Afrique Expansion Magazine

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F1 EN AFRIQUE

SPORT ET BUSINE$$ OÙ INVESTIR EN AFRIQUE ? SAUVER UNE MÉDINA À COUPS DE MILLIARDS www.afriqueexpansion.com


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5 L’ÉDITORIAL DE GERBA MALAM 6 ENQUÊTE LA SURVIE ÉCONOMIQUE DES MÉDINAS AFRICAINES 13

RENDEZ-VOUS D’AFFAIRES

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DOSSIER SPÉCIAL LE RETOUR DE LA FORMULE 1 EN AFRIQUE

DOSSIERS 20 SABLES BITUMINEUX, L’INNOVATION COMME MOTEUR 26

ELECTRICITY DEVELOPMENT CORPORATION : L’ÉNERGIE AU CAMEROUN

MONDIALISATION 36 L’ENTREPRENARIAT FÉMININ EN AFRIQUE 38 CHÔMAGE CHEZ LES JEUNES EN AFRIQUE, FORMATIONS ADÉQUATES ? 40 OÙ INVESTIR EN AFRIQUE ? 43

DIGNES DE MENTION

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MARCHÉS AFRICAINS INDUSTRIE DE LA PRESSE EN AFRIQUE, ANALYSE LE TOURISME EN AFRIQUE, ÉTAT DES LIEUX CAMEROUN : L’AFRIQUE EN MINIATURE

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MARCHÉS NORD-AMÉRICAINS CANADA : NOUVEL EDEN COMMERCIAL

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INTÉGRATION RÉGIONALE  L’AFRIQUE DE L’EST

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FLASH INFOS

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Entreprendre le réaménagement d’une cité médiévale riche d’une histoire qui date de plus de deux millénaires, c’est un défi à la fois captivant et effrayant. Tour d’horizon de la culture qui les habite, des dangers qui les menacent et des investissements à privilégier dans ces cités que l’on ne veut pas oublier.

F1 ET AFRIQUE 14

Après 20 ans d’absence au sein du grand cirque automobile, le continent noir semble fin prêt pour le rugissant retour des bolides sur ses terres : la ville hôte est choisie, le spectaculaire circuit dessiné. Tour de piste dans le glamour économique et sportif de la F1.

SABLES BITUMINEUX

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INNOVER POUR EXPLOITER

Son exploitation est perpétuellement disgraciée aux yeux de l’opinion publique en raison de son impact négatif sur l’environnement. Pourtant, d’importants investissements sont effectués au sein l’industrie, au point où le Canada se place comme pionnier de l’innovation pour l’exploitation de ses sables. AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42

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SOMMAIRE

MÉDINAS AFRICAINES



INVESTIR EN AFRIQUE :

L’ÉDITORIAL DE GERBA MALAM

LE BEAU RISQUE

Q

ui l’eût cru ? En l’espace de trois décennies, la perception négative que les investisseurs avaient de l’Afrique est en train de changer radicalement. Dans le rapport 2012 d’Ernst & Young sur l’attractivité du continent en termes d’investissements directs étrangers (IDE), 86 % des répondants d’une enquête d’opinion (sur un échantillon de plus de 500 chefs d’entreprise) classent l’Afrique comme seconde destination d’investissement la plus attractive après l’Asie. Ce changement de perception s’accompagne d’un intérêt croissant pour cette partie du monde. Ainsi, la part africaine des IDE mondiaux a augmenté au cours des cinq dernières années, passant de 3,2% en 2007 à 5,6% en 2012. Certes, cette part reste très faible par rapport aux autres régions, mais la bonne nouvelle, c’est qu’elle est en progression. Selon le même rapport, le profil des investisseurs est en pleine mutation. Si, hier, l’investissement venait surtout des pays développés, aujourd’hui, on constate un renversement de tendance avec l’apport des marchés émergents qui est en forte hausse. Les plus grands contributeurs de ces marchés émergents sont l’Inde (237 projets d’IDE), l’Afrique du Sud (235), les Émirats arabes unis (210), la Chine (152), le Kenya (113), le Nigeria (78), l’Arabie saoudite (56) et la Corée du Sud (57). Il est intéressant de noter, sur cette liste, la présence des pays africains comme l’Afrique du Sud, le Kenya et

Par ailleurs, l’Afrique affiche un taux de croissance économique solide depuis plus d’une décennie (5% en moyenne par an). Selon les experts, cette croissance devrait se maintenir et dépasser les 5% sur la période 2013-2015. Enfin, l’émergence rapide de la classe moyenne en Afrique constitue un atout considérable pour les investisseurs, car elle est synonyme d’une hausse de pouvoir d’achat et d’une consommation accrue en particulier sur le marché des biens. Évaluée à 300 millions de personnes par la Banque africaine de développement (BAD), cette classe moyenne stimule les dépenses des ménages qui sont censées passer de 860 milliards de dollars aujourd’hui à 1400 milliards de dollars en 2020. Voilà donc autant de facteurs qui rendent l’Afrique de plus en plus irrésistible comme destination d’investissement. Et le meilleur est à venir, si l’Afrique lève certains obstacles qui constituent un frein à l’investissement. Parmi ceux-ci, il y a le manque criant d’infrastructures. Selon la BAD, « les besoins de l’Afrique en financement des infrastructures – 390 milliards de dollars EU environ à moyen terme, surtout pour l’énergie – s’élèvent à des milliers de milliards

DES AMÉLIORATIONS CONSTANTES À L’ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES ET UN TAUX DE CROISSANCE SOLIDE ET SOUTENU RENDENT L’AFRIQUE DE PLUS EN PLUS IRRÉSISTIBLE AUX YEUX DES INVESTISSEURS. le Nigeria qui, en investissant en Afrique, augmentent la part de l’investissement intra-africain, dont le taux de croissance cumulé, pour la période 2007-2012, est de 33%. On prévoit d’ailleurs que d’autres pays africains, à l’instar de l’Angola, avec un fonds souverain de 5 milliards de dollars, deviendront des investisseurs de plus en plus présents sur le continent au cours des prochaines années. Les pays africains qui attirent le plus de projets d’IDE sont le Ghana, le Nigeria, le Kenya, la Tanzanie, la Zambie, le Mozambique, l’île Maurice et l’Afrique du Sud. Ces projets ne sont plus systématiquement orientés vers le secteur des ressources naturelles, comme c’était le cas il y a quelques années. Aujourd’hui, les services, le secteur manufacturier et les activités liées aux infrastructures intéressent aussi les investisseurs. Ainsi, en 2012, les services comptaient pour 70% des projets et les activités de fabrication, 43% du capital investi. Qu’est-ce qui justifie donc cette attractivité de l’Afrique ? D’abord, le climat politique. On est loin des régimes autoritaires qui faisaient la pluie et le beau temps en Afrique dans les années 60, 70 et 80. On ne peut le nier, un processus de démocratisation s’enracine aujourd’hui dans la plus grande partie du continent. Cela a pour effet de créer une situation stable qui rassure de nombreux investisseurs. Ensuite, des améliorations constantes apportées à l’environnement des affaires. Ainsi, selon le rapport Doing Business de 2012 publié par la société financière internationale et la Banque mondiale, un nombre record de 36 économies sur 46 en Afrique subsaharienne ont amélioré leurs réglementations des affaires.

de dollars EU sur le plus long terme ». Des efforts sont néanmoins faits pour réduire ce déficit, il faut le reconnaître. Ainsi, en 2012, il y a eu plus de 800 projets d’infrastructure actifs dans différents secteurs en Afrique avec une valeur combinée dépassant les 700 milliards de dollars (Rapport Ernst &Young 2012). La grande majorité des projets d’infrastructure sont liés à l’électricité (37%) et aux transports (41%). L’autre gros obstacle reste la corruption. Quand on regarde les classements annuels de Transparency International, l’Afrique n’y fait pas bonne figure. Les ¾ des pays de ce continent obtiennent depuis 2005 une note inférieure à 5 (10 étant un haut niveau d’intégrité). De plus, sur les 30 derniers pays du classement, la moitié vient d’Afrique. Or, comme disait le président américain Barack Obama au Ghana en 2009, « aucune entreprise ne veut investir dans un pays où le gouvernement se taille au départ une part de 20 %, ou dans lequel le chef de l’autorité portuaire est corrompu ». Là également, l’Afrique a pris conscience du problème et une lutte sans merci est menée contre ce fléau. C’est le cas au Cameroun où la redoutable opération Épervier a réussi à susciter la « peur du gendarme » ou au Sénégal, où le directeur de l’Agence nationale pour la promotion des Investissements (Apix) s’est réjoui récemment de la « lutte implacable contre la corruption et la traque des biens mal acquis » qui a permis de doubler le volume des investissements à 710 millions d’euros. La bataille est cependant loin d’être gagnée et le chemin, encore long.

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MÉDIN 6

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NAS AFRICAINES Entreprendre le réaménagement d’une cité médiévale riche d’une histoire qui date de plus de deux millénaires, c’est un défi à la fois captivant et effrayant. Tour d’horizon de la culture qui les habite, des dangers qui les menacent et des investissements à privilégier dans ces cités que l’on ne veut pas oublier.

Un dossier de Josianne Massé Crédit photo : bgphotographie

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LES MÉDINAS, UN MODE DE VIE

Franchir la porte d’entrée d’une médina, c’est accepter de retourner des siècles en arrière, dans des cités datant du Moyen Âge et où le temps ne s’est pas écoulé au même rythme qu’ailleurs sur Terre. Plus que des vestiges d’un lointain passé, les médinas de l’Afrique du Nord témoignent de la civilisation islamique et renferment en leurs enceintes des richesses culturelles qui forgent leur identité.

Crédit photo : Guillén Pérez

C’

est au sein de la médina de Fès, au Maroc, que l’on retrouve la plus vieille université du monde, Al Quaraouiyine, érigée au IXe siècle. Lorsqu’elle a connue son heure de gloire, Fès a détrôné Marrakech comme capitale du royaume sous la dynastie mérinide, entre le XIIIe et XIVe siècle. Aujourd’hui, Rabat est la capitale officielle du pays, mais la médina de Fès est toujours considérée comme la capitale culturelle et spirituelle du Maroc. Plus de 160 000 habitants y vivent sur une superficie de 280 hectares. Plus de 9000 ruelles, construites pour empêcher les invasions, font de la médina une véritable cité labyrinthe fortifiée par un mur de huit kilomètres de long. Les maisons et les boutiques ont été érigées autour des mosquées. Les voitures ne circulant pas dans les ruelles étroites, les habitants se tournent vers les ânes pour transporter les marchandises. Si les rues sont sombres, les résidences, elles, sont claires et ouvertes. Des cours extérieures, appelées patios, permettent à l’air de circuler et les hauts murs bloquent les rayons du soleil. Leur usage est surtout pratique, mais elles sont également porteuses d’un héritage culturel et religieux important. L’artisanat occupe une place prépondérante dans l’économie des médinas. Dans les rues de Fès se succèdent potiers, dinandiers, menuisiers, ébénistes, mais aussi le quartier des tanneurs. Les peaux de vache, d’agneau, de mouton, de chèvre et de dromadaire sont travaillées 8

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dans de grands bassins installés côte à côte. Les peaux sont d’abord trempées dans de la chaux pour retirer les poils, puis elles sont assouplies dans un mélange contenant de l’urine animale et de la fiente de pigeon. Une odeur nauséabonde s’échappe inévitablement de l’endroit qui attire quand même son lot de touristes avertis. Les peaux sont ensuite teintes de façon naturelle et transformées en babouches, en coussins, en ceintures et autres objets de luxe. Le guide touristique Wahid Azib explique que bon nombre d’artisans des médinas d’Afrique du Nord « utilisent encore des moyens traditionnels pour la fabrication de leur produit tel que le travail du cuivre, du cuir ou même la distillation pour obtenir des parfums ou des huiles essentielles, ainsi que la fabrication des tapis et des bijoux. « Ce qui frappe, ajoute-t-il, c’est l’organisation des métiers par corporation. On a le souk des orfèvres, celui de la soie, des parfumeurs, etc. Ce qui frappe aussi les gens, c’est l’urbanisme de la médina par rapport à une cité européenne, mais surtout les souks où se dégagent beaucoup d’odeurs, du côté des parfumeurs, des herboristes ou des vendeurs d’épices. »

UNIQUES ET ENTREPRENANTES Quelque 12% des habitants des médinas marocaines vivent sous le seuil de la pauvreté et plus de la moitié sont anal-

phabètes, selon des données recueillies par la Banque européenne d’investissement (BEI). Un peu moins de 10 % de la main d’œuvre nationale travaille en médina. Chaque année, depuis 20 ans, 9000 entreprises sont créées dans ces cités composées à 42% de commerçants. Les réalités se ressemblent d’une médina à une autre, mais elles sont toutes distinctes. La médina de Sousse, en Tunisie, se démarque par son système de défense côtier qui a été exposé aux pirates et autres dangers de la mer. La médina de Tunis est l’une des plus anciennes villes arabo-musulmanes du Maghreb. D’une superficie de 296 hectares, elle est réputée pour sa culture homogène incorporant des influences du Maghreb, du Sud de l’Europe et de l’Orient. « La médina est toujours entourée de remparts, même si dans beaucoup de pays, ils ont disparu, explique Wahid Azib. L’espace de la médina est enfermé et opposé à l’ouverture de la partie moderne de la cité. C’est le lieu où sont gardées et protégées les us et coutumes, les traditions du pays. » En arabe, médina signifie « cité ». Le terme désigne aujourd’hui ces villes traditionnelles qui témoignent d’un important héritage historique et culturel. On recense surtout des médinas en Afrique du Nord, plus précisément en Algérie, au Maroc, en Tunisie et au Mali, mais on en retrouve aussi en Espagne, au Yémen, au Sénégal, à Malte, au Kenya, aux Comores, en Syrie et en Libye.


ENQUÊTE — MÉDINAS AFRICAINES

MÉDINAS MENACÉES Des journaux locaux font régulièrement état d’incendies ou d’affaissements d’édifices ayant causé la mort et chaque bâtiment qui s’écroule fragilise son voisin. Le parc immobilier donne l’impression d’être un grand château de cartes difficile à restaurer. La détérioration du bâti est critique dans les médinas et c’est pourquoi la communauté internationale s’intéresse maintenant à sa sauvegarde.

A

u fil des ans, les ménages les plus aisés financièrement et même ceux de classe moyenne se sont désintéressés des médinas. Un véritable exode vers les grands centres s’est opéré, laissant derrière les familles les moins fortunées. La dégradation des immeubles des médinas est donc en partie causée par la situation socio-économique et le statut de locataire de ses habitants qui n’ont pas les revenus nécessaires pour investir dans le parc immobilier. De plus, les bâtiments sont souvent surexploités en raison d’une forte densification. Plusieurs familles pauvres peuvent s’entasser dans une bâtisse prévue pour un ménage aisé, dénaturant à la fois la demeure et le patio par des subdivisions. Avec le regain progressif de l’intérêt des étrangers pour les médinas, celles-ci sont à nouveau tranquillement investies de la population locale qui cherche à préserver son héritage culturel. Mais la mondialisation est une menace sans cesse grandissante pour le mode de production des médinas. Les artisans des lieux peuvent-ils vraiment suivre le rythme des autres pays qui ont industrialisé leurs façons de faire ? La concurrence des produits chinois, notamment, exercent une pression sur les ouvriers des médinas qui doivent continuer de faire leur place dans un monde où le travail à la chaîne et à bas prix est roi. Pour préserver l’héritage culturel, l’Organisation des Nations Unies

pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a établi une liste comportant 962 biens protégés par la Convention du patrimoine mondial ratifiée par 190 pays au fils des ans, depuis la Première Guerre mondiale. En signant la convention, les États s’engagent à assurer la conservation des sites inscrits et à protéger son patrimoine. Aujourd’hui, 25 médinas d’Afrique du Nord et du Moyen Orient sont protégées par cette convention. La médina tunisienne de Tunis y figure depuis 1979, alors que celles de Sousse et Kairouan ont été ajoutées à la liste en 1988. Au Maroc seulement, on compte sept médinas sous la protection de l’UNESCO : Fès (1981), Marrakech (1985), Meknès (1996), Tétouan (1997), Essaouira (2001), Mazagan (2004) et, depuis peu, Rabat (2012). La Casbah d’Alger, en Algérie, est aussi listée depuis 1992.La médina de Tombouctou au Mali a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial en 1988, puis sur la liste du patrimoine mondial en péril, en 2012, en raison des conflits armés qui ont récemment frappés la région.

ARGENT ET ACTION Le fonds du patrimoine mondial distribue chaque année quelque quatre millions de dollars aux pays ayant ratifié la Convention afin d’aider les États à protéger le patrimoine mondial culturel

ou naturel, en donnant en priorité aux sites les plus menacés. « L’inscription par l’UNESCO est un acte insuffisant, qui nécessite des mesures d’accompagnement », spécifie le cadre supérieur retraité de l’administration publique du Maroc, M’hamed Alaoui Yazidi. Aux institutions publiques comme l’Agence pour la dédensification et la réhabilitation de la médina de Fès (ADER-Fès) ou l’Association de sauvegarde de la médina de Tunis (ASM), s’ajoutent des groupes de citoyens engagés qui misent sur la sensibilisation des résidents et des actions locales ciblées. À Tunis, par exemple, l’association Mdina Wel Rabtine (Actions Citoyennes pour la médina) agit depuis le début de l’année 2012 à titre de représentation citoyenne et de diffuseur de l’histoire locale. « Ces associations ont longtemps été actives et encouragées par les autorités publiques et les organismes internationaux qui s’occupent de développement ou de préservation du patrimoine, précise le guide touristique Wahid Azib. Malheureusement, actuellement, elles végètent par manque de motivation et de moyens, et à cause du laxisme des autorités municipales qui n’arrivent pas à endiguer les constructions ou les rajouts anarchiques qui défigurent nos médinas. »

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COMMENT SAUVER UNE M La revitalisation des médinas est nécessairement un projet complexe et ambitieux. Les bénéfices sont variés, tant par leur nature que par leur influence, mais chaque action impacte la région investie.

L

a Banque européenne d’investissement (BEI) recensait 1273 étrangers vivant dans l’une des 31 médinas marocaines en 2008, alors que l’ensemble comptait 700 000 habitants. L’impact de ces quelques nouveaux arrivants, même en petit nombre, est pourtant visible sur le prix de l’immobilier, qui ne cesse de croître depuis. La BEI prévoit que les rives Sud et Est de la Méditerranée compteront 100 millions de citoyens supplémentaires d’ici 2030. Dans les dernières années, plusieurs investisseurs étrangers se sont portés acquéreurs de riads, des maisons marocaines avec un patio, pour les convertir en hébergement touristique, mieux connu sous le nom de maisons d’hôtes, ou en restaurants. « Les investissements étrangers doivent être bien encadrés dans cet écosystème », affirme le cadre supérieur retraité de l’administration publique du Maroc, M’hamed Alaoui Yazidi. « Les matériaux de construction utilisés, les piscines aménagées sur les terrasses des maisons ne sont pas adaptés à la spécificité de ce tissu et aux mœurs des habitants. » Pour le guide touristique Wahid Azib, il faut une vision de réhabilitation à long terme et « obliger les gens à respecter le plan d’urbanisme et l’aspect originel de la médina, en leur fournissant une aide pour l’entretien » afin de conserver l’unicité de ces milieux. En lançant « Médinas 2030 » en 2008, la Facilité euro-méditerranéenne

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d’investissement et de partenariat (FEMIP), une branche de la BEI, a voulu appuyer des projets-pilotes innovateurs favorisant l’importation du savoir-faire d’Europe et le financement par des partenariats publics-privés (PPP) dans l’espoir de réaménager les médinas. La FEMIP a tiré quelques conclusions des observations qu’elle a menées en Afrique du Nord. La qualité du patrimoine architectural des médinas, à elle seule, n’est pas suffisante ; les médinas doivent incorporer les fonctions résidentielles, commerciales, culturelles et touristiques pour mieux se positionner dans les agglomérations. Celles qui sont près des grands axes, comme Fès, Marrakech et Meknès, ont de meilleures chances de survie compte tenu de leur situation géographique et de leur proximité. La FEMIP estime que 15 des 31 médinas marocaines pourraient disparaître pour laisser place, notamment, à des ruines ou des espaces verts autour de monuments sauvegardés. Depuis 2004, le gouvernement marocain a procédé au relogement de 476 familles, à l’intervention d’urgence sur 1592 bâtisses, au renforcement de 283 édifices et à l’évacuation de 13 ruines. Mais est-ce assez ? De façon générale, les investissements publics sont alloués à la conservation du patrimoine alors que les fonds privés, locaux ou étrangers, servent le développement immobilier et les activités économiques. La FEMIP souligne qu’une politique du logement social devrait améliorer les conditions de vie des moins nantis tout en favorisant la mixité

sociale, une condition nécessaire à la revitalisation des médinas. De plus, il faudrait que les solutions soient adaptées à chaque milieu, car toutes les médinas ne sont pas identiques. Il faudrait aussi accélérer le retour sur investissement par des leviers financiers, juridiques et institutionnels.

LES DÉCEPTIONS DE MARRAKECH Il faut aussi inclure les organismes à but non lucratif (OBNL) et des communautés locales comme troisième palier d’intervenants dans la mise en place de projets de revitalisation, selon la Banque mondiale. Cette dernière s’est penchée sur la consommation de biens et services en catégorisant les individus en quatre types : les résidents des médinas, ceux de villes voisines, les visiteurs marocains et, finalement, les touristes internationaux. Alors que les résidents des médinas sont identifiés principalement comme utilisateurs de services publics et de produits de consommation de base, les touristes achètent des objets faits à la main, des souvenirs, en plus de dépenser dans les restaurants, les hôtels ainsi que les nombreux centres culturels, musées et galeries d’art. À la lumière de ces observations et d’un point de vue strictement économique, les touristes occupent une importante partie des utilisateurs à cibler dans le développement des médinas. Mais il faut éviter de tomber dans le


piège de la promesse de l’enrichissement à tout prix lorsque vient le temps d’investir dans une médina, selon la Banque mondiale, et miser sur un équilibre entre les différentes populations, du simple résident au touriste-acheteur, afin d’assurer une redistribution équitable des retombées économiques du développement. La médina de Marrakech est souvent citée en exemple comme modèle à éviter. La population y serait de 182 637

L’EXEMPLE D’EL-MÉNIA Parallèlement aux projets de revitalisation, de nouvelles villes se construisent sur des sites historiques abandonnés. La firme canadienne d’architecture et de design, Lemay, en consortium avec Exp, a remporté l’appel d’offres international pour la création de la nouvelle ville de la médina d’El-Ménia. Le projet appelé

Le projet canadien « Il était une fois El-Ménia » s’est vu attribuer une enveloppe de 2,4 milliards de dollars. habitants, selon le recensement de 2004, une dé-densification constante depuis les deux derniers recensements. Le parc immobilier a continué de se dégrader et plusieurs changements de zonage de l’usage résidentiel à commercial ont été approuvés. Les investissements visant la réhabilitation des immeubles se sont concentrés sur les monuments historiques et touristiques, ainsi que les places publiques. Les grands bénéficiaires de ces changements sont les propriétaires, grâce à l’augmentation de la valeur immobilière au sein de la médina, et les artisans qui ont eu accès à un plus grand nombre d’acheteurs. Les locataires, représentant 37,2 % de la médina en 2004, ont fait les frais de la revitalisation. Leurs habitations ont continué de se dégrader et les besoins locaux ont cédé aux services pour les touristes.

« Il était une fois El-Ménia » s’est vu attribuer une enveloppe de 2,4 milliards de dollars (2,4 G$), dont plus de la moitié sera consacrée au secteur résidentiel. Entre 6500 et 7500 logements seront construits pour accueillir plus de 20 000 résidents sur un plateau de 47 hectares, face à la vieille cité de Constantine d’où sera visible la nouvelle ville. Un « dialogue architectural » reliera les deux selon l’associé principal création et directeur du studio de design urbain de Lemay, Michel Lauzon. Ce dernier a identifié le défi particulier de la cohabitation de deux époques dans l’intégration patrimoniale, urbaine, architecturale et paysagère. La nouvelle ville sera développée pour lui donner la figure d’une estampe calligraphique de caractère arabe incluant des bâtiments sinueux évoquant les murailles d’une

ville médiévale, mais de façon contemporaine. Une hauteur croissante des édifices sera observée dans une pente qui descend afin de créer un nouvel horizon avec l’alignement du haut des bâtiments. Pour réduire l’empreinte écologique, les technologies vertes et le recyclage seront mis de l’avant, mais aussi la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’aménagement en fonction du transport actif (marche, vélo) et collectif (autobus). « Tous les éléments de la vie quotidienne comme les commerces, les services sociaux et les mosquées, seront accessibles dans un rayon de 5 à 10 minutes de marche », avance fièrement M. Lauzon. Les prochaines étapes consisteront notamment à préciser les éléments du plan d’ensemble, les cadres réglementaires et le lotissement. M. Lauzon espère que la nouvelle ville d’El-Ménia permettra d’établir un modèle pour l’implantation de nouvelles agglomérations. D’autres villes, en Algérie, ont connus des succès mitigés, pour devenir des cités dortoirs, une « tendance malheureuse » selon lui. L’associé principal de Lemay croit que l’importation de modèles monofonctionnels, pour des clientèles haut de gamme, basés sur les façons de faire nord-américaines et mettant l’emphase sur un mode de transport motorisé individuel, sont des erreurs. Chaque culture occupe le territoire de façon différente d’après les observations de Michel Lauzon qui a notamment voyagé en Chine et en Inde. « On aime dire que c’est un trait culturel canadien », souligne chaleureusement M. Lauzon lorsque questionné sur sa compréhension des réalités culturelles. Pour lui, le fait que les Canadiens soient un peuple misant sur l’adaptation, l’humilité, l’intégration culturelle et sans passé impérialiste leur confère une sensibilité permettant de réaliser des projets qui s’inscrivent dans les réalités des modes de vie africains.

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ENQUÊTE — MÉDINAS AFRICAINES

MÉDINA

« La gentrification, phénomène qui relève de la sociologie urbaine, n’a pas épargné la médina de Marrakech », constate M’hamed Alaoui Yazidi. « La mixité sociale ne pose pas de problèmes particuliers dans les médinas marocaines. Traditionnellement, elles formaient un espace, un creuset où toutes les couches sociales vivaient en parfaite symbiose. » Pour la Banque mondiale, un projet de revitalisation réussi a des impacts favorables non seulement sur la préservation des bâtiments, mais aussi sur les conditions de vie des habitants.


Joignez l’ATA pour notre 38ème congrès annuel au Cameroun

L’Africa Travel Association Joignez l’ATA pour vivre l’expérience d’une vie au Cameroun lors de notre 38ème congrès annuel. Événement phare de l’ATA en Afrique, le congrès propose une plate-forme unique de réseautage, de formation et offre l’opportunité de participer au façonnement de l’agenda touristique africain pour les professionnels en provenance du monde entier. Le congrès aborde les principaux sujets de l’industrie touristique, programme des sessions de développement éducatif et professionnel en plus de mettre en valeur les produits et services de la destination hôte. Il s’agit d’un événement de choix pour établir des relations d’affaires et tisser des liens avec les participants partageant une même passion pour le tourisme et l’Afrique. Les délégués se verront donner la chance de visiter le pays hôte et participer à de nombreux événements tels que la table ronde en compagnie des ministres du tourisme, aux réceptions de réseautage, au diner de gala, au bazar africain et participer à la tribune pour étudiants et jeunes professionnels. Organisé Conjointement avec:

Le Ministère du Tourisme et des Loisirs du Cameroun

Quoi Le 38ème Congrès mondial annuel de l’ATA Quand 16 oct au 21 oct 2013 Où: Au Cameroun Plus d’information à www.africatravelassociation.org info@africatravelassociation.org


19e ÉDITION DE LA CONFÉRENCE ANNUELLE DE MONTRÉAL

5- 7 juin 2013, Istanbul, Turquie

10-13 juin 2013, Montréal, Canada

Le forum FUTURALLIA qui a lieu du 5 au 7 juin 2013 à Istanbul, en Turquie, est l’occasion pour les hommes d’affaires, les entrepreneurs et les entreprises de développer de nouvelles relations d’affaires, d’identifier des opportunités d’investissement et de rechercher de nouveaux partenaires turcs, mais aussi d’autres parties du monde. En résumé, le forum FUTURALLIA, c’est plus de 600 participants réunis en un même lieu, au cœur du commerce et de la culture turques, plus de 20 secteurs d’activités en provenance de plus de 30 pays, plus de 8000 rendez-vous organisés sur deux jours, jusqu’à 16 rendez-vous préprogrammés par participant.

La 19e édition de la Conférence de Montréal, qui aura lieu cette année du 10 au 13 juin, réunira une fois de plus des chefs d’État et de gouvernement, des gens d’affaires, des fonctionnaires internationaux, des universitaires, des syndicalistes et des gens de la société civile, afin de faciliter les rencontres permettant de développer les échanges internationaux et les occasions d’affaires. Le forum a également pour mission de développer la connaissance des grands enjeux de la mondialisation des économies en mettant l’accent sur les relations entre les Amériques et les différents continents. Parmi les grands conférenciers de cette année, mentionnons notamment Mohamed Ahmad Ali, Président de la Banque islamique de développement (BID), Dominic Barton, Directeur général de McKinsey & Company, Daniel Doctoroff, Président et chef de la direction de Bloomberg L. P., Angel Gurria, Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et Jean-René Halde, Président et chef de la direction à la Banque de développement du Canada (BDC).

Infos : http://futuralliaistanbul2013.com/fr/

3e CONFÉRENCE SUR L’INDUSTRIE DE LA RADIODIFFUSION, DU CINÉMA ET DE LA MUSIQUE EN AFRIQUE 26-27 juin 2013, Nairobi, Kenya Le 26 et 27 juin prochain aura lieu à Nairobi, au Kenya, un forum consacré à l’industrie de la radiodiffusion et du cinéma sous le thème de la « Construction de l’industrie des médias électroniques en Afrique ». Un peu moins de la moitié des pays africains ontlibéralisé leurs marchés de la télévision qui s’est traduit par une croissance considérable du nombre de nouvelles stations de télévision et de radio. Ces pays espèrent le même genre de croissance qu’a connu le marché du mobile au cours des dernières années. Il existe aujourd’hui une multitude des façons pour le public de recevoir la programmation radiodiffusée, y compris par satellite, IP-TV, PC etmobile. Les diffuseurs africains doivent donc trouver de nouveaux moyens de garder l’attention de leur public tout en attirant de nouveaux partenaires. Cette 3e Conférence sur l’industrie de la radiodiffusion, du cinéma et de la musique en Afrique offre aux participants l’occasion de faire l’inventaire de tout ce qui se fait dans ces secteurs, tout en leur permettant d’établir des contacts d’affaires de manière efficace. Infos : http://aitecafrica.com/event/view/93

Infos : http://forum-ameriques.org/montreal

SOMMET DE LONDRES SUR L’EXPLOITATION MINIÈRE EN AFRIQUE 25-26 juin 2013, Londres, Grande-Bretagne Le Commonwealth Business Council, en partenariat avec Intierra RMG et UKTI, accueillera le Sommet de Londres sur l’exploitation minière en Afrique les 25 et 26 juin dans la capitale britannique. L’événement réunira des responsables des gouvernements africains et des compagnies minières, des investisseurs et des experts locaux. Afin de satisfaire la demande croissante, il faudra mettre davantage l’accent sur les ressources minières de l’Afrique, ce qui aura des implications importantes pour le continent. Des experts soigneusement sélectionnés examineront ces sujets et feront des présentations d’entreprise mettant en évidence le potentiel africain aux fournisseurs, sociétés minières et investisseurs. Les organisateurs de la conférence ont une longue expérience en Afrique, notamment en matière de services conseils auprès de gouvernements, sociétés minières, financiers et ONG du monde entier. Infos : http://www.cbcglobal.org/events/ details/mining-on-top-africa-london-summit AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42 13

RENDEZ-VOUS D’AFFAIRES

18e ÉDITION DU FORUM FUTURALLIA


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F1 ET AFRIQUE Un dossier de Thierry Bastien

L’Afrique émerge, se développe et grandit. Cette prospérité nouvelle s’accompagne d’une soif de reconnaissance internationale, d’événements d’envergure et de démonstrations du savoir-faire africain. Après la Coupe du monde de soccer en 2010, l’Afrique du Sud lorgne maintenant du côté de la Formule 1, le plus éclatant des sports spectacles ! Après 20 ans d’absence au sein du grand cirque automobile, le continent noir semble fin prêt pour le rugissant retour des bolides sur ses terres : la ville hôte est choisie, le spectaculaire circuit dessiné. L’Afrique séduit, attire les regards et fascine. C’est vrai au niveau « business », ça l’est tout autant au point de vue sportif. Notre collaborateur vous propose donc un tour de piste dans les méandres du projet sud-africain, une course endiablée dans le glamour économique et sportif de la F1.

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FORMULE 1

GRANDE SÉDUCTION AFRICAINE La Formule 1 pourrait bientôt effectuer un retour en terres sud-africaines, pour la première fois depuis la victoire d’Alain Prost, à Kyalami, en 1993. L’Afrique est d’ailleurs le seul continent qui n’accueille pas de Grand Prix à l’heure actuelle. Et c’est appelé à changer…

« A

voir des courses aux bons endroits représente tout ce qui m’intéresse. Les équipes peuvent s’attendre à avoir 22 courses en 2014. Si j’avais le choix, je crois que j’aimerais revenir en Afrique du Sud, et notamment au Cap. J’ai reçu une offre pour Durban, mais je pense que Le Cap serait mieux », a déclaré le grand patron de la F1 Bernie Ecclestone, dans une entrevue accordée au journal britannique City AM au début mars. Le calendrier 2013 étant déjà connu et approuvé, on regarde maintenant vers 2014 ou 2015. Le projet d’un Grand Prix dans les rues du Cap vient de la société Cape Town Grand Prix SA, qui a vu le jour en avril 2007. Sérieuse et précise dans ses démarches, la société a étudié différents projets : un circuit flambant neuf à proximité de l’aéroport du Cap, un autre sur la côte ouest de la métropole et un dans les rues mêmes de la ville. Cette dernière proposition, en plus de plaire au grand manitou Ecclestone, semble faire l’unanimité. Le circuit urbain proposé serait long de 5,3 km et longerait la côte avec une vue spectaculaire sur Robben Island et le bord de mer. Élément aussi spectaculaire que séduisant, une partie du circuit passerait à l’intérieur du Cape Town Stadium, une construction pouvant accueillir 55 000 spectateurs et inaugurée en 2010 pour la Coupe du monde de soccer. La signature de ce passage est une réplique du célèbre virage du Grand Hôtel sur le prestigieux circuit de Monaco, une image de marque du grand cirque de la F1.

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La société Cape Town Grand Prix SA aimerait signer une entente de 10 ans avec Ecclestone et pouvoir présenter l’événement au mois de septembre, en milieu de saison. Les promoteurs évaluent l’affluence probable à plus de 400 000 visiteurs, soit environ 150 000 par jour de festivité.

EN ATTENTE D’UNE RENCONTRE Pour concrétiser la candidature sudafricaine, la société Cape Town Grand Prix SA doit rencontrer le ministre des sports, Fikile Mbalula, pour s’assurer du soutien gouvernemental. Les promoteurs se montrent confiants de voir leur projet, évalué à 100 millions $, devenir réalité. « Même si le gouvernement ne nous a pas encore donné le feu vert, il y a déjà de l’intérêt de la part de plusieurs commanditaires majeurs qui sont déjà impliqués en F1 à l’égard d’un Grand Prix en Afrique du Sud », mentionne Igshaan Amlay, fondateur et président de Cape Town Grand Prix SA. De leur côté, Andre Human et Grant Pascoe, respectivement directeur de la ville de Cape Town et conseiller municipal, se sont déjà exprimés en faveur du projet. Vitrine internationale exceptionnelle, le Grand Prix s’inscrit parfaitement dans l’objectif de l’administration qui veut faire de Cape Town la « capitale des événements » en Afrique du Sud. L’intérêt de la population pour pareil événement sportif a même été testé dernièrement. Le 27 mars 2011, l’écurie Red Bull Racing a effectué une

démonstration sur la piste de Killarney et pas moins de 30 000 spectateurs se sont déplacés. La volonté du pouvoir municipal y est, tout comme l’engouement populaire, ne manque plus que l’approbation du grand maître Ecclestone.

PAS LES SEULS L’Afrique du Sud n’est pas le seul pays à avoir de grandes ambitions côté F1. En 2014, deux nouvelles épreuves s’ajouteront au calendrier, aux ÉtatsUnis et en Russie. Le Mexique aimerait aussi présenter une course à l’horizon 2014. Malgré la concurrence annoncée, l’événement africain jouit d’un avantage certain : une grande visibilité assurée pour les commanditaires en raison du fuseau horaire dans lequel se trouve la ville du Cap. « Un des points qui jouent en faveur de l’Afrique du Sud est que le Grand Prix sera diffusé dans les heures de grandes écoutes en Europe et je pense que c’est un de nos principaux atouts », explique Bjorn Buyst, chef des opérations de Cape Town Grand Prix SA. L’Afrique du Sud a, dans l’histoire, présenté 23 courses de F1 : 20 à Kyalami (1967 à 1985, 1992 et 1993), en plus de trois autres à East London en 1962, 1963 et 1965. Après deux décennies passées hors-jeu, le pays au drapeau multicolore de Mandela semble fin prêt pour son grand retour. Et avec lui, c’est tout un continent qui souhaite crier sa présence trop longtemps ignorée.


ÉCONOMIQUE !

P

résenter un Grand Prix de Formule 1 offre une vitrine exceptionnelle pour le pays hôte. La ville sur laquelle tous les projecteurs sont braqués se trouve propulsée parmi les grandes destinations internationales. Pas moins de 527 millions de téléspectateurs dans 187 pays assistent au spectacle. Mais présenter un Grand Prix de la catégorie reine du sport automobile a un coût. Selon les marchés et leur appétit pour cette course, certains pays acceptent de payer beaucoup plus cher que d’autres afin d’obtenir les droits de présenter une épreuve. Les organisateurs de Cape Town Grand Prix SA prévoient négocier un accord de 40 millions $ annuellement, le prix moyen sur le circuit F1. En retour, leurs projections planchent sur des retombées économiques de 115 millions $. En comparaison, Monaco, la course la plus prestigieuse du championnat, ne paie aucun droit, alors que Singapour est le pays qui acquitte la facture la plus salée à 62,5 millions $ annuellement. Les retombées anticipées par l’organisation sud-africaine sont réalistes. Il faut savoir que « l’univers » touristique de la F1 est particulier. Pendant une semaine, des milliers de personnes gravitant autour de l’événement débarquent avec leurs fortunes colossales, leurs goûts raffinés et leurs exigences particulières pour lesquelles ils n’hésiteront pas à mettre le prix. Les touristes qui voyagent de Grand Prix en Grand Prix ne sont pas moins exigeants… et dépensiers ! C’est une foule au pouvoir d’achat important pour qui les limites

sont inexistantes. Luxueux hôtels, bonnes tables et bonne chère, sorties multiples, ces voyageurs fortunés ne comptent pas quand ils achètent et leur impact sur l’économie locale est aussi important que direct.

L’EXEMPLE DE MONTRÉAL La métropole québécoise accueille le Grand Prix du Canada depuis 1978. L’épreuve canadienne a beaucoup fait jaser en raison de son retrait du grand cirque en 2009. Bernie Ecclestone, grand argentier de la F1, était trop vorace au goût des organisateurs. L’homme exigeait 175 millions $ pour cinq ans à la fin 2008, un coût jugé démesuré par les autorités publiques qui finançaient l’événement. Mettant sa menace à exécution, le grand patron du sport automobile a retiré Montréal du calendrier 2009 et les bolides n’ont pas rugi au Canada pour la première fois depuis 1987. Après un an de négociations et l’insistance des équipes de F1 pour revenir en Amérique du Nord, un marché crucial pour les constructeurs automobiles, Ecclestone a accepté une entente de 75 millions $ pour cinq ans, soit 15 millions par année. Le gouvernement fédéral contribue à la hauteur de 5 millions $ par année, comme Tourisme Montréal qui verse la même somme par l’entremise d’une taxe spéciale sur les tarifs hôteliers. Le gouvernement du Québec (4 millions) et la Ville de Montréal (1 million) complètent le montage financier de l’événement.

Les recettes touristiques de l’épreuve de Montréal avoisinent les 100 millions $. Mais toutes les escales du championnat F1 n’ont pas une entente aussi avantageuse que celle des promoteurs canadiens. En janvier dernier, le Herald Sun révélait que les contribuables australiens payaient plus de 30 millions par année pour l’épreuve de Melbourne. À Montréal, la présentation du Grand Prix du Canada permet d’engranger des recettes touristiques qui avoisinent les 100 millions $. On estime que 51% des spectateurs proviennent de l’extérieur du Québec. Ces touristes de luxe injectent chaque année 75 millions $ dans l’économie montréalaise, la part du lion des retombées du Grand Prix. L’organisation sud-africaine estime pouvoir attirer 40 000 spectateurs d’outremer en cinq jours. Elle souhaite organiser plusieurs événements en marge du Grand prix, notamment des concerts, des festivals et des démonstrations diverses comme c’est coutume à Montréal et Singapour. Bien plus qu’une course sportive, on veut une célébration du pays et du continent, un incontournable « happening » que personne ne voudra manquer.

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DOSSIER SPÉCIAL — F1 EN AFRIQUE

UN GRAND PRIX…

Le grand cirque de la F1, c’est bien plus que du sport automobile. Célébrités, festivités, glamour et « happening » se retrouvent condensés en quelques jours survoltés et transforment une ville. Si l’événement implique de gros investissements pour les pouvoirs publics, les retombées de ce tsunami touristique compensent largement.


BERNIE ECCLESTONE

Dans le grand monde de la Formule 1, Bernie Ecclestone est souverain pontife. Si vous voulez organiser un Grand Prix, c’est LA personne à séduire et convaincre, le grand manitou qui a droit de vie ou de mort sur chaque épreuve du grand cirque automobile.

Q

u’on l’aime ou qu’on le déteste, c’est grâce à lui si le championnat de F1 est aujourd’hui le troisième événement télévisuel le plus suivi au niveau mondial, derrière la Coupe du monde de soccer et les Jeux olympiques d’été. C’est aussi grâce à lui si tous les propriétaires d’écurie sont aujourd’hui multimillionnaires. Après avoir tenté une carrière de pilote automobile en 1958 (deux départs), Ecclestone a disparu des circuits pendant huit ans pour faire fortune dans l’immobilier. Il retrouve la F1 en 1971 comme gérant du pilote Jochen Rindt et directeur de l’écurie Brabham qu’il a rachetée. Il la mènera au titre mondial 10 ans plus tard, en 1981 et 1983. Au milieu des années 1970, Bernie Ecclestone fonde la Formula One Constructors Association (FOCA) avec l’aide de son avocat et ami Max Mosley. Il prend alors peu à peu le contrôle du pouvoir économique de la Formule 1. S’ensuit alors une guerre qui l’opposera pendant des années aux pouvoirs sportifs pour la maîtrise et le contrôle des droits commerciaux, notamment télévisuels, dont Ecclestone entrevoit l’énorme potentiel. La direction sportive est finalement attribuée à la Fédération internationale du sport automobile (FISA), tandis qu’Ecclestone obtient la gestion des affaires financières. Le

Avec des avoirs de 4,2 milliards $, Ecclestone est la 4 e fortune britannique.

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ROI DE LA F1

« parrain » de la F1 enrichit alors tous les directeurs d’équipes, et ce, même s’il ne distribue que 47% des bénéfices ! Durant les décennies 1980 et 1990, Ecclestone étendra son emprise sur le sport en fédérant les constructeurs, regroupant les écuries autour de lui en diverses fédérations qui lui permettront d’orienter à sa guise le futur du sport automobile. Au passage, l’homme bâtit un véritable empire qui fera de lui une des personnes les plus riches, puissantes et influentes de la planète sportive. L’univers de la F1 n’a désormais plus rien à voir avec le côté « bon enfant » des débuts du sport. « Bernie » en a fait un véritable business, une puissante multinationale qui génère des milliards de dollars.

PERSONNAGE CONTROVERSÉ En 1999, malgré un triple pontage coronarien, il crée la SLEC, une société contenant les droits commerciaux de la F1, qu’il lèguera éventuellement à son ex-femme, Slavica Radic, et ses deux filles, Petra et Tamara. Quatrième fortune britannique selon le magazine Forbes (2011) avec des avoirs de plus de 4,2 milliards $, Bernie Ecclestone entretient de nombreux mystères qui contribuent au mythe du personnage. Certaines personnes pensent qu’il fut le cerveau de l’attaque du train postal Glasgow-Londres, en août 1963. Ecclestone n’a d’ailleurs jamais démenti cette affirmation. « Vous n’imaginez tout de même pas que j’aurais pris le

risque de passer 20 ans en prison pour aussi peu d’argent ! (3 millions de livres à l’époque) ». Selon les rumeurs, une maquette du train postal aurait longtemps trôné dans son bureau… L’homme a toujours collectionné les controverses. En 2009, il déclare au Times : « C’est terrible de dire ça je suppose, mais [...] (Hitler) était en mesure de commander beaucoup de gens capables de faire le boulot » et « si vous regardez la démocratie, elle n’a pas fait beaucoup de bien à de nombreux pays, y compris la Grande-Bretagne. » En 2005, il a choqué le milieu automobile, et les féministes, en commentant les succès de la pilote IndyCar Danica Patrick après sa quatrième place au prestigieux Indy 500. Selon lui, les femmes « devaient être vêtues de blanc, comme tous les autres appareils électroménagers ». Ecclestone a aussi fait la manchette dans les cercles politiques britanniques, notamment pour un don qu’il aurait fait au Parti travailliste de Tony Blair en échange d’accommodements pour les commandites des compagnies de tabac à la F1. Il risque d’ailleurs encore la prison pour une affaire de corruption dans le cadre du lègue des droits commerciaux du sport en 2006. Aujourd’hui âgé de 82 ans et toujours actif, Bernie Ecclestone semble encore apprécier la vie et le pouvoir. Il s’est marié pour la troisième fois en août dernier avec Fabiana Flosi, une Brésilienne de 35 ans.


LE JOYAU DU PROJET

SUD-AFRI C AI N L e but avoué de cette école est de permettre aux Africains d’avoir accès à une éducation à prix abordable (le coût élevé des études outre-mer en rebute plusieurs), mais aussi de développer le talent local et ainsi positionner l’Afrique du Sud comme un pôle automobile majeur en Afrique, mais aussi dans le monde. Ce projet majeur implique toutes les compagnies automobiles faisant actuellement affaire en Afrique du Sud comme Mercedes, BMW, VolkswagenAudi, Honda, Fiat et Kia. Ces dernières pourraient devenir actionnaires de l’Académie tout comme les départements du gouvernement impliqué en éducation.

Cette académie sera située près de la Century City Station et la Main Road.

L’ÉCOLE

L’Académie travaillera avec les écoles nationales et internationales afin de développer les talents et les préparer à une carrière sur la scène internationale de l’automobile. Les tests d’admission pour les étudiants auront des critères très élevés. L’école accueillera des experts internationaux de l’industrie qui viendront partager leur expérience et leurs connaissances du domaine. Les étudiants seront également sensibilisés à l’environne-

Le retour d’un Grand Prix en Afrique du Sud est étroitement lié à un autre projet d’envergure. Le projet Legacy consiste à fonder une académie automobile pour créer des opportunités pour les jeunes Africains qui rêvent de devenir ingénieur, designer, mécanicien, commissaire ou pilote automobile. ment, aux énergies renouvelables et au recyclage. L’emphase sera mise sur l’innovation et la créativité. Chaque département de l’Académie pourra compter sur un minimum de six garages complètement équipés, tous à la fine pointe de la technologie. L’académie disposera également d’une piste de karting homologuée par la Fédération internationale de l’automobile (FIA). Elle servira de banc d’essais aux élèves et pourra accueillir des courses du Championnat africain ou du Championnat du monde. À toutes ces installations s’ajoutera un hôtel. Ce dernier sera axé sur les énergies renouvelables et permettra aux pilotes, invités et clients de rester à proximité des installations. Le secteur automobile, très important en Afrique du Sud, représente 7,5% du produit intérieur brut du pays et emploie 36 000 personnes. Le gouvernement a identifié cette industrie comme un marché en pleine expansion avec comme objectif avoué la production de 1,2 million de véhicules d’ici 2020. Par sa nature et sa forme, le projet Legacy est le diamant qui accompagne le retour de la Formule 1 au pays de Mandela. Novatrice et porteuse d’espoir en éducation, un domaine où l’Afrique du Sud a encore de grandes lacunes, l’Académie proposée arrime besoins sociaux et expertise mondiale. Un lègue précieux pour les futures générations qui pourront à leur tour rêver de titres, de championnats et de carrières internationales.

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DOSSIER SPÉCIAL — F1 EN AFRIQUE

LEGACY


SABLES BITUMIN

INNOVER POUR EXPLO Un dossier de Katia Tobar

Les sables bitumineux ont mauvaise réputation. Son exploitation en Alberta et en Saskatchewan est perpétuellement disgraciée aux yeux de l’opinion publique en raison de son impact négatif sur l’environnement. Pourtant, d’importants investissements sont effectués dans la recherche et le développement de cette industrie, au point où le Canada se place comme pionnier de l’innovation pour l’exploitation de ses sables.

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NEUX

OITER AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42 21


LE GRAND DÉFI DE

L’EXPLOITATION P

our les sables bitumineux qui se trouvent près de la surface, une exploitation à ciel ouvert est privilégiée. Une fois les sables récoltés, ceux-ci sont mélangés avec de l’eau avant d’être acheminés grâce à des pipelines dans un centre de traitement où le bitume sera extrait. Les résidus sont par la suite stockés dans des bacs de décantation. L’eau est recyclée pour être réutilisée. Le forage in situ, le plus courant, vise à aller chercher le bitume en profondeur grâce à des puits. Le bitume est chauffé grâce à une source de chaleur avant d’être pompé et récupéré. Ce système d’exploitation perturbe moins la surface et ne nécessite pas l’aménagement de bassins de décantation, explique un rapport de l’Association canadienne des producteurs pétroliers. Selon Normand Mousseau, les efforts en recherche et développement dans ce secteur doivent à présent se concentrer sur « la diminution de la quantité d’énergie brulée » et sur « la diminution de la quantité d’eau nécessaire » à l’exploitation. En ce qui concerne l’impact de l’exploitation sur les cours d’eau, il est difficile à quantifier car le bitume existe déjà à l’état naturel et l’eau était bel et bien contaminée avant toute exploitation, explique M. Mousseau. Quant à la pollution de l’air, l’objectif est de diminuer les gaz à effet de serre produits par baril, explique Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie pour GreenPeace Canada. 1

Les producteurs pétroliers ont découvert des sables bitumineux en surface mais aussi en profondeur. La plus grande partie de ces réserves se trouve sous terre. Face à cette réalité, deux types d’exploitation sont utilisés, l’exploitation à ciel ouvert et le forage in situ, chacun comportant son lot de défis environnementaux et ses conséquences à maîtriser.

INNOVATIONS Face à cette situation, un important travail a été réalisé en recherches et développement en partenariat avec les gouvernements de l’Alberta et d’Ottawa pour venir à bout de ces défis. La gestion des bassins à résidus utilisés pour l’exploitation à ciel ouvert a été améliorée. Une fois que le bassin n’est plus utilisé, la végétation est replantée aussitôt afin que les terrains puissent se régénérer. Le transport des sables bitumineux dans les pipelines est aussi une avancée environnementale non négligeable. Un rapport du gouvernement fédéral1 sur la ressource indique que cette méthode est plus sécuritaire et que la température de l’eau utilisée pour le transport des sables a été diminuée, ce qui entraîne une économie d’énergie tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. La mesure peut paraître banale, mais au volume de matière traitée, l’impact est réel. Les percées et la recherche concernent aussi le forage in situ, où on a développé le forage de puits horizontaux. Cette innovation canadienne est une avancée importante face au défi que rencontre l’industrie pour réduire ses impacts négatifs sur l’environnement. « Les techniques de forage de puits horizontaux produisent plusieurs points d’accès aux sables bitumineux », explique le rapport du gouvernement du Canada sur les sables bitumineux de mai 2013.

Cette technique permet d’économiser le gaz naturel utilisé par rapport aux technologies plus traditionnelles de forage in situ. Elle « permet le recyclage de plus de 90% de l’eau, ce qui réduit considérablement la nécessité d’utiliser de l’eau douce de surface », mentionne également le rapport sur l’innovation du secteur. Autre aspect non négligeable, cette méthode évite aussi de détruire une importante densité de végétation en surface. « Les progrès technologiques comme le forage directionnel ou horizontal permettent de mener des opérations in situ afin de forer plusieurs puits (parfois plus de 20) à partir d’un même endroit, ce qui perturbe encore moins la surface », nous apprend le rapport de l’association canadienne des producteurs pétroliers. Le rapport indique finalement que l’eau fluviale utilisée pour l’extraction du bitume au sable a été remplacée par de l’eau « saumâtre », une eau qu’on qualifie de légèrement à moyennement salée. Encore là, l’industrie a trouvé un substitut permettant d’utiliser le moins possible les richesses environnantes.

Rapport du gouvernement fédéral, mai 2013, Sables bitumineux, une ressource stratégique pour le Canada, l’Amérique du Nord et le marché mondial. Leadership mondial en innovation.

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MAUVAISE RÉPUTATION Le Canada est la troisième réserve mondiale de pétrole après l’Arabie saoudite et le Venezuela. La plus grande partie de ces réserves se trouve sous la forme de sables bitumineux dans les régions d’Athabasca, de Peace River et de Cold Lake, en Alberta et en Saskatchewan. Une manne financière pour l’Ouest canadien qui s’accompagne d’une réputation lourde à porter.

C

es sables bitumineux, aussi connus sous le nom de sables asphaltiques, sont un mélange de sable, d’eau, d’argile et de bitume. Le pétrole est dérivé de ce bitume. Mais trop lourd ou épais pour être pompé comme dans les puits de pétrole traditionnels, d’autres méthodes ont dû être mises en place pour l’extraire. Ce sont ces méthodes, souvent remises en question à cause de leur impact sur l’environnement, qui ont valu à ce pétrole le surnom de « pétrole sale ». Pourtant, avec les 169 milliards de baril de pétrole canadien disponibles grâce aux sables bitumineux, la production n’est pas prête d’être freinée. Afin de réduire l’impact de cette extraction sur l’environnement, les grands pétroliers ont dû s’associer et innover. Ils ont mis en place en mars 2012 la COSIA (Canada’s Oil Sands

Innovation Alliance) ou l’Alliance pour l’innovation dans les sables bitumineux. Les dirigeants de 12 compagnies se sont engagés dans une charte fondatrice de l’alliance, à « assurer une croissance responsable et durable des sables bitumineux au Canada ainsi qu’à améliorer au plus vite la performance environnementale grâce à une action collaborative et à l’innovation », ont-ils indiqué lors de la création de l’organisation. L’objectif est d’accélérer la découverte de technologies d’extraction respectueuses de l’environnement. Un an après la création de la COSIA, les grands producteurs de cette industrie travaillent à la résolution de leurs trois principaux défis, à savoir « réduire leur émission de gaz à effet de serre, l’impact sur la qualité de l’air [de l’extraction des sables], et l’impact sur les sources d’eau » utilisées pour

RÉSERVES MONDIALES DE PÉTROLE BRUT PAR PAYS

extraire le bitume des sables, explique le professeur Normand Mousseau de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physique numérique de matériaux complexes.

HISTORIQUE Les sables bitumineux représentent un intérêt énergétique depuis plus de 200 ans mais leur exploitation n’a débuté qu’au début du XXème siècle, indique un rapport de l’association canadienne des producteurs pétroliers. Le défi de l’époque est de trouver un moyen de séparer le bitume du sable. En 2013, malgré d’importantes innovations dans le domaine, ce défi reste important si on veut extraire le bitume tout en respectant l’environnement. Au début des années 30, on utilise de l’eau chaude pour mener à bien cette séparation. En 1950, les chercheurs commencent à s’intéresser à la force centrifuge pour extraire le bitume avant d’utiliser au début des années 90 de gros engins de terrassement pour aller chercher l’or noir qui se trouve en surface : c’est l’exploitation à ciel ouvert. Au début des années 2000, les chercheurs trouvent une solution pour extraire le bitume qui se trouve en profondeur, le tout en réduisant l’impact environnemental. C’est le forage in situ. Ce type de forage limite en effet la destruction de l’environnement en surface, contrairement à l’exploitation à ciel ouvert qui utilise les mêmes procédés que ceux employés pour l’exploitation d’une mine. Encore aujourd’hui, ces deux types de forage restent prédominants dans l’industrie.

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DOSSIER — L’INNOVATION DANS LES SABLES BITUMINEUX

UN PÉTROLE À


UNE OPINION PUBLIQUE

À CONQUÉRIR Il y a un peu plus d’un an, la COSIA a été créée pour augmenter l’efficacité de la recherche et le développement dans l’industrie des sables bitumineux afin de réduire les impacts environnementaux. L’objectif ultime : gagner l’approbation du public.

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ouze grands producteurs de pétrole se sont associés dans cette quête. Le calcul est simple : plus l’environnement sera respecté dans cette exploitation commerciale du sous-sol canadien, plus l’opinion publique est susceptible de changer face à l’industrie, considérée par beaucoup comme une catastrophe écologique. Ainsi, les sociétés qui ont signé la charte de COSIA sont BP Canada Energy Company, Canadian Natural Resources Limited, Cenovus Energy Inc., ConocoPhillips Canada Resources Corp., Devon Canada Corporation, Imperial Oil, Nexen Inc., Shell Canada Energy, Statoil Canada Ltd., Suncor Energy Inc., Teck Resources Limited et Total E&P Canada Ltd. Un communiqué émis lors de la création de cette entité l’année dernière expliquait ainsi son objectif : « La COSIA définira des structures et des procédures au travers desquelles les producteurs de sables bitumineux ainsi que toutes les parties prenantes pourront travailler ensemble en faveur de l’environnement. L’alliance identi-

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fiera, développera et mettra en place de nouvelles solutions axées sur les défis environnementaux les plus pressants posés par l’exploitation des sables bitumineux - notamment ceux liés à l’eau, au sol, aux gaz à effet de serre et aux résidus. » Au-delà des intentions mises de l’avant, la COSIA doit permettre à ces grandes compagnies pétrolières de mettre en commun leur savoir et leur propriété intellectuelle. « Les sociétés membres partagent 450 brevets d’invention d’une valeur supérieure à 700 millions de dollars canadiens en matière de technologies novatrices relativement aux bassins à résidus, à l’eau, aux terrains et aux émissions de gaz à effet de serre », souligne le rapport du gouvernement fédéral de mai 2013. Depuis la prise de conscience de l’impact environnemental lié à l’exploitation des sables bitumineux, quelques avancées environnementales ont été remarquées. Selon le rapport d’Ottawa, « les émissions de gaz à effet de serre (GES) par baril ont chuté de 26% entre 1990

et 2011, et la quantité d’eau utilisée pour les travaux d’extraction du bitume des sables bitumineux a diminué de 7,4%, malgré une augmentation de 65% de la production de pétrole entre 2002 et 2011 ». Quant à la production de gaz à effet de serre, l’Association canadienne des producteurs pétroliers révèle que « l’industrie des sables bitumineux génère 6,9 % des émissions de GES produites au Canada et 0,16 % (1/600e) des émissions de GES produites à l’échelle planétaire1 ».

SOURCES : Association canadienne des producteurs pétroliers Gouvernement du Canada : Rapport du gouvernement fédéral, mai 2013, Sables bitumineux, une ressource stratégique pour le Canada, l’Amérique du Nord et le marché mondial. Leadership mondial en innovation. 1

E nvironnement Canada et Division de la statistique des Nations Unies


Malgré ces progrès notoires, le chemin permettant à l’industrie des sables bitumineux de redorer sa réputation semble encore long. Un projet européen à l’étude prévoit d’attribuer aux sables bitumineux une valeur carbone supérieure à celle du pétrole conventionnelle. Un qualificatif négatif qui pourrait certes affecter l’exportation du pétrole canadien. Selon Andrew Nikiforuk, journaliste et auteur de l’ouvrage Les sables bitumineux, la honte du Canada, « trois millions de barils d’eau par jour » sont encore utilisés dans l’exploitation des sables bitumineux. Pour fonctionner à plein régime, l’industrie canadienne « consomme quotidiennement assez de gaz naturel pour chauffer une ville de six millions d’habitants ». Quant à Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie de GreenPeace Canada, il indique que l’industrie empiète de plus en plus sur les territoires autochtones et que malgré une amélioration du suivi environnemental, c’est l’impact cumulatif qui pose problème. Il ajoute qu’un autre objectif sera de trouver un moyen de nettoyer les résidus présents dans les lacs, une tâche aussi colossale que complexe. Pour le spécialiste des questions climatiques et énergétiques, le seul moyen d’arrêter la catastrophe environnementale provoquée par les sables bitumineux serait de plafonner rapidement la production, d’arrêter leur expansion pour assurer une transition vers une économie d’énergie. Les sables bitumineux seraient une des dernières et la plus importante ressource de pétrole au monde. Vu les revenus importants qui y sont associés, le gouvernement fédéral souhaite en augmenter la production. S’il est certain que l’innovation dans ce domaine n’en est qu’à ses balbutiements, on peut déjà conclure que ces mêmes avancées dicteront l’acceptabilité populaire que suscitera ou non l’industrie.

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DOSSIER — L’INNOVATION DANS LES SABLES BITUMINEUX

LA ROUTE EST ENCORE LONGUE


ÉLECTRICITÉ / DÉVELOPPEMENT

LE MODÈLE

CAMEROUNAIS Pour doper ses capacités énergétiques, le gouvernement camerounais a été amené à réformer le secteur de l’électricité, adopter une politique énergétique et mettre en place des structures plus adaptées. Un dossier de Marc Omboui

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ans les milieux avisés, on reconnait au Cameroun tout ce qu’il faut pour s’imposer comme puissance énergétique en Afrique. En effet, son potentiel hydroélectrique en particulier est estimé à 55,2 GW, et sa productibilité d’énergie électrique à 294 TWH par an. De cet énorme potentiel, seulement 1,5% est jusqu’ici effectivement exploité. Du fait de la crise économique qu’il connaît du milieu des années 80 à la fin des années 90, le pays prend du retard dans la construction d’ouvrages susceptibles de mettre en valeur son potentiel et dynamiser sa production d’électricité. Ceci explique la crise structurelle très profonde que le secteur camerounais de l’électricité a connue pendant de longues années. Pour faire face à cette situation, le gouvernement s’est doté d’une politique énergétique à axes multiples : la préservation de l’indépendance énergétique nationale et la promotion des exportations, la facilitation de l’accès de tous à l’énergie à des prix compétitifs, la maîtrise de l’offre et de la demande en énergie, la préservation de l’environnement et la promotion de la sécurité dans ce secteur, et l’utilisation de l’énergie pour stimuler l’économie et l’emploi. Mieux, le pays s’est, depuis 2005, doté d’un Programme de développement du secteur de l’électricité (PDSE).

UN SECTEUR LIBÉRALISÉ La politique énergétique du Cameroun est basée sur le développement de l’énergie hydro-électrique et la mise en place de structures spécialisées dans les énergies. Le tournant décisif de cette politique est la loi n° 98-022 du 24 décembre 1998 régissant le secteur de l’électricité qui consacre la libéralisation de ce secteur. Cette loi s’applique aux activités de production à partir de toute source primaire ou secondaire d’énergie, de transport, de distribution, de fourniture, d’importation, d’exportation et de vente de l’électricité, réalisée par toute personne physique ou morale sur le territoire camerounais. Jusqu’en 2001, la production, le transport, la distribution, l’importation et l’exportation de l’électricité en vue de la vente de l’énergie au public sont sous contrôle de l’État. Ce secteur est soumis à des impératifs de qualité, de continuité et de neutralité, ainsi que d’égalité de traitement des usagers. Le service public de l’électricité est assuré par la Société nationale d’électricité (Sonel), une entreprise d’État qui évolue en situation de monopole. De l’avis des experts, cette entreprise souffre de multiples difficultés parmi lesquelles l’insuffisance du financement. Pendant ce temps, le taux de


DOSSIER — L’ÉNERGIE AU CAMEROUN

croissance de la demande est supérieur à celui de l’offre installée et donc de la production. Par ailleurs, pendant pratiquement deux décennies, du fait de la crise économique qui frappe de plein fouet le pays, aucun investissement véritable n’est fait dans le réseau interconnecté sud. Pour faire face aux nombreux délestages qui en résultent, la Sonel doit procéder à de lourds investissements, environ 75 milliards de F CFA, aux dires des experts, afin de réhabiliter et de renouveler les centrales de Songloulou et Edéa. Mais elle n’en a pas les moyens. L’État du Cameroun non plus d’ailleurs, puisque lié par un rigoureux programme d’ajustement structurel. Ceci contraint le gouvernement à opter pour la privatisation de la Sonel le 18 juillet 2001.

DE LA SONEL À AES SONEL L’État procéde donc à l’ouverture du capital de la SONEL à hauteur de 56%. Au terme de cette procédure, la société Aes Cameroon Holdings est sélectionnée comme partenaire stratégique pour entrer au capital de la SONEL et en assurer la gestion. Un contrat de concession pour une durée de 20 ans est accordé à cette société, qui va par la suite devenir Aes Sonel. Le cahier des

charges du contrat de concession oblige l’opérateur AES SONEL à desservir plus de 2300 localités qui constituent le « périmètre de distribution concédé », mais aussi d’étendre chaque année la desserte à d’autres parties du territoire national. En même temps, l’État lui impose comme objectif d’effectuer 50 000 à 60 000 nouveaux branchements par an. Du monopole public, le secteur de l’électricité passe pratiquement à un monopole privé, l’État n’en conservant que le rôle de régulateur. Pour ce faire, il met en place l’Agence de régulation du secteur de l‘électricité (Arsel), qui a pour mission d’assurer la régulation, le contrôle et le suivi des activités des exploitants et des opérateurs du secteur de l’électricité. Pour ne pas laisser à l’abandon les zones rurales, a priori peu commercialement rentables et moins intéressantes pour les opérateurs privés, le gouvernement crée l’Agence d’électrification rurale (AER) chargée d’assurer la promotion et le développement de l’électrification rurale sur l’ensemble du territoire. Les résultats obtenus après cette série de réformes sont cependant mitigés. On observe une sous-utilisation de la puissance installée ; la quantité d’énergie effectivement distribuée est extrêmement réduite à cause d’énormes défaillances techniques du réseau de transport. Aux dires des experts, ces failles représentent

entre 30 et 40% du productible. Si l’on note une légère augmentation de l’offre (environ 3% par an), la demande quant à elle croît encore plus vite (entre 7 et 10% l’an). Le gouvernement camerounais adopte en novembre 2009 un Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). Cette vision du Cameroun pour le développement fait une place importante au développement du secteur de l’électricité. Une nouvelle loi sur l’électricité est ensuite votée en décembre 2011. Il apparaît de plus en plus urgent pour l’État d’investir plus massivement pour mettre en valeur son potentiel. La création d’Electricity Development Corporation (EDC) apparaît alors comme une des réponses les plus importantes à ce problème.

AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42 27


ELECTRICITY DEVELOPMENT CORPORATION

L’OPTION D’UN ÉTAT-STRATÈGE Pour mettre en valeur son important potentiel électrique, l’État du Cameroun crée en 2006 Electricity Development Corporation (EDC). Société de patrimoine à capitaux publics, EDC va jouer un rôle stratégique dans la réalisation de projets d’envergure. Avec le début des travaux de Lom Pangar, elle s’est résolument mise à l’œuvre.

À

peine sorti de la crise économique, et pour ne pas laisser son destin entre les seules mains d’un opérateur privé, le Cameroun va devoir intervenir massivement pour mettre en valeur son potentiel hydroélectrique. L’institution à laquelle cette mission va être assignée est Electricity Development Corporation (EDC), créée le 26 novembre 2006. Pour certains spécialistes, avec EDC, le Cameroun fait un choix stratégique crucial : il opte pour un modèle d’ « État-stratège de développement », se démarquant ainsi du modèle uniquement fondé sur la prééminence du secteur privé. EDC se présente comme un instrument stratégique pour le développement du secteur de l’électricité. Elle prend en charge la construction et l’exploitation des ouvrages de régularisation des eaux des bassins, ainsi que l’exploitation directe des barrages-réservoirs du pays, conformément aux contrats de concession existant entre l’État et les différents opérateurs. Financièrement, EDC se consacre à la promotion des investissements, ainsi qu’à la prise et au suivi de participations dans les entreprises opérant dans la production, le transport, la distribution, la vente, l’importation et l’exportation d’électricité. EDC conduit et participe à des études de toutes natures, destinées à la mise en valeur des ressources énergétiques du pays. 28 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42

BRAS SÉCULIER DE L’ÉTAT EDC joue un rôle essentiel dans le développement de divers projets du secteur de l’électricité. Elle doit donc conduire ou participer à la réalisation des études de faisabilité des grands projets énergétiques et, le cas échéant, au processus de recherche et de sélection des investisseurs privés. Son objectif est d’accroître en quantité et en qualité l’offre hydroélectrique du Cameroun. Pour ce faire, elle oriente les investissements vers la construction des infrastructures. EDC souhaite induire une baisse des coûts de production, et donc une baisse des tarifs appliqués aux consommateurs. La direction d’EDC est par ailleurs convaincue qu’une offre d’énergie plus compétitive va favoriser l’essor du tissu industriel national, gage d’une dynamique de croissance économique génératrice de revenus et d’emplois. À peine mise en place, EDC doit faire face à des situations d’urgence, en même temps qu’elle planche sur des projets à moyen et long terme. L’étiage s’annonce extrêmement rude fin 2011 – début 2012, d’où le programme de construction en urgence de quatre centrales thermiques au diesel, encore appelé « Programme Thermique d’Urgence (PTU) », d’une capacité globale de 100 MW. Ces unités de production,

achevées en décembre 2011, contribuent de façon significative à la réduction du déficit énergétique auquel fait face le système électrique camerounais en période d’étiage, en raison du fonctionnement en régime limité des barrages hydroélectriques qui alimentent principalement ce système.

LOM PANGAR, UN PROJET EMBLÉMATIQUE Sous la houlette de son directeur général, Théodore Nsangou, EDC marque sa présence par un projet d’importance : le barrage de Lom Pangar qu’elle situe en amont du développement du système électrique camerounais. Son objectif est d’accroître industriellement la capacité de génération hydroélectrique de la Sanaga en augmentant son débit en saison sèche (réduction de la variabilité saisonnière). Autre chantier dans lequel EDC est engagé, le Projet de renforcement et d’extension des réseaux électriques de transport et de distribution (PRERETD), à travers lequel il entend renforcer et étendre ses systèmes électriques dans 423 nouvelles localités, principalement en zone rurale, de huit régions du Cameroun. Le train d’Electricity Development Corporation est bel et bien lancé.


DOSSIER — L’ÉNERGIE AU CAMEROUN

ÉLECTRICITÉ

UN PUISSANT LEVIER POUR L’ÉMERGENCE DU CAMEROUN Le secteur de l’électricité est un des leviers les plus importants sur lesquels le Cameroun peut compter pour son émergence économique. Il offre d’importantes opportunités pour les investisseurs nationaux et étrangers, en raison des activités qu’EDC et le gouvernement mènent ou sont appelés à entreprendre dans les années à venir.

L

e Cameroun s’est, depuis quelques années, doté d’une politique énergétique nationale (PEN) ambitieuse et porteuse à plusieurs niveaux. Il faut noter que, selon un constat fait par le Groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM), « depuis 2003, les difficultés d’approvisionnement en électricité ont occasionné des pertes estimées à plus de 60 milliards de FCFA (120 millions $US), soit plus d’un point du taux de croissance annuel du pays ». Le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), qui se veut la vision du pays en vue de son émergence à l’horizon 2035, prescrit des actions pour résorber le déficit énergétique et, d’autre part, soutenir la relance des activités économiques au Cameroun, principalement au niveau des petites et moyennes entreprises. La réalisation des grands projets énergétiques, principalement les barrages hydroélectriques de Lom Pangar et Memve’ele, s’inscrit dans ce cadre. En fait, avec Lom Pangar, la route vers l’émergence de l’économie camerounaise se trouve balisée. Pour les spécialistes, l’essentiel des projets structurants qui doivent changer le Cameroun dépend de cette solution énergétique. À la suite de Lom Pangar, le pays pourra s’engager

dans des investissements plus lourds dans le secteur des infrastructures énergétiques et attirer de potentiels investisseurs privés. À plus ou moins long terme, plusieurs projets énergétiques pourront être mis en œuvre. Parmi ceux-ci, les centrales hydroélectriques de Nachtigal (330 MW), Song Mbengé (950 MW), Kikot (550 MW), Njock (120 MW), Ngodi (475 MW), Song Ndong (300 MW), Nyanzom (375 MW), Bayomen (470 MW), Mouila-Mogué (350MW) et Bagangté (90 MW), entre autres projets. Ce faisant, le barrage de Lom Pangar apporte un souffle nouveau à toute l’économie camerounaise, en même temps que l’espoir d’une croissance assurée et confirmée. Les grands investissements dans les secteurs minier et industriel du Cameroun qui dépendent de ce barrage, et qui sont évalués à plus de 10 000 milliards de F CFA (20 milliards $), pourront à leur tour voir le jour. Deux de ces projets se distinguent particulièrement compte tenu de l’importance de leurs besoins énergétiques. Il s’agit du projet de port en eau profonde de Kribi et du projet Rio Tinto Alcan (RTA). Quatre industries d’importance prévoient s’installer dans la zone industrielle de Kribi : l’usine d’aluminium de Rio Tinto Alcan, le Terminal de fer de

Mbalam de CAM IRON, l’exploitation de bauxite de Cameroon ALUMINA, et l’usine de liquéfaction du gaz naturel de Gaz de France (GDF Suez). Pour le seul projet de Rio Tinto Alcan, la puissance nécessaire est estimée à 2700 MW selon AES-SONEL.

UN IMPORTANT BESOIN DE CAPITAUX Pour attirer les investisseurs et permettre au secteur de l’électricité de jouer pleinement son rôle de levier du développement économique, l’État ne lésine pas sur les mesures incitatives. Parmi celles-ci, notons l’ouverture du segment de la production aux producteurs indépendants d’électricité (PIES), la création annoncée d’une filiale chargée de la gestion du réseau de transport, l’ouverture de la fonction de production à la concurrence, la possibilité pour les gros consommateurs industriels et distributeurs de contracter librement avec un fournisseur, et l’instauration de la concurrence dans la vente d’électricité en gros. Si on ajoute à cela les opportunités qu’offrent le solaire et l’éolienne dont le potentiel est, aux dires des spécialistes, tout aussi important, il y a tout lieu de croire que le secteur de l’électricité constitue un boulevard pour le développement économique du Cameroun, mais aussi une excellente opportunité pour les investisseurs que le gouvernement et son bras armé qu’est EDC sont disposés à accueillir. AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42 29


ÉNERGIE ÉLECTRIQUE

LES GRANDS CHANTIERS

DU CAMEROUN

Deuxième potentiel hydroélectrique d’Afrique derrière la République Démocratique du Congo, le Cameroun s’est, depuis quelques années, lancé dans le développement d’importants projets : Lom Pangar, Memve’ele, Mekin et autres. Objectif : à moyen terme, atteindre et renforcer son autosuffisance en énergie électrique ; puis, à plus ou moins long terme, devenir exportateur net de cette denrée.

D

epuis des années, les projections de l’offre et de la demande d’électricité dans le réseau interconnecté sud (R.I.S) ont montré que l’équilibre restait fragile. Avec moins de 1000 MW, l’offre était en deçà de la demande évaluée à 1200 MW, et qui, en plus, croît de plus de 7% chaque année. Il devenait par conséquent urgent de développer de nouvelles capacités de production. Le Cameroun espère pouvoir doubler ses capacités à l’horizon 2020 et, après avoir atteint l’autosuffisance, devenir exportateur chez ses voisins. Le parc de production électrique géré par AES–SONEL comprend trois centrales hydroélectriques (Songloulou,

30 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42

Edéa et Lagdo), dont deux alimentent le réseau interconnecté du Sud (RIS), et 10 centrales thermiques raccordées au réseau, dont 8 débitent sur le RIS. À la fin de 2011, on comptabilise également 27 centrales isolées. Les projets actuellement développés, tant en matière d’énergie thermique qu’en matière hydroélectrique, permettront d’améliorer l’offre d’électricité de 933 MW à 1435 MW.

DES PROGRAMMES D’URGENCE Pour faire face à l’insuffisance de l’offre d’énergie électrique, le gouvernement du Cameroun a décidé de

prendre des mesures palliatives avec la construction d’une centrale à gaz et deux à pétrole lourd. En plus de cela, un programme spécial dénommé PTU (Programme thermique d’urgence) a été mis en place. La centrale thermique à pétrole lourd de Limbe est le premier de ces projets. D’un coût de 50 milliards de F CFA (100 millions $US), dont 30% financés par AES Sonel, elle est mise en place au début des années 2000 pour une capacité installée de 85 MW. Trois autres centrales viennent ensuite compléter l’offre en 2009. Depuis mars 2013, la centrale à gaz de Kribi est opérationnelle. Elle injecte ses 216 MW d’électricité dans le réseau


interconnecté sud. Une production qui, selon les responsables de la Kribi Power Developement Corporation (KPDC), filiale d’AES Sonel, peut être portée à 330 MW. Le Programme thermique d’urgence (PTU) s’inscrit lui aussi dans une logique de réduction du déficit de l’offre d’électricité. Avec quatre centrales thermiques au diesel d’une capacité globale de 100 MW, le PTU est opérationnel depuis le mois de décembre 2011. Ses équipements contribuent depuis le mois de janvier 2012 à l’alimentation des villes de Bamenda, Yaoundé, Mbalmayo et Ebolowa. Toutefois, le PTU est particulièrement onéreux, le prix du KWh produit atteignant 600 F CFA (1,20 $). Si l’on peut considérer ces solutions comme palliatives, le Cameroun s’est cependant lancé dans des projets plus importants qui visent à mettre en valeur son riche potentiel hydroélectrique.

La construction de l’Aménagement hydroélectrique de Lom Pangar au confluent des fleuves Lom et Pangar dans la région Est tient une place essentielle dans la stratégie camerounaise. L’aboutissement de ce chantier orientera la réalisation d’autres projets hydroélectriques sur le bassin de la Sanaga. Le chef de l’État camerounais, Paul Biya, qui procédait à la pose de la première pierre de ce chantier, ne s’était d’ailleurs pas trompé en affirmant que le barrage de Lom Pangar s’inscrivait dans son programme des « Grandes réalisations ». Le chantier devrait être achevé d’ici 2016. À côté de Lom Pangar se trouve le barrage de Memve’ele sur le fleuve Ntem, dans la région du Sud. Une fois opérationnelle, cette construction de plus 245 milliards de FCFA (490 millions $) fournira un supplément de 201 MW à la production électrique du Cameroun. Ce projet constitue, en raison de sa proximité avec la Guinée Equatoriale et le Gabon, un enjeu stratégique dans la perspective de la mise en place d’une interconnexion électrique entre les pays de l’Afrique Centrale (sousrégion CEMAC). La construction de cet important barrage est déjà amorcée. La mise en service de l’usine et le raccordement au réseau de sa ligne de 225 kV longue de 300 km sont prévus pour le début de l’année 2016. La construction du barrage hydroélectrique de Mekin sur le fleuve Dja, d’une capacité installée de 15 MW, a de son côté débuté en 2011. Les travaux

de 25 milliards de F CFA (50 million $) sont pilotés par la société à capitaux publics Mekin Hydro-Electric Development Corporation. La mise en service de cette usine de production est prévue pour la fin de l’année 2014. Ces divers travaux donnent du Cameroun l’image d’un pays en chantier. Pour les officiels gouvernementaux, le meilleur reste cependant à venir. La réalisation du projet de Lom Pangar devrait ouvrir la voie à la construction d’ouvrages encore plus importants sur le bassin sud de la Sanaga, notamment à Nachtigal et Song Mbengue. Le 2 novembre 2012, le ministre camerounais de l’Eau et de l’Énergie et la société américaine Hydromine Inc. ont signé un mémorandum d’entente pour les études de faisabilité de deux centrales hydroélectriques, à Grand Eweng dans le Littoral et Mousséré dans l’Adamaoua. La capacité de production attendue de ces deux barrages s’élèvera à 1500 MW à partir de 2018. À en croire le représentant d’Hydromine Inc., le projet de Grand Eweng est tout simplement exceptionnel dans la mesure où il devrait produire 1200 MW d’énergie avec une garantie annuelle de 900 MW Avec ces chantiers, le Cameroun annonce clairement sa volonté de maximiser la valeur de son potentiel hydroélectrique. D’autres opportunités, dans le domaine du solaire et de l’éolienne, attendent d’être mises en valeur. Fort de tout cela, le Cameroun mise sur l’électricité comme levier de développement en vue d’une émergence économique trop longtemps attendue.

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DOSSIER — L’ÉNERGIE AU CAMEROUN

DE LOURDS INVESTISSEMENTS


ENTREVUE

DR THÉODORE NSANGOU, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’EDC

Entrevue réalisée par Marc Omboui

Le directeur général d’Electricity Development Corporation (EDC) parle des efforts fournis par le Cameroun pour mettre en valeur son potentiel hydroélectrique et des perspectives prometteuses de ce secteur pour le développement du pays. LE CAMEROUN A SOUFFERT PENDANT DE LONGUES ANNÉES DE L’INSUFFISANCE DE L’OFFRE D’ÉLECTRICITÉ PAR RAPPORT À LA DEMANDE. DOIT-ON CONSIDÉRER QUE CETTE ÉPOQUE EST AUJOURD’HUI À JAMAIS RÉVOLUE ? Effectivement, le Cameroun a connu au cours des années qui ont suivi la privatisation de la SONEL en 2001, d’importantes difficultés d’approvisionnement en électricité. Cette situation qui était prévisible résulte de l’absence d’investissements dans ce secteur pendant toute la durée de la crise économique qu’a connue notre pays et l’ajustement structurel qui lui était imposé. Le nouvel opérateur privé AES Sonel a, dès le début de sa concession, engagé des investissements importants dans ce secteur pour pallier dans l’urgence le déficit énergétique. Nous avons donc enregistré la construction des centrales thermiques de Limbe, Dibamba et Log Baba, ainsi que la réhabilitation des centrales hydroélectrique d’Edéa et de Song Loulou. D’autres investissements ont été réalisés dans le secteur du transport et de la distribution d’électricité. Ces efforts certes considérables, demeurent insuffisants pour satisfaire complètement la demande nationale sans cesse croissante avec un taux oscillant entre 6% et 8% depuis 2001. Cette vitesse d’accroissement de la demande commande un doublement de la capacité de production tous les 10 ans pour satisfaire celle-ci. Cela signifie que l’État devrait construire en 10 ans autant de capacités de production d’électricité qu’elle ne l’a fait depuis l’avènement de l’électricité au Cameroun dans les années 1940. C’est dire que les défis sont importants. Et pour les relever, l’État a lancé de grands projets structurants dans le secteur de l’électricité qui visent à pallier le déficit énergétique à court terme, mais aussi sécuriser sur le moyen et le long terme l’accès à l’électricité en quantité et en qualité. Nous citerons dans ce registre le Programme thermique d’urgence de 100 MW opérationnel depuis fin 2010, la centrale à gaz de Kribi (216 MW), le barrage hydroélectrique de Mekin (15 MW) attendu pour fin 2015, le barrage hydroélectrique de Memve’ele (201 MW), et le barrage hydroélectrique de Lom Pangar qui permettra dès 2014 le stockage de 6 milliards de m3 d’eau sur la Sanaga et la production de 30 MW d’électricité. La mise en service progressive de ces infrastructures permettra d’oublier cette période de délestages liés à l’insuffisance de l’approvisionnement en énergie électrique. Toutefois, l’État devra rester en éveil, préparer et engager de nouveaux investissements dans l’accroissement des capacités de production, de transport et de distribution d’électricité pour soutenir continuellement la demande.

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QUELLE ÉVALUATION FAITES-VOUS DE L’ÉVOLUTION DES GRANDS CHANTIERS EN COURS DANS LE SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ AU CAMEROUN, NOTAMMENT LOM PANGAR, MEMVE’ELE ET MEKIN ? Dans l’ensemble, les grands chantiers en cours dans le secteur de l’électricité avancent bien. Comme vous le savez, les contrats de construction de ces trois barrages hydroélectriques ont été attribués à des entreprises chinoises qui travaillent d’arrache-pied pour tenir les délais qui leur ont été fixés. La centrale hydroélectrique de Mekin sera livrée en 2015, et celle de Memve’ele en 2016. En ce qui concerne le barrage de Lom Pangar que nous suivons au quotidien, nous envisageons une première mise en eau du barrage dès juillet 2014, et la mise en service de l’usine en 2016. Nous avons d’ailleurs reçu une mission d’évaluation des cinq bailleurs de fonds qui financent le projet à la fin du mois de janvier 2013. Ceux-ci ont jugé très satisfaisant le niveau d’avancement des travaux.


LA CONSTRUCTION DU BARRAGE DE LOM PANGAR A ÉTÉ PRÉSENTÉE COMME INDISPENSABLE POUR LA MISE EN VALEUR DES SITES DU BASSIN SUD DE LA SANAGA. À QUOI DOIT-ON S’ATTENDRE APRÈS LA RÉALISATION DE CET IMPORTANT OUVRAGE ? Après la mise en service du barrage de Lom Pangar, nous enregistrerons un accroissement immédiat de la quantité d’énergie produite sur le Réseau interconnecté Sud d’environ 150 MW, et sur le Réseau de l’Est pour 30 MW. Et donc une réduction significative du déficit en énergie électrique. Il convient de préciser qu’il s’agit d’une énergie propre, renouvelable et à moindre coût. Ensuite, nous assisterons à moyen terme à la construction de nouveaux aménagements hydroélectriques sur le cours de la Sanaga, bénéficiant d’une bonne régularisation de son débit par les barrages réservoirs en amont (dont Lom Pangar). Il sied de rappeler que la Sanaga possède un potentiel hydroélectrique de près de 10 000 MW et les sites hydroélectriques les plus importants (puissance supérieure à 1000 MW) dont une faible partie seulement a été mise en valeur (environ 7%). Plusieurs de ces

sites dont la rentabilité économique et financière est nettement améliorée par le barrage de Lom Pangar sont d’ailleurs en cours d’études et leur préparation connaît une accélération depuis le démarrage des travaux de construction du barrage de Lom Pangar. Avec cet accroissement de l’offre énergétique, nous envisageons le développement de grands projets industriels (filière sidérurgie, filière bauxite - alumine, cimenterie, etc.), et du tissu des PME/PMI pour lesquels l’accès à l’électricité constitue un handicap majeur aujourd’hui. Enfin, nous devons nous attendre à une baisse significative des tarifs de l’électricité pour l’ensemble des consommateurs. Car l’hydroélectricité abondante et peu coûteuse viendra remplacer l’énergie thermique actuellement utilisée en grande quantité pour la production électrique camerounaise.

LE SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ NÉCESSITE DES INVESTISSEMENTS LOURDS ET DES FINANCEMENTS QUI NE SONT PAS TOUJOURS FACILES À TROUVER. COMMENT EDC S’Y PREND-T-ELLE ? En principe, la recherche des financements est du ressort du gouvernement. EDC apporte toutefois son assistance dans cette quête et émet des propositions dans la mesure du possible. La stratégie de recherche des partenaires techniques et financiers pour le développement des grands projets énergétiques prend en compte deux options ou modèles de développement. Le « Private Public Partnership » (PPP) dans lequel le gouvernement recherche des développeurs privés susceptibles de porter un projet dans son ensemble, au plan technique et financier. Le « Public Project Management » (PPM) où l’État recherche du financement auprès des bailleurs de fonds internationaux et

développe le projet par l’entremise d’une entreprise publique telle que EDC ou bien l’Agence d’électrification rurale (AER). C’est ce second modèle qui a permis de développer le projet Lom Pangar. Plusieurs accords de coopération économique ont été signés à ce jour entre le Cameroun et d’autres pays développés ou émergents. Ces accords prévoient dans divers cas des opportunités de financement du secteur de l’énergie au Cameroun. Globalement, il est question d’attirer des investisseurs étrangers, car l’État à lui seul ne peut pas mobiliser l’ensemble des capitaux nécessaires pour couvrir les besoins actuels de financement du secteur de l’électricité.

De manière générale, tous les grands projets de développement hydroélectriques au Cameroun ont une rentabilité économique et financière avérée. Pour les sites importants du bassin de la Sanaga, leur rentabilité a été nettement améliorée par la construction du barrage de Lom Pangar. De plus, les mécanismes de tarification en vigueur garantissent la rentabilité de tout investissement dans le secteur de l’électricité, même dans le segment du transport et de la distribution.

LE CAMEROUN EST ENTOURÉ DE PAYS QU’IL POURRAIT ALIMENTER EN ÉNERGIE ÉLECTRIQUE SI SON POTENTIEL ÉTAIT MIS EN VALEUR. LE PAYS ENTEND-T-IL INVESTIR POUR TIRER PROFIT DE CES OPPORTUNITÉS ? SI OUI, À QUELLE ÉCHÉANCE ? Il est évident que le Cameroun envisage d’investir dans des projets d’interconnexion électrique avec les pays voisins. Les négociations ont d’ailleurs été engagées et sont bien avancées avec le Tchad et le Nigeria. Plus globalement, les pays de la CEMAC, regroupés au sein du PEAC (Pool énergétique d’Afrique centrale) ont déjà travaillé sur un schéma directeur d’interconnexion sous-régionale. La mise en place de ces interconnexions est un véritable défi pour l’ensemble des pays, du point de vue de l’importance des capitaux à mobiliser pour développer les infrastructures de production et de transport, et de par la mise en place des instruments juridiques et commerciaux pour encadrer les futurs échanges de flux d’énergie. Ce processus d’interconnexion avance certes un peu lentement, mais surtout avec beaucoup de sérénité. Nous espérons que dans un horizon relativement proche, la première interconnexion entre le Cameroun et un pays voisin sera effective.

AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42 33

DOSSIER — L’ÉNERGIE AU CAMEROUN

QU’EN EST-T-IL DE LA RENTABILITÉ DE CES OUVRAGES ?



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AFRIQUE, LE BUSINESS

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L’entreprenariat féminin est une réalité en Afrique depuis plusieurs années. Les Africaines ne se contentent plus d`être des « Mama Benz », on les retrouve aujourd’hui dans tous les secteurs d’activités où elles occupent des postes de direction aux grandes responsabilités.

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urant des décennies, les « Mama Benz », ces femmes originaires du golfe du Bénin illettrées pour la plupart, représentaient à elles seules l’entreprenariat féminin en Afrique. Dynamiques, reconnues pour leur savoir-faire, leur ingéniosité et leur sens du commerce, elles ont bâti de véritables fortunes que soulignaient les éclatantes Mercedes Benz qu’elles conduisaient (d’où leur nom). Mais depuis quelques années, l’heure est à la diversification avec la dernière génération des femmes d’affaires qui ne se contentent plus de faire fortune dans le seul domaine du commerce des tissus. Cela d’autant plus que la concurrence est devenue impitoyable avec « l’invasion » des textiles chinois sur le marché africain. Le continent compte donc aujourd’hui davantage de femmes chefs d’entreprises, mais également des femmes qui occupent des postes de direction au sein des grandes entreprises du continent. Des femmes qui sont maintenant des modèles pour la jeunesse féminine. Mais cette « émancipation de la femme africaine » ne s’est pas faite sans peine. Même si des progrès importants ont été accomplis en matière d’égalité des sexes, notamment au niveau professionnel, de grands défis persistent. Les chiffres sont formels : les cercles de

pouvoir des grands groupes restent largement hermétiques aux femmes. Leur proportion actuelle par rapport aux hommes demeure relativement faible. Les chiffres publiés par la Banque mondiale dans son « Enquête sur les entreprises 2010 » sont éloquents. Dans le secteur privé africain, une femme salariée sur 26 occupe un poste de direction, contre un homme sur 5.

L’ÉDUCATION, LA CLÉ Nombreuses sont encore malheureusement les femmes du continent qui ont ainsi des difficultés à accéder aux hautes fonctions dans le milieu des affaires. Hormis les paramètres socioculturels reconnus comme le patriarcat des sociétés, les préjugés sur le leadership féminin ou le regard de la société, des barrières plus directes et concrètes comme le manque de formation des jeunes femmes subsistent. Un handicap certain qui prive le milieu des affaires du continent d’un éventuel vivier de talents féminins. La scolarité des filles étant un processus enclenché tardivement et plus difficilement que celui des hommes, rien de surprenant à ce que les femmes soient aujourd’hui moins nombreuses à pouvoir prétendre à des postes de direction.


AMAZONES DES AFFAIRES Femme d’affaires originaire du Nigeria, Folorunsho Alakija possède une fortune estimée à 3,3 milliards de dollars, notamment grâce à sa société pétrolière Famfa Oil qui a remporté en mai 2012 une importante bataille juridique contre le gouvernement nigérian. Cette victoire légale lui a permis de reprendre 50% du bloc OML 127, un des plus prolifiques gisements pétroliers du pays dont elle possède désormais 60% des parts. Elle est ainsi devenue la femme noire la plus fortunée de la planète, détrônant l’icône de la télévision américaine Oprah Winfrey. Mais avant de faire fortune dans l’industrie pétrolière, Mme Alakija a commencé dans un tout autre domaine, l’industrie de la mode. Après avoir étudié la mode et le design en Angleterre dans les années 1980, elle crée la ligne de vêtements Supreme Stitches dont les créations sont portées par la haute société africaine. Après des années de gloire qui ont fait d’elle la créatrice vestimentaire numéro 1 dans l’Ouest africain, Folorunsho Alakija a décidé de s’attaquer à l’industrie pétrolière après un passage remarqué dans le domaine de la finance aux États-Unis. Aujourd’hui à la tête d’une immense fortune, cette sexagénaire aurait par ailleurs investi, selon le rapport du magazine économique africain Ventures Africa, près de 100 millions de dollars dans l’immobilier. Autre modèle, même pays, où l’on peut également citer l’exemple de Ngozi Okonjo-Iweala, elle aussi Nigériane. Ancienne directrice générale de la Banque mondiale à Washington chargée de l’Afrique, de l’Europe, de l’Asie du Sud et de l’Asie centrale, elle a démissionné en juillet 2011 de ce poste qu’elle a occupé durant 16 ans. Elle a depuis été rappelée à la tête du ministère des Finances de son pays par le président Goodluck Jonathan. Ngozi Okonjo-Iweala, qui a été formée aux prestigieuses universités américaines Harvard et MIT, avait déjà dirigé ce ministère de 2003 à 2006 sous la présidence d’Olusegun Obasanjo. Elle s’était alors distinguée

en redressant les finances publiques et en restaurant la croissance qui a triplé pour atteindre 6% en moyenne durant les trois ans qu’a duré son mandat. Elle restera surtout, aux yeux de ses compatriotes et du monde, celle qui a renégocié avec une habilité remarquable la dette de son pays ramenée de 35 à 5 milliards de dollars. Encore aujourd’hui, ce complexe exercice constitue le record de la plus forte annulation de dette obtenue par un pays africain. Ce record a été salué par le Times en 2004. Elle a été élue ministre africain des Finances de l’année 2005 par le Financial Times. Surnommée « la dame de fer » durant ce premier mandat ministrériel, sa lutte pour la transparence fiscale et contre la corruption a conduit bon nombre de responsables nigérians en prison. Mais les Nigérianes ne détiennent pas le monopole de l’entreprenariat au féminin en Afrique. Wendy Luhabe, une Sud-africaine, a été désignée comme l’une des 20 femmes les plus influentes d’Afrique du Sud par le Sunday Times en 1999. Classée parmi les 100 leaders de demain par le World Economic forum de Genève en 1997, elle s’ajoute à cette liste d’entrepreneures influentes sur le continent et ailleurs. Fondatrice et CEO de l’International marketing Council of South Africa, elle est également à l’origine de la création de WIP Fonds (Women Investment Portfolio Holdings), le premier fonds d’investissement sud-africain possédé par des femmes. À cela s’ajoute le Women’s private Equity Fund , un autre fonds d’investissement spécialement destiné au financement d’initiatives féminines dans le pays. Elle est en outre présidente des conseils d’administration de différentes entreprises dont Vodacom, un poids lourd du secteur des Télécoms en Afrique du Sud. Si l’ascension féminine dans le compétitif monde des affaires en Afrique a pris un certain temps, leur présence et leur influence sont aujourd’hui indéniables. Reste le défi du nombre et de la représentation, des obstacles auxquels s’attaquent déjà les jeunes générations appelées à bâtir l’avenir de tout un continent.

AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42 37

MONDIALISATION

L’accès à l’éducation et à une formation universitaire reste donc un défi important pour favoriser et faciliter l’accès des femmes aux plus hauts postes dans les grandes entreprises africaines. Preuve en est le secteur financier africain qui recrute ses talents les plus prometteurs dans les grandes écoles internationales et qui est l’un des plus avancés sur le continent en termes de féminisation du management. Chez Ecobank par exemple, la deuxième banque d’Afrique de l’Ouest, 44% des employés et 31% des cadres sont des femmes. Les difficultés que rencontrent les femmes du continent pour accéder aux postes de direction dans les milieux professionnels sont telles qu’un nombre croissant d’entre elles ont décidé de prendre les choses en main pour contrer la marginalisation économique dont elles peuvent être victimes. « La femme a souvent été mise au second plan de la société, peu représentée aux postes stratégiques tant dans le secteur privé que public. Son rôle a longtemps été sous-estimé, l’assignant aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants. Aujourd’hui, après des décennies de lutte pour l’égalité des sexes, de modernisation de la société, d’évolution des mentalités, l’accès à l’éducation et aux études supérieures a permis l’émergence d’une génération de femmes éduquées. » C’est ainsi qu’était résumée la situation de l’entreprenariat féminin en Afrique par l’African business club (ABC), un regroupement de cadres, futurs cadres et amis de l’Afrique issus des prestigieuses formations françaises, dans un communiqué annonçant la tenue d’une conférence à Paris sur le même thème. « Ces avancées leur ont ouvert les portes pour rentrer sur le marché du travail et prétendre à des postes longtemps destinés aux hommes. Cette nouvelle génération de femmes, intelligentes et entreprenantes, a relevé le défi de se lancer dans le monde des affaires mettant ainsi de côté les idées reçues et les préjugés », conclut le communiqué. Ces nouvelles femmes entrepreneures sont Folorunsho Alakija, Wendy Luhabe, Ngozi-Okonjo-Iweala, et bien d’autres encore.


AFRIQUE / ÉDUCATION

POUR UNE MUE

QUALITATIVE E

n 2012, l’UNESCO évaluait à 5 millions le nombre d’étudiants inscrits dans les universités en Afrique subsaharienne. Le nombre dépassait 7 millions en Afrique du Nord selon des statistiques officielles. Pour les accueillir, les gouvernements fournissent d’énormes efforts budgétaires, note l’organisme onusien. En moyenne, les pays d’Afrique francophones (18 pays) consacrent 1% des ressources publiques au secteur des universités. Des finances qui, parfois, sont difficiles à trouver pour certains pays, selon un rapport de la Banque mondiale paru en 2010. L’institution estime que la Tunisie a consacré 1,6% de son PIB à l’enseignement supérieur, contre 2,6% pour l’Algérie et la Libye, 1% du côté du Maroc. Plus au sud, l’Afrique du Sud y a consacré 0,6% du PIB et le Sénégal 1,2%. Mais force est de constater que le système éducatif en Afrique est une usine à fabriquer des diplômes inutiles. L’Unesco, citant une étude effectuée dans 23 pays africains de 2000 à 2006, affirme que « le taux de chômage des diplômés du supérieur âgés de 25 à 34 ans est le plus élevé parmi tous les niveaux d’éducation ». Selon la Banque mondiale, 25% des jeunes diplômés de plusieurs pays d’Afrique du Nord sont confrontés à une hausse du taux de chômage, plus que dans n’importe quelle autre région du monde. En 2011, ce taux se situait autour de 18% au Maroc et 20% en Tunisie selon l’OCDE. Au Burkina Faso, 20%

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des demandeurs d’emplois ont un niveau supérieur d’éducation, selon l’observatoire national pour l’emploi et la formation professionnelle. Les jeunes vivent dans la frustration, ce qui provoque parfois des situations explosives. C’est le cas de la Tunisie où l’immolation d’un jeune diplômé a été à l’origine du déclenchement du « Printemps arabe ». En février dernier, des jeunes Algériens, poussés à l’exaspération, ont brûlé en public leurs diplômes. Faute de débouchés, les jeunes se trouvent victimes de toutes les privations. Selon le bureau International du Travail,

Boualem Hadjouti D’après l’organisation internationale du travail, « les facteurs entravant l’emploi des jeunes sont notamment (…) l’inadéquation entre les systèmes éducatifs hérités du 20e siècle et le marché du travail du 21e siècle ». Lors d’une réunion régionale organisée en Afrique du Sud en 2012, l’OIT note que « la faible qualité et le manque d’efficacité de l’éducation acquise par un grand nombre d’étudiants africains empêchent ceux-ci de travailler ». En général, c’est la mauvaise orientation ou l’orientation d’office qui mène

Les agences africaines de recrutement peinent à trouver des candidats avec des compétences techniques spécifiques, telles que les industries extractives, la logistique, la chimie et l’industrie pharmaceutique, déplore Perspectives économiques en Afrique. « il y a un sentiment d’exclusion et d’inutilité chez les jeunes pour qui les autorités ne sont guère préoccupées par leur sort ». Outre un marché qui ne donne pas de possibilités de travail en raison de multiples crises économiques, c’est le système d’enseignement qui est remis en cause. D’un côté, beaucoup de jeunes choisissent des filières moins professionnelles et de l’autre, peu de choix de formation sont offerts aux étudiants.

les étudiants vers l’impasse. Le cas de l’Égypte d’où sont sortis 320 000 diplômés en 2010 est illustratif. La moitié des étudiants de ce pays choisissent essentiellement d’étudier les sciences sociales, le commerce ou le droit. Seuls 10% des diplômés optent pour l’ingénierie et les sciences, note un rapport portant sur les perspectives économiques en Afrique en 2012 élaboré par l’OCDE et le PNUD. Une étude plus poussée de la situation des chômeurs diplômés révèle que le taux de chômage varie suivant le type de diplôme universitaire, ce qui laisse à penser que les étudiants et les universités peuvent faire des choix malencontreux.


MONDIALISATION Chaque année, des centaines de milliers de jeunes Africains rejoignent l’université, au prix d’énormes sacrifices, pour obtenir un diplôme, le fameux sésame qui leur ouvrirait la porte pour une vie meilleure. Mais une grande partie n’arrive pas à se trouver un emploi dans un marché en constante évolution. Et pour cause, le système éducatif n’a pas encore réussi à faire sa mue pour adapter les contenus de l’enseignement au monde de l’emploi. En Tunisie par exemple, les étudiants qui ont suivi une formation en ingénierie affichent le plus bas taux de chômage (24,5%), contre 47,1% pour les étudiants diplômés en économie, en gestion et en droit. Une enquête menée en 2010 auprès de 36 pays africains parue dans Perspectives économiques en Afrique, démontrait que 26% des étudiants subsahariens ont choisi les filières littéraires, 44% les sciences sociales et le droit contre 4% seulement pour l’ingénierie, la production manufacturière et le BTP, et 12% pour les technologies de l’information (TIC). L’Afrique du Nord est la région du monde qui compte le plus grand nombre d’étudiants en sciences sociales, en commerce et en droit. D’ailleurs, 22% choisissent les filières littéraires contre 10% seulement pour l’ingénierie, la production manufacturière ou le BTP, et 1% pour les TIC. Cette situation se traduit par un manque de main-d’œuvre qualifiée. D’ailleurs, les agences africaines de recrutement et de travail temporaire peinent à trouver des candidats avec des compétences techniques spécifiques, telles que les industries extractives, la logistique, la chimie et l’industrie pharmaceutique, déplore Perspectives économiques en Afrique. Cette publication met en cause le manque d’intérêt pour des filières pourtant demandeuses de diplômés comme l’agriculture, qui n’a attiré que 2% des étudiants. Toujours selon cette publication, éditée conjointement par la Banque africaine de développement et la Com-

mission économique des Nations unies pour l’Afrique, l’absence totale de compétences pose problème, mais la question de l’inadéquation des compétences paraît plus pertinente. Perspectives économiques en Afrique a tenté de démontrer les principales difficultés rencontrées par les jeunes sur le marché du travail. On apprend que 54% des participants estiment que le décalage entre la qualité des formations et ce qu’attendent les employeurs constitue un obstacle majeur. Ils étaient 41% à identifier un manque général de qualifications parmi les demandeurs d’emploi comme principal obstacle. Selon la même publication, l’enseignement fourni par les universités africaines ne répond pas aux besoins du continent. De son côté, l’UNESCO montre du doigt les politiques d’ajustement structurel imposées aux pays africains depuis les années 80 qui ont eu comme effet la réduction draconienne des budgets consacrés à l’enseignement. Et ce n’est pas étonnant que le classement académique des universités mondiales (classement de Shanghai) place les universités africaines au dernier rang – mise à part l’Afrique du Sud.

LE DÉBUT D’UNE PRISE DE CONSCIENCE ? Pour les responsables africains, la crise de l’enseignement s’est aggravée d’année en année. Lors de la conférence internationale du travail tenue en juin dernier en Suisse, le représentant du Kenya souli-

gnait que « pour bon nombre de pays africains, l’enseignement n’est pas synonyme d’emplois ». Il faut, selon lui, « approfondir les recherches sur l’enseignement supérieur et le chômage des diplômés en Afrique en insistant sur les politiques qui resserrent le lien entre l’enseignement ou la formation et le marché du travail ». Il s’agit donc de réajuster l’offre et la demande en adaptant les systèmes de formation professionnelle. Selon l’Agence française de Développement, les systèmes d’enseignement supérieur sont confrontés à trois défis essentiels : former les jeunes selon ce que demande le marché du travail, la recherche de nouvelles sources de financement et l’amélioration de l’accès à des services de qualité. Quelques pays ont pris conscience de cette réalité et veulent améliorer les choses. L’Éthiopie a entamé la réforme de son système depuis 2008 afin de réorienter ses universités vers les filières scientifiques et technologiques. L’Algérie est allée dans le même sens depuis 2004 avec l’introduction du système LMD, licence, maîtrise, doctorat. La réforme a été engagée sur la gouvernance des universités au Maroc, au Burkina Faso, au Cameroun et au Sénégal. De son côté, l’Union africaine veut créer une Université panafricaine qui permettra de former une maind’œuvre hautement qualifiée en sciences spatiales, en sciences hydrauliques et énergétiques, en sciences fondamentales, en technologie et innovation, en sciences de la vie et de la terre, en gouvernance et en sciences humaines et sociales. AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42 39


OÙ INVESTIR EN AFRIQUE ?

CES VILLES CHAMPIONNES

DE LA CROISSANCE

Ka mpa la Léopold Nséké

L’urbanisation galope en Afrique et avec elle, une certaine croissance du pouvoir d’achat d’une classe moyenne de plus en plus aisée. Lorsqu’une multinationale comme Mastercard décide de publier un classement comme celui des villes à fort potentiel économique sur le continent, c’est qu’il y a forcément un intérêt financier derrière. C’est le professeur George Angelopulo de l’Université de l’Afrique du Sud (UNISA) qui a élaboré, au nom de Mastercard, un Indice de croissance des villes africaines publié au mois de février dernier.

C

et indice développé au cours du dernier trimestre de 2012 analyse une vingtaine de villes en Afrique Subsaharienne, les classant selon leur potentiel de croissance entre 2012 et 2017. Les rangs ont été attribués en se basant sur des données historiques et projetées sur des facteurs courants qui affectent les taux de croissance des villes. On parle de données économiques, des niveaux de gouvernance, des facteurs relatifs au développement des infrastructures ainsi que des niveaux de croissance de la population. Dans le détail, l’indice de Croissance des Villes Africaines de MasterCard a été élaboré à partir d’un éventail de données vérifiées sur des variables de la croissance économique urbaine. L’indice utilise les données historiques couvrant la période allant de 2009 à 2011 sur : • la croissance du PIB par Habitant (de Canback Danglar) • L a croissance des dépenses de consommation des ménages (de Canbak Danglar) • Des facteurs relatifs à la gouvernance (Banque Mondiale, Indicateurs Mondiaux de la Gouvernance) dont, la stabilité économique et l’absence de la violence, l’efficacité du gouvernement, la qualité réglementaire, la participation et la transparence, l’état de droit et le contrôle de la corruption. • Mener des affaires (Banque Mondiale) • La Croissance de la population urbaine (de Canback Danglar) • L’urbanisation nationale (Banque Mondiale, Indicateurs Mondiaux de la Gouvernance) • L a croissance des ménages de classe moyenne (de Canback Danglar).

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De plus, l’Indice utilise des données projetées pour les cinq années allant de 2012 à 2017 concernant : • La croissance du PIB par Habitant (de Canback Danglar) • La croissance des dépenses de consommation des ménages (de Canbak Danglar) • L’Indice du Développement Humain des Nations Unies (ONU) y compris la santé et l’éducation • Les facteurs de développement de l’infrastructure (Banque Mondiale, Indicateurs Mondiaux de la Gouvernance) y compris la formation brute de capital fixe par rapport au PIB, l’accès à l’eau, à l’électricité et à l’assainissement • L es abonnements de téléphonie mobile (UIT) • Les facteurs relatifs aux voyageurs entrants (MasterCard Global Cities Project) y compris le nombre d’arrivées des touristes internationaux non-résidents et leurs dépenses. Il faut préciser que les villes ont été choisies pour représenter toutes les régions de l’Afrique Sub-saharienne. Le groupe n’est pas exhaustif et des villes supplémentaires sont censées être ajoutées dans des mises à jour futures de la recherche.

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LES MOTIVATIONS DE MASTERCARD Pour Michael Miebach, président « Nous nous engageons à comprendre de MasterCard au Moyen Orient et en les besoins et les défis auxquels les Afrique, qui a fait face à un barrage consommateurs, les entreprises ainsi de questions à ce sujet, les que les institutions finanraisons de développer ce cières font face du moment nouvel indice spécialement que nous collaborons avec À partir de ces éléments, les 19 villes suivantes ont été pour l’Afrique tiennent dans des parties prenantes locales classées par ordre d’importance pour les cinq prochaines la croissance fulgurante de pour permettre une croisannées : la région. Ce continent « est sance économique grâce 1. Accra (Ghana) une région où la ligne de à l’adoption croissante des démarcation entre le monde 2. Lusaka (Zambie) paiements électroniques. développé et celui en déveLes pays africains ont pris 3. Luanda (Angola) loppement est en train de l’initiative d’aller vers un 4. Dar es-Salaam (Tanzanie) disparaitre en raison de monde où les opérations divers facteurs d’ordre éco5. Addis-Abeba (Ethiopie) de paiements se font sans nomique, démographique espèces qui est également 6. Nairobi (Kenya) et technologique. La majoun monde d’une plus grande rité de ces facteurs ont été 7. Kampala (Ouganda) inclusion financière et auassociés à l’urbanisation tonomie économique ». Il 8. Johannesburg (Afrique du Sud) croissante du continent. En souligne également que 9. Kinshasa (République Démocratique du Congo) conséquence, comprendre selon le Programme des le potentiel de croissance 10. Durban (Afrique du Sud) Nations Unies pour les sur le long terme des villes Établissements Humains, 11. Cape Town (Afrique du Sud) africaines et la croissance la classe moyenne afrides consommateurs urbains 12. Mombasa (Kenya) caine devrait tripler d’ici en Afrique qui en résulte, 2050 pour atteindre 1,23 13. Lagos (Nigeria) n’ont jamais suscité autant milliard (par comparaison 14. Abuja (Nigeria) d’importance. » avec 395 millions en 2009), 15. Dakar (Sénégal) Dans le droit fil de son une date à laquelle 60% de argumentation, Miebach tous les Africains habiteront 16. Harare (Zimbabwe) a j o u t e  : dans des villes ou des zones 17. Kano (Nigeria) urbaines. Le président de Master18. Abidjan (Côte d’Ivoire) Card au Moyen Orient et 19. Khartoum (Soudan) en Afrique conclut que « le développement de l’urbanisation, à laquelle s’ajoute le fait que le centre de gravité économique global se tourne vers des marchés émergeants dynamiques comme ceux rencontrés en Afrique, indiquent que les villes du continent joueront un rôle beaucoup plus important en stimulant la croissance économique de leurs pays respectifs ».

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MONDIALISATION

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OÙ INVESTIR EN AFRIQUE ?

UN CLASSEMENT

SURPRENANT

En regardant de plus près la liste des villes élaborée par le professeur George Angelopulo, on reste surpris du classement de certaines agglomérations. Ainsi, les villes sud-africaines que l’on aurait pu voir caracoler en tête de file sont dans le rang. L’auteur de l’indice et son équipe apportent quelques explications. Léopold Nséké

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hez Mastercard, on explique d’emblée que parmi les raisons qui se tiennent derrière l’émergence d’Accra en tant que ville à forte croissance, se trouvent « l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) par habitant sur les trois dernières années, la croissance prévue de sa population et de la consommation des ménages, son environnement rigoureusement règlementé et la facilité de mener des affaires dans cette ville, par comparaison avec d’autres villes africaines ». En appui à cette déclaration, les analystes de Mastercard décortiquent. « Alors que plusieurs de ces villes plus larges et plus organisées offrent une opportunité de croissance potentielle, d’autres villes de moindre importance sont entrain petit à petit de se construire comme ayant un potentiel de croissance encore plus élevé. Cela est dû en premier lieu aux taux élevés des facteurs d’accélération de croissance qui comprennent la santé, l’éducation, la gouvernance, le développement de l’infrastructure et la facilité de mener des investissements dans ces villes. Johannesburg, en plus d’être une ville à forte puissance économique en Afrique, a reçu des pointages moins élevés dans certaines catégories en raison de perspectives de croissance plus faibles, imputables à sa maturité par rapport aux autres villes africaines. Par

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exemple, la croissance prévue de la classe moyenne est plus élevée pour des villes comme Accra et Luanda par rapport à Johannesburg, pour qui la classe moyenne est en croissance depuis le changement de gouvernement en 1994. Harare (Zimbabwe), Kano (Nigéria), Abidjan (Côte d’Ivoire) et Khartoum (Soudan) ont été considérées comme ayant le potentiel de croissance le moins élevé parmi les 19 villes faisant l’objet de cette étude. » « Et bien que ces villes disposent de bons résultats dans certaines catégories comme l’indice-santé général et les niveaux d’investissements étrangers directs, leur potentiel de croissance a subi l’incidence défavorable de mauvais résultats dans des domaines comme les environnements politiques et règlementaires, leur croissance économique moins élevée et les défis d’y investir », indique-t-on chez Mastercard. Et le professeur Angelopulo de conclure : « Un des principaux défis économiques et sociaux de l’Afrique est désormais la capacité de ces villes à attirer des investissements étrangers importants en étant concurrentielles au niveau mondial, en faisant office d’aimants pour l’investissement et la croissance, des pôles d’innovation et surtout en développant des environnements d’affaires attrayants et prospères ».


UN PROJET PÉTROLIER À 10 MILLIARDS $ Total a annoncé le lancement d’un important projet pétrolier sous-marin en République du Congo, qui représente un investissement de 10 milliards $. Il s’agit d’exploiter de nouveaux gisements sur le permis d’exploitation de Moho-Bilondo où la compagnie française pompe déjà le pétrole depuis 2008. Ces nouveaux gisements sont situés à 75 km au large de Pointe-Noire, la capitale économique du pays et par une profondeur d’eau allant de 450 à 1200 mètres, selon le communiqué du groupe. Ce projet nommé Moho Nord devrait démarrer en 2015 pour atteindre en 2017 une production quotidienne de 140 000 barils. Total possède 53,5% des parts dans ce projet. Ses partenaires sont la Société nationale des pétroles du Congo (15%) et Chevron (31,5%). Source : Agence Ecofin

LES BRICS VEULENT CRÉER UNE BANQUE POUR DÉFIER L’HÉGÉMONIE OCCIDENTALE

Réunis les 26 et 27 mars dernier à Durban en Afrique du Sud pour leur 5e sommet annuel, les dirigeants des pays émergents des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont émis l’idée de créer leurs propres institutions face au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale, dominés par les Occidentaux. Ces cinq pays, qui rassemblent 43% de la population mondiale et produisent le quart du produit intérieur brut (PIB) de la planète, veulent notamment créer une banque de développement commune, chargée de financer des infrastructures sans avoir à demander l’avis de la Banque mondiale. Cette institution devrait être dotée d’un capital de 50 milliards $. Les BRICS pourraient aussi mettre en réserve une partie de leurs fabuleuses réserves de change – 4400 milliards $, selon l’Afrique du Sud -, sans doute 240 milliards, pour s’entraider en cas de coup dur et se passer ainsi du FMI dont c’est le rôle. Néanmoins, de nombreuses questions pratiques restent encore à régler, notamment la question de l’emplacement de son siège, que Pretoria revendique. Source : AFP

AFRIQUE :

HAUSSE DE 60% DE LA CONSOMMATION PÉTROLIÈRE D’ICI 2025 Le Citac, une société indépendante de service-conseil basée en Grande-Bretagne, dont l’activité principale est le secteur aval du marché de l’énergie, a publié ses dernières estimations de croissance de la demande pétrolière africaine. L’écart entre cette dernière et l’offre disponible pourrait atteindre 2,5 millions de barils par jour si les pays n’investissent pas dans les infrastructures régionales. Le Citac prévoit également que l’écart entre consommation et production de produits blancs devrait plus que doubler en Afrique, pour atteindre environ 2,5 millions b/j en 2025. Après des années de forte croissance, largement supérieure aux moyennes mondiales, la hausse de la demande africaine en produits pétroliers s’est tassée à 1,6% en 2012. Un ralentissement qui s’explique, selon le rapport, par un recul important de la demande nigériane, qui a eu une incidence sur les données totales de croissance de la région d’Afrique subsaharienne, et par une reprise modérée de la demande nord-africaine après les événements du printemps arabe en 2011. Source : Jeune Afrique

PROGRAMME QUINQUENNAL DE 950 MILLIARDS DE F CFA POUR BDEAC La Bdeac (Conseil d’administration de la Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale), l’institution financière chargée d’accompagner les pays d’Afrique centrale vers le développement, vient d’adopter un programme économique et quinquennal qui sera appuyée d’une vision stratégique de développement à l’horizon 2025 avec, comme principal enjeu, l’émergence. Le volume des engagements est ainsi fixé pour les cinq prochaines années à 950 milliards de F CFA, une somme qui connaît une nette augmentation par rapport aux dernières années. Un point d’honneur sera mis sur le financement des infrastructures, aussi bien l’énergie que les ressources minières, mais également les infrastructures de transports maritime, ferroviaire et terrestre. L’objectif étant de contribuer au désenclavement des États et de promouvoir l’intégration communautaire par une fluidité de mouvements des personnes et des biens. Sur ce dernier aspect, la Banque est engagée et entend être plus présente dans le financement des infrastructures. Source : Les Afriques

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DIGNES DE MENTION

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AFRIQUE / MÉDIAS

SE BATTRE POUR FAIRE Jean-Louis Roy Collaboration spéciale

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es acquis ne sont pas théoriques. Ils sont au cœur des discussions des professionnels du domaine comme l’ont montré les États généraux de la communication du Cameroun de décembre 2012. Les centaines de participants y ont débattu, sans contraintes et avec une posture critique indéniable, l’ensemble des enjeux et défis que pose aujourd’hui, dans leur pays et sur le continent, l’exercice libre et responsable de l’information. À leur appréciation, cet exercice appelle des conditions légales et réglementaires rénovées par les pouvoirs publics, une révision des stratégies des investisseurs privés du domaine et un approfondissement des normes déontologiques pour les professionnels de l’information. Les conclusions des travaux des États généraux de la communication du Cameroun nous servent de références. Ils structurent notre texte, les thèmes de la liberté, de la modernité et de la globalisation y sont communs.

LA BATAILLE DE LA LIBERTÉ Selon le Classement mondial de la liberté de la Presse 2013 de Journalistes

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L’Afrique est en voie de sortie d’une marginalité qui la réduisait en fonction des intérêts d’un grand nombre, à l’exclusion des siens. Inachevée, cette sortie de la marginalité inclut le vaste secteur de l’information et de la presse. Ce dernier quart de siècle, le domaine médiatique a réussi son passage d’une presse d’état issue de la presse coloniale à une presse diversifiée, publique et privée, généraliste ou spécialisée. Elle s’est approprié les nouvelles technologies dans les limites, heureusement croissantes, de ce qu’offre le continent. Enfin, elle se positionne de plus en plus comme un fragment de la constellation mondiale de l’information. Considérables, ces chantiers ne sont pas accomplis. Mais la direction prise montre que ce grand domaine appartient lui aussi à la marche du continent.

Du néant ou presque où elle se trouvait il y a un demi-siècle, la Presse du continent s’est construite difficilement et progressivement. Il lui reste à se consolider, à créer davantage de contenus et à prendre pleinement sa place dans le vaste domaine de l’économie mondiale de l’information. sans frontière, l’indice de liberté de la presse africaine (34) est à quasi-parité avec celui des Amériques (30) et largement en avance sur celui de l’Asie-Pacifique (42), de l’Europe de l’Est (45) et de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (48). Seuls les médias de la zone euro bénéficient d’un indice plus favorable (17) en raison notamment des fortes performances des pays nordiques. Pour leur part, les puissances émergentes se classent loin derrière l’Afrique. En effet, les indices pour le Brésil, l’Inde, la Rus-

sie et la Chine sont respectivement de 108, 140, 148 et 173 soit, en moyenne, quatre fois moins favorables que celui imparti aux médias africains par une organisation qui n’a jamais été complaisante avec le continent. Dans ce domaine, rien n’est jamais définitivement acquis. Mais la place que se taille l’Afrique dans ce classement montre que le passage, en trois ou quatre décennies, d’un contrôle étatique au développement d’un vaste secteur où domine largement le privé,


a finalement conduit à une plus grande affirmation de la liberté des médias. Les professionnels du domaine, la société civile et la partie éclairée de la classe politique doivent préserver et enrichir ce formidable crédit. La réflexion et l’action doivent maintenant porter sur la consolidation des organes de presse tant leur abondance actuelle, recouvrant le pire et le meilleur, défie toutes les règles professionnelles, économiques et technologiques du domaine. Le statut quo est intenable et les professionnels du secteur doivent rapidement le faire évoluer. Cette abondance dissimule mal une vraie rareté des moyens. Elle appelle des partenariats, des fusions et acquisitions seuls susceptibles de produire les masses critiques de ressources permettant une production continue, une rédaction forte et une indépendance financière indispensable. Aussi la consolidation de grands titres, des mises en commun visant la production d’éditions régionales, voire continentales, alimentées par des correspondants de toutes les régions d’Afrique comme l’ont compris certains gestionnaires d’entreprises de presse, radiophoniques et télévisuelles, qui offrent une programmation de nature continentale.

LA BATAILLE DE LA MODERNITÉ Qui veut aujourd’hui s’informer, à distance et en temps réel, des affaires du continent à partir des données, des évaluations et des propositions fournies par les Africains eux-mêmes et en fonction de leurs intérêts, suivre une filière particulière, politique ou économique, sociale, culturelle ou sportive, dispose d’un choix considérable de sources africaines sur les supports technologiques les plus avancés. Pensons aux éditions en ligne de quotidiens ou d’hebdomadaires traditionnels, dont la plupart des titres nationaux d’importance, aux radios et télévisions relayées sur Internet ou

produites pour le Réseau des réseaux, aux publications spécifiques pour le web et sites spécialisés. À lui seul, le site Africatimes.com nous permet d’en mesurer l’importance (son échantillon compte 460 sites dédiés à Internet, 1097 aux médias, 1757 au tourisme et 2160 aux entreprises et à la finance). À cela s’ajoutent les forums de discussion et les agences de diffusion de communiqués telle l’Organisation de la Presse africaine qui vient de déplacer son siège en Afrique. De plus en plus, la presse africaine appartient à ce monde qu’on dit interconnecté et interdépendant. Cette avancée est, elle aussi, inachevée. Mais son mouvement est certain et irréversible. Cette avancée apporte des contenus propres qui, pour la première fois, ne sont pas fabriqués de l’extérieur en fonction d’intérêts qui n’étaient pas ceux des Africains. Et elle le fait au moment où ces derniers s’approprient par dizaine de millions les supports personnels leur permettant d’accéder à ces contenus. Le cas de Hollywood qui offre désormais ses productions en français sur le Web appartient à ces évolutions. Cette avancée participe à l’émergence d’une opinion publique africaine, à la diversification des systèmes de référence, du politique qui a dominé la représentation du continent, de Nkrumah à Mandela, vers des systèmes qui, sans exclure le politique, le situent dans un ensemble qui comprend désormais les grands gestionnaires économiques, les scientifiques, les élites sportives et les créateurs culturels. Bref, elle installe la normalisation des représentations à partir de la diversité d’activités et d’intérêts qui se déploient sur le continent.

LA BATAILLE DU MONDE La voix de l’Afrique ou des Afriques dans le monde est insuffisante mais elle est enfin audible pour qui veut l’entendre. Ce fait est considérable. Le

slogan de la chaîne mondiale Africa 24 traduit bien ce fait : les infos du monde pour l’Afrique – les infos de l’Afrique pour le monde. Du néant ou presque où elle se trouvait il y a un demi-siècle, la Presse du continent s’est construite difficilement et progressivement. Il lui reste à se consolider, à créer davantage de contenus et à prendre pleinement sa place dans le vaste domaine de l’économie mondiale de l’information. Enfin, comme un collaborateur d’Afrique Expansion Magazine le proposait dans un texte important, l’Afrique doit s’approprier le contrôle des fréquences de son spectre. Après avoir conquis la capacité de produire et de diffuser sur les supports les plus actuels, après avoir repris son droit de parole et celui de l’exercer sur le continent et dans le monde, la maîtrise des infrastructures de communications s’impose pour rester maître de son information et bénéficier de la manne que ces fréquences représentent aujourd’hui pour tous les États du monde et pour l’économie du domaine. Les réseaux de télécommunications africains, par satellites ou par câblodistribution, constituent une richesse qui ne peut pas, qui ne doit pas être aliénée, mais consolidée là où elle existe, et reprise là où elle a été dépossédée. Les ressources ainsi rapatriées pourraient notamment être investies dans les institutions publiques du domaine qui sont partout sous-financées, dans le service public de l’information qui, dans bien des pays, a besoin d’être refondé. Nos amis, les participants des États généraux de la communication du Cameroun, ont insisté sur le renforcement de ces institutions et de ce service public. Ils exprimaient certes une attente nationale. Mais leurs préoccupations et revendications éclairent un ordre plus vaste, celui, mondial, découlant de la globalisation des activités humaines dont l’information est une composante essentielle.

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MARCHÉS AFRICAINS

ENTENDRE SA VOIX


TOURISME EN AFRIQUE

ATTRAYANT,

Marc Omboui

MAIS ENCORE EN RETRAIT S

ur plus d’un milliard de touristes internationaux enregistrés dans le monde en 2012, seulement 4%, un peu plus de 50 millions, ont visité l’Afrique. Des chiffres faibles, mais qui croissent cependant d’environ 7,2% en moyenne par an depuis le début des années 2000. De 37 millions de visiteurs en 2003, le continent en a accueillis 58 millions en 2009 grâce aux remarquables performances du Maroc et de la Tunisie. Pour sa part, l’Afrique du Sud avec ses 9,9 millions de touristes reçus en 2009, et une croissance de 15,1% en 2010, demeure la première destination touristique de l’Afrique subsaharienne.

UN IMPRESSIONNANT POTENTIEL L’attrait touristique de l’Afrique réside dans sa grande variété de points d’intérêt : diversité de paysages, mosaïque humaine et riche patrimoine culturel. Le continent offre d’impressionnantes possibilités en termes de tourisme de safari, d’écologie et de culture. Du désert du Sahara au nord à celui du Kalahari au sud du continent, en passant par les steppes et les savanes des régions sahéliennes, la forêt dense de l’Afrique centrale aux essences les plus diverses, le continent présente une richesse écologique qui séduit. On trouve aussi des fleuves parmi les plus emblématiques tels que le Nil, le Congo, le Niger et le Zambèze avec ses chutes Victoria, d’une hauteur de plus de 100 mètres et considérées comme

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les plus spectaculaires du monde. De vastes plaines giboyeuses qui recèlent d’importants parcs zoologiques, dont le parc national du Serengeti en Tanzanie, le parc national Krueger en Afrique du Sud et la réserve de Masaï Mara. Également, des chaînes montagneuses avec le Kilimandjaro en Tanzanie, le point culminant de l’Afrique avec ses 5892 mètres, et le Mont Cameroun (4100 m) sur la Côte ouest-africaine. Toutes choses qui font du continent noir un paradis pour le tourisme de nature et l’écotourisme. À cela s’ajoute une impressionnante variété humaine doublée d’une richesse culturelle. De l’Afrique blanche aux pygmées d’Afrique centrale, en passant par les Bantu, une mosaïque de races, de tribus, de religions, de cultures et de civilisations est donnée à voir. Des lieux historiques d’une extrême richesse : les pyramides d’Égypte, l’île de Gorée au Sénégal, les vestiges d’anciens royaumes, le continent offre des sites qui ont profondément marqué l’histoire du monde. Si l’Afrique accueille un nombre relativement faible de touristes internationaux, la situation est cependant contrastée selon les pays. Parmi les destinations les plus prisées se trouvent l’Afrique du Nord, Maroc, Tunisie et Égypte en tête, mais aussi l’Afrique du Sud, l’Île Maurice, les Seychelles, le Kenya, le Sénégal et Madagascar qui attirent leur lot de visiteurs. D’autres destinations connaissent un progrès remarquable. Le Ghana, le Rwanda, la Tanzanie, l’Éthiopie et le Zimbabwe

sont maintenant à prendre en compte au niveau touristique. Selon le groupe de réflexion McKinsey Global Institute, « les touristes sont attirés par les pays jouissant de bonnes infrastructures, de sûreté, de sécurité, et d’assainissement ». Nombre de pays, alors qu’ils disposent d’un riche potentiel touristique, sont en effet handicapés par le mauvais état des routes, les aéroports mal entretenus, les pannes d’électricité, le manque d’eau courante et un certain nombre d’autres carences. Les touristes qui visitent l’Afrique viennent principalement d’Europe et des États-Unis. Depuis quelques années cependant, une nouvelle vague de plus en plus importante de touristes provient de Chine, conséquence directe de l’émergence économique de millions de foyers chinois.

UN LEVIER DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE L’industrie touristique contribue au développement de l’Afrique. Ses recettes « ont atteint un total de 44 milliards de dollars en 2010 », selon Reuben Brigety, ancien secrétaire d’État adjoint américain aux affaires africaines. Le secteur touristique emploie à lui seul plus de 7,7 millions de personnes en Afrique, et un emploi sur 20 sur le continent est occupé dans cette industrie du voyage, selon des chiffres de l’Organisation mondiale du tourisme. Les recettes touristiques constituent une source vitale pour de nombreuses économies. Environ 50%


du produit intérieur brut (PIB) des Seychelles en découlent, 30% au Cap-Vert, 25% à l’Île Maurice et 16% en Gambie. La Banque mondiale indique que le tourisme représente 8,9% du PIB en Afrique de l’Est, 7,2% en Afrique du Nord, 5,6% en Afrique de l’Ouest et 3,9% en Afrique australe. L’Afrique centrale fait ici bande à part avec seulement 1% de son PIB.  En 2004, les concepteurs du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) ont approuvé un plan d’action dont l’ambition était de faire de l’Afrique la « destination du XXIe siècle ». Taleb Rifai, Secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), faisait alors le constat selon lequel : « l’Afrique a été l’une des régions où le tourisme a le

plus progressé ces 10 dernières années », avant d’ajouter, « si les investissements sont judicieux, les touristes viendront en plus grand nombre, les investisseurs enregistreront d’excellents rendements, des emplois seront créés et l’économie tout entière en bénéficiera. » Il est clair que l’Afrique a encore du chemin à parcourir pour rattraper les autres continents. Mais de l’avis des experts, certains pays sont déjà dans la bonne direction. C’est le cas notamment de l’Éthiopie citée par Frommer’s, une collection américaine de guides touristiques, qui la place parmi les douze meilleures destinations du palmarès mondial. L’organisation d’événements de grande envergure permet elle aussi d’attirer un grand nombre de visiteurs étrangers. Ce fut le cas pour l’Afrique du Sud qui organisa en 2010 la Coupe du monde de football, recevant du coup plus de 300 000 visiteurs étrangers. Selon le rapport McKinsey, l’Afrique a besoin de « développer des attractions touristiques phare et de créer une marque personnalisée ».

LE « BRANDING » AFRIQUE Pour amener le secteur touristique à se développer en Afrique, il faudra faire preuve d’inventivité. Un rapport conjointement publié par l’Université de New York, la Banque mondiale et l’ATA invite les opérateurs de l’industrie à adopter des approches novatrices pour gérer les différents types de tourisme sur le continent. Pour le tourisme de

safari, le rapport recommande d’aller au-delà de l’expédition traditionnelle et d’ajouter de nouvelles aventures en misant sur la créativité des organisateurs. Les touristes recherchent davantage d’authenticité, des offres bonifiées et différentes, selon l’étude d’Euromonitor International, un centre de recherche spécialisé en intelligence économique. Il s’agit de recourir aux techniques modernes de communication, notamment l’Internet et les médias sociaux, pour attirer et séduire un grand nombre de personnes à travers le monde. Le tourisme intérieur de l’Afrique devrait lui aussi être revalorisé et encouragé. À cause du faible pouvoir d’achat des populations, ce segment reste encore marginal. La réduction du coût des transports à l’intérieur du continent et la facilitation des déplacements sont susceptibles, d’après le rapport McKinsey, d’encourager le tourisme inter-Afrique. Les pays ayant compris qu’ils peuvent miser sur le tourisme pour leur émergence économique sont de plus en plus nombreux. En fait, l’Afrique dispose d’un potentiel pouvant lui permettre d’obtenir une part encore plus importante du gâteau touristique. Mais il faudra qu’investisseurs, administrations publiques et intervenants locaux travaillent en synergie pour construire des infrastructures adéquates, former les professionnels nécessaires, améliorer la sûreté et la sécurité. Le succès de cette opération séduction dépendra des politiques de commercialisation qui devront être mises de l’avant pour bien faire connaître les attractions touristiques du continent. L’Afrique a beaucoup à offrir, ne lui reste plus qu’à le faire savoir au reste du monde.

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MARCHÉS AFRICAINS

En Afrique, l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie et l’Île Maurice caracolent en tête d’une région touristique certes en progrès, mais qui doit encore mettre en valeur son immense potentiel pour rattraper les autres destinations internationales.


CAMEROUN

L’AFRIQUE EN MINIATURE

Marc Omboui

« Un concentré de l’Afrique dans les seules limites d’un triangle », « Toute l’Afrique dans un pays » : les formules ne manquent pas pour créditer le Cameroun d’un important potentiel touristique. Et pourtant, bien que l’on s’accorde sur la diversité, l’authenticité et l’hospitalité qui caractérisent la destination, le tourisme y est encore une activité insuffisamment développée, sans commune mesure avec ce gigantesque potentiel annoncé.

M

ars 2013, gare ferroviaire de Yaoundé, capitale du Cameroun. Le train en provenance de N’Gaoundéré se déleste de quelques centaines de ses passagers. Parmi eux, une vingtaine de touristes belges partis depuis deux semaines visiter les parcs de Waza et de Bouba Ndjida. L’air détendu, ils s’apprêtent à embarquer pour l’ouest du pays. Objectif : découvrir le sultanat Bamoun, sa civilisation millénaire et le légendaire palais de Foumban. En se rendant plus au sud, ils admireront le Mont Cameroun, la plus haute montagne de la côte ouest-africaine avec ses 4100 mètres de hauteur, ils visiteront la réserve de Korup qui recèle des espèces végétales vieilles de plusieurs millions d’années, la réserve du Dja, patrimoine mondial de l’humanité, les plages dorées au sable fin de Kribi, les chutes de la Lobé, etc.

LA DIVERSITÉ CÉLÉBRÉE Situé tout en longueur sur plus de 1500 kilomètres, le Cameroun présente une grande variété écologique qui va de la zone sahélienne à la forêt équatoriale. Une diversité naturelle, humaine et culturelle, un amalgame pluriel pour favoriser la pratique de diverses formes de tourisme à longueur d’année, du balnéaire à l’écotourisme, en passant par le safari ou l’évasion culturelle. Les touristes belges qui ont ainsi choisi le Cameroun auront l’embar-

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ras du choix. La richesse de la faune émerveille à coup sûr : 409 espèces différentes de mammifères, 143 de reptiles, 849 d’oiseaux et 190 d’amphibiens. Le Cameroun compte 7 parcs nationaux, 7 réserves de faune, 27 zones cynégétiques, 1 sanctuaire et 3 jardins zoologiques qui permettent cette diversité. Le touriste qui arrive au Cameroun peut aussi admirer les exceptionnels paysages lunaires des Kapsiki tout comme la luxuriante forêt équatoriale du sud. En mettant le cap vers l’ouest, outre la civilisation Bamoun, ils seront frappés par la richesse culturelle des populations des Grassfields, leurs chefferies traditionnelles, l’architecture originale de leurs palais et la qualité de leur artisanat. Le Cameroun compte 240 groupes ethniques parmi lesquels les pygmées, premiers habitants de la forêt équatoriale. Ce qui confère à ce pays une diversité ethnique, culturelle et religieuse unique sur le continent africain.

UN POTENTIEL À EXPLOITER Même si le Cameroun est une incontestable petite merveille touristique, le pays ne figure pas au premier rang des destinations prisées en Afrique. Petit à petit cependant, il semble sortir de sa torpeur et enregistre des arrivées croissantes de visiteurs, ce qui lui confère le statut de destination touristique reconnue. En effet, de 200 000 touristes en 1998, le pays a enregistré plus de 500 000 visites en 2012.

En matière de structures d’accueil, des améliorations doivent encore être apportées. Le parc hôtelier est relativement diversifié, même si les établissements sont surtout concentrés à Douala et Yaoundé, respectivement capitales économique et politique du pays. En 2012, le Cameroun comptait sur une offre d’environ 245 000 chambres réparties dans plus de 400 hôtels classés. Le pays dispose de six aéroports internationaux et nationaux, une ligne de chemin de fer qui relie le sud au nord et un réseau routier appréciable. Toutes ces infrastructures demandent cependant un renforcement et une bonification pour favoriser le développement de l’industrie touristique. Selon les chiffres officiels, le tourisme offre environ 500 000 emplois au Cameroun et contribue à hauteur de 2% du PIB national. C’est dire que l’État dispose encore d’une bonne marge de manœuvre dans ce secteur pour se développer. Le gouvernement camerounais, pour sa part, affirme vouloir prendre des mesures incitatives en vue de promouvoir ce secteur : aménagement et désenclavement des sites touristiques, extension et réhabilitation des hôtels et des campements touristiques, formation de personnels qualifiés, ouverture de bureaux de promotion à l’étranger afin de consolider sa place dans les principaux marchés émetteurs, et également conquête de nouveaux marchés.



NOUVEL ÉDEN

COMMERCIAL Jean-Nicolas Saucier

Sans parler d’un authentique paradis fiscal, le Canada a fait d’énormes progrès en matière de fiscalité pour les entreprises. Son régime est même l’un des plus généreux de la planète, devançant au passage ceux des États-Unis, de la Chine, de l’Inde ou de l’Allemagne.

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L

a firme PricewaterhouseCoopers (PwC) place le Canada au 8e rang mondial dans son classement de la compétitivité fiscale. Paying Taxes 2013, un rapport annuel établi conjointement par PwC et la Banque mondiale, dresse le portrait des conditions fiscales des entreprises dans 185 pays du monde. Le taux global d’imposition, le nombre de dépôts exigés par le fisc et le temps requis pour produire les documents requis par les autorités sont les principaux critères analysés. Les réductions de l’impôt corporatif annoncées par le gouvernement fédéral et certaines provinces au cours des dernières années sont directement responsables de cette avancée canadienne au classement. En effet, la charge fiscale totale du pays a considérablement chuté, passant de 49,1 % en 2004 à 26,9 % en 2013. Un effort qui n’est pas passé inaperçu quand on considère que le taux d’imposition moyen de tous les pays analysés est de 44,7 %. « Les efforts pour rendre le régime fiscal canadien plus avantageux et créer un climat favorable aux affaires sont visibles dans les réformes initiées récemment par les administrations provinciales et fédérale, déclare Denis Langelier, associé au sein des services fiscaux de PwC Montréal. Les lois canadiennes actuelles établissent des régimes fiscaux attrayants qui ont des répercussions

positives sur les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises locales. » Et s’il faut en croire l’étude, le pays à la feuille d’érable rouge n’a pas terminé ses réformes. Le rapport souligne en effet que le Canada projette de proposer aux sociétés un taux d’imposition combiné fédéral-provincial de 25 % avant la fin de l’année, ce qui renforcera leur compétitivité sur la scène internationale. Ottawa espère aussi rendre la déclaration et le paiement des impôts plus efficaces grâce aux nouveaux outils technologiques adoptés. En se classant au 8e rang mondial, le Canada devient le pays du G8 où le paiement des taxes et impôts est le plus facile. À ce chapitre, il devance de loin les pays BRIC, la Chine et l’Inde occupant respectivement les 122e et 152e places du classement, la Russie pointant de son côté au 64e rang. Parmi les quatre pays émergents, c’est le Brésil qui a la plus forte charge fiscale totale, soit 69,3 %. Sans surprise, les Émirats arabes unis, le Qatar et l’Arabie saoudite occupent les trois premières positions du classement mondial. Bien alimentés par leurs richesses pétrolières et gazières, ces pays peuvent se permettre un taux d’imposition inférieur à 15 %.


uestions

AVEC GÉRALD FILLION

R

éponses

LES LIBÉRAUX ONT TOUJOURS ÉTÉ LES CHAMPIONS DE L’ÉCONOMIE ET DE LA LIBRE-ENTREPRISE. LES CONSERVATEURS MAINTENANT AU POUVOIR ONT-ILS CHANGÉ LA DONNE ? GF : C’est effectivement les libéraux qui ont amorcé ces réductions d’impôts sous Paul Martin et les conservateurs ont poursuivi ce mouvement. Ils sont tout aussi ouverts à la libre entreprise, au marché libre et ouvert. Mais ils restent conscients qu’en étant au pouvoir, il faut une certaine approche pragmatique de certains secteurs, de vivre avec cette réalité et d’intervenir jusqu’à un certain point. Il y a beaucoup de secteurs réglementés, beaucoup de secteurs où il faut subventionner l’acheteur, l’aéronautique par exemple. Il y a donc beaucoup d’interventions qui se font, peu importe qui se trouve au pouvoir. Ce que veulent les entreprises, c’est un endroit où elles vont pouvoir s’installer, avoir une main d’œuvre de qualité et des coûts les plus bas possibles. Les gouvernements essaient de réunir ces conditions.

GRANDE SÉDUCTION CANADIENNE Gérald Fillion est journaliste spécialisé en économie au module économique de la Société Radio-Canada et animateur de RDI Économie. Il a accepté de répondre aux questions d’Afrique Expansion Magazine sur la nouvelle réalité fiscale canadienne pour les entreprises. AFRIQUE EXPANSION MAGAZINE : LE CANADA EST-IL DEVENU UN VÉRITABLE PARADIS FISCAL POUR LES ENTREPRISES ? Gérald Fillion : Le terme paradis fiscal n’est peut-être pas approprié car il réfère généralement à des lieux où l’impôt est pratiquement inexistant. Toutefois, le gouvernement canadien a grandement réduit les impôts des entreprises. Il y a aussi plusieurs taxes, notamment sur la masse salariale, qui ont été abaissées, beaucoup de crédits d’impôts nouveaux ont été offerts aux entreprises dans différents secteurs ou industries. Les coûts de production, d’installation ou de main d’œuvre ne sont pas très élevés. Montréal arrive d’ailleurs souvent dans le haut de ces classements car par rapport à d’autres villes des pays avancés, les coûts pour s’y installer sont relativement bas. Il y a aussi différents avantages : l’électricité à bas prix, une main d’œuvre qualifiée, un marché bien développé, etc. Il y a donc plusieurs critères qui entrent en compte et font en sorte que le Canada est vu comme un endroit où le régime fiscal est très intéressant pour s’y installer. Les villes canadiennes sont en concurrence avec les États-Unis et l’Europe, c’est pourquoi l’intervention active des gouvernements joue un rôle important pour attirer ces entreprises étrangères.

LA CRISE MONDIALE A-T-ELLE CHANGÉ QUELQUE CHOSE, EST-CE UNE RÉPONSE À CES BOULEVERSEMENTS ÉCONOMIQUES ?

ON A AUSSI PARLÉ DE RÉDUCTION DE LA LOURDEUR ADMINISTRATIVE, CELA A-T-IL UN EFFET RÉEL ?

GF : Pas directement. Ce mouvement, cette volonté d’offrir une fiscalité avantageuse s’est amorcée bien avant la crise. Je vous dirais que même si on signe des accords de libre-échange, qu’on parle de mondialisation et que nous sommes membres de l’OMC, les interventions gouvernementales sont nombreuses, se développent, s’additionnent et se multiplient depuis plusieurs décennies.

GF : C’est un autre aspect à considérer. Les entreprises contestent les taxes sur la masse salariale. Elles ont gagné la bataille sur la taxe sur le capital qui était une taxe sur ce que tu possèdes au sein de ton entreprise. Un ajout de 100 000 $ d’équipements dans l’entreprise entraînait une taxe sur la valeur ajoutée. Les entreprises ont réussi à faire abolir cette mesure. Les entreprises dénoncent aussi la taxe sur la masse salariale en disant que ça ne favorise pas l’emploi que de taxer de cette façon et elles voudraient voir abolir cette taxation supplémentaire. Et effectivement, il y a aussi toute cette paperasse. Les entreprises trouvent que c’est extrêmement compliqué, qu’il y a beaucoup de règlements à respecter, beaucoup de normes de conformité à observer et elles voudraient généralement réduire tout ça. Mais ce n’est pas nouveau ! Depuis que je suis en économie, j’entends constamment les entreprises réclamer moins de taxes, moins d’impôts et moins de paperasse. C’est presque un slogan et même en abaissant tout ça, les entreprises trouveront toujours qu’il y en a trop. Ce qu’elles cherchent donc dans les endroits en concurrence pour les accueillir, c’est la meilleure situation possible, le meilleur contexte, et il y a toujours quelqu’un, quelque part, prêt à l’offrir.

DE RÉCENTES ACQUISITIONS PAR LA CHINE ET L’INDE D’ENTREPRISES CANADIENNES ACTIVES DANS LES RESSOURCES NATURELLES ET L’ÉNERGIE ONT BEAUCOUP FAIT JASER. LE GOUVERNEMENT A DONNÉ SON AVAL EN AVERTISSANT QU’IL SERA DORÉNAVANT BIEN PLUS COMPLEXE DE PROCÉDER. CELA PEUT-IL NUIRE AU POUVOIR D’ATTRACTION DU CANADA ? GF: Ce genre de transaction va demeurer du cas par cas. Ce qui a changé avec les conservateurs, c’est qu’ils aiment bien avoir un peu plus de pouvoirs discrétionnaires, gérer les choses à leur manière, au cas par cas, plutôt que d’avoir des programmes systématiques qui appliquent une grille d’analyse pour chaque transaction. Ils aiment avoir davantage de contrôle. Ce n’est ni une critique, ni une appréciation, c’est un simple constat de leur manière de fonctionner. Je ne pense pas que ça freine les entreprises étrangères. Quand une occasion intéressante se présente, au cas par cas, chaque transaction sera analysée. Mais c’est certain que quand on veut investir ailleurs, qu’on cherche à conclure des accords de libre-échange pour accéder à d’autres marchés, pensons à l’accord Canada-Europe présentement en négociations, eh bien, le Canada n’a pas le choix d’ouvrir lui aussi son marché et d’accepter ce genre de transactions. Il y a toujours une certaine négociation, du donnant-donnant, un jeu qui s’installe et qui va continuer même si certaines règles sont annoncées. Donc je ne pense pas que ça ne repousse personne.

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MARCHÉS NORD-AMÉRICAINS

Q


L’AFRIQUE DE L’EST — Union douanière, levée des barrières non tarifaires notamment au niveau procédural, marché commun, intégration à travers l’union monétaire, etc., sont certains des défis auxquels s’attaque la sous-région, en quête d’une union plus que jamais salutaire.

L

es observateurs de la scène économique africaine veulent voir en l’orientation récemment insufflée a la Communauté d’Afrique de l’est – en anglais, la langue la plus parlée dans la sous région, East African community – (EAC) un nouvel élan sur la voie de l’intégration de ses cinq pays membres. Une des raisons de cet enthousiasme, c’est la candidature récente du Sud Soudan à l’adhésion à cet espace politico-économique. Un pas de plus vers l’expansion de l’organisation, une des orientations fortes destinées à combler un certain nombre de défis, qui, au sortir du 9e sommet extraordinaire de l’EAC tenu en avril 2011, se déclinent en quelques traits révélateurs : consolidation de l’établissement de l’Union douanière de manière à parvenir à un territoire douanier unique ; levée des barrières non tarifaires, notamment au niveau procédural ; mise en œuvre du protocole sur le marché commun ; conduite à terme du processus d’intégration à travers l’union monétaire, etc. Ce sont là quelques-unes des priorités identifiées par Richard Sezibera, le secrétaire général désigné au terme des assises d’avril 2011. La conduite à terme de ce chantier, pas des moindres, est tributaire d’un certain nombre de contingences, parfois liées à la genèse même de l’organisation. Mais aussi à la levée de boucliers, certains ataviques, liés à l’essence sociopolitique et économique de l’organisation, auxquels s’ajoutent des élans nationalistes, qui dispersent davantage une région déjà instable à plus d’un niveau.

IDÉAL L’idée à l’origine de la renaissance de l’EAC, en 1999, est des plus nobles :

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converger progressivement vers la Fédération d’Afrique de l’Est, une sorte d’Etat fédéral, qui regrouperait tous les pays membres de l’organisation. L’idée autour de laquelle sont aujourd’hui ralliés cinq pays de la sous région (Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda et Tanzanie), était partie de l’entente entre trois États : le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. Elle est élargie à deux autres membres en 2007, avec une volonté manifeste d’expansion vers d’autres postulants, notamment ceux de la Communauté de développement de l’Afrique australe et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe. Des négociations avec ces deux autres organisations sous régionales ont d’ailleurs été engagées depuis 2008, dans l’optique de la création d’un marché de libre échange incluant les pays membres des trois entités. Le résultat, à ce sujet, n’est pas garanti. Certains faits passés démontrent en effet une sorte de dissonance au niveau des points de vue et des engagements. C’est sûr, le spectre de la scission survenue en 1977 au sein de l’EAC, 10 ans seulement après sa création initiale, semble lointain aujourd’hui. Seulement, toutes les blessures de cette époque ne sont pas encore cicatrisées au sein du regroupement basé à Arusha, en Tanzanie. Les faits sont parfois têtus. En rappel historique, la Communauté d’Afrique de l’Est avait d’abord été créée en 1967. Dissoute par la suite en 1977, elle a été recréée en 2000, puis effectivement mise en œuvre au moment où de nouvelles opportunités de développement et un horizon prometteur se présentaient pour les économies les moins avancées, en même temps que la conjoncture mondiale s’ouvrait favorablement aux grands regroupements d’intérêt économique ou étatiques.

Ceci étant vrai aussi bien pour les pays d’Afrique que pour ceux de l’Occident. À la bonne heure, pour une région qui présente un certain nombre d’atouts, aussi bien naturels qu’acquis, propices à un essor rapide.

POTENTIEL Au nombre des avantages de l’EAC, sa population de plus de 132 millions d’habitants (selon les estimations, elle a augmenté de 24 millions d’habitants entre 2005 et 2010, et devrait atteindre 237 millions d’ici à 2030), et une superficie de 1,8 million de km² représentent un marché potentiel intéressant. Et sur ce, il est rapporté que les investissements


en Afrique de l’Est ont augmenté au cours des dernières années, faisant de cette région un pôle majeur de développement du commerce continental, selon les officiels de l’EAC. Dans la même période, le commerce intérieur du bloc, toujours de source proche de l’organisation, s’est élevé de 2,2 en 2005 à 4,1 milliards de dollars américains en 2010. En même temps, les observateurs relèvent une ouverture conséquente sur le monde. À ce titre, il a récemment été relevé que le rythme de mondialisation de la

Badjang Ba Nken

Les récentes découvertes de pétrole et de gaz dans la région, le déploiement de soldats ougandais, burundais et kenyans en Somalie, le quadruplement du financement de la lutte antiterroriste de l’EAC (de 15 à 60 millions $), la venue de 100 conseillers militaires en Ouganda et la présence maintenue de l’Africom dans la région, tout en démontrant l’importance critique de l’Afrique de l’Est d’un point de vue géopolitique global, renforcent un sentiment de sécurité, qui jusque-là continue de freiner un essor pourtant trivialement acquis.

La valeur totale de ses échanges commerciaux avec le reste du monde a doublé de 17,5 milliards $ en 2005 à 37 milliards $ en 2012, augmentant la part commerciale de son économie de 28 % à 47 %. région a pris un coup d’accélérateur au cours des dernières années. Du coup, la valeur totale de ses échanges commerciaux avec le reste du monde a doublé de 17,5 milliards $ en 2005 à 37 milliards $ en 2012, selon un rapport des instances dirigeantes de l’EAC, augmentant la part commerciale de son économie de 28 % à 47 %. Cette tendance haussière des échanges extérieurs n’est pas du tout fortuite. Le nouvel intérêt que la communauté internationale porte à l’Afrique de l’Est, avec une incidence naturellement en hausse des investissements directs étrangers, se justifie par un certain nombre de facteurs. Attirés notamment par ses riches ressources naturelles, la croissance des économies de ses pays et communautés, et par l’intégration progressive des marchés de la sous région, les investisseurs se laissent plus facilement convaincre.

INTÉGRATION RÉGIONALE

COMMUNAUTAIRE FAIT SON CHEMIN

PERSPECTIVES Si les indicateurs sont plutôt au vert pour la sous région d’Afrique de l’Est, il n’en demeure pas moins que certains obstacles devront être levés, pour l’atteinte des objectifs d’intégration et de prospérité commune que ses pays se sont assignés. Au nombre de ceux-ci, il faut relever, avec les observateurs, le peu d’intérêt des Est-africains pour leur sous région. C’est l’avis du secrétaire général de l’EAC, qui pense que « le défi sera de mobiliser nos concitoyens pour travailler ensemble au développement des ressources de la région. » Le repli identitaire va même souvent au-delà des individus, pour atteindre le seuil étatique. C’est comme cela qu’il faut certainement comprendre le fait que la plupart des pays, alors que les Accords

de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne ouvraient de nouvelles perspectives pour l’économie de la communauté, soient allés négocier individuellement avec les partenaires européens. Dans un autre registre, des voix s’élèvent au sein de l’organisation pour dénoncer un manque de cohésion et de solidarité au sein de la communauté. Il est par exemple relevé que certains pays souffrent parfois de pénuries alimentaires alors que leurs voisins ont un surplus dont ils interdisent l’exportation. Récemment, par exemple, alors que le Nord du Kenya, près de la Somalie, faisait face à la pire crise alimentaire de son histoire, des récoltes pourrissaient dans certaines parties de la Tanzanie, voisine… Les officiels reconnaissent volontiers qu’il persiste des freins au marché commun. Certains ont été levés, d’autres sont en voie de l’être, assurent-ils. À titre illustratif, ils citent le cas de la circulation des personnes et des biens, pour laquelle le Burundi, l’Ouganda, le Rwanda et le Kenya sont déjà parvenus à un accord permettant à leurs ressortissants de se déplacer librement dans les quatre pays, munis seulement de leur carte d’identité nationale. Ils pourront en cela être aidés par la mise en œuvre progressive d’un réseau routier intégrateur, composé de cinq principaux corridors reliant les cinq pays membres de l’EAC. Le clin d’œil de l’organisation à des pays comme la République démocratique du Congo, le Malawi, la Zambie et bien d’autres, s’il parvenait à accrocher ces potentiels adhérents, pourrait alors donner une impulsion décisive au développement de cette partie du Continent africain.

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FLASH INFOS

LE CONGO VA LANCER

UN FORUM DE RÉFLEXION SUR LES INFRASTRUCTURES Le Congo va lancer en novembre prochain un processus de réflexion, envisagé au niveau mondial, sur la question des infrastructures, a récemment annoncé le président congolais Denis Sassou-Nguesso, lors du sommet annuel des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). « Nous souhaitons vers la fin de cette année, probablement vers la mi-novembre, lancer à Brazzaville une initiative sur la question des infrastructures, pas seulement pour l’Afrique - pour l’Afrique, c’est sûr - mais aussi pour le reste du monde, parce que nous ne devons pas parler de l’Afrique comme si elle était un continent isolé », a-t-il indiqué avant d’ajouter « De nombreux analystes et chercheurs sont d’accord pour reconnaître que l’Afrique dispose d’atouts importants pour devenir, après l’Asie, l’une des forces principales de l’économie mondiale ». Source : AFP

INVESTISSEMENTS EN AFRIQUE :

LA MALAISIE DEVANCE LA CHINE ET L’INDE Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le premier investisseur émergent sur le continent n’est pas l’un des cinq pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), mais bien la Malaisie. C’est ce qui ressort d’un rapport sur les investissements directs étrangers (IDE) de la Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) publié peu avant le début du sommet du regroupement à Durban. Les IDE malaisiens atteignaient ainsi au total, fin 2011, 19,3 milliards $, soit plus que les 16 milliards $ investis par la Chine et les 14 milliards $ de l’Inde. Le pays d’Asie du Sud -Est, porté par Petronas et Sime Darby, était cette année-là le 3e plus grand investisseur étranger en Afrique derrière la France et les États-Unis. Quant aux BRICS, leurs investissements ont atteint dans leur ensemble 25% du total des IDE à destination de l’Afrique. Trois pays membres des BRICS sont tout particulièrement actifs en Afrique. Il s’agit, dans l’ordre, de la Chine, de l’Inde et de l’Afrique du Sud. Source : Agence Ecofin 54 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 42

LA BANQUE MONDIALE ALLOUE 70 MILLIONS $ AU BURKINA FASO La Banque mondiale, à travers l’Association internationale de développement (IDA), a récemment alloué au Burkina Faso une subvention de 70 millions $, en vue de promouvoir la croissance et la compétitivité, et réduire les vulnérabilités liées à la crise malienne et à la crise financière internationale. Il est notamment question de mettre en place un fonds d’intrants pour la production du coton et d’améliorer la compétitivité de ce secteur. Ce fonds contribuera également à l’amélioration des autres productions agricoles commerciales au pays. Source : Agence Ecofin

ECOBANK RÉALISE SON

MEILLEUR RÉSULTAT EN 25 ANS Ecobank, le premier groupe bancaire panafricain, a annoncé le 28 mars 2013 ses résultats de l’année précédente. Le produit net bancaire a augmenté de 46% pour atteindre 1,8 milliard $ (2011 : 1,2 milliard $). Le résultat avant impôt a fait un bond de 25% pour s’établir à 348 millions $ (2011 : 277,4 millions $). Quant au résultat net consolidé, il a bondi de 39% et se chiffre à 286,7 millions $ (2011 : 206,8 millions $). Des performances qui comportent un caractère exceptionnel avec deux acquisitions au Nigeria et au Ghana. Il s’agit effectivement des meilleurs résultats financiers de la banque depuis sa création il y a 25 ans. De quoi satisfaire le directeur général de la banque, Thierry Tanoh : « Ces résultats très satisfaisants reflètent le succès de l’intégration de nos deux acquisitions majeures au Ghana et au Nigeria, la forte demande en matière de services bancaires aux particuliers dans les 33 pays où nous sommes présents, l’augmentation des flux commerciaux entre l’Afrique médiane et le reste du monde, et les excellentes performances de notre personnel. » Rappelons que sous la direction de l’ancien directeur général, Arnold Ekpe, Ecobank avait vu son coefficient d’exploitation se dégrader au-delà des 60%. Le défi en 2013 sera d’une part de ramener ce ratio à un taux acceptable et, d’autre part, de proposer aux actionnaires un bon dividende. Source : Les Afriques

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