Dossier thématique 52
Joël Tekou Tene
L’opposabilité de la clause de stabilisation dans les contrats d’investissements internationaux d’énergie (mines, pétrole et gaz) Juriste d’Affaires Internationales et des Transports Student member de l’Association Internationale des Négociateurs Pétroliers (AIPN) et Membre du Centre Africain de Recherches sur les Politiques Energétiques et Minières (CARPEM).
résumé Cette contribution est une étude de la clause de stabilisation dans sa mise en œuvre et sa force juridique à l’égard des parties ; notamment, à l’égard de l’Etat hôte. Présenté pendant longtemps dans les contrats d’investissements internationaux comme une garantie face aux aléas législatifs et règlementaires, ce type de clauses connaît aujourd’hui un relatif succès assis sur la faculté ou non des États à pouvoir en écarter l’application. Par ailleurs, le fait qu’elle soit maintenant considérée comme une caractéristique standard d’un environnement favorable à l’investissement, avec une portée et une durée étendues, soulève de nombreux doutes quant à son objectif actuel. Il s’avère donc nécessaire pour son efficacité et sa neutralité de prendre en compte de nouveaux enjeux et d’accroître son renforcement par des mécanismes juridiques complémentaires.. Introduction Dans le domaine énergétique, précisément dans le secteur minier et pétrolier, les investissements étrangers sont caractérisés par la présence d’importants capitaux et une longue durée de vie des contrats internationaux, généralement de 20 à 30 ans (allant de la phase d’exploration, de production, de transport, jusqu’au stockage, à la distribution)1. De ce fait, ils sont en proie à de nombreux risques contre lesquels les investisseurs cherchent à se prémunir, qu’ils s’agissent des risques politique, économique, juridique, notamment présents dans les pays en voie de développement, principaux Etats pourvoyeurs2 de ressources en énergie. De façon générale, dans les contrats commer1 2
Piero Bernardini, « Stabilization and Adaptation in Oil and Gas Investments », Journal of World Energy Law & Business, 2008, Vol. 1, No. 1 Principalement les pays d’Afrique qui détiennent le tiers des ressources mondiales, l’Amérique latine et les Emirats arabes.
ciaux internationaux, on retrouve des clauses spécifiques pour la sécurisation des accords : clause de hardship, clause d’arbitrage, clause de force majeure ou d’imprévisibilité3, entre autres. Mais plus particulièrement, il ressort dans les contrats d’investissements, des clauses dites de « stabilisation » ayant pour principal objectif de protéger les sociétés multinationales contre les aléas législatifs et réglementaires4. « La clause de stabilisation » a été conçue entre les deux guerres mondiales, par les sociétés pétrolières américaines, voulant se prémunir contre les risques de nationalisation par les Etats d’Amérique latine, producteurs de pétrole. 3 4
Voir en ce sens Bertrand Montembault, « La stabilisation des contrats d’état à travers l’exemple des contrats pétroliers : Le retour des dieux sur l’Olympe ? », RDAI/ IBLJ, N°6, 2003, p. 596 Elle fait partie des clauses limitant l’exercice des pouvoirs de la puissance publique (il s’agit de garantir la protection du partenaire privé contre les modifications unilatérales des contrats par l’Etat : clause de stabilisation et clause d’intangibilité).
Revue des Juristes de Sciences Po - Automne 2013 - N°8