez, ceux qui prennent toutes sortes de choses pour en faire quelque chose. Ce monde est tout près de celui des humains des terres chaudes, des humains des terres froides et de ceux des terres sèches. Parfois, ces mondes se rencontrent. Mais là, c'est une autre histoire...

laisser vibrer

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