2016 07 27 pme magazine cahier spécial export 0

Août 2016

SPÉCIAL

EXPORT

Les défis de l’industrie 4.0 Quelles opportunités pour les PME?

RUBRIQUE XOXOXOXOX

2

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT -

TRANSITION DIGITALE SPÉCIAL EXPORT

Industrie 4.0: de vrais défis pour les PME exportatrices La quatrième révolution industrielle va modifier en profondeur notre conception actuelle de l’export. Les PME suisses ont les meilleures cartes en main pour réussir la transition, à condition de s’y prendre à temps. L’analyse de la Switzerland Global Enterprise.

A

vec l’industrie4.0, les chaînes d e val eu r , au j ou r d ’ h u i l i n éai r es , s ’or g an i s er on t dem ai n en réseau x. Et ant don nélamu ltipl ication des éc h an g es d e d on n ées en t out g en r e et l’automatisation c roissantedes processus deproduc tion, les entreprises seront poussées àinnover et àproduireensem bledans le but d’évit er les dép erd it ion s i nut i les .

C h aq ue p r oc es s u s s er a ef fec t ué p ar l e spéc ial isteleplus apte, i ndépendam ment de la branche à laq uel le i l appar t ient , de sa t ai l le ou de la d i s t ance q u’i l y a ent re lu i et les aut res par t ic ipants du réseau de c réat ion de valeu r.

Photos: DR

S’organiser en réseaux Tel leest, en substance, laconclusion d’une étuderéaliséeàlademandedeSwitzerland Global Enterprise (S-GE, anciennement Osec). «De par leur flexibilité et leurs compétences de niche, les PME suisses ont tous les atouts en main pour être les artisans de la quatrième révolution industrielle. Elles n’ont jamais eu autant de possibilités de se développer à l’international», résume Daniel Küng, CEO de S-GE. Les incertitudes monétaires ont poussé les PME suisses à gagner encore en flexibilité et en efficacité. Elles sont donc déjà bien armées pour faire face à la quatrième révolution industrielle grâce à leur sens •

Quelles opportunités en lien avec l’industrie 4.0 pour les PME sur ces marchés?

Benny Schwartz, Senior Consultant.

Asie du Sud-Est. «Singapour est le pôle d’innovation d’Asie du Sud-Est. La Cité-Etat entend devenir la première «Smart Nation» en misant sur les économies d’énergie et la digitalisation pour réguler le trafic. Elle finance par exemple un centre de recherche sur ces questions à l’ETH. Même l’industrie locale, qui génère déjà 20% du PIB, se modernise à grands pas.»

Japon / Corée du Sud. «Le Japon se préoccupe beaucoup de la digitalisation des techniques de production dans l’industrie high-tech, car c’est là que se joue sa compétitivité. Le gouvernement encourage essentiellement la robotique.

En Corée du Sud, on entend construire 10 000 usines intelligentes d’ici à 2020.

Le concept d’industrie 4.0 est là-bas une véritable stratégie pour bâtir l’économie technologique de demain.»

Inde. «L’une des principales initiatives du gouvernement Modi a été baptisée «Digital India». Elle vise à encourager la production de technologies intelligentes, à numériser les services publics et à proposer des prestations de télémédecine.

Tous les jeunes Indiens devraient avoir accès à internet. Il est prévu d’investir plus de 70 milliards de dollars.»

Chine. «La réaction de la Chine à l’initiative allemande Industrie 4.0 s’est

traduite par un plan d’action «Made in China 2025», qui encourage la production verte, innovante et intelligente en privilégiant la qualité et internet.

L’idée maîtresse étant de moderniser toute l’industrie chinoise pour faire de la Chine une des premières économies productives.»

USA. «Les Etats-Unis sont de vrais pionniers en matière de développement technologique. De plus, ils offrent un service pertinent et innovant. Notamment en matière d’internet des objets.

Le pragmatisme plutôt que la théorie: une attitude à méditer! En 2014 déjà AT&T, Cisco, IBM, Intel et GE ont créé l’Industrial Internet Consortium, afin d’établir de nouvelles normes.»

Sabina Talovic, consultante Europe.

Allemagne / Autriche / Royaume-Uni. «L’industrie 4.0 a vu le jour en Allemagne dans le but de doper la compétitivité. On investit donc en conséquence, principalement dans l’automobile, l’électrotechnique, l’industrie chimique, les ICT, l’agriculture et l’industrie MEM. Au Royaume-Uni, qui pourtant a une longueur d’avance en matière de digitalisation, on investit massivement dans la modernisation; l’économie a donc besoin de produits de niche.»

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT - AOÛT 2016

3

SPÉCIAL EXPORT TRANSITION DIGITALE

de l’innovation, à la forte création de valeur industrielle qu’elles génèrent et au large usage qu’elles font de la technologie.

Les petites et moyennes entreprises doivent se servir de ce précieux potentiel afin de tirer le meilleur parti possible des mutations en cours.

•

à l’étranger, pour créer les bases d’un échange de données et de savoirs plus intense. Plus une entreprise se digitalise, plus pressantes se font les questions de sécurité, ou plutôt de cybersécurité, et de propriété intellectuelle.

S’ouvrir des débouchés concrets Y aller pas à pas «Si vous ne montez pas dans le coche de la quatrième révolution industrielle, vous resterez sur le carreau. Ceci est valable pour toutes les branches d’activité, pas seulement pour l’industrie et les ICT», souligne Daniel Küng. «Mais les PME peuvent y aller pas à pas. Un patron peut

«Préparez-vous à la 4e révolution industrielle, sinon vous resterez sur le carreau!» décider demain d’inscrire certains de ses collaborateurs à une formation et nommer une personne pour piloter la transition digitale de l’entreprise. On peut aussi utiliser les outils existants pour favoriser le passage au numérique, par exemple la plate-forme Export Digital mise en place par S-GE et Google.»

A plus longue échéance, il est recommandé d’apprendre à mieux connaître sa clientèle en Suisse et à l’étranger, à évaluer de nouvelles technologies et de nouveaux modèles économiques au-delà des frontières de branches et d’oser de nouvelles expériences. Enfin, les PME seraient bien avisées de remettre en question les relations qu’elles ont établies avec leurs partenaires commerciaux et leurs concurrents

La quatrième révolution industrielle avance déjà à grands pas dans de nombreux marchés-cibles importants pour les sociétés exportatrices. Indépendamment du produit ou du service, de la branche, du marché-cible et du type de partenaire (B2B ou B2C), de nouvelles opportunités commerciales vont se faire jour pour les PME

Deux entreprises primées L’Export Award donne un coup de projecteur sur les entreprises suisses ayant réussi à déployer leurs activités sur le marché international. Les lauréats de 2016.

SKY-FRAME est le spécialiste des fenêtres coulissantes sans cadre.

La société de Frauenfeld (TG) a ouvert une filiale avec showroom aux EtatsUnis en 2014. Pour la récompenser de cette entrée réussie outre-Atlantique, un jury indépendant, composé de personnalités du monde économique, académique et des médias, lui a décerné l’Export Award dans la catégorie «Step-In».

Aux Etats-Unis, les maîtres d’ouvrage les plus exigeants en termes de design et de qualité raffolent de ces baies vitrées sans cadre «made in Switzerland» qui mesurent jusqu’à 5 mètres de hauteur. Pour le marché US, il a fallu demander diverses nouvelles certifications. En Floride, par exemple, le système Sky-Frame résiste aux cyclones.

Sky-Frame a réalisé cinq projets en l’es-

Edouard Bolleter: enquêtes Stéphanie Liphardt: photographe, graphiste

Ce supplément est distribué gratuitement avec le PME Magazine d’août 2016

Daniel Gérardin: direction visuelle, traitement photo Correction: Samira Payot (www.lepetitcorrecteur.com), Jacqueline Di Mauro Traduction: Gian Pozzy PME Magazine

4

Thierry Vial: rédacteur en chef

Pont-Bessières 3, C.P. 7130, 1002 Lausanne

Elisabeth Kim: cheffe d’édition

Tél. +41 (0) 21 331 74 00, infopme@pme.ch

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT - AOÛT 2016

suisses qui auront su transformer leur modèle d’affaires ainsi que leurs produits.

Des perspectives bien réelles en lien avec l’industrie 4.0 s’ouvriront ces prochaines années pour les entreprises technologiques des secteurs MEM et ICT. Selon une étude de PwC, l’Allemagne va investir 40 milliards d’euros ces prochaines années dans des applications industrie 4.0. Quant aux pays précurseurs comme les EtatsUnis et les marchés orientés high-tech comme le Japon, la Corée du Sud et Singapour, ils misent eux aussi sur la digitalisation de leur industrie. Les PME suisses, auréolées de leur excellente réputation, ont tout pour réussir. 

pace d’un an et demi, générant ainsi un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de milliers de dollars.

ZÜGER FRISCHKÄSE, de son côté, a été primée dans la catégorie «Success». Son succès à l’export ne date pas d’hier. La société saint-galloise livre en effet le commerce spécialisé allemand de produits bio sans lactose depuis 2008: mozzarella, fromage frais, séré, mascarpone, fromage en saumure et beurre. Sa marque de fabrique – la bande verte marquée du sceau «sans lactose» – s’est imposée comme un gage de qualité et de sécurité pour tous les consommateurs exigeants.

La société, cinquième entreprise laitière de Suisse, réalise aujourd’hui 40% de son chiffre d’affaires à l’étranger, soit 60 millions de francs. Elle enregistre des taux de croissance à deux chiffres.

Senior Account Manager/Product Manager: Admeira, Kreuzstrasse 26, 8008 Zurich Tél. +41 (0) 58 909 94 74; Fax +41 (0) 58 909 99 23; claudia.koepfli@admeira.ch Publicité pour la Suisse romande: Sabrina Barretto, Admeira, CP 7289, Pont Bessières 3, 1002 Lausanne Tél. +41 (0) 58 909 95 33 sabrina.barretto@admeira.ch

Ventes pour la Suisse romande/ Directeur commercial Presse media Economique et Grand Public: Servais Micolot, Tél. +41 (0) 58 909 95 30 servais.micolot@admeira.ch Maison d’édition: Ringier Axel Springer Suisse SA, Postfach, 8021 Zurich Couverture: iStockphoto Impression: Swissprinters SA, Zofingen

Impact de l’industrie 4.0 sur l’internationalisation L’industrie 4.0 révolutionne la chaîne de valeur globale et la façon dont les PME coopèrent par-delà les frontières pour livrer leurs clients. Voici quelques exemples.

INDUSTRIE 4.0

IMPACT SUR L’ENTREPRISE

INTÉGRATION HORIZONTALE

INTÉGRATION VERTICALE

De nouveaux modèles d’affaires et de coopération voient le jour via l’intégration des processus des partenaires commerciaux et clients à travers les pays et continents.

La mise en réseau de procédés de fabrication intelligents permet d’individualiser la production et d’en assurer la qualité technique à tous les stades de la chaîne de valeur.

Finance / Fiscalité / Juridique

Production

Distribution

Stratégie & planification IT IMPACT SUR LE COMMERCE INTERNATIONAL

Recherche-développement

Approvisionnement et achats

Marketing

RH

Supply Chain Management

Coopérations et partenariats

Plus les entreprises sont interconnectées et la chaîne de valeur mondialisée, plus les processus administratifs et juridiques deviennent complexes et vulnérables dans l’entreprise.

Il devient possible d’innover et de produire en réseau avec d’autres entreprises et d’adapter la fabrication au plus près des besoins du client.

L’échange de données permet de livrer automatiquement les clients finaux.

L’e-commerce prend une importance croissante entre entreprises.

Flexibiliser et accélérer les processus de production permet de produire en masse à bon prix des produits individualisés.

Ai-je bien respecté les normes et la réglementation en vigueur?

Comment intégrer mes clients et partenaires à ma production pour l’optimiser?

Quelles sont les exigences posées par les clients dans le marché-cible?

A quoi dois-je être spécialement attentif en matière de propriété intellectuelle et de cybersécurité?

Quels sont les aspects culturels ou technologiques à prendre en compte?

Dans quels pays le potentiel de digitalisation est-il le plus important en termes de distribution?

De quelle manière une production en réseau plus intense impacte-t-elle le calcul des droits de douane?

Comment obtenir des informations sur mes clients finaux quel que soit mon partenaire de distribution?

Stratégie à l’export et entrée sur le marché

Puis-je organiser et automatiser la distribution sans passer par un intermédiaire?

Comment puis-je adapter ma production à ces exigences?

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT - AOÛT 2016

5

SPÉCIAL EXPORT ANALYSE

Les PME en mode «mutation»

d’internationalisation?

Pénétrer un nouveau marché est toujours un grand défi, surtout pour les entreprises plus modestes. Les grandes entreprises disposent souvent de structures adaptées et ont parfois même déjà des partenaires avec lesquels elles peuvent s’introduire dans un marché.

A l’inverse, une petite PME doit partir de zéro. Se lancer dans un marché est compliqué. Heureusement, il y a Switzerland Global Enterprise. Nous sommes là pour transmettre aux entreprises des informations sur les pays visés, pour les conseiller, les accompagner et les aider à rechercher des partenaires dans les nouveaux marchés. Nous restons à leurs côtés jusqu’à ce qu’elles soient bien positionnées.

Les entreprises exportatrices se sont lancées sur de nouveaux marchés afin de sortir du piège de l’euro. Prochain défi: la mutation numérique. Le point avec Sylvain Jaccard, directeur de Switzerland Global Enterprise pour la Suisse romande. Par Denise Weisflog

Certaines PME sont-elles toujours en état de choc après la levée du cours plancher avec l’euro en janvier 2015?

C’est tout l’inverse. Nous avons été à chaque fois surpris de voir à quelle vitesse et à quel niveau les PME ont réagi à cette levée.

Un exemple: nous réalisons des questionnaires trimestriels et annuels. Début 2015, nous constations que près de 20% des PME exportatrices sondées envisageaient de rejoindre de nouveaux marchés lucratifs.

A la fin de cette même année, elles étaient déjà plus de 40% à s’intéresser à de nouveaux marchés.

Mais à court terme, nos exportations dans la zone euro ont chuté de 6,7% en 2015. Une fois la correction des prix réalisée, le recul affichait une valeur beaucoup moins dramatique, avec -0,7% sur toutes les exportations. Et c’est là que se situe tout le problème actuel: les Suisses ont dû baisser leurs prix pour continuer à vendre

8

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT - AOÛT 2016

à l’étranger, surtout dans la zone euro. La vraie mauvaise nouvelle, c’est donc la réduction drastique des marges, car sans marges, les PME ne peuvent plus investir, ce qui signifie de nouveau qu’elles n’innoveront plus à l’avenir. C’est cette spirale qui m’inquiète. Nous devons aider les

«Nous devons aider les PME à améliorer leurs marges tout en restant compétitives sur le long terme.» entreprises à améliorer leurs marges tout en restant compétitives sur le long terme.

Comment comptez-vous réaliser cela?

En tant que conseiller sur l’internationalisation, notre mission est de montrer aux PME les marchés non dépendants de l’eu-

ro sur lesquels elles pourraient se lancer afin de diversifier leurs débouchés. Nous avons fait des efforts énormes pour assister les entreprises dans ce sens. Et ces efforts ont porté leurs fruits. Nombreuses sont celles qui ont abordé avec nous de nouveaux marchés et qui sont moins exposées au risque lié à la zone euro.

Quelles sont les autres mesures?

Switzerland Global Enterprise a initié un programme il y a trois ans dont le but est de rendre les différents accords de libreéchange plus accessibles aux PME. Nous avons analysé chacun des accords et examiné les branches dans lesquelles ils peuvent être utilisés de manière optimale.

Nous sensibilisons les entreprises à la manière dont elles peuvent économiser des frais de douane et rendre leurs produits moins chers sur les marchés-cibles, en utilisant davantage ces accords. Ce processus est possible grâce à des campagnes et à des séminaires d’information.

Espérons que le creux de la vague sera bientôt passé. Pour l’heure, quel est le prochain défi à relever?

En 2016, Switzerland Global Enterprise fait de la transformation numérique son cheval de bataille. Il faut dire clairement aux PME ce qu’elles doivent faire et quelles sont les premières étapes à initier, comme mandater un collaborateur pour prendre en charge cette thématique au sein de l’entreprise. Ou encore commencer dès aujourd’hui la digitalisation de l’export avec le marketing en ligne à l’étranger.

Dans ce domaine, nous souhaitons offrir à nos partenaires un conseil de type

Iran. La Suisse est bien positionnée sur ce nouveau marché au fort potentiel, raison pour laquelle la S-GE a engagé un conseiller à Lausanne pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Iran.

«hands on». C’est ce que nous ferons lors de notre événement «Exporter Demain!

2016», le rendez-vous export des entreprises romandes.

L’année dernière a-t-elle aussi permis de voir des lueurs d’espoir?

L’ouverture en Iran en a été une. La Suisse y est en outre bien positionnée, le potentiel de ce marché est très important. C’est là une lueur d’espoir dans un horizon très assombri. C’est aussi ce qui nous a poussés à recruter un nouveau conseiller pour notre bureau de Lausanne, qui se chargera spécifiquement de l’Afrique, du MoyenOrient et de l’Iran.

Une PME qui ne se focaliserait que sur l’Europe est-elle condamnée?

Je ne dirais pas cela. Cela dépend toujours des produits proposés, des niches exploitées. Ainsi, certaines entreprises marchent très bien avec la France et l’Italie comme seuls clients.

Photos: DR

Vous semblez confiant, malgré les crises qui ont marqué 2015 et 2016…

Toute menace recèle en soi une opportunité. 2015 a été une année difficile pour notre économie. Une forte pression s’est exercée sur les marges des entreprises en raison du franc fort. Et le Brexit n’arrange pas les choses. Toutes ces conditions ont poussé les entreprises à définir clairement leur positionnement sur le long terme.

Elles ont ainsi été obligées d’accroître leur productivité et de se lancer sur de nouveaux marchés afin de sortir du piège de l’euro. Ces évolutions porteront leurs fruits à coup sûr à moyen et long terme, car elles contribuent à renforcer la compétitivité de la Suisse dans son ensemble.

Et qu’en est-il de la Chine?

La Chine souffre actuellement d’un creux au niveau conjoncturel et doit résoudre un

certain nombre de problèmes, comme tout pays qui connaît une croissance aussi rapide. Mais n’en doutons pas, la Chine reste un des piliers de l’économie mondiale.

D’une manière générale, l’Asie va devenir à court et moyen terme une région très importante grâce à sa nouvelle classe moyenne et au déplacement à l’est de la consommation.

Quels sont les secteurs possédant le plus grand potentiel en Asie?

On parle à l’heure actuelle de 2,5 milliards de consommateurs appartenant à la classe moyenne dans le monde. Dans quinze ans, ils seront 5 milliards, la plupart se situant en Asie. Un déplacement considérable de la consommation a lieu actuellement.

Aujourd’hui, près de deux tiers des dépenses de consommation sont réalisés en Amérique du Nord et en Europe. Dans quinze ans, ils seront réalisés en Asie. Ce glissement se fera en faveur de toutes les branches d’exportation suisses, car plus on consomme, plus on a besoin également d’infrastructures.

Où sont les embûches dans le processus

Quelles sont les perspectives d’avenir des PME exportatrices suisses?

La transformation numérique est source d’un potentiel énorme et les entreprises suisses se trouvent déjà en mode «mutation» en raison des constantes adaptations relatives au franc fort. Il est donc plus aisé pour elles de se lancer avec succès dans le prochain défi de la numérisation. Je considère cela comme un avantage de poids.

En outre, les spécialistes suisses sont très bien formés, la Suisse possède des standards technologiques très élevés, nous sommes connectés à l’international, nos PME sont très bien structurées. En matière de numérisation, nous occupons à coup sûr la pole position.

Votre souhait personnel pour l’avenir?

Que la Suisse poursuive la diversification de ses relations commerciales internationales, ce qui permettrait de réduire la dépendance à l’exportation dans l’espace européen. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il faut tirer un trait sur l’UE, mais simplement intégrer des marchés supplémentaires dans le portefeuille.

En second lieu, je souhaite une clarification la plus rapide possible des facteurs d’incertitude qui règnent sur l’économie suisse, afin que nous sachions clairement où nous allons. Je me réjouis enfin à l’idée des nombreuses solutions intéressantes que développeront nos PME afin de numé riser leurs affaires à l’international.

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT - AOÛT 2016

9

SPÉCIAL EXPORT SANTÉ

«La médecine va devenir toujours plus personnalisée»

sion humaine de leur métier pourrait donc être revalorisée.

Le business model du système de santé pourrait donc être bouleversé?

Oui, en partie. D’autant qu’il y a une autre dimension qui prend de l’importance.

Autrefois, la santé était une notion statique. On était en bonne santé lorsqu’on n’était pas malade. Aujourd’hui, la santé est devenue une conquête. Les gens font des efforts pour être et rester en bonne santé. Vous faites attention à ce que vous mangez, vous faites du sport, vous essayez de préserver l’environnement.

Vous vous surveillez et vous vous monitorez grâce à des innovations technologiques qui ne sont pas encore des instruments de santé agréés, mais qui vont le devenir rapidement. Ils permettront alors un contrôle fiable de la tension, du rythme cardiaque, de l’effort physique, etc.

Quel sera mon business demain? A l’occasion d’«Exporter Demain!», qui aura lieu le 16 septembre, Thierry Mauvernay, coprésident et administrateur-délégué de Debiopharm Group, explique pourquoi la digitalisation sera un des défis majeurs du système de la santé.

Quels sont concrètement les changements apportés par la révolution digitale au secteur de la santé?

L a digitalisation va démocratiser et déplacer l’accès aux connaissances, ainsi que le savoir médical. Même la pharma qui, jusqu’ici, pouvait compter sur son expérience et ses connaissances de la maladie, pourrait perdre sa prédominance dans le domaine médical.

Et pour le développement de médicaments?

Le patient va exiger des traitements disponibles rapidement et non pas après plus d’une douzaine d’années de recherche.

Toutes les données traitées par le Big data vont nous permettre de réduire le temps de développement des médicaments et nous contraindre à réfléchir et à travailler différemment.

A l’avenir, ne serait-ce pas plutôt un Google ou un IBM qui connaîtront le mieux la maladie après avoir collecté et analysé les données génétiques de millions de personnes?

On pourrait imaginer que, dans certains cas, les pharmas ne deviennent plus que des providers qui fournissent un médicament agissant contre telle ou telle mutation génétique à la demande des géants du Big data.

10

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT - AOÛT 2016

Thierry Mauvernay. «C’est le challenge qui, souvent, ouvre vers le changement.»

Photo: B. Murer / economiesuisse

Les médecins seront-ils impactés?

Actuellement, les médecins consacrent en général 60 à 70% du temps d’une consultation à établir des diagnostics. Si, grâce à l’analyse des données biologiques, une machine pouvait poser un diagnostic fiable, cela modifierait en partie le rôle des médecins auprès des patients.

Tels des coachs de santé, certains d’entre eux pourraient prendre en charge plus le malade que la maladie. La dimen-

Comment la Suisse prépare-t-elle ces changements?

La Suisse a une excellente infrastructure académique. Elle a un esprit d’ouverture.

Elle est globalisée. Par contre, le pays, à mon avis, est peu enclin à prendre des risques. On a du mal à sortir de notre zone de confort. On se challenge peu.

J’ai demandé à nos directeurs, et je l’ai inscrit dans leur description de poste, de me challenger. C’est le challenge qui, souvent, ouvre vers le changement.

Que prévoyez-vous dans un futur plus lointain?

Nous avons commencé à investir dans le diagnostic. La médecine va devenir toujours plus personnalisée: nous ferons aussi beaucoup de monitoring et de suivi de traitements. C’est cette vision du «pen-

ser demain» que nous tentons d’inclure à l’intérieur de l’entreprise.

Par exemple, nous organisons des DEB Talks, sur le modèle des TED Talks durant lesquels nous invitons les collaborateurs à découvrir et à intégrer la culture digitale autour d’un intervenant externe, spécialisé dans ces domaines d’avant-garde.

Nous avons également créé des applications sur smartphone pour nous aider à mieux développer nos produits. Nous essayons d’imaginer les essais cliniques de nouvelles générations.

Aujourd’hui, parvenez-vous à conserver l’esprit start-up malgré votre taille?

Je l’espère! D’abord, nous essayons d’avoir une hiérarchie très plate pour pouvoir prendre des décisions rapides, c’est la

«Autrefois, la santé était une notion statique.

Aujourd’hui, les gens font des efforts pour rester en bonne santé.» force d’une start-up. Nous cherchons à rester très ouverts. Nous avons en interne une trentaine de nationalités, des personnes d’horizons différents.

Et nous essayons toujours de nous projeter, pas uniquement à demain, mais à après-demain. Si nous cultivons cette dynamique de start-up, nous conservons, en revanche, des processus de sociétés matures.

On parle aussi beaucoup de la crainte des métiers qui changent ou qui vont disparaître. Imaginez-vous une médecine sans médecins?

Les médecins ne vont pas disparaître, heureusement. Mais, pour certains, leur rôle va probablement évoluer. Puisqu’ils disposeront d’un diagnostic plus rapidement, les médecins auront davantage de temps pour établir un vrai dialogue, un

suivi, un coaching du patient. Ils pourront parler plus longuement du traitement, des effets indésirables, des précautions à prendre. Cela renforcera la relation humaine et émotionnelle avec les malades, ce qui est primordial.

C’est d’autant plus vrai dans les pays occidentaux. Dans les pays en voie de développement, c’est différent, vous n’allez pas voir le médecin quand vous voulez, mais quand vous pouvez. Car en Inde, par exemple, il y a à peu près 8 fois moins de médecins par habitant qu’en Suisse.

Le meilleur apport de la médecine dans ces pays viendra des appareils de diagnostic, qui pourront suppléer au manque de personnel médical. Ce sera, en effet, une sorte de médecine sans médecin, expression du grand chirurgien français Guy Vallancien.

Pour une PME qui n’aurait pas encore eu cette réflexion, par quoi commenceriez-vous?

La première question à se poser est «comment optimiser mes coûts de fabrication?»

Il faut améliorer sans cesse notre productivité tant à cause de la pression sur les prix que de la revalorisation du franc suisse par rapport aux autres monnaies.

L’industrie 4.0 avec la robotique et la digitalisation peut nous y aider grandement. C’est la première étape. Je pense qu’une majorité des entreprises ont déjà eu cette réflexion. Les prochaines questions à se poser: quel sera mon business model demain? Qui seront les nouveaux entrants? Où sera la valeur ajoutée?

Devons-nous faire évoluer le contenu des services offerts?

Par exemple, en ce qui nous concerne, nous développons et fabriquons des médicaments. Nous devons aller au-delà de la vente de médicaments en direction du traitement complet. Le patient ne veut pas acheter des comprimés. Il veut retrouver la santé. Pour nous, cela signifie se demander comment l’accompagner? Ce n’est plus la maladie, mais le patient qui est au centre de nos préoccupations. En tant que PME, je me dirais: si je perds une partie de mon contenu, comment je peux retrouver, rajouter du contenu pour garder mon rôle? Et pour cela, il ne faut pas avoir peur de sortir de sa zone de confort. 

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT - AOÛT 2016

11

RUBRIQUE XOXOXOXOX

6

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT -

PME MAGAZINE - SUPPLÉMENT -

7

Xxxxxx 2016

Titre xxx xxx xxxxxx xxxxx

titre titre titre titre titre titre titre titre titre