JE ùE SIUIS BIEN AMUSE

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– Monsieur Seydoux, vous êtes un sage ! – De quoi s’agit-il ? – Approchez-vous, plus près. Et dans un murmure quasi inaudible : – Pensez-vous qu’il faille changer les pneus de la voiture ? … J’étais le banquier à l’ancienne, le confident à qui l’on parlait volontiers de mésententes conjugales, d’enfants handicapés, de règles douloureuses, de poussées de lait intempestives, de crampes, d’absences d’orgasmes… « Vous avez bien fait de me déranger, Madame Cibié. L’affaire est effectivement très grave. Je vais faire le tour de la voiture pour voir ce qu’il en est. » Et me voilà, retroussant mon pantalon, à genoux devant chaque pneu, pour en ausculter consciencieusement la gomme. Je retourne vers la portière : – Alors ?? dit Madame Cibié comme si elle s’adressait à un médecin au chevet de son mari mourant. – Ça pourra tenir encore un an. – Ah, Monsieur Seydoux, je vous aime ! Fier de la tâche accomplie, je partis aussitôt retrouver la cliente délaissée. Le lendemain, je vis affluer dans mes caisses cinq cent millions de francs depuis le Crédit Foncier de Monaco. Les secrets du métier… Le tout-Monaco défilait à longueur de journée dans mon bureau pour ouvrir un compte « chez Seydoux ». J’étais « l’ami » du Prince et cela pouvait servir. J’avais parfois honte de cette sollicitude intempestive, mais bien plus et surtout… de moi. « Monsieur Seydoux, pardonnez-moi je suis très en retard, c’est à cause de la circulation. » C’était une cliente tellement fortunée que je ne pouvais que m’écraser… – Ne vous inquiétez pas, Angelina, vous êtes excusée. Mais ce n’est pas gentil d’être en retard car l’archiduc Orloff attend depuis un moment déjà.

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