
6 minute read
LE CONSEIL VÉTÉRINAIRE : Vermifugation raisonnée et coproscopie


Advertisement
Vermifugation raisonnée et coproscopie Depuis de nombreuses années, nous entendons régulièrement le slogan: «Les antibiotiques, c’est pas automatique!». Savezvous qu’aujourd’hui, certaines familles d’antibiotiques comme les
quinolones et les céphalosporines de 3eme et 4eme génération ont été interdites d’utilisation dans les animaux producteurs de denrées alimentaires? En effet il a été décidé de conserver ces antibiotiques dits « sensibles » uniquement pour la médecine humaine. Une utilisation trop importante et irréfléchie de ces molécules en médecine vétérinaire aurait pu amener à l’émergence de souches bactériennes multi-résistantes, véritable cauchemar pour la médecine humaine. En parallèle, Il est temps que le monde du cheval se pose de vraies questions quant à ses habitudes d’utilisation des vermifuges… Peut-être vermifugeons-nous trop nos chevaux ? Ou de manière non réfléchie, non raisonnée?
Pour rappel, nos équidés sont touchés par différentes familles de parasites. Les vers ronds avec les oxyures, les grands strongles, les petits strongles et les ascaris. Les vers plats avec les anoplocephala et les larves de gasterophilus intestinalis. Pour lutter contre ces parasites, nous utilisons aujourd’hui différentes molécules : les benzimidazoles (fenbendazole), les lactones macrocycliques (ivermectine et moxidectine) et le pyrantel. Malheureusement, la liste de ces traitements est assez courte et il y a peu de nouvelles molécules découvertes. La dernière en date, la moxidectine, date de 1990… Alors soyons clairs, les résistances aux vermifuges existent aujourd’hui et il sera impossible de revenir en arrière mais de bonnes pratiques de vermifugation permettent de ralentir l’apparition de nouvelles résistances et a contrario, une vermifugation NON raisonnée sélectionne des parasites résistants qui seuls survivent et transmettent leurs gènes de résistance à leur descendance...
Impact des traitements antiparasitaires sur la biodiversité des prairies
Pie-grièche écorcheur
Bousier
Grand rhinolophe
Traitement antiparasitaire
Présence de la molécule antiparasitaire dans les matières fécales
Mortalité des insectes coprophages
Hérisson
Moins de nourriture pour les consommateurs de ces insectes
La gestion raisonnée du parasitisme chez nos équidés doit se faire de manière réfléchie, et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, pour une raison sanitaire, pour éviter le sur-traitement de nos chevaux, pour favoriser leur immunité naturelle et limiter l’émergence de souches parasitaires résistantes. Deuxièmement, pour une raison écologique : nos vermifuges peuvent avoir un effet négatif sur la biodiversité et une toxicité pour les insectes coprophages, qui ont un rôle essentiel dans l’écologie de nos prairies (recyclage de la matière organique, nourriture pour les animaux insectivores…). Et enfin, pour des raisons simplement économiques, car les traitements antiparasitaires ont un coût ; une gestion raisonnée permet de faire des économies.
Une vermifugation raisonnée?
Quelques règles importantes doivent être respectées lorsqu’on parle de vermifuge. • Tout d’abord, la vermifugation doit être pensée à l’échelle de l’élevage et non à titre individuel afin d’en maximiser son efficacité.
• Eviter le sous-dosage: évaluer correctement le poids de votre animal. • il est important de suivre les conseils de votre vétérinaire, le vermifuge est un médicament et peut être toxique s’il est mal utilisé. • Inutile de vermifuger les chevaux adultes en hiver, en effet à cette saison l’excrétion d’œufs est très faible.
• Et surtout, ne pas vermifuger systématiquement tous les chevaux adultes : préférer une vermifugation ciblée après coproscopie !
Qu’est-ce que la coproscopie?
La coproscopie est un examen au microscope des crottins du cheval, permettant d’observer et de compter les œufs produits par les vers adultes présents dans l’intestin de celui-ci. La coproscopie permet donc de déterminer le type et le nombre d’œufs par gramme de crottins : OPG. Quand faire des coproscopies : d’avril à novembre. Comment prélever le crottin: 2 ou 3 boules de crottins frais par cheval, à conserver au réfrigérateur une semaine maximum, dans un gant de fouille ou dans un pot fermé hermétiquement. L’analyse pourra être réalisée par votre vétérinaire, un laboratoire spécialisé ou à la faculté de Médecine vétérinaire de Liège.
RECOLTE
1) Réaliser un prélèvement par cheval 2) Prélever du crottin frais : juste après émission dans la mesure du possible 3) Récolter à l’aide d’un gant qu’on retourne ensuite sur le crottin ou d’un pot à prélèvement 4) Prélever environ 2 ou 4 boules
CONSERVATION
1) Chasser l’air présent dans le gant 2) Refermer à l’aide d’un nœud 3) Identifier le prélèvement : nom du cheval, date 4) Conserver au réfrigérateur avant envoi (à 4 degrés, maximum une semaine)
Ne pas vermifuger les chevaux adultes systématiquement mais seulement les forts excréteurs après coproscopie
Un vermifuge est un médicament vétérinaire 20% des chevaux adultes hébergent 80% des parasites
Un cheval en bonne santé est en équilibre avec ses parasites
VERMIFUGATION RAISONNEE
Vermifuger les poulinières à la même fréquence que les autres adultes
Vermifuger les jeunes chevaux (moins de 3 ans) systématiquement 3 fois par an
Vermifuger les poulains à partir de 2 mois et 4 fois la première année
©IFCE
PRISE EN CHARGE
1) Transmettre le prélèvement à votre vétérinaire traitant 2) En début de semaine pour une prise en charge rapide : éviter la période avant le week-end
A qui s’adresse la coproscopie ? A tous les équidés de 3 ans à 20 ans. Pour les chevaux ayant un immunitaire en voie de développement ou défaillant, c’est à dire les chevaux de moins de 3 ans, les plus de 20 ans ou les chevaux malades (cushing…), il est conseillé de maintenir une vermifugation systématique. Notons que les juments gestantes doivent faire l’objet d’une attention particulière. Quels sont les œufs que l’on peut observer? Essentiellement les œufs de strongles; ce sont les plus pathogènes. Les œufs de ténias ont une excrétion irrégulière, il est donc difficile d’établir le statut du cheval vis à vis de ces vers. La coproscopie est également la meilleure technique pour vérifier l’efficacité d’un traitement et déterminer le niveau de résistance des parasites.

Tout d’abord à court terme (après une coproscopie), les chevaux excrétant moins de 200 OPG ne seront pas vermifugés et au contraire les chevaux excrétant plus de 200 OPG seront vermifugés. Ensuite, et c’est cela le but de la coproscopie, à long terme, il nous sera possible d’établir un statut excréteur du cheval. Il est conseillé de réaliser trois coproscopies la première année puis deux coproscopies au cours de la deuxième année.
FAIBLE ET MODÉRÉ :
70 à 80% des chevaux
FORT EXCRÉTEUR :
20 à 30% des chevaux
NON STABLE :
6% des chevaux Traitement 1 à 2 fois/an selon les risques de contamination (boxe, paddock, pré)
Traitement systématique 3 à 4 fois/an
©IFCE Traitement selon le résultat de la coproscopie Protocoles de vermifugation en fonction du statut excréteur
On distinguera alors : • les chevaux faiblement excréteurs: < 200 OPG (70 à 80 % des chevaux), qui ne nécessiteront plus qu’un ou deux traitements par an. • les chevaux fortement excréteurs : > 200 OPG (20 à 30 % des chevaux), qui nécessiteront trois à quatre traitements par an. • les chevaux non stables: OPG variable (6% des chevaux): traitement en fonction de chaque coproscopie.
Intérêt financier?
Dès la troisième saison de pâture, la coproscopie permettra de diminuer le coût lié à une vermifugation standard.
En conclusion…
La lutte contre l’émergence de souches parasitaires résistantes est un véritable challenge pour les années futures. Le monde équin ne doit pas et ne peut pas se soustraire à ses responsabilités dans ce combat important. N’oublions pas qu’un cheval en bonne santé est en équilibre avec les parasites qui l’habitent; vouloir éradiquer tous les parasites est une utopie et ne fera qu’apparaitre des résistances… Une bonne gestion des prairies, une vermifugation raisonnée et l’utilisation de la coproscopie permettront de lutter efficacement contre l’émergence de ces résistances.
Bibliographie:
- Institut français du cheval et de l’équitation IFCE : Vermifugation raisonnée. - Institut français du cheval et de l’équitation IFCE : La coproscopie. - UK-vet Equine; équine de-worming: a consensus on current best practice. - AAEP internale parasite control guidelines. - Gestion raisonnée du parasitisme chez les chevaux Natagriwal - Risk factor analysis of equine strongyle resistance to anthelmintics,
G. Sallé , 2017.