1810
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IV Les événements qui venaient de se produire n'étaient pourtant que le prologue du grand drame révolutionnaire dont les scènes à venir réservaient malheureusement à ces illusions trop généreuses une longue série de démentis tragiques. Ce prologue même n'était point achevé en son ensemble, qu'isolé sans doute et sur le théâtre écarté d'une province de second rang, un sanglant épisode en avait déjà gravement déconcerté l'ordonnance. Pendant que les patriotes, incarcérés à Quito après l'arrivée des troupes auxiliaires de Nouvelle-Grenade et du Pérou, attendaient que l'Audience de Santa-Fé eût statué sur leur sort, un certain nombre des soldats de la garnison, dont l'attitude avait naguère obligé le président Ruiz à reconnaître la Junte et qui, par la suite, s'étaient réfugiés dans la campagne, retournèrent en ville. Ils supposaient que les persécutions avaient pris fin et pensaient n'être plus inq uiétés. On les arrêta cependant, ils furent jetés en prison et la population manifesta dès lors une vive hostilité à l'égard des troupes d'occupation qui, de leur côté, se livraient à tous les désordres, maltraitaient au moindre propos les habitants. Ceux-ci finirent par refuser d'approvisionner les soldats espagnols. Le brutal Arrechaga et le sinistre Arredonda, qui les commandaient, s'étaient mal résignés à l'indulgence relative du président Ruiz envers les patriotes, qu'arrêtés, ils eussent voulu voir exécutés sur l'heure: la résistance des habitants de Quito les exaspéra et ils ne cherchèrent plus qu'une occasion de vengeance. Elle ne devait pas tarder à s'offrir. Le 2 août 1810, à une heure de l'après-midi, une dizaine des soldats récemment emprisonnés surprirent leurs gardiens, s'emparèrent de leurs armes et, comptant sur l'appui de la population, coururent aux casernes occupées par la garnison péruvienne. Mais l'alarme fut aussitôt donnée : les fugitifs arrivaient à peine sur