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BILLET D’HUMEUR La précocité chez le cheval de sport
La précocité chez le cheval de sport
On observe dans le cyclisme une émergence de coureurs très jeunes qui chamboulent la hiérarchie mondiale bien installée. Il en est de même pour le saut d’obstacles : le niveau de difficulté est de plus en plus exigeant et les chevaux de plus en plus précoces. L’éleveur Daniel Boudrenghien analyse cette évolution pour le SBS et pose les questions que tout éleveur se pose aujourd’hui…
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En cette année 2020 perturbée par le coronavirus, les afficionados du sport cycliste ont cependant connu une saison inoubliable. Tant aux Tours de France, d’Italie et d’Espagne que dans les grandes classiques, le spectacle et la jeunesse furent au rendez-vous, rendant la saison passionnante. Ce qui fait la grande différence avec les saisons précédentes c’est l’émergence de coureurs très jeunes qui ont chamboulé la hiérarchie mondiale bien installée. Les Pogacar, Hirschi, Evenepoel et quelques autres, à l’âge de 20 ans, ont atomisé le peloton, ce qui ne s’était jamais vu. Les spécialistes de la discipline n’attribuent pas cela au hasard mais à un meilleur suivi des jeunes talents dans tous les secteurs : suivi médical, techniques d’entraînement, conseils de carrière, préparation psychologique, … En bref, le monde du cyclisme est en train de changer. Et l’on observe que tous les autres sports connaissent la même tendance. Rassurez-vous, vous ne vous êtes pas trompé de rubrique et nous en revenons au monde du cheval de sport. Car il n’en est pas autrement dans le saut d’obstacles.
Des parcours d’obstacles toujours plus exigeants
Lorsque l’on observe les Championnats du Monde des Jeunes Chevaux à Lanaken, on se trouve sur une autre planète : les meilleurs chevaux de tous les pays d’Europe sont là, montés par les meilleurs pilotes, entraînés de la meilleure façon. Les parcours sont hauts, larges, délicats et le temps imparti est très court ; il faut donc galoper à un très haut tempo, ce qui constitue une grande évolution de notre sport depuis quelques années. Et malgré ces difficultés le nombre de sans-fautes est très important, ce qui en dit long sur l’évolution de l’élevage en quelques années. J’invite tous les éleveurs à faire à pied la reconnaissance de ces parcours afin de savoir de quoi on parle... Idem pour notre Championnat de
Belgique des Jeunes Chevaux. Le niveau des épreuves y est fort relevé mais très fair-play pour les chevaux grâce à la maîtrise de l’extraordinaire chef de piste, Eugène Mathy. Soit dit en passant, le Championnat 2020 organisé à la hâte à Lier pour les 4 et 5 ans fut, de l’avis de tous, un échec total. Les parcours étaient beaucoup trop hauts, trop larges et pénibles pour les chevaux. Si la première épreuve (trop difficile) pouvait encore se concevoir afin de «faire le ménage» d’emblée, la seconde, aussi difficile, était une hérésie et seuls 19 couples sur plus de 200 ont réalisé le double sans faute ! Pour éviter une finale ridicule à 19 partants, il a fallu repêcher les « 4 points » qui de toute façon n’avaient plus aucune chance pour le titre. Dans l’absolu, le chef de piste a construit des parcours techniquement parfaits mais pas du tout adaptés à des jeunes chevaux. Cela me ramène à la question que je pose chaque année : quid du Championnat quand Eugène Mathy prendra sa retraite ?
Trop de spectacle tue le spectacle...
Mais tout cela nous a éloignés du sujet visé. Notre sport connaît une évolution stratosphérique : plus vite, plus haut, plus large, plus tôt ! Les épreuves des championnats et des derniers cycles classiques sont des mini-grands prix 5*. A tout niveau, l’évolution de notre sport est très rapide. Malheur à l’éleveur qui ne s’en rend pas compte car il est condamné à l’échec. Comme dans les courses, il faut aujourd’hui produire précoce et … automatique. J’entends par là des chevaux faciles à monter, dotés d’un excellent équilibre naturel et d’un recul face à la barre lui aussi naturel : en résumé des chevaux qui demandent moins de dressage. Un bon gros sauteur doté d’une bonne technique et de bons moyens mais lent dans l’exécution, ne trouve plus de client aujourd’hui car il ne correspond plus à la compétition moderne. Il y a dix ans, on appelait cela “un crack”. Il y a aussi peu de place dans le commerce actuel pour des chevaux compliqués qui demandent beaucoup de travail. Le cavalier final des très bons chevaux est actuellement le plus souvent un « amateur éclairé » qui ne possède pas forcément le bagage technique des grands cavaliers. C’est la tendance du marché et les producteurs doivent s’adapter au marché, c’est une règle du commerce et notre secteur n’y échappe pas. Même chez un très jeune cheval, les clients demandent une vraie intelligence de l’obstacle, de la rapidité au sol et de l’explosivité ; à cela s’ajoute une très bonne « montabilité ». Il n’y a rien à faire, nous vivons l’époque du spectacle et du show-business, et les clients demandent du spectacle et encore plus de spectacle. Est-ce trop ? Oui, dans l’absolu mais nous n’avons pas le choix. Même si cela ne m’enchante pas, nous devons nous y adapter et produire des chevaux spectaculaires et précoces.
La gageure de l’éleveur
C’est une grande misère de constater que de très nombreux clients snobent un très bon cheval qui saute à la perfection mais sans grand spectacle, et s’affolent sur un cheval trop spectaculaire qui saute « accroché » au-dessus des barres. Là aussi, il est grand temps d’éduquer les gens de cheval à la véritable connaissance des sauteurs afin d’éviter cette course au « toujours plus de spectacle », car cela va à l’encontre de la vraie performance. Trop de spectacle tue le spectacle ! Combien de fois a-t-on négligé de très bons chevaux alors qu’ils étaient jeunes sous prétexte qu’ils sautaient trop « à l’économie » et soi-disant manquaient de moyens pour les grandes choses ? Parfois on les retrouve quelques années plus tard très compétitifs au plus haut niveau : Hickstead et Hello Sanctos en sont les meilleurs exemples. Voilà donc, chers amis éleveurs, la gageure de l’éleveur moderne: élever un cheval précoce, vite prêt pour la compétition, réactif au sol avec un rappel rapide du jarret TOUT EN CONSERVANT ASSEZ DE MASSE. L’éleveur vend jeune, il doit donc produire un cheval qui donne envie quand il est jeune, ce qui n’empêche pas évidemment qu’il soit aussi très bon plus tard... Dernière précision : on parle ici de chevaux légers dans l’utilisation, à ne pas confondre avec légers dans la morphologie.
Daniel Boudrenghien

La référence en clôtures équestres, champêtres et forestières www.countryfences.be
