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• LE CONSEIL VETERINAIRE Comment préparer le poulinage de votre jument ?

Vous avez été très nombreux à faire confiance au SBS en 2021 pour l’enregistrement de vos poulains, et nous vous en remercions. Afin que l’année 2022 soit également une bonne année, que ce soit pour les éleveurs aguerris ou pour les néophytes, il est bon de rappeler certains points importants relatifs au poulinage.

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S’il est vrai que la nature est souvent bien faite et que chaque année de nombreux poulains naissent en parfait santé en prairie ou dans un box sans aucune surveillance ni soins, il est bon de rappeler qu’en cas de problème, cette même nature ne nous le pardonnera pas et en quelques minutes, vous aurez perdu votre poulain et/ou votre jument… Aujourd’hui, la plupart du temps, la date d’insémination est connue et donc la date du terme de la jument également. La technologie évoluant, nous disposons à présent de différents systèmes nous permettant d’optimaliser la surveillance de notre jument (caméras, ceinture, aimants…) et donc d’être présent lors du poulinage. Tous ces systèmes nous aident mais rappelons qu’aucun n’est parfait à 100%. La surveillance humaine reste le maître mot ! Pour rappel, la durée théorique moyenne de gestation chez la jument est de 342 jours (de 321 à 365 jours). Les modifications physiques majeures de la poulinière à l’approche du poulinage sont un développement mammaire 3 à 6 semaines avant la mise bas, l’apparition de sécrétions mammaires et gonflement des mamelles 2 à 3 jours avant la parturition, les relâchements des ligaments sacro-iliaques et l’allongement de la vulve, et enfin l’apparition des cires ou des chandelles dans les dernières 48 heures. Attention, certaines juments ne présentent que peu, voire aucun signe imminent du poulinage !

Le poulinage ou parturition est un processus continu mais que l’on peut diviser en trois phases.

La préparation

Cette phase, appelée également phases des prodromes, peut durer entre 30 minutes et 4 heures. Durant cette phase, la jument peut être agitée, et manifester des signes proches de ceux d’une colique, regarder son flanc, se coucher et se relever, fouailler de la queue, transpirer et uriner régulièrement de petites quantités. Physiologiquement, le col de l’utérus se dilate, les contractions utérines facilitent le positionnement du fœtus et poussent les antérieurs et le museau, entourés des enveloppes fœtales, exerçant une pression de plus en plus grande sur le col, terminant ainsi sa dilatation complète et amenant in fine à la rupture de l’allantochorion ou allantoïde : la jument perd les eaux (appelées eaux sales).

Pendant cette période, inutile de déranger votre jument. Rappelons que chez les juments multipares, ces signes cliniques peuvent être plus discrets et plus courts.

Fig. 1 : La présentation, la position et l’attitude du poulain avant (a) pendant (b et c) la première période, puis en début de deuxième période (d). (Source : Jeffcot et Rossdale, Supplément n° 27 du Journal of reproduction and Fertility). 1 = Présentation antérieure de a à d 2 = Position ventrale pour a et b, dorsale pour d 3 = Attitude repliée pour a et b, en extension pour c et d.

DÉROULEMENT DU PART CHEZ LA JUMENT (1)

Premier stade : ouverture du col et engagement dans la filière pelvienne Deuxième stade : expulsion fœtale

Modification chez la jument  Durée variable de 30 à 240 minutes  Sudation marquée  Mictions, défécations  Douleur  Relâchement du col utérien  Durée variable de 10 à 30 minutes  Débute avec la rupture de l’allantochorion et l’écoulement des eaux fœtales  Jument en décubitus latéral avec les quatre membres étendus  Contractions violentes et rythmiques de l’abdomen  Durée de 180 minutes  Contractions utérines

Modifications chez le poulain et au niveau des membranes fœtales  Rotation du fœtus de la position dorso-pubienne à la position dorso-sacrée  Membranes fœtales et membres antérieurs s’enfoncent dans le canal pelvien  Apparition de l’amnios puis des deux antérieurs  Progression du fœtus dans la filière pelvienne  Expulsion du fœtus et déchirure de la paroi de l’amnios par des mouvements actifs du poulain

Le poulinage n’est pas normal si : (en attendant le vétérinaire, la jument doit être marchée sans interruption pour limiter les contractions)  La jument colique, sue, se roule et se couche en permanence sans que la poche des eaux se rompe au bout de 30 à 60 minutes  La membrane allanto-choriale (décollement placentaire prématuré – « red bag » - ) apparaît à la place de l’amnios. Il faut alors l’ouvrir immédiatement  Présence d’un prolapsus rectal ou vésical  Après la rupture de l’amnios, les deux antérieurs et le bout du nez ne sont pas visibles après 10 minutes  Le bout du nez du poulain n’est pas positionné juste derrière les deux boulets antérieurs  Les deux antérieurs et le bout du nez sont bien positionnés à la vulve, mais le poulain n’est pas entièrement expulsé au bout de 20 minutes  Perforation du périnée par un membre du poulain : repositionner immédiatement le membre

Troisième stade : délivrance

Délivrance

Le placenta doit être totalement expulsé 3 heures après le poulinage (examen minutieux avant de le détruire). La non-délivrance est plus fréquente en cas de dystocie ou de césarienne a b

Diaphragme

Fig. 2 : Les forces qui s’appliquent sur le fœtus au cours de la première période (a) sont dues aux vagues de contractions musculaires qui progressent dans la paroi utérine. Pendant la seconde période (b), le col se dilate et le placenta se rompt permettant au liquide allantoïdien de s’échapper. Les contractions utérines sont renforcées par les contractions des muscles abdominaux. Ces forces s’exercent sur l’ensemble de la cavité abdominale et leur effet est majoré par le maintien du diaphragme en position d’inspiration. La mise-bas est donc une véritable expulsion du fœtus par les voies naturelles.

L’expulsion

La seconde étape du poulinage débute avec la rupture de l’allantoïde et correspond au passage du poulain dans la filière pelvienne (le bassin) de la jument : c’est la phase d’expulsion. Cette phase est plus courte, 30 minutes en moyenne. Habituellement, la jument se couche en décubitus latéral (de tout son long) et présente des efforts expulsifs réguliers pendant cette phase active du travail. L’allantoïde étant déjà rompu, c’est à présent l’amnios, une enveloppe blanche et luisante (appelée poche des eaux grasses) qui est poussée entre les lèvres vulvaires.

Fig. 3 : Le fœtus s’engage dans un canal mou, constitué du col, du vagin et de la vulve, entouré de l’anneau pelvien, élément osseux que le poulain doit franchir au cours de la deuxième période de la mise-bas.

Les contractions les plus puissantes se produisent lorsque la tête et les épaules du poulain franchissent la filière pelvienne de la jument. C’est généralement à ce stade que l’amnios se rompt à son tour. C’est à ce moment-là que si c’est nécessaire, il est possible d’intervenir en réalisant des tractions manuelles modérées sur les antérieurs du poulain, de manière synchrone avec les efforts expulsifs de la jument. Une fois que les hanches ont franchi la filière pelvienne, les postérieurs du poulain sont encore dans les voies génitales postérieures de la jument. Celle-ci, épuisée par ce puissant travail, va habituellement se reposer un certain temps avant de se relever.

© Benoît Devillers

Si l’amnios s’est bien rompu, le poulain peut respirer librement et même essayer de se mettre en position sternale. Généralement le cordon ombilical est toujours bien attaché, ce qui permettrait un retour sanguin du placenta vers le poulain et cela même après l’expulsion de celui-ci. A ce stade, il convient de ne pas déranger la jument. Une fois reposée, la jument se relèvera, ce qui exercera naturellement une traction sur le cordon et permettra une rupture spontanée de celui-ci par étirement. Une attention toute particulière doit être apportée à l’extrémité du cordon rompu, afin de dépister une éventuelle hémorragie, un écoulement d’urine ou un gonflement anormal.

L’expulsion du placenta

La troisième et dernière phase de la parturition correspond à l’expulsion du placenta et au début de l’involution utérine. Lorsque la jument se relève, il est important de vérifier qu’elle ne présente pas de déchirure vulvaire, de lacérations vaginales ou de rupture du pont ano-vulvaire. Ensuite le placenta peut-être idéalement noué sur lui-même. Cela permet d’éviter qu’il soit piétiné ou déchiré avant son expulsion totale. Le nœud réalisé fait aussi office de poids qui favorise l‘expulsion du placenta. L’expulsion du placenta (appelée aussi délivrance) a généralement lieu dans les 30 minutes à 3 heures après la naissance du poulain. Si cette expulsion n’est pas effective au maximum 6 heures après le poulinage, il convient de mettre en place un traitement vétérinaire rapide. Une non-délivrance prolongée peut être très lourde de conséquences, avec un retard de l’involution utérine, une métrite ou dans les cas graves une septicémie, une fourbure et même la mort de la jument. C’est un point à ne pas négliger ! Une fois expulsé, le placenta doit être examiné afin de s’assurer qu’il est complet, qu’il ne s’est pas déchiré et qu’un morceau ne reste pas dans l’utérus. Dans les 12 à 24 h après le poulinage se met en place une réduction très importante de la taille de l’utérus avec des pertes génitales (lochies) assez abondantes. La plus grande partie des lochies est éliminée entre 24 et 48 h post-partum. Même si le poulinage est évidemment l’étape la plus importante, les premières heures du poulain nouveau-né le sont également. Nous avons parlé du transfert de l’immunité dans un article précédent, en juillet 2020, et nous parlerons du poulain nouveau-né dans un article futur. Le poulinage reste un événement magnifique et magique dont il faut admirer la beauté. Néanmoins il est important de respecter votre jument, de lui garantir un environnement calme et propre, dans lequel elle pourra s’occuper au mieux de son poulain. Dernier détail : laissez un licol avec une petite cordelette à la jument, vous aurez plus facile de la rattraper après le poulinage. N’oubliez pas que certaines juments peuvent se montrer très agressives une fois poulinées, car elles protègent leur poulain… Le SBS vous souhaite sincèrement une belle saison de naissances !

Que préparer avant le poulinage ?

• Mettre la jument dans son box de poulinage (20 à 25 m2) trois semaines avant la date de terme, avec un bon éclairage car 90 % des poulinages ont lieu la nuit. Le sol doit être non glissant et facilement nettoyable. • Ne pas oublier de découdre votre jument si elle a eu les lèvres vulvaires recousues (juments qui prennent de l’air - chirurgie de Caslick). • Mettre les aimants pour ceux qui utilisent ce système et vérifier régulièrement la solidité des points de suture des aimants. • Prévoir une trousse d’urgence avec : des gants en latex et des gants de fouille, des essuies propres, des seaux propres, 2 cordes de vêlage avec bâtons, un flacon de chlorhexidine pour désinfecter le nombril, 2 Microlax, un clamp pour pincer le cordon ombilical en cas d’hémorragie. • Encoder le numéro de téléphone d’un ou plusieurs vétérinaires ! En cas de problème, vous aurez peu de temps pour réagir…

Le contrôle vétérinaire

Il est important de contacter votre vétérinaire afin de réaliser une visite après le poulinage. Il pourra ainsi s’assurer que votre jument n’a pas été déchirée, vérifier si le placenta est bien complet… Il pourra aussi faire les premiers soins aux poulains : injection du sérum antitétanique si nécessaire, inspection de l’ombilic… Il vérifiera si le poulain a déjà bien crottiné. Il pourra réaliser le dosage des IgG (anticorps) dans un échantillon de colostrum recueilli et, en cas de doute, il pourra faire une prise de sang au poulain afin de vérifier la qualité du transfert d’immunité (voir notre article paru dans « Le cheval de sport belge » de juillet 2020). Bref, autant de gestes précieux d’un professionnel qui pourront prévenir bien des problèmes...

Les complications du poulinage

Même si la plupart des poulinages se passent très bien, certains signes doivent vous alerter. Les dystocies, c’est à dire une mauvaise position du poulain lors du poulinage, sont parmi les complications principales. Le poulain peut se présenter sur le dos avec un ou plusieurs membres repliés, avec le cou replié, en présentation postérieure… Autant de positions délicates qui demanderont une intervention rapide et expérimentée. Vous pouvez vérifier le positionnement adéquat de votre poulain au tout début de la deuxième phase.

Il y a aussi le « red bag ». Si lors de la préparation de la jument, l’allantoïde (la première poche des eaux) ne se rompt pas et que sa surface a un aspect de velours rouge, il peut y avoir un décollement placentaire prématuré. Le poulain est alors privé d’oxygène. Il s’agit de la seule urgence ou vous devez rompre ce « red bag » et sortir le poulain au plus vite.

a b

Fig. 4 : Positions anormales : poulain engagé dans la filière pelvienne dont la tête empêche toute progression.

© Les écuries d’automne (Eda)

Bibliographie :

« Manuel de reproduction équine », par Terry L. Blanchard, éditions Maloine. « Guide du poulinage », AVEF.

Figures 1, 2, 3 et 4 : « Le cheval : reproduction et élevage », par Peter Rossdale, éditions Maloine.

Bulletin d’Information édité par la Société Royale “Le cheval de sport belge” asbl Studbook SBS

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