Le Général de Sonis, d'après ses papiers et sa correspondance

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LE GÉNÉRAL DE SONIS

marche, il ne sait où il doit s’engager »; et M. de Luxer lui donne l’indication deVillepion. — Second arrêt, après une canonnade de dix minutes seulement, contre un ennemi à grande distance, et arrêt définitif de la 3e division. Pendant ces retards, la nuit est venue, l’ennemi presse, Loigny est attaqué, Deflandre est toujours attendu, toujours appelé; Sonis et les volontaires sont écrasés, Deflandre est toujours loin, et la position est perdue, faute d’appui. Cette faute, qui l’a commise? Est-ce l’ardeur ou la négligence de Sonis? est-ce la lenteur de Deflandre? Je ne voudrais pas faire le procès de ce dernier; mais puisqu’on vient faire le procès de Sonis, entre les deux on peut juger. Reste le long persiflage que le jeune auteur s’est cru permis envers une mémoire vénérée. Ce procédé a étonné et affligé les admirateurs et amis de Sonis, sous une plume qui ne s’est faite agressive que contre lui. Mais, en tout cas, le persiflage ne saurait être un argument pour personne. Que, dans ces pages malheureuses qui nous gâtent les autres, le grand et saint Français ne soit plus, pour le Journal, qu’ « un héros de tragédie qui balance, entouré du chœur de ses confidents » ; qu’on en fasse dédaigneusement le demeurant d’un autre siècle, le Cid campeador, le paladin Roland à Roncevaux, le comte d’Alençon à Crecy; qu’il soit un « fasciné », un illuminé, un rêveur; un distrait qui, « dans l’ardeur d’une action locale, ne songe plus guère à ceux qu’il a laissés en arrière; » un apprenti qui jette ses troupes « en rangs serrés à la gueule du canon, empêchés de tirer par les cavaliers qui précèdent » ; que son sacrifice ne soit qu’une « crise psychologique », et qu’on le qualifie, si l’on veut, d’« héroïque folie » : des choses de ce goût, de ce ton et de cette vérité retombent sur ceux qui les risquent, et ce n’est pas l’honneur de Sonis qui en souffrira le plus. Le même esprit anime le second de ces livres, et les méchants propos y remplacent les bonnes raisons. De parti pris, tout est mal dit de ce que dit Sonis, tout est mal fait de ce qu’il fait : il ne reste plus rien de lui. Au lieu d’écrire de son sang une belle page, à Loigny, « il a créé une légende, et il la faut démolir. » Son héroïsme a été exagéré par l’égoïsme de la camaraderie jusqu’à l’injustice. Heureusement, enfin, un homme s’est rencontré qui s’est fait le redresseur des torts de l’histoire en renversant le piédestal usurpé de l’homme de guerre. En retour, tout est indulgence et admiration pour ce qui n’est


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