RJSP n°3

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Dossier 40

Dossier 41

Valérie-L aure Benabou

Présentation du dossier thématique

Dossier Thématique :

Professeur à l’Université de Versailles Saint Quentin Directrice du laboratoire DANTE (Droit des Affaires et Nouvelles Technologies)

Droit et Innovation Présentation par Valérie-Laure Benabou, Professeur à l’université de Versailles Saint Quentin Acta... est fabula? (Michel Vivant, Professeur des Universités à Sciences Po) L’émergence des marques non-traditionnelles (Audrey Yayon-Dauvet, Pernod Ricard) L’adresse IP est-elle une donnée personnelle? (Christine Gateau & Christelle Colin, Hogan Lovells) La mise en oeuvre du principe de précaution à travers différentes législations relatives aux antennes de téléphonie portable (Eve Matringe, Docteur en droit privé, enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg) Marchés publics, laboratoire de la modernisation de l’Etat (Maciej Murmylo, étudiant en Master 2 spécialité Propriété Intellectuelle à Sciences Po)

Le droit serait-il étranger à l’innovation ? L’approche juridique visant à prendre du temps pour prendre la mesure d’un phénomène semble, il est vrai à première vue, radicalement antinomique avec la dynamique de l’innovation. Cette dernière se jouerait de l’inertie, se construirait par à coups, mais toujours dans un mouvement d’accélération. Le droit, tout au contraire, épris de continuité, ennemi des ruptures, aspire à la réduction de l’activité normative, à l’économie de moyens juridiques, à l’ascèse voire à l’immobilité. Ainsi le temps du droit ne serait pas celui de l’innovation.1 Dans le monde idéal du juriste, la société se satisferait de quelques règles générales et simples, dont la stabilité serait gage d’efficacité. Ainsi le droit serait à rebours de l’innovation. Par nature à la traîne, il laisserait passer devant lui le progrès et serait même réfractaire à innover dans son propre domaine. Cette image d’Epinal se doit d’être démentie et les études du présent dossier témoignent assez qu’une toute autre approche du rapport du Axel Khan, Temps, droit et progrès médical : « Plus généralement, le contraste est frappant entre la cinétique de développement des sciences et celle des idées traitant de la justice et du bien » http: //www.cairn.info/article.php?ID_ ARTICLE=SEVE_013_0087

droit à l’innovation est possible. Le droit ne peut méconnaître l’innovation sans perdre sa raison d’être. Comment pourrait-il répondre à sa fonction régulatrice des comportements sociaux s’il se construisait en marge des renouvellements opérés au sein de la société ?2 Le droit n’est pas une construction abstraite de la réalité et il s’imprègne nécessairement des évolutions développées par l’homme. Il suffit de rappeler que l’avènement du machinisme au XIXème siècle a provoqué une révolution du droit de la responsabilité civile, révoquant la faute au profit de la théorie des risques. Ainsi, le droit reçoit l’innovation. Il prend acte de sa présence et s’interroge sur le statut juridique à lui conférer. Le premier réf lexe du juriste, suspicieux à l’égard du changement, sera de procéder par analogie. Il s’attachera à assimiler ce qui est inconnu à ce qui est connu ; à rattacher la nouveauté à l’existant pour ne pas troubler les catégories juridiques et ne pas distordre inutilement l’ordonnancement du droit. La réception de l’innovation par le droit n’emporte pas néces-

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Revue des Juristes de Sciences Po - Janvier 2011 - N°3

Comme le dit Michel Vivant dans sa contribution sur l’ACTA dans le présent dossier, « l’innovation, comme phénomène social et phénomène social majeur, est inévitablement saisie par le droit ». 2

Revue des Juristes de Sciences Po - Janvier 2011 - N°3


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