Actuel24

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Actuel  n o 24

l’estampe contemporaine

Actuel

Actuel est une émanation du groupe Facebook « Parlons Gravure »

Comité de sélection : Sabine Delahaut Jean-Michel Uyttersprot Catho Hensmans

Comité de rédaction : Sabine Delahaut Pascale De Nève Richard Noyce Christine Pinto Jean-Michel Uyttersprot Mise en page : Jean-Michel Uyttersprot Pierre Guérin Relecture : Annie Latrille

Olesya Dzhuraevar pour l’estampe en couverture et pour le tirage de tête de ce numéro

Sauf indication particulière, les visuels appartiennent aux auteurs.

Les légendes des images sont à lire de gauche à droite et de haut en bas, les mesures sont celles de la surface imprimée, hauteur par largeur, sauf indications contraires

Pour toutes informations : magazine.actuel@gmail.com www.actueldelestampe.com Éditeur responsable : K1L éditions.

(4) Olesya Dzhuraeva (16) Annabel Schenck 22) Michèle Corbisier (28) Vincent Gagliardi (34) Antoine-Toussaint Casanova (41) François Gousset la Douceur (47) Camille Truyffaut (51) Nicole d’Herbais de Thun (61) Vincent Tavernier

Prix de vente : 20 € N’° ISSN : 0774-6008 EAN : 9
no 24 l’estampe contemporaine

J’écris cet éditorial alors que le printemps éclate dans toute l’Europe, même dans les endroits touchés par les conflits. Nous semblons parfois oublier le cycle des saisons, surtout si nous vivons en ville. C’est regrettable, car c’est l’un des facteurs les plus importants qui se trouvent au fond de notre ADN et de nos souvenirs, une pulsation qui marque la durée de notre vie. Il est toujours dangereux de comparer la vie que nous menons aujourd’hui avec celle d’autrefois, quel que soit le moment que nous choisissons pour situer le passé. Mais la vie était différente à l’époque, surtout pour ceux qui vivaient en dehors des villes, au fin fond de la campagne, où le passage du temps et des saisons était beaucoup plus apparent. À la fin des années 1960, qui semblent parfois être un «âge d’or», des groupes de personnes, jeunes pour la plupart, ont quitté les villes pour fonder des communautés à la campagne, afin de compter sur leurs propres ressources pour créer une vie plus naturelle. Cette vie incluait généralement un travail créatif, la pratique de la musique (on appelait cela «se réunir à la campagne») ou d’autres arts et métiers. Une chose qui a émergé de cette époque est l’expansion de la sérigraphie, utilisée pour la réalisation d’affiches pour les groupes et leurs concerts, ou pour des mouvements de protestation, ou simplement pour célébrer la vie. Bien des années plus tard, on peut encore trouver des traces de ces communautés dans des régions plus éloignées. Par exemple, une petite ville du Pays de Galles, Machynlleth, compte parmi ses hauts lieux historiques le premier Parlement gallois au 15e siècle, le premier magasin Laura Ashley et l’endroit où a été écrite la célèbre chanson de Led Zeppelin «Stairway to Heaven».

Pendant ce temps, au fil des saisons, les graveurs continuent de travailler leur art, en utilisant des techniques traditionnelles ou en explorant de nouvelles approches techniques pour réaliser leurs visions. Où qu’ils travaillent, dans des villes ou des villages ruraux, dans de grands ateliers ou dans leurs propres studios, l’élan est le même : donner une réalité visuelle à leurs observations ou à leurs rêves du monde afin de les partager avec d’autres. Cette édition d’Actuel, comme toutes celles qui l’ont précédée, est un moyen de faire cela, de partager le défi et l’excitation de faire quelque chose de nouveau.

Tout comme nous perdons parfois le contact avec le cycle des saisons, nous perdons parfois le contact avec le monde d’où émerge la gravure. Ce nouveau numéro de la revue offre un kaléidoscope d’images et d’idées, dont certaines proviennent d’un monde très différent, celui d’un pays déchiré par la guerre. Les artistes, car c’est ce que sont les graveurs, trouveront toujours des moyens d’exprimer ce qu’ils rencontrent dans leur vie. C’est pourquoi nous devons défendre, par tous les moyens, le droit à la liberté et à l’expression. Mai 2022

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Olesya Dzhurayeva, artiste ukrainienne

LE BORD DUR

Dans le passé, Olesya Dzhuraeva vivait avec sa famille dans un appartement du centre de Kiev, travaillant la plupart du temps dans son studio voisin. C’était un lieu de paix où elle pouvait penser et travailler dans la solitude sur ses linogravures complexes et très admirées. Elle a été inspirée par des images vues en un instant dans les lieux qu’elle a visités, puis a travaillé en silence pendant des semaines, des mois. En travaillant, elle a maîtrisé les défis techniques de la linogravure, et son travail montre cette maîtrise.

Mais tout à coup, tout fut différent. L’Ukraine a été envahie par l’est et sa vie a complètement changé. Kiev est devenue un endroit risqué où séjourner et donc, à court préavis, elle et sa famille ont emballé l’essentiel avant de se rendre dans un village isolé à l’ouest de la ville pour se réfugier dans la maison qui avait appartenu à son grand-père et qui est maintenant la maison d’été de la famille. C’est une maison simple, elle ne dispose d’aucun des matériaux ou équipements qui soutiennent sa pratique habituelle. Mais la famille s’y sent plus en sécurité.

S’adapter à un mode de vie totalement différent n’a pas été facile, écouter les nouvelles diffusées chaque jour alors que la violence et l’horreur secouent son pays et la vie de ses habitants. Mais Olesya est une artiste, et en tant qu’artiste, elle a besoin de travailler, pour trouver un moyen de s’exprimer et la vie soudainement modifiée qu’elle est forcée de vivre, sans savoir quand un retour aux jours les plus calmes peut devenir possible.

Le 15 mars, trois semaines après le début de l’invasion, elle a réalisé sa première gravure sur bois, sans outils, sans encre ni bloc préparé. Avec rien de plus qu’un morceau de bois grossièrement coupé, un outil émoussé et une « encre » faite d’eau et du sol noir de la terre, elle a découpé dans le bois et, à l’aide du dos d’une cuillère, a transféré l’image encrée sur du papier A4 ordinaire. Elle a réalisé une édition de 10 tirages, chacun unique.

Elle écrit : « Je suis dévastée. Les jours passent et chaque matin en me réveillant, je comprends que la guerre continue. La nouvelle me plonge dans l’apathie pour tout. Je n’arrive pas à croire que nous vivions comme ça depuis 21 jours. Je ne peux pas dessiner, parce que mon art est une question de contemplation, de lumière, de la routine dont vous pouvez profiter. Maintenant, ce n’est pas possible. Je suis privé de mes outils habituels, de mon lieu de travail, de ma maison.

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Olesya Dzhurayeva

est une jeune artiste ukrainienne.

Elle est née en 1982 à Douchanbé, au Tadjikistan.

En 1989, elle s’installe en Ukraine.

Olesya est diplômée de l’Institut d’État de Kiev des arts décoratifs et appliqués et du design Mykhailo Boychuk, Faculté de design graphique.

Elle est membre de l’Union nationale des artistes d’Ukraine.

Couverture : Spring day in Berlin, 2019, linocut, 50,5 × 77,5 cm (extrait)

Page 4 : Process Window of Hope, 2022

Page 6 : Take your time, 2020, linocut, 28,5 × 20cm

Page 7 : Day by Day, 2020, linocut, 19 × 26 cm, imprimmée par Hendrik Liersch, Berlin.

Pages 8 et 9 : Somewhere in Paris, 2020, linocut, 50,5 × 77,5cm

Pages 10 et 11 : Her ordinary day, 2019, linocut, 27,6 × 40 cm

Pages 12 et 13 : Nordic light Stockholm, 2020, linocut, 50,5 × 77,5 cm

Page 14 : I will remember, 2020, linocut, 18 × 18 cm

Pages15: City Rainy evening, 2020, linocut, 18x18 cm

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L’atelier d’Olesya Dzhuraeva à Kiev se trouve à dix minutes à pied du Maidan. Dans une rue latérale un peu plus calme, sur l’une des grandes artères de Kiev où la circulation automobile ne s’arrête presque que quelques heures dans la nuit. De plain-pied, dans une maison datant de l’Union soviétique des années 50 ou 60. Une pièce sert de bureau. C’est là que son assistant Sascha l’aide à répondre aux demandes et à communiquer, et qu’il expédie les linogravures vendues. Les œuvres encadrées et emballées pour les expositions y sont également rangées. Dans cette pièce se trouvent aussi tous les catalogues d’expositions collectives et individuelles avec des illustrations ou des mentions — ainsi que des livres d’artistes, des dossiers de gravures ou des revues d’artistes de ou avec Olesya. Dans une pièce plus grande, Olesya découpe ses planches, reçoit des invités. Sa bibliothèque de travail s’y trouve, ainsi qu’un banc en bois. Deux autres pièces, équipées chacune d’une presse, servent à l’impression ; dans la plus grande d’entre elles, de nombreuses armoires graphiques permettent de ranger les impressions. On y trouve également des travaux personnels de grand format. Dans la plus petite pièce sont accrochés des travaux d’artistes amis

Lorsque l’on entre dans l’atelier avec elle, la musique est d’abord mise en marche, puis la lumière est allumée. Dans le bureau, on fait chauffer le café. Les pièces reflètent également ses voyages pour ses propres expositions ou ses vacances. Des rouleaux encreurs anglais pour encrer les bâtons de linoléum pour l’impression, différents couteaux de linoléum allemands, suédois et autres. Le linoléum lui-même a été récupéré en grande quantité dans des immeubles de démolition à Kiev. Il n’a pas de couche de tissu, est plus fin, moyennement dur et également généralement brun. Pour son livre dans la Corvinus Presse « Landen » avec des poèmes de Simone Katrin Paul, j’ai imprimé fin 2017/ début 2018 de nombreuses linogravures d’elle, également pour un numéro de la revue d’artistes Body & Soul pour la couverture. Elles se prêtent bien à l’impression. Dans ce contexte, sa première exposition individuelle à Berlin a eu lieu en mai et juin 2018 à la galerie Wetterney dans la Rigaer Straße. L’une des œuvres graphiques du livre, la linogravure « Après la pluie », a été exposée à New York pendant trois mois début 2018, après que le jury eut sélectionné 53 travaux parmi les 1313 envoyés. Comme elle pense et travaille à l’échelle internationale, les graphiques portent, outre la signature, l’année et le numéro, des titres en anglais.

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Mais avant d’en arriver là, il faut du temps, beaucoup de temps. Des petits formats : semaines ; grands formats : (environ 70/120 cm) mois. Pour notre prochain livre, j’ai pu voir de nombreuses impressions d’état lors de ma visite à Kiev début septembre. Deux graphiques double page sont maintenant prêts et l’auteure géorgienne Nato Ingorokva attend également avec impatience 2020. Imprimer, découper, découper pour imprimer… Olesya imprime d’habitude exclusivement elle-même les petits tirages de ses planches finies, et ce avec une très bonne qualité. La seule chose qui lui manque, c’est un chariot de séchage ; nous devons trouver un moyen de le faire venir de Berlin à Kiev.

Ce n’est que depuis 2002 qu’elle se consacre principalement à la linogravure, en plus de la gravure. Au début, il s’agissait de natures mortes à côté de vues de la ville en petit format et de détails de son environnement.

Au fil des années, les formats sont devenus plus grands et elle compose ses paysages urbains idéaux actuels à partir de nombreux éléments de mémoire. Pour ce faire, elle se promenait constamment dans Berlin en prenant des photos lorsqu’elle était ici pour son exposition. À Kiev, c’est le regard photographique de ses trajets quotidiens. J’ai vu moi-même de nombreux détails à Kiev, comme un centre commercial ufologique inachevé et le gros œuvre d’un immeuble d’habitation qu’elle voit depuis la fenêtre de la cuisine de son appartement. De tels projets abandonnés sont devenus des constructions en ruines, quelle qu’en soit la raison. Lors de ma première visite à Kiev, les grandes artères de circulation, avec les feux de signalisation suspendus, l’énorme trafic automobile et de nombreux autres détails de son travail m’ont donné l’impression de connaître la ville, j’ai vu à plusieurs reprises des éléments de construction de ses linogravures. Il y a maintenant une linogravure grand format d’elle à la station de métro Warschauer Brücke, à Berlin. Chaque jour, je passe à cet endroit du S-Bahn pour me rendre à l’imprimerie de Kreuzberg.

Sur la linogravure, on voit, à côté de cyclistes et de nombreux piétons, son mari et moi plongés dans une conversation, marchant de dos vers le métro. Même le graffiti sur la corbeille à papier correspond. Depuis quelque temps, elle travaille à un cycle de peintures de nuages grand format. Ceux-ci se mêlent ensuite à ses expositions, comme au début de l’année à Stockholm ou au milieu de l’année dans un musée de Kiev.

Ou encore dans des expositions de groupe en 2019 au Portugal, au Québec, à Barcelone, à Kaunas, à Crémone, à Sofia (sélection). Je ne mentionnerai ici que la grande exposition New Ukraine/The best of Art in Japan, qui a présenté un large aperçu des artistes ukrainiens contemporains. Une exposition est prévue à Leipzig à l’automne 2020. Dans ce contexte, nous présenterons également notre deuxième livre d’artiste commun à Berlin. Mais avant cela, il y aura la prochaine exposition d’Olesya Dzhuraeva à Kiev en novembre, et le célèbre peintre ukrainien Matvei Vaisberg prendra la parole lors du vernissage.

Hendrik Liersch Octobre 2019

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Annabel Schenck

Après moi le déluge

Après moi le déluge est le nom d’une exposition qui a comme point de départ le projet d’investir une des voûtes de la façade sud des Docks de Marseille, en face du centre commercial des Terrasses du Port, avec une œuvre sur papier, à l’invitation de la galerie Zemma (réseau PAC, Marseille)*. l’astérique ne renvoie vers rien Les Docks ayant rejeté le projet, l’image fut collée sur une façade murée de la commerçante rue de la République, lieu de très fort passage de population attirée par les hauts lieux de la consommation du quartier de la Joliette, créant ainsi une ouverture fictive sur la palissade d’un immeuble de la –aujourd’hui – commerçante rue de la République. Simultanément, la même gravure apposée sur les murs des Docks fait l’objet d’un second tirage qui est symétriquement présenté à la galerie Zemma dans le cadre de l’exposition personnelle d’un corpus d’œuvres d’Annabel Schenck, Après moi le déluge, qui abordent la question de l’Anthropocène et de l’effondrement.

Elle entend interpeller par son travail d’artiste l’inertie destructrice de nos sociétés soumises au productivisme et l’exploitation sans limites de l’environnement et des ressources. Son médium, la gravure, exprime ce travail du négatif dans une forme de fragilité de l’œuvre gravée sur papier et par une véritable mise en espace de sa problématique sociétale. Ces deux installations, l’une située dans la plus grande salle d’exposition de la galerie et l’autre installée au milieu des flots urbains dans la matinée du 9 décembre à l’angle de la rue de la République et du boulevard des Dames, forment une sorte d’ancrage de son geste.

Ce tirage exposé à la galerie devient alors l’œuvre- témoin de cette installation toujours en place – car la Mairie de Marseille n’a pas souhaité la retirer – mais vouée à disparaître au cours de l’hiver 2022 à la Joliette. Annabel Schenck situe son œuvre à la fois sur le seuil de cette porte occultée et sur celui d’une ouverture potentielle de cette porte en lisière de la voie publique vers des dimensions poétiques et politiques.

Le choix de l’artiste de ce lieu de l’espace public fait réapparaître cette porte condamnée au sein de ses grands espaces de consommation, en figure inédite de création et de déconstruction.

Annabel Schenck vit et travaille à Marseille https://www.atelier-oculus.com

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Marc

Annabel Schenck Chatterjee, plasticienne et graveuse, développe cet art classique de l’estampe dans une dé-marche de recherche contemporaine sur l’œuvre gravée.

L’artiste recourt dans ses travaux à des techniques mixtes, comme par exemple la photographie associée à la gravure dans la production de monotypes. Elle développe son art à la fois en aplats, en volume et à des échelles très inhabituelles pour l’œuvre gravée, avec la volonté de confrontations en milieux extérieurs et insolites. Ses thèmes de travail portent sur la durabilité des modes de vie actuels confrontés aux enjeux sociaux et environnementaux.

À travers la série Minerals, commencée à son retour en France en 2017, et ses diverses déclinaisons, Annabel Schenck a bel et bien engagé sa pratique du dessin dans une confrontation avec l’architecture du lieu et la pratique de l’installation. Tout en développant une approche contextuelle très ancrée, ses installations transcrivent des mouvements, tensions, organiques ou architecturales, entre germinations, effondrements et constructions.

Elle réalise des dessins monochromes qu’elle met en volume dans l’espace, oscillant de la sculpture à l’installation, le plus souvent dans des lieux atypiques, dialoguant avec leur architecture hors-norme et leur histoire. Ses dessins demeurent intimement liés au papier utilisé, à la fois comme support du trait, mais également comme matériau de construction et de recouvrement.

D’autre part, ils n’évincent pas la question de l’Anthropocène. En effet, ses nombreuses années passées à vivre et travailler en Asie ont nourri un questionnement sur les désordres écologiques et sociaux actuels. Frappé par le désordre des mégalopoles indiennes, le point de départ de ses interrogations fut les états de « désarticulation du système global2 », les dégradations de l’environnement urbain et de la vie qui l’anime. Ses recherches sur la collapsologie, du nom de ce nouveau type de discours qui imagine et anticipe un effondrement à venir, conduisent l’artiste à des explorations en volume et en dessin qui traduisent les désordres à venir comme autant de fuites et de débordements qui entrainent le monde au seuil de la catastrophe1

Son travail tente ainsi de confronter la démesure de l’homme au risque écologique et humain qu’elle implique. Afin de rendre visibles les faiblesses d’un monde qui vacille, elle exploite l’instabilité des constructions architecturales, car elles sont pour elle le symbole de la fragilisation croissante des systèmes humains qui les organise. Superposition de lignes, de points, de grattages, d’impacts et d’écritures, ses dessins cherchent, selon les contextes, à restituer la matière représentée, que ce soit les pierres de la façade de Notre-Dame de Paris en feu, le béton armé en ruine ou la fragilité de la roche des Dolomites.

En prenant pour motif les glissements de terrain, l’onde de subversion, l’effondrement de fragments du patrimoine ou encore les décrochements de séracs, elle tente de replacer l’homme face à ses responsabilités, sans jamais s’éloigner d’une recherche plastique exigeante, qui fait d’elle une plasticienne authentique et engagée. Par le biais de la gravure et de la recherche formelle, son travail nous indique comment une œuvre d’art peut sublimer une telle idée d’effondrement et les visions qui l’animent pour aller au-delà de ce qu’elle dit.

Et, à l’heure de l’outil numérique, la gravure, l’encrage et l’impression d’une plaque-matrice semblent ici capables de conquérir de nouveaux territoires.

2. Michel Houellebecq, Œuvres complètes. 1991-2000, Le sens du combat, extrait du poème en prose « Dans l’air limpide ».

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L’estampe dans l’espace social

La gravure aujourd’hui est du domaine de la pratiqueartiste. Elle fait partie des métiers d’art dont les savoir-faire sophistiqués ont été depuis longtemps marginalisés. Mais Annabel Schenck pratique cette technique d’une certaine façon en relevant le défi par sa grande énergie du travail du négatif au double sens de cette expression. Littéralement d’abord, le travail du négatif dans la gravure relève, comme on peut le dire par exemple de la photo argentique, de la méthode de traitement du motif travaillé sur une plaque en miroir pour parvenir par l’impression à le restituer pour l’œil humain dans le bon sens. Ensuite, ce travail du négatif s’exprime chez Annabel Schenck à partir d’une mise à distance de la technique du métier d’art, dans cette prise de recul par rapport à son médium. Avec son travail, la gravure prend des dimensions qui subliment le format historique de l’image et une dimension spatiale en dépassant l’intériorité du regard. Elle place son art à l’échelle du corps humain et finalement en présence du corps social. Sa pratique procède de mises en aplats, en plissés et en représentation sculpturale et paysagère. Par la proposition d’Annabel Schenck, la gravure réconcilie l’estampe avec une forme d’engagement par son geste contemporain, telle qu’elle le fut dans la presse du XIX e siècle par exemple, ou plus largement dans l’édition d’alors. Elle ouvre ainsi de nouvelles possibilités pour ce médium de papier et nous le restitue dans sa vivacité expressionniste.

L’image d’un aveuglement, représentation du travail du négatif

Annabel Schenck développe son art avec la volonté de mise à distance du modèle social dominant. Un regard critique qui, avec bien d’autres artistes

de sa génération, questionne la durabilité de nos modes de vie actuels face aux enjeux sociaux et environnementaux de notre époque.

extérieurs et insolites peut se voir comme un témoignage de ce qu’est le tissu social de notre époque.

Dans le projet mené avec la galerie Zemma, Annabel avait ciblé l’implantation de la gravure La Porte des Docks sur l’une des portes du centre commercial du même nom (les Docks). Cette gravure représente un groupe de consommateurs sacs à la main aveuglés par le recouvrement d’un drapé qui masque leurs têtes et les rend entièrement impersonnels. Une façon d’interpeller le public des consommateurs du

quartier de la Joliette en les sensibilisant par l’image hors norme de la gravure de l’artiste. À l’intérieur de la galerie, l’image prend un autre « sens » : intitulé Non-sens, elle est disposée sous forme d’installation. Le papier investit l’espace, flotte dans l’air. Les sujets, sacs à la main et tête voilée, sont orientés vers le mur et semblent se tromper de direction ou, littéralement, de sens. En filigrane, l’artiste remet en cause la direction empruntée par le néo-libéralisme d’aujourd’hui, dirigé par les rênes du consumérisme, et par là questionne la perte de sens de notre monde contemporain.

Texte de Marc Ragouilliaux rédigé à l’occasion de l’exposition personnelle d’Annabel Schenck à la galerie Zemma

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Annabel Schenck présente le parcours atypique d’une jeune artiste et graveuse française. Elle a participé à de nombreuses expositions, résidences, en France et à l’étranger, notamment en Inde où elle a vécu plusieurs années. Après s’être spécialisée en image imprimée depuis l’École nationale supérieure des beaux-arts de Nancy, puis ses études à l’école Estienne en option gravure, elle a ensuite intégré l’École des arts décoratifs de Strasbourg, aujourd’hui la HEAR, où elle a poursuivi ses recherches autour de l’image gravée et de la relation à l’espace à travers diverses installations.

Elle est partie en Inde étudier à l’université Visva-Bharati, à Santiniketan, en 2009.

Les nombreuses années qui ont suivi, passées à vivre et travailler à New Delhi comme artiste et enseignante, ont nourri un questionnement sur la notion du chaos. Elle a exposé son travail dans différentes galeries en France comme en Inde depuis l’obtention de son DNSEP en 2011.

De retour en France, elle travaille aujourd’hui dans la cité d’artistes du Couvent à Marseille, gérée par l’association Juxtapoz. Parmi ses expositions personnelles, on peut retenir celles de la galerie Aakriti et du Studio 21, CIMA (Kolkata).

En France, elle s’est distinguée en étant sélectionnée pour le projet Route 6, organisé et cofinancé par le PAC – Provence Art contemporain – ou encore en participant au salon Art-o-rama Hors les murs, selon un projet de Double Séjour, avec le commissaire Thomas Havet.

Elle a exposé au centre d’art René-d’Anjou

de Tarascon, après une résidence avec la Fondation Vincent Van Gogh, à Arles. Elle expose actuellement son travail à la galerie Zemma, à Marseille, sous le commissariat de Marc Ragouilliaux, et se prépare à participer au salon du dessin contemporain Drawing Now Art Fair, avec une installation in situ au fort Saint-André, à Villeneuve-lez-Avignon, organisé par Printemps du dessin en partenariat avec le Centre des monuments nationaux.

Page 16 : La chute, 2018, pointe sèche sur papier Rosaspina, 350 x 270 cm

Page 18 : La chute, 2018, pointe sèche sur papier Rosaspina, 350 x 270 cm

Page 20 : Entropie, encre sur papier, 2019, 120 x 180 cm

Page 21 : Rock, water and ice, pointe sèche sur papier Fabriano, épreuve d’artiste, 2017, 56 x 76 cm

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Michelle Corbisier

a exposé des peintures de 1967 à 1979.

Après avoir enseigné le dessin et la peinture au cycle préparatoire de l’École d’art d’Uccle dès 1979 et jusqu’en 2008, elle s’initie à la gravure dans cette école, au cours d’Anne Wolfers, en 1980.

Ensuite, ce sera à l’Académie d’Etterbeek, avec Maurice Pasternak. Enfin, elle installe une presse chez elle. Elle pratiquait simultanément la lithographie dans mon atelier à l’École des arts d’Ixelles, qu’elle fréquentera faute de presse personnelle pendant vingt ans, ailleurs depuis ma retraite en 2012. Elle exploite le bois, le métal et la pierre dans des compositions abstraites de la nature, tantôt plutôt dessinée et tantôt plutôt peinte, souvent croisant ces deux types de gestes.

Pasternak fera connaître son travail au Japon (1992, 1993, 1994, 2014) et en Chine (2012). Deux de mes galeristes le présenteront à Bruxelles (1993, 2012, 2013). Michelle montrait ses estampes depuis 1986. Elle a livré une dizaine d’expositions personnelles à Bruxelles, Mechelen, Ath, Iekaterinenbourg, Wavre, et participé à une trentaine d’expositions collectives en Belgique, France, Italie, Portugal et Canada.

La Bibliothèque royale de Belgique, la Fédération Wallonie-Bruxelles et le Centre de la gravure et de l’image imprimée (La Louvière) en conservent.

Michelle a enrichi les tirages de tête de recueils de poésies de mon frère Serge Meurant, son compagnon dont elle est veuve depuis quelques mois : Supplie anonyme ce dos (1988), Poèmes écrits pour la main gauche (1997), Célébration. Vulnéraire II (2009), Ceux qui s’éloignent (2014). Le temps aboli (2018) associe ses gravures aux poèmes qu’elle a choisis, Empreintes (2021).

Serge écrivait : « Les gravures de Michelle Corbisier questionnent les commencements. Comment faire apparaître, en chaque image, ce qui ne devient visible qu’à travers un regard si longtemps déposé sur les choses qu’il les a décantées ?

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Le temps alors devient matière. La part nécessaire et accidentelle de cette révélation répond au travail d’une infinie patience, d’une capacité mystérieuse à rencontrer le hasard en ce qu’il possède de plus fécond. L’œuvre gravée, dans son ouverture au monde, est intériorisée, méditative. La rêverie naît de la contemplation d’espaces vastes où s’inscrivent les traces vives de paysages très anciens. Michelle Corbisier donne à voir, à travers la matière et le grain des choses, l’invisible avant qu’il ne se métamorphose et ne s’incarne en un espace sensible, transportant le regard au cœur de l’infini. »

La matrice est intégralement encrée, sommairement essuyée, paumée jusqu’à ce que ne demeure d’encre que dans ses creux griffés, taillés, mordus, et dans les étendues d’une riche variété de valeurs de surfaces travaillées par aquatintes au sel ou au souffre (sans colophane donc) enrichies de morsures naturelles au pinceau. Un résidu d’encre subsiste nécessairement à la surface du métal, même le plus lisse – elle l’est parce que Michelle veille au parfait polissage de son support. Elle parvient à transmuter cette « eau » (c’est ainsi qu’on nomme d’ordinaire ce substrat) en un « air » qui baigne et traverse de ses courants les apparitions qui constituent la composition. Michelle conçoit l’estampe en noir et blanc, à l’exception de bois très légèrement colorés en strates aérées. Ses aquatintes relèvent d’une vision picturale sous-tendue par l’eau-forte et l’incision, son dessin lithographique exploite généralement le pinceau, même si le crayon, qui souvent a soutenu des lavis très légers, s’est imposé dans des torses récents. Je notais en 1993 dans le catalogue d’une exposition dont j’étais le commissaire : « Michelle Corbisier dessine et peint sur pierre des espaces minéraux, émergences et déposent sous la voûte céleste Les compositions décrivent la masse et la faille, par les lumières et les obscurités du noir et blanc. Une humanité inscrit son sentiment en filigrane de mouvements telluriques, qu’elle scelle de son trouble. » En 1995, j’eus l’occasion de signaler l’analogie entre ces œuvres et certaines pierres de rêve chinoises dans Entre Ciel et Terre (Cahiers de l’École des arts d’Ixelles). Michelle Corbisier maîtrise l’espace sensible de la lithographie. La pierre, un lieu très concret à

habiter, est parfaitement plane. Une matière grasse posée au crayon, à la plume et/ou au lavis la pénètre, qu’un traitement contraint à demeurer dans sa trace et la distinction de ses intensités. Ce dessin est dissous, remplacé par une encre inerte déposée au rouleau sur la pierre mouillée d’eau. L’encre n’adhère qu’aux parties dessinées, restées sèches. Une pression d’une tonne imprime l’encre au papier. L’écart entre les valeurs du clair à l’obscur peut être immense, encore faut-il obtenir cette sensibilité d’ordre chimique. Les autres techniques de l’estampe exploitent les irrégularités physiques arrachées ou imposées à une matrice, dont la forme ouvre dans l’épreuve une fenêtre sur le monde animé par ses reliefs. Un temps l’œuvre lithographique de Michelle Corbisier a opposé des gestations et des croissances aux paysages qu’elle extrait du métal. Ces représentations nourries de souvenirs n’exigent guère d’identification. La suggestion d’une nature intériorisée leur suffit à capter l’attention qui les commue en espace perceptif. Leur expansion dans le plan conserve ouverte la part d’absence qui les nourrit. D’avant en arrière du plan et l’inverse, une profondeur émerge et se creuse, induite par la richesse des valeurs et des matières qui interagissent par passages et ruptures. Nous assistons à ce travail de dosage de la lumière que le papier renvoie modulée par les dépôts d’encre. Cette méditation constitue l’enjeu d’un exercice tout entier offert à la contemplation. L’œuvre de Michelle Corbisier lui appartient, sans référence à quiconque. S’accomplit depuis quatre décennies l’acuité d’un regard tactile à la surface de la pierre grainée ici et là plus ou moins finement, dans les subtils reliefs arrachés au métal et même par un traitement peu commun du bois. C’est, imposée au papier, l’expression d’un univers intense fait de minéraux, de végétaux, de paysages en espaces d’errances, d’une humanité d’apparitions en surgissements.

Georges Meurant

Page 22 : La chute, 2018, pointe sèche sur papier Rosaspina, 350 x 270 cm

Page 18 : La chute, 2018, pointe sèche sur papier Rosaspina, 350 x 270 cm

Page 20 : Entropie, encre sur papier, 2019, 120 x 180 cm

Page 21 : Rock, water and ice, pointe sèche sur papier Fabriano, épreuve d’artiste, 2017, 56 x 76 cm

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Vincent Gagliardi

La gravure est le point de départ de ma vie d’artiste. Ma première gravure en balatum est une gravure pleine dont toute la surface était imprimée. Aujourd’hui, j’évide davantage la forme. La gravure est une technique archaïque, compliquée et très personnelle. Toute la feuille, colorée de gris, s’évide lentement.

Mon travail n’a rien à voir avec la gravure traditionnelle, car je n’apprécie pas l’usage toxique et dangereux des acides. J’évite aussi d’utiliser la contrainte de la mise en page de la gravure traditionnelle. J’aime beaucoup le balatum, que j’ai découvert fortuitement et qui est un matériau de revêtement de sol solide et décoratif constitué d’un carton enduit d’asphalte. À partir de son usage, j’ai mis en place quelque chose de très personnel. Je ne travaille qu’avec des matériaux souples, des peaux différentes. Au niveau du format, on peut les couper, les lacérer, et obtenir un dessin très proche du graphisme, alors que c’est beaucoup plus compliqué d’avoir quelque chose de dessiné avec une plaque de métal. Le travail avec le balatum permet de résoudre le problème du cadrage. Lorsque j’ai commencé la gravure, dans les années 1980, ce n’était pas à la mode comme aujourd’hui. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de force entre le fond et la forme, le fond et ce qui est imprimé : cette tension plastique me permet d’agir comme un plasticien. L’objectif est de montrer que la poésie peut se trouver partout : « Traquer le vivant et habiller la nuit » guide entièrement mon travail. Une œuvre a une existence dans la lumière et dans la nuit. J’aime les maisons abandonnées, ce qui n’est pas net. Le confort est dangereux. Il faut savoir capter l’inattendu.

Je n’ai cessé de faire bouger les frontières et de créer un art poétique se nourrissant de diverses expérimentations. Faire des impressions à partir de matériaux récupérés, comme du cuir, du caoutchouc ou du balatum usagé, scarifié de vécu ; mélanger les médiums, média ??

Les supports ; passer de la feuille à la sculpture et à l’espace, ou encore lors de performances publiques dans les rues, sont ses mes ??

Préoccupations multiples, plastiques et poétiques, elles s’inspirent de souvenirs et se structurent autour de la mémoire, qu’elle soit personnelle ou collective. Mon univers proliférant trouve une magnifique expression sur le papier, qui est souvent le territoire natif des futurs volumes. Je grave le balatum en creux, créant de mon geste des reliefs. En un seul passage sous la presse, j’obtiens des gravures d’une densité remarquable, et bien que sous cadre, elles s’émancipent grâce aux grandes marges blanches. D’autres fois, les pages gravées réunies forment un livre d’artiste comme ceux édités pour la jeunesse aux éditions Grandir ou toutes les coopérations avec des écrivains amis.

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Chez moi, tout est combinaison et conjonction. Puis je suis passé à la couleur, avant d’investir la photographie, une nouveauté dans mon parcours, mais je ne fais pas de la photographie. J’utilise le médium, le détourne et le confronte avec mes anciennes pratiques. Les photographies peuvent être rehaussées d’impressions gravées, ou devenir surfaces matiéristes entourées de chambres à air (L’Arrivée des vélos, 2016), de montures de lunettes, et devenir sculpturales. J’ai réalisé différentes installations, comme Les Eaux de mon regard (2016), un ensemble de lunettes de soleil fixées au mur ; les verres sont remplacés par des photos de vagues, comme des souvenirs immatériels et estivaux. L’installation Une forêt en automne (2016) est constituée de divers morceaux de bois recouverts de balatum et de photographie de forêt comme des pieux ; l’ensemble se joue de celui-ci et devient volume transgressif de l’espace. Je sais que l’utilisation inhabituelle des médiums et des matériaux pauvres interroge et trouble les visiteurs et leur ouvre des univers de créations plastiques et poétiques. Mes origines italiennes pourraient me situer comme un héritier de l’arte povera, mais je me positionne davantage au-delà de cet héritage. Les différentes installations se relient dans les détails, formant un ensemble à la fois hétéroclite et cohérent, dont les possibilités de développements futurs sont multiples.

Comme la performance Regardez où vous mettez les pieds, ouvrez vos oreilles ! (Verdun, juillet 2016) me permet de révéler la rue à ceux qui la foulent sans la voir et de leur offrir une impression de ce qu’ils ont sous les pieds chaque jour qui passe. Le regard du sol se répercute sur les estampes en effet de miroir inversé. Rue et macadam révèlent un graphisme extraordinaire. J’ai commencé en 1988 les performances de rue qui se continuent de par le monde : Barcelone, Metz, Verdun, accompagné de sons de musique rock et blues joués en live par le groupe Vecchi e Brutti, ensemble composé entre autres d’amis d’enfance. J’ai réalisé avec mes assistants et un rouleau compresseur de 120 gravures de la

`rue Mazelle à Verdun. C’était la première fois que j’expérimentais le mélange performance plastique et performance musicale. Le public a assisté durant trois heures à la réalisation des

diverses étapes de création : préparation, traçage, encrage, impression, emballage et distribution !

Parce que j’offre toute ma production aux spectateurs, dispersant les empreintes dans l’espace et la mémoire de chacun. Ne reste que la trace sur la rue, déjà réinvestie par la vie. Je poursuis cette réflexion pour réaliser des topographies dans diverses villes dans le monde.

Vincent

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juin 2020

Page 22 : La chute, 2018, pointe sèche sur papier Rosaspina, 350 x 270 cm

Page 18 : La chute, 2018, pointe sèche sur papier Rosaspina, 350 x 270 cm

Page 20 : Entropie, encre sur papier, 2019, 120 x 180 cm

Page 21 : Rock, water and ice, pointe sèche sur papier Fabriano, épreuve d’artiste, 2017, 56 x 76 cm

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Antoine-Toussaint Casanova

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C’est au cours de ses études en lettres classiques qu’Antoine-Toussaint Casanova a appris à dessiner dans les marges de ses notes de cours tandis que des professeurs sans âge radotaient des heures durant dans des amphis clairsemés et en sous-sol des propos sur le crocodile du Nil dans l’œuvre d’Hérodote. Il préfère lire des bandes dessinées tout en rêvant d’en faire. Atteint peu après du syndrome de Florence dans la ville du même nom, il est frappé, se rendant compte qu’il y a eu un art très beau et très bien dessiné surchargé de références mythologiques et religieuses avant Jackson Pollock, Basquiat et toutes les bandes dessinées.

Ainsi, le cerveau saturé de toutes sortes d’images produites durant les trente derniers siècles, il ose pousser la porte de l’atelier ETR Balistic à Arcueil dans le but de se mettre à la gravure pour enfin faire quelque chose de sérieux avec le dessin et au milieu d’autres gens. Il a depuis participé à quelques expositions et a publié des dessins et des gravures dans les revues Turkey Comix1, Mecanica et Papier Machine, mais aussi dans d’autres graphzines ou publications plus underground et confidentielles.

Il tombe un jour sur les gravures de Frans Masereel puis d’Olivier Deprez et ce magnifique ouvrage publié par FRMK, L’Évangile doré de Jésus-Triste. C’est une révélation : il se met à la gravure sur bois, rejetant la précision du trait et la virtuosité du dessin qu’il recherchait dans l’eauforte, abandonne les paysages pour une expression plus brute et plus spontanée de la figure humaine.

C’est dans la gravure sur bois qu’il trouve la possibilité de laisser libre cours à un expressionnisme fantastique tendance tête de mort mâtinée d’un soupçon d’érotisme, de bigoterie et de conscience sociale, mais toujours avec une grande tendresse pour le bizarre et le monstrueux, sauf quand il porte un uniforme

ETR Balistic à Arcueil depuis 2014

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1 Revue de bandes dessinées éditée par The Hoochie Coochie, avec des gravures ou des sérigraphies en insert et en jaquette. Prix de la bande dessinée alternative (Angoulême 2008).

Revue produite en gravure et typographie faite par Céline Thoué.

Revue de création littéraire à forte identité graphique basée à Bruxelles.

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Antoine-Toussaint Casanova est né en 1981 Il vit et travaille à Paris et fréquente l’atelier

Page 34 : Homage à M. le Préfet, gravure sur bois, 42 x 30 cm Et consumimur igni, gravure sur bois, 42 x 30 cm

Page 36 : Mors vitae initium, gravure sur bois, 65 x 30 cm Rock’n roll, gravure sur bois, 42 x 30 cm

Tête de mort, gravure sur bois, 42 x 30 cm

Page37 : Sorcière, gravure sur bois, 42 x 30 cm

Page 38 : L’infirme, la Mort et le médecin militaire gravure sur bois, 42 x 30 cm

page 39 : Santa Lucia. gravure sur bois, 42 x 30 cm

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François Gousset-la Douceur

J’ai étudié la gravure à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. Mes techniques varient selon les périodes et mes besoins d’expression. J’ai utilisé la linogravure pour exprimer mon sentiment d’exaspération face aux comportements humains ainsi que pour l’illustration. Le style en est plus radical et n’est pas sans rappeler les expressionnistes allemands.

Dans une approche radicalement différente, je pratique aussi beaucoup la manière noire, technique en taille-douce qui permet une certaine profondeur dans le noir (ou dans la couleur) en même temps que des dégradés incomparables. Mais elle exige aussi beaucoup de patience. Après grainage, la froideur du cuivre poli devient douce comme du velours. Contrairement à la plupart des techniques en taille-douce, le travail consiste à repolir le métal et faire ainsi réapparaître la lumière à l’impression. Je travaille souvent d’après mes propres photographies ou à partir d’images découpées dans des revues. Un recadrage s’impose souvent, qui accentue le huis clos, le besoin d’enfermer dans une boîte, peut-être un laboratoire ou une salle d’opération où le sujet est isolé et que je traite (ou maltraite!) à l’abri des regards. Ces images sont comme des patients que je remodèle avec douceur.

À la fin de mes études, la découverte du travail de Hans Bellmer sera à la base de ma série L’Abécédaire. Objets hétéroclites et désuets oubliés dans le grenier de notre imagination sont alors au centre de mon imagerie. Le goût des livres illustrés d’héliogravures en noir et blanc m’a naturellement porté vers la manière noire, qui permet une certaine fidélité de reproduction tout en gardant une liberté d’expression. Seule l’obsession du détail est restée une entrave à une libération complète. Mon souci n’est pourtant pas de reproduire le moindre cheveu, mais une certaine compréhension de la forme, comme ces chirurgiens du Moyen Âge qui cherchaient à comprendre les mécanismes du corps humain. Il y a aussi cet important pouvoir d’analogie qui se produit entre ces objets et notre corps.

Cette série est une suite de natures mortes que l’on peut interpréter comme des paysages intérieurs. L’être est toujours au centre de mon travail même quand il en est absent, il tend alors à être objet. La référence à l’enfance m’est apparue plus ou moins fortuitement, mais elle découle évidemment de cette ambivalence entre douceur et cruauté.

Les contraintes de la manière noire m’ont amené à essayer la photogravure, dont les nouveaux procédés sont devenus plus accessibles. Dans mes portraits, le modèle impose sa personnalité. Il n’est plus traité comme un objet. Ce n’est pas encore le « Je pense donc je suis » de Descartes, mais plutôt un appel au « Je suis donc je pense ».

Dans mes derniers travaux, j’ai réalisé l’intérêt qu’il y avait à compiler des techniques aussi différentes – tant dans la pratique que dans le rendu – que la manière noire et la photogravure. Intégrer la douceur et la délicatesse de l’un dans le contexte du cliché reporté (plus précisément de plusieurs clichés puisqu’il s’agit de collages) d’une après-catastrophe.

François Gousset - la douceur vit et travaille à Flobeck, en Belgique. www. goussetladouceur.jimdo.com

Page 40 : Le Sacrifice, 2020 19,5 x 27 cm, technique mixte

Page 42 : Melancholy Hôtel, 2020,19,5 x 27 cm, technique mixte

Page 43 : Portrait de jeune femme (Kro), 2017, 14 x 20 cm photogravure

Page 44 et 45 : Pandora, 2021, 34 x 27 cm, technique mixte

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Camille Truyffaut

Instants suspendus - Une immersion dans le travail de Camille Truyffaut

L’espace est bercé d’une lumière homogène. Le temps est suspendu. Si la lumière ne bouge, le corps s’engage par son mouvement à saisir la vibration et les oscillations chromatiques qui se dévoilent dans les œuvres. Le mur est comme une page blanche sur laquelle chaque œuvre est une fenêtre sur un micromonde perceptif. Chaque surface ouvre une nouvelle perspective. C’est dans l’intervalle entre la surface et la profondeur du cadre que se joue le théâtre des formes. Le cadre devient hybride, mêlant la gravure sur papier ou tissu et l’assemblage sculptural avec la céramique. Une présence subtile apparaît à la surface des œuvres.

Le travail de Camille Truyffaut s’établit en une succession de strates. La superposition de couleurs et transparences, le potentiel poétique de la profondeur du cadre, le jeu réjouissant du voilé-découvert qui se noue entre l’œil, la lumière et l’œuvre.

Blanc, ombre, point de contact, ombre et blanc. Une forme évanescente émerge du fond vers la surface de l’œuvre. Un subtil clair-obscur naît du point de contact entre l’eau-forte sur papier cachée sous la face visible. Camille Truyffaut développe un travail précis et poétique à partir de l’image imprimée. Le sujet n’est pas la figure, mais la transparence et la lumière. L’image irisée est abstraite. Les œuvres sont un agencement entre matière, profondeur, perspective, transparence, superposition et mouvement. En l’absence de motif figuratif, l’image imprimée devient sculpturale pour se concentrer en une vibration guidée par la densité de pigment déposée sur la maille du textile.

Je découvre ensuite les titres écrits au crayon sur le mur comme une collection de haïkus tant textuels que visuels. Camille Truyffaut propose une expérience colorée, physique et éphémère.

Lucie Pinier

Page 46 : Mutation des alentours, 2020 19,5 x 27 cm, technique mixte

Page 48 : Récolter une lueur, 2020 19,5 x 27 cm, technique mixte

Page 49 : Ventre, lieu des transformations et désirs, 22020 19,5 x 27 cm, technique mixte

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Née à Namur (°1993), Camille Truyffaut vit et travaille à Bruxelles. Formée en gravure à l’Académie Royale des Beaux Arts d’Anvers, elle obtient son master en 2018. Elle remporte sur la même année le Premier Prix de la Gravure et le Prix Swa Beerten. Elle est séléctionnée pour la Triennale Internationale de la Gravure Contemporaine de Liège en 2021.

La perception et l’attention portée aux choses qui nous entourent sont fondamentales dans le travail de Camille Truyffaut. Elle explore les techniques de la gravure sur tissu et papier en dissolvant ses images à travers des installations intrigantes. A travers la transparence de ses oeuvres multi-couches apparaît une sorte de brouillard coloré. Selon les changements de lumière, le chemin que parcourt notre regard et notre positionnement dans l’espace, les nuances de couleurs et de formes varient. Ses œuvres donnent l’apparence d’être éphémères et fragiles et invitent à l’immersion contemplative.

J’aime créer en faisant disparaître mes images. Par le jeu de transparences, apparait un état d’instabilité, un moment de transition d’une couleur à une autre, d’une forme à une autre. Cette image à la limite de la disparation crée une perte de repères qui défie nos coutumes d’observation.

Camille vit et travaille à Etterbeeck, une commune Bruxelloise.

www.camilletruyffaut.com

Instants suspendus ou Rendre visible la lumière.

« La couleur n’est qu’une illusion », Gabriel Orozco. L’équilibre subtil et délicat entre révéler et dissimuler, entre les façons dont différents matériaux et techniques peuvent s’enlacer est une façon de penser. Le langage sous l’aspect de titres signale la stratification philosophique et poétique de cette œuvre artistique. Même la couleur est devenue une idée chez Camille Truyffaut. La couleur n’existe pas en une seule couche, mais en plusieurs couches. Ce faisant, elle nous fait remarquer discrètement qu’il y a toujours beaucoup plus à voir que ce qui est montré à première vue. Et qu’une seule et même image génère différentes lectures, différentes manières de regarder, de percevoir, d’interpréter. Ces œuvres d’art visent en premier lieu à faire sentir une présence. Plus nous ressentons cette présence, plus elles nous donnent à voir, aussi, de ce qui reste invisible. Elles nous confrontent avec ce que l’artiste mexicain Gabriel Orozco – que l’on ne peut pas classer sous un seul dénominateur et que l’on connaît pour explorer les limites de la perception, du dessin, de la sculpture et des installations – décrit comme un « sens du temps, de l’espace, de l’action et de la situation ».

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Inge Braeckman
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Nicole d’Herbais

Parallèlement à une carrière professionnelle, elle poursuit un parcours artistique. En 1983, elle est diplômée en dessin de l’École des arts d’Uccle. Elle s’initie ensuite aux techniques de gravure à l’Académie Constantin-Meunier à Etterbeek, dans l’atelier de Maurice Pasternak et d’Anne Dykmans. Diplômée en 1989, elle suit plus tard une formation dans l’atelier Vrije Grafiek de la RHoK Academie à Etterbeek. Elle participe à plusieurs biennales internationales de gravure et est lauréate du prix international de gravure René Carcan, éditions 2020 et 2022.

Sa démarche s’intéresse au noir velouté et profond qu’elle décline dans toutes les nuances. Ciels et nuages composent de vastes paysages dans une recherche d’atmosphère par un travail sur la lumière. Plus récemment, des éléments de la nature sont mis en scène, dans des compositions végétales, entre nature morte et paysage, pour en saisir les formes poétiques dans leur extrême simplicité.

Nicole d’Herbais de Thun vit et travaille à Bruxelles.

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Le jour en son berceau de nuit

C’est presque l’invisible qui luit au-dessus de la pente ailée ; il reste un peu d’une claire nuit à ce jour en argent mêlée.

Vois, la lumière ne pèse point sur ces obéissants contours et, là-bas, ces hameaux, d’être loin, quelqu’un les console toujours.

Rainer Maria Rilke, Poèmes à la nuit

Ces quelques mots du poète, discrètement posés sur son bureau, disent mieux que quiconque l’intensité de la lumière noire qui émane du travail de Nicole d’Herbais.

L’on est d’emblée frappé par sa délicatesse infinie, raffinée, dépourvue de mièvrerie, et par le soin qu’elle semble prendre du métal qu’elle grave pour ne pas le blesser plus que nécessaire. C’est une ascèse chromatique qui fonde la puissance de ces noirs profonds aux variations infinies. L’artiste, tantôt estompe les aspérités du relief, en adoucit les formes, les dilue parfois jusqu’à les rendre continues, les enveloppant dans un flou velouté, soyeux, tantôt entaille, cisèle la matière avec une netteté presque chirurgicale pour inviter le regard à se concentrer sur l’espace architectural de ses paysages singuliers.

Sentinelle au bord du songe, elle nous emmène, dans un langage sobre et dépouillé, aux confins d’une rive étrange, d’une beauté cristalline, noyée de silence, où se déploient des ciels immenses et intimes, ourlés de nuages vaporeux.

La vibration pulsatile de ses noirs profonds, la richesse des gris laineux ou cotonneux semble faire jaillir une luminosité énigmatique, paradoxale, très concentrée, enfantée par l’ombre elle-même qui n’est pas sans évoquer l’outre-noir de Pierre Soulages.

Quelle que soit sa technique – manières noires non maniérées, sublimes aquatintes ou photopolymères retravaillés avec soin –, Nicole d’Herbais nous invite à la suivre dans un espace de solitude pacifiée, entre présence et absence, où le voile du mystère épouse l’amour du détail et nous est offert comme une douceur exquise.

Quelqu’un se lève entend le murmure s’émeut de ce que depuis l’éternité tant d’autres ont vu et tu

il s’ouvre au silence du pur lointain qui s’éblouit

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Page 50 : Nocturne II, 2018, manière noire et aquatinte, 20 x 24 cm.

Page 51 :Nocturne V, 2020, manière noire et aquatinte, 20 x 24 cm.

Page 52 : A tout vent II, 2019, gravure au berceau. 17,3 x 23,3 cm.

Composition végétale I. Paysage géométrique, photopolymère, manière noire et aquatinte. 16 x 25,5cm. 2019

Page 54 : Composition végétale V. Lichen, 2022, photopolymère. Roulette, 23,3 x 29,5 cm.

Page 55 : Composition végétale II. Mousse, 2021 photopolymère, pointe sèche, roulette. 15,5 x 22,5 cm.

Pages 56 et 57: A tout vent II, gravure au berceau, 2019, 17,3 x 23,3 cm.

Pages 59 et 59: Reflets, 2021, photopolymère, aquatinte, pointe sèche, 24,5 x 44 cm.

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Iñaki Elosua Urkiri

Iñaki Elosua Urkiri (Deba, Gipuzkoa. 1971).

Artiste basque qui vit et travaille actuellement à Bilbao. Depuis une dizaine d’années, il réalise des œuvres graphiques en utilisant les techniques traditionnelles de gravure. Ses premiers pas avec les techniques de gravure ou d’héliogravure ont eu lieu lorsqu’il a intégré La Taller, un atelier et une galerie basés à Bilbao, sous la direction de Maite Martínez de Arenaza en 2012. Depuis lors, il a développé une quantité considérable de travaux en utilisant diverses techniques telles que l’aquatinte, la pointe sèche, l’impression sur bois, la photogravure, le collage ou le gaufrage, pour n’en citer que quelques-unes.

Avant son expérience dans le monde de la gravure, il a également étudié le dessin industriel, le design graphique, la décoration d’intérieur, le multimédia et l’animation, et tout ce bagage a une forte influence sur son travail. Un travail qui a été défini comme minimaliste, art non-objectif, art réducteur, art abstrait ou géométrique, bien que l’auteur n’aime pas être étiqueté, car il pense vraiment que son travail est en constante évolution, donc un seul terme n’est pas suffisant pour définir toute la production avec précision. Il aime plutôt présenter l’œuvre devant les spectateurs, sans restrictions ni limites, et les laisser totalement libres de créer leur propre interprétation ou narration.

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FAREWELL (2014 - 2016), la première et la plus grande des trois. Suite à la perte de différents membres de sa famille, les émotions déclenchées par cette dure et triste expérience ont donné naissance à une série d’œuvres. Le titre, « farewell », pourrait être traduit en langue basque (euskera) par « Agurra » qui signifie « au revoir », mais c’est aussi le nom d’une danse traditionnelle basque, une danse cérémoniale pour montrer le respect. Cette deuxième signification est la véritable raison pour laquelle toute la série a été nommée.

Elle a été conçue comme un hommage ou une chorégraphie cérémoniale aux membres de la famille qu’il aime et qui lui manquent. L’ensemble du projet est composé de plus de 50 pièces. Dans chacune d’entre elles, on retrouve des caractéristiques similaires, des formes abstraites et géométriques entourées de blanc ou d’espaces vides. Les variations des couleurs et des textures choisies sont également importantes en ce qui concerne la forme et l’endroit où elles sont placées. Tout cela crée une esthétique particulière, facilement reconnaissable, et produisant une œuvre très intime et personnelle.

OSTERTZ (2016 - 2019). C’est un mot de la langue basque (euskera) qui signifie « horizon ». C’est pourquoi toute la série est composée principalement de lignes horizontales, fortement influencées par la nature (paysages et marines principalement) et l’effet de la lumière sur ces surfaces. « À mon humble avis, l’observation de la nature aide comme un processus de guérison, et nous oblige tous à lever les yeux, vers le lointain, changeant complètement la

vue de notre propre monde particulier, et en même temps, changeant positivement notre attitude et la façon d’affronter la vie quotidienne ».

UNTITLED (2020 - ), la troisième série, qui est toujours un projet en cours, n’a pas encore de nom. Cette série est plus éclectique, moins cohérente que les deux précédentes en ce qui concerne le sujet, et c’est pourquoi il y a tant de différences entre les œuvres, même si, lentement mais sûrement, des caractéristiques communes apparaissent : « Il y a beaucoup de détails hérités de “Farewell” et “Ostertz”, mais la caractéristique principale dans ce cas serait la transition de la 2D à la 3D. Au lieu d’être seulement des pièces planes ou plates, je travaille dernièrement avec différents niveaux, en créant des volumes, des structures et la projection d’ombres les unes sur les autres et la relation entre elles ».

Pour finir, mentionnons simplement que le travail d’Iñaki Elosua Urkiri a été exposé dans de nombreux endroits dans toute l’Espagne (Barcelone, Bilbao, Cadaqués, Coruña, Donostia-San Sebastian, Eibar, Madrid ou Oviedo), et comme résultat de cela, il a été sélectionné comme finaliste dans divers prix, et a gagné le Miniprint International de Cadaqués en 2016. Son travail parle de la perte, du deuil, de la recherche, de l’espoir, de l’harmonie, de la mémoire ou de Mère Nature, et tous ces thèmes sont des sujets universels, c’est pourquoi il a également fait partie d’expositions collectives dans de nombreux autres pays (Bulgarie, République tchèque, Croatie, France, Allemagne, Mexique, Portugal, Serbie, Espagne et Royaume-Uni). Au cas où vous voudriez voir plus d’exemples de son travail, vous pouvez le suivre sur son profil Instagram : @inaki_elosua_urkiri

Page 60 : MÁVRO, 2020, aquatine, 30 x 40 cm.

Page61 : Farewell ZILARREZKOA, 2016, Collage + embossage, 20 x 20 cm.

Farewell URREZKOA, 2016, Collage + embossage, 20 x 20 cm.

Page 62 :Farewell GORRIA, 2016, Collage + embossage, 20 x 20 cm.

Farewell URDINA, 2016, Collage + embossage, 20 x 20 cm.

Page 63 : ITSASONTZIAK, 2020, xylogravure, diptyque: 2 X 70 x 70 cm.

UZTAILA - EKAINA - ABUZTUA, 2020, aquatinte et collage, 2X 18 x 18 cm

Page 64: A tout vent II, gravure au berceau, 2019, 17,3 x 23,3 cm.

Page 65 : PARLAMENTIA, 2022, xylogravure et collage, 30 x 40 cm.

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Page 66 : MÁVRO, 2020, aquatine, 30 x 40 cm

Page 68 : Farewell ZILARREZKOA, 2016, Collage + embossage, 20 x 20 cm..

Page 69:Farewell GORRIA, 2016, Collage + embossage, 20 x 20 cm..

Page 70 : ITSASONTZIAK, 2020, xylogravure, diptyque: 2 X 70 x 70 cm.

Page 71: A tout vent II, gravure au berceau, 2019, 17,3 x 23,3 cm.

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Clémence Fernando

54 coups de hasard : 54 de Clémence Fernando Jean-Marie Marandin

NB. : si les notes ne sont pas admises, leur contenu peut être introduit dans le texte principal.

Le dispositif

Clémence Fernando grave de petites matrices carrées (10 sur 10 cm) en manière noire, puis elle les assemble, au moment de l’impression, pour former une estampe de forme carrée ou rectangulaire. La composition de chaque estampe fait varier trois paramètres : (a) le nombre de matrices mises en jeu (b) la place de chacune dans l’estampe globale, (c) la mise en couleurs de chacune des matrices. Ainsi, une estampe résulte de ce triple choix et s’inscrit par là même dans une série qui rassemble, réellement ou virtuellement, les estampes qui reposent sur d’autres choix ; le nombre d’estampes possibles dans une série (techniquement, « l’univers des possibles ») est rapidement vertigineux. L’estampe qui a reçu le premier prix de la biennale internationale de Sarcelles prend place dans une série (virtuelle) qui met en jeu 54 matrices disposées pour former une estampe rectangulaire de 76 par 106 cm de côté. Chaque matrice est tirée en trichromie (bleu, jaune, rouge) ; l’ordre de passage pouvant varier, la mise en couleur donne lieu à six versions colorées différentes pour chaque matrice élémentaire. La position dans l’estampe globale de chacune des matrices change avec chaque estampe. On obtient donc une combinatoire qui met en jeu : – l’ordre de passage des couleurs pour chaque matrice élémentaire (6 ordres différents pour chaque matrice), – la position des estampes élémentaires dans la matrice composée (le nombre de permutations des matrices élémentaires est exprimé par la factorielle 54, notée 54 !).

Le nombre d’estampes possibles est donné par la formule suivante : 54 ! x 6 5 ≃ 1,45 x 10 114

Autrement dit, le nombre d’estampes possibles a pour ordre de grandeur 1 suivi de 114 zéros 1 1

Le dispositif que met en place 54 s’apparente à un puzzle. Chaque matrice est une pièce qui doit s’intégrer dans une image globale. Mais, cette image globale, à la différence des puzzles ordinaires, n’est pas une image donnée d’avance : Fernando ne compose pas pour la retrouver, mais pour inventer une autre image qui est inédite : l’image est à venir. C’est un puzzle génératif, tel que ceux qu’évoque J. – C. Bailly dans L’imagement : « un puzzle qui, au lieu de reconfigurer une image préconçue [fabrique] une image à venir, une image survenante où chacune des pièces [est] responsable, en tant que formée, de la formation à venir ». C’est ce que donne à voir la vidéo 54 numérique qui, à partir de 108 images primitives, fait survenir une infinité de puzzles selon un principe de permutation aléatoire 2 On peut aussi comparer le dispositif à une grammaire formelle générant un langage imagé. Chaque matrice représente un mot-image que l’on compose selon une syntaxe spatiale pour former un énoncé-image. Les énoncés-images sont en nombre quasiment infini dès que le nombre de mots-images est élevé et la syntaxe complexe (comme dans l’exemple pris plus haut). À la différence des grammaires qui génèrent des langages non imagés (que ce soit une langue humaine ou un langage informatique), la signification n’est pas donnée en combinant la signification des mots de base ; dans le cas de 54, c’est aux regardeurs de l’inventer. Soit en partant de l’énoncé-image, l’image globale, soit en combinant les images portées par les mots-images, les matrices élémentaires.

1 Afin d’imaginer ce que ce nombre représente, il suffit de rappeler que l’on estime les dimensions de l’univers à : 8,8 x 1023 km. Autrement dit : 8 suivis de 23 zéros.

2 La vidéo peut être vue sur le site de Fernando : https://clemencefernando.com/gravure-108/.

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Des mandalas analogistes

Les images gravées sur les matrices sont de natures très diverses : symboles (chiffre, lettre, etc.), volumes abstraits (pyramide, demi-sphère, etc.), vignettes figuratives (corps céleste, navette spatiale, coït, homme qui marche, corps qui chutent, etc.). Elles appartiennent à tous les règnes d’existants (humain, non-humain, chose, processus, événement ; quantique, vibratoire, etc.) et tous les registres d’image (figuratif, abstrait, symbolique, décoratif, etc.). Ce type de représentation est, selon Philippe Descola dans Les formes du visible (chapitre VIII), typique des visions analogistes du monde-cosmos. « Ce qui est recherché avant tout, c’est la chaleur de la profusion et l’enchantement de la multiplicité, la mosaïque des formes et des couleurs, la multiplication et le chatoiement des facettes ; bref, tout sauf le minimalisme. ». Et cette diversité des existants, l’image analogiste a pour tâche de la prendre en charge et de l’ordonner. Ce que fait précisément la mise en estampe de Fernando : un ordre qui s’invente avec chaque composition.

Des estampes splendides

Le dispositif est complexe, l’aventure du regard exigeante, mais il n’y aurait tout simplement pas de rencontre si les estampes produites n’invitaient pas puissamment au voyage. Cette invitation me parait liée à la splendeur qui les habite. J’emploie le mot splendeur au sens propre : un éclat de lumière venant de l’intérieur d’un objet, à la différence de la lumière venue d’une source extérieure reflétée par une surface. Cette splendeur, c’est la manière noire imprimée en couleur et en multi-chromie, qui la crée : chaque image est à la fois précise et nimbée d’un halo coloré. Il suffit d’être happé par une seule d’entre elles pour entrer dans le labyrinthe des analogies.

Clémence Fernando vit et travaille à Paris www.clemencefernando.wordpress.com

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Vincent Tavernier

Vincent Tavernier est né en 1978 à Saint-Germain-en-Laye (78)

Je pratique la gravure en taille d’épargne depuis vingt ans. J’ai découvert et appris cette technique très expressive et singulière à l’École des beaux-arts de Versailles. Une véritable révélation pour moi.

Mon diplôme en poche, j’ai travaillé à l’atelier de Damien Valero à Vincennes (94). Il m’a initié à la pratique de la taille-douce et a été pour moi de bon conseil. Je suis ensuite allé m’installer dans le sud de la France, à Toulon, en 2008, où j’ai intégré un groupe de graveurs, EncreD’art. Au sein de cette association, j’ai eu l’occasion de donner des cours de linogravure et de participer à des expositions collectives dans notre petit local ou à l’extérieur.

Depuis 2011, je vis et travaille à Marseille où j’ai ouvert un atelier de gravure dans le quartier de la Plaine, à proximité du cours Julien. Cet espace est conçu comme un atelier d’artiste-galerie, ouvert sur la rue. J’y accueille le public et j’anime des cours de linogravure et de gravure sur bois auprès de différents publics. J’y expose également mon travail en permanence.

En 2016, j’ai participé au festival Xylofil à Annot (04), qui est une manifestation dédiée à la gravure sur bois, au cours de laquelle j’ai réalisé un livre d’artiste en résidence.

En parallèle de mon activité de graveur, je fais aussi de l’illustration. En 2017, j’ai ainsi collaboré avec Patrick Joquel à un livre destiné à la jeunesse, Écoute. Cela a été pour moi une très belle expérience. Depuis, je continue à travailler et à exposer mon travail dans mon atelier, mais aussi très régulièrement dans d’autres lieux en France.

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Page 72 : Van Gogh, 2016, gravure sur bois, 13 x 15

Page 73 : le p’tit vélo, 2019, linogravure,10, 5 x 15

Page 74 : Les Amis, 2001, linogravure, 82 x 82

Page 75 : Petit bohomme, 2010, gravure sur bois, 32x44

Pages76 et 77: Dans le desert, gravure sur bois, 21x29

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Dans les pointes sèches de Jeanne Rebillaud, les silhouettes humaines se transforment en êtres joueurs, solitaires, parfois bestiaux. Les animaux, eux, s’incarnent et deviennent humanoïdes, Jeanne Rebillaud brouillant les frontières dans son travail de clair-obscur. Dans les zones sombres peuvent se cacher nos plus profondes peurs ou nos plus noirs secrets.

place et révèlent à la fois la bestialité humaine, mais aussi la beauté de ces animaux qui eux ne font pas semblant.

Le Verbe est mis en scène de manière à ce qu’il incarne la notion du mot lui-même. Le spectateur, face à ces poésies spatiales, ressent physiquement les termes qui font de lui un être humain, avec leur délicatesse ou leur violence. Ainsi, lui aussi doute ou se sent pris au piège, il se sent crier ou se trouve enfermé dans une limite dont il espère peut-être s’extraire, dans la plus grande intimité du travail de Richard Leray. Ses aigles enluminés incarnent quant à eux toutes les nuances du symbolisme que l’on confère aux animaux dans l’expression de nos pensées humaines.

Dans les gravures de Mélissa Tresse, les codes sont brouillés : les hommes sont transmués en éléments de nature et dévoilent par elle leurs émotions, les animaux enferment les êtres humains dans des cages ou vivent avec eux dans un monde étrange et poétique qui ne se simplifie pas. Les idées jaillissent, et chaque gravure, nouveau petit monde surréaliste, incarne une idée ressentie, mais insaisissable.

Cédric Lestiennes dévoile des animaux inconnus, détournés, liés à l’homme ou à ses objets quotidiens, dans de somptueuses planches naturalistes, graphiques et drôles qui nous émerveillent et nous montrent bien comme la richesse de la nature est une inspiration sans fin.

ses bois gravés des mondes où l’humain côtoie l’animal dans un tourbillon de couleurs, d’émotions et de mouvements, les animaux semblant mêler leur symbolique aux émotions exprimées. Les êtres, parfois hybrides humain/animal, nous

Raùl Villullas invente dans

touchent et happent notre regard vers un autre élément de l’image qui nous emmène encore et nous fait danser avec ses chimères.

Les bois gravés monochromes d’Iris Miranda ne concèdent rien, ils nous assaillent, poignants. Les portraits mettent au défi de trouver des réponses. Le trait des gouges dans le bois évoque le processus de création. La nature fait littéralement corps avec la chair de l’être montré, fleur, eau, arbre, insectes, dans une perméabilité déconcertante.

Dans les gravures de Sabine Delahaut, les humains sont réduits à leur simple apparence, leur enveloppe – costumes surannés, somptueux, dévoilant leur superficialité – et la vie se transfèrent sur des animaux qui prennent toute la

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Morsure – été 2022

Aujourd’hui, temps de remise en question où l’humain est bousculé, éjecté de son confort et de sa posture toute puissante, il semble chercher surtout à se rassurer. Les images qu’il cherche à voir, inconscientes projections de lui-même, peut-être les cherche-t-il apaisantes, voire anesthésiantes. Il cherche dans l’art surtout ce confort, cette sérénité que le quotidien n’offre plus, ou alors de manière très partielle. Pourtant, les questions autour de l’homme, de l’animal et de la porosité entre ces deux notions restent pré gnantes. Face à l’adversité auquel l’homme est confronté, comment réagit-il ? Qu’est-ce qui fait de lui un humain ? En quoi est-il ou non différent des autres espèces ? Quelles différences entre les émotions humaines et les affects que l’on peut attribuer à la part animale en nous ? Dans quelle mesure l’humain se fait parfois bestial ? Les artistes de l’exposition Morsure 2022 interrogent chacun à leur manière ces questions.

Bich Rosalie Nguyen met en présence l’humain et la nature, florale ou animale, dans des motifs variés. Cette nature révèle les êtres à travers des émotions diverses, entre rêve et réalité, entre fantasme et solitude. Elle offre un monde à la fois doux et profond, un monde nouveau où l’on peut tour à tour se réfugier, s’absorber ou s’étonner, au risque de se perdre.

La manière noire et le trait de Mikio Watanabe dévoilent toute la fragilité et la délicatesse de ces papillons, lézards et autres oiseaux en mouvement que le spectateur effleure et dont il sent paradoxalement fortement la présence éphémère.

A travers les scènes figurées par la gravure de Pierre Collin sur les cairns de Locmariaquer et de Gavrinis se superposent les époques. Les contemporains se révèlent face aux traces offertes par les hommes pré historiques sur ces monuments et sur leurs parois gravées. Les humains d’aujourd’hui observent ces traces et leur silhouette se projette en formes bestiales dans le jeu de théâtres d’ombres provoquées par ces espaces singuliers. Le tout évoque un labyrinthe hypnotique où se superpose en creux l’image d’un Minotaure.

Fanny Bazille propose des espaces intimes où le spectateur peut parfois se rasséréner – subtilité des animaux marins pourtant sombres, rugosité des écorces d’arbres où parfois le spectateur s’incarne dans le tumulte, les coulées, les fleurs déflorées.

Dans une apparente spontanéité, utili sant cette technique du bois perdu qui ne peut pas être utilisé sans réflexion préalable, les animaux de Nicolas Lambert sont dépeints dans un trait brut, ils semblent esquissés au cou teau, comme si le graveur réussissait à représenter leur essence, dans une dislocation qui n’enlève rien réalisme.

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présente la vie d’artiste

glen baxter

œuvres récentes

du 9 mai au 16 juillet 2022 vernissage le lundi 9 mai de 18 à 20 h 30

salon ouvert du mardi au vendredi de 14 h à 18 h 30 le samedi de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h congés d’été du 19 juillet au 21 août 2022

Je suis né à Hunslet, un petit faubourg de Leeds. Comme mes deux parents travaillaient, j’ai fréquenté la crèche locale.

Tarifs

Quelques années plus tard, quand je suis allé à l’école d’art, j’ai découvert le travail d’André Breton. Il décrivait le surréalisme et, là, j’ai réalisé que j’étais déjà un surréaliste à l’âge de 16 ans.

À la fin de mon premier trimestre, les enseignants ont organisé une journée portes ouvertes pour célébrer les activités des enfants. Mes parents sont venus à l’événement et ont remarqué trois grandes tables remplies de nombreuses figurines en argile. « Lequel de ces objets a fabriqué notre fils Glen ? » a demandé ma mère. « Ces deux tables. » a répondu l’enseignant.

2022

Les sonnettes d’alarme ont clairement retenti... J’ai continué à aller à l’école bien que ce soit une période difficile. Je bégayais et mes parents craignaient que cela n’affecte mon travail scolaire.

Abonnement un an / 4 numéros, plus un numéro gratuit frais de port compris

Abonnement Deux an / 8 numéros, plus deux numéro gratuit frais de port compris

Je me souviens qu’un jour, ma mère m’a envoyé dans les magasins du coin pour acheter un bouton de col pour la chemise de mon père. Très nerveux, alors que je me dirigeais vers les commerces, j’ai commencé à répéter mon discours, testant différentes combinaisons de « Bonjour, je voudrais acheter un bouton de col, s’il vous plaît ». Enfin, je suis arrivé à l’entrée du magasin où j’ai courageusement avancé. Le vendeur me fixait de derrière le comptoir. J’ai réussi à parler sans la moindre trace de bégaiement. L’assistant m’a regardé, totalement stupéfait. Après une longue pause, il dit : « Je pense que vous aimeriez essayer la boutique voisine. » Je me tournai pour sortir et réalisai que je me trouvais dans une boutique de meubles. J’étais tellement concentré sur mon discours que je m’étais trompé de magasin. J’avais dit les bons mots, mais au mauvais endroit.

J’ai passé 5 ans à l’école d’art et j’ai été fasciné par les peintures de Giorgio di Chirico et les romans-collages de Max Ernst. À cette époque, l’école se focalisait principalement sur l’abstraction et la plupart des travaux pastichaient l’expressionnisme abstrait américain. J’étais beaucoup plus intrigué par Dada et le surréalisme, ainsi que par la notion de vie d’artiste d’Erik Satie. Il me semblait que j’étais la bonne personne au mauvais endroit. J’ai quitté l’école d’art, désillusionné, et je suis parti vivre et travailler à Londres, où j’ai commencé à écrire des poèmes en prose et à faire de petits dessins.

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En 1974, les poètes américains Larry Fagin et Ron Padgett m’ont invité à lire mes œuvres dans le cadre du Poetry Project à New York, devant un public réuni dans la légendaire église St Mark’s, dans le Lower East Side. La réaction a été totalement enthousiaste. J’étais au paradis. L’écrivain américain et membre de l’Oulipo, Harry Matthews, est venu me féliciter. Plus tard, cette année-là, s’est ouverte ma première exposition de dessins à la Gotham Book Mart Gallery. Bizarrement, j’avais réussi à combiner des images et des mots d’une manière qui était absolument anglaise, quoique devant beaucoup à l’esprit du surréalisme européen. Glen Baxter 2022

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Abonnement un an /4 numéros avec gravures signées et numérotées. et 1 nuréros gratuit (avec sa gravure)

Abonnement deux an /8 numéros avec gravures signées et numérotées. et 2 nuréros gratuit (avec sa gravure) frais de port compris

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Pour vous abonner, il vous suffit de virer le montant sur le compte : BE39 0689 0083 8219 BIC:GKCCBEBB avec en communication : Abonnement à Actuel de l'Estampe, votre nom, votre adresse Ou, via Paypal, sur le site http://www.actueldelestampe.com

rue de l’hôtel des monnaies, 81 - 1060 bruxelles - 02 537 65 40 - www.lesalondart.be
présentation de « La vie d’artiste », de Glen Baxter aux Éditions de La Pierre d’Alun. Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles

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