GHI 29.05.08

Page 24

FORÇA PORTUGAL

25

28-29 MAI 2008

Parcours d'une intégration réussie Les Portugais sont présents dans tous les secteurs de la vie économique. u Travailleurs et déterminés, ils sont le symbole d'une intégration exemplaire. u Portraits de cinq succes story à la genevoise, loin des clichés traditionnels. u

■ CHARAF ABDESSEMED

Femme de ménage, concierge ou maçon. Mais surtout pas médecin, financier, directeur de grand hôtel, ou scientifique au CERN. Car ce cliché dont les Portugais de Genève ont longtemps fait l'objet, alimenté par le profil sociologique des premiers arrivants au début des années 80, a la vie dure. Et pour-

tant, en 30 ans à Genève, nombre de Portugais ont réussi un parcours professionnel sans faute, parfois en partant du bas de l'échelle, pour arriver au plus haut. Portrait de cinq réussites aussi discrètes que fulgurantes, suisses de cœur ou de papier et fervents supporters de l'équipe du... Portugal.

Fernando et Antonina Martins Restaurateurs

Né à Genève, il y a 40 ans, Fernando Martins, secondé par sa femme Antonina, est le patron du restaurant Le Portugais, réputé la meilleure table de Genève en matière de cuisine portugaise. Fondé en 1973 par son père José, depuis retourné au Portugal, l'établissement est le premier restaurant portugais de Suisse, et un des rares à Genève à être demeuré en mains familiales. «Aujourd'hui, les gens mangent volontiers du crabe, du poulpe ou de la morue. On a une clientèle de tout le bassin méditerranéen, mais aussi suisse. Alors qu'il y a 35 ans... Certaines personnes avaient même menacé de nous faire fermer... C'était l'époque de l'initiative Schwarzenbach... Raison pour laquelle mon père nous a fait naturaliser dès notre majorité! Pour être sûr que nous ne serions jamais expulsés!»

Joaquim Barbosa Conseiller municipal

«J'ai souvent eu de la chance dans ma vie.» Cette phrase, dans la bouche de Joaquim Barbosa, revient comme un leitmotiv. De la chance, le jeune homme âgé de 18 ans qui, en 1967, fuyait la dictature portugaise, en a eu assurément. Mais il y a également autre chose: car derrière l'apparence de cet homme volubile et jovial se cache un travailleur acharné, doté d'une volonté de fer. Très rapidement après son arrivée en Suisse, Joaquim Barbosa rencontre son épouse, d'origine zurichoise, avec laquelle il aura deux enfants. Par le biais d'amis, il trouve un emploi auprès de la multinationale Dupont de Nemours, qui l'envoie même se former en Angleterre. Au bout de cinq ans, l'homme qui a toujours souhaité s'établir à son compte, rachète une petite entreprise familiale dont il fera une PME prospère spécialisée dans la sérigraphie et le support publicitaire, qu'il dirige encore aujourd'hui.

Radical

Ce n'est qu'il y a une dizaine d'années, qu'il se décide à devenir citoyen suisse, un retard qu'il explique, échaudé par son passé au Portugal, par une aversion pour «tout ce qui est militaire». Mais son entrée en citoyenneté se trouvera rapidement doublée d'une entrée en politique, puisqu'il est élu l'année dernière au conseil municipal de Plan-les-Ouates, en quatrième position sur les listes du parti radical. Reprochant volontiers à ses anciens compatriotes leur repli communautaire, même s'il apprécie leur discrétion et leur force de travail, ce sportif émérite, deux fois champion suisse de volley-ball en vétéran, et seul élu du canton d'origine portugaise, reste fidèle à ses racines. La perspective de l'Euro 2008 le fait déjà frémir: «j'ai acheté des billets pour les matchs où la Suisse ou le Portugal étaient impliqués. Mais assister au Suisse-Portugal est au-dessus de mes forces! Pour le reste, j'ai trouvé la solution: comme je fabrique des casquettes, je suis en train de m'en faire faire une dont la moitié est aux couleurs du Portugal et l'autre aux couleurs de la Suisse!»

Devenu suisse, père de deux enfants ayant également la double nationalité, Fernando Martins mesure le chemin parcouru par la communauté portugaise en matière d'intégration et se déclare «très fier d'être arrivé jusqu'ici», d'autant que son resto marche bien. Deux grandes crises ont d'ailleurs marqué l'histoire récente de son établissement: le 11 septembre, et les travaux du tram, qui en raison d'une baisse importante de la clientèle, ont mis en péril la santé financière de l'entreprise. L'Euro 2008? Aucun problème, Fernando Martins entend soutenir ses deux équipes nationales, même si, pour la «beauté et l'esthétique du foot», il avoue un petit faible pour l'équipe lusitanienne.

Avec son petit air de Pierre Arditi et son œil malicieux, le Dr Eduardo Tomas Borges est un homme heureux. Ce médecin généraliste de 52 ans, arrivé en Suisse pour des stages hospitaliers temporaires, qui parle un français parfait dénué de la moindre trace d'accent, choisit de s'y installer définitivement lorsqu'il rencontre sa femme, une Suissesse d'origine… basque. Pour cet homme cordial et généreux, amoureux de son métier, point d'illusion de grand retour au pays. Son présent et son futur sont évidemment à Genève, «un coin de rêve pour les immigrés». De racisme ici, il n'en a point connu, probablement «protégé par sa profession» et son intégration réussie. A l'époque pourtant, point

Maria da Conceição Matter Gérante de fortune

Mariage

Maîtrisant quatre langues en plus du français, cette dame de fer à l'humour pince sans rire est

arrivée à Genève en 1970, en provenance de Londres, initialement pour un séjour culturel d'une année. Un séjour qui n'a jamais pris fin, puisqu'elle y rencontre très vite l'homme de sa vie. Après plus de 10 années au service de la compagnie aérienne TAP à Cointrin, elle s'engage dans la finance, un métier dont elle ne connaît rien, ce qui ne l'empêche pas de promettre à son futur employeur: «Vous ne serez pas déçu!»

Pas d'illusions

Très fière d'être suissesse, - elle s'est même fait naturaliser genevoise en 1992 -, Maria Matter a conservé de profondes attaches avec le Portugal, où elle se rend plusieurs fois par an.

En Suisse depuis 1995, Luis Rebelo Geraldo, âgé aujourd'hui de 33 ans, est emblématique d'une vague d'immigration beaucoup plus récente que celle des pionniers des années 80, mais tout aussi laborieuse. Entré dès son arrivée à Genève comme simple plongeur à l'hôtel des Bergues, devenu entre temps le «Four Seasons», il en devient très rapidement le responsable du département Stewarding, c'est à dire tout ce qui concerne l'organisation de la cuisine et des banquets ainsi que la coordination des équipes de nettoyage de la vaisselle.

Pas le choix

«La direction m'a toujours poussé et proposé trois fois ce poste que j'ai refusé car, ne parlant pas un mot de français à mon arrivée, j'estimais que mon niveau de langue n'était pas assez bon. La quatrième fois, on ne m'a pas laissé le choix et posé les clés sur la table. C'était en 2000», se souvient dans un ex-

cellent français ce jeune homme exigeant et ambitieux qui, très heureux du côté à la fois cosmopolite et organisé de Genève, vient de déposer sa demande de naturalisation. Modèle d'une intégration réussie, il reconnaît volontiers avoir eu de la chance et bénéficié de l'excellente réputation de ses prédécesseurs en immigration, comprenant même les préventions des Suisses «face à ceux qui pensent n'avoir que des droits et pas de devoirs».

Footballeur

Ancien joueur semi-professionnel en ligue 2 portugaise de football, Luis Rebelo Geraldo est, comme tout Portugais qui se respecte, un fan du ballon rond. De son propre aveu, l'Euro 2008 va le« faire souffrir», même si «évidemment», il soutient le Portugal. «Avec mes collègues, j'ai fait le pari que la Suisse et le Portugal allaient tous les deux passer au second tour». Et d'ajouter, comme pour se rassurer: «Et puis, je suis sûr que les deux pays feront match nul!»

Eduardo Tomas Borges Médecin généraliste

Fier

«J'espère que la Suisse et le Portugal n'arriveront pas en finale. Sinon, mon cœur serait vraiment brisé!» Qui aurait cru que dans le regard de cette austère gérante de fortune, âgée d'une soixantaine d'années, brillerait une telle flamme dès qu'on évoquerait l'Euro 2008? Une flamme d'autant plus intense que Maria Matter, portugaise et suissesse par mariage depuis 35 ans, s'est engagée comme bénévole pour la ville de Genève et officiera sur la plaine de Plainpalais pendant toute la durée de la compétition.

Luis Rebelo Geraldo Chef de département

d'accord bilatéraux. Ce docteur diplômé au Portugal a dû repasser ses équivalences pour valider ses diplômes, et même demander sa naturalisation en 1993.

Médecin de campagne

Sitôt celle-ci obtenue, il ouvre son cabinet de médecin généraliste, sans avoir besoin de «ramer» pour se faire une clientèle. Et pour cause: les Portugais se précipitent chez ce toubib de chez eux en qui ils voient volontiers un repère dans leur émigration. «Pour eux, je joue le rôle du médecin de famille comme avant, à la campagne. Sauf que je suis à Genève!», constate Eduardo Borges, aux premières loges pour entendre et panser les souffrances silencieuses de ses compatriotes,

CENTRE COMMERCIAL DES CHAMPS-FRÉCHETS MEYRIN - Tél. 022 782 69 70 Lundi-Vendredi: 9h-12h / 14h-19h Samedi: 9h-17h - Bus no 55 Vers la permanence médicale

Ses vieux jours pourtant, elle les voit à Genève, par pragmatisme: «La Suisse est plus stable, et quand on vieillit on a besoin de soins de qualité. Et puis je ne me fais pas d'illusion: le Portugal, c'est très bien pour les vacances quand on y va avec un porte-monnaie plein. Mais sinon...»

www.relax-meubles.ch Livraison gratuite

GROS RABAIS SUR TOUTE L’EXPO SALONS, TABLES, ARMOIRES LITS, LITERIE, BIBLIOTHEQUES DRESSING

souvent victimes de maladies psychologiques. «Le principal problème de la communauté portugaise a été le déchirement. Surtout avant, quand les travailleurs venaient sans leur famille avec un très injuste permis de saisonnier. Cette souffrance pèse encore sur nombre d'entre eux!»


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
GHI 29.05.08 by GHI & Lausanne Cités - Issuu