SalamNews8

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N° 8 – JUIN 2009

SPÉCIAL

Voyages p. 8-10

www.salamnews.fr

Une ville, une mosquée Montreuil, la difficile édification de la Grande Mosquée

p. 12

Actu

LE Message d’obama au monde musulman p. 6

Focus

Les 1 001 richesses de Dubaï Imprimé sur du papier recyclé, ne jetez pas ce mensuel sur la voie publique : donnez-le. Merci !

p. 10

Mohamed-Ali Bouharb

« Mon but : être un ambassadeur de l’institution militaire » p. 16



SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009

SOMMAIRE

ÉDITO

HORIZONS

Un tournant annoncé

4 Spiritualité et mondialisation

our ceux qui en doutent encore, le discours de Barack Obama prononcé à l’université du Caire marque un tournant d’avec la période Bush. Obama porte la voix d’une Amérique souhaitant reconquérir les cœurs d’un milliard et demi de musulmans. Cette Amérique-là peut y parvenir. Son nouveau président a des atouts qui manquaient à son prédécesseur. Le bon sens, tout d’abord. Les musulmans ne peuvent être considérés comme un bloc monolithique. Et encore moins être réduits à une frange ultra marginale prônant la violence et la destruction de l’autre ! À partir de ce simple constat, le choc des civilisations prôné par l’ancienne administration apparaît comme puéril, mais ô combien destructeur. D’autant que la destruction de l’Irak – berceau civilisationnel – est pour l’Arabo-musulman semblable à celle de la Grèce pour un Occidental. C’est donc une autre voie que nous propose Barack Hussein Obama, celle du dialogue et du multilatéralisme. « As salam alaykum », ces premiers mots par lesquels le président a débuté son discours ont bien été pesés. Il en va de même pour le choix du Caire, un autre foyer de civilisation. Sans parler du fait qu’il reconnaît l’islam comme étant un élément du melting-pot américain. Ce président a vraiment tout pour plaire. Les musulmans ont été sensibles à ses paroles, mais ils restent en attente d’actions probantes, notamment sur le dossier israélo-palestinien. Si les actes viennent, le discours du Caire pourra être considéré comme historique. ■

P

ACTU 6 Les élections européennes 7 Le Message d’Obama © Lahcène Abib

au monde musulman

UNE VILLE UNE MOSQUÉE : Montreuil 12 La difficile édification de la Grande Mosquée

14 Montreuil-sous-Mali !

Muslim is beautiful 16 Mohamed-Ali Bouharb : « Mon but : être © Lahcène Abib

un ambassadeur de l’institution militaire »

De Vous à Nous / Jeux 18 Tabous – Mots mêlés

FOCUS

Spécial Voyages

© Ingus

8 Vacances à tout prix 10 Les 1 001 richesses de Dubaï

Salamnews

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113-115, rue Danielle-Casanova – 93200 Saint-Denis www.salamnews.fr Rédaction : redaction@salamnews.fr Publicité : 01 79 97 46 47 pub@salamnews.fr Directeur de la publication : Mohammed Colin Rédactrice en chef : Huê Trinh Nguyên Journalistes : Hanan Ben Rhouma, Nadia Hathroubi-Safsaf, Siham Bounaïm Ont participé à ce numéro : Éric Geoffroy, Chams en Nour. Photos de couverture : Lahcène Abib, Radovan Kraker Conception graphique et mise en pages : Pierre-André Magnier Directeur commercial : Mourad Latrech Chef de projet : Sandrine Mayen Imprimé en France Tirage : 110 000 exemplaires Éditeur : Salamnews est édité par Saphir Média, SARL de presse au capital de 10 000 euros N° ISSN : 1969-2838 – Dépôt légal : juin 2009.


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HORIZONS © D.R.

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Éric Geoffroy, islamologue, notamment à l’université de Strasbourg, spécialiste du soufisme ; vient de signer aux Éditions du Seuil : Le Soufisme, voie intérieure de l’islam, et L’islam sera spirituel ou ne sera plus. www.eric-geoffroy.net

Spiritualité et mondialisation

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« Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu » (Coran, s. 2, v. 115) : tout ce qui se trouve

dans l’Univers est un signe divin, et fait sens. Le musulman ne saurait exclure de la Présence divine aucune religion, aucune culture, aucun visage. C’est bien ce qu’ont vécu les premières générations de musulmans, ce qui explique pourquoi, dans son élan fondateur, l’islam a opéré une véritable « mondialisation » humaniste, une première modernité universelle, qui n’a rien à voir avec la « globalisation » actuelle, de type matérialiste.

De nos jours, l’absence de sens, le nihilisme atteignent l’Occident comme l’Orient, en manifestant des symptômes contradictoires mais solidaires. En Occident, ils ont produit de l’errance morale ; en Orient, le complexe de l’humilié et la culture du ressentiment. Dans les deux cas, le ciel de la spiritualité a été refermé. Mais l’instant même de la prise de conscience généralisée du nihilisme provoque le retour du balancier : la réémergence de la spiritualité sous des formes renouvelées. Dans ce contexte de désagrégation des repères, de la révolution informatique et de l’instantané médiatique, où « la seule vérité absolue est la totale “fluidité” et le changement continu » (Mohamed el-Tahir el-Mesawi), comment maintenir un espace intérieur non altéré ? Il semble que seule la spiritualité puisse vivifier l’enseignement islamique, selon lequel la sacralité réside non pas dans un temple, mais en l’homme. Le cosmos lui-même n’a pas la capacité d’accueillir la Présence comme peut le faire l’homme : « Ni Ma terre ni Mon ciel ne Me contiennent ; seul Me contient le cœur de Mon serviteur fidèle », dit un hadîth qudsî. Si les sociétés traditionnelles, qui fournissaient les repères socioreligieux, sont mortes ou en train de mourir, la spiritualité répond que l’homme peut trouver ici et maintenant son axialité en lui-même. Plus que jamais, avec la mondialisation, la Terre entière devient une « mosquée pure » – comme l’in-

diquait le Prophète – en dépit de sa pollution matérielle. Le processus d’individualisation du religieux va en ce sens : dans le mouvement d’émancipation vis-à-vis des églises, et parfois même des lieux de culte, les repères seront intérieurs ou ne seront pas.

Dans notre nouvel espace-temps caractérisé par l’immédiateté et la simultanéité, Dieu n’a sans doute jamais été aussi immanent. Vivons-nous dans le « dernier tiers de la nuit », au cours duquel – selon une parole du Prophète – Dieu descend jusqu’à ce bas monde ? La nuit symbolise bien sûr la durée de vie du cosmos et de l’humanité. Pour Ibn ‘Arabî comme pour l’émir Abd el-Kader, Dieu serait plus proche de nous durant cette période…

Oui, la mondialisation conduit à l’uniformisation des cultures pour mieux imposer sa vision

mercantile du monde ; oui, elle consacre la domination d’une aire culturelle sur les autres ; oui, elle produit le désenchantement et fait de l’homme un prédateur pour les autres règnes et pour lui-même. Mais ne peut-on y voir la trace, en négatif, de la Sagesse ? Selon le cheikh Bentounès, « Dieu accomplit l’unité du monde à travers la société de consommation ». La postmodernité cache peut-être le projet suivant : ce n’est qu’après avoir perdu toute illusion quant aux idéologies politiques, religieuses ou scientistes (le « mythe du progrès »), après avoir touché le fonds du manque de repères, de la confusion, que le Sens, quelque visage qu’on lui donne, émergera comme une évidence. ■



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ACTU

w Pour plus d’actus, saphirnews.com, le premier quotidien musulman d’actualité

FRANCE

Fatiha Benatsou, première femme préfet issue de la diversité NOMINATION. Mercredi 3 juin a été nommée, en Conseil des ministres, la première préfète « issue de la diversité », pour le département du Val-d’Oise (95). L’heureuse élue est Fatiha Benatsou, 52 ans, actuellement chargée de mission pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Diplômée d’un master en ingénierie des affaires à l’École polytechnique féminine, elle avait rejoint en 2005 le cabinet du ministre des Anciens combattants comme conseillère technique chargée de la mémoire. Membre du Conseil économique et social depuis 2004, elle est également l’auteure d’une biographie

familiale Le Rêve de Djamila (Éd. Robert Laffont, 2009). Fatiha Benatsou doit prendre ses fonctions de préfète déléguée à l’égalité des chances d’ici à quelques semaines à l’occasion d’une cérémonie officielle. Sa mission sera d’assister le préfet Paul-Henri Trolle dans la coordination et la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de cohésion sociale, d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations. Ainsi aura-t-elle à participer, sur le plan départemental, à la mise en œuvre des actions visant à l’intégration des populations immigrées résidant en France. ■ H. T. N.

ONE-MAN-SHOW Rires à profusion au Comedy Club, avec Vie de chien d’Abdelkader Secteur, qui nous vient tout droit d’Algérie pour jouer (en arabe) ses sketchs hilarants. Il dénonce les travers de la vie quotidienne, tous les samedis, à 21 h 45. Les comédiens du Jamel Comedy Club se produisent en solo : Wahid, les jeudis et vendredis, à 21 h 45 ; Dedo, les mercredis et samedis, à 20 h ; Yacine, les jeudis et vendredis, à 20 h. w Réservations : 0811 940 940 42, bd Bonne-Nouvelle Paris 10e www.lecomedyclub.com

COLLOQUE

EUROPE

Pour un Maghreb des droits de l’homme Colloque organisé par l’Association des travailleurs maghrébins de France et la Ligue des droits de l’homme, à l’Assemblée nationale. w 20 juin, de 10 h à 17 h 126, rue de l’Université Paris 7e maghrebddh@yahoo.fr 06 33 43 64 93

Vague bleue au Parlement européen

JOURNÉE-SOIRÉE

© Lahcène Abib

ÉLECTIONS. Abstention record de 60 %, victoire des conservateurs et percée des extrêmes : voilà ce qu’on peut retenir des élections européennes, qui se sont tenues du 4 au 7 juin dans les 27 pays membres de l’Union européenne. La majorité présidentielle a obtenu son meilleur score (28 %) « depuis 1979 », date de la première élection des députés européens au suffrage universel direct, selon Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP. Parmi les eurodéputés élus, Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, et la garde des Sceaux Rachida Dati s’en vont tout droit pour Bruxelles. En France, les conséquences de la crise et le vote sanction n’ont pas eu l’effet escompté pour la gauche. L’abstention mais surtout l’extrême émiettement des oppositions ont donc profité à la droite. Seule la liste Europe Ecologie, emmenée par Daniel Cohn-Bendit, s’en sort avec les honneurs grâce aux 16,2 % de voix récoltées sur l’ensemble de

AGENDA

l’Hexagone. Un « succès » qui tranche avec « l’échec » du MoDem (8,5 %) de François Bayrou et des résultats « médiocres » du Parti socialiste (16,8 %), selon Martine Aubry, secrétaire générale du PS. Quant au Front national, il n’a remporté que 6,5 % des voix, ce qui lui fait perdre quatre députés au Parlement. Ce résultat contraste avec celui des autres pays européens, où la percée des extrémismes en Europe s’est fait remarquer. ■ Hanan Ben Rhouma

Manifestation culturelle sous l’égide de la Grande Mosquée de Lyon : projection du film d’animation Muhammad, le dernier Prophète, pique-nique familial, stands, spectacle, conférences avec Larbi Kechat, Ghaleb Bencheikh, Mohamed Mestiri et Abd al-Haqq Guiderdoni, soirée anasheed. w 21 juin, de 11 h à 22 h 30 Parc Antonin-Perrin 130, rue GuillaumeParadin, Lyon 8e 04 78 76 00 23 06 60 89 73 43 contact@mosquee-lyon. org www.soiree-anasheedlyon.com

INTERRELIGIEUX

Le pape en Terre sainte PROCHE-ORIENT. Du 8 au 15 mai, Benoît XVI a effectué un pèlerinage en Terre sainte, en suivant les principales étapes qui ont ponctué la vie de Jésus décrites dans les Évangiles. La Jordanie, Israël et les Territoires occupés palestiniens ont figuré au programme de cette tournée. Concernant le conflit israélopalestinien, le pape s’est déclaré en faveur de la création de deux États : « Le peuple palestinien a le droit à une patrie souveraine et indépendante, de vivre avec dignité et de se déplacer librement. » Il a évoqué le mur de Séparation comme étant « une de mes plus tristes images au cours de ma visite ». ■ H. T. N.

Construire l’amitié CULTURE ET FOI. Dernières semaines d’inscription pour la SERIC 2009, la Semaine de rencontres islamo-chrétiennes, qui se déroulera du 12 au 22 novembre. Que l’on soit chrétien ou musulman, il s’agit d’initier et d’organiser une action destinée à favoriser l’échange culturel entre les deux communautés de foi mais aussi avec toutes les personnes intéressées par la construction d’un monde de justice et de paix, dans la compréhension mutuelle. Les actions peuvent revêtir des formes diverses : conférences, ciné-débats, partage de repas, animations sportives... Toutes les idées sont bonnes à proposer. En 2008, 67 villes ont participé, dont 7 européennes (Espagne, Finlande, Suède...), organisant 123 manifestations. ■ H. T. N.

GAIC (Groupe d’amitié islamo-chrétienne) : 01 43 35 41 16 www.semaineseric.eu


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« Les États-Unis et le monde occidental doivent apprendre à mieux connaître l’islam ; d’ailleurs, si l’on compte le nombre d’Américains musulmans, on voit que les États-Unis sont l’un des plus grands pays musulmans de la planète. » (Barack Obama, 2 juin 2009)

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INTERNATIONAL

Le message d’Obama au monde musulman POLITIQUE. En prenant la parole au Caire le 4 juin,

Le 4 juin, à l’université du Caire, Barack Obama prononce son discours à l’adresse du monde musulman.

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’administration du président George Bush, engluée dans une idéologie guerrière, a perdu toute crédibilité aux yeux du monde musulman. À la suite au 11-Septembre 2001, elle a envahi l’Afghanistan. Puis elle a attaqué l’Irak sur la base d’un mensonge légendaire sur les armes de destruction massive. Alors que les GI’s affrontaient la résistance irakienne et les talibans afghans, l’administration Bush resserrait ses liens avec le régime saoudien, l’un des plus décriés du monde musulman. Mais aussi elle menaçait la République islamique d’Iran en soutien à Israël contre le projet d’un État palestinien. L’Amérique de George W. Bush fut une Amérique en guerre contre divers peuples musulmans. En portant Barack Obama à la tête de l’État, l’Amérique a voulu changer. Le nouveau président a charge d’arrêter l’hémorragie d’une économie

blessée par les efforts de guerre, il a aussi mission de restaurer l’image d’une Amérique pacifiste, libératrice de l’Europe, garante des libertés individuelles. Pour cette mission, M. Obama doit réconcilier l’Amérique avec le monde musulman. Sa stratégie tient en deux mots : séduire et rassurer. La séduction du monde musulman a commencé en février avec Hillary Clinton, la secrétaire d’État. « L’Indonésie serait un bon partenaire des États-Unis pour tisser des liens avec le monde musulman », annonce-t-elle à Susilo Bambang Yudhoyono, le président de l’Indonésie, premier pays musulman avec 230 millions de fidèles (90 % de la population). Au cours de sa tournée en Asie, Mme Clinton prépare le terrain. « Nous avons la responsabilité de communiquer et de travailler avec le monde musulman en vue d’une évolution positive », déclare-t-elle.

© Chuck Kennedy / Maison Blanche

Barack Obama ne s’adressait pas aux seuls Égyptiens, il parlait à l’ensemble du monde musulman. Pour les observateurs politiques à travers le monde, il s’agit d’un discours majeur dont l’on attend les effets prochains. En clair, le président américain a plaidé la réconciliation et la paix. Les regards se portent désormais sur le passage à l’acte.

Pour avoir vécu en Indonésie, pour avoir travaillé avec les Black Muslims à Chicago, pour avoir une famille paternelle musulmane, Barack Hussein Obama est familier du fait musulman malgré sa foi chrétienne. Il sait que le monde musulman est multiple et hétérogène. Il a les atouts pour réconcilier l’Amérique avec celui-ci. En prenant la parole au Caire, ce jeudi 4 juin 2009, M. Obama commence ainsi par un as salam alaykum de séduction. Quand il aborde la question du foulard, il la place sous le sceau de la liberté religieuse. « Il est important que les pays occidentaux évitent de gêner les citoyens musulmans [dans la pratique de leur religion] », prévient-il, avant de préciser : « Par exemple, en leur dictant

les vêtements qu’une femme doit porter. » Une allusion à la loi de 2004 sur les signes religieux qui interdit l’école publique française aux musulmanes portant un hijab. Le président américain est explicite : « L’Amérique n’est pas en guerre contre l’islam. » Au mois d’avril dernier, à Istanbul, lors de sa première visite en pays musulman, M. Obama avait tenu les mêmes propos bien accueillis dans le monde musulman. Un espoir de paix est né, il reste à le concrétiser. Forcer Israël à négocier la création d’un État palestinien serait un geste concret de paix. Un geste qui vaudra mieux que tous les beaux discours. Barack Obama en a-t-il les moyens ? ■ Amara Bamba

Deuil. Lundi 1er juin disparaissait mystérieusement des écrans radars un Airbus A330 de la compagnie Air France. Des débris d’appareil et les premiers corps ont été retrouvés cinq jours après à 360 km des côtes brésiliennes. Le bilan est lourd : 216 passagers et 12 membres d’équi-page se trouvaient à bord du vol assurant la liaison entre Rio de Janeiro et Paris. Parmi les passagers se trouvaient 32 nationalités, dont 73 Français, 5 Libanais et 2 Marocains. Deux cérémonies se sont tenues mercredi 3 juin : l’une, musulmane, à la Grande Mosquée de Paris ; l’autre, œcuménique, en la cathédrale Notre-Dame de Paris, présidée par Mgr André XXIII. ■

© Saphir Média

Hommages


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FOCUS

spécial VOYAGES

© Ingus

Vacances à tout prix

Les vacances d’été approchent à grand pas. Alors que les études menées par les tour-opérateurs dressent un bilan plutôt rassurant sur les départs en vacances des Français, la crise économique incite les vacanciers à changer leurs habitudes et leurs lieux de voyage. Gros plan sur les destinations les plus prisées.

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LES CLASSIQUES

La France et le pourtour méditerranéen sont à l’honneur cet été. Pour 2009, le sud de la France séduit toujours autant, si ce n’est plus. En cette période de récession économique, les campings et les villages de vacances, qui sont montés en gamme, sont les grands bénéficiaires de ce phénomène. Les Français délaissent l’avion et prennent la voiture pour découvrir les beaux paysages de l’Hexagone et ceux des pays européens limitrophes. À l’image de la situation de l’an passé, le bassin méditerranéen enregistre les meilleurs taux de réservations. Soleil, tarifs attractifs et proximité, autant d’arguments qui expliquent l’attrait des vacanciers pour cette destination.

L’Espagne et ses îles (Ibiza, les Baléares...) décrochent la première place. Le pays étant bien desservi en compagnies et doté de nombreux aéroports, il est facile d’acheter un billet sec et de s’y rendre par ses propres moyens. À un degré moindre, l’Italie, ses îles (Sardaigne, Sicile) et ses villes mythiques empreintes d’Histoire (Rome, Florence, Venise…) redeviennent des lieux prisés par les familles. Autre destination indémodable : l’Égypte. Mélange d’Orient et d’Occident, de splendeur et de pauvreté, le pays des Pharaons séduit toujours les voyageurs. Abordable financièrement, l’Égypte continue d’enflammer l’imaginaire, comme en témoigne Imane, 26 ans, enseignante, qui s’est rendue au Caire et à Charm el-Cheikh. « Ayant fait

des études d’histoire, j’ai toujours rêvé de visiter les pyramides. Même après les avoir vues plus de mille fois en photos, les voir en vrai est impressionnant », se souvient-elle. « J’ai aussi beaucoup apprécié la population locale, qui est éduquée, respectueuse et plus pratiquante que les Maghrébins », fait-elle remarquer. Entre visites des monuments historiques, découvertes de la vallée du Nil, plongées dans les rivages de la mer Rouge et excursions dans les splendeurs du désert, l’Égypte demeure intemporelle.

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LES INCONTOURNABLES

Les États-Unis demeurent une destination phare pour les Français. La tendance ne fait que s’accentuer depuis l’an dernier. Selon une récente étude


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Go Voyages, le pays de l’oncle Sam se classe à la troisième position des destinations les plus réservées pour le printemps (augmentation de 45 % du nombre de passagers). Un engouement majoritairement expliqué par la faiblesse du dollar par rapport à l’euro. New York s’affiche désormais comme étant la destination préférée des voyageurs. Les prix des billets sont devenus plus accessibles que par le passé, les Français se ruent donc vers la Grande Pomme, à l’instar d’Oumar, 26 ans, Sénégalais d’origine, qui s’y est rendu à trois reprises. « Tout le monde a déjà rêvé au moins une fois d’aller aux States. Depuis que je suis petit, les séries TV et les clips ont contribué à alimenter mon admiration pour New York : ses grands buildings, sa Cinquième Avenue, la statue de la Liberté et le Ground Zero [emplacement laissé béant par les Twin Towers, ndlr]. Tout est impressionnant là-bas », nous confie-t-il. Non loin du continent américain, la République dominicaine tire également son épingle du jeu. Idyllique et romantique, elle est l’île tropicale la plus prisée, et le voyage est à moindre coût (environ 600 euros). Un endroit paradisiaque, qui ne manque pas de charmer les touristes tels que Shéhérazade, 25 ans, animatrice dans un centre de

loisirs. Revenue il y a trois mois de son séjour de deux semaines, elle en garde des images plein la tête. « C’était vraiment une destination coup de cœur. Depuis que j’avais vu des images de ses plages à la télé, il y a une dizaine d’années, je souhaitais m’y rendre. J’ai donc enfin réalisé mon rêve. Je suis vraiment tombée amoureuse de cette île. Les Dominicains sont chaleureux et généreux. Quant aux plages et aux paysages, ils sont magnifiques », se remémoret-elle.

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plébiscitent de plus en plus les îles et presqu’îles d’Asie. En tête du classement se trouve la Thaïlande, où se rend un grand nombre de jeunes Français, entre amis ou en couple. Baignades dans des lagons transparents, shopping, coût de la vie peu élevé et farniente sous le soleil, telles sont les clés de la réussite du tourisme thaïlandais. Le pays souffre, en revanche, d’une réputation sulfureuse à cause de la prostitution.

L’ASIE FEVER

En 2009, l’attrait pour les destinations de longcourrier se renforce chez les Français musulmans. En quête d’exotisme et de dépaysement, ils n’hésitent plus à traverser le Vieux Continent pour aller à la découverte de l’Asie. Longtemps délaissé, ce continent à dominance musulmane a le vent en poupe. Une tendance encouragée par les formules de séjours tout inclus, de plus en plus avantageuses, que proposent les agences de voyages en ligne (il faut tout même compter en moyenne 1 000 euros). Amateurs de paysages tropicaux, de grandes étendues de sable blanc, de plages bleu turquoise et de poissons multicolores, les vacanciers

La France, première destination touristique du monde Bénéficiant d’une géographie diversifiée − mers et océan, montagnes et campagnes – et riche de hauts lieux chargés d’Histoire, la France demeure la première destination mondiale. Elle occupe le 1er rang mondial en nombre de touristes (80 millions, en 2008) et le 3e rang en recettes générées par le tourisme (42,3 milliards de dollars, derrière les États-Unis et l’Espagne). Les trois régions les plus touristiques sont l’Île-de-France, la Provence-Alpes-Côte d’Azur et la région Rhône-Alpes. Les cinq sites culturels les plus fréquentés sont le musée du Louvre, la tour Eiffel, le centre Georges-Pompidou, le château de Versailles et la Cité des sciences de la Villette. Les cinq sites non culturels les plus visités sont Disneyland Paris, le parc Astérix, le Futuroscope, le Puy du fou et le parc zoologique du bois de Boulogne. Cependant, plus de la moitié des Français (52 %) ne partira pas en vacances, essentiellement pour des raisons financières. D’autres choisiront de partir, malgré la crise, mais opteront pour des distances moins longues, un séjour plus court et réduiront leurs dépenses en souvenirs et sorties.

© Fraser Cambridge

65 %

w C’est le pourcentage de Français qui déclarent que, malgré le contexte économique difficile et la baisse du pouvoir d’achat, le voyage reste un moyen d’évasion indispensable. Si chacun fait des économies, les vacances ne seront pas, cet été, les premières à être sacrifiées.

Mosquée à Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie.

C’est ainsi que l’on retrouve, dans un registre similaire mais en version moins frivole, la Malaisie. Une île de plus en plus prisée par les musulmans, essentiellement ceux qui sont pratiquants, qui apprécient son côté islamique et calme. « C’est la Thaïlande sans la débauche. Il y a des mosquées partout, on peut manger halal, le tout dans un cadre respectueux et magnifique. Je peux, de ce fait, pleinement y pratiquer ma foi. C’est une destination idéale pour les voyages en famille », affirme Nabil, 32 ans, chef d’entreprise. On ne saurait parler de l’Asie sans évoquer l’engouement qui existe pour l’empire du Soleil levant. La Chine est un pays qui attire de plus en plus de jeunes entrepreneurs musulmans qui s’y rendent pour faire des affaires. Si le tourisme chinois est beaucoup porté par le business, il n’en reste pas moins que certains s’y rendent pour ses sites touristiques et culturels grandioses telle la Grande Muraille. ■ Siham Bounaïm

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MEMO ■ ÉCHANGE DE MAISON Échanger sa maison contre celle d’un autre vacancier : très tendance, ce procédé simple et économique permet de découvrir de nouvelles régions en France ou de l’étranger. De nombreux sites proposent ce type de services. Il suffit de s’inscrire et de choisir la maison ou l’appartement de sa prochaine destination. Ce système repose avant tout sur la confiance et l’échange culturel.

■ ÉCOTOURISME Il s’agit de « voyager responsable » sur le plan environnemental, en visitant des milieux naturels relativement peu perturbés dans le but d’apprécier la Nature. L’idée est d’encourager les touristes à la conservation des sites naturels, à la protection de la biodiversité, et de laisser le moins d’impacts négatifs après son séjour. Le tourisme vert s’appuie aussi sur une participation active des populations locales.

■ TOURISME ÉQUITABLE Le tourisme équitable et solidaire s’inscrit dans une logique d’aide au développement des territoires d’accueil et obéit à plusieurs principes : activité économique avec les producteurs locaux les plus défavorisés ; refus du travail des enfants ; bénéfices tirés du tourisme réinvestis par les communautés d’accueil dans leurs projets agricoles, de santé, de formation…


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FOCUS

spécial VOYAGES

Les 1 001 richesses de Dubaï

LA VILLE-PAYS. « Époustouflant, fascinant, luxueux, futuriste »... Les adjectifs ne manquent pas pour décrire Dubaï. Capitale économique des Émirats arabes unis (dont plus de 65 % de la population n’est pas dubaïote), Dubaï est le plus connu des sept émirats. Une renommée due à la médiatisation de ses projets touristiques, à l’image de l’hôtel Burj al-Arab, le plus luxueux et le plus étoilé du monde, dont la forme rappelle celle d’une voile de voilier, d’une hauteur de 321 m. La fréquentation touristique ne cesse d’y augmenter et de nombreux projets de complexes hôteliers pharaoniques viennent compléter ceux qui sont déjà en place. En moins de dix ans, pas moins de 150 hôtels ont été construits. Se plaçant résolument sur le marché de la démesure, Dubaï a pour but avoué de devenir la première destination mondiale du tourisme de luxe. Lieu très tendance, Dubaï est reconnu notamment pour le shopping. Et les vacanciers européens viennent s’adonner à cœur joie dans ce qu’on appelle le « paradis du shopping ». C’est le cas de Kamélia, 26 ans, ingénieur projet, venue essentiellement faire des emplettes et se dorer au soleil dans un cadre luxueux, et surtout musulman. « À mes yeux, c’est surtout une destination à faire entre filles. Je suis partie avec ma mère, il y a moins de deux mois, et on a vraiment apprécié. Nos journées étaient rythmées par les souks, le matin ; la plage, l’après-midi ; et

© Steve Rosset

Lassés des voyages au Maghreb, de nombreux Français de culture musulmane se dirigent vers Dubaï. Une destination très en vogue, qui ne cesse de fasciner par sa splendeur et sa profusion de luxe à outrance.

le soir, les centres commerciaux. Ce sont des complexes géants, ouverts 24 heures sur 24, c’est vraiment démesuré. Il n’y a que des boutiques de luxe, on se croirait à Paris. Cependant, si on évite les grandes marques, alors la vie n’est pas chère du tout », nous explique-t-elle.

Un paradis artificiel ?

Fonctionnant sur le principe du « client est roi », rien n’est laissé au hasard et tout est fait pour séduire les touristes. Terrains de golf, croisières, centres de congrès, spas, restaurants ouverts nuit et jour, salles de gym et plages exclusivement réservées aux femmes un jour par semaine, etc. Dès lors que l’on a les moyens de payer, on peut tout faire et tout trouver – même jouer dans les casinos... interdits en islam. Pour Mohamed, 26 ans, gestionnaire en back-office dans une grande banque française, la donne est différente. C’est un habitué des lieux. Il y a deux semaines, il rentrait de son quatrième voyage à Dubaï, où il était parti rendre visite à sa sœur qui y est installée. Ce qu’il aime à Dubaï ? « C’est une destination pas trop chère, ensoleillée toute l’an-

née, idéale pour le musulman moderne. Il y a des mosquées partout, même dans les centres commerciaux, cela me permet de prier à l’heure, tout en pouvant pleinement profiter de mes vacances. Cela dit, c’est vrai qu’à part la plage et les magasins il n’y a pas grand-chose à faire. Ceux qui aiment la fête et les visites de sites culturels seront déçus », prévient-il. En effet, nombreux sont ceux qui reprochent à Dubaï de manquer d’âme et d’Histoire, à l’inverse de ses voisins, le Qatar ou Oman, où l’on trouve un patrimoine historique plus riche. Imane, 26 ans, enseignante, le déplore. « Dubaï manque cruellement de paysages traditionnels ou authentiques, ce n’est pas comme Paris. Le pays est très bling bling, on ne voit que ça : l’argent, l’immobilier... Alors qu’à Doha, la capitale du Qatar, ils font en sorte de préserver l’identité culturelle de leur pays. Ils ont un musée ; et misent sur le sport, avec les Masters féminins de tennis, le grand prix de Formule 1... » Dubaï, une destination qui fait rêver... mais qui ne doit pas faire oublier la situation de ses 700 000 travailleurs immigrés, véritables piliers de son ambition. ■

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Siham Bounaïm et H. T. N.


Le halal à l’honneur

COMMUNIQUÉ

Seul traiteur certifié

Les meilleures idées sont souvent les plus simples. Alors que les consommateurs musulmans étaient plutôt habitués aux fastfoods et au fameux « salade, tomates, oignons », s’ouvrir aux cuisines du monde, et en particulier à la cuisine française, s’est avéré être le ticket gagnant. Le restaurant, d’une capacité d’accueil de 150 personnes sur 450 m², fait en effet salle comble tous les week-ends. Au point que l’Alambra fait figure aujourd’hui de référence dans la communauté musulmane. Ce succès, l’Alambra le doit à

Si, il y a quelques années encore, lors des réceptions et des mariages, on faisait plutôt appel aux amies de la famille ou à des cuisinières bénévoles pour s’occuper du repas, les mœurs ont évolué. Un mariage ou une réception se fait désormais avec traiteur. Il n’en fallait pas plus à l’Alambra pour proposer son propre service traiteur. Ce service a été pensé dans le même esprit que le restaurant : une certification halal, assurée par l’organisme de certification AVS, et une carte originale composée de différentes spécialités, du classique tajine au filet

Alambra 93, avenue Paul-Vaillant-Couturier 93240 Stains – 01 48 22 57 10 www.alambra.fr Service traiteur halal, certifié AVS

© D.R.

Un concept simple, mais novateur

mignon en passant par la souris d’agneau. Comme le restaurant qui offre la possibilité de privatiser tout ou partie des salles, Alambra traiteur s’adresse tant aux particuliers lors d’événements familiaux (naissance, repas de famille, mariage, etc.) qu’aux professionnels (buffets dînatoires, séminaires, conférences, soirées thématiques, etc.) et aux institutions. L’ONG internationale Muslimhands, le collège-lycée La Réussite et le syndicat des patrons musulmans figurent d’ailleurs parmi ses clients. Grâce à un service commercial efficace et disponible, et à une logistique bien rodée, l’Alambra traiteur couvre toute l’Île-deFrance et prend en charge des réceptions allant jusqu’à mille couverts. Les entreprises ne sont pas oubliées puisque l’Alambra traiteur va très prochainement proposer des coffrets repas en livraison. Il suffira de commander par téléphone ou via le site Internet dédié : www.alambra-traiteur.fr

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une idée simple, mais novatrice : permettre aux musulmans de goûter à toutes sortes de cuisine. Mexique, Algérie, Italie, France, Inde, la carte sans cesse renouvelée offre aux musulmans l’occasion de découvrir des plats qui leur étaient jusque-là interdits, faute d’être halal. Cultiver l’originalité et l’innovation, voilà la clé du succès de l’Alambra. Le concept fonctionne si bien que, après le restaurant, les musulmans peuvent désormais s’offrir les services d’un traiteur : Alambra traiteur.

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Q

uand, en 2006, le restaurant ouvre ses portes, personne ne pouvait préjuger de sa réussite. Et pour cause. Situé en Seine-SaintDenis, l’Alambra s’installait dans les locaux d’un restaurant savoyard contraint de fermer faute de couverts suffisants. Le défi était alors double : géographique et culturel. Il fallait convaincre une nouvelle clientèle non seulement de venir jusque dans le 93, mais encore de manger autre chose que le traditionnel kebab.

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On y vient de toute la région parisienne pour y manger une raclette savoyarde, une flamenkuch ou encore un carpaccio de bœuf. L’Alambra, qui connaît depuis trois ans un succès qui ne se dément pas, propose désormais un service traiteur. Focus sur une stratégie gagnante.

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au restaurant l’Alambra


SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009

Une ville, une

12 mosquée

Spécial

Montreuil

Reportage de Nadia Hathroubi-Safsaf – Photos de Lahcène Abib

La difficile édification de la Grande Mosquée

La communauté musulmane montreuilloise, lassée de prier dans des caves ou des foyers inadaptés, tente de se doter depuis plusieurs années d’une Grande Mosquée. Pour réunir toutes les chances d’y parvenir, cinq associations se sont regroupées en 2004 en Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil. Leurs efforts sont enfin en passe d’être récompensés.

V

Voilà plus de deux ans que la première pierre de la future Grande Mosquée de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a été posée. Pourtant, au 215, rue de Rosny, aucune trace de travaux. Le terrain semble être

laissé à l’abandon. Un sujet de désolation pour l’imam Ahamadou Nimaga, également président de la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil (FCAMM), qui avoue, de lui-même, avoir

été « tenté de baisser les bras à de nombreuses reprises ». Car la construction de la Grande Mosquée de Montreuil n’en finit pas de connaître de multiples rebondissements. Le dernier en date ? La décision du Mouvement national républicain (MNR) de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État en septembre dernier. Le parti d’extrême droite n’accepte pas, en effet, la décision de la cour d’appel de Versailles (Yvelines), qui a invalidé, le 6 août 2008, le recours en annulation pour bail illégal, déposé par l’élue MNR, Patricia Vayssière. L’ancienne conseillère municipale MNR contestait la légalité du bail emphytéotique* (de 99 ans, ndlr) consenti à la FCAMM pour l’édification d’une mosquée. Plus que la durée du bail, c’est le montant du loyer (un euro symbolique par an) qui avait

REPÈRES 2004 : naissance de la FCAMM. 2005 : concours d’architectes. Mai 2006 : désignation du lauréat. Décembre 2006 : obtention du permis de construire. 30 décembre 2006 : pose de la première pierre. Superficie totale du terrain : 2 150 m2, mosquée sur deux niveaux ; Capacité d’accueil : 800 fidèles. Coût du projet : 2 350 319 € TTC ; 400 000 € récoltés (avril 2009). Durée prévisionnelle des travaux : 10 mois.


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20 000

w 20 000 musulmans résident à Montreuil, selon la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil. La ville compte 110 000 habitants.

Mohamed Abdoulbaki : « 800 000 € seraient nécessaires pour démarrer les travaux de la Grande Mosquée. »

soulevé l’indignation de l’édile, qui dénonçait une forme de financement indirect et une atteinte au principe de neutralité de l’État, inscrit dans la loi de 1905. Des arguments rejetés par la cour d’appel qui a estimé que « le principe constitutionnel de laïcité, qui implique la neutralité de l’État et des collectivités territoriales de la République et le traitement égal des différents cultes, n’interdit pas, par lui-même, l’octroi, dans l’intérêt général et dans les conditions définies par la loi, de certaines aides à des activités ou à des équipements dépendant des cultes ».

« Un lieu de prière digne »

Une issue heureuse qu’attendaient avec impatience les musulmans de Montreuil : « Nous n’étions pas certains de remporter ce bras de fer », explique Ahamadou Nimaga. « Nous avions déjà perdu et vu notre projet annulé, le 12 juin 2007, par

le tribunal administratif de CergyPontoise au motif de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État. Du coup, nous avons été obligés d’arrêter les travaux, alors même que nous venions de poser la première pierre », se désole-t-il. « Pourtant, la première délibération en conseil municipal avait été votée le 25 septembre 2003 à l’unanimité, moins la représentante du MNR », rappelle Mohamed Abdoulbaki, vice-président de la FCAMM. « Bizarrement, le même jour, un bail similaire pour la construction d’une synagogue avait été approuvé, et il n’a jamais été contesté par le MNR », fait-il observer. « À chaque fois, seuls les lieux de culte musulman sont visés par ces attaques, ces tentatives de déstabilisation. Pourtant, d’autres associations cultuelles d’autres confessions bénéficient de baux emphytéotiques sans déclencher de polémique. On veut nous cantonner dans les caves », s’indigne-t-il. Autre difficulté : la collecte. Lancée par la FCAMM, elle a

permis de ne récolter que 400 000 € à ce jour. « Il en faudrait au moins le double pour démarrer les travaux. On est encore trop loin des 2,350 millions d’euros nécessaires au projet ! », explique Mohamed Abdoulbaki. Le vice-président espère, malgré tout, voir le chantier démarrer dans les semaines à venir. « Une Grande Mosquée doit impérativement voir le jour ! Les salles de prière débordent. Nous avons, nous aussi, l’envie de prier dans des lieux dignes. Il faut sortir de l’islam des caves », s’impatiente-t-il. La nouvelle sénatrice-maire Verte de Montreuil, Dominique Voynet, a décidé d’accompagner le mieux possible ce projet, qu’elle juge cependant pharaonique : « Je constate que les associations ont beaucoup de mal à collecter l’argent », a-t-elle déclaré au journal Le Parisien en janvier 2009. Une sortie dans la presse qui étonne quelque peu Mohamed Abdoulbaki, qui avoue attendre de rencontrer l’élue : « Nous avons mis du temps à nouer des rapports avec l’ancien maire qui n’avait pas forcément les bons interlocuteurs, on espère que ce ne sera pas le cas avec elle. » ■ * Bail de très longue durée en échange d’un loyer modique et de la mise en valeur du bien. FCAMM 1-2, square Jean-Zay 93100 Montreuil 01 48 70 86 71 06 25 19 77 14

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Portrait Un imam tourné vers la jeunesse

« Je suis le plus ancien prêcheur de Montreuil », s’enorgueillit Ahamadou Nimaga, 61 ans, aujourd’hui retraité. Depuis vingt-huit ans, cet imam tente de délivrer la bonne parole. Son cheval de bataille : prévenir la délinquance. « J’aime le contact des gens, j’aime partager avec les jeunes mon savoir, les guider dans leur recherche spirituelle », explique ce père de dix enfants, qui avoue être fier de leur réussite.

J’aime me rendre utile » Arrivé du Mali en 1961, après des études de théologie, il poursuit sa formation à l’université de ParisVIII. Il est parallèlement peintre en bâtiment : « Il fallait bien nourrir la famille », explique-t-il avec un grand sourire. Infatigable, Ahamadou Nimaga multiplie les casquettes : président de la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil ; membre du CRCM, chargé de mission auprès du président du CRCM de la Région Paris-Centre.

PAROLE À Mohammed Diarra 57 ans, agent d’entretien « Je suis musulman, c’est donc un devoir pour moi de venir prier tous les vendredis. Pour tout vous dire, je viens tous les jours sans me poser de questions, c’est le contraire qui serait inimaginable. J’aime me retrouver dans ma communauté. »

Cheickne Traoré 60 ans, conducteur « Je suis retraité, je peux donc venir prier tous les jours et à toutes les prières. Ce que j’aime ici, c’est le mélange des nationalités : Maliens, Sénégalais, Mauritaniens… Mais, avant tout, nous sommes tous des frères musulmans. On partage souvent des repas ensemble. »

Ibrahim Soukouna 28 ans, étudiant « J’habite plus loin, à Noisy-le-Grand, mais je viens chaque vendredi prier ici et visiter en même temps ma famille. J’accomplis ainsi deux devoirs chers à notre Prophète − paix sur lui. C’est un moment important pour moi. J’aime le mélange des communautés aussi. »

Ibrahima Niakaté 18 ans, sans emploi « Je viens d’abord pour accomplir un des piliers de notre religion. C’est aussi l’occasion de retrouver des amis, de discuter avec les anciens, d’apprendre de nouvelles choses. Puis mon père m’a toujours dit que c’est recommandé de prier en groupe. »


SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009

21e arrondissement de Paris Mutations. « 21e arrondissement de Paris », c’est ainsi que le chanteur Alain Chamfort définit sa ville d’adoption. Montreuil, en effet, est située dans la banlieue est de la capitale, au sud du département de la Seine-Saint-Denis, à la limite des départements de Paris et du Val-de-Marne. Desservie par plusieurs lignes de métro, la ville attire les jeunes couples « bobo », chassés par les loyers exorbitants de la capitale. Ces artistes, intellectuels et jeunes cadres bouleversent le visage de la commune ouvrière, communiste pendant quarante ans, et qui a viré « écolo » aux municipales de 2008. En vingt ans, Montreuil a perdu un tiers de ses ouvriers et, dans le même temps, le nombre de contribuables soumis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a augmenté de près de 60 %. Sur les anciennes friches industrielles, les sociétés se multiplient : Air France, BNP Paribas, Nouvelles Frontières... ■ N. H.-S.

Spécial

MONTREUIL

Montreuil-sous-Mali !

Sur la présence des Maliens à Montreuil, les avis divergent : ils seraient 2 000 selon l’INSEE ; 6 000, selon la ville ; et 10 000 selon Niakaté, président de l’Association des Maliens de Montreuil.

Immigration. Montreuil, la « deuxième Bamako » ? « Non ! », s’insurge Jean-Pierre Brard (apparenté PCF), qui connaît bien la question pour avoir été le maire de la ville pendant 24 ans et surtout le principal artisan du rapprochement entre les deux pays. « Montreuil n’est pas la deuxième ville malienne après la capitale du Mali, c’est un vieux fantasme. En revanche, je pense qu’elle est la première de France, peut-être même avant Paris ! Nous avons toujours eu une tradition d’accueil de cette communauté. », renchérit-il. Ce n’est donc pas un hasard si, cette année, la ville fête ses 24 ans de jumelage avec le cercle (équivalent de notre département) de Yélimané, cette partie de l’ouest du Mali, dans la région de Kayes, d’où est originaire la majorité des Maliens montreuillois. La plupart de ceux qui sont arrivés dans

1re édition de la Fête des foyers, à Montreuil, en mai 2008.

les années 1960 sont de l’ethnie soninké. Grâce au jumelage avec Yélimané 5 micro-barrages ont été construits et 14 puits ont été creusés ou réhabilités, ce qui a relancé l’activité agricole. Dans un des foyers de travailleurs de la ville, les Maliens de Montreuil le savent bien, ils trouveront toujours une oreille attentive et le réconfort d’être ensemble. Le plus connu est le foyer Bara. C’est là un véritable village malien reconstitué, avec ses vendeurs en tout genre qui s’affairent dans la cour. Cette ancienne usine de pianos, reconvertie en foyer en 1968, était prévue à l’origine pour 400 résidents, elle en accueille aujourd’hui le double. Même situation au foyer Branly, où, malgré la suroccupation, « tout se passe bien », affirme le doyen Souleyman Diarra. Sur les neuf foyers de la ville, sept sont « maliens ». ■ N. H.-S.

© D.R.

Une ville, une

14 mosquée



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Muslim is beautiful

Mohamed-Ali

Bouharb

L’aumônerie du culte musulman à la gendarmerie nationale a désormais un visage : celui de Mohamed-Ali Bouharb, 32 ans. C’est dans son bureau, au fort de Charenton, à Maisons-Alfort (94), que l’aumônier nous reçoit pour expliquer son parcours, son engagement et ses projets.

Comment êtes-vous arrivé à devenir aumônier pour la gendarmerie ? Mohamed-Ali Bouharb : J’étais loin d’imaginer, il y a un an et demi, que je serai officier de l’État français, dans une telle position historique. Je préparais mes concours d’inspecteur des douanes, des impôts et du Trésor public, que je préparais activement jusqu’au jour où j’ai rencontré mon chef actuel, Abdelkader Arbi, en 2007. Je le connaissais déjà, mais on s’était perdu de vue. Il m’a annoncé avoir été nommé au poste d’aumônier général de l’armée française un an plus tôt. On s’est échangé nos numéros. Alors que j’étais en pleine révision, il me rappelle fin 2007 pour me présenter le métier d’aumônier, dont je ne connaissais rien. Il avait besoin d’un adjoint. C’est là qu’il m’a proposé le poste. J’ai réfléchi pendant un mois avant de rendre ma décision que je ne regrette pas. Pour parfaire votre formation, vous avez intégré l’Institut catholique de Paris (ICP). Quel regard portez-vous ? M.-A. B. : Avant mon intégration, j’ai d’abord eu quelques frustrations. Tous, rabbins, prêtres et pasteurs, peuvent aller à l’université, à côté de leur formation théologique, pour un master ou un doctorat, alors que ce n’est pas le cas pour les cadres cultuels musulmans. S’ils se déclarent comme tels au moment de leur inscription, ils ne sont pas acceptés. L’université de la Sorbonne et Paris-VIII m’ont refusé sous couvert de défense de la laïcité. La volonté politique de l’État s’est trouvée mise à mal, puisqu’il n’arrivait pas à nous trouver de partenaire public. Mais il n’a pas lâché prise et s’est

© Lahcène Abib

« Mon but : être un ambassadeur de l’institution militaire »

tourné vers le privé. La seule université capable de nous délivrer une formation de qualité a été l’ICP. J’en garde un très bon souvenir, puisque j’en suis ressorti major de la promotion. Comment avez-vous été accueilli à votre arrivée au poste ? M.-A. B. : Vraiment très bien. J’ai eu beaucoup de messages de soutien de la part de tous les militaires musulmans, qui m’ont inondé de mails, de lettres, de coups de téléphone, de visites. Mais les messages de félicitations venant de gendarmes non musulmans et du commandement m’ont particulièrement touché. Je pense que la gendarmerie est une véritable institution qui prône l’éclectisme, le courage et l’engagement, un terme qui correspond parfaitement à la structure de l’esprit du croyant : engagé envers Dieu et envers l’autre.

BIO EXPRESS Né en 1977 à Dreux (Eure-et-Loir) − ancien bastion du Front national −, Mohamed-Ali Bouharb grandit avec ses parents, partis de Tunisie dans les années 1970. Vivant « dans l’abnégation » et « la peur des skinheads », il obtient son baccalauréat à 17 ans. Poussé par son père, technicien, il part étudier les sciences de l’ingénieur à la faculté de Rouen. Mais son goût pour la réflexion et les lettres le rattrape au point de tout abandonner, deux ans plus tard, pour des études de sociologie. Dans le même temps, il se découvre un goût pour le religieux, grâce à des rencontres d’Algériens qui ont fui la période noire du terrorisme dans les années 1990. En parallèle de sa vie universitaire, il suit alors plusieurs formations théologiques, dont celles du CERSI et de l’IESH. Après l’obtention de sa licence de sociologie, il se réoriente vers les sciences du langage, qui lui permettent, aujourd’hui, de manier rhétorique et éloquence, et de communiquer plus justement sur l’islam. Son dernier diplôme en date : le DU Interculturalité, laïcité et religions, en 2008, à l’Institut catholique de Paris. Marié et père de deux enfants, le capitaine MohamedAli Bouharb est, depuis mars 2008, le premier aumônier de la gendarmerie nationale, sous tutelle du ministère de la Défense, qui l’a nommé.


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« Travailler pour l’État français n’entre pas en contradiction avec l’islam. La question sur notre loyauté ne se pose pas. » Quelles sont vos tâches au quotidien ? M.-A. B. : J’apporte aux militaires qui viennent me voir un soutien spirituel et religieux. Ils viennent me voir pour toutes sortes de raisons, d’ordre familial par exemple : relations conflictuelles avec des parents ; éloignement physique avec la famille apportant un déséquilibre affectif ; conflits au travail qui sont d’ordre religieux ou non. Une personne m’a demandé si elle pouvait porter le hijab pendant le service. Je lui ai répondu négativement, car le service public stipule qu’elle ne peut avoir un signe d’appartenance religieuse. Certes, je porte un képi avec le croissant islamique, mais ma fonction est purement religieuse. Occupez-vous la fonction d’imam en parallèle de l’aumônerie ? M.-A. B. : Sémantiquement, un imam est une personne qui est devant pour guider la prière. Me concernant, je suis aumônier du culte musulman par statut tout comme mes homologues catholiques, protestants et israélites. Par analogie, je suis imam, car les autres aumôniers ont une fonction de prêtre, de pasteur ou de rabbin ; à partir du moment où je suis amené à guider la prière, je suis imam, comme n’importe qui peut l’être, car il n’a pas de statut juridique défini. Y aurait-il une question liée à l’islam qui est un sujet de débats au sein de la gendarmerie ? M.-A. B. : Il n’y a rien, c’est tout le paradoxe. Au sein des cursus de formation, il existe des modules de formation dans lesquels sont intégrés des cours sur la diversité religieuse, sur le respect des libertés publiques. La situation était ici tout à fait banalisée, car les musulmans sont présents depuis longtemps. On les recrute non pas en fonction de leur religion mais de leurs compétences. C’est plutôt à l’extérieur que l’on perçoit ma nomination comme un exploit… Les militaires ne m’ont pas attendu pour faire leurs preuves. Trouvez-vous que les choses ont changé depuis votre arrivée ? M.-A. B. : Absolument. Cette nouvelle a renforcé l’image de la gendarmerie. C’est un exercice périlleux, car la question de l’islam est minée. Elle est généralement perçue sous un angle sécuritaire, puisqu’on l’envisage seulement comme une capacité à nuire la sécurité publique. Ma nomination prouve le contraire et participe à un mouvement de société qui va vers une meilleure compréhension de la religion musulmane. Quels sont vos projets en préparation dans votre service ?

M.-A. B. : J’organise des repas de rupture du jeûne pour le Ramadan, l’iftar, avec le commandement. J’inviterai donc l’état-major avec des colonels, des commandants et les militaires, musulmans ou pas, le but étant de montrer que l’islam est une religion de partage. En même temps, on se sert de ce moment comme vertu pédagogique pour expliquer pourquoi nous nous privons du matin au soir car, même si la culture du respect de l’autre est là, beaucoup ne savent rien de l’islam, surtout en cette période où l’image des médias envers les musulmans est négative. Mon travail est de la déconstruire. Vous projetez d’organiser le pèlerinage, le hajj, pour bientôt ? M.-A. B. : C’est le projet le plus important. Il est prévu pour 2011, voire 2010. On essayera d’affréter deux avions de 220 places chacun. Actuellement, les militaires partent avec des agences de voyages civils, dont beaucoup sont défaillantes. Je souhaite qu’ils et leurs familles puissent bénéficier du soutien de l’aumônerie et donc du ministère pour que le protocole soit pensé en amont. Je rappelle que l’État ne peut financer, au nom de la laïcité, le hajj ; de toute façon, religieusement parlant, c’est au pèlerin de payer le voyage. Nous partons bientôt repérer les infrastructures qui offriraient la possibilité, tout au long de l’année, aux militaires et à leurs proches d’effectuer le petit pèlerinage, la ‘umra. L’état-major des armées a été particulièrement favorable à cette idée. Un jour, ce sera à vous de choisir des aumôniers locaux pour la gendarmerie… M.-A. B. : Exactement, mais pour l’instant ce n’est pas d’actualité car c’est tout nouveau. Mais j’espère que les effectifs augmenteront bientôt. Quel message souhaitez-vous faire passer ? M.-A. B. : Mon message est celui de ma religion, celui de concourir à une vie commune de paix et d’engagement pour la justice. Pour cela, nous devons en apprendre davantage sur notre religion et je suis convaincu que c’est par la laïcité, telle qu’elle existe en France, que va émerger un islam qui soit à la hauteur de sa grandeur perdue. Les musulmans de France doivent se débarrasser de ce syndrome dichotomique qui relève des cultures maghrébine et subsaharienne et qui sont loin des principes lumineux de l’islam. Ils doivent aussi se définir comme des citoyens à part entière. Une fois ce syndrome résolu, nous serons de vrais moteurs pour la société. La France est une chance pour les musulmans mais nous sommes aussi une chance pour elle. ■ Propos recueillis par Hanan Ben Rhouma

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Abcédaire

Eengagement comme

Posture qui lie l’homme à Dieu, à soi, à autrui et donc à la société dans laquelle on vit. Je pense que l’engagement permet de donner le meilleur sens à son existence.

M Musulmans LAïCs comme

Le pléonasme le plus aberrant de l’Histoire française sur la couverture de l’islam. Si on n’est pas forcément musulman lorsqu’on est laïc, on est forcément laïc lorsqu’on est musulman, puisque « aux musulmans, leur religion ; aux autres, la leur » (Coran, s. 109). Les musulmans doivent cesser d’utiliser cette expression, c’est une nouvelle stratégie de distraction émotionnelle qui les égare dans leur engagement envers la nation française.

syndrome Sdichotomique comme

État d’esprit de l’existence qui empêche de pouvoir prendre une décision assumée, à partir de l’antagonisme de deux univers de référence et de l’impossibilité à dépasser cet antagonisme. Je cite ici les antagonismes entre l’appartenance à la foi et l’engagement citoyen envers un État, une institution.

R

comme

république

Dispositif institutionnel qui permet de se rendre utile pour les citoyens. L’islam est intrinsèquement une mission de service public, car les musulmans se doivent d’être au service des autres.


SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009

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DE VOUS À NOUS Par Chams en Nour, psychanalyste

Tabous…

Vous traversez un moment difficile ? Vos réactions et celles des autres vous surprennent ? Vous avez l’impression d’être dans une impasse ? Quelle décision prendre ?… À partir du bel islam et d’une lecture appliquée du Coran, des solutions peuvent toujours être trouvées. Posez vos questions à : chamsennour@salamnews.fr

« JE SUIS CONSCIENTE que ce que j’ai à dire est délicat, c’est un tabou, mais il me semble urgent d’en parler

enfin. J’ai 29 ans. Célibataire, je travaille et je suis la risée de ma famille, car je ne correspond pas au modèle habituel de la femme au foyer qui s’occupe de ses enfants. Dans mon enfance, mon frère aîné a abusé de moi et m’a menacée de ne le dire à personne sous peine de violentes représailles. J’étouffe dans ce carcan familial, d’autant plus que je suis la seule à avoir un bon salaire ; et sans scrupules toute la famille compte sur moi. Qu’en pensez-vous ? » Wahiba

Chams en Nour. Au moins vous êtes courageuse et digne,

et, disons, sans rancune apparente. Mais si vous payez parce que vous vous sentez coupable de ce qui vous est arrivé, vous avez tort. Votre frère n’a pas su garder sa place et a abusé de vous, c’est le seul responsable. Il a contribué à vous gâcher la vie, ce n’est pas rien. Si vous étiez logique avec vous-même, vous laisseriez ce frère prendre le relais financier. Vous ne devez rien à personne. La culpabilité est le pire des poisons. Selon Abd ar-Rahmân asSulamî, qui le tient d’Abu Bakr al-Razi : « Le commencement du mal réside dans l’idée qui traverse l’esprit (al khatra), si celui qui s’y expose ne parvient pas à lui opposer la répugnance et la lutte, elle devient de l’opposition et de la résistance… » ■

JEUX

« À 35 ANS, APRÈS HUIT ANS DE MARIAGE et la naissance de nos deux enfants, ma femme Rahma vient de

m’annoncer qu’elle voulait divorcer. Je suis effondré. Elle me reproche de me plaire au chômage et de compter sur elle pour faire vivre la famille, mais est-ce de ma faute ? Je cherche un nouvel emploi depuis des mois et je n’arrive pas à trouver. Elle ne me fait plus confiance, je me sens humilié, je ne sais pas quoi faire pour obtenir une seconde chance. » Riad

Chams en Nour. Pourquoi avez-vous l’air surpris ? N’en avez-

vous pas discuté avec elle de nombreuses fois auparavant ? La question du chômage est-elle la vraie raison de son envie de s’éloigner de vous ? Quelle est votre part de responsabilité dans sa décision ? À ce stade, il est urgent de comprendre ce qui a pu dissoudre ainsi la solidarité qui aurait dû vous lier pour passer ces moments difficiles. Êtes-vous un homme de dialogue ? Avez-vous essayé de comprendre ce qui la pousse à vouloir vous quitter et renoncer ainsi à votre rôle de père à plein temps ? Son sentiment d’insécurité lui a fait perdre confiance en vous, parce que des mots, des confidences, des partages… ont manqué entre vous. Ce verset du Coran (s. 18, v. 104) peut peut-être vous éclairer : « Vous ferai-Je connaître ceux dont l’effort se perd dans la vie de ce monde alors qu’ils pensent avoir bien agi ? » Avant de lui faire un procès, faites-le d’abord à vous-même. ■

Par Huê Trinh Nguyên

Mots cachés

Mots mêlés

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S B A T E A U E

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G N I P M A C A

B A G A G E S U

N H I O C T C E A L V S L E O D

E S C A L E I L

N O I V A O I V

Mot mystère

Quand on part en vacances, on souhaite qu’il soit au rendez-vous :

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Mots-clés

le mot mystère.

1. Indonésie. – 2. Arménie. – 3. Arabie Saoudite. 4. Azerbaïdjan. – 5. Syrie. – 6. Turquie. 7. Pakistan. – 8. Tchad. – 9. Mali.

AVION BAGAGES

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BATEAU CAMPING

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DOUANE ESCALE GPS GUIDE HOTEL VACCIN VISA MOUTON NOEL

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7 9 Mot mystère

Cette ville est sainte pour les trois religions monothéistes.

Mot mystère : soleil. – Mots cachés : 1. Jakarta. – 2. Erevan. – 3. Riyad – 4. Bakou. – 5. Damas. – 6. Ankara. – 7. Islamabad. – 8. Ndjamena. – 9. Bamako. – Mot mystère : Jérusalem.

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Loisirs Quand les musulmans rient d’eux-mêmes

© D.R.

HUMOUR. La comédie islamique a le vent en poupe. À l’heure où les musulmans font l’objet de méfiance et d’incompréhension, faire table rase des clichés à travers l’humour et l’autodérision est tendance.

T

rois jeunes Français paumés dans leur religion se cherchent. En quête de savoir sur l’islam, ils se retrouvent au Maroc pour suivre des cours de « remise à niveau » et ainsi devenir de « bons musulmans ». Manque de pot, un prétendu enseignant en sciences religieuses – un escroc local à la barbe et au chapelet ostentatoires – se présente à eux pour leur donner des leçons… Welkoum à l’Islam School ! Mais, au fait, qui a bien pu dire que les musulmans ne savaient pas rire ? Après le succès engendré par la sitcom canadienne La Petite Mosquée dans la prairie, voici que la série À part ça tout va bien débarque sur nos écrans… d’ordinateur. La saison 1, intitulée « Islam School Welkoum », fera son entrée sur Saphirnews.com.

Abattre les clichés par le rire

Lancé en octobre dernier et porté par l’association Filmoude Afriqua (consacrée à la réalisation de films sur les rapports Nord-Sud), À part ça tout va bien a été créé par le réalisateur Zangro. « Notre collectif traite de la francité, ce

que c’est que d’être Français, ce qui nous divise et nous rassemble. On s’est rendu compte que l’islam est au centre de toutes les crispations au sein de notre société. Cette question s’inscrit dans la thématique de la diversité et du vivre-ensemble. On a donc décidé de mettre les pieds dans le plat », explique-t-il. Les quelques courts-métrages visibles sur le site apartcatoutvabien. com connaissent déjà un réel succès sur la Toile. Pour preuve, près de 2,5 millions de visites ont été enregistrés toutes vidéos confondues, dont plus de 1 million pour l’épisode « Les nettoyeurs ». Cette fois, le changement de décor pour la saison 1 est probant. Le tournage des épisodes inédits s’est déroulé au Maroc, à Marrakech, afin de coller au plus près à l’histoire.

Une série pour tout public

Les réactions sont majoritairement positives. Mais le réalisateur le répète : il ne s’agit pas de rire de la religion musulmane. « On ne peut pas rire de tout. Le rire qui ne fait que dénigrer ou provoquer l’autre ne fait pas avancer le débat. On ne le fait donc pas. Chaque scène a fait l’objet de débats, d’interrogations avec les comédiens. Le travail n’a pas été facile. » Pour le moment, huit épisodes, qui durent chacun trois à cinq minutes, ont été réalisés. Ils seront diffusés chaque jeudi en exclusivité sur Saphirnews.com, à raison d’un épisode par semaine, à partir du 11 juin prochain. ■ Hanan Ben Rhouma



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