RifRaf avril 2013

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Earteam L. Pierre ‘The Island Come True’ Melodic

Tranquillement planqué derrière son pseudo de L. Pierre (ou Lucky Pierre), Aidan Moffat – oui, le monsieur d’Arab Strap - s’offre une quatrième virée electronica en solitaire de la plus haute tenue. Attention, m’sieur dames, vous vouliez de la beauté en onze épisodes, vous allez être servis. Car oui, le présent disque est une démonstration absolue du collage en musique, largement au-delà de toutes les conventions formelles. Tel un astronaute en mission commandée dans un train fantôme piloté par Chris Watson, le quadragénaire écossais s’invite aux arrêts Giuseppe Ielasi, notamment sur le formidable ‘Sad Laugh’, et William Basinski, tout en ayant emmené une collection de vinyles à faire rougir le plus fanatique des collectionneurs. Derrière les craquements, on entend, entre voix de films rétro, souvenirs d’enfance et soundtracks romantiques, un savoir-faire hors du commun, pêché dans un océan riche en oppositions des plus magiques. L. Pierre en Ulysse qui a fait un beau voyage, on y croit. A fond. (fv)

que Rainbow Arabia génère un univers terriblement personnel et limite avant-gardiste : on relève ci et là des influences ethniques ainsi qu’un versant cinématographique. Si l’ensemble ultra catchy séduit instantanément, les écoutes successives permettent de relever une grande recherche au niveau des sonorités et des textures. Du début à la fin, ‘F.M. Sushi’ s’avère un délice pour les oreilles, depuis l’entêtant ‘Math quiz’ et le somptueux et aérien ‘Lacking risk’ jusqu’aux sonorités asiatiques du titre éponyme ou le côté ludique et obsédant de ‘Silence me’, sans oublier l’excellent instru baléarien ‘That iced tea’. Un grand album d’électro pop, original et addictif ! (pf)

Razen/Razen + Andrew Liles ‘Rope House Temper’ Kraak

Curieuse impression liminaire que celle de saisir un disque sans code barre, sans numéro de série et sans même mention d’un label ! Je dis chapeau. La paternité en revient à la formation Razen emmenée par Brecht Ameel et Kim Delcour. Musicalement, le disque se compose de petites vignettes essentiellement instrumentales qui fusent dans tous les sens sans s’inscrire dans un genre particulier. Bouzouki, flûtes, tablas, orgue de Barbarie, enregistreurs et bien d’autres choses encore constituent le matériau de base des compositions qui se révèlent à certains moments tout à fait à l’ouest. Le disque se termine par une longue fresque de près d’une demie heure intitulée ‘Aztek Vampire Riddles’où Razen partage le canevas avec l’Anglais Andrew Liles (collaborateur de Current 93 et de Nurse With Wound e.a). Art brut sonore, assurément. (et)

The Relatives ‘The Electric Word’ Yep Roc

Le rock religieux, aussi bon soit-il, me fait le même effet qu’un jingle de pub : je perçois le message, jusque dans le tramage même de la mélodie. Bien sûr, la tradition pentecôtiste s’est infiltrée chez nombre de musiciens soul et gospel (et non des moindres) et sa bonne parole est plutôt positive. Celle répandue par les Relatives ne manque d’ailleurs pas d’allant. Groupe éphémère des années 70 formé par le Révérend Gean West, les Relatives ont ressuscité (Alleluïa!) en 2009, suite à l’anthologie ‘Don’t Let Me Fall’ qui ressortait du tabernacle plusieurs sessions inédites du groupe. Encadré par Jim Eno de Spoon à la production, nos papys funky haranguent avec style et prêchent avec conviction, mais leur groove ne propose rien de fondamentalement novateur. Néanmoins, ‘Speak To Me (What’s Wrong With America)’ interpelle encore, quand bien même ses paroles datent de plus de trente ans, et ‘Bad Trip’ et ‘Revelations’ donnent furieusement envie, sinon de plonger dans les eaux baptismales, au moins de se lever

et danser au nom de l’amour de son prochain. Soyons clairs, ‘The Electric Word’ reste plus passionnant que la messe du dimanche à l’Eglise d’Outrelouxhe. (ab)

‘Revolution’. Ces quelques titres sont suffisants pour qu’on ne se brouille pas avec le groupe mais on lui donnera un bon conseil : « Back to basics’ » (pf)

Josh Rouse

Gaspard Royant

‘The Happiness Waltz’

‘Trilogie 45 T.’

Yep Roc/V2 Benelux

A Quick One Records

Difficile, voire impossible, de dire du mal d’un garçon comme Josh Rouse. Aucune provocation dans le discours, aucun excès dans la posture, l’auteur-compositeur-interprète originaire du Nebraska semble tracer son sillon sans se soucier d’alimenter son aura médiatique. L’homme est pourtant doté de certaines facilités en matière de composition : seize albums en quinze ans, excusez du peu…Sa livraison printanière s’intitule cette année ‘The Happiness Waltz’. Et à nouveau, rien qu’au regard du titre, on sent qu’il va être difficile de mettre la moindre goutte de vitriol dans cette chronique. Il n’y avait de toute façon aucune raison objective de le faire. Puisant son inspiration dans le soft-rock des 70’s, cet opus est l’œuvre d’un musicien qui maîtrise autant les ficelles de son art que celles de sa propre vie. Et l’album de couler des jours paisibles en parfait équilibre entre mélodies pop à la sauce californienne (‘It’s Good To Have You’), alt-country (‘Julie (Come Out Of The Rain)’) et un supplément soul qui transcende des textes inspirés par la simplicité d’un quotidien qu’on imagine radieux. Tout autant que de l’admiration pour une musique et une voix à l’élégance rare, c’est une forme de jalousie et d’envie pour la plénitude et la sérénité d’un homme qui nous ont saisi à la gorge. (gle)

Gaspard Royant est un artiste français. Il s’est toujours rêvé sous les étoiles américaines, mais dame nature en a voulu autrement : il chante au pays de Hollande. Qu’importe, le mec veut vivre son rêve américain. Dans un premier temps, il se laisse donc pousser les cheveux et la barbe comme un vieux chercheur d’or des rivières de l’El Dorado. Il vend son âme au diable, chante le blues et toute la musique qu’il aime (country, blues, bluegrass). Quelques années plus tard, le garçon se rase les poils et gomine sa crinière légendaire. L’homme troque son banjo contre un costume et une cravate : Gaspard Royant s’est métamorphosé en homme-cliché, rétro et touchant. Pour célébrer dignement sa mue, l’artiste publie une collection de trois 45 tours. Enregistrées, à Londres, par Liam Watson dans l’enceinte des mythiques studios Toe Rag, antre de grands albums rétro-jouissants (The Datsuns, Holly Golighly, The White Stripes), ces six chansons voient la vie en analogique et jurent fidélité aux préceptes édictés dans les sixties par quelques sommités (Roy Orbison, Del Shannon, etc.). Si tout cela est totalement anachronique, la musique de Gaspard Royant brille d’une saine passion. Authentique. (na)

Royal Republic ‘Save The Nation’ Roadrunner/Warner

L’évocation de la scène rock scandinave va souvent de pair avec des images cauchemardesques de groupes satanistes délivrant du speed métal apocalyptique. On aurait cependant tort de réduire le nord de l’Europe à ce type de productions vu qu’il a vu naître pas mal de formations garage/hard/punk, dont les Hives et les Hellacopters en tête. Moins médiatisé, Savage Republic n’en a pas moins sorti un premier album, ‘We are the royal’, qui avait fait plutôt bonne impression dans un registre rock garage bourré de riffs bien foutus et de refrains aguicheurs. On ne sera malheureusement pas aussi enthousiaste à l’écoute de son successeur qui voit le quatuor se ramollir méchamment, se faisant moins hard et cédant trop souvent à la facilité en remplissant son album de titres faciles et manquant de sel. On retrouve ici pas mal de morceaux dispensables car peu inspirés, dont l’évidence mélodique est souvent gâchée par une approche trop aseptisée. On ne jettera ceci dit pas le bébé avec l’eau du bain, ne fît-ce que pour la présence des bien rock et tubesques ‘Molotov’, ‘Everybody’s an astronaut’ ou ‘Save the nation’, le plus hardcore

The Rhythm Junks ‘Beaten Borders’ Universal/Gentle Recordings

Dans les années 90, le groupe Morphine bousculait discrètement le milieu du rock indépendant en faisant fi de la guitare pour la remplacer par un saxophone. Le résultat était élégant et ténébreux, mais prit fin brutalement quand son leader, Mark Sandman, s’écroula sur une scène à Turin, terrassé par un cœur fatigué. Si je vous raconte ça, c’est que d’une part il faut réécouter Morphine, et d’autre part parce que The Rhythm Junks, groupe du nord de la Belgique, s’est forgé sur un parti-pris similaire, l’harmonica de Steven De Bruyn en lieu et place du saxophone. Stylistiquement, leur rock atmosphérique se répondent, par delà les années qui les séparent (‘Dreamer, Dream On’, et son passage parlé typiquement Morphine), non sans une volonté americana plus marquée chez nos voisins flamands. ‘Beaten Borders’, entre blues rock au goût de tabac et sonorités spaghetti, raconte les plaines du midwest traversées par les attaques de train et les pluies diluviennes. Un dépaysement agréable, qui tranche avec le reste de la production néerlandophone. (ab)

Sally Shapiro ‘Somewhere Else’ Paper Bag Records/N.E.W.S.

Derrière ses airs d’innocents, la musique de Sally Shapiro se révèle, par instants, doucement entêtante - en dépit de ses quelques atours limite pupute vintage. Toujours marquées d’une italo disco passée à la moulinette d’Au Revoir Simone et de Lindstrøm, les influences du duo suédois laissent tantôt un souvenir impérissable, songeons à ‘I Dream With An Angel Tonight’ et ‘If It Doesn’t Rain’ qui mériteraient de devenir les tubes du printemps, mais aussi à la sympathique ritournelle ‘What Can I Do’ et sa flûte synthétique évadée tout droit d’un Casio 1985. Bien sûr, tout cela ne fait pas avancer le cours des choses d’un poil mais, de temps à autre, ça fait du bien de se laisser porter par les souvenirs fugaces d’une époque entre Valerie Dore et Alphaville. (fv)

Ulrich Schnauss ‘A Long Way To Fall’ Scripted Realities/Pias

Révélé en 2001 par l’intemporel et gracieux ‘Far Away Trains Passing By’, classique instantané de la pop ambient telle qu’on la retrouve chaque année sur les compilations Kompakt, Ulrich Schnauss garde une très belle forme trois essais plus tard. Toujours empreintes d’atmosphères où langueur électronique et chaleur synthétique se partagent les draps, les dix nouvelles déclinaisons du producteur allemand le montrent dans une approche shoegazetronica du plus bel effet. Tout en donnant du temps à ses tracks, qui dépassent toutes les cinq minutes, l’homme de Berlin leur offre une très grande variété de tons, souvent mélancoliques, parfois enjouées. Toutefois, à certains instants, l’approche instrumentale de Schnauss tourne quelque peu dans le vide, et on se dit que s’il avait eu la bonne idée d’inviter l’un(e) ou l’autre vocaliste, on aurait eu droit à un très grand disque. (fv)

Sinkane ‘Mars’ Cit y Slang/Konkurrent

Ces dernières années, nous avons été habitué à voir l’afrobeat invoqué au secours de la musique populaire occidentale. A l’inverse, le soudan Ahmed Gallab, fils d’exilé politique sur le sol américain, après être allé frapper les caisses claires de Caribou, Born Ruffians ou Of Montreal, convoque sur ce second album solo les forces propres à l’histoire de nos musiques afin d’exciter son afrobeat natale, la titiller, la pousser dans ses retranchements, et lui faire perdre au passage quelques plumes, mais non sans panache. On déplore en effet l’abus d’effets vocaux sur deux ou trois plages, d’autant plus regrettables qu’en dehors de ce défaut rédhibitoire ‘Making Time’ est une bonne réponse funk, virale et soudanaise à la French Touch. Ces fausses notes mises à part, Sinkane


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