Habiter le patrimoine ouvrier

HABITER LE PATRIMOINE OUVRIER Exemple du logement de canut un logement prisé du quartier de la Croix-Rousse

Etudiante : Romane Serrano Enseignante : Muriel Girard

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille Troisième année, Semestre 6, Mai 2021

Illustration de la page de garde : Chantal Lassieur

Remerciements : Je tiens à remercier dans un premier temps, mon enseignante directrice de mémoire, Muriel Girard, doctorante et professeure en Sciences Humaines et Sociales, pour avoir suivi et conseillé la recherche et l’écriture de ce rapport d’étude. Je remercie également l’ensemble des habitants de la Croix-Rousse que j’ai pu rencontrer, qui ont accepté de me présenter leur logement et de témoigner de leur vécu dans ce quartier. Enfin, je voudrais remercier les architectes Jean-Vincent Berlottier et Antoine Le Nai d’avoir partagé leurs expériences et leurs connaissances du quartier de la Croix-Rousse à Lyon.

HABITER LE PATRIMOINE OUVRIER Exemple du logement de canut un logement prisé du quartier de la Croix-Rousse

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UNE TYPOLOGIE DE LOGEMENT QUI SUIT SA FONCTION : LE MODELE DU LOGEMENT OUVRIER 5 1.1 Un modèle unique pour une multitude d’ouvrier : le dessin d’un quartier ouvrier 1.2 Une catégorie sociale qui subit l’évolution industrielle

2 D’UN QUARTIER OUVRIER VERS UN QUARTIER DE CLASSE MOYENNE : LE PROCESSUS DE GENTRIFICATION

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2.1 L’investissement du quartier, un changement de classe sociale

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2.2 Une synergie sociale qui perdure

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« FAIRE AVEC » LE PATRIMOINE OUVRIER

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3.1 La ville confrontée à son patrimoine

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3.2 D’un logement de canuts vers un logement de famille actuelle

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CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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SITOGRAPHIE

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VIDEOGRAPHIE

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ICONOGRAPHIE

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INTRODUCTION L’« aménagement d’espaces urbains nouveaux s’est peu à peu transformé en réhabilitation du patrimoine. »1, observe Michel De Certeau un philosophe du XXème siècle. Aujourd’hui l’organisation de la ville est confrontée à la superposition de plusieurs temps de construction : l’ancien et le nouveau. Ce palimpseste vient questionner le devenir des bâtis anciens : destruction, conservation, rénovation ou réhabilitation. La ville s’est densifiée en son cœur, s’est étalée sur ses extérieurs et maintenant se doit de réguler son empiètement sur les espaces ruraux. Le patrimoine qui représente l’héritage de la ville devient un potentiel d’accueil de programme au sein de l’urbanisme.

Cependant, les édifices appartenant au patrimoine de la ville opposent plusieurs époques. Son contexte de construction fait face au contexte de sa réhabilitation. Les différentes manières d’habiter influencées par le contexte politique, social et culturel sont confrontées en un même lieu. Pourtant, des espaces du « déjà-là » se transforment en des lieux répondant aux quotidiens de la société actuelle. Habiter un espace correspond à son appropriation. Par de multiples moyens l’humain vient adapter le lieu pour le rendre habitable. Par quels manières ces espaces anciens deviennent un support d’habiter actuel ?

Le patrimoine représente un bâti qui trace l’histoire du territoire et de ses habitants. Cependant, il contient et se doit de transmettre une histoire sociale, politique et culturel qui dépasse sa forme physique. Les siècles de progrès techniques, les révolutions industrielles et les ravages des guerres, accompagnent l’évolution des manières de construire le paysage urbain d’une société en changement constant. Dés lors de l’émergence de l’industrie au XIXème siècle, le métier d’ouvrier suit progressivement les avancés de productions de la société : de la production individuelle à la production de masse industrielle. Pourtant, ils restent victime d’une partition des classes sociales. Ils sont logés dans les faubourgs de la ville dans des logements similaires répondant à un mode de vie généralisé.

Progressivement, les avancées technologiques réduisent le rôle de l’ouvrier dans le cycle de la production de plus en plus industrialisée. Le métier d’ouvrier se réduit et les quartiers construits pour les loger s’éteignent. Pourtant, il arrive que ces logements désuets deviennent des logements pour un nouveau type d’habitants non ouvriers. On observe ce phénomène dans le quartier de la Croix-Rousse dans la ville de Lyon. Ce quartier a été créé pour loger les ouvriers canuts. Ils travaillaient la soie sur les métiers à tisser qui se trouvait dans le logement. Ils conciliaient travail et vie de famille dans un même

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Michel de Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, L’invention du quotidien : habiter, cuisiner, Editions Gallimard, 1994, p.189

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espace. Après la disparition de cette classe ouvrière, la classe moyenne émergente s’approprie ces logements du patrimoine ouvrier de la ville.

C’est au travers de cette étude de cas que nous allons chercher à expliquer en quoi le patrimoine ouvrier devient adaptable aux manières de vivre d’une classe moyenne de la société actuelle.

L’ensemble du rapport d’étude se construit de tel sorte à suivre le devenir du patrimoine ouvrier tout en l’imageant par l’exemple concret du quartier des canuts, la Croix-Rousse. Des recherches historiques se fondent sur la conférence « Le logement ouvrier : de l’utopie à la réalité » du 27 mars 2008 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine commentée par Antoine Le Bas associée en parallèle au Diagnostic Patrimonial et Environnemental – Lyon 1er rédigé par l’agence d’architecture Archipat. Le succès du patrimoine dans la ville attire de nouveaux habitants dans ces quartiers anciens. Ce phénomène social est décrit principalement par la thèse « Générations de classes moyennes et travail de gentrification.

Changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005 » d’Anaïs Collet en 2014. Ce patrimoine ouvrier est donc confronté à une évolution sociale et devient un enjeu pour la ville. C’est à l’aide du diagnostic précédent ainsi que le manuel « Habiter le patrimoine » dirigé par Maria Gravari-Barbas que les recherches sur l’évolution et l’adaptation architecturale du patrimoine permettent de comprendre le patrimoine ouvrier présent aujourd’hui dans nos villes. Ces recherches sont accompagnées de relevés habités d’appartement de type canuts de la Croix-Rousse. En révélant « les traces d’appropriation que laisse l’habiter »1, d’après Daniel Pinson, le relevé des appartements permet d’observer et de comparer les différentes façons de s’approprier l’espace.

L’ensemble de ses supports de recherche nous amènent à suivre le patrimoine ouvrier d’un point de vue social, politique et culturel que subit son architecture.

Nous introduirons ces recherches par la présentation de l’histoire du quartier ouvrier de la Croix-Rousse dans le contexte ouvrier de la France. L’histoire des canuts présentera la typologie de logements devenus support d’habiter d’une classe sociale différente. Ce phénomène sera explicité par la gentrification du quartier qui nous mènera aux relations entre société et patrimoine puis aux différentes transformations de logements canuts aux habitants d’aujourd’hui.

Page suivante : 1. Plan situation du quartier de la Croix-Rousse dans la ville de Lyon (1/20 000)

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Daniel Pinson, « L’habitat, relevé et révélé par le dessin : observer l’espace et son appropriation », Espaces et Sociétés, n°164-165, p.1-2

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2. Côté Ouest de la colline de la Croix-Rousse en 1875

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UNE TYPOLOGIE DE LOGEMENT QUI SUIT SA FONCTION : LE MODELE DU LOGEMENT OUVRIER

L’ouvrier est d’abord un travailleur agricole qui loue sa force de travail contre une rémunération monétaire. Lors de la révolution de la pensée au XVIII ème siècle, l’idéologie du progrès pousse au développement des territoires européens vers un progrès technique, scientifique et social. Les évolutions techniques provoquent la mise en place d’un nouveau système de production, l’industrie.

L’ouvrier-paysans migrent vers la ville pour une production industrielle émergente et devient un ouvrier-industriel. Les ouvriers-paysans sont dispersés. Les machines de travail nécessaire à la production sont présentes dans la maison de l’ouvrier. Ils associent la vie de famille et le travail. Puis, le développement industriel nécessite la promiscuité des ouvriers vers les usines. Les villes subissent donc une croissance démographique importante. Ce phénomène de révolution industrielle impacte l’organisation urbaine des villes dont le paysage se voit transformé au travers de nouveaux équipements utiles à l’industrie et des logements pour ouvriers.

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1.1 UN MODÈLE UNIQUE POUR UNE MULTITUDE D’OUVRIER : LE DESSIN D’UN QUARTIER OUVRIER L’émergence d’une ville industrielle L’origine de l’industrialisation se fait notamment dans le domaine du textile par l’activité de la soie au XIXème principalement en Europe. Des villes comme Lyon tendent à se spécialiser dans ce domaine industriel. Sa position géographique repérée depuis l’époque gallo-romaine est utile au carrefour de commerce national et européen. C’est pourquoi l’Etat français et la municipalité de la ville prennent la décision de concentrer les équipements essentiels au développement de l’industrie de la soie dans le quartier des Pentes. Ce quartier se situe sur les pentes du côteau de la Croix-Rousse au nord de la ville.

Il est constitué d’anciens clos religieux expropriés à la révolution dont les biens deviennent Biens Nationaux puis sont revendus aux privés. Ces espaces sont donc propices au développement de la ville à proximité du pouvoir municipal et des négociateurs de soie en bas des pentes dans le quartier des Terreaux1.

L’industrie de la soie est dirigée par une hiérarchie reflétant les différentes classes de l’échelle sociale.

En bas de l’échelle, les apprentis aident les ouvriers, ce sont les plus nombreux. Au-dessus, les maîtresouvriers aussi appelés maîtres-tisseurs ou chef d’atelier, ils possèdent un ou plusieurs métiers à tisser.

Ils réceptionnent les commandes des supérieurs, ainsi que les fils et les dessins des motifs du tissus qu’ils exécutent en employant de la main d’œuvre. Ces deux acteurs sont plus communément appelés « Canuts ». Les marchands-fabricants aussi appelés soyeux, emploient les dessinateurs de motifs, fournissent la soie aux Canuts et revendent les étoffes. Il existe des grands marchands propriétaires d’un magasin, un atelier et des ouvriers et des petits qui n’ont pas de magasin mais revendent leur production d’atelier à leur propre compte. En haut de l’échelle se trouvent les négociants internationaux, ils maitrisent les circuits de production et d’approvisionnement de la soie. Ils sont parfois aussi banquiers ou investisseurs.

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Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, 2016

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3. Illustration de l'échelle sociale dans la production de la soie à la Croix-Rousse

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Cette structure hiérarchique et sociale est forte et difficile à gravir pour les classes les plus basses. Pour devenir indépendant et être marchand il est demandé de payer une taxe onéreuse inaccessible pour les apprentis et ouvriers. Depuis, le XVIème siècle, le tissage des étoffes se faisait dans des maisons de ville ou des immeubles en bas de pentes le long de la montée de la Grande-Côte, en périphérie des clos religieux et dans le quartier des Terreaux. L’activité prend de l’ampleur, par manque de place les métiers de la soie investissent les pentes. Les expropriations religieuses permettent l’étalement de l’emprise des immeubles. Les quartiers ouvriers se développent donc au travers d’un mode généralisé et communs à tous selon leur activité.

4. Carte du bâti des pentes de la Croix-Rousse 1800-1830

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Répartition entre travail et vie de famille En France, la centralisation progressive du travail dans les usines s’accompagne de nouveaux quartiers qui apportent la dislocation entre travail et logement. Ils y vivent à plusieurs, en famille ou entre ouvrier célibataire ou bien qui ont quitté leur famille à la campagne. A Paris, ils vivent parfois dans les garnis, des chambres louées meublées sous les combles des immeubles.

5. Superposition des classes sociales dans un immeuble Haussmannien :des plus aisés au premier étage au plus pauvre au dernier.

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Le nombre d’ouvrier dans les villes augmente et pour assurer une meilleur production les usines font construire des quartiers d’ouvriers à proximité pour assurer le contrôle de l’activité. La ville voit émerger des lotissements de maisons identiques en enfilade, tout comme les corons au nord. Ailleurs des « casernes d’ouvriers » inspirées des casernes-militaires, hébergent les ouvriers et leur famille et accentue l’idée d’une vie communautaire1. Cependant, le marché de la soie n’est pas encore touché par le travail à l’usine, les métiers à tisser sont chez les canuts, les soyeux et négociateurs dans leurs appartements bourgeois, et les métiers dérivés tel que dessinateur, réparateurs et bien d’autre ont leur propre boutique. Aussi, le travail et le logement sont intimement liés. Le quartier des Pentes de la CroixRousse à Lyon, se voit munis de nouveaux immeubles capables d’accueillir les acteurs du marché de la soie qui croit. De multiples interventions urbaines viennent s’installer et densifier le quartier.

Dans les Pentes de la Croix-Rousse, proche du centre-ville, le clos des Capucins-Ursulines est un bien national. En 1803, il est donc un lieu stratégique de vente de la soie. Des rues sont percées perpendiculairement à la pente et sont dessinées d’immeubles de minimum 4 étages. La classe sociale extrêmement divisée se voit reflété dans la constitution des logements. Au rez-de-chaussée, les commerces animent la rue et sont contigus à la vie de famille. Dans les derniers étages se trouvent les tisseurs, où la pièce unique sert de lieu de travail et de vie de famille. Les étages intermédiaires logent les classes aisées, les rentiers, les marchands-fabricants, et les commissaires en soie. Les appartements sont composés de 3 ou 4 pièces, haut de plafonds et les façades sont ornées de balcon. Le clos des Capucins est essentiellement destiné aux soyeux. Il est le résultat du succès du relancement de l’industrie de la soie dans la ville lyonnaise2.

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Antoine Le Bas, conférence « Le logement ouvrier : de l’utopie à la réalité », La Cité de l’Architecture et du Patrimoine, 27 mars 2008, visionnée le 18 mars 2021, disponible sur : https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/le-logement-ouvrier-de-lutopie-la-realite 2 Josette Barre, « Soierie lyonnaise et habitat. Typologie des immeubles de la Croix-Rousse vers 1830 », Le Monde alpin et rhodanien, 1991, p.39-52

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6. Immeuble Place du Forez dans le quartier des Capucins, encore présent aujourd’hui.

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Dans la continuité de ce quartier de vente, le couvent de la Déserte est lui donnée à la ville. Il devient le quartier Sathonay constitué du jardin des plantes. C’est l’ancien jardin du clos qui servira comme lieu de ressourcement pour l’inspiration des dessinateurs de motifs des étoffes. En 1811, il est muni d’une place, la place Sathonay afin d’y ouvrir les rues adjacentes. Les nouvelles parcelles forment un ensemble architectural cohérent. La morphologie des immeubles se rattachent à celle des Capucins. Les façades sont plus ornementées de balcons détaillés en fer forgé, portes cochères, pierres de tailles et pilastres.

On retrouve les commerces en rez-de-chaussée, les espaces de travails des commissaires en soie dans les premiers étages et les rentiers, marchands-fabricants au-dessus, tous logés dans des appartements de 3 à 5 pièces. Au dernier étage, logent donc les ouvriers1.

Ces quartiers rendent visible une stratification des classes sociales au sein des mêmes des immeubles.

Cependant, le quartier des Pentes se voient submergé d’ouvriers venus travailler la soie. Ils logent en grand nombre dans les immeubles des Pentes qui en deviennent insalubres.

Les activités industrielles ne font que croître et le nombre d’occupants des quartiers ne fait donc qu’augmenter ce qui met en jeux principalement leurs conditions de vie.

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Josette Barre, « Soierie lyonnaise et habitat. Typologie des immeubles de la Croix-Rousse vers 1830 », Le Monde alpin et rhodanien, 1991, p.39-52

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7. Immeuble place Sathonay dans les Pentes de la Croix-Rousse : les balcons et les modénatures du premier étage affirme l’occupation d’habitants aisés de l’époque.

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L’insalubrité des villes du territoire Plus tard, en 1884, Emile Zola décrira les corons comme « [...] deux rangs de maisons collées dos à dos.

Un petit trottoir de brique sur champs. De l’autre côté de la rue des jardins sales très peu cultivés […]. pas de séparation, de vieilles clôtures éventrées. Devant chaque maison, des tonneaux posés pour recevoir l’eau pluviale qui est meilleure pour la lessive. On entre dans la pièce du bas qui est de plainpied […]. Dans cette pièce du bas, tout le monde vie, le père, la mère, les enfants, plus il y a d’enfants moins c’est propre. […] en haut un couloir d’abord où les enfants couchent puis une chambre pour le père et la mère dans laquelle il faut bien aussi que les enfants se retrouvent parfois »1. Les habitants des villes prennent conscience des conditions de vie insalubres des ouvriers mais aussi dans le reste de la ville. Une politique philanthropique est lancée sur le développement d’une architecture libérale, auquel s’ajoute une politique hygiéniste pour améliorer les conditions de vie humaines. Les îlots doivent être aérés et les rues ouvertes. La ville émergente étend ses limites, crée de nouveaux quartiers et rénove les tissus urbains pour cadrer son évolution.

On observe cette stratégie urbaine dans la ville de Lyon. L’insalubrité des Pentes de la Croix-Rousse préoccupe. Il faut aérer et assainir les espaces déjà habités. Cependant, les biens nationaux revendus sont maintenant privés. La ville se retrouve confrontées à la difficulté d’imposer aux privés une réglementation urbaine. La désignation des charges des ouvertures des rues au travers des îlots est débattue. Les plans se succèdent mais fautes de moyens ils sont entamés et inachevés ou non réalisé.

Les ouvertures demandées par la ville sont faites de manières anarchiques dans les îlots « pour ouvrir une rue, le propriétaire a toute liberté, du moment que celle-ci ne débouche pas sur une voie publique.

Dans le cas contraire il doit obtenir une demande d’alignement (à l’existant) et suivre le nivellement indiquer par le voyer »2. Cependant, ces ouvertures empiètent sur l’emprise possible de futurs immeubles construits par les propriétaires. Pour perdre moins d’argent, après avoir tracé l’ouverture de la rue, certain la vendent à la ville qui se doit de s’occuper de la paver et de l’entretenir. Si la ville juge l’ouverture non conforme, elle ordonne sa fermeture ou l’accepte en échange du nom de la rue qu’elle choisit d’attribuer. En 1826, la ville tente la mise en place d’une réglementation urbaine, « des normes chiffrées matérialisent de manières claire le rapport entre hauteur des immeubles et largeur des voies. […] La hauteur démesurée […] est de nature à compromettre la sûreté, la salubrité et la commodité publique. »3.

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Antoine Le Bas, conférence « Le logement ouvrier : de l’utopie à la réalité », la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, 27 mars 2008 2 Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, p.33 3 Ibid. , p.35

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8. Schématisation de la hauteur des immeubles des pentes de la Croix-Rousse en fonction de la largeur de la rue.

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En parallèle, Louis-Benoit Coillet dessine un plan d’ouverture au travers des anciens clos religieux à l’est des Pentes. Les montées anciennes deviennent dangereuses pour le trafic de voiture à cheval qui afflue en raison de la production des étoffes de soie. Pour améliorer la montée et descente des charrettes, il dessine un tracé géométrique de rues larges de dix mètres, perpendiculaires les unes aux autres formant des lacets. Elles sont ponctuées de places permettant la pause des chevaux. D’autres rues montent dans le sens de la pente pour un accès plus rapide pour les piétons.

L’ensemble de ses nouveaux équipements améliore la vie des Pentes mais est laissé libre d’usage au plateau de la Croix-Rousse de l’autre côté des limites de la ville. Ce faubourg est un « dumping social »1, il attire des tisseurs en raison d’impôts moindre que ceux de la ville de Lyon. Le plan Coillet est donc une « véritable opération de communication et de séduction, destiné aux tisseurs localisés sur le Plateau. »2.

Malgré tout, le bas des pentes reste majoritairement composé de riches marchands, soyeux, rentiers et négociants. Habituellement, ils vivent dans leur immeuble dont ils sont propriétaires et le bruit incessant des ouvriers n’est pas le bienvenu.

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Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, p.35 Le dumping social est un processus de mise en concurrence économique dans un même domaine d’activité. Ici, le plateau de la Croix-Rousse ne faisant pas parti de la ville de Lyon exerce une concurrence sur la production d’étoffe des pentes.

2 Ibid.

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9. Plan de Lyon de Dignoscyo (architecte urbaniste du XIXème siècle) en 1844.

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Accession à la propriété pour les populations plus pauvres Cette politique d’assainissement et d’embellissement de la ville s’applique en parallèle dans le reste du territoire. A Paris, la crise économique de 1830 et la rénovation urbaine dirigée par Haussmann amènent à l’exil des ouvriers en périphérie dans les faubourgs villageois. Belleville, une « commune rurale et vigneronne »1 au nord-est de Paris devient un « ancrage ouvrier et populaire »2 vers le milieu du XIXème siècle. Le village devient peu à peu une ville. Les « lotisseurs », « acquéreurs » et « propriétaires fonciers urbains » transforment la commune par des « opérations de lotissement à petite échelle »3.

L’ouvrier est un prolétaire, le plus souvent il n’est pas propriétaire de son logement, le loue aux classes les plus aisées pour laquelle il travaille. Face à ses inégalités sociales, et conditions vies des ouvriers toujours peu salubres, des pensées sociales émergent dans le but d’améliorer la condition ouvrière.

Pierre-Joseph Proudhon philosophe et sociologue français du XIXème siècle, issu du milieu ouvrier défend une politique d’accès à la propriété pour tous. A l’inverse, Friedrich Engels un philosophe allemand issu d’une famille de l’industrie du textile évoque une solution par la lutte des classes pour une égalité sociale4. Une vision utopique de la ville industrielle émerge au sein d’une ville tendue entre bourgeoisie et ouvrier à la naissance d’une société de production nouvelle. Les ouvriers sont ainsi lotis dans des lotissements à l’échelle du quartier qui se relient aux tracés existant des voies. Amina Sellali, explique la situation de Belleville : « Parfois constructeurs et/ou premiers habitants, les acquéreurs font partie intégrante de l’histoire de ces lieux et sont souvent à l’origine du premier paysage construit. […] Une ségrégation s’opère dans la localisation des acquéreurs suivant leur niveau social, avec des répercussions sur les caractères architecturaux des constructions édifiées. »5. L’ensemble des acteurs, génère un ensemble de catégories socioprofessionnelles différentes au sein des quartiers.

Cette ségrégation sociale provoque dans les Pentes de la Croix-Rousse le mouvement des ouvriers vers d’autres lieux. Ce phénomène est accentué par l’évolution des métiers à tisser sur lesquels ils travaillent nécessitant de nouveaux ateliers. Les métiers à tisser sont obsolètes et nécessitent une importante main d’œuvre. Le « grand rénovateur »6 Joseph-Marie Jacquard s’inspire des innovations techniques pour 1

Roselyne de Villanova, Agnès Deboulet , Belleville, quartier populaire, Creaphis éditions, Paris, 2011, p.5 Amina Sellali, « L’épopée de l’ouvrier propriétaire », in Roselyne de Villanova et Agnès Deboulet (dir), Belleville, quartier populaire, Creaphis éditions, Paris, 2011, p.19-33 ; p.19 3 Ibid.

4 Antoine Le Bas, conférence « Le logement ouvrier : de l’utopie à la réalité », La Cité de l’Architecture et du Patrimoine, 27 mars 2008, visionnée le 18 mars 2021, disponible sur : https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/le-logement-ouvrier-de-lutopie-la-realite 5 Amina Sellali, op. cit. ; p.25 6 Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, p.43 2

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créer de nouvelles machines demandant moins de main d’œuvre. Le métier à tisser est toujours trop bruyant, Jean-Antoine Breton améliore le métier pour rendre son utilisation plus agréable. Le métier est nommé « Jacques Breton » mais sera plus communément appelé « métier Jacquard ». Le nombre de métier augmente nettement : 47 en 1811 contre 1879 en 1820. Dès 1820, les ouvriers s’associent jusqu’à dix pour acheter et faire construire dans les clos supérieurs sur les pentes par terrassement, tout comme les rentiers, soyeux et marchands qui logent leur ouvrier. C’est les prémices de la copropriété.

L’architecte lyonnais du XIXème siècle Tony Desjardins énonce « Je ne puis, dis-je, trouver d’autres motifs à ce développement que la nécessité pour les ouvriers de soie qui habitent la Croix-Rousse de se trouver à proximité des maisons de fabrique placées dans le nord de la ville, à moins de vivre et de communiquer ensemble, particulier à nos ouvriers en soie. »1 Les nouveaux immeubles sont bâtis sur les tracés du plan Coillet, ils forment une limite brutale entre la zone semi-rurale du plateau et le quartier urbanisé. C’est l’émergence de l’immeuble « canut » aussi appeler « immeuble atelier ».

10. Représentation de métiers Jacquard dans un atelier de Canuts.

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Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er., p.28

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La colline de la Croix-Rousse est ainsi nommée « La Fabrique ». Les ouvriers s’installent également dans le faubourg de la Croix-Rousse. Les immeubles viennent s’ajouter aux tracés existants initialement présent en 1812 lors de la création du premier lotissement de tisseurs par Pierre Gabriel Dumenge. Plus on monte dans les Pentes, plus la fonction première des immeubles est celle du travail. Les immeubles canuts sont le résultat du besoin de l’adaptation de la forme architecturale à une fonction. Comme l’affirme l’architecte Louis Sullivan « la forme suit la fonction ». La hauteur des bâtiments dans le paysage change de manières drastique le paysage urbain de la ville. Les 4 ou 5 étages bâtis dans les pentes signalent le quartier. La colline de la Croix-Rousse est décrite comme une « ruche ouvrière »1.

11. Photographie de "la Fabrique"

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Michel de Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, L’invention du quotidien : habiter, cuisiner, Editions Gallimard, 1994, p.55

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A l’inverse du quartier des Capucins et Sathonay, les étages sont identiques en raison de la répétition de cellule d’appartements similaires, reflétant la présence d’une seule unique classe sociale. L’absence de décors en façade démontre le manque de moyen des copropriétés et affirment son identité industrielle. La mise à l’écart des ouvriers en périphérie des villes les amène à vivre en communauté. Le prix des terrains et des habitations devient plus ou moins abordables selon s’ils investissent seuls ou à plusieurs. Les constructions sont libres, le dessin urbain se fait de manières anarchiques en suivant les tracés existants auquel ils se rattachent.

Les ouvriers aspirent à être propriétaires. En exemple, à Belleville, « Dès qu’ils le peuvent, malgré de faibles revenus, ils tentent d’acquérir une parcelle de terre : signe de réussite qui consacre une vie de labeur. »1. En affirmant leur autonomie, ils exercent leur activité à domicile, « en chambre »2. Ainsi, « L’appropriation des lieux puis leur urbanisation par une population laborieuse, aux moyens limités, produit une architecture au caractère modeste […]. »3 La classe ouvrière s’affirme dans une nouvelle société industrielle du territoire. Le logement est « […] une unité d’habitation […] appartement ou maison abritant régulièrement un ou plusieurs individus qui en partagent l’usage, c’est avant tout un bien matériel que l’on peut identifier dans notre société à partir de ses occupants, sa localisation et sa somme architecturale. »4 En effet, les villes sont clairement divisées socialement entre bourgeoisie et ouvriers, chacun vit dans des immeubles ou maison et affirment en façade, par plus ou moins d’ornements, leur appartenance à une certaine classe sociale.

Les typologies de logement sont multiples et une ségrégation sociale est toujours présente.

Notamment, la typologie des logements des canuts est singulière. Elle est avant tout leur lieu de travail, ce sont des logements ateliers. Les contraintes techniques des métiers à tisser dessinent le volume des appartements. L’éclairage naturel nécessaire se fait par des grandes fenêtres entre 2,30 et 2,50 mètres et entre 1,30 et 1,40 mètres de large espacées de 0,50 ou 0,90 mètres. Leur grande hauteur sous plafonds de 3,90 ou 4 mètres accueille les métiers tisser supportés par les plafonds à la française au solivage resserré. Les couchages se situent en mezzanine, aussi appelée « soupente », dans le fond des appartements généralement au-dessus de la cuisine et les sanitaires sont dans les parties communes,

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Amina Sellali, « L’épopée de l’ouvrier propriétaire », in Roselyne de Villanova et Agnès Deboulet (dir), Belleville, quartier populaire, Creaphis éditions, Paris, 2011, p.19-33 ; p.26 2 Ibid., p.28 3 Ibid., p.29 4 Antoine Le Bas, conférence « Le logement ouvrier : de l’utopie à la réalité », La Cité de l’Architecture et du Patrimoine, 27 mars 2008, visionnée le 18 mars 2021, disponible sur : https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/le-logement-ouvrier-de-lutopie-la-realite

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dans la cage d’escalier. Le seul point d’eau privé se trouve proche de l’entrée. Antoine Bation dans « La patrie lyonnaise » énonce les conditions précaires des logements : « une pièce à deux ou trois fenêtres avec, au lieu de vitres, du papier huilé collé sur des châssis, deux ou trois métiers serrés les uns contre les autres, un dévidoir pour la trame et le rouet pour les canettes, une alcôve pour le lit conjugal, une soupente sur laquelle couchaient les enfants et les apprentis. »1. Pourtant, la valeur locative des logements canuts sont plus onéreuses que celle d’un logement des Capucins ou de la place Sathonay.

La classe ouvrière s’impose donc progressivement sur le territoire français. La conscience d’une inégalité sociale accentue les conditions de vie endurées par les ouvriers.

12. Lithographie d'un logement atelier d'une famille de Canut

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Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, p.140

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1.2 UNE CATÉGORIE SOCIALE QUI SUBIT L’ÉVOLUTION INDUSTRIELLE Les conditions de vie dans le quartier au sein de la ville Le développement des secteurs ouvriers dans la ville durant le XIXème définit des zones caractérisées par l’appartenance sociale de ses habitants. Richard Sennett représente la ville comme étant « […] un lieu privilégié de communication et d’échange où se forge une conscience commune. »1. Tandis que Jürgen Habemas décrit cette période comme « […] un temps d’équilibre heureux entre l’espace privé de la maison […] et le public où, grâce notamment à la presse, aux cafés, aux boulevards […] s’épanouit une opinion essentielle à la démocratie. » 2Les ouvriers affirment leur identité et leur manière de vivre au sein de la ville au travers de leur quartier. Le quartier devient un élément de la ville portant le rôle de « d’acculturation fondamental. ». La culture ouvrière provenant majoritairement d’un milieu rural s’adapte au site urbain. La ville finit par contenir un « terroir » et développe un « territoire » 3. Pourtant, les habitants de ces quartiers parlent aussi « de villes dangereuses, malsaines, cloaques, égouts, voire d’enfer de la ville. »4.

L’identité du quartier ouvrier est nettement visible dans le quartier des canuts aux nombreux surnoms, « la Fabrique », « la colline qui travaille » opposée à « la colline qui prie » faisant référence à la colline de Fourvière. La culture ouvrière rythme la vie de quartier. Le bruit des machines « bisse-tan-claquepan »5 de 5h à 20h-21h résonnent dans les rues et signifie la zone la plus importante de la manufacture de Lyon. Dans un guide de voyage de 1864, Adrien Peladon décrit « En arrivant dans ce quartier, on est d’abord frappé du peu d’animation des rues, mais si l’on s’approche en poursuivant ses observations, on ne tarde pas à s’apercevoir que le mouvement le plus actif règne dans l’intérieur des maisons. »6En effet, le quartier est habité dans sa grande majorité d’ouvrier canuts, et autres métiers dérivés. Il y a peu de place pour le loisir et le divertissement. Les ouvriers se retrouvent donc dans les « gargottes » et les « bouchons » lyonnais en bas des pentes ou bien dans les autres quartiers ouvriers tel que la Guillotière au sud-est de la ville, pour se restaurer et se rassembler. Le quartier de la Guillotière, à proximité des Brotteaux un lieu de commerce de la soie, devient un espace de rassemblement de toute classe sociale qui se retrouvent dans les bars et restaurants. Ce quartier est décrit comme « le réceptacle 1

Michelle Perrot, « La ville et ses faubourgs au XIXème siècle », in Jean Baudrillard et alii. (dir.), Citoyenneté et urbanité , Paris : Editions Esprit, 1991, p.65 2 Ibid. , p.66 3 Ibid. , p.80 4 Ibid., p.66 5 Michel De Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, L’invention du quotidien 2 : Habiter, Cuisiner, 1994, p.55 6 Adrien Peladon fils, Guide de l’amateur et de l’étranger à Lyon et dans les environs, Paris, Benjamin-Duprat, 1864, p.453

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d’une portion impure de la population lyonnaise : filles publiques de bas étage, voleurs, escrocs, y trouvent refuge. »1 Dans leur quotidien, les ouvriers vivent et travaillent en famille dans leur logementatelier normalement dédier aux travails du canuts. La famille complète et plusieurs générations habitent dans l’appartement. Les enfants mariés quittent le logement en général lors de l’arrivée du premier enfant. Le quartier de la Croix-Rousse est « une grande concentration ponctuelle d’ouvriers, tous tributaires de la même industrie. »2. Cette forte concentration au sein des logements et des quartiers ouvriers démontrent l’insalubrité de la ville.

Les conditions de vie insalubres et les conditions de travail rudes L’insalubrité reste une problématique et un phénomène récurrent sur l’ensemble du territoire. Ce phénomène accentue la distinction entre les quartiers, « […] la ville du premier XIXème siècle distingue les quartiers bourgeois […] des quartiers populaires, étanches les uns des autres. »3Cette insalubrité urbaine est visible jusque dans les logements, par la promiscuité des habitants en surnombre, un chauffage inexistant et un manque d’eau révélant une absence d’hygiène collective. Frédéric Moret observe que « Le logement est perçu, bien sûr, comme un symptôme de la misère ; mais l’accent est mis fortement sur les responsabilités de la situation de l’habitat dans la dégradation physique et, plus encore, dans la dépravation morale des « classes laborieuses » »4. Une conscience de classe ouvrière apparait et des enquêtes s’ouvrent sur les conditions sociales de cette nouvelle classe prolétaire émergente. Les philanthropes étudient un lien évident entre la « misère morale » et la « misère sociale »5. Tandis que les socialistes mettent en exergue la problématique de l’occupation surnuméraire des logements témoignant de l’inégalité sociale entre bourgeois et ouvriers. L’ensemble de ces études amènent à la création d’une loi, le 13 avril 1850 dans laquelle « le pouvoir législatif recommande aux conseils municipaux la création de commission chargées de contrôler l’insalubrité des logements et d’indiquer les mesures d’assainissement » 6 .

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George J.Sheridan., « Esprit de quartier et formes de solidarité dans les mouvements sociaux et politiques des ouvriers en soie de Lyon, 1830-1880 », Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d'ethnologie, n°2-3, 1991, p.23 2 Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, p.49 3 Frédéric Monet, « Le logement et la question sociale (1830-1870), in Marion Segaud, Catherine Bonvalet, Jacques Brun (dir), Logement et habitat l’état des savoirs, La découverte, 1998, p.20 4 Ibid. ,p.21 5 Ibid.

6 Ibid. p,22

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Ces conditions de vie insalubres s’accompagnent et se justifient de conditions de travail critiques. Les maîtres ouvriers ont tendance à profiter de leur subordination1 sur les ouvriers. Ces derniers souvent anciennement ouvrier-paysans tentent de conserver leur indépendance et de limiter la surveillance constante des supérieurs. Durant le XIXème siècle se met en place un système de louage d’ouvrage : l’ouvrier loue sa force de travail en échange d’une production industrielle revendue par la suite aux marchands. Cependant, les maîtres ouvriers « pouvaient notamment inscrire sur le livret de congé des appréciations sur la conduite du partant et devaient indiquer le motif de départ. »2. Ainsi, ils sont « juges sommaires de premier degré »3 et influencent la place de l’ouvrier dans la société qu’Alain Cottereau appelle « citoyens émancipés »4.

Ce système de louage d’ouvrage impact la vie quotidienne des canuts. Tous subissent des conditions de vie et de travail difficiles : « Les conditions de travail sont particulièrement dures, avec des journées de travail comprises entre 14 et 18 heures par jour, et en théorie deux jours de repos par semaine. »5 Pourtant, ils se doivent de répondre aux attentes des marchands et des soyeux qui régissent le commerce de la soie. Les maîtres ouvriers contrôlent le travail de leur ouvrier qui travaillent à proximité : « […] Les fabricants interdisent aux canuts de cuisiner à côté des métiers à tisser. Ils ne veulent surtout pas que les précieux tissus sentent notre graillon ! »6, c’est pourquoi les ouvriers mangent rarement chez eux aux repas du midi. Ils sont « payés à la pièce et non à la journée, ils sont très dépendants de la conjoncture économique. »7. Le tarif de l’étoffe était proportionnel à la répartition du prix de tissage entre les chefs d’ateliers et les compagnons. Les salaires des compagnons « […] était ainsi automatiquement lié au sort des salaires du chef d’atelier, pour chaque remise d’ouvrage sur le métier. »8 Le salaire des canuts dépendait donc du prix de ventes des marchands. Le prix étant de plus en plus en bas, les ouvriers ne peuvent donc de moins en moins subvenir à leur besoin ce qui leur donne motivation à manifester pour de meilleur revenu.

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Les maîtres ouvriers abusent de leur pouvoir de supérieur hiérarchique.

Alain Cottereau, « Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré, puis évincé par le droit du travail (France, XIXe siècle) », in Annales Histoire, Sciences Sociales, 2002, p.1536 3 Ibid. ,p.1537 4 Ibid. ,p.1533 5 Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, p.49 6 Christophe Girard, Le linceul du vieux monde, l’intégrale, 2019, p.139 Dit un compagnon à un client d’un bouchon.

7 Archipat, op. cit., p.50 8 Alain Cottereau, op. cit., p.1551 2

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La conscience de classe ouvrière suivant l’évolution de l’industrie touche l’ensemble du territoire.

Jusqu’en 1830, la population est peu réactive sur le plan politique. Les répressions se concentrent sur les conditions sociales de la classe ouvrière par lesquelles émergent de nombreuses manifestations.

Une classe ouvrière solidaire à l’origine de mouvements sociaux En 1830, les révoltes ouvrières reposent essentiellement sur la revendication des salaires et les ouvriers défendent leur indépendance de travail. Cette période de revendication est engendrée par les trois jours des Trois Glorieuses (27, 28, 29 juillet). Charles X tentent de mettre en place des écrits politiques favorisants son pouvoir en limitant les libertés d’expressions. L’ensemble de la société prend conscience d’une misère sociale et économique. Les mouvements ouvriers reposent donc sur des enjeux sociaux et politiques.

Le soulèvement des ouvriers canuts est l’un des premiers mouvements ouvriers importants qui a un impact autant local que national. L’industrie de la soie se développe considérablement en Europe durant le XIXème siècle. La ville de Lyon se retrouve concurrencée à la moitié du siècle par les pays étrangers tel que l’Angleterre. Pour se distinguer, la ville se modernise pour s’affirmer dans le continent. Pour concurrencer la production massive, les marchands jouent sur leurs prix de vente et n’hésitent pas à les baisser. Ils compensent ce rabais des prix de vente par l’augmentation des loyers des logement-ateliers pensant que cette dépense est la seule dépense importante des ouvriers. Ce premier impact économique est accompagné d’un impact mécanique, « la généralisation du métier Jacquard »1. Cette évolution industrielle facilite les conditions de travail mais aussi nécessite moins de main d’œuvre. Les canuts subissent une importante période de chômage. Les ouvriers s’affirment et demandent une augmentation des tarifs vis-à-vis des soyeux. Ces derniers refusent ce qui amène aux prémices du mouvement ouvrier entre 1830 et 1834. « La rue elle-même est peu à peu conquise par les manifestations, usage pacifique de l’espace public, essentiel à l’affirmation des acteurs sociaux dans la démocratie. »2 En effet, les rues étroites encadrés par les immeubles-atelier des quartiers ouvriers deviennent des espaces de révoltes en faveur des ouvriers. Ces espaces deviennent support de barricades mais aussi de prévision d’impulsion des forces militaires. Dans les pentes de la Croix-Rousse, la topographie et la typologie des habitations facilitent les insurrections ouvrières planifiées qui débutent le 23 novembre 1831.

1

Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, p.50 Michelle Perrot, « La ville et ses faubourgs au XIXème siècle », in Jean Baudrillard et alii. (dir.), Citoyenneté et urbanité , Paris : Editions Esprit, 1991, p.81 2

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13. Illustration de la répression des Canuts contre l'armée française lors de la Révolte des Canuts dans la Montée des Carmélites dans les Pentes de la Croix-Rousse.

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« […] le quartier est un élément qui contribue à expliquer ou à illustrer une solidarité ou une division dans le contexte d’un militarisme social ou politique de développement. »1. Le quartier ouvrier est le reflet et le lieu d’identité d’une classe sociale qui s’affirme socialement et politiquement. Cette unité ouvrière se fonde sur une solidarité sociale qui se maintient et défend ses droits d’expressions et d’indépendances au travers des soulèvements ouvriers. « Des réunions, mobilisant les tisseurs autour de la revendication du tarif (document destiné à fixer les prix de façon du tissage de la soie selon le type d’étoffe) […] furent en grande partie tenues à la Croix-Rousse […] ». Malgré la loi de 1791 interdisant les associations ouvrières, des associations de tisseurs se forment dans la ville comme le Secours Mutuels de Tisseurs de Velours ou le Devoir Mutuel. Ce dernier est créé en 1834 dans le but de recourir « au secours mutuel » et à « l’entraide ». L’ensemble de ses unités d’action témoigne d’une solidarité importante dans l’industrie de la soie qui domine la ville de Lyon et le territoire. La solidarité ouvrière de la ville est renforcée par la création du journal « L’Echo de la Fabrique », le premier journal ouvrier en France, publié de 1831 à 1834. Les chefs d’ateliers, les ouvriers, tous participent à la rédaction dans le but d’améliorer la condition de vie ouvrière à la Fabrique et de gérer l’évolution industrielle de la soie. « Sans défense jusqu’à ce jour contre les menées du commerce, en butte aux brutalités, aux injustices criantes de certains de MM. les négociants dont on ignore ni la condition primitive, ni le marchepied qui les a aidés à se hisser sur les coffres-forts immenses, les infortunés ouvriers ont choisi, pour arme défensive de leurs droits, la publicité. Par-là, ils se proposent de faire connaître avec précision et franchise à une population de plus de 150 000 âmes, dont ils sont la majeure partie, la cause du malaise général dont souffre cette même population, et les moyens d’établir un équilibre qui, sans léser les intérêts généraux des chefs de fabrique, apporterait une amélioration dans le sort de ceux qui sont sous leur dépendance. C’est dans cet unique but qu’un journal par actions, spécialement consacré à la manufacture d’étoffes de soie et de toutes les industries qui s’y rattachent, paraîtra tous les dimanches, à dater du 30 octobre 1831. »2.

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George J.Sheridan, « Esprit de quartier et formes de solidarité dans les mouvements sociaux et politiques des ouvriers en soie de Lyon, 1830-1880 », Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°2-3, 1991, p.18 2 Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental - Lyon 1er, 2016 p.50 C’est un extrait du premier numéro du journal de « L’Echo de la Fabrique ».

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14. "J'ai révolutionné !" : toutes les générations se lancent dans la révolte ouvrière.

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Le plateau de la Croix-Rousse devient le centre névralgique de la mobilisation ouvrière. L’organisation de club mène à la communication du mouvement ouvrier dans l’ensemble de la ville. Le mouvement social se voit diffusé et aidé par les ouvriers du quartier de la Guillotière. « Les meetings eux-mêmes allaient souvent au débat politique chanson et réunion de famille, assimilant ainsi la politique à la sociabilité inhérente au milieu, depuis longtemps voué à la détente et à l’amusement. »1. Les liens naturels et sociaux instaurent une unité et une idéologie localiste au sein du quartier ouvrier qui souligne son intériorité2. Ainsi, autant dans son organisation que ses actions, la révolte des Canuts est une affaire de famille et d’unité sociale. Les femmes et les enfants manifestent aux côtés des ouvriers avec fierté.

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George J.Sheridan, « Esprit de quartier et formes de solidarité dans les mouvements sociaux et politiques des ouvriers en soie de Lyon, 1830-1880 », Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°2-3, 1991, p.35

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15. « Nous les femmes, on demande juste à commencer la journée à 5h du matin et non pas à 4h ! […] et vous avez baisser notre salaire […]

Aux femmes, oui ! Mais aussi aux enfants, aux hommes ! Vous n’avez fait qu’augmenter notre désespoir et notre colère ! », crie Julia une prostituée, fille d’ouvrier, à un élu de l’Hôtel de Ville : la révolte est soutenue par l’ensemble des travailleurs liés au travail de la soie.

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16. Illustration de la Révolte des Canuts

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La révolte des canuts est une révolution qui réunit toutes les générations et tous les genres. Les ouvriers s’unissent sous une devise « Vivre en travaillant mourir en combattant. » de l’ouvrier Jean-Claude Romand, un drapeau noir et « Le chant des canuts ». Les ouvriers s’emparent de l’Hôtel de Ville du 21 au 23 novembre 1831, qui est repris par l’armée sous l’ordre du duc d’Orléans de manière passive. Les négociations des prix sont acceptées mais les prix ne sont pas rabaissés et les compensions ne sont pas appliquées. En 1834, la révolution sociale prend une tournure politique. Les canuts s’unissent et continuent d’affirmer leur politique unitaire afin de défendre leur droit de pratique libérale. Lors de la semaine dite « sanglante » du 9 au 15 avril, des affronts importants ont lieu dans les rues du quartier entre les canuts les plus violents surnommés les « voraces » et les militaires. Cet évènement signifie la fin de la révolution des canuts mais n’empêchera pas le renouvellement des mouvements ouvriers.

Les ouvriers mènent leur revendication et révèlent une unité et cohésion sociale forte qui se formalise en associations de quartier ouvrier. Ils remettent en cause leur prise en compte dans le système politique qui se veut progressivement réglementaire afin de protéger et limiter la misère ouvrière.

17. Cour des Voraces : une des traboules des Pentes de la Croix-Rousse, ce sont des passages dans les cours d’immeubles laissés libre aux passages des habitants auparavant

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Un développement industriel qui met fin à une époque ouvrière Durant la deuxième moitié du XIXème, les marchands s’emparent des moyens de production pour assurer le suivie de l’expansion de l’industrie du textile et de son commerce dans le monde. En Angleterre, des usines de textiles sont mises en place, ce sont les « factory »1. En France le développement industriel du territoire s’instaure plus lentement en raison d’une attache forte aux savoirs faire ouvriers. Tout de même, « l’essor de la grande industrie, principalement en milieu rural, est indissociable d’un maintien et d’un développement urbain capable […] de concurrencer le travail usinier, grâce à son savoir-faire technique […] »2. En parallèle, le tissage est de plus en mécanisé, les maîtres ouvriers s’emparent de l’opportunité pour augmenter la production et donc leurs bénéfices. L’usine apparait progressivement sur le territoire français. Les ouvriers sont décentralisés et la vie ouvrière est rationnalisée dans l’objectif d’atteindre une économie forte.

Cette évolution industrielle finit par atteindre le savoir-faire des canuts. En 1852, l’annexion du faubourg de la Croix-Rousse à la ville de Lyon est forcée. Les maîtres ouvriers prennent conscience de la force de réaction de la concentration des ouvriers au sein du quartier. Ils prennent l’initiative de délocaliser les ouvriers sur les extérieurs de la ville dans les usines contenant les métiers à tisser amorçant la seconde révolution industrielle. Les ouvriers sont alors progressivement logés à proximité des usines dans de nouvelles infrastructures tel que les « usines internats » ou les « internats industriels »3 « Les investissements se détournent des pentes, et les petits ateliers peinent à se moderniser, entraînant un déclin progressif du quartier. »4. Aussi, dès 1863, la construction d’immeubles de canuts ralenti et finit par s’arrêter. Cette période correspond également à la fin de l’époque prospère de l’activité de la soie.

Le quartier délaissé n’est pas réinvesti. « […] son image est sans doute trop fortement marquée par son activité ouvrière pour attirer un habitat bourgeois […] »5.

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Stan Neumann, « Le temps de l’ouvrier (1/4) – Le temps de l’usine », Arte France les films d’ici, visionné le 31 mars 2021, disponible sur https://www.arte.tv/fr/videos/082189-001-A/le-temps-des-ouvriers-1-4/ 2 Frédéric Moret, « Le logement et la question sociale » (1830-1870), in Marion Ségaud et Catherine Bonvalet (dir.) Jacques Brun, Logement et habitat l’état des savoirs, La découverte, 1998, p.69 3 Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental - Lyon 1er, 2016 p.54 4 Ibid. ,p.63 5 Ibid. ,p.48

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« La grande dépression économique des années 1880-1890 […] sonne le glas des ouvriers-paysans. […] la ville et ses banlieues usinières deviennent l’horizon définitif. »1. Les révolutions industrielles ont nécessité d’importants moyens humains et matériels. Les bâtiments industriels ainsi que les quartiers ouvriers se succèdent et dessinent un nouveau paysage au sein du territoire. L’habitat ouvrier fait partie du tissu urbain de la ville. Cependant, progressivement l’industrie se décentralise hors des villes.

L’activité industriel laisse derrière elle une mémoire bâtie et une mémoire symbolique du mode d’habiter des ouvriers.

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Michelle Perrot, « La ville et ses faubourgs au XIXème siècle » in Marion Ségaud et Catherine Bonvalet (dir.) Jacques Brun, Logement et habitat l’état des savoirs, La découverte, 1998, p.65

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D’UN QUARTIER OUVRIER VERS UN QUARTIER DE CLASSE MOYENNE : LE PROCESSUS DE GENTRIFICATION

Le déplacement des ouvriers de la ville vers sa périphérie laisse derrière lui des quartiers anciens encore vétustes et insalubres. Les logements sont généralement occupés par d’anciens ouvriers qui ne souhaitent pas quitter le quartier auquel ils sont attachés. En parallèle, une population jeune à la recherche de logement peu cher profite du bas prix de ces logements anciens pour se loger malgré leur état. De plus, la loi de 1948 obligeant à maintenir les loyers des logements anciens, construit avant 1948 oblige les propriétaires à ne pas dépasser un certain montant de location pour assurer son occupation tout en maintenant le logement plus ou moins en état. Cette politique de logement à la sortie de la seconde guerre mondiale permet l’accès à l’habitat aux plus démunis. Cependant, les propriétaires n’ont plus les moyens de réduire sa vétusté. Les jeunes occupants vont se résoudre à organiser leur logement selon leur besoin avec peu de moyen pour correspondre à leurs conditions de vie. Jusqu’en 1970, les grandes villes portent une politique de revalorisation par destruction puis construction nouvelle. Des « luttes urbaines »1 se mettent en place pour contrer cette politique d’aménagement qui fonctionne par expropriation et expulsion des habitants concernés. Cette résistance est menée à la fois par ces habitants précaires mais aussi par des défenseurs du patrimoine et du paysage, des ménages modestes qui ont accès à l’éducation supérieure, jeunes bourgeois qui contre leur origine familiale et jeunes cadres, tous n’appartenant pas forcément aux quartiers concernés. Ce phénomène est accentué par l’évènement de mai 1968 qui critique la « normalisation »2 de la population. Cette lutte ne se fera pas par la violence mais par acte d’appropriation du quartier par « les jeunes ménages des classes moyennes » 3 portant un « intérêt pour l’ancienneté du bâti, qu’ils s’efforcent de mettre en valeur lors de travaux de réhabilitation ». C’est « une requalification, revalorisation de quartiers qui avaient perdu l’estime » selon Jean-Yves Authier4. Débute donc un phénomène de gentrification dans les quartiers anciens, soit anciennement ouvrier, dans les villes de France.

Page précédente : 18. Carte humoristique des quartiers de la ville de Lyon nommer selon ses habitants.

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Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.39 2 Ibid. ,p.40 3 Ibid. ,p.41 4 Ibid. ,p.40

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2.1 L’INVESTISSEMENT DU QUARTIER OUVRIER, UN CHANGEMENT DE CLASSE SOCIAL L’émergence d’un phénomène social et de ses acteurs : la gentrification et les gentrifieurs Anaïs Collet, définit la gentrification comme étant « […] le processus par lequel d’anciens quartiers populaires de centre-ville se trouvent modifiés par un afflux de ménages de classes moyennes et une réhabilitation du bâti […] »1. C’est un phénomène qui émerge dans un contexte social, urbain et politique spécifique et ponctuellement. Les protagonistes du phénomène sont les « gentrifieurs ». Ils font partie de la « classe moyenne », une catégorie sociale apparue lors des Trente glorieuses dans les années 1980. L’essor des progrès technologiques et la croissance économique dans de nombreux secteurs d’activités mènent au développement de nouvelles professions. Ceux sont des « Cadres moyens et supérieurs, professions intellectuelles supérieures, techniciens, professions intermédiaires de la santé, du travail social, de la culture, de l’aménagement […] »2. Ces personnes sont d’abord difficilement qualifiables au sein de la société, ils ne gagnent pas autant d’argent et ne vivent pas comme des ouvriers ou des bourgeois. Ne sachant pas comment situer cet entre-deux, les sociologues définissent la « classe moyenne » « ni riche, ni pauvre » comme étant une « élite ouvrière » ou « petits bourgeois »3. Cette classe sociale ne fait que se développer au fil des années symbolisant un lien entre ouvrier et bourgeois et transformant peu à peu l’image de la ville et de la société. Le phénomène de gentrification débute généralement dans les années 1970 en France et continue de se répandre encore aujourd’hui.

La gentrification, un « schéma linéaire » Le phénomène de gentrification est signifié par un principe « linéaire » suivant un « modèle d’étapes »4.

Elles sont caractérisées par différents acteurs et contextes qui suivent les gentrifieurs précédents. La classe moyenne dans le rôle de gentrifieur est qualifié de « nouvelle classe moyenne » qui souhaite le « retour » en centre-ville contre la vie en pavillon en périphérie. La gentrification apparait comme une transition vers une société post-industrielle.

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Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p ,p.80 2 Ibid, p.45 3 Ibid, p.46 4 Marie Chabrol, Anaïs Collet, Matthieu Giroud, Lydie Launay, Max Rousseau, Hovig ter Minassian, Gentrification, Paris, 2016, p.29

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Le processus débute dans les années 1970, par une période qualifiée de « sporadique »1. Les acteurs sont tout d’abord des « pionniers »2, étant des jeunes, sans enfants, artistes, intellectuelles, ils militent pour la conservation du patrimoine de leur quartier. Les logements anciens vétustes à bas prix servent de lieu de vie et sont aussi pour certain propices aux ateliers d’artistes. Anaïs Collet prend pour exemple les pionniers de la Croix-Rousse. Les artistes occupent le quartier encore insalubre et peu mis en valeur dans la ville de Lyon. Une forte activité associative se développe dans le domaine politique, social et culturel. Ils y voient un quartier ou « le mode de vie […] permet de vivre et les réseaux […] permet de côtoyer, l’acquisition et la réhabilitation de logements ne sont pas au cœur de leurs préoccupations. »3 Ils souhaitent expérimenter une vie à l’encontre des profils politiques et sociaux des années 1970-1980.

C’est une génération de révolte issue de mai 68, le but étant de contrer les régulations et normes sociales et politiques. Ils génèrent des « expérimentations sociales […] vivre seul avec un enfant, vivre en couple homosexuel, vivre avec plusieurs partenaires et dans plusieurs endroits à la fois, vivre dans un collectif, faire des amis une famille de substitution, ne pas travailler ou seulement de temps en temps, prolonger ses études au-delà de l’âge « normal », passer plus de temps à militer qu’à travailler… »4 Le quartier devient alors un « espace des possibles ».

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https://www.citego.org/bdf_fiche-document-1492_fr.html Anaïs Collet, op. cit., p.50 3 Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.191 4 Ibid, p.268 2

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19. Sérigraphie militante par PapyArt

20. Deuxième numéro du Journal mural de la Croix-Rousse en 1975 militant contre la démolition de la Montée de la Grande-Côte, c'est le premier exemplaire imprimé en sérigraphie (60x80 cm).

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Un personnage des pentes de la Croix-Rousse, encore présent aujourd’hui fait partie de cette génération militante. PapyArt, de son nom d’artiste, arrive dans les années 1970 dans le quartier. Il rencontre ses mouvements militants gérer par le Comité Populaire de la Croix-Rousse et notamment les jeunes étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts, anciennement située rue Neyret dans les pentes. Il m’apprend que ce sont des mouvements « libertaires » lancés par la jeunesse. Les artistes étudiants permettent de diffuser le mouvement dans le quartier et la ville au travers d’affiche sérigraphiée grâce aux matériels plus ou moins empruntés à l’Ecole. PapyArt caractérise ces actions de « sympas » et « marantes ». Il s’associe à eux en créant des affiches avec un graphisme humoristique défendant un message politique sur la conservation du patrimoine menacé par les destructions. De ces affiches nait le projet d’un journal mural, « la parution est hebdomadaire, le journal devient le pivot de l’agitation, les réunions se succèdent car la voracité des bétonneurs inquiète les habitant ! »1. Le quartier devient un support d’expression au travers des murs, rues, places et esplanades idéales pour les affichages et rassemblements.

Cette première phase de gentrifieurs permet de « promouvoir » le quartier, « c’est-à-dire de le rendre visible auprès de nouveaux ménages appartenant aux mêmes groupes sociaux et culturels que les pionniers. »2. En parallèle, les habitants « déjà-là » anciennement ouvriers quittent progressivement les appartements canuts rachetés par de nouveaux résidants qui s’approprient ces logements en les transformant. Cette seconde vague de gentrification dans les années 1990 est appelée « deuxième génération »3 par Anaïs Collet. Ils investissent un quartier régit par la revalorisation et réhabilitation des logements. Leur projet de réhabilitation suit un « achat, fusion et rénovation d’anciens appartements de canuts »4 par exemple à la Croix-Rousse. La gentrification s’affirme et les quartiers touchés sont de plus en plus visibles. Ils incitent les investissements et spéculations privés ou publics transformant le bâti ancien en « équipements collectifs »5. C’est alors que ces appartements rénovés et réhabilités encore peu connus charme une population jeune émergente dans le monde du travail. Les « jeunes croix-roussiens »6 dans les années 2000 sont attirés par le marché immobilier encore abordable pour ces jeunes cadres sortant de longues études visant prochainement le salaire des classes moyennes. Ils 1

Phto, p.7 Marie Chabrol, Anaïs Collet, Matthieu Giroud, Lydie Launay, Max Rousseau, Hovig ter Minassian, Gentrification, Paris, 2016, p.28 3 Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.191 4 Ibid. ,p.190 5 Marie Chabrol et alii, op. cit., p.28 6 Anaïs Collet, op. cit., p.306 2

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vivent leur première expérience professionnelle, et se projettent dans le temps. Leur cadre de vie est privilégié et non la proximité du lieu de travail. Un mode de vie « hédoniste » s’affirme contre la consommation de masse et valorise le « fait maison », « ils prennent soin de la « qualité du quotidien » »1. Ils sont aussi pour certain des enfants du quartier poursuivant et améliorant cette vie de quartier en faisant partis d’associations sociales et politiques. Ils viennent profiter de la proximité du centre-ville et de la fin de leur jeunesse en transition vers un niveau de vie confortable pour fonder une famille à la Croix-Rousse ou non. Le quartier peut « permettre une vie de sorties et de sociabilités vécue au jour le jour ».2 Progressivement, la gentrification s’affirme dans les quartiers anciens. Ils sont investis par une classe moyenne à la recherche de propriété et non de location. Le logement ancien est valorisé et les acheteurs sont à la recherche de propriété de charme. Dans le quartier de la Croix-Rousse où les générations de gentrifieurs se succèdent, les futurs jeunes habitants souhaitent retrouver l’aspect ancien, nostalgique de leur habitation de jeunesse. Tandis que les pentes attirent les jeunes travailleurs, les familles viennent s’installer sur le plateau. En effet, le couple.S3 que j’ai questionné, emménage en 1995 dans un premier appartement de location sur le plateau, en transition vers un achat. Habitant avant dans le 6ème arrondissement de Lyon, il recherche un quartier plus vivant. La Croix-Rousse est connue pour ses bars, et son marché quasi quotidien sur le boulevard de la Croix-Rousse. Dans l’optique de fonder une famille il décide d’acheter un appartement uniquement de type canut toujours sur le plateau. Ils emménagent en 2000 pour la naissance du premier enfant et occupent encore l’appartement aujourd’hui avec un second enfant. Ils me disent avoir observé depuis une dizaine d’années l’arrivée des « Parisiens ». La femme du couple a tenu un commerce de 2008 à 2018, période durant laquelle elle a vu sa clientèle évoluée. Les habitants caractérisent les « Parisiens » comme des familles où jeunes couples n’ayant pas un pouvoir d’achat suffisant pour vivre à la capitale mais bien assez pour investir dans des quartiers en gentrification tel que la Croix-Rousse. Le choix de résidence se fait avant tout par quartier, puis la demande se fait directement sur l’« appartement canut ». Le choix du quartier repose sur le « rejet de la rationalité, du confort et de la standardisation, affirmation de la logique de la

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Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p ,p.234 2 Ibid. ,p.269 3 La famille.S fait partie des famille étudiées pour ce rapport d’étude. Elle se compose d’un couple âgé de 50 ans, une fille ainée de 20 ans, et une cadette de 17 ans. Ils habitent depuis 1996 sur le quartier de la Croix-Rousse et cela fait 21 ans qu’ils habitent dans le même appartement.

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signification contre celle de l’utilité, valorisation de ce qui a traversé le temps, qui prouve ainsi sa solidité et sa résistance aux agressions de la modernité, recherche de « naturalité » »1.

Les nouveaux gentrifieurs diffèrent progressivement de la génération précédente. Les espaces sont valorisés par leur habitat, leur condition de vie communautaire et vie de quartier importante. Le prix d’achat ou de location est un critère d’accès au quartier qui attire une classe moyenne dite « supérieur ». Les quartiers anciens sont densifiés, les habitants et les rénovations affluent, la gentrification se généralise.

La gentrification, un outil de politique d’amélioration des villes La gentrification généralisée, la classe moyenne devient une cible idéale pour valoriser l’image de la ville et ses quartiers. Cette stratégie de développement s’accompagne de l’émergence des classes moyennes supérieures et de « l’allongement de la jeunesse »2, les études sont longues et l’arrivée dans le monde du travail est plus tardive que les générations précédentes. La volonté de changement d’image de la ville est suivie par une nécessité d’espace gentrifié. Les gentrifieurs développent une image de « ville idéale » caractérisée par « un cadre bâti ancien et dense, une population mélangée, une certaine commercialité. »3, un espace de vie intergénérationnel, et de « mixité sociale »4. La gentrification devient un outil de « conquête hautement intégrée de l’espace urbain », menée notamment par les promoteurs et investisseurs privés qui produisent de nouveaux paysages urbains « prêts à être consommer ».5 Cependant, ce phénomène va progressivement à l’encontre du respect de la mixité sociale. Les quartiers se voient envahie d’une population à un pouvoir d’achat élevé, attirant des commerces correspondant à ce niveau de vie, écartant progressivement les plus démunies. « La gentrification implique donc bien des enjeux de modes de vie, de cohésion sociale et de politiques urbaines. »6 Par exemple, dans le quartier de la Croix-Rousse, de 1998 à 2007, les appartements passent d’un loyer de 990 €/m² à 3 000 €/m² étant moins accessible pour la classe moyenne précédente.

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Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.320 2 Ibid, p.83 3 Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.84 4 Ibid. ,p.84 5 Marie Chabrol, Anaïs Collet, Matthieu Giroud, Lydie Launay, Max Rousseau, Hovig ter Minassian, Gentrification, Paris, 2016, p.37 6 https://www.citego.org/bdf_fiche-document-1492_fr.html

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Ce phénomène est tout de même perçu par les habitants du quartier. Une mère divorcée, Madame.D 1 que j’ai pu rencontrer, habite le quartier depuis ses 3 mois. Elle s’y est marié et a fondé sa famille. Dans les années 2000 elle achète avec son mari un appartement non-canut à 150 000 € environ. Ils le rénovent, après estimation aujourd’hui, il en vaut 800 000 €. Tout comme l’appartement de type canut de la famille.S. acheté 750 000 francs soit environ 110 000 € il est estimé aujourd’hui 450 000 €.

Madame.D remarque certains avantages et inconvénients de l’arrivée de cette classe moyenne supérieure. Après son divorce, il lui a fallu trouver un logement dans le quartier pour rester proche de son réseau amical et confort de quartier le temps des études de sa benjamine. Cependant, le prix de location d’un T3 lui était trop important. Elle envisage donc de dormir dans le salon où idéalement sur une mezzanine typique d’un appartement de canut. Elle finit par trouver un logement de 42m² au sol et 9m² de mezzanine dans un appartement de canut pour 800 €/mois qu’il est difficile d’assumer seule.

Le développement d’un niveau de vie bien plus élevé en une vingtaine d’année se fait ressentir dans l’accession d’un logement au sein du quartier de la Croix-Rousse. Progressivement nous ne parlons plus d’« appartement de Canuts » mais d’« appartement Canuts » voir « un Canut » de manière plus familière, signifiant un simple bien immobilier. Le terme « canut » ne désigne plus les ouvriers de la soie, il désigne le logement ancien lyonnais typique, un « produit » immobilier local […] »2. Il est difficile pour des habitants, qui sont des gentrifieurs des générations précédentes, de déménager au sein même du quartier en perspective de nouveau projet. A l’inverse, l’arrivée de ces nouveaux habitants est l’occasion pour les anciens de vendre leur logement à un bon prix.

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Madame.D est une femme de 56 ans. Elle a toujours vécu dans le quartier de la Croix-Rousse. Divorcée depuis peu, elle a emménagé en mi-mars 2021 avec sa fille cadette dans un appartement canut de la Croix-Rousse.

2 Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.324

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Cependant, Madame.D remarque que la succession des générations de gentrifieurs a permis de lancer des rénovations, transformations des espaces publiques du quartier dans un sens pour mettre en valeur son patrimoine et dans l’autre attirer ces acheteurs prometteurs pour le devenir de la ville et du quartier. En exemple, la Montée de la Grande Côte, relie l’hôtel de ville au plateau de la Croix-Rousse.

Anciennement un vaste terrain vague non entretenu où s’installe la délinquance, elle est rénovée en une montée piétonne permettant un axe piéton majeur au travers du quartier profitable à tous.

21. Montée de la Grande Côte : voie piétonne vers le centre-ville de Lyon entretenue pour l’usage quotidien des ses habitants.

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Madame.D admet que l’arrivée de cette classe moyenne assure une sécurité, propreté et bienveillance au sein du quartier. Les nouveaux commerces aux valeurs écologiques et responsables sont bien vus et les habitants acceptent « faire un effort » pour un produit de meilleure qualité. Madame.D travaille dans le milieu social. Elle affirme que la mixité sociale est toujours présente cependant elle est moins visible, notamment sur le plateau de la Croix-Rousse. Les équipements sociaux et HLM sont polarisés. Ils sont situés dans le bas des pentes et à l’Ouest du quartier. La ville défend la présence et conservation de ces logements et équipements tout comme ses habitants qui souhaitent maintenir cette mixité sociale.

Aussi, « […] le peuplement des Pentes semble ainsi de plus en plus homogène. »1. Le quartier anciennement populaire des Pentes se compose d’un mélange générationnel et social entre immigrés, personnes âgées populaires et jeunes. Ainsi, « […] la « régénération » des centre anciens a été au cours des dernières années au cœur des politiques urbaines européennes, non sans effet, en retour, sur les représentations des habitants. »2.

Le patrimoine ouvrier, un logement de bas coût, devient un support de gentrification. Son architecture caractéristique, atypique forme un charme de l’ancien de plus en plus prisé sur le marché de l’immobilier. Sa réhabilitation, sa rénovation, mettent en valeur ces quartiers qui ne font qu’attirer des classes moyennes de plus en plus élevées tout en assurant une mixité sociale du quartier. Ce processus ne fait qu’impacter l’image de la ville au travers de ces quartiers gentrifiés. Leur patrimoine et le phénomène sociale qu’ils subissent les rends tous singulier vis-à-vis des autres. Les habitants de ses quartiers conservent un principe de vie communautaire, partageant des valeurs sociales et politiques dans un contexte patrimonial qui les rassemble.

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Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.138 2 Ibid. ,p.85

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2.2 UNE SYNERGIE SOCIALE QUI PERDURE Une unité sociale Le patrimoine ouvrier représente aussi une manière de vivre. Auparavant, les ouvriers habitant un même quartier développent des lieux sociaux et familiaux grâce à leur quotidien de génération en génération. Ils exercent une entraide et un vivre ensemble au travers du quartier, dans les bars, ou espaces publics tel que les rues ou places. La classe ouvrière ayant peu à peu disparu elle laisse place à des habitants jeunes qui se solidarisent face à la misère des logements. Progressivement, le phénomène de gentrification impacte la valeur du quartier où s’accumule les générations. Les habitants se côtoient, partagent, s’entraident ; tous qualifient leur quartier comme un « village ». En effet, l’ensemble des personnes que j’ai rencontrées caractérise la Croix-Rousse comme étant un « village ». Cette expression est confirmée par de nombreux sociologue comme l’affirme Anaïs Collet, « Cette représentation du « quartier village » s’appuie sur l’image des quartiers anciens populaires telle qu’elle se diffuse à la suite des descriptions de certains sociologues dans les années 1960 : quartiers ouvriers entourant les usines distributrices de travail de génération en génération […] »1 Au XXème siècle, la population vieillissante anciennement ouvrière de la Croix-Rousse ne souhaite pas quitter le quartier malgré son état. Ils ont un « sentiment d’appartenance » fondé sur une « osmose sociale » et une uniformisation du comportement » : « c’est un quartier agréable », « bon air », et proche du centre-ville. » Les quartiers gentrifiés étant essentiellement des quartiers anciens constitués d’une typologie d’habitat singulière, ils sont remarquables dans le tissu urbain de la ville et propices au développement d’une vie de quartier solidaire et unitaire. Les gentrifieurs ont pour valeur commune la protection et l’attachement au patrimoine du quartier. Cette unité sociale s’accentue par les générations de gentrifieurs qui appartiennent à la même classe sociale, la classe moyenne.

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Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.52

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« La Croix-Rousse, quartier historique des ouvriers de la soie, est ainsi devenue le lieu emblématique des bobos. Ces urbains, dont la majorité ne sont pas natifs de Lyon ni du Rhône, ont été attirés par le côté village et les beaux logements du quartier, d'anciens ateliers de canuts reconvertis en lofts ou appartements de caractère, avec poutres apparentes, plafonds hauts de plus de 3 mètres et tomettes anciennes. Ils ont commencé par investir "le plateau", situé au sommet de la colline, avec ses immeubles bas, ses petites places, son marché et ses panoramas magiques, puis ils ont conquis "les pentes", un habitat plus dense où cohabitent une population ancienne modeste, des jeunes alternatifs, des créateurs et des cadres supérieurs. »1 Les caractéristiques urbaines du quartier de la Croix-Rousse favorisent ce phénomène. Il se situe proche du centre-ville mais s’y détache par sa topographie importante, c’est la « colline de la Croix-Rousse ».

Les immeubles ateliers, conservant le fonctionnement de logements collectifs sont propices aux développements de relation sociale de proximité. La benjamine de la famille.R2, une famille que j’ai pu rencontrer, m’indique que ses voisins s’occupent de l’appartement, poisson rouge, et plantes quand ils ne sont pas là. Pareillement, la copropriété de la famille.S est en contact constant pour rendre service, prêter des outils, garder des enfants, s’occuper des appartements lorsque les voisins ne sont pas là ou se retrouver dans la cour qu’ils aménagent. Une relation de confiance et d’entraide s’établit dans les copropriétés du quartier entre voisin. La fille aînée de la famille.E3 également rencontrée qualifie ses relations de voisinages comme étant « des relations très simples et apaisées » auquel elle ajoute « si il arrive un problème on peut parler à n’importe quel voisin. ». Madame.D qui a emménagé seulement depuis deux semaines m’indique qu’elle a déjà été invitée chez deux de ses voisins. Elle justifie notamment son déménagement dans le même quartier en indiquant de manière imagée : « j’ai des copains à chaque numéros ».

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https://www.lemonde.fr/societe/article/2007/06/23/a-la-croix-rousse-des-intellos-dans-les-murs-descanuts_927263_3224.html 2 La famille.R est une famille de 3 enfants. Les parents sont âgés de 52 ans pour la mère et 53 pour le père. L’ainé, n’habite plus dans l’appartement, il habite à Rouville dans les pentes de la Croix-Rousse, il est âgé de 26 ans ; la cadette de 24 ans et la benjamine de 20 ans. Les parents habitent dans l’appartement canut depuis 1999.

3 La famille.E est une famille monoparentale. La mère âgée de 49 ans habite avec sa fille aînée de 20 ans et son fils de 14 ans. Elle vie dans un HLM d’un appartement canut dans les Pentes depuis 2012. Elle a habité auparavant dans le quartier et a souhaité revenir suite à son divorce.

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Les interactions et relations avec le voisinage et habitant du quartier se font à la fois dans le logement mais aussi dans les espaces publics, semi-publics, et dans les parties communes des immeubles. Ces espaces de résidences deviennent des lieux propices à la sociabilité de ses habitants 1. Les habitants de la Croix-Rousse sont essentiellement en relation familiale et sociale constante. Ainsi, ils viennent s’y installer et ne partent pas pour conserver cette proximité, c’est une « force d’inertie de l’habitude »2.

Ces modèles de pratique quotidienne territorialisent l’espace public par la diversification des pratiques (association, marché, art, …). Les Croix-Roussiens portent essentiellement des « valeurs d’identifications » centrées sur des « pratiques de solidarité »3. Ce fait social définit « une continuité entre l’appartenance sociale et l’espace urbain. »4. Il s’accentue par « […] les relations de voisinages […] plus développées que l’habitat est plus dispersé. »5.

22. Cour aménagée par la copropriété de l'immeuble où vie la famille.S

1

Yves Grafmeyer, « Logement, quartier, sociabilité », in Marion Ségaud, Catherine Bonvalet et Jacques Brun (dir.), Logement et habitat l’état des savoirs, La découverte, 1998 2 Michel de Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, L’invention du quotidien : habiter, cuisiner, Editions Gallimard, 1994, p.70 3 Ibid. ,p.66 4 Ibid. ,p.67 5 Yves Grafmeyer, op. cit., p.351

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Une unité de vie quotidienne Les gentrifieurs construisent leur vie quotidienne au sein de leur quartier en raison de la proximité des commerces, activités, écoles qui se développent. « Ils cherchent alors à s’insérer dans cette vie villageoise sans la perturber et développent entre eux des relations d’interconnaissance et de fréquentation quotidienne […] »1Un réseau amical et social se fonde progressivement dans le quartier que les habitants s’approprient. Les parents de la famille.S remarquent que l’arrivée des enfants à l’école a été un facteur de sociabilité dans le quartier qu’ils caractérisent de « bon vivre en famille ». En effet, la vie de famille se développe majoritairement sur le plateau de la Croix-Rousse. Les parcs y sont multiples, les rues sont plus larges que les pentes, il est donc plus simple d’y garer une voiture familiale.

Les pentes de la Croix-Rousse, reste tout de même un lieu de passage pour la jeunesse notamment en contre bas, au plus près du centre-ville. Ses rues étroites, les places de stationnement rare, les pentes raides, les immeubles souvent sans ascenseur conviennent peu au développement familial. L’ensemble des familles rencontrées vivant depuis quasiment plus de 20 ans dans le quartier sont extrêmement attachées à leurs liens sociaux et au confort du quartier. « C’est un village dans la 3ème ville de France » selon le père.S, « rien n’est comparable ». Il m’a souvent été indiqué « on peut tout faire à la CroixRousse », « on a tout à la Croix-Rousse ».

Les activités commerçantes se développent de manière importante dans ces espaces où les habitants affluent. Les habitants profitent de la ville du quart d’heure. Toutes les commodités nécessaires à la vie quotidienne se situe dans un rayon de moins d’un quart d’heure à pied. Madame.D tenait à conserver sa vie de quartier et ses trajets quotidiens qu’elle fait à pied. Cela lui permet de ne pas avoir de frais de transport. Elle se trouve à 15 min à pied de ses lieux de travail, de commerces et du marché. Le marché de la Croix-Rousse occupe le boulevard tous les matins de la semaine sauf le lundi, il est constitué au maximum de 95 commerçants. Cette attractivité commerciale, auquel s’ajoute les nombreux commerces de proximités implantés en rez-de-chaussée des immeubles représentent l’image du quartier. La famille.C2, que j’ai pu rencontrer, est une famille de cadre et de trois enfants en bas âge est venue habiter dans le quartier en raison de la vie de quartier qu’ils connaissaient. Ils jouissaient des bars, parcs et commerces de la Croix-Rousse tout en habitant dans le quartier adjacent de Caluire, au nord de Lyon. Ils ont emménagé dans un appartement canut sur le plateau, leur permettant de se rapprocher de cette vie de quartier communautaire.

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Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.53 2 La famille.C est composé de parents de 40 ans et de trois enfants de 7, 8 et 10 ans. Ils ont emménagé dans leur appartement canut en octobre 2020.

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L’essor des activités et de l’unité social dans les quartiers gentrifiés les caractérisent et différencient du reste de la ville. Les habitants ont tendances à rester dans le quartier pour ces raisons de cadre vie et à se contenter des commodités présente dans le quartier. Le cas du quartier de la Croix-Rousse vérifie ce fait social par une expression appropriée à l’ensemble des habitants : « Descendre en ville ». Elle signifie descendre du quartier pour rejoindre le centre-ville en contre bas ce qui est paradoxale étant donné que le quartier fait partie de la ville de Lyon. Les Croix-Roussiens se contentent généralement de leur commerce, activité de proximité et ne « descendent en ville » uniquement pour les études pour les jeunes, du shopping rue de la République ou pour le travail.

Les gentrifieurs se distinguent dans la ville. Ils sont peu à peu perçus comme étant des bobos1. C’est « […] un nouveau groupe social, situé entre classes moyennes et classes supérieures »2qui défend des valeurs d’égalité économique et sociale et valorise un mode de vie durable. Ces valeurs sont reflétées dans une succession d’association supportant et dynamisant une vie de quartier.

Une unité associative La mixité sociale, la conservation de la qualité de vie du quartier et la préservation du patrimoine des quartiers gentrifiés sont des valeurs défendues par ses habitants. Pour maintenir cet équilibre social et culturel, les habitants montrent leur investissement dans leur quartier par la création d’association profitable à tous. A l’émergence de la gentrification du quartier de la Croix-Rousse, les jeunes, les pionniers, « […] mettent en place des organisations sociales alternatives : forme d’habitat communautaires […], restaurants, crèches et cinémas autogérés, coopératives de consommation, d’édition, associations d’expression artistique… »3 Cette solidarité perdure au travers d’association favorisant l’insertion sociale par l’apprentissage de langue, de garde d’enfant ou encore favoriser l’accès aux logement sociaux. Afin de les mettre en avant et de les faire connaitre, le Comité des fêtes de la Croix-Rousse représente, depuis 1990, l’ensemble des associations culturelles, solidaires, citoyennes, environnementales et sportives du quartier. De la même manière, l’association des commerçants, Lyon Côté Croix-Rousse représentent 170 commerçants et artisans. Elle soutient les « créateurs de vie de quartier »4 en valorisant leur rôle économique et social dans la vie du quartier. Son activité permet de lier les commerçants aux habitants et à la ville et inversement. Les actions menées et les manifestations

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« Bobos » est le sigle de bourgeois et bohémiens.

Anaïs Collet, Gentrifications de classes moyennes et travail de gentrification : changement social et changement urbain dans le Bas Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-2005, thèse de doctorat en Sociologie, Université Lumière, Lyon II, sous la direction de Jean-Yves Authier, 2010, 657p, p.15 3 Ibid. ,p.56 4 https://lyon-cotecroixrousse.org 2

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de quartier les met en avant, elles sont considérées comme « un levier pour s’ouvrir à tout ce qui touche la vie d’un quartier. »1. Cette solidarité au sein des quartiers gentrifiés se tient à correspondre et s’adapter à un espace urbain existant portant une histoire.

Le quartier gentrifié correspond à un quartier ancien, c’est une mémoire culturelle et patrimoniale conservée par ses habitants gentrifieurs qui se succèdent pour défendre leur logement typique d’une ancienne société ouvrière. La population jeune des pionniers de la gentrification engendre un mouvement politique pour la protection d’un patrimoine ouvrier qui perdure au travers des générations. Le patrimoine architecturale et urbain devient le support d’expression des associations politiques. Le Comité Populaire de la Croix-Rousse né en 1972 manifeste leur préoccupation sur la mémoire ouvrière du quartier par des « occupations d’immeubles »2. PapyArt a intégré ce mouvement politique « hors normes » et « underground »3 dans les années 1970. Un slogan encore d’actualité domine les rues de la Croix-Rousse : « La Croix-Rousse n’est pas à vendre ! » accompagné de l’appel aux habitants « Vous aimez vivre dans ce quartier ? Défendez-le ! »4. Il utilise encore aujourd’hui le principe artistique de la sérigraphie pour défendre le quartier de la Croix-Rousse des futures constructions de logements qui iraient à l’encontre de l’image historique de son époque ouvrière. L’association « La Croix-Rousse n’est pas vendre » est ainsi créer en 1989. Elle défend la protection du paysage du patrimoine contre des promoteurs qui pourraient le dénaturer. Elle indique vouloir le « bien-être des habitants en défendant l’identité Croix-Roussienne et la mixité sociale et culturelle. »5. Cependant, le Comité Populaire de la Croix-Rousse a fini par disparaitre en 1975. Aujourd’hui, une association similaire les Pendarts6 dont fait partie bénévolement PapyArt, ressuscite ce mouvement politique. Ils créent un principe de « jardins pirates » pour protéger les espaces encore vacants des Pentes : « Dans ces interstices, ces espaces d’incertitude ou ces vides programmés, nous préférons y voir des jardins et des projets pleins d’étincelles tant que de meilleurs sorts ne leurs sont pas donnés. »7

1

https://lyon-cotecroixrousse.org PapyArt, Les affiches en sérigraphie à la Croix-Rousse et sa proche banlieue… », Réalisation Jihembé, Lyon 1er, 2014, p.8 3 Ibid. ,p.3 4 https://xroussepasavendre.fr/ 5 Ibid.

6 Le nom « Pendarts » fait référence aux pendards qui signifient des personnes dignes de pendaison. Leur nom reflète donc leur caractère de force face à la politique de construction dans le quartier et leur manière d’agir par l’art et le partage.

7 https://lespendarts.wordpress.com/manifeste/ 2

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Tandis, que des ces habitants empêchent certains projets de la ville d’autres associations forment des lieux comme La Soierie Vivante se chargeant de transmettre un savoir-faire des ouvriers canuts depuis 1993. Les valeurs sociales, politiques et culturels définissent un quartier solidaire régit par des associations accessibles et à destination de chacun.

Le phénomène de gentrification met en lumière des quartiers ouvriers anciens reflétant un patrimoine social, ouvriers et architectural. Les gentrifieurs, attirés par cette histoire et le cachet des logements anciens, tiennent à conserver cette image pittoresque et tendent à agir directement au sein du quartier.

Par le biais d’associations ils préservent un équilibre entre société et politique actuelles qui mettent en jeu le patrimoine du quartier. La ville se voit confrontée à des quartiers gentrifiés singuliers où s’inscrit une parole sociale et politique au sujet du patrimoine architecturale ouvrier.

23 "La Croix-Rousse n'es pas à vendre. Nous Y Resterons !" affiche contre les projets de promoteurs (45x64 cm)

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24. "Promoteurs la Croix-Rousse est un trop Gros Cailloux...Pour Vous !" affiche de défense du patrimoine de la colline de la Croix-Rousse contre l'arrivée des promoteurs (65x90 cm)

25. Paysage de la Colline de la Croix-Rousse aujourd’hui.

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3

« FAIRE AVEC » LE PATRIMOINE OUVRIER

Les quartiers anciens gentrifiés révèlent l’impact sur le patrimoine face à cette situation sociale. Le patrimoine comportant une « valeur historique, valeur d’usage et valeur de renouvellement »1 représente à la fois une mémoire d’un lieu et son évolution au cours d’une société changeante. La patrimonialisation des édifices s’est progressivement élargie vers des centres anciens englobant des « espaces résidentiels »2, tel que des quartiers ouvriers. Pourtant, la succession des contextes sociaux met en jeu sa forme, ses fonctions et ses usages. Comme on a pu le constater précédemment l’étiquette patrimoniale portée sur les quartiers ouvriers provoquent un phénomène de gentrification par des classes moyennes friandes de leur aspect ancien. La patrimonialisation de l’histoire du territoire provoque la confrontation d’une politique urbaine, un existant patrimonisé et la nécessité d’un milieu urbain convenant à des sociétés successives.

1

Feferica Gatta et Alice Sotgia, L’habiter comme patrimoine, Editions Imbernon, 2020, p.101 Nora Semmoud, « Valorisation patrimoniale et changement social : un pléonasme ? », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.265 2

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3.1 LA VILLE CONFRONTÉE À SON PATRIMOINE La patrimonialisation : un patrimoine et ses acteurs La classification du patrimoine et sa reconnaissance mêle acteurs sociaux et politiques. Les habitants contemporains du patrimoine portent des « stratégies de localisation et d’intégration […] en fonction de leurs moyens, de leur statut, du contexte local »1. Ils s’unissent au travers d’associations dans un intérêt sociale et de respect du patrimoine. Les élus tentent de faire correspondre une politique urbaine et une « cohésion sociale » dans les quartiers2. Les enjeux sociaux et politiques sont alors au cœur des projets de ses quartiers patrimonisés penser par les architectes. Ces derniers prennent appui sur le patrimoine dans l’objectifs de « promouvoir […] un mode d’habiter »3. Les projets réunissent donc la parole de ces acteurs. On retrouve ce dialogue dans le quartier croix-roussiens. L’association « La CroixRousse n’est pas à vendre » vue précédemment est devenu un CIL (Comité d’Intérêt Local)4. Elle est donc constamment en lien avec les élus de la municipalité afin de faire entendre la parole des habitants.

Ses propositions de réglementations des projets s’adaptant aux patrimoines et au confort des croixroussiens sont parfois même intégrées au PLU du quartier5. Des conventions nationales permettent d’accentuer cette conservation et diffusion de la mémoire du patrimoine. En 1962, les PSMV (Périmètre de Sauvegarde et de Mise en Valeur de la Loi Malraux) assure la conservation d’un patrimoine dans les plans urbanistiques tandis que les AVAP (Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine) 6 assure la conservation du contexte paysager. Les édifices du patrimoine amènent à une « logique de conservation », qui leur donne un statut de « pièces de collection ». Ils permettent « détendre le musée hors de ses murs, à muséifier la ville »7. Le patrimoine devient également un outil économique pour la ville. On l’a vu comme vitrine d’un quartier et attiré une classe moyenne, mais aussi la patrimonialisation entraine généralement la « touristification »8 du patrimoine. Il devient un « spectacle » et un musée

1

Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2005 p.147 2 Ibid. ,p.147 3 Ibid. ,p.147 4 Les CIL sont des espaces dédiés à la discussion des planifications urbaines du quartier entre élus et habitants. Ils permettent de défendre le droit de parole des habitants sur les projets urbains.

5 https://xroussepasavendre.fr/infos-pratiques/ 6 Les AVAP ont remplacés les ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) en 2010.

7 Michel De Certeau, Luce Girard, Pierre Mayol, L’invention du quotidien 2 : Habiter, Cuisiner », 1994, p.196 8 Naji Lahmini, « Innovations « radicales » et patrimonialisation dans le logement populaire », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2005, p.207

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ouvert aux visiteurs. La patrimonialisation permet la conservation et transmission d’une mémoire matérielle, le bâti et immatérielle, sa manière d’être habité.

Le patrimoine ouvrier « Le travail des hommes a façonné les paysages […] »1 affirme Edith Fagnoni. En effet, les révolutions industrielles en France et ailleurs en Europe ont marqué le territoire de leurs usines nécessairement suivies des logements ouvriers. Ces édifices laissent derrière eux une mémoire physique d’un savoirfaire de bâtisseur ainsi que la mémoire d’un art de vivre. L’architecture industrielle prend une part importante sur les vestiges du territoire. Elle répond à une fonction unique. Ce sont « des héritages difficiles à habiter, tant du point de vue matériel que symbolique. »2. Ils sont l’exemple de bâti où l’Habiter fait parti du patrimoine tout autant que son architecture. Le phénomène de « désindustrialisation massive » 3 accentue la prolifération de ces situations architecturales. Ces entités historiques deviennent sujet à la patrimonialisation notamment en milieu urbain. C’est un phénomène que l’ont peu observé dans le cas singulier du quartier de la Croix-Rousse où le travail des canuts se fait dans le logement atelier et non en usine. Ainsi, comme nous avons pu le voir, le quartier lyonnais d’immeuble atelier s’est densifié suite à l’essor industriels du textile. L’industrie de la soie du quartier ne résiste pas au travail à l’usine. La ville de Lyon se retrouve confrontée à l’abandon de ces logements insalubres. Les anciens logements ouvriers sont ainsi d’abord vus comme étant de simple logement délaissé de toute fonction et usage, qui ne seraient que potentiellement détruit.

La valeur patrimoniale de ces mémoires industriels n’est reconnue que tardivement dans les années 1980. La mise en place des ZPPAU4 en 1993 protège « 85% des immeubles présents de toute forme de démolition ». C’est ainsi que le site historique de Lyon, dont fait partie les Pentes de la Croix-Rousse, est inscrit au patrimoine de l’UNESCO en 1998 5.

1

Edith Fagnoni, « Patrimoine et vieilles régions industrielles des territoires entre mémoire et projet », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2005, p.568 2 Vincent Veschambre, introduction « Habiter un lieu de production et de travail », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2005, p.511 3 Ibid. ,p.511 4 Les ZPPAUP sont remplacés les AVAP (Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine) en 2010.

5 Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, 2016, p.73

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26. Carte du secteur de la ville de Lyon classé au patrimoine de l'UNESCO (en rouge), et la zone tampon de préservation (en vert).

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« Critère (ii) : Lyon représente un témoignage exceptionnel de la continuité de l’installation urbaine sur plus de deux millénaires, sur un site d'une grande importance stratégique, où des traditions culturelles en provenance de diverses régions de l’Europe ont fusionné pour donner naissance à une communauté homogène et vigoureuse.

Critère (iv) : De par la manière particulière dont elle s’est développée dans l’espace, Lyon illustre de manière exceptionnelle les progrès et l’évolution de la conception architecturale et de l’urbanisme au fil des siècles. »1 Les reconnaissances patrimoniales affluent dans les espaces urbains. Les villes se voient donc confrontées à un patrimoine industriel important qui se doit d’être adapter à une politique urbaine.

Adaptation urbaine Le patrimoine perdure au fil des années et s’impose à la ville qui se doit de gérer son existence. Le passé industriel, est une accumulation d’infrastructures, logements ouvriers, usines, et autres installations. Le patrimoine s’étend. La ville se voit confronter à deux temps, un temps ancien de mémoire et un temps présent d’une société actuelle. « Habiter le patrimoine intègre en effet une double temporalité : celle du patrimoine, fruit d’un temps plus ou moins long et celle « d’habiter » ce patrimoine […] »2. S’installe alors un échange perpétuel entre les individus et leur habitat. Dans un sens, les politiques urbaines adaptent un tissu urbain existant aux manières de vivre actuelles. En 1960, une politique de « démolition des quartiers insalubres » est mise en place3. Ce processus suit la volonté d’un « renouvellement urbain » afin d’assurer l’image de la ville par la revalorisation de ces quartiers. Cependant, des actions de révoltes des habitants et la prise de conscience de la présence d’éléments historique dans ces quartiers limite la démolition. C’est en 1970 que la politique de revalorisation de l’habitat ouvrier débute4.

1

https://whc.unesco.org/fr/list/872 Maria Gravari-Barbas, Introduction « Sens, vécu, approche de l’habiter », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.21 3 Vincent Veschambre, « Effacement et réappropriation de l’habitat populaire dans les centres anciens patrimonialisés : les exemples de Vieux-Mans et de la Doutre à Angers », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2005, p.251 4 https://www.culturevia.fr/logements-ouvriers/ 2

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La SERL (Société d’Equipement de la Région Lyonnaise) est chargée de « regénérer » et d’établir le « renouvellement urbain » des pentes de la Croix-Rousse en modernisant les logements. Ils mettent en place une stratégie de « […] démolition de quelque 300 logements jugés sans intérêt architectural sur les portions nord et centrales de la Grande-Côte, entre 1975 et 1977, puis à leur remplacement des immeubles équipés du confort moderne. »1. Pour les autres immeubles jugés de qualité architecturale, « […] les propriétaires sont invités à moderniser et rénover leurs logements […] »2.

27. Démolition d'immeubles canuts de la Montée de la Grande-Côte en 1975

1 2

Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, 2016, p.72 Ibid.

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A l’emplacement de ces démolitions un projet d’esplanade et de jardin public est lancé en 1975 mais ne sera pas maintenu. La montée de la Grande-Côte reste peu praticable jusqu’en 1999, où un nouveau projet est lancé s’adaptant à la « déclivité importante » du site1. Le quartier ancien impose une trame urbaine existante et cohérente qui n’est pas totalement propice aux évolutions des modes de transports et autres manières de vivre. Michel De Certeau caractérise le patrimoine présent dans la ville comme étant un « déjà-là » « fantastique » et « revenant »2. Progressivement, la prise de conscience de ces traces historiques limite la solution de la démolition.

28. La Montée de la Grande Côte aujourd'hui.

1 2

https://www.patrimoine-lyon.org/la-colline-de-la-croix-rousse/le-bas-des-pentes/montee-de-la-grande-cote Michel De Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, L’invention du quotidien 2 : Habiter, Cuisiner, 1994, p.190

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Dans un autre sens les acteurs de la patrimonialisation s’adaptent au patrimoine. Les édifices conservent et perdurent leur identité formelle au sein d’un contexte urbain en mouvement perpétuel : « ces personnages vivent leur vie propre »1. Aujourd’hui, ils deviennent des outils de mémoire historique de la ville, c’est « l’esprit du lieu »2. Pourtant, ces sujets patrimoniaux perdent leur fonction et usage pour lesquels ils ont été conçus. Naji Lahmini pose ainsi la question « Comment concilier harmonieusement l’espace où les transformations sont fréquentes et un statut qui suppose une conservation à travers les âges, sans pervertir l’œuvre d’origine ? »3 Comme vu précédemment, la patrimonialisation des quartiers provoque leur gentrification et l’éviction des classes sociales plus pauvres qui n’ont plus les moyens d’y vivre. La valeur de mixité sociale se voit remise en jeux. Il est nécessaire de penser à des projets logements accessibles aux classes les plus pauvres. La densité du bâti des quartiers ouvriers limite la construction de nouveaux logements. C’est pourquoi, on observe dans le quartier de la Croix-Rousse la réhabilitation d’immeubles canuts en résidences HLM notamment dans les pentes. Habiter le patrimoine implique des moyens de se « l’approprier pour le rendre « habitable » »4. Un dialogue s’installe entre usages actuels et formes du patrimoine. Le patrimoine devient une ressource de support d’Habiter. Le bâti classé subi des « mutations ou adaptations fonctionnelles […] de manière à prendre en compte le vécu, la mémoire et les représentations de ceux qui les ont constitués patrimoine. »5. C’est pourquoi, progressivement « L’aménagement d’espaces urbains nouveaux s’est peu à peu transformé en réhabilitation du patrimoine. »6 Le tissu urbain de ces quartiers patrimonisé est un élément constitué de façon cohérente entre chaque élément de son temps d’origine.

1

Michel De Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, L’invention du quotidien 2 : Habiter, Cuisiner, 1994, p.193 Ibid.

3 Naji Lahmini, « Innovations « radicales » et patrimonialisation dans le logement populaire », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.207 4 Ibid, p.208 5 Maria Gravari-Barbas, Introduction « Sens, vécu, approche de l’habiter », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.12 6 Michel De Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, op. cit., p.189 2

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Celui de la Croix-Rousse se compose de nombreuses places publiques sur le Plateau et de voies élargies dans les pentes permettant la circulation des marchands d’antan. Les places publiques nombreuses sont conservées et servent de lieu de rassemblement et d’aération au sein de ce quartier dense. Les ruelles des pentes, les « rues escaliers », les traboules1 et la Montée de la Grande-Côte réhabilitées permettent la conservation et le bon fonctionnement des flux des habitants sur la liaison entre le centre-ville et le quartier. Le tissu urbain et son bâti sont adaptés à différentes utilités suivant un « contexte sociohistorique » et « socio-culturel » spécifique de son temps2.

29. Passage Thiaffait en bas des pentes de la Croix-Rousse.

30. Passage Mermet, une rue escalier, sous la Place Sathonay.

1

Passage des les cours d’immeuble des Pentes de la Croix-Rousse facilitant le déplacement des ouvriers canuts entre le centre-ville et la colline de la Croix-Rousse.

2 Luc Bossuet, « Habiter le patrimoine au quotidien, selon quelles conceptions et quels usages ? », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.38

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31. Place Sathonay dans les Pentes de la Croix-Rousse

32. Place de la Croix-Rousse, sur le "Plateau"

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Concevoir avec le patrimoine Les projets de construction nécessaire au bon fonctionnement de la société dans les quartiers anciennement ouvriers patrimonisés sont confrontés à l’omniprésence de bâtis anciens d’une architecture singulière. Le savoir-faire de ses bâtiments et leurs inscriptions sur le territoire devient source d’inspiration aux projets architecturaux. Les structures, matériaux, espaces architecturales du patrimoine guident les architectes afin de s’inscrire dans un contexte urbanistique mêlant mise en valeur du patrimoine et amélioration constante du cadre de vie des habitants. Ces échanges entre patrimoine et société permettent d’« « d’habiter » le patrimoine et de faire émerger des projets autour de celui-ci. »1.

C’est au cœur des pentes de la Croix-Rousse que nous retrouvons un exemple de projet de logement facilitant l’accession à la propriété. J’ai pu échanger avec l’architecte Jean-Vincent Berlottier2 sur le processus de conception d’un de ses projets de logements réalisé entre 1997 et 1998. Le projet remplace la parcelle d’un jeu de boules lyonnaises et d’un hôtel particulier. Il se situe au centre de la rue Bon Pasteur, au bout de l’escalier servant de raccourci à la Montée Lieutenant Allouche, au Nord des pentes. L’architecte présente la parcelle comme étant une « fenêtre sur la vallée de la Saône », c’est une fenêtre urbaine. En effet, la forte inclinaison des pentes offre une vue sur le paysage de la ville de Lyon. J-V Berlottier souligne le fait que le projet offre une vue mais aussi fait partie d’un paysage, « c’est un paysage vu et support de vue ». Une première proposition de projet a été refusée par la municipalité, car elle comblait la vue caractéristique du site. Des associations d’habitants défendent la conservation de cette ouverture sur le paysage. La ville a alors racheté la parcelle pour en faire des logements sociaux, le commanditaire étant la SACVL (Société Anonyme de Construction de la Ville de Lyon)3. Par la suite, la ville exige la conservation de la faille présente dans la masse bâtie.

Page précédente : 33. Plan de situation (1/10 000) et plan de masse (1/500) du projet de logement de Jean-Vincent Berlottier

1

Maria Gravari-Barbas, introduction « Stratégies d’acteurs et enjeux politiques et sociaux », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.148 2 Jean-Vincent Berlottier est un architecte du XXème siècle. Il fait ses études à Paris, exerce en Côte d’Ivoire et travaille au côté de Marcel Breuer. Tout au long de son parcours il se spécialise progressivement dans la réalisation d’ouvrage d’art.

3 SACVL est une société de construction de logement sociaux et de gestion immobilière qui a pour but de favoriser la mixité fonctionnelle et sociale.

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Au cours de ses balades, l’architecte porte attention au cloché de l’église du bon pasteur situé en contrebas. « Ce désir collectif de contemplation et d’insertion des immeubles dans le site conduit JeanVincent Berlottier à proposer deux fenêtres urbaines de tailles inégales. »1. Les trois volumes se positionnent de manière à respecter le paysage. La conservation de l’ouverture dans le paysage et de la vision du cloché deviennent deux éléments directeurs du projet avec bien sûr l’inspiration des typologies de quartier.

34. Morphologie du projet (en jaune) dans le paysage de la colline de la Croix-Rousse.

1

Dominique Amouroux, Jean-Vincent Berlottier, Convictions, Architectures et ouvrages d’art, 1967-2008, Patrimoine des Pays de l’Ain, CAUE de l’Ain, 2020, p.90

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La première proposition de duplex uniquement, en analogie aux mezzanines des canuts, n’est pas retenue en raison du trop faible nombre de logements. L’ensemble des logements sont donc de plein pied, seulement une rangée de maison en contrebas est en duplex. La pente permet également la création de deux étages de parking. J-V Berlottier s’inspire de la composition actuelle des logements canuts. En générale les deux fenêtres anciennement associées à la pièce des métiers à tisser correspondent aujourd’hui à celles de la pièce de vie. L’architecte reprend ces systèmes fonctionnels dans le dessin des logements1 : deux fenêtres pour le séjour et une pour chaque autre pièce supplémentaire. Le rythme soutenu et régulier des ouvertures et modénatures des façades font écho à celui des façades des immeubles canuts.

35. Morcèlement de trois volumes pour cadrer des vues paysagères

1

L’insuffisance de documents n’a pas permis à la représentation des logements.

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Malgré la hauteur plus petite des appartements que celles des canuts, l’architecte compense cette différence en façades par un cordon en façade toutes les deux lignes de fenêtres en écho aux rebords des fenêtres des canuts. Quant à la verticalité des fenêtres des canuts en façade, elle est imitée par un élément en béton poli qui relie les fenêtres deux à deux sur la façade. Puis, le béton brut répond au pierre apparente en soubassement des immeubles canuts. Jean-Vincent Berlottier répond à un enjeu formel par une présence volumétrique intégrée dans le paysage proche et lointain en s’inspirant et répondant aux systèmes structurels et spatiaux systématiques des immeubles canuts. Le patrimoine ouvrier devient un support d’inspiration architecturale des projets nouveaux mais aussi « ressource »1 d’habitation.

Les logements déjà présents perdent leur « […] utilité pratique ou symbolique, sa valeur tend à s’estomper »2 dans l’intérêt de leur « recyclage »3. Le patrimoine habiter tend à disparaître dû à de nouvelles normes de vie qui s’installent dans la forme patrimoniale plus ou moins conservée.

36. Maisons en duplex en contre bas des immeubles

37. Inspiration des façades Canuts, rue du Bon Pasteur

1

Vincent Veschambres, introduction « Habiter un lieu de production et de travail », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.512 2 Luc Bossuet, « Habiter le patrimoine quotidien, selon quelles conceptions et quels usages ? », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.37

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3.2 D’UN LOGEMENT DE CANUTS VERS UN LOGEMENT DE FAMILLE ACTUELLE L’habitat contemporain contre l’habitat ancien Comme on a pu le voir précédemment les « pionniers » initient l’investissement des quartiers ouvriers anciens. L’Habiter confronté au patrimoine engendre une « relation privilégiée avec le passé. »1.

L’habitat patrimonial présente « des éléments matériels et immatériels, des savoir-faire et une culture, hérités des générations précédentes. »2. La succession des générations provoquent une accumulation de manière d’habiter physiquement et symboliquement par un « savoir-faire et une culture »3 Aussi, « […] le patrimoine est avant tout ressenti avant d’être vécu » ou bien même « évalué » dans le but d’y vivre ou en tiré « profit »4 Afin de faire écho à un mode vie ancien et préserver leur mémoire, les occupants répondent « aux techniques, aux savoir-faire, à la culture ouvrière, c’est-à-dire aux formes matérielles »5. L’action d’habiter met en jeu la relation entre un espace et une temporalité. Les habitants se plient aux contraintes de protection du patrimoine. Certains principes de rénovation s’imposent dans le but de conserver l’apparence offerte au public, la façade. En effet, « […] les législations sur la protection de l'immeuble concernent davantage l'extérieur que l'intérieur. »6 Les fenêtres des appartements canuts ont pour obligation d’être en bois et composées de 3 ou 4 carreaux par vantail correspondant à leur forme originale. Les fenêtres en PVC sont donc interdites pour une unité des façades dans le quartier. L’utilisation du système d’occultations des jalousies lyonnaises est normalement le seul accepté contre les volets roulants. Il est généralement rénové ou reconstitué.

1

Luc Bossuet, « Habiter le patrimoine quotidien, selon quelles conceptions et quels usages ? », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.27 2 Ibid. ,p.27 3 Ibid.

4 Ibid. ,p.28 5 Vincent Veschambres, Introduction « Habiter un lieu de production et de travail », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.514 6 Naji Lahmini, « Innovations « radicales » et patrimonialisation dans le logement populaire », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.221

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38. Façades place de la Croix-Rousse dite "non réglementaire" car les jalousies lyonnaises ne sont pas reproduites. On peut lire un soubassement en pierre grise surmonté des étages et terminé par un étage moins haut généralement en pisé.

39. Façade uniforme, toutes les fenêtres sont munies de jalousies lyonnaises (système de protection solaire).

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La structure intérieure des logements étant de long plateau d’environ 70m² (environ un plateau de 5m par 14m), les habitants ont tendances à vouloir se l’approprier dans son entièreté cependant, une attention doit être portée aux éléments constructifs. Le sol se constitue du marin (une terre sableuse), une chappe de chaux et des tommettes. Il est déconseillé de supprimer le marin permettant une solidité et une protection acoustique entre les appartements. Pour réaligner les sols il est possible que les ménage réalise une chappe en béton permettant également de faire passer des réseaux.

40. Appareillage des tomettes d'un appartement canut

41. Plafond d'un appartement canut

42. Détail d'assemblage d'un plancher à la française d'un appartement canuts

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Ils arrivent que des cloisons à colombage soit toujours présente dans le logement canuts. Ces cloisons avaient pour première fonction de diviser une pièce annexe de celle du ou des métiers à tisser. Au fil du temps les immeubles s’affaissent et naturellement les cloisons prennent un rôle porteur dans le bâtiment. La destruction des cloisons nécessite un étayage permettant d’anticiper la décompression des planchers soutenus et des poutres portantes1. Le tout repose sur une structure fixe et lourde d’assemblage de pierres dorées dans les étages bas, contre des pierres grises pour l’escalier et le soubassement. Les derniers étages, généralement dès le 4ème ou 5ème étage, sont en pisés. Ainsi, « Un lieu patrimonial […] peut être habité que s’il est transformé » en suivant des contraintes structurelles et valeurs de mémoire du patrimoine. Le patrimoine habité, se voit notamment transformé par les normalisations d’Habiter. Certains immeubles canuts selon la configuration de cages d’escalier sont équipés d’ascenseur souvent à la place de la colonne des WC anciennement commun aux habitants à tous les étages. L’habitant tente de « dépasser » et « surpasser » en « occupant », « arrangeant » « détournant »2 pour obtenir un espace qui leur est propre.

1

http://tabareau.blogspot.com/p/renover-un-canut-les-points-cles.html Naji Lahmini, « Innovations « radicales » et patrimonialisation dans le logement populaire », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.219 2

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43. Façade d'un immeuble de trois étages en pierres apparentes, sa petite taille ne nécessite pas d'étage en pisé. On peut cependant voir sur la dernière rangée de fenêtre, l'une d'entre elle est divisée en deux ouvertures sûrement dû à la création d'une mezzanine

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Appropriation de l’habitat ouvrier Selon le Dictionnaire de l’habitat et du logement de M.Ségaud, J.Brun, J-C.Driant « […] l’appropriation de l’habitat n’est pas sous-produit mais l’aventure même de l’habiter. »1. L’appropriation du patrimoine habiter se fait aux travers de « nouveaux usages culturels et artistiques ». La domestication évolue tout comme la manière d’habiter des populations. L’habitant vient personnaliser son logement de tel sorte à occuper et habiter l’ensemble de son chez soi qu’il possède. Le logement est ainsi spécifique et est propre à son propriétaire.2 L’intérieur de l’habitat du patrimoine ouvrier devient donc un support d’appropriation et de création de chez-soi qui se superpose, s’associe, ou même s’oppose au fil des différents habitants qui l’occupe. C’est par le travail de relevé habité introduit précédemment, que nous allons pouvoir observer des exemples d’appropriation d’appartement canut, de génération et situation familiale différente. Des photographies viennent accompagner les relevés habiter pour mieux comprendre le chez soi de ces habitants. Ce travail pictural est inspiré du format et de l’intention de la série d’images « Espaces partagés » de la photographe Hortense Soichet3 qui révèle l’appropriation d’HLM à La Noue – Clos Français à Montreuil en région Île-de-France.

1

Vincent Veschambres, introduction « Habiter un lieu de production et de travail », in Maria Gravari-Barbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018, p.513 2 Naji Lahmini, « Innovations « radicales » et patrimonialisation dans le logement populaire », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2005 3 http://www.hortensesoichet.com/fr/photographies-espaces-partages/

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D’un logement ouvrier de Canut vers un logement familial La priorité des nouveaux habitants du patrimoine qui succèdent à leur occupant d’origine est l’hygiène du logement. Des sanitaires sont installés au sein de l’appartement et la salle de bain améliorée.

L’appartement de la famille.S est situé au 2ème étage d’un immeuble de 5 étages sur le plateau de la Croix-Rousse. La salle de bain est installée par d’anciens propriétaires à la place du coin cuisine du canut et des sanitaires sont placés dans l’entrée. Par la suite, la nouvelle cuisine vient s’ouvrir sur la pièce à vivre en lieu et place de l’espace dédié au travail du métier à tisser. La structure du logement de canut offre un espace atelier généreux transformé en pièce de vie principale, tandis que la pièce annexe et la mezzanine à l’est de l’appartement deviennent des chambres. La hauteur importante sur toute la surface de l’appartement permet également de créer de nouvelles mezzanines. Ainsi, une mezzanine avait été installée par les anciens propriétaires du côté de la pièce annexe permettant d’offrir une troisième chambre. En 1999, le couple emménage. Ils s’approprient ces nombreuses transformations faites par l’ensemble des occupants précédents. Cependant, ils ont pour objectif de créer une famille ce qui les amène à des transformations au sein de l’appartement pour améliorer leur chez soi. A leur arrivée, il conserve la totalité des espaces. La chambre principale, la chambre 1, est la chambre parentale et la mezzanine sert de coin télé et bureau. Elle s’ouvre sur l’espace de vie, permettant de garder un lien avec cet espace généreux auquel ils sont attachés. A l’arrivée du premier enfant, celui-ci occupe la chambre 1 et les parents la chambre 2. Dans le but d’avoir un second enfant, les parents envisagent d’agrandir la mezzanine du salon pour créer une troisième chambre, un coin couchage indépendant. Le coin télé est déplacé au-dessus de la cuisine accessible par une passerelle. La hauteur de la cuisine étant réduite, une vitre est placée sur le plancher de la mezzanine pour apporter de la lumière. La mezzanine est prolongée jusqu’à la fenêtre de la cuisine, celle-ci est donc divisée en deux ouvertures, une pour la cuisine et une pour la mezzanine. Ils se sont permis cette modification en façade côté cour malgré l’homogénéité des façades réglementée. Enfin, à l’arrivée du second enfant, celui-ci occupe la chambre 2. Les parents ferment par une verrière une partie de la mezzanine pour créer un espace nuit qui leur est dédié. Durant l’évolution de la famille les parents tiennent à générer des espaces intimes et de vie où la famille se retrouvent tout au long de la journée. Les enfants sont réunis à l’arrière de l’appartement et les parents conservent leur intimité au-dessus de l’espace de vie.

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7,5 m

Rez-de-chaussée

Étage

Hypothèse d’occupation à l’époque des Canuts Transformation faites par les différents occupants précédents Adaptation du logement par la famille.S

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44. Pièce de vie de l'appartement de la famille.S : verrière de la chambre des parentes, la passerelle sous laquelle se trouve la porte menant à l'entrée

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45. Pièce de vie : salon sur toute la hauteur de l'appartement canut

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46. Cuisine : elle se situe sous le coin télé, la fenêtre d'origine est divisée en deux partie (une pour la cuisine et une pour le coin télé)

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47. Chambre 2 : chambre de la fille aînée en mezzanine donnant sur la chambre 1 de la cadette

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Les appartements canuts sont progressivement transformés succinctement par les générations d’habitants. Les habitants réhabilitent ces logements de première fonction de travail vers une fonction d’habiter. La famille.R occupe leur appartement canut traversant au premier étage d’un immeuble de 4 étages, également depuis 1999. Ils emménagent avec 2 enfants puis un troisième né en 2000. Ils réalisent une première série de modifications des changements réalisés par les habitants précédents.

L’actuelle salle à manger correspond surement à la cuisine d’origine. Elle a ensuite servi de débarras aux habitants précédents. Puis le couple l’a d’abord utilisée comme chambre d’enfant à la benjamine temporairement le temps des modifications de la mezzanine à l’arrière de l’appartement. En effet, les mezzanines installées par les prédécesseurs sont agrandies sur la profondeur totale de l’appartement pour créer trois nouvelles chambres, deux en mezzanine (chambre 3 et 4) et une de plein pied sous l’une d’elle côté rue (chambre 2). En 2007, ils font de même pour la mezzanine située au-dessus de la salle à manger, actuellement le coin télévision. Comme pour la mezzanine de la famille.S les deux fenêtre aux extrémités de l’appartement côté rue sont remplacées par d’autres intégrant l’incrustation du plancher de la mezzanine. On retrouve également la volonté d’ouvrir les espaces de vie. La cloison de la cuisine est supprimée, la verrière du salon est conservée et sa double porte est supprimée. Dans l’actuelle salle à manger, un placard séparant du salon et une porte séparant de l’entrée sont retirés.

Ces 3 pièces sont ainsi reliées ensemble et forment un large espace de vie sur toute la hauteur de l’appartement sauf pour la salle à manger sous le coin télévision. Plus tard, en 2007, la famille décide de créer un espace extérieur à leur logement, côté cour au nord. Le projet de terrasse s’installe sur presque la totalité de la longueur de l’appartement. Elle repose sur deux poutres supportées par le mur de l’immeuble et celui du garage en fond cour. La cour étant initialement couverte, la terrasse n’obstrue pas l’espace commun de la cour. La fenêtre de la cuisine est alors transformée en une porte fenêtre permettant d’accéder de plein pied à la terrasse. Ces familles s’adaptent et adaptent le logement à leur confort quotidien et projet de vie de famille en exploitant les espaces et la structure fournis par ces appartements canuts singuliers.

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6,5 m

Rez-de-chaussée

Étage

Hypothèse d’occupation à l’époque des Canuts Transformation faites par les différents occupants précédents Adaptation du logement par la famille.R

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48. Entrée : liaison entre le salon, la cuisine et la salle à manger

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49. Cuisine : porte fenêtre créer par la famille.R pour desservir le projet de terrasse

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50. Terrasse

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51. Chambre 2 de la benjamine sous la chambre 4 du fils aîné créée par la famille.R

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D’un logement ouvrier de Canut vers un logement monoparental Madame.D loue un appartement canut au deuxième étage d’un immeuble de 5 étages sur le plateau de la Croix-Rousse, depuis le mois d’avril 2021. L’appartement dispose d’une surface au sol de 42m² à laquelle s’ajoute une mezzanine de 9m². Les propriétaires ont rénové l’appartement à une date non connue. La rénovation a consisté principalement à la suppression d’un faux plafond pour récupérer la hauteur de l’appartement canut et créer la mezzanine servant de pièce supplémentaire. Ils ont remarqué que sans le plafond, ils entendaient d’avantage les pas et les paroles des voisins du dessus. Ils ont supposé que les précédents propriétaires l’auraient placé pour une raison acoustique. Le salon est une pièce centrale dans l’appartement, il s’ouvre sur toute la hauteur de l’appartement canut. La cuisine et la mezzanine servant de chambre à Madame.D, s’ouvrent sur cet espace de vie. Tandis que la chambre de la benjamine, l’unique « vraie » chambre du logement, est cloisonnée sur toute sa hauteur ce qui permet de créer un espace intime. Le bloc humide (la salle de bain, et les sanitaires) sont situées proche de l’entrée. Il forme un îlot de forme quelconque permettant de compenser la forme particulière du logement. Madame.D témoigne de son confort en révélant le fait de se sentir dans une « petite maison » que le salon est « sympa » et la mezzanine lui permet finalement d’avoir son intimité. Ce cas de logement canut témoigne de la succession des manières d’habiter au sein d’un même appartement de son origine à son état actuel tout en étant centré sur le confort de ses habitants.

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7,5 m

Rez-de-chaussée

Étage

Hypothèse d’occupation à l’époque des Canuts : La superposition des modifications empêche une lecture claire des surfaces d’origines. La petite taille du logement laisse sous-entendre qu’il est issu d’un ancien atelier divisé en plusieurs appartements.

Transformation faites par les différents occupants précédents Adaptation du logement par Madame.D

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52. Espace nuit de Madame.D sur la mezzanine au-dessus de la cuisine donnant sur la pièce de vie

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53. Cuisine

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54. Pièce de vue de la cuisine ouverte

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55. Coin bureau encaissant la forme de l'appartement canut

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D’un logement ouvrier de Canut vers un logement social Comme exposé précédemment, des immeubles canuts des pentes de la Croix-Rousse, ont été réhabilités en logements sociaux. La famille.E occupe un logement social au dernier étage d’un immeuble de 4 étages dans la résidence Pouteau au nord des pentes, depuis 2012. Elle se compose d’une mère divorcée et de ses deux enfants de 14 et 20 ans. L’appartement se contient un espace nuit à l’est et un espace jour à l’ouest, le tout relié par un couloir. Le centre de l’appartement étant plus sombre, il accueille la salle de bain et les sanitaires. Deux chambres dessinent l’espace nuit, la chambre 1 est à la fille aînée et la chambre 2 au cadet. Le salon et la cuisine sont dans l’espace jour. Le salon est normalement accessible par deux portes, une du couloir central et une de la cuisine située au bout de ce couloir. Cependant, pour générer un espace nuit intime à la mère une alcôve est créer au fond du salon. Un meuble vient condamner la porte venant du couloir pour clore son espace. Tandis qu’un paravent est installé au milieu du salon pour conserver son intimité. La seconde porte d’accès menant au salon par la cuisine et celle de la cuisine sont constamment ouverte. En effet, la cuisine sert donc liaison entre le couloir, l’espace de distribution de l’ensemble des pièces de la maison, et le salon. Les 5 fenêtres sont sources de lumière abondante dans les chambres des enfants à l’est et la cuisine et le salon à l’ouest. Pour des façades homogènes, les fenêtres sont identiques et leur forme est conservée dans leur ensemble, jusqu’à l’utilisation des jalousies lyonnaises. Cependant, dans les HLM pour une économie d’énergie, la grande hauteur sous plafond des logements de canuts est dissimulée par un faux plafond à environ 2m50 permettant de limiter la consommation d’énergie pour chauffer les appartements tout comme les murs en pierre dissimulées derrière des cloisons. La municipalité s’approprie des immeubles canuts comme support de logements répondant à une politique urbaine de mixité sociale. L’extérieur des immeubles est conservé et l’intérieur est soumis à l’efficacité d’un logement normalisé correspondant à la vie de famille.

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13 m

Hypothèse d’occupation à l’époque des Canuts Transformation faites pour créer un logement HLM Adaptation du logement par la famille.E

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56. Entrée du salon par la droite. Le faux plafond est stoppé pour laisser libre l'ouverture des fenêtres reprenant la forme d'origine.

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57. Arrière du salon : la porte d'accès au couloir est condamnée par le meuble, le paravent sépare l'espace nuit de la mère au salon

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58. Alcôve servant d'espace nuit à la mère de la famille.E

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59. Chambre de la fille aînée

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D’un logement ouvrier de Canut vers un loft Nous avons pu constater que la patrimonialisation des quartiers anciens servait également de politique économique permettant d’attirer de nouvelle classe sociale et offrir une nouvelle image à la ville. Dans le quartier de la Croix-Rousse, les agences immobilières n’hésitent pas à afficher des appartements anciens rénovés associant mode de vie contemporain et charme ancien du logement canut. La famille.C se compose de parents cadres âgés de 38 ans de 3 enfants de 6, 8, et 10 ans. Elle cherchait à habiter un logement en rez-de-chaussée sur le plateau de la Croix-Rousse. A l’origine le propriétaire architecte d’intérieur avait acheté un appartement en rez-de-chaussée, puis il rachète un fond commercial adjacent délabré qu’il décide de relier à l’appartement. Il transforme les deux locaux en un loft1. La famille est arrivée dans l’appartement en octobre 2020, sans la nécessité d’y faire des travaux.

L’appartement est divisé en deux entités bien distinctes que la famille surnomme « l’appartement des enfants » et « l’appartement des parents ». Dans l’ancien local commercial se trouve les 3 chambres d’enfants en second jour, la salle de jeux et leur salle de bain. L’ensemble se place dans un jeu de volume. La chambre du fils aîné (chambre 2) et la salle de bain se positionnent au-dessus des chambres des filles (chambres 3 et 4) de plain-pied. Ces étages sont reliés par un espace de jeu en demi-palier de 50cm permettant de conserver la grande hauteur et de faire rentrer la lumière jusque dans les chambres au travers des verrières. Dans l’appartement dit des « parents », l’espace nuit des parents se superpose au salon. Tout comme, les chambres des enfants, leur suite parentale (chambre 1) puise la lumière en second jour dans la hauteur de la cuisine. Pour assurer une hauteur de 2m50 dans les chambres des enfants et le salon de plain-pied, l’appartement situé en rez-de-chaussée permet de raboter le sol d’une dizaine de centimètres. A l’« étage des parents » se trouvent également un espace de bureau prolonger jusqu’au mur côté rue par une verrière permettant de conserver l’effet de hauteur et de lumière dans l’entrée de l’appartement canut. L’appartement se situe dans une rue en pente, ils sont en réalité situés au -1 de l’immeuble. Ils ont donc accès à une ancienne cave à l’arrière du salon servant également actuellement de coin bureau. Le logement ancien devient donc support de stratégie commerciale en associant habitat ancien et habitat contemporain.

1

Les lofts sont des anciens locaux industriels adaptés en logements par des larges volumes offrant des espaces généreux.

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7,5 m

Rez-de-chaussée

Étage

Hypothèse d’occupation à l’époque des Canuts Transformation faites par les différents occupants précédents Adaptation du logement par la famille.C

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60. Mezzanine au-dessus de l'entrée donnant sur l'ensemble de la pièce de vie sur toute la hauteur de l'appartement canut de la famille.C

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61. Salle à manger sous la chambre 1 des parents

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62. Séparation entre l'appartement des parents et l'appartement des enfants : à gauche les chambres des enfants superposées, à droite l'espace de jeu.

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63. Espace de jeu servant de palier entre le rez-de-chaussée et l’étage supérieur de l’« appartement des enfants »

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Le logement patrimonial1 devient donc spécifique et est propre à ses habitants d’un temps. C’est par l’appropriation des espaces internes et de la structure du bâtiment que les différentes générations domestiquent ces espaces dans la création d’un chez soi.

Les villes font face à la nécessité de concilier un enjeu social et politique de renouvellement urbain et un enjeu de patrimonialisation. Les étendues du patrimoine ouvrier composent une trame urbaine existante. Son bâti et ses manières d’être habitées servent de ressources au projet correspondant à une société changeante. Le patrimoine ouvrier est source d’inspiration ou peut être recyclé. Les outils de rénovation, permettent le maintien des édifices dans son environnement paysager. Ils sont associés aux outils de réhabilitation qui mènent un habitat ancien vers un confort d’habiter contemporain. C’est pourquoi la ville s’adapte ou bien adapte le patrimoine aux besoins des individus. Une relation s’installe entre patrimoine et contexte urbain, social et politique. La fonction première d’habiter des ouvriers disparait au fil des successions de générations vers de nouvelles manières d’habiter la ville et ses logements.

1

Cette expression permet de qualifier l’appartement dans un contexte urbain faisant partie du patrimoine de la ville dont certains sont même classés.

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CONCLUSION L’action d’Habiter le patrimoine ouvrier associe une histoire industrielle, un logement de type ouvrier encore présent, une reconnaissance locale, nationale voir mondiale de l’habitat et des générations d’individus d’un temps en relation directe ou non avec ce bâti. La notion de « patrimoine » permet donc de rassembler un lieu et un temps durant lequel se succèdent les habitants en interaction avec ce lieu.

Ce palimpseste nous rend compte que « […] le patrimoine de demain, se construit dès aujourd’hui. »1 C’est ainsi qu’un habitat ouvrier d’origine se retrouve confronté à des habitants appartenant à la société d’un temps suivant.

L’étude de l’histoire du logement ouvrier permet de comprendre sa présence au jour le jour. Les révolutions industrielles laissent derrière elles un bâti répondant à des fonctions de travail et d’habiter d’une classe ouvrière de son époque. Les ouvriers construisent une cohésion sociale dans un tissu urbain propice aux développements de liens sociaux. Les contextes politiques et économiques accentuent cette unicité sociale. Ces édifices témoignent d’un savoir-faire architectural adapté à une manière de vivre d’une société et signifient leur histoire. Pourtant, le tissu urbain et ses édifices perdurent sans ses ouvriers. L’activité industrielle des quartiers disparait et de nouveaux habitants se les approprient.

Les nouveaux habitants établissent une relation avec ces logements ouvriers ancien pourtant délaissés.

Ce phénomène reflète l’apparition de nouvelles sociétés au sein des quartiers et des logements ouvriers. Ces sociétés diffèrent entre elles. Les premières amorcent un intérêt porté au bâti ouvrier. La constatation de l’histoire du quartier ouvrier préoccupe ses habitants sur la conservation et préservation du patrimoine ouvrier. Ces premiers individus appelés « pionniers » défendent la transmission de la mémoire ouvrière au travers de ses habitats. La mise en avant de ce contexte urbain incite sa mise en valeur dans les politiques urbaines provoquant l’arrivée des classes moyennes de plus en plus élevées. C’est le phénomène de gentrification. Ces dernières tombent sous le charme de l’ancien et demandent à y vivre. Ils établissent une cohésion sociale au sein de leur cadre vie tout en continuant la transmission du patrimoine. La cohésion sociale des habitants des quartiers anciennement ouvriers perdure. Les générations habitent collectivement le quartier patrimonial.

La patrimonialisation des lieux, bâtis et pratiques anciennes d’Habiter permet de mettre en avant l’histoire et d’assurer sa mémoire et sa conservation au fil du temps dans leur contexte. C’est ainsi que la rencontre entre une société émergente et le patrimoine ouvrier permet d’observer le rôle de celui-ci dans l’évolution sociale en milieu urbain. Des politiques de renouvellement urbain des villes sont mises 1

Naji Lahmini, « Innovations « radicales et patrimonialisations dans le logement populaire », in Maria GravariBarbas, Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Presse Universitaire de Rennes, 2018

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en place pour améliorer leur image. Les tissus urbains des quartier ouvriers anciens ainsi que leurs logements servent de support à l’évolution de la ville. Par des moyens de rénovations, en conservant la structure et la forme du bâti, de réhabilitation, en remplaçant leur usage estompé pour un autre, ou de destruction, la ville adapte et s’adapte au patrimoine. Quant aux projets de construction au sein d’un contexte urbain patrimonisé, le patrimoine est une ressource de dispositif architecturale utile aux projets des architectes. Pour assurer le respect de la politique de transmission du patrimoine des restrictions sont instaurées pour contrôler l’image du patrimoine. A l’échelle du logement, les habitants s’adaptent pour assurer la création d’un chez soi. Ils habitent le patrimoine individuellement. Pour habiter le patrimoine l’ensemble des acteurs qui l’occupent, le rendre habitable par différents moyens afin de correspondre au confort de la société. « Habiter tisse pour chaque lieu un patrimoine d’usages qui se lit dans les formes de présences, de gestes, de récits, de continuités, d’évolutions, mais aussi de disparitions. »1 On constate qu’habiter le patrimoine ouvrier est un enchainement d’actions, d’évènements établissant une relation intime et un équilibre entre habitants d’une société et patrimoine d’une histoire. Les habitants du quartier anciennement ouvrier dialoguent avec l’habitat ouvrier étant une construction systématique qui servant pourtant à une fonction de travail. Un « récit » social, politique et environnementale s’écrit sur l’évolution de l’apparence architecturale du quartier.

L’exemple du récit de la Croix-Rousse permet d’étudier et d’illustrer l’ensemble de ses relations et échanges constants entre société et patrimoine dans le but de suivre les différents axes de lecture du processus d’habiter le patrimoine. Le quartier ouvrier canut est conçu par ses habitants afin de correspondre à leur pratique professionnelle. Pourtant, le métier de Canuts disparait progressivement, il n’en reste qu’un témoignage architectural et social caractérisant une manière d’habiter propre aux canuts. Au fils des années son histoire est reconnue, transmise et conservée en étant considéré comme patrimoine du territoire. Cette valeur historique devient attractive pour les sociétés suivantes et ouvre un chapitre de gentrification. Des logements hauts de plafonds, des pierres apparentes, des planchers à la française, définissent des critères de logement recherchés par les nouveaux habitants d’aujourd’hui, la classe moyenne. L’habitat ouvrier du quartier devient support de liberté d’appropriation par ses habitants eux-mêmes. La succession de ces phénomènes révèle une architecture sans architecte.

Pourtant l’architecte est nécessaire pour la création de projet au sein de ce contexte urbain singulier.

C’est ainsi que nous pourrions nous demander quelle est la place de l’architecte dans le patrimoine.

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Feferica Gatta et Alice Sotgia, L’habiter comme patrimoine, Editions Imbernon, 2020, p.102

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ICONOGRAPHIE 1. Plan réalisé par mes soins 2 2. Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, 2016, p.64 4 3. Christophe Girard, Le linceul du vieux monde, L’intégrale, 2019, p.22 7 4. Josette Barre, « Soierie lyonnaise et habitat. Typologie des immeubles de la Croix-Rousse vers 1830 », Le Monde alpin et rhodanien, 1991, p.40 8 5. https://perso.univ-lyon2.fr/~pvernus/01_02Texte.html 9 6. Josette Barre, « Soierie lyonnaise et habitat. Typologie des immeubles de la Croix-Rousse vers 1830 », Le Monde alpin et rhodanien, 1991, p.42 11 7. Josette Barre, « Soierie lyonnaise et habitat. Typologie des immeubles de la Croix-Rousse vers 1830 », Le Monde alpin et rhodanien, 1991, p.44 13 8. Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, 2016, p.34 15 9. Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental – Lyon 1er, 2016, p.36 17 10. https://www.pinterest.fr/pin/178173728983050226/ 19 11. Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental - Lyon 1er, 2016, p.62 20 12. Archipat, Document de travail, Diagnostic patrimoine et environnemental - Lyon 1er, 2016, p44 22 13. Christophe Girard, Le linceul du vieux monde, L’intégrale, 2019, p.121 27 14. Christophe Girard, Le linceul du vieux monde, L’intégrale, 2019, p.95 29 15. Christophe Girard, Le linceul du vieux monde, L’intégrale, 2019, p.214 31 16. Christophe Girard, Le linceul du vieux monde, L’intégrale, 2019, p.65 32 17. https://www.amusingplanet.com/2017/08/traboule-secret-alleyways-of-lyon.html 33 18. https://twitter.com/lepetitpaume/status/896015074283970560 37 19. PapyArt, Les affiches en sérigraphie à la Croix-Rousse et sa proche banlieue… », Réalisation Jihembé, Lyon 1er, 2014, p.4 40 21. Photographie personnelle 45 22. Photographie personnelle 49 23 PapyArt, Les affiches en sérigraphie à la Croix-Rousse et sa proche banlieue… », Réalisation Jihembé, Lyon 1er, 2014, p.6 24. PapyArt, Les affiches en sérigraphie à la Croix-Rousse et sa proche banlieue… », Réalisation Jihembé, Lyon 1er, 2014, p.13 53 25. http://monumentsdelyon.com/croix-rousse 54 26. https://www.lyon.fr/projets-urbains/perimetre-unesco/le-perimetre-unesco 58 27. https://www.patrimoine-lyon.org/la-colline-de-la-croix-rousse/le-bas-des-pentes/montee-de-lagrande-cote 60 28. Photographie personnelle 61

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29. Photographie personnelle 63 31. Photographie personnelle 32. Photographie personnelle 64 33. Plan réalisé par mes soins 66 34. Photographie de Gilles Daligand 67 35. Dominique Amouroux, Jean-Vincent Berlottier, Convictions, Architectures et ouvrages d’art, 19672008, Patrimoine des Pays de l’Ain, CAUE de l’Ain, 2020, p.91 68 36. Dominique Amouroux, Jean-Vincent Berlottier, Convictions, Architectures et ouvrages d’art, 19672008, Patrimoine des Pays de l’Ain, CAUE de l’Ain, 2020, p.92 37. Dominique Amouroux, Jean-Vincent Berlottier, Convictions, Architectures et ouvrages d’art, 19672008, Patrimoine des Pays de l’Ain, CAUE de l’Ain, 2020, p.93 69 38. Photographie personnelle 71 39. Photographie personnelle 71 40. Photographie personnelle 41. Photographie personnelle 72 42. Détail réalisé par mes soins 72 43. Les images 43 à 63 sont des photographies personnelles 74 44.

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