Transparence Camouflage Opacité

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Figures La lucidité de Metahaven – qu'il serait, à tort, possible de considérer comme une démonstration de cynisme – est peutêtre et finalement ce qui l’empêche de s’investir totalement dans un soutien inconditionnel à la cause de WikiLeaks. Le studio semble faire preuve d’une sorte de méfiance vis-àvis de cette forme trop révolutionnaire (Trop neuve ? Trop utopique ou intrigante ? Trop complexe ?) pour être sans défauts et sans pièges. L’étude de WikiLeaks montre que l'ordre social contemporain, empreint des valeurs de la postmodernité, semble avoir annihilé toute possibilité de confrontation binaire. L’illusion d’un monde manichéen, dans une optique moderniste, laisse place à une organisation sociale dans laquelle les occurrences ne peuvent plus être définies qu’en terme de niveaux de gris, de valeurs intermédiaires et ambivalentes de transparence et d’opacité entremêlées. L’Empire – « ennemi » désormais décentralisé par définition, que Michael Hardt et Antonio Negri décrivent dans leur livre éponyme et que WikiLeaks affronte à travers ses actions – empêche toute résistance frontale à sa domination. Cet ennemi est difficile à identifier parce qu’il agit à la fois depuis l’extérieur et à l’intérieur des Hommes, des États et des événements. La volonté de Metahaven visant à identifier et questionner les rôles du graphisme en jouant avec ses formes et ses modes d’actions trouve là une origine. Si les propositions ambiguës du studio semblent a priori faire preuve d’inefficacité matérielle, ou d’une très modeste utilité en faveur de WikiLeaks, c'est parce que son but semble être, avant tout, de soulever des questions. Des questions préférables à des réponses inévitablement trop simples et potentiellement susceptibles d'être récupérées ou détournées. À travers le plaisir de conceptualiser et de

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