Les Pénelopes : un féminisme politique

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DOMINIQUE FOUFELLE JOELLE PALMIERI

LES PÉNÉ

S

LOPE

UN FÉMINISME POLITIQUE 1996-2004



PRÉFACE TISSER SA TOILE Geneviève Fraisse, 3 octobre 2013 Les Pénélopes tissent leur toile, quelle image évidente ! Quelle représentation bienveillante ! Quelques féministes de la e siècle, passionnées d’information, d’innovation, éberluées par les variations géopolitiques du féminisme ouvrent un site dédié à l’émancipation des femmes. Or l’image d’une toile comme mise en lien numérique ne saurait

riel de la démocratie féministe, donc les Pénélopes, a non seulement des états d’âme, non seulement une volonté de résistance, et même un sens de la stratégie, mais elles ont, aussi, une expérience raisonnée du terrain politique qu’elles proposent d’explorer, sur lequel elles s’aventurent ; avec passion. Elles ont

lumière balaie les Etats-Unis et l’Afrique,

parties du monde, nord ou sud, Orient et Occident, c’est parce qu’il leur semble que domination masculine et émancipation des femmes sont opérantes dans Puisque celle-ci méprise en général la variable sexe/genre. ger d’œcuménisme parce qu’elles sont s’arrête sur le sexisme ordinaire, ou sur le féminisme ponctuel, sur les brefs actes de résistance et les inventions locales. alors ? Pas vraiment. Elles offrent des associations d’idées, des articulations sémantiques, dans des mises en scène politiques, des reconnaissances de pas-


neufs. Mais encore ? En quoi ces liens tissés entre les mondes, les combats, les offre d’informations ?

précisément par le fait de la dispersion ploitation. En conséquence, on ne sera pas surpris que l’émancipation fasse de même, qu’elle s’exprime aussi dans le

Préface

fréquentation ancienne de ce site et de ses « animatrices » a toujours eu un lien

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d’épistémologie politique. La succession des informations et commentaires donne à voir, en fait, le morcellement d’une image par ailleurs tout à fait reconstituable, image de la domination masculine, doublée de l’image de l’émanculine se manifeste dans son éclatement, précisément pour ne pas être visible comme totalité, donc comme structure

morceaux de visibilité, mais en morceaux dont le désordre implique qu’on

De là viennent certaines pratiques, tout tance, bien sûr, sur le rôle des actrices, individuelles et collectives ; décider et par delà la résistance à l’oppression est une marque de fabrique de la détermination des femmes. Aussi, puisque l’énoncé de la domination (exploitation, oppression) est fait de morceaux, la pratique de comme s’il fallait travailler à la dissémination des idées, à la contamination de la révolte. Evidemment, la conclusion non négligeable, pas seulement parce qu’il est neuf, mais parce qu’il colle à notre nécessité politique.


INTRODUCTION Dominique Foufelle et Joelle Palmieri, septembre 2013

2004. 2012. Pas d’anniversaire. Une envie. Un pan de vie personnelle et collective. Et une passion. Travailler ensemble tout en rencontrant des personnes, et en particulier des femmes en lutte, partout diffuser, publier, sans cesse. Etre féministe tout simplement. Expliquer la vie quotidienne avec un point de vue situé où tout prend sens, où le privé croise le public, partout, est politique, sans équi-

1996 à 2004 et que nous avons tenté de renouveler en construisant cet ouvrage. Nous sommes parties de l’idée de transmettre une époque, son ambiance, un

nos éditoriaux mensuels. Nos coups de gueules. Ils prenaient à partie les guerres en cours, le sexisme ordinaire des mouvements sociaux, des institutions, de la

vie quotidienne… Ils s’exaltaient sur les rares bonnes nouvelles que nous réservait l’actualité que nous connaissions. Nous nous sommes vite rendu compte que ces coups de gueule étaient tellene pourraient rendre compte à eux seuls d’une situation. Alors nous avons tier des brèves d’actu. Nous en publiions rique Latine, Amérique du Nord, Asie, quaient à informer les lecteur-trices des construisaient le quotidien de l’égalité tutionnel comme personnel. Des corps clandestinement dans des valises percées de petits trous à l’introduction de passant par les manifestations nocturnes pour la paix des Femmes en noir un peu


Introduction

partout dans le monde, les exemples ne nous manquaient pas. Pour faire le tri dans tant d’information, nous avons commencé par strucsexisme ordinaire, féminisme de base », « Non, c’est non ! », « Alterféministes de respondent à trois grands piliers de nos actions. Tout d’abord, le privé est politique ; le féminisme est en soit une proposition politique. Ensuite, en dénonçant toutes les formes de violences de genre,

il-elles donneraient leurs points de vue nourrissant le réel. Nous étions loin de penser à ce moment à quel point cette un délai court et sous le format d’un livre

de domination mis à plat, nous mettons

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ont participé aux Pénélopes, celles qui connaissaient. Nous avons imaginé l’idée d’entretiens croisés où nos interloctuteur-trices, uniques ou multiples, seraient les auteur-es de leurs articles. Il-elles raconteraient leurs points de vue -

valoriser les initiatives portées par des femmes dont l’objet est de viser un mieux immédiat. -

construite pendant toutes ces années de publication.

En soi, le processus d’écriture que nous avons structure est représentative d’une réalité toujours tou-tes vécu a renoué avec la en vigueur. tradition beauvoirienne du récit Ensuite, concrètement, nous avons demandé de personnel, de l’indispensable l’aide. De l’aide à des perréhabilitation de la mémoire. sonnes inconnues, que nous avons recrutées sur Collective de surcroit. Notre époque. Une nouvelle aven- démarche éditoriale a été ture commençait à prendre féministe, tout comme l’avait çait lui-même à prendre de été en son temps celle des nouvelles proportion et ambiPénélopes. tion. Nous commencions à être une équipe, Internet s’en mêlait et Nous avons interrogé des personnes très différentes en âge, en profesnous avions vécu. Nous avons vite décidé de ne pas nous

de résidence… la très grande majorité a répondu présente, le plus grand des obstacles étant le manque de disponibi-


partie de l’aventure, dont trois qui ne connaissaient absolument pas les Pénélopes pendant nos activités et après leur -

des problèmes déjà évidents et connus de ceux qui avaient mandat pour les traiter,

augmenté, le niveau des viols, et en parsujet qui la concernait particulièrement et avec son accord. Le texte ne lui a pas

militaire, est exponentiel tout comme les féminicides, la paupérisation des femmes

le contenu avant que l’entretien n’ait lieu. teur-trices s’est d’emblée senti-e concer-

entérinée comme une évidence et la stigmatisation des identités sexuelles dites minoritaires a atteint son apogée. Autrement dit, de nos jours, il ne fait vraiment pas bon vivre jeune femme noire pauvre et lesbienne.

sa propre vie, de son contexte, de son En soi, le processus d’écriture que nous avons tou-tes vécu a renoué avec la tradition beauvoirienne du récit personnel,

pas liées par les dominants ou les médias traditionnels à la prégnance du patriarcat. Les diverses croisades dont nous nous de la guerre d’Irak, et qui endossent

tout comme l’avait été en son temps celle des Pénélopes. Elle reste inédite, tout du moins en France. rité réalisés par Internet, à cause de la réalité de nos vies quotidiennes respectives – l’un-e vit aux Etats-Unis, alors qu’un-e autre passe le plus gros de son temps en

années 1990, les années Pénélopes pourrait-on prétendre, et celle des années

ou traditionnel le dernier rempart derrière lequel se protéger les uns des autres. Nous connaissons la recette de cette

7 les femmes, partout dans le monde ne le combattront pas, il fonctionnera. discuté, longuement, les un-es avec les autres. Qu’il s’agisse d’éducation, d’impérialisme, de brevétisation du vivant, d’In-

ses interrogations, ses incertitudes. Et sujets que nous traitions à l’époque, sont inédites. Des découvertes. Toutes difféles femmes persiste, voire s’aggrave, mais

Une aventure avec des similitudes tant

sentiment. On peut même dire que la non-résolution

avions rêvé, nous l’avons fait.

Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

ou à Paris alors que nous vivons respectivement dans les campagnes de Montpellier et de Marseille – ont permis d’établir

perte croissante de légitimité politique


TABLE A sexisme ordinaire, Féminisme de base .................................................................... 9 Lettre ouverte à étienne, par Laurence Vouillot ................................................................ 10 ...................................................................................................................... 11 ................................................................................................................ 14 Je frime, donc je suis ................................................................................................................... 15

Le féminisme au quotidien, un choix de lutte,

...................................... 17

Miss Attac est née ! ..................................................................................................................... 17 ............................................................................................................. 20 Déprime ........................................................................................................................................ 21

Dictature de la féminité, par Emmanuelle Piron .................................................................... 23 Le prix du baiser .......................................................................................................................... 25 ....................................................................................................... 27 ................................................................................................................................ 28

Du temps pour vivre, du temps pour créer, par La Luna ...................................................... 31 ....................................................................................... 31 Violence en culottes courtes...................................................................................................... 33 Parité... poils aux mollets ! ......................................................................................................... 35

Les Pénélopes vues d’Ithaque, par Damien Tissot ............................................................ 37

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...................................................................................................... 38 ................................................................................... 41 L’ennemi-e de mon ennemi-e.................................................................................................... 43

NON, c’est non ! ................................................................................................................. 45 par Annie Matundu Mbambi ..................................... 47

Testicules sans limites ! ............................................................................................................... 47 Dénonçons le crime organisé .................................................................................................... 51 ...................................................................................................... 52

Néocolonialisme et domination masculine,

............................................. 55

Tétanie contre terrorisme .......................................................................................................... 56 .......................................................................................... 58 Viva la muerte .............................................................................................................................. 60

Le harcèlement, une affaire de domination,

..................................... 62

Présumées consentantes............................................................................................................. 63 Quel ordre moral ? ..................................................................................................................... 65 Maman, je t’aime ! ........................................................................................................................ 67

Altermondialistes de tous les pays ............................................................................... 69 Féminisme et militantisme logiciel : même lutte ?, ...................... 71

...................................................................................... 71 ................................................................................ 74 Destruction massive des utopies............................................................................................... 76

La solidarité internationale : un projet féministe,

..................................... 79

................................................................................................................. 80 Nom de dieu ! .............................................................................................................................. 82 .............................................................................. 84

Courir devant pour entraîner le plus grand nombre,

................... 87

......................................................................................... 87 .............................................................................................................. 90 Gueule de bois ............................................................................................................................. 92

.......................... 95

No pasaran !.................................................................................................................................. 95 Elections présidentielles françaises........................................................................................... 98 ......................................................................................................... 100

Conclusion : Le féminisme s’écrit au quotidien...................................................... 103 ................................................................................... 107


A SEXISME ORDINAIRE,

FÉMINISME

DE BASE

Le sexisme ordinaire est rampant. Il s’insinue dans les écoles, les maisons, les lieux de travail, les sphères politiques, partout où il y a rapport de pouvoir. En terrain favorable, il relève le gland. La plupart du temps, il se déguise en galanterie, en protection, en ordre moral, en paix des familles... Face à cet ennemi prévisible, le féminisme de base se fait têtu. Il débusque, il dénonce, il combat, il tente de convaincre et d’éduquer. Il sait qu’on l’appelle susceptibilité, hystérie, frustration, ringardise. Il fait parfois débat dans ses rangs. Il sait aussi qu’un jour, il aura la peau du sexisme ordinaire.


A sexisme ordinaire, féminisme de base

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LETTRE OUVERTE Tu ne te souviens pas de Dominique, mais elle t’a pris dans ses bras lors d’une réunion des Pénélopes et tu as assisté à quelques séances depuis ton landau. Y parlait-on d’éducation non sexiste ? Le plus concernée en tant que mère d’un aussi, de trouver une façon de ne pas

est un sujet bien sûr, mais, lui semblaitpour moi sont venues plus tard. Peut-

joue aux boules de neige avec son père. Tu me demandes où est sa mère.

Laurence Vouillot est ingénieure géologue dans l’industrie. Elle a 41 ans, des cheveux bruns à trop chouette de 8 ans.

ne se mettent pas à genoux devant le roi lion naturellement, c’est juste par peur, pour ne pas se faire dévorer. Donner les armes pour que tu puisses naviguer plus tard dans ce monde sexiste et voir cela tout seul. Tu ne connais pas Dominique. Mais tu as beaucoup joué avec les petits bateaux qu’elle t’a offerts à ta naissance. Quel soulagement ! Des bateaux, verts,

Non, les gazelles ne se mettent pas à genoux devant le roi lion naturellement, l’arbre ? » c’est juste par peur, pour ne pas se – « Ou bien elle est dans la maison et fait faire dévorer. Donner les armes les lessives », réponds-tu pour que tu puisses naviguer Nous ne sommes pas plus tard dans ce monde sexiste seules. Ma vigilance s’est et voir cela tout seul. accrue. Dominique a moi aussi. Les petites différences du début font les inégalités de demain... Malgré un petit progrès, car les auteures et les illustratrices sont de plus en plus nom-

orange. Pas de petites cules qu’on t’a donnés avec régularité. en prélever quelques-unes et éviter le débordement. Et les offrir aux parents

dessins animés également et une grande vigilance s’impose. Il faut prendre le temps de regarder avec, d’expliquer, de

pare-feu en incorporant une dînette, une cuisinière, une poupée, avec lesquelles tu


E À ÉTIENNE as aussi beaucoup joué. Encore plus que pour les livres, le bilan est navrant. Quel

le site des Pénélopes. Il faut beaucoup de persévérance pour trouver une poupée avec une salopette parmi une montagne de robes de princesse roses. Pourtant

tés où les garçons font du foot comme Et plus tard ? Dominique nous parle du collège, et le tableau est grave et triste. dans leur accoutrement, leur compor-

aux mêmes jeux, ensemble. Pourquoi la ségrégation arrive-t-elle si vite ? D’où vient-elle ? A l’école, où la maîtresse fait faire des boucliers pour les garçons et des

sur des comportements sexués épouvantables et même des comportements

HUMEUR

Gros méchant mot — Dominique Foufelle, juillet 1999

11 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Devoir : « Définissez, en quelques mots, l’association Les Pénélopes ». Oui, bon... Excusezmoi de vous demander pardon, mais la vérité m’oblige à avouer qu’il s’agit d’une association féministe. Le mot est lâché ! Il produit grosso-modo le même effet qu’un « caca boudin ! » retentissant lors d’une bénédiction nuptiale. Dégoût, réprobation. Mais qu’a-t-il de si vilain, ce mot, pour que même des féministes ne le prononcent qu’à regret ? Etymologiquement, il est on ne peut plus correct. Et politiquement ? Pas pour tout le monde, semble-t-il. On lui reproche d’évoquer irrésistiblement le Mouvement des femmes des années 1970. Bizarre – quand on sait qu’il date de 1837 ! Mais admettons. Pourquoi, alors, cette association d’idées provoque-telle le rejet ? C’est, vous répondra-t-on, que les féministes de cette épique époque se rendirent coupables d’excès. Ah ? Y-eut-il des viols, des mutilations sexuelles, des coups et blessures ? Conduisit-on sur le marché aux esclaves les plus fringants spécimens de mâles, pour reléguer les autres aux cuisines ? A ma connaissance, les violences restèrent strictement verbales – et que celui ou celle qui ne s’est jamais excité dans un débat d’idées lance la première pierre ! Traiter d’« hystériques » des femmes auxquelles nous devons tous et toutes, entre autres, de pouvoir baiser en paix, quelle ingratitude ! En reniant ainsi une partie de l’histoire des luttes sociales, n’apportons-nous pas de l’eau au moulin de nos ennemis communs ? Plutôt que d’user nos méninges à trouver un terme de rechange à « féminisme », groupons nos énergies pour que ce mot devienne inutile !


JUIN 2001

A sexisme ordinaire, féminisme de base

PAS DE MEUFS SUR MARS !

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Savez-vous pourquoi la prochaine expédition russe vers Mars sera non-mixte ? Parce que c’est le garant de la sérénité d’une équipe. Soit. Alors, elle pourra être uniquement composée de femmes ? Que nenni : les femmes accroissent les risques de conflits. La preuve que c’est vrai ? C’est Anatoly Grigoryev, directeur de l’Institut des problèmes médicaux et biologiques (sic) qui l’a dit. AVRIL 2002

LE FÉMINISME REMONTE-T-IL AU XVIIE SIÈCLE ?

Un historien du nord de l’Angleterre a découvert un livre vieux de 370 ans qui proclame la supériorité des femmes sur les hommes, un document qui pourrait être le premier à parler des droits des femmes. Alan Davies, responsable du patrimoine à Wigan, près de Manchester, raconte avoir trouvé cet ouvrage de 182 pages sous une pile de papiers dans la chambre des coffres d’une salle paroissiale où il était en quête de tout autre chose. Le volume, intitulé Womans Worth (« La valeur des femmes »), porte comme sous-titre « Un traité qui prouve par diverses raisons que les femmes surpassent les hommes ». Aucun nom d’auteur n’y figure. Selon Davies, l’orthographe ancienne, le style de l’écriture et la reliure semblent dater des années 1630 ou 1640. « Ce livre pourrait se révéler très important. Les événements auraient pu être avancés de plusieurs générations s’il avait été publié », a-t-il commenté. Parmi les titres de chapitres : « Eve plus excellente qu’Adam », « Les femmes ont aimé le Christ plus que les hommes », « Les femmes plus avisées que les hommes » ou « Les femmes plus vaillantes que les hommes ». SEPTEMBRE 2002

PHILIP MORRIS CORROMPT-IL (AUSSI) LES FÉMINISTES ?

L’an dernier, le cancer des poumons aurait fait 27 000 victimes de plus que le cancer du sein, rapporte le Washington Post, s’appuyant sur un récent rapport sur les femmes et le tabac. Et de se demander pourquoi les féministes ignorent le problème. Raison suggéré : le lobby du tabac (Philip Morris en tête) se montre très généreux avec des fondations défendant les droits des femmes. Cela ne concerne pas les grandes associations féministes comme NOW, admet l’article, qui avance une hypothèse perfide pour expliquer leur silence dans la lutte anti-tabac : la fumée fait davantage de victimes parmi les femmes des classes moyennes et pauvres, que parmi celles des classes aisées. Autrement dit, les féministes sont des bourgeoises ? Une insinuation qui nous rappelle les belles années du PCF !

exposé comme un objet sexuel, une marloin du respect et de la dignité. Loin aussi de la liberté de disposer de son corps et pour se défendre que l’agressivité, la grossièreté. Les relations avec les bandes -

sociaux sont un des lieux où s’exprime de façon pérenne cette violence, par l’image et les mots, sans contradictions possibles. La télé réalité caricature les relations entre les genres, et communiquent une image lamentable de la jeunesse.

sexualisation est tournée en ridicule. Et Le sujet intéresse peu. A l’école, il n’est guère abordé que pour expliquer la parlera-t-on de respect sexuel, de plaisir partagé ? Le sujet est tabou. Et pour longtemps encore semble-t-il si l’on en croit le scandale (tant mieux !) qu’a produit un dans les manuels de sciences – des classes de 1re ! Le sujet n’est pas nommé en politique. Le pourquoi, son importance sont absents des débats. Le seul aspect qui transparaît

à être ingénieures. Et pourquoi ne serais tu pas, toi, encouragé à faire des études -

Il parait pourtant intéressant que les


FÉVRIER 2003

pour montrer que les soins apportés aux enfants ne sont pas qu’une affaire de femmes… Les valeurs sont toujours tendu masculin qui reste au dessus. -

Pénélopes dans ta vie, petit gars ? Elles m’ont permis d’élargir ma conscience féministe, à d’autres sujets, d’autres contrées. Elles m’ont permis d’oser aussi. Oser la curiosité, aborder et questionner d’autres femmes. Oser contaminer les collègues, les amis. Et dire non, même -

LES VIOLS ALIMENTENT L’ÉPIDÉMIE DE SIDA EN ZAMBIE

L’association Human Right Watch a publié le 28/01 un rapport révélant qu’en Zambie, les violences sexuelles envers les jeunes femmes, très fréquentes, entretiennent l’épidémie de sida. Ces viols expliqueraient également le taux de séropositivité beaucoup plus élevé chez les femmes que chez les hommes dans ce pays. Ces victimes d’abus sexuels sont souvent des orphelines du sida, contraintes à la prostitution. Human Right Watch dénonce l’inefficacité de la police et des autorités à faire respecter les lois contre les abus sexuels, cette lutte est pourtant partie intégrante du combat contre l’épidémie.

programme pour enfants. Ecrire à un site de vente de jouets où la légende d’un

Réponse du webmaster, désolé qui retire le texte, qui ne se rendait pas compte bien que, à la maison, ce soit lui qui fasse les

Mais nous sommes dans la vraie vie, avec

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classe de l’institutrice ringarde un livre La princesse et le dragon, pas son prince décidément trop nase. Etc. L’éducation non sexiste n’est pas en forme. En attendant, tout passe par la pratique et l’exemple. Dominique est auteure, je suis ingénieure. Nous n’existons ni dans les dictionnaires, ni dans les livres d’enfants. Pas encore. Mais tu me


A sexisme ordinaire, féminisme de base

HUMEUR

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Sexisme de maternelle — Dominique Foufelle, octobre 1999

Il y a peu de temps, l’individu de sexe masculin qui partage mon existence m’a lancé d’un ton ferme : « Tu ne peux pas être le chef, tu es une fille ! ». Précision : il va avoir 4 ans. Ça vous rassure ? Pas moi. Où est-il allé chercher ça ? me suis-je demandé. Et d’accuser l’école. « Vous allez voir ! m’avait prévenu la maîtresse, qui semblait juger la chose fatale. Plus les mois passent, et plus garçons et filles se séparent ! » Oui, j’ai vu ! Ou plutôt, j’ai entendu. On en apprend de belles, dans la cour de la Maternelle ! Les filles seraient affligées de multiples incapacités, dont la plus rédhibitoire : elles ne peuvent endosser le rôle de Batman. En guise de compensation, la couleur rose leur est réservée. Les débats orageux qui suivent de semblables affirmations m’ont permis de repérer une autre coupable à ce sexisme précoce : la langue française. Avec son masculin qui tient lieu de neutre. Après avoir entendu parler de « musiciens » en général, pourquoi mon rejeton ne se sentirait-il pas en droit d’affirmer que c’est « un monsieur qui joue du saxophone dans le poste » ? Et « le » docteur, donc ! Encore un « monsieur », évidemment, comme il l’affirme à sa copine Leïla, 7 ans. « C’est pas parce qu’on est des filles qu’on peut pas être docteur ! réplique celle-ci. Moi, mon docteur, c’est une femme ». Le macho miniature réfléchit, puis il rétorque, je cite : « Moi aussi, le mien de docteur, c’est une femme ! ». Qui a dit que la féminisation des noms de métiers était une lubie d’obsédé-es ? Et je ne suis pas au bout de mes peines ! D’ici peu, il va apprendre que « le masculin l’emporte sur le féminin ». JANVIER 2000

SPORT ET DISCRIMINATION

Soixante championnes de tennis ont signé une pétition pour obtenir les mêmes compensations financières que les hommes au « Grand Chelem ». En effet dans toutes les manifestations de tennis, par rapport aux hommes, les femmes sont payées moitié moins, exception faite pour le US Open Awards, où elles/ils perçoivent la même compensation. En cas de refus, Martina Hingis propose le boycott du « Grand Chelem ». SEPTEMBRE 2003

PAS D’ÉCOLE POUR LES FILLES

Depuis que le nouveau gouvernement du Kenya a instauré l’école primaire gratuite en janvier 2003, beaucoup d’enfants ont envahi les salles de classes, y compris ceux et celles qui les avaient quittées pendant de nombreuses années. Cette mesure est très positive, pourtant les jeunes filles sont toujours moins scolarisées que les garçons. Les problèmes économiques mais aussi les mariages précoces, la maternité et les mutilations sexuelles en sont les principales causes. D’autres raisons sont aussi avancées : manque de cantine scolaire (les

filles rentrent restent faire la cuisine), de serviettes hygiéniques (les filles restent à la maison pendant leurs règles), d’uniformes et de formation des instituteurs. OCTOBRE 2003

LES PROBLÈMES DE BONNES FEMMES N’INTÉRESSENT PAS LE GOUVERNEMENT

Marie-Claude Beaudeau, sénatrice du Val-d’Oise, pose régulièrement des questions au gouvernement. Le 13 janvier, a été discutée sa question sur les conséquences éventuelles des traitements hormonaux substitutifs utilisés chez les femmes ménopausées et dont on a récemment montré qu’ils exacerbaient les risques de cancer. Réponse : pas - ou presque pas de réponse. Pour ce qui concerne le remboursement des examens de densitométrie osseuse, qui ont une valeur prédictive des risques d’ostéoporose (maladie beaucoup plus fréquente chez les femmes que chez les hommes), le gouvernement ne juge pas utile de les rembourser dans la plupart des cas. A se demander si le sexe-ratio ministériel est pour quelque chose dans cette indifférence !


JANVIER 2004

DIEU EST-IL SEXISTE ?

En Israël, une association nommée « Les femmes du Mur » lutte contre l’ultra-orthodoxie qui fait des femmes juives des croyantes de seconde zone. L’une de leurs revendications est de pouvoir prier à voix haute devant le Mur des Lamentations, comme le font les hommes. Le 6 avril 2003 en effet, la cour suprême le leur a explicitement interdit. Les religieux ont aussi déposé un projet de loi pour que les auteures d’un tel affront puissent être

condamnées à une peine allant jusqu’à sept ans de prison. L’organisation orthodoxe juive craint ce mouvement car il demande aussi le droit pour les femmes d’être rabbin. La Cour a tenté une médiation en proposant aux femmes de prier à voix haute, mais dans un endroit éloigné du Mur. Cette alternative a naturellement été refusée. La Cour a finalement donné jusqu’au mois d’avril 2004 au gouvernement pour proposer un nouveau lieu, faute de quoi les femmes pourront prier comme elles l’entendent, malgré les oppositions des ultra-orthodoxes.

HUMEUR

Je frime, donc je suis — Dominique Foufelle, mai 2000

Avec les longs week-ends de printemps, reviennent les sanglants bilans des tragédies routières, et les déclarations énergiques du ministère ad hoc. Jean-Claude Gayssot s’est fixé « d’éradiquer dès l’école ces mauvais comportements », soutenu par Jack Lang, qui promet une sensibilisation à la sécurité routière pour nos cher-es petit-es. Apprendre le risque et inculquer le civisme figurent au programme. Bon début. Mais ne serait-il pas opportun de se demander pourquoi les conducteurs meurtriers sont rarement des conductrices ? Les causes principales des accidents graves ne sont un secret pour personne : alcool, vitesse excessive. Ne reconnaît-on pas là deux classiques de l’initiation d’un jeune mâle : savoir boire, braver le danger ? Auxquels s’ajoute la nécessité d’épater les filles, condition indispensable pour les sauter. D’où, forcément, compétition avec les autres mâles de la meute et surenchère dans les conduites à risque. Tant que les valeurs dites viriles seront inculquées aux garçons, peut-on raisonnablement espérer qu’ils les abandonnent en prenant le volant ? L’apprentissage urgent, celui qui permettrait de traiter le mal à sa racine, c’est celui de la véritable mixité.

Mattel lance sur le continent américain un nouveau modèle de sa célèbre pin-up en plastique. Elle porte à son revers un badge proclamant : « Barbie, présidente ! ». Et dans sa boîte, on trouve l’agenda du « Projet Maison Blanche », association dont le but est d’encourager les filles à concourir pour les postes de décision. Les hilarantes marionnettes de l’émission pour la jeunesse « Rue Sésame » vont quant à elles être exportées en Egypte. Avec une mission éducative : sensibiliser à la santé, l’environnement et l’égalité des sexes. Un tel programme ne serait-il pas également bienvenu ici, chez nous et tout de suite ? OCTOBRE 2003

NON À LA PROSTITUTION OLYMPIQUE ! Athènes se prépare à recevoir les JO en facilitant la prostitution. Le conseil municipal a proposé en mai 2003 d’aménager la loi en ce sens, suggérant que

le nombre de personnes prostituées enregistrées pourrait être multiplié par dix pour atteindre 20 000. Les féministes grecques sont montées au créneau, demandant la suppression de la proposition de loi et l’instauration d’un dialogue civil sur la prostitution. Le projet ayant été retiré, la menace est actuellement écartée… JUIN 2004

UNE AUTRE VOIX

Afin de relater les histoires de résistances, de protestations et de coopération des femmes palestiniennes et israéliennes depuis 1948, Bat Shalom met sur pied « Voix de Femmes Depuis 1948 – Un projet de témoignage de Bat Shalom ». L’organisation considère en effet que d’exposer des récits alternatifs à ceux, mâles, héroïques et militaires, des événements de 1948 pourra permettre un changement d’attitude et de comportements et ainsi favoriser le dialogue et la réconciliation.

Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

MAI 2000

POUPÉES POUR L’ÉGALITÉ

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A sexisme ordinaire, féminisme de base

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LE FÉMINISME AU UN CHOIX DE LUTTE Le féminisme au quotidien... voilà un sujet qui interroge la frontière entre public et privé, encore si prégnante de nos jours. Comment les Pénélopes ont-elles traité cette question ? La ligne éditoriale du site comprenait la mise en valeur d’initiatives menées par des femmes qui, lues comme un résistances, alimentent une lecture globale de la société. Le parti pris de départ était bien de considérer qu’aucune frontière entre public et privé

Hélène Didier milite au Collectif Droits des femmes de Rouen. contradictoire ou complémentaire, en le regard sur l’actualité était neutre. On plutôt qu’une intellectuelle – sauf, justement, si l’on traite des sujets

Avec leur dimension la seule ligne conduc- résolument internationale, Les trice était celle des Pénélopes ont participé à la droits, de ceux qu’ont défend, de ceux qu’on mise en valeur des initiatives, à essaie de gagner. Les articles, dans leur pro- faire connaître et se connaître, fusion, dessinent une des groupes de femmes d’Asie, carte des lieux et des actions de résistances d’Afrique, d’Amérique latine, pour améliorer la vie, gagner une reconnais- d’Europe orientale, qui luttent sance sociale, et par pour que changent les choses au là même défendre sa quotidien. dignité. Dominique, nous avons évoqué la nécessaire lecture de l’information sous un éclairage féministe. Elle enrage de constater qu’on « oublie »

considérés comme privés ! Le point de vue des femmes, a fortiori le point de tiquement comme un élément manquant au discours, bien trop souvent omis dans les grands médias traditionnels.

sur l’actualité, qui peut être différent,

informations sur les luttes des femmes

Où sont les femmes dans les médias ?


U QUOTIDIEN, au quotidien, il faut se tourner vers des internationaux, ou vers des sites tel que « Égalité-infos » ou « Osons le féminisme » qui les relaient comme le faisaient les Pénélopes. Le travail, autrement Les Pénélopes, en rapportant des initiatives de femmes, notamment dans l’économie sociale et solidaire, ont traité différemment de la question du travail.

En se battant pour créer leurs propres sources de revenus, les femmes engagées dans l’économie solidaire gagnent savoir faire, inventent de nouveaux fonctionnements, plus adéquats à leur gestion du quotidien, justement. Petit à petit, elles en viennent à remettre en cause la parfois même, à s’intituler elles-mêmes féministes ! », ajoute-t-elle. lutte menée, les Pénélopes lui ont largement ouvert leurs colonnes. Avec leur

HUMEUR

Miss Attac est née ! Une paire de roberts à la Reiser, un maillot moulant, une bannière en bandoulière, la poupée Barbie des Marseillais joue ses grands airs devant un vieux militant l’air hagard qui constate « jamais vu ça en vingt ans de militantisme ». Miss Attac s’est creusée une loge dans le dernier bulletin du comité ATTAC Bouches-du-Rhône. Etonnant, non ? A en croire les responsables de la publication de cette illustration, il s’agit plus d’une « private joke » que d’un « acte de malveillance », je cite. Le président d’Attac Marseille « présente ses excuses pour ce faux-pas », dont acte. Mais cet incident révèle bien d’autres problèmes. Celui, entre autres, du rapport du privé au public. Prenons l’exemple d’une jeune vierge du Mali qui se fait infecter par un sidéen pour qu’il « se lave ». Est-ce son affaire personnelle ? Est-ce une info qui ne concerne que les nanas ? Des « Tondues » de la Libération, en passant par les infanticides des petites filles en Chine, les « violées » de Bosnie ou du Rwanda, le trafic de 600 000 femmes d’ex-Europe de l’Est... ah ! j’oubliais la dernière, la pub Candia. N’y a-t-il pas dans cette barbarie un rapport marchand ? Des enjeux géopolitiques internationaux ? Au bout du compte, à qui appartient le corps des femmes ? A elles, à l’Etat ou aux spéculateurs de tout poil ? En dénonçant la publication de ce dessin, c’est tout le système néo-libéral et patriarcal que nous rejetons.

Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

— Joelle Palmieri, avril 2000

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DÉCEMBRE 2001

A sexisme ordinaire, féminisme de base

LE LOOK CHIRURGICAL EN VOGUE CHEZ LES ADOS

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En 1996, les jeunes Américains de 18 ans ou moins représentaient moins de 1% des clients de la chirurgie plastique. Le chiffre est monté à 3% en 2001. Il s’agit très majoritairement de filles, rêvant d’une grosse poitrine à la Pamela Anderson ou d’un petit nez à la Barbie. Symptôme de la crise d’adolescence ? Phénomène de mode ? Les professionnels, qui se targuent de faire respecter la loi fixant l’âge minimum pour les interventions à 18 ans, et affirment décourager les jeunes candidates, estiment que les médias grossissent les faits. Il n’empêche que les modèles bodybuildés ou anorexiques influencent l’imaginaire d’adolescentes déjà en proie à la difficulté de s’accepter. Et si on véhiculait d’autres images de la femme ? MARS 2002

SEXY CANCER

La couverture du Time du 18 février 2002 inspire à l’écrivaine américaine Karen Lurie une intéressante réflexion sur la façon dont les médias « traitent » le cancer du sein. La photographie représente le buste dénudé d’une femme visiblement très jeune, d’une beauté de top model, l’air inspiré et une main sur la poitrine. Pour illustrer le cancer de la prostate, se demande l’auteure de l’article, montrerait-on un jeune Apollon la main sur ses « bijoux de famille » ? Et pourquoi, s’agissant des femmes, parle-t-on tant du cancer du sein et si peu des problèmes cardiaques, qui ne les épargnent pourtant pas. Hypothèse : parce qu’il met en danger un attribut de séduction. MARS 2002

SPORTIVES – PAS POTICHES !

Les cinq membres de l’équipe féminine championne de « curling » écossaise, ont refusé l’offre de la marque Triumph de poser en soutien-gorge pour une publicité. Les jeunes femmes ont rappelé qu’elles voulaient être reconnues comme sportives, pas comme sex-symbols. Les rois du foot pourraient en prendre de la graine !

dimension résolument internationale, elles ont participé à la mise en valeur de ces initiatives, à faire connaître et se connaître, des groupes de femmes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine, d’Europe s’entraider, se regrouper, a été un axe d’action majeur. Dominique se souvient de ces rencontres comme d’extraordidevenait possible ». Pas touche à la sexualité ! Évidemment, lorsque l’on évoque le corps et à la sexualité. Depuis l’origine, nistes. Le fameux slogan, « Le privé est

l’intime. des femmes à moitié dénudées, dans n’importe quel produit, ça n’offusque quasiment personne. Par contre quand il s’agit de parler de sexualité, réellement, du plaisir des femmes et donc de celui des

que personne ne semble se sentir visé quand on évoque le racisme ordinaire, -

sous-jacent un autre sujet tabou, celui des violences sexuelles et conjugales, encore largement déniées et tues dans la société. une classe sociale supposée plus violente que les autres (les pauvres, pour ne pas les nommer) ou aux ravages de l’alcool.


Pire, certains mettent en parallèle l’épi-

OCTOBRE 2003

dégenrer le problème. D’où l’absolue nécessité d’exposer dans

POUR UNE MARCHE FÉMINISTE DE LA PAIX

parentalité, le travail domestique, les vio-

de société fondamentaux devant lesquels

Le féminisme au quotidien... aussi chez les Pénélopes ! Dominique se souvient de sa rencontre avec les fondatrices de l’association, aux débuts de celle-ci. Outre, bien sûr, son lance ambiante qui l’a convaincue de les sait en fonction des compétences et des j’étais mère célibataire, beaucoup de

râlaient. Les moins investies peinaient normal. La seule vraie lutte de pouvoir, après des années de fonctionnement, nous a été fatale. »

DÉCEMBRE 2000

48 000 FEMMES VIOLÉES EN FRANCE

Une française vivant en couple sur dix a subi des violences verbales, physiques ou sexuelles de la part de son conjoint en 1999, révèle une enquête nationale réalisée par des chercheurs de l’Institut démographique de l’Université de Paris avec l’institut d’enquêtes Maxiphone/MV2, sous la direction de la démographe Maryse Jaspard. Les femmes qui ne sont plus avec leurs partenaires ont déclaré entre trois et quatre fois plus d’actes de violence que les autres un fait bien connu des associations luttant contre les violences conjugales, qui réclament depuis longtemps que le harcèlement par les ex soit pris en compte par la justice et dûment réprimé. 4% des sept mille femmes interrogées par téléphone ont déclaré avoir subi au moins une agression physique – des coups à la tentative de meurtre – en 1999. 1,2% ont été victimes d’agressions sexuelles dont 0,5% de viols. Ce taux de 0,5% de l’échantillon représentatif national, extrapolé à la population de 15,88 millions de femmes de 20 à 59 ans, correspond à un nombre de quarante-huit mille femmes ayant subi un viol en France au cours de l’année 1999.

19 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

genre de détails qui compte quand on prétend lutter pour un autre modèle de société ! » « Les débats de fond tournaient rarement au pugilat, et on n’oubliait jamais de rigoler », rapporte-t-elle. Mais sans faire

Du 20 décembre 2003 au 11 janvier 2004, en pleine période de Noël, une marche des femmes pour les droits humains en Israël/Palestine rassemblera des milliers de femmes venant du monde entier. Traverser les deux pays de Tel Aviv à Jérusalem, apporter du débat, produire des échanges culturels et musicaux, tels sont les objectifs des organisatrices qui entendent ainsi défendre une politique de paix féministe dans la région. Parmi les organisatrices, la Coalition des femmes pour la paix qui représente neuf organisations pacifistes de femmes en Israël, l’Union générale des Femmes palestiniennes et le Centre des femmes de Jérusalem. Elles appellent à ce qu’on les rejoigne.


A sexisme ordinaire, féminisme de base

HUMEUR

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Machos, suivez le guide ! — Elsa Boulet, mars 2000

« Amour, enfants, boulot… Elles veulent tout ! ». Auriez-vous regardé La Marche du Siècle, sur France 3, mercredi 15 mars ? Et bien moi, je n’y ai pas échappé ! [...] Pour vous résumer, selon La Marche du Siècle, « Elles veulent tout » signifie travail et enfants. Même si le sujet mentionnait l’amour - Philippe Sollers nous a joué son air de violon -, il s’agissait, avant toute autre chose, du sempiternel marronnier : « conciliation vie familiale/vie privée ». Essayons d’imaginer le même sujet orienté homme. Michel Field serait-il aussi à l’aise ? Pourquoi poset-on systématiquement la question aux femmes ? Comme si le fait qu’elles travaillent était sujet à caution, était acquis mais révocable, entendu mais pas admis, voire illégitime. Et, on nous embarque dans la diabolisation de la femme super active, qui n’a plus de vie privée – entendez plus de sexualité. [...] Elles veulent tout, cela veut quand même tout simplement dire : elles veulent vivre comme elles l’entendent, merde ! [...] Heureusement, outre le témoignage de l’ingénieur, « le mari de la commissaire de police », qui, par ses propos, incite les hommes à s’organiser pour partager « la vie du foyer » pour leur plus grand bonheur, Sylviane Giampino, psychanalyste, a remis de l’ordre. Arrêtons de dire aux enfants, que s’ils sont à la crèche ou chez la nounou, c’est parce que maman travaille. PAPA et MAMAN travaillent. Arrêtons de dire qu’un enfant a besoin de sa maman : il a besoin de son PAPA ET de sa MAMAN. L’aménagement du temps de travail est l’affaire des parents et doit concerner autant les hommes que les femmes. D’ailleurs, soulignons au passage, que le deuxième cliché de choix trimballé par ce talk-show, c’est que le couple se résume à un seul modèle : l’homme et la femme. Heureusement qu’on a voté le PACS, cette année !

2002

UNE ABSENCE QUI PERDURE

L’association mondiale pour la communication chrétienne (WACC) a publié son étude sur la représentation des femmes dans les médias, menée en 2000. Si les femmes représentent 41% des personnes qui réalisent et présentent des reportages dans le monde, seuls 18% de reportages leur sont consacrés. Les femmes sont néanmoins globalement 56% à assurer la présentation des informations. Mais, en Afrique par exemple, si les femmes journalistes constituent 48% des présentatrices à la télévision et à la radio, elles ne représentent que 24% des reporters. Ces chiffres sont respectivement de 53 et 31 en Asie, 45 et 34 en Europe et 55 et 36 en Amérique du nord.

MARS 2002

AMERICAN EXPRESS PAIE SON SEXISME CASH

La firme American Express s’est inclinée devant la décision de justice la condamnant à verser 31 millions de dollars aux 17 employées l’ayant attaquée pour discrimination. Elle a même promis de faire, dorénavant, des efforts. MAI 2002

POUR LA PARITÉ DANS LE PROCESSUS DE PAIX

Le 8 mai dernier, Equality Now, une organisation internationale pour les droits des femmes, obtenait une entrevue avec le Conseil de sécurité de l’Onu. La Palestinienne Maha Abu-Dayyeh Shamas et l’Israélienne Terry Greenblatt, accompagnées de nombreuses militantes, ont prié le Conseil de déployer


immédiatement une force de paix dans la région et de définitivement considérer le rôle des femmes dans les processus de paix. Une première pour cette institution qui était ici prise au piège de ses engagements puisqu’elle avait voté une résolution (la 1325), en octobre 2000, qui affirme l’importance de la parité hommes/femmes dans les efforts de maintien de la paix dans le monde. À suivre

AVRIL 2003

LES ÉCARTS DE SALAIRES ENTRE HOMMES ET FEMMES PERSISTENT

Malgré des niveaux d’instruction comparables, les femmes ont des salaires moins élevés que ceux de leurs collègues masculins. Selon les dernières données du Bureau du recensement des Etats-Unis, les femmes sont payées en moyenne 76 cents pour chaque dollar que les hommes gagnent. Une augmentation de moins de 1% par an depuis que la loi sur l’égalité des salaires a été votée en 1963.

HUMEUR

Déprime — Joelle Palmieri, novembre 2000

21 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Tribunes, interventions, représentations, porte-paroles, leaders,… autant de mots qui semblent ne se conjuguer qu’au masculin. Que les tables de conseil d’administration des grandes multinationales ou le Conseil de sécurité de l’ONU ne soient bordés que de costumes-cravates, rien de bien étonnant. Plutôt rassurant même. Je me trouve ainsi confortée dans l’idée que le libéralisme s’inspire largement du système patriarcal qui nous mène par le bout du nez depuis des millénaires en nous imposant et inculquant verticalité, hiérarchie, domination. Mais, quand je suis à Millau, Prague, St-Brieuc, bientôt Nice, Dakar ou Porto Alegre, je me dis que l’absence des femmes à la dictée est suspecte. Nos camarades militants auraient-ils oublié les leçons des années 1970 ? Certes, les médias ont fait leur sale boulot mais trente ans ont-ils suffi pour éradiquer tout doute dans ces têtes généreuses et sincères ? Se sont-ils laissés aller à la tourmente de la domination masculine ? Sûrement. Pourtant, les chiffres de la précarité et de la pauvreté les atteignent, mais emprunts d’une couche opaque de glue qui les empêche de voir leur dimension sexuée évidente. Alors, pourquoi tant d’indifférence ? Pourquoi cette erreur flagrante de jugement ? La fulgurante arrogance de la mondialisation financière m’inspire quelques délires. Avec la mise en avant du profit maximum et immédiat, la production a perdu le sens noble qu’elle pouvait avoir jusqu’au baby-boom. La re-production, apanage du genre féminin, ne serait-elle pas en train de perdre du terrain ? D’être attaquée par les libéraux ? Ne sont-ils pas en train de financiariser le vivant ? La cartographie du génome humain éveille quelques inquiétudes. Les gènes stérilisateurs mâles utilisés par les multinationales agricoles terrorisent les militants paysans… Mais cette force – la reproduction – ne stigmatise-t-elle pas toutes les violences, les craintes ou les inhibitions ? Y compris chez les militants ? J’en suis à craindre, avec une certaine dose de désespoir, que les organisations qui se battent contre le libéralisme, en ne déconstruisant pas le système dominant, en reproduisant les mêmes fonctionnements, ne soient largement dépassées par les événements, rattrapées à chaque avancée, voire pourvoyeuses d’idées pour le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC… en témoigne la criminalisation extrêmement organisée contre les militant-es. Malgré mon état dépressif temporaire, je veux rester confiante et suis convaincue que ces quelques questionnements atteindront des âmes sensibles…


FÉVRIER 2002

A sexisme ordinaire, féminisme de base

LA LOI AMÉRICAINE BÂILLONNE L’AVORTEMENT

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Dans la série « criminalisons l’avortement », les Etats-Unis présentent la « loi du bâillonnement international ». En effet, George Bush, par ce biais, interdit les aides financières internationales à toute ONG de planning familial soupçonnée de recourir à l’avortement. L’une de ses premières victimes : la Fédération internationale de la parenté planifiée (IPPF, www.ippf.org) en place depuis 50 ans qui perd ainsi environ 4 millions de dollars par an et touche plus de trois millions de personnes dans le monde ! Les contraceptifs eux-mêmes ne sont plus fournis régulièrement aux revendeurs américains. Quel meilleur moyen d’accroître le nombre d’avortements illégaux dans des conditions sanitaires déplorables pour les femmes et le nombre de personnes atteintes du sida ? FÉVRIER 2004

LA JUSTICE FAIT L’AUTRUCHE

Un gynécologue a décidé d’attaquer devant la Chambre administrative la loi interdisant l’excision en Egypte. Invoquant la « charia » et des « hadiths », le médecin, porte-parole des « excisionnistes », présente cette mutilation comme un rempart contre la dépravation des mœurs féminines. Un argument réfuté par le journal en ligne égyptien Elaph qui souligne que 90% des prostituées sont excisées. Face à ce conflit qui oppose partisans et adversaires de l’excision depuis de nombreuses années, la justice tarde à se prononcer. D’autant que cette pratique, officiellement interdite depuis 1997 par la Cour suprême, reste vivace : plus de 90% des femmes égyptiennes seraient excisées. Les campagnes de sensibilisation menées par le ministère de la Santé, depuis 10 ans, ont eu peu d’impact selon les ONG locales qui dénoncent le manque de moyens mis en œuvre.

Deux législateurs jamaïcains décidaient début août que les tests de virginité étaient obligatoires pour les écolières ainsi que la stérilisation pour les jeunes femmes ayant déjà trois enfants. Une politique de lutte contre les naissances jugées comme un backlash par les organisations de défense des droits humains locaux, arguant la nécessité d’une véritable politique d’éducation. Rappelons qu’en Jamaïque environ la moitié des foyers est tenue par des femmes seules et selon un rapport datant de 1974, 74% des naissances ne sont pas planifiées. MARS 2004

SOLDATES FANTÔMES

Durant trois ans, deux chercheuses ont interrogé deux cents filles de moins de 18 ans en Sierra Leone, Ouganda et Mozambique ; cette étude bouleverse la vision de la communauté internationale sur la place de ces femmes durant les guerres tribales africaines. D’après Susan McKay et Dyan Mazarana, ces fillettes enrôlées de force constituent environ 30% des enfants soldats. Souvent âgées de 10 à 13 ans, elles sont à la fois combattantes et exposées à toutes les violences que subissent les femmes lors des guerres. Leur utilisation, masquée par toutes les armées, conduit à l’ignorance de leurs besoins et droits pendant et après le conflit. Stigmatisées par les viols, rejetées par les communautés et ne pouvant espérer une réintégration sociale, ignorées par les nouveaux gouvernements, elles le sont aussi par les organisations internationales qui les excluent systématiquement du processus de paix et de reconstruction.


DICTATURE DE LA FÉMINITÉ Emmanuelle Piron, ingénieure géologue, a couvert des événements des Pénélopes au début des années 2000. Dominique, qu’est-ce que c’est pour toi, la féminité ? Et bien justement je ne sais pas du tout ce que c’est, la féminité ! J’ai envie de répondre par une question ça existe de la féminité, et de la virilité d’ailleurs,

Exemple très souvent cité : le charme féminin. Donc 1- nature et 2- culture ? On est au cœur du problème ici -

comme si tout le monde savait ce que c’est. Or peu de gens sont capables de dire ce que c’est. de compte rarissimes.

Larousse.fr. Féminité : 1 - Ensemble des caractères anatomiques et physiologiques propres à la femme. 2 - Ensemble de traits psychologiques considérés comme féminins.

un genre. Le fait d’avoir ses règles, la possibilité de porter un enfant, bien sûr c’est important. Mais ces carac« propres à la femme » sont-ils aussi semblables et aussi déterminants ? Par exemple une femme peut avoir un corps très vigoureux et être apte à des travaux exigeants

la force est considérée comme un caractère masculin. Et puis, giques, la féminité devient une injonction sociale à être ceci ou faire cela, sans quoi on n’est pas une « vraie la femme moderne parfaite pée (grâce aux acquis du féminisme), gérant brillamment sa carrière (comme la cuisine, le ménage et les enfants (bien

23 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Ce ne sont pas les valeurs supposées féminines qui posent problème, mais bien l’adjectif « féminines » qu’on leur colle sans

toujours posé question. Même pour ce qui est de la nature, je reste dubita-


OCTOBRE 2000

A sexisme ordinaire, féminisme de base

COSMÉTIQUES QUI SAUVENT

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L’équipe d’un refuge pour femmes victimes de violences domestiques de Washington a eu une idée originale pour diffuser largement des messages d’information et de prévention : ils sont inscrits sur des tubes de rouge à lèvres et des pots de vernis, présents dans soixante-cinq salons de beauté de la ville. On peut y lire : « Le véritable amour ne blesse pas », ou « Etes-vous dans une relation abusive ? », assorti de conseils pour sortir d’une situation de violence. MARS 2001

CHANSONS SEXISTES BRÉSILIENNES

Des chanteurs brésiliens connus ont refusé de chanter une nouvelle chanson Face Slap. Dans ses paroles, une femme demande à son amant de la frapper et pendant la chanson les hommes sont censés gifler leur partenaire. Des femmes ont dénoncé cette chanson comme étant dégradante et dangereuse. Un élu a enjoint les chanteurs à s’abstenir de l’interpréter. Le thème de la violence physique faite aux femmes est de plus en plus présente dans la pop brésilienne, influencée en cela par un rap « funk » très répandu des bidonvilles aux classes moyennes. Cette semaine, le Conseil national pour les droits des femmes a prononcé à un rejet public des chansons banalisant la violence faite aux femmes. « Si une gifle est normale, à quand le viol ? » a demandé la députée Lara Bernardi. JANVIER 2003

POUR LES FEMMES… RICHES !

La Haute Cour Constitutionnelle d’Egypte a confirmé en décembre 2002, le droit des femmes à demander le divorce. En mars 2000, la loi Khula avait enfin autorisé les Egyptiennes à divorcer unilatéralement sans que leur mari ou un juge ne les en empêche. Auparavant, une femme devait apporter des preuves solides d’abus, d’adultère ou autre raison devant un panel de juges tous mâles, alors qu’un homme pouvait divorcer en 10 minutes sans même en informer son épouse. Après la Tunisie, l’Egypte est le deuxième pays arabe à donner aux femmes le droit de divorcer ! Mais la loi Khula est réservée aux femmes riches, car elle leur impose de rembourser tout ce que le mari a apporté à l’union ! Un récent rapport publié par le Programme de développement des Nations Unies et le Fond arabe pour le développement économique et social a affirmé que le monde arabe n’avait pas été capable de se moderniser vraiment car il n’avait pas su utiliser les pleines capacités des femmes arabes. Et toc !

que les femmes porteraient les bonnes vement prônant la simplicité volontaire, un concept auquel je prête par ailleurs volontiers l’oreille, on trouve la proposition de retrouver la « féminité de nous vité, la solidarité, la coopération, etc. N’était-ce pas précisément l’un des parti-pris des Pénélopes que de tourner les objectifs vers des initiatives de femmes montrant ces valeurs réputées féminines en action ? coup de femmes des structures d’économie solidaire avec qui nous travaillions étaient parties de la nécessité absolue de survivre, souvent de sortir des violences conjugales, et de faire survivre leurs enfants, qu’il n’était pas question d’abantion extrême qui les amenait à agir d’une manière solidaire. La voie de la solidarité, c’est-à-dire le regroupement et la coopour se sortir de la merde. Ensemble. Par nécessité. Quel rapport avec la féminité ? tage de facteurs sociaux, et le fait de montrer ces initiatives solidaires ne revient pas à dire que toutes ces femmes, encore moins que toutes les femmes, sont nécessairement bonnes ou valeureuses. féminines qui posent problème, mais bien l’adjectif « féminines » qu’on leur

d’où vient l’association du nom et de l’adjectif. Et quand tu questionnes les évila simplicité volontaire, par ailleurs pro-

n’est pas sorties de l’auberge !


Quid des thèmes féminins ? Aux Pénélopes, on traitait excessive-

c’est évident. Là où on suscitait une

notamment, pas grossières, mais mal-

je lui avais fait lire). On jetait une pierre dans la marre de la féminité comme ça,

MARS 2003

CAPOTES, GODEMICHÉS… POUR TOUTES !

Lors d’un rassemblement de « Sos tout petit » devant l’antenne parisienne du Mouvement français pour le planning familial, le 20 mars dernier, des militant-es de « Laissez les jouir » dispensaient un cours de prévention et de découverte des plaisirs de la chair. Ventant les mérites du préservatif, du sexe sans risque et de la jouissance, « Laissez les jouir » a organisé une démonstration de l’usage des capotes, godemichés et autres pratiques visant l’orgasme. Cette action s’inscrit dans la mobilisation des Prochoix qui luttent pour la défense des droits des femmes à disposer de leur corps et de leur sexualité. Ce nouveau collectif est soutenu par les Panthères Roses, les Furieuses Fallopes, le Scalp.

débrouillant plutôt pas mal, en traitant de sujets qui justement n’étaient pas considérés comme des sujets « féminins ». Disons de façon plus générale, qu’on faisait le lien entre la domination masculine

HUMEUR

Le prix du baiser — Dominique Foufelle, décembre 2000

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Pendant les fêtes, la pression monte dans les spots publicitaires américains : il FAUT acheter un diamant à sa dulcinée. Le nombre de publicités pour les diamants est inégalé en Europe, la concurrence est rude et le cliché toujours le même : un homme gagne le respect éternel de sa compagne en lui offrant un solitaire. Kay, une chaîne multinationale de bijouteries, gagne le prix de la pub télé la plus sexiste de Noël. L’histoire : une jeune femme reçoit un diamant et déborde alors d’amour pour son généreux compagnon. Mais le slogan vient couronner et aggraver le stéréotype : « Every kiss begins with Kay », annonce une voix féminine. En gros, puisque « tous les baisers commencent avec Kay », donc avec un diamant, il faut un diamant aux femmes pour qu’elles se laissent embrasser. Ringard ? Sans aucun doute. Mais à l’heure où des soldats allemands de la KFOR admettent avoir fréquenté les bordels de Macédoine peuplés d’adolescentes avec la bénédiction de leurs supérieurs, qui pourrait trouver risible cette banalisation de la prostitution ? Une récente enquête nationale a estimé à 48 000 le nombre de femmes ayant subi un viol durant l’année 1999 en France. La chair fraîche et les œillades alanguies qui s’étalent étalés sur les murs de nos villes ne sont certes pas pour inciter nos concitoyens au respect ! Le corps des femmes est utilisé pour vendre n’importe quelle marchandise. De là à en conclure qu’il est une marchandise, il n’y a qu’un pas. Les plus riches la paie en diamants, les autres la vole.

Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004


A sexisme ordinaire, féminisme de base

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comme la domination fondatrice. Donc, le féminisme était revendiqué comme un projet politique, pas seulement la revendication de droits. On traitait aussi très

éminemment féministe si on part du principe que le privé est politique. Les questions comme le corps ou la sexuaétaient moins souvent abordées que les questions économiques et politiques. Je regrette qu’on n’ait pas fait un dossier sur le corps, par exemple. La « phrase de femme » écrite par Virginia Woolf, « l’écriture féminine » d’Hélène Cixous, tu peux expliquer ? Virginia Woolf, tu tombes bien parce que c’est mon idole, a une écriture tripale, viscérale, bien que très travaillée. Elle a vécu pour elle-même, mue par sa passion d’écrire, ce qui est déjà énorme à cette l’époque. Elle n’écrit pas des bluettes, des

n’est pas du tout son problème. Prenons par exemple la Chambre de Jacob, pseudoévoque des émotions qui le décrivent intimement mais sans précisions véritableDans Une chambre à soi, elle disserte sur les obstacles dressés entre les femmes et la création, mais elle place la passion d’écrire au-delà du genre.

Du coup l’écriture des sensations et des émotions est devenue une « écriture féminine » ?

tualisées. Finalement, les écrivaines ont ouvert une voie aux écrivains. Ils se sont mis eux aussi à écrire leurs émotions prode femmes ont une écriture très vigoureuse –

Oui, et à Judy Chicago, qui exprime la singularité de l’expérience féminine tout en revendiquant la force et le côté universel de son art. On n’a guère remercié ces artistes pour l’ouverture qu’elles ont apportée ! On s’est plutôt empressé de catégoriser « l’art féminin ». Les relations que nous avons eues avec des artistes aux Pénéquand bien même on ne leur demandait ou féministe mais simplement d’en parler, le simple fait d’en parler dans un media féministe était perçu comme un amoindrissement de leur travail. Parce

fréquemment des œuvres dans une exposition collective sous le prétexte irritant !


HUMEUR

La parité près de chez nous — Dominique Foufelle, février 2001

Rien que pour avoir repris à la hussarde la tête de liste du 18e à une femme, le candidat Séguin mérite d’être recalé ! Quelle bourde, franchement ! On n’a pas idée de se montrer aussi politiquement incorrect ! Son conseil en communication aurait-il négligé de l’informer qu’à l’occasion de ces premières élections supposées paritaires, il convient de se déclarer plus féministe que ses adversaires ? Et quand on est en permanence sous l’œil des médias, d’éviter que ses actes contredisent ses paroles ? Et si partager le pouvoir vous fait secrètement enrager, il existe une solution simple : le repli vers une commune de moins de trois mille cinq cent habitants. Car là, vous échappez à la loi de juin 2000. Et pourquoi ça, au fait ? Pardi ! Ça serait difficile de trouver des candidates ! – ont dû estimer les législateurs. Du moins, sans bouleverser de fond en comble les « traditions ». Par exemple, sans que papa fasse dîner les petits pendant que maman se tape l’apéro à l’issue de la réunion du Conseil. Au vu et au su de tous leurs concitoyen-nes ! Vous imaginez ? En somme, le privé deviendrait officiellement politique – depuis le temps qu’on en cause ! Et à partir de là, on ne sait plus où ça s’arrête ! Non, imposer la parité dans les communes rurales, c’est trop risqué. Mieux vaut rivaliser de féminisme dans les discours.

JUIN 2001

MARIAGE À LA BUSH

SEPTEMBRE 2001

MOTS INTERDITS

Adrienne Göhler, la ministre de la Culture de Berlin, risque de devoir démissionner. Pourquoi ? Elle a publiquement qualifié les tours du World Trade Center de symboles phalliques. En d’autres circonstances, cela serait sans doute passé inaperçu, mais le 11 septembre, cette comparaison a soulevé un tollé.

MAI 2002

VIVA LA PARITÉ !

Le nouveau gouvernement de Zapatero place l’Espagne en tête du classement mondial des gouvernements en terme de démocratie paritaire, aux cotés de la Suède : huit femmes et huit hommes occuperont les postes de ministres. Maria Teresa Fernandez de la Vega sera notamment responsable du deuxième portefeuille le plus prestigieux, celui de première vice-présidence. Cependant, la plupart des ministères attribués à des femmes concernent des domaines traditionnellement liés au bien-être social tels que l’éducation, la santé et le logement ou encore des ministères « doux » tels la culture et l’environnement. Si ces nominations sont de réelles

27 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Encore une géniale idée des conservateurs américains : la prime pour inciter les pauvres à convoler. Tandis que des aides aux mères célibataires seraient supprimées, celles qui épouseraient le père de leur enfant toucheraient jusqu’à 5 000 $ au passage de l’alliance, et 1 000 $ par an pendant 5 ans – traitement de faveur réservé aux plus miséreux des miséreux. Quelle étrange gabegie, à l’heure où les programmes d’aide sociale rétrécissent à vue d’œil ! Mais que ne ferait-on pas pour défendre l’institution du mariage ? Qui est décidément à l’amour ce que le hamburger est au couscous de ma tante.

Adrienne Göhler ne l’a pas reniée, mais elle souligne qu’elle a été rapportée hors contexte : elle cherchait à expliquer pour quelles raisons le WTC avait été pris pour cible. Alors, pourquoi cette indignation de ses confrères en politique ? Puritanisme ? Peur de déplaire à un puissant allié ? Ou rejet d’une analyse féministe qui les obligerait à, pour une fois, remettre en cause leurs valeurs sacrées ? Lesquelles, au fait ?


A sexisme ordinaire, féminisme de base

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avancées en matière de parité, les mentalités doivent encore changer pour confier aux femmes des ministères comme celui du Trésor, de la défense ou de l’industrie. OCTOBRE 2003

LE PARTI PROTESTANT NÉERLANDAIS DEVANT LA JUSTICE

Depuis 1997, il est statutairement interdit aux femmes de devenir membres du SGP, parti protestant fondamentaliste des Pays-Bas qui, bien que petit, reçoit des subsides de l’État néerlandais. Il est cependant possible à une femme de devenir membre

extraordinaire, mais totalement exclu de participer aux votes ou d’assumer des fonctions dirigeantes. Le parti base sa position sur la Bible, où il est stipulé que l’homme est le chef de sa femme (1 Cor. 11 : 3). Le Clara Wichmann Instituut, qui milite pour la position juridique des femmes, a assigné mi-novembre le SGP et l’État devant le tribunal de La Haye pour la discrimination des femmes. En 2001, l’ONU avait fait savoir au gouvernement néerlandais que l’exclusion des femmes par un parti politique était contraire au traité de l’ONU sur les femmes. Le cabinet n’avait pas donné suite.

HUMEUR

Cadeau Royal — Dominique Foufelle, juin 2001

Ségolène Royal est drôlement contente d’avoir fait adopter son projet de congé de paternité ! Ce serait une « avancée exceptionnelle, presque aussi importante que le droit de vote des femmes ». Rien que ça ! Le gouvernement biche : selon un sondage commandé par le ministère de la Famille, 73% des Français seraient favorables à cette révolutionnaire mesure. En voilà un joli consensus ! Pour pas cher. Et qui, en plus, n’engage à rien, puisque que ledit congé ne sera pas obligatoire. En Suède, pays réputé pour être en avance en matière d’égalité des sexes, 40% environ des nouveaux papas choisissent d’user de leur droit à prendre un congé pour naissance. Qu’est-ce que ça va être chez nous ! Admettons que beaucoup meurent d’envie de se plonger dans l’univers fascinant des couches et des biberons… Il faudra qu’ils affirment ce choix et le revendiquent auprès de leur patron et collègues de travail. Ça devrait déjà limiter les volontaires (voir le succès auprès des hommes du congé parental d’éducation). [...] Ségolène Royal chouchoute les papas. Elle a fait disparaître l’amendement, proposé par Véronique Neiertz et adopté en commission, qui liait l’exercice de l’autorité parentale au paiement de la pension alimentaire. Certes, en France où évoquer les gros sous fait mauvais genre, cet amendement passe aisément pour mesquin. Il aurait pourtant réconforté les « familles monoparentales » (comme on dit dans les salons) qui vivent une perpétuelle fin de mois. Laisse-t-on la garde de ses enfants à une mère qui ne satisfait aucun de leurs besoins matériels ? Il faudra davantage que ces aimables cadeaux pour transformer les rôles dans la famille, qui reste (pardonnez-moi de radoter !) un solide support du patriarcat. Mais est-ce bien ce que souhaiterait notre gouvernement autoproclamé « féministe » ?


OCTOBRE 2001

AVRIL 2002

Un vêtement féminin portant l’inscription « Je te défie de me toucher » en arabe connaissait un vif succès auprès des Saoudiennes. Mais pas auprès de l’imam ! Le ministre du Commerce l’a donc banni.

LA TRANSMISSION DE LA NATIONALITÉ

LE SLOGAN QUI FÂCHE

MARS 2002

L’ARMÉE DE DIEU S’ATTAQUE AUX HOMOS

L’organisation américaine The Army of God a proféré des menaces publiques à l’encontre des lesbiennes et gays, et de celles et ceux qui les soutiennent, saluant au passage la décapitation d’homosexuels en Arabie Saoudite. Ce puissant groupe d’extrémistes chrétiens n’a pas pour coutume de s’en tenir aux insultes. Dans leur lutte acharnée contre le droit de choisir, ses membres ont agressé, voire assassiné, des médecins pratiquant des avortements. L’une de ses gloires, Clayton Lee Wagner, qui se définit lui-même comme un terroriste anti-avortement, a revendiqué l’envoi de centaines de lettres de menace à l’anthrax à des cliniques de planning familial. En cavale, inscrit sur la liste des dix personnes les plus recherchées du FBI, il a été arrêté et condamné le 25 janvier pour pose de bombes, vol et évasion à 30 ans et 4 mois d’emprisonnement. Mais des centaines de ses acolytes courent toujours. Et l’engagement « pro-life » de Bush ne peut que les encourager à durcir leurs actions.

Le GLIP (projet de liaison et d’information sur le genre dans la région du Maghreb/Machreq) lance une campagne régionale intitulée « Les droits de la femme à transmettre sa nationalité ». Une femme mariée à un étranger ne peut transmettre sa nationalité ni à son mari ni à ses enfants. Droit accordé à l’homme épousant une étrangère. Considérant que cette inégalité prive la femme de ses droits de citoyen et les enfants de leurs droits fondamentaux, le GLIP a décidé de sensibiliser l’opinion publique et d’exercer des pressions sur les gouvernements. MARS 2003

UNE VEUVE EN HÉRITAGE

Un rapport de Human Right Watch condamne une pratique d’Afrique subsaharienne très commune au Kenya. Cette tradition consiste, à la mort de son époux, à « transférer » la femme veuve à un membre de sa belle-famille, généralement un beau-frère. Ceci aurait pour but d’assurer la protection de la famille. Mais cette pratique profite beaucoup à la belle famille car la veuve se voit déshéritée de tous les biens de son foyer. Si elle refuse le nouveau mari qui lui est imposé, elle se retrouve complètement ruinée et sans abri. Les femmes n’ont pratiquement aucun recours légal pour récupérer les biens familiaux. Le rapport demande au gouvernement kenyan de modifier les lois pour que les hommes et les femmes aient les mêmes droits vis à vis de la propriété.

29 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004


A sexisme ordinaire, féminisme de base

30

DU TEMPS POUR V DU TEMPS POUR CRÉ Comment les Pénélopes sont-elles Pour le projet « Femmes en réseau » en 2004 (site web promouvant des initiatives portées par des femmes dans l’Eco-

domaines d’activité et plusieurs manières de fonctionner représentés. On voulait aussi la présence d’un projet artistique

La Luna est un collectif d’artistes qui a pour objectif de faire exister la création artistique au cœur de la vie quotidienne, ce qui la situe dans rôle et la place de l’artiste. Par ses actions in-situ, la Luna privilégie une dynamique qui fait exister l’œuvre en relation avec ceux, pour, et à partir de qui elle a été faite. part c’était féministe, d’aller au-delà de la

La Luna à Nantes, la radio associative berbères à Lodève, les Mains bleues (ex-

manière de briser la réputation un peu rude et ringarde de la posture féministe axée seulement sur les contenus et non nous adressions déjà aux femmes, avec

de couleurs de Femmes Actives ! La dimension artistique et créative nous intéressait particulièrement parce qu’on pressentait qu’elle allait souvent de pair

au sens de don-

rique). Nous, à La Luna, on s’est aperçu que les pratiques artistiques portées par les femmes étaient habituellement concentrées autour de thématiques dites purement féminines (sexualité, rapport au corps et névroses diverses). Nous, nous voulions par la pratique artistique questionner le politique, l’espace public et le contexte urbain. On voulait faire un art autour des problématiques prises d’assaut et réservées aux hommes. Cependant, on était plutôt sur des formes volontairement discrètes, des temporalités douces et longues, avec un côté esthétique... quelque chose d’harmonieux.

Nous voulions par la pratique artistique questionner le politique, l’espace public et le contexte urbain. ner forme aux sens et sensibilités, nous obligeait à accorder une attention parti-

bien écrits et aboutis. Le visuel et la beauté de la mise en page étaient extrêmement importants pour nous car d’une


VIVRE, ÉER Ce que l’on produit est emprunt d’une manière de faire et d’une esthétique assez féminine même si les questions que l’on traite ne le sont pas. Je ne pense pas qu’aux Pénélopes, nos modes d’expression étaient très « fémi-

nins » ! Nous avions un ton plutôt « rentre dedans ». Le point commun entre nos pratiques, c’est de traiter des questions économiques et politiques qui s’inscrivent dans le temps tout en gardant une exigence

HUMEUR

8 mars : opportunité des publicistes ? — Joelle Palmieri, mars 2001

31 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont pas froid aux yeux, ces branleurs d’images et de slogans ! A en consulter uniquement le courrier électronique que nous avons reçu à l’occasion de la Journée internationale des femmes, la chasse est ouverte… Consommatrices, e-business women, cadres sup, et nous… sommes la proie d’une élite médiocre qui se jette sur les événements comme la petite vérole sur le bas clergé. Une fête comme les autres, ce 8 mars, puisqu’un coquin a même poussé le bouchon jusqu’à jeter une passerelle avec la fête des mères ! Et qu’on nous propose en vrac jobs dans des start-up prometteuses (« nous avons reçu votre CV », ah bon ?), comités d’entreprise personnalisés (???), maquillage, kits de voyage (« safaris zen » !), chocolat… On nous a même exceptionnellement demandé notre avis concernant le futur maire de Paris : « Mesdames, si vous n’aviez qu’une seule chose à demander pour améliorer votre vie quotidienne à Paris : que demanderiez-vous, en tant que femme, en priorité au futur maire ? » Et en tant que « monchien », on demanderait quoi ? Mais, messieurs, pour qui donc nous prenez-vous ? Pour des abruties, tellement plongées dans leurs couches-culottes et leurs soucis du repas et du câlin du soir, qu’on en perd tout discernement ? Et pour qui prenez-vous les mecs ? En considérant Les Pénélopes, sans nous lire, comme de la presse féminine puisqu’on parle gonzesses, vous excluez une grande part de notre lectorat. Eh oui ! les temps changent… Même des hommes lisent notre prose ! Par contre, s’il y a bien un sujet auquel vous vous intéressez : c’est leur bite ! Pour preuve, cette innommable pub trouvée dans Entrevue pour vous vendre à vous, chers lecteurs, des loisirs par internet. N’avez-vous pas l’impression qu’on vous prend pour des bites en réduisant votre possible habilité à réfléchir à votre organe le plus extérieur, seulement apte à fourrer tous les trous pour échapper à l’ennui ? Bon, j’arrête sinon je vais devenir vulgaire !


MARS 2000

A sexisme ordinaire, féminisme de base

L’OUGANDA TRAÎNE LES PIEDS

32

Les Ougandaises en ont assez d’attendre le vote de deux lois qu’elles considèrent comme cruciales pour l’égalité des sexes. Ces textes, devant permettre aux femmes d’être propriétaires du terrain sur lequel est bâtie la maison familiale et de protéger les femmes contre la violence conjugale, restent à l’état de projet depuis deux ans. « Alors que la journée internationale de la femme bat son plein, […] nous allons porter le deuil de la loi sur les relations conjugales et de celle de la clause de copropriété foncière », a déclaré Taaka Awori, féministe de Kampala.

temps dans la rencontre des initiatives et de leurs actrices, pour aller en profondeur dans les sujets, même si l’on speedait sur les mises à jour du site. Oui, c’est là dedans que l’on s’est retrouvé. Le temps de la rencontre humaine.

aurait pu le faire autrement, puisque cette

MARS 2002

HUMOUR MADE IN MAC DO

Une publicité sexiste de la firme Mac Donald’s a créé une vague de protestations en Argentine, où elle a été créée. Le spot télévisé, diffusé par une chaîne nord-américaine, présente une fillette de cinq ans qui demande à un petit garçon d’être son fiancé. Elle pose ses conditions : des cadeaux, des repas et une carte de crédit. En échange, elle promet d’être resplendissante pour les amis de son fiancé. Cette publicité a été lancée juste avant le 8 mars, spécialement pour la journée des femmes, et termine par le slogan « Bonne journée à toutes les femmes » ! MARS 2004

mettent à se faire avec les autres et à plusieurs, ce devrait être au cœur de tout avis inséparable. Ça devient rare dans le travail de pouvoir prendre son temps. La question du temps se trouve au cœur de la révision

de savoir, j’ai constaté que l’usage de la monnaie temps n’était pas acceptable pour tout le monde. Dans l’esprit de

MANIFESTER EST UN DÉFI

A Bulawayo, trois militantes ont été arrétées alors qu’elles distribuaient des tracts informant d’une manifestation pour la journée des femmes. Ces femmes, membres de Women of Zimbabwe Arise (Woza), ont été relachées mais pourraient faire l’objet de mesures de sécurité strictes pour « communication de fausses informations ». A Harare, environ 100 femmes ont manifesté pacifiquement lundi 8 mars en chantant, et brandissant des banderoles. JUIN 2004

(femme, généralement) ne valait pas une généralement). Les a priori subsistent même dans les milieux éclairés ! contres que l’on a faites dans les activique la vie personnelle ne doit plus être en constante opposition avec le boulot.

LE FÉMINISME ACCUSÉ DE MEURTRE

Un membre du gouvernement japonais a suggéré que le féminisme était responsable du meurtre d’une élève japonaise de 12 ans tuée par l’une de ses camarades de classe. Kiichi Inoue a déclaré que ce meurtre était la preuve que les Japonaises devenaient autoritaires, et ce à cause du féminisme. Sexisme et anti-féminisme à l’honneur. Pas une première. Un ancien ministre avait déclaré que les viols collectifs étaient normaux puisqu’ils témoignaient de l’existence d’un appétit sexuel « sain ». Un autre avait déclaré que les femmes qui s’habillaient de façon provocante et qui étaient victimes d’agressions sexuelles ne devaient s’en prendre qu’à elles-mêmes.

que ce n’est pas intéressant d’être avec leurs enfants et d’avoir un temps à part entière pour eux, et pour elles-mêmes aussi. Pour beaucoup de femmes, l’objecd’élever leurs gosses. Acquérir leur auto-

seulement après qu’elles faisaient une


vie familiale, ça remet en cause les fondements de notre société ? La fréquentation elles n’étaient mues par un concept. Les de l’expérience. Est-ce que la façon dont on est obligé

dans la conviction que l’on ne vit pas de manière normale et ce n’est absolument vivre (avec les siens), s’épanouir artis-

d’être obligés de produire ? Est-ce que la

femmes conscientes de ces questions

HUMEUR

Violence en culottes courtes — Dominique Foufelle - novembre 2002

33 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Je crains qu’on ne se fasse allumer si on ne titre pas, comme tout le monde, sur le porno : « Quoi ? c’est un sujet qui concerne les meufs, ça ! » – comme s’il existait des sujets qui ne nous concernent pas. C’est vrai, ça serait dommage de rater une occasion de se faire traiter de réacs en répétant que le porno, ça ne représente pas franchement l’idée qu’on se fait de la libération sexuelle. Et que défendre ce temple de la phallocratie au nom de la liberté d’expression – non merci ! Je vais même être obligée d’avouer que s’il prenait à mon fils l’idée d’en visionner, je ne me gênerais pas pour lui dire tout le mal que j’en pense. Pour l’heure, n’ayant que 7 ans, il se limite aux programmes « pour la jeunesse ». Ceux-là même que le rapport Kriegel sur la violence à la télévision, à ma connaissance, ignore totalement. Et pourtant… [...] Les scénarios de la plupart des dessins animés sont aussi indigents que ceux des films pornos, et la qualité esthétique équivalente. Tout y tend vers un seul but : la victoire du héros, armé de son pétard géant qui lance des flammes. Tandis que les rares personnages féminins, en retrait, se pâment : Oh ! oui ! Encore ! J’en veux ! Pas la peine d’informer vos enfants, ils l’apprennent ainsi dès leur plus jeune âge : ce que la femelle aime chez le mâle, c’est la démonstration de force. Dans les séries moins directement violentes, qui content des tranches de vie, les petits enregistrent quelques vérités profondes sur les relations entre les sexes : les filles sont malignes et sournoises, les garçons balourds et crédules ; les unes bernent les uns. Si vous additionnez ces deux leçons de vie, vous en arrivez à la conclusion suivante : pour se faire respecter par la fille, le garçon doit montrer sa force. Autrement dit, sortir son pétard. Le jeune (télé)spectateur peut passer directement de ces programmes produits à la chaîne par des multinationales à Rambo… et au porno. Tant qu’il n’y aura pas d’éducation à la non-violence et au respect entre les sexes dès le plus jeune âge, la violence filmée (dans laquelle j’inclus les films porno) conservera ses clients, et la censure ne peut que redorer son blason. N’est-ce pas ce que tout le monde veut, au fond ? L’industrie de l’image, de toute évidence. Et peut-être même les « intellectuel-les » médiatisé-es, qui auraient du mal à faire avaler à un public libéré des clichés qu’ils-elles mènent des débats profonds et novateurs.


OCTOBRE 2000

A sexisme ordinaire, féminisme de base

LE MAQUILLAGE OU LA PORTE

34

Darlene Jespersen a été licenciée du restaurant au bar duquel elle officiait depuis 21 ans (le Harrah de Reno), pour avoir refusé de se soumettre au nouveau règlement intérieur obligeant les femmes à porter maquillage, coiffure apprêtée et escarpins noirs sur leur lieu de travail. « Est-ce parce que je ne suis pas assez jolie, ou trop vieille ? » s’est-elle interrogée (elle a 44 ans !). « En tout cas, ça ne serait pas arrivé si j’étais un homme. C’est une affaire qui relève du droit des femmes ». Le porte-parole de la chaîne rétorque que rien n’est plus naturel que d’exiger des employées qu’elles se maquillent, car les clients s’attendent à ce qu’elles soient agréables à regarder. Et le tribunal du Nevada lui a donné raison ! MARS 2002 Le scandale des prêtres du Massachusetts abuseurs de petits garçons, a incité de nombreuses victimes d’abus sexuels par des ecclésiastiques à travers les Etats-Unis à entreprendre une action en justice. Ce sont, majoritairement, des filles qui sortent du silence – tout simplement parce qu’elles sont plus nombreuses à avoir subi des agressions sexuelles. JANVIER 2003

SOUDANAISES EN GRÈVE DU SEXE A l’initiative d’une ancienne professeure d’université au Soudan, la grève du sexe a rencontré le plein accord des femmes qui en ont assez de voir leurs enfants mourir. Cette action, amorcée par à peine vinngt femmes, appelée alHair en arabe, ce qui signifie « abandon sexuel » (de leurs maris), est rejointe maintenant par plus de mille femmes.

Et vous, les Pénélopes, c’était un projet de création collective aussi pour faire du journalisme autrement ? Oui. Le projet de faire un journalisme féministe, de qualité professionnelle mais selon nos propres critères. Le collectif nous le permettait. Qu’est ce qui a déterminé vos choix dans tous les projets de femmes rencontrées ? Pourquoi avez-vous choisi de prendre des femmes impliquées dans la création artistique ? l’art et les activités artistiques, ça n’était pas si facile ! On avait rencontré une danseuse qui faisait des interventions en prison. Les femmes, en prise avec le réel et le social, nous intéressaient, pas des artistes qui se présentaient avec un grand Les rares artistes femmes que l’on rencontrait ne rentraient pas dans la Ça ne les intéressait peut-être pas ! Mais ce n’était pas si facile que ça de trouver des femmes qui voulaient s’exprimer sur

En tant qu’artiste, il ne fallait plus que ce soit ton problème, c’était déjà dépassé.

MARS 2004

DES « BONNES MŒURS »

L’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) dénonce la campagne « Sauvegarde des bonnes mœurs » comme une atteinte grave à la liberté individuelle visant à contrôler jusqu’à la tenue vestimentaire et à entraver la mixité. Elle réclame la libération des jeunes arrêtés. Alors que de tels abus sont dénoncés, le Président Ben Ali annonce la création d’une « Haute Institution des Forces de Sécurité », police spéciale chargée de veiller notamment aux relations entre les citoyens et les forces de l’ordre. Une loi contre le harcèlement sexuel est actuellement à l’examen, pour laquelle l’AFTD et d’autres associations ont déposé des propositions complémentaires.

toire de l’Art portée par des femmes. nisme les déprécie car elles veulent être considérées du point de vue de leur métier ou de leur art. Quand le métier est prestigieux, c’est encore plus frappant. tique, c’est une question réglée et elles se sentent dépréciées si tu leur en parles. Des femmes qui ont eu à lutter, elles n’ont plus envie de réouvrir le sujet ni de se griller professionnellement. Le féminisme n’a pas une bonne réputation. On taines femmes ne sont pas solidaires car


elles ne veulent pas qu’on les confonde avec cette image.

n’était pas considéré comme un progrès, une proposition politique à part entière.

Mais les luttes des féministes des années 1970 se déroulaient à une époque où

pour obtenir ce que l’on voulait. Les féministes avaient alors tout le monde contre

défense pour ne pas être bouffée, c’est breuses, tentent d’inventer et de ménager des temporalités et des manières d’entreprendre autrement. Et ça pourrait

HUMEUR

Parité... poils aux mollets ! — Dominique Foufelle, avril 2004

35 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

« Vers une citoyenneté durable », « Ne laisser personne au bord du chemin », « Garantir un équilibre du territoire », « Inventer une économie des besoins », « S’épanouir dans un monde qui change »… Voilà, vous en conviendrez, des titres de couverture qui engagent à ouvrir un magazine, en l’occurrence celui du département où je réside, l’Hérault, arrivé gentiment tout seul dans ma boîte à lettres. Je l’ouvre donc, et me précipite sur les pages spéciales élections cantonales. Ça pavoise dans les titres et ça s’accolade sur les photos. On a gagné : champagne ! Moi, j’en suis plutôt au café, et je tourne la page pour consulter la carte du département où figure le trombinoscope des quaranteneuf élu-es. Glamour, en diable ! Un festival de cravates et de brushings. Je colle le nez sur le papier pour parvenir à distinguer, là-dedans, des visages de femmes. Et je compte. Et je recompte : à si petite échelle, difficile de distinguer une veste de costume d’une veste de tailleur. Mais non, elles sont bien trois, les dames. Trois sur quarante-neuf. Bon, bon, voyons à présent comment elles sont représentées parmi les quatorze vice-présidents de la nouvelle assemblée. Miracle : il y en a une ! Déléguée, de façon incroyablement novatrice, aux « Solidarité et politique en faveur du handicap et de la dépendance ». Pas de doute : comme dit la légende d’une photo, qui montre une file de citoyennes attendant leur tour de glisser leur bulletin dans l’urne, « Le grand vainqueur de ce scrutin, c’est d’abord la démocratie. » Enfin, il faut rendre justice à la cohérence du président André Vezinhet : pas une seule fois, dans l’entretien qu’il accorde au magazine (imprimé sur papier 100% recyclé, hein !), il n’aborde la question des droits des femmes, dans une région rurale où, par exemple, le travail et les structures d’accueil pour les petits sont des denrées également rares. La « citoyenneté durable » dont il se fait le chantre ne doit sans doute pas passer par là ? Mais je m’avise que j’ai oublié de vous donner une information : il s’agit d’une assemblée à très forte majorité de gauche – quarante-et-un sièges sur quarante-neuf. Cette gauche qui nous a pondu une loi sur la parité dont elle était si fière.


JANVIER 2000

A sexisme ordinaire, féminisme de base

L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE VIENNE INTERDIT AUX FEMMES !

36

Le 8 juin 2000, l’orchestre Philharmonique de Vienne (The Vienna Philharmonic) donnera un concert au Vatican. Savez-vous qu’il est impossible pour une femme musicienne de devenir membre de cet orchestre ? Cette composition comprend aujourd’hui cent quarante-neuf musiciens hommes et une seule femme, harpiste. Il y a trois ans, en réponse à une protestation internationale, l’orchestre avait accepté que les femmes puissent devenir membres. Depuis, il est revenu sur cet engagement. William Osborne invite les femmes italiennes musiciennes à organiser une protestation le 11 juin 2000, médiatisée internationalement, et lance l’idée d’un concert dans le square Saint-Peter, sous la protection de Gardes Suisses et de prêtres.

OCTOBRE 2003

DE FEMMES AU PARLEMENT

AVRIL 2001

Le Rwanda vient de dépasser la Suède en obtenant la plus grande proportion de femmes au Parlement dans le monde. Les femmes occupent désormais trente-neuf sièges de la chambre des député-es, soit 48,8% de l’ensemble des sièges. Lors de ce vote, qui a commencé le 30 septembre, les femmes ont gagné quinze des sièges qui étaient également ouverts aux hommes. En Suède, le taux est de 45,3%, au Danemark 38%, suivi par la Finlande 37,5% et les Pays-Bas 36,7%. L’Angleterre arrive en 50e place avec 17,9% et la chambre des représentants états-unienne à la 60e à égalité avec l’Andorre avec 14,3%. Cette élection au Rwanda était la première de l’histoire du pays à caractère multipartite. Auparavant les femmes occupaient 25,7% des sièges. Les Rwandaises se réjouissent de ce résultat !

DE L’AVANT ET DE L’APRÈS PARITÉ

MAI 2004

Après une sensible progression du nombre des candidatures féminines aux dernières cantonales (+5%), faiblement suivi par celui des élues (+3,2%), on attendait avec impatience les résultats des municipales 2001, premières élections instituant une parité des candidatures, conformément à la loi du 6 juin 2000. Si ces chiffres sont encourageants (+22% d’élues, du jamais vu !), ils profitent aux postes d’échelon inférieur (+4,5% de maires féminines, paradoxalement plus présentes dans les communes les plus importantes, contre 47 à 48% de conseillères municipales). Par ailleurs, il est remarquable de noter que cette entrée massive des femmes aux conseils municipaux se fait avec une forte prépondérance d’élues non affiliées à un parti (72,2%) et très souvent issues du milieu associatif. Ainsi, outre l’avancée nécessaire vers une représentation politique ajustée au corps électoral (53% des votants sont des votantes), la loi sur la parité ouvrirait-elle l’espoir à un renouvellement qualitatif du personnel politique, plus impliqué sur le terrain et moins assujetti aux stratégies et querelles politiciennes ?

POUR LEUR REPRÉSENTATIVITÉ

Déjà peu représentées dans le gouvernement devant conduire la République démocratique du Congo aux élections (sept femmes sur soixante-et-un membres), les femmes craignent d’être à nouveau « flouées » dans la mise en place de la Territoriale. Rassemblées dans une plate-forme « Cause Commune », elles ont rédigé une lettre « Alerte » aux hommes responsables des composantes issues du dialogue intercongolais. Elles rappellent l’article de la constitution de transition qui stipule « la femme a droit à une représentativité significative… ». Plutôt que ce terme ambigu, elles exigent une représentativité quantitative.


LES PÉNÉLOPES VUES D’ITHAQUE Damien Tissot est docteur en philosophie. Ses recherches portent sur les notions de justice et d’universel dans les revendications féministes. Il s’intéresse entre autres à la théorie postcoloniale et aux dialogues transnationaux entre mouvements féministes.

Janvier 2012,

pensé que tu aimerais recevoir quelques nouvelles. Tu seras peut-être ravie d’apnistration Obama a annoncé que dans le rances de santé seraient dans l’obligation, dès le premier août 2012, de couvrir intégralement certains frais de contraception féminine. Après presque dix ans d’une pressions des lobbies pro-life (Global

décision est un soulagement et une lueur

de la différence sexuelle. Les victoires

face aux préjugés de demain. Quelques années plus tard, que

Veiller à ne jamais oublier ce qui fait de l’autre un être singulier, taillé dans l’épaisseur d’une histoire faite de désirs, d’espoirs, de déceptions, telle serait la tâche du féminisme.

principes féministes fondamentaux ? Les vieux combats ne sont pourtant pas terminés que, déjà, d’autres fronts paraissent s’ouvrir. On m’a dit que, ces derniers temps, la remise en question du droit à l’avortement était revenue de manière étonnante au cœur de certains programmes politiques français. J’apprends, en outre, que l’introduc-

reste-t-il, ainsi, de la toile que, jour après jour pendant dix ans, les remise sur le métier ? Tu m’as dit un jour que le féminisme avait la capacité d’absorber des récits

37 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

dans la défen-

l’offensive des franges les plus réactionnaires de la classe politique et de la socié-


mation intellectuelle et personnelle. Tu

A sexisme ordinaire, féminisme de base

sa force. Veiller à ne jamais oublier ce qui fait de l’autre un être singulier, taillé dans

38

d’espoirs, de déceptions, telle serait la

redonner corps à l’existence des femmes, à ton existence, tout en ouvrant pour plusieurs générations de féministes

-

plus généralisée, la plus insidieuse de

HUMEUR

Compassion sur commande — Dominique Foufelle, octobre 2001

Chères concitoyennes, chers concitoyens, Vous savourez sans doute avec moi la chance d’avoir à la tête de notre pays un président bien informé. Il vient en effet de découvrir que les femmes afghanes subissaient un sort cruel, auquel il serait de notre devoir de s’intéresser. Cette clairvoyance, il la partage avec de nombreux personnages politiques qui ont versé une larme de compassion et juré de remédier à cette flagrante injustice. N’est-ce point merveilleux ? Les Afghanes ont mis tous les politiques d’accord. Sans rien vouloir ôter au mérite de nos dirigeants, il faut avouer que nul ne peut plus ignorer les méfaits des talibans. Quelle abondance de reportages, de témoignages, de débats ! On peut juste regretter que tout cela ne se fût pas su plus tôt. Car enfin, ne me dites pas que les Etats-Unis auraient poussé au pouvoir les talibans si de tels projets leur avaient été exposés ! Si ? Ajoutez donc que la communauté internationale a fermé les yeux sur ces flagrants manquements aux droits fondamentaux de la personne ! C’est vrai qu’on entend de drôles de choses… Je me suis laissé dire que des associations les dénonçaient depuis plusieurs années déjà…Mais c’est un peu de leur faute si on ne les a pas entendues : pas de moyens, pas d’entregent, pas d’intérêts financiers à faire valoir dans des négociations. Il paraît que des Afghanes risquent leur peau pour faire sortir des informations de la forteresse qu’est devenu leur pays. Il n’y a là rien de stupéfiant : c’est tout ce qui leur reste. Malgré tout, ce sujet de conversation ne va pas tarder à s’épuiser. Gouverner, c’est prévoir ; il faudrait songer à en trouver un autre. Il serait bon, je pense, que médias et politiques, pour ne pas lasser leur auditoire, prennent d’ores et déjà contact avec d’autres opprimées. Le choix des méchants à vilipender risque de leur poser un problème. Car on ne peut pas se permettre de mécontenter des Etats avec lesquels on entretient des relations commerciales juteuses. Les femmes ne pensent pas à ces choses-là ! Elles sont idéalistes. Et têtues, avec ça ! D’un autre côté, c’est pratique, cette manie de rester fidèle à des engagements. Prenez Marie-George Buffet. On l’appelle à la tête d’un parti moribond, elle y va ! Peut-être qu’elle se dit qu’on aurait pu y penser plus tôt ? Elle fait avec. Voilà une femme qui a devancé la mode des Afghanes, tiens ! A l’époque, on n’y a pas prêté grande attention. Qui sait si elle ne va pas le secouer, notre bon vieux PC ?


toutes les oppressions. Première à raconpremière à te faire comprendre la place de ton expérience dans la construction de ton identité. Lorsque l’on n’est pas reconnu comme un individu autonome, capable d’avoir sa propre idée du monde,

comment se construire, en effet, en tant tu as rapporté la conviction que le féminisme a d’abord pour vocation à faire

non négligeable à, sinon institutionnaliser, transformer les luttes en droits. Tu évoques la loi sur la parité comme l’un des droits, dis-tu, c’est foutu ». « Non, mais c’est vrai, à quand un droit à respirer ? », ajoutes-tu en ironisant. On ne peut donc selon toi se limiter à un féminisme qui lutte pour des droits. Le féminisme doit éveiller les consciences, faire place aux expériences particulières que l’on avait laissées dans l’ombre, et redonner une voix à celles et ceux qui n’en avaient sillonné la planète pour témoigner, ana-

intime en nous. Parce qu’au fond, précisément, le féminisme, comme tu aimes à Les Pénélopes, c’est d’ailleurs bien cela,

subi » en une trame sur laquelle tisser les récits individuels, pour dénoncer les motifs du patriarcat. Une manière de parler, plutôt que d’attendre qu’on nous cal (et capitaliste) a pour toi une capacité

JUIN 2001

LE MOT DU PRÉSIDENT

MARS 2002

RÉPUDIATION PAR MAIL

Le Koweït, toujours à la pointe des innovations en matière d’application de la charia, a décidé en juillet dernier par la voix du président du Haut-Comité koweïtien pour l’Application de la Charia, l’islamiste Khaled al-Mathkourla, qu’un texto ou un email étaient « suffisants pour reconnaître le divorce ». Rappelons

seulement un espace pour exister, mais également un lieu pour se faire entendre, un contrepoids démocratique, surtout, pour contester les fondements même de l’autorité patriarcale. A la prolifération

que la loi islamique autorise le divorce de la part du mari, sur simple formulation de « Je te répudie » à l’égard de sa femme. Les Koweïtiennes n’étant pas connectées vont-elles recevoir le message ? Il semblerait que cela importe peu. MARS 2003

SÉPARATION DANS LE BUS À JÉRUSALEM

Pour les ultra-orthodoxes juifs, il n’est pas acceptable de s’asseoir à coté d’une femme si elle n’est pas de leur famille. C’est pourquoi ils ont demandé et obtenu à Jérusalem une ligne de bus spéciale où les femmes s’assoient à l’arrière et les hommes à l’avant. Ils ont maintenant étendu leur demande à une ligne de bus exclusivement réservée aux hommes. La compagnie publique de bus, quand on lui demande ce qu’elle en pense et pourquoi elle a créé une première ligne ségrégée, répond qu’il est normal pour une société publique de veiller au respect des droits des minorités. No comment !

39 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

À l’occasion de la 45e session de la Commission des nations Unies sur le statut de la femme, le président du Kenya, Daniel Arap Moi, a déclaré (textuellement) : « Les femmes auraient dû avancer très loin, mais à cause de leur intelligence réduite, elles n’ont pas pu faire beaucoup de progrès ». Réponse d’Adelina Mwau, présidente de la Coalition sur la violence faite aux femmes, dont le siège est à Nairobi : « Dans ce pays où les femmes produisent 80% de la nourriture, il est inacceptable que le chef de la nation abuse de nous en public alors qu’il le fait déjà suffisamment dans le privé »…

traquer le patriarcat et ses ombres. A travers la place faite aux récits de vies, aux luttes silencieuses, aux combats du


A sexisme ordinaire, féminisme de base

du pouvoir, telle qu’elle est décrite par multiplication des points de résistance. Parcourant la planète, correspondant avec de multiples organisations féministes

ont sans conteste attaqué le masculinisme sous toutes les latitudes, dans toutes ses manifestations. Agence internationale, la toile des Pénélopes est aussi transna-

Je veux croire cependant que l’universel ne doit pas être révoqué, mais réformé. L’universel ne doit certes pas servir à fonder un discours normatif et encore moins à légitimer des droits seulement pensés

il doit pouvoir être transformé. L’univer-

pouvoir le revendiquer. L’universel a été contesté. Il a aussi été à maintes reprises la contradiction et autoriser des formes dans le cadre d’une pensée renouvelée, à

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Exit l’universel. Et pourtant, comment être féministe et libertaire sans engager un peu d’universel que le combat des Pénélopes se propose aussi, au moins potentiellement, d’être un combat pour tous ? A la montée du masculinisme sous toutes ses formes, que l’on observe actuellement, et que tu déplores, que répondra la génération contem-

l’universel que de nouvelles solidarités féministes doivent pouvoir se construire.

dont la logique consiste à embobiner, la

un peu plus limitées ? Face aux méandres et aux recrudescences du discours guerdes jours, les nœuds apparemment inex-

sont assoupis et semblent avoir renoncé à un monde plus égalitaire. Tu t’émerveilles de la créativité de la relève féministe, mais pour toi, la menace qui pèse actuellement

divisions entre féministes apparaissent de plus en plus marquées, et semblent situation politique actuelle, que reste-t-il de la toile des Pénélopes ? Peut-être, au fond, n’en reste-t-il qu’un -

à cet universalisme de rigueur, qui efface puissamment les destins individuels et rend impossible toute lutte réellement

ne doit jamais céder aux prétentions de l’universel, qui signe toujours la mort des valeurs pour lesquelles lutte le féminisme.

Damien


HUMEUR

De Cantat à Benasayag, et inversement — Joelle Palmieri, août 2003

Bertrand Cantat, auteur-compositeur-interprète du groupe de rock français le plus populaire, a cogné sa maîtresse à tel point qu’elle en est morte. Il est aujourd’hui en prison à Vilnius, en Lituanie. Le chanteur milite dans une mouvance qu’on qualifie alertement de gauche alternative. Il

Je suis assez d’accord avec Miguel Benasayag : « Nous sommes au cœur d’une époque obscure. Nous faisons partie d’une toute petite et frémissante contre-offensive. Il faut construire en intensité l’alternative. Un autre monde est possible par d’autres choix de vie. Nous sommes à une époque de laboratoires sociaux », a-t-il déclaré au Larzac. Acteur de la boucle des altermondialistes, il fait partie des rares à reconnaître publiquement que le crime de Cantat s’apparente à la classique violence conjugale. Alors Miguel ? A quand un laboratoire sur le patriarcat et la domination masculine, piliers de tous les systèmes d’oppression, lieu-même où la déconstruction de l’individu-e doit s’opérer pour voir éclore des groupes constitués de personnes libres ? Au fait ! J’ai pas vu les coquards de Bertrand… et vous ?

41 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

lutte contre le capitalisme. A partir de lui, on peut dessiner une boucle, celle de militants, illustres ou anonymes, qui, dans leur majorité, tout en voulant changer le monde, continuent inexorablement à placer la « vie privée » dans une « case à part », un espace, une sphère, un cachot pourquoi pas ! qu’il faut bien se défendre de rendre publique et donc encore moins de réfléchir comme un lieu d’oppression. Une zone de non-droit en quelque sorte. En dehors de cette poche, « le privé », tout peut devenir objet de critiques, système d’oppression, lieu de discrimination, carrefour de toutes les inégalités et j’en passe ! Ce domaine public ne garantit pas l’action collective, mais il peut en devenir le théâtre, une scène où l’individu-e est en représentation et la personne dans le trou du souffleur. Car enfin, comment peut-on distinguer le Bertrand Cantat « chanteur engagé », « frère d’écriture, de conviction et de cœur » et le Bertrand Cantat « lié plus que jamais à Marie. Unis et indissociables. Si ce n’est qu’elle est morte, et lui, vivant ». L’amour, la passion, la relation de couple, la copulation, seraient-ils autant de circonstances atténuantes pour le meurtre que le rockeur a commis ? Si ce n’est qu’elle est morte… J’hallucine !


FÉVRIER 2002

A sexisme ordinaire, féminisme de base

DERNIER ANNIVERSAIRE DE L’AVORTEMENT AUX ETATS-UNIS ?

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George Bush vient d’instituer le 20 janvier comme jour sacré national de la vie pour remplacer le 22 janvier, date anniversaire de la légalisation de l’avortement aux Etats-Unis. Car « les enfants à naître devraient être accueillis dans la vie et protégés par la loi » ! Ce devrait donc être la dernière année que les associations féministes célèbrent le 22 janvier. La Cour Suprême américaine pourrait bien voter à la majorité son interdiction d’ici 2003. FÉVRIER 2003

FRANCE, TERRE D’ÉGALITÉ

Interviewé le 5 février 2003 sur Europe1, le Garde des Sceaux Dominique Perben s’y s’inquiétait de la composition de la nouvelle promotion de l’École Nationale de Magistrature, majoritairement féminine, déclarant que cela va « poser des problèmes d’organisation dans les tribunaux » en raison « des problèmes spécifiques qu’ont les femmes à concilier vie professionnelle et vie personnelle ». Par ailleurs, il doute de l’impartialité de femmes jugeant des hommes. OCTOBRE 2003

VIOLENCES CONJUGALES EN ALGÉRIE

En Algérie, la violence conjugale prend de l’ampleur et touche toutes les catégories sociales. Les autorités ont fini par prendre au sérieux ce fléau. Un comité de réflexion interministériel a été mis en place dans le but de mener une enquête nationale sur les violences contre les femmes. Les premiers résultats montrent que la situation est très grave : 44% des maris battent leur femmes et 74% des victimes refusent de porter plainte (Unicef). « Il y a des tabous à casser dans la mentalité des hommes, mais aussi des femmes » : « C’est votre mari, c’est normal qu’il vous batte », « s’il te frappe, c’est qu’il a une raison », « une femmes ne se plaint pas contre son mari »… Les victimes, dans leur majorité, acceptent leur sort et rares sont celles qui saisissent la justice. Pour elles, comme pour la société, les hommes ont le droit de battre leurs épouses. MARS 2001

LE « PETIT FUTÉ » PERSISTE ET SIGNE

Le « Petit Futé » (collection de guides de voyage, dans un genre « sympa » plus ou moins copié sur le Routard) s’était déjà signalé à notre attention, avec un entretien ouvertement sexiste du patron de l’équipe de foot locale dans son édition de Montpellier. Il remet ça, et en pire, avec le volume consacré au Brésil. Dans l’abécédaire thématique des conseils pratiques, on trouve un paragraphe « Prostitution ». Extrait : « (…) Le portier de votre hôtel pourra inviter

une connaissance, qui lui reversera discrètement une commission dans le hall. (…) Comme partout en Amérique latine, mieux vaut ne pas se disputer avec elle ; lui faire écrire le prix auparavant. » Pour ceux que cet aimable arrangement ne satisferait pas, un encadré intitulé « Femmes perdues (pirananas) » dans la rubrique « Sortir », fournit des astuces pour rencontrer des personnes prostituées, avec appréciations sur la qualité de la marchandise selon les lieux. Sans doute pour se dédouaner, la même édition comprend un encart d’ECPAT France (End Child Prostitution And Trafficking), titré « Ne soyez pas complice ». MARS 2002

PAS DE FÉMINISTES AU PENTAGONE !

Le Pentagone a licencié tous les membres élus par l’administration Clinton au Conseil de la Défense sur les femmes dans les services (DACOWITS), chargé particulièrement de lutter contre les discriminations et le harcèlement sexuel au sein de l’armée. Au passage, les attributions de ce comité ont été limitées. Il ne pourra plus inspecter des bases que sur autorisation. L’administration Bush avoue sans ambages qu’elle ne s’appliquera pas à assurer la parité au sein de la nouvelle équipe en cours de nomination. Bien que DACOWITS ait œuvré à attirer les femmes à la profession militaire, il était dans le collimateur des anti-féministes, dont on sait que Bush les ménage particulièrement. Dans la même série, la cour fédérale a supprimé le 6 mars 2002 le programme promotionnel de discrimination positive de l’armée, au motif qu’il favorisait les femmes et les minorités. C’était fait pour ! MARS 2002

L’ONU CRITIQUE LES DISCRIMINATIONS EN URUGUAY

Le comité des Nations Unies qui contrôle l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, a durement critiqué le gouvernement uruguayen pour son inaction en la matière, ainsi que pour sa politique concernant l’avortement, le viol, le mariage entre mineurs et les grossesses d’adolescentes. Le comité a aussi dénoncé la différence entre les salaires masculins et féminins, ainsi que la pauvre représentation des femmes en politique et dans la vie publique en général. Le gouvernement semble ne porter aucun intérêt à la situation des femmes, et n’a pas daigné envoyer des représentants de haut niveau pour s’entretenir avec le comité des Nations Unies. De nombreuses lois insultant les femmes sont en vigueur en Uruguay, comme celle dispensant les violeurs de poursuites – s’ils veulent bien épouser leur victime ! Le gouvernement a gardé les critiques des Nations Unies secrètes pendant un mois.


HUMEUR

L’ennemi-e de mon ennemi-e — Joelle Palmieri, février 2004

43 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Voilà. On est à S-3 semaines des élections régionales françaises. Paraîtrait qu’il faut pas louper le coche sinon ce serait pire que tout, rapport à Le Pen. Pire que maintenant ? Dans moins de quatre mois, c’est le tour des Européennes, le 13 juin 2004. Dans l’ambiance globale de « poussée brune », entre la Suisse, la Serbie et bientôt la Belgique, ou plus précisément la Flandre, aux élections législatives du 18 mai – j’en oublie – il serait peut-être temps de s’inquiéter de notre « opinion publique » et de ce qui l’anime non ? Cette année, c’est aussi les présidentielles aux Etats-Unis – ça s’annonce pas terrible dans tous les cas – mais également au Cameroun et en Tunisie, deux Etats connus pour leur largesse d’esprit et leur amour profond de l’espèce humaine… et de son opinion. Alors cette opinion qu’on chouchoute, qu’on bouscule, qu’on tripote, qu’on manipule, qu’on envie, qu’on soulève, qu’on exècre, vaudrait mieux la définir non ? Ce gros fatras d’amalgames ne nous garantie guère de jours meilleurs. Et les lois qui sont votées, ça et là (en France, en Irak comme en Israël), pour soi-disant renforcer la démocratie et répondre à la demande populaire, me laissent pantoise sur au moins un aspect. Les lois sont votées par des personnes élues, censées « nous » représenter ou tout du moins représenter « nos » intérêts. Mais qui décide du « nous » ? La rédactrice en chef du Figaro Madame qui écrit que « nous sommes un drôle de pays » et que « nous » sommes « judéo-chrétiens et républicains-laïques » ? George Bush et Tony Blair qui ont déclaré : « Nous soutenons les aspirations de tous les Irakiens en ce qui concerne la formation d’un gouvernement représentatif uni qui respectera les droits de l’homme et l’État de droit en tant que principes fondamentaux de la démocratie » ? Qu’est-ce qu’il se passe exactement ? Pourquoi un tel besoin d’identité (le « nous ») s’exprime-t-il plus avant ? Pour répondre au besoin de se différencier de l’« autre » (pas « nous »), pour écarter toute hypothèse de ralliement, de solidarité et mieux identifier celui ou celle à persécuter, à rendre responsable ou coupable de sa propre inconduite ou désespoir. L’ancrage de l’individualisme, du mythe de la représentation et de l’apparence. Les bases du racisme, du sexisme et de l’homophobie, les miasmes du communautarisme, le début du nationalisme pour sûr, les bases du fascisme quelquefois. Le féminisme nous apprend au moins une chose. Il n’y a de salut et de libération que dans l’égalité. Alors, voter pour un parti d’extrême-droite, c’est garantir la division, de sexe, de race, de classe. Décidément non, l’ennemi-e de « notre » ennemi-e, n’est pas « notre » ami-e. Il/elle trompe qui veut l’entendre. Et s’il était encore nécessaire d’insister, cette assertion est vraie dans tous les sens. Les ennemi-es de l’extrême-droite, des intégrismes de tout bord, ne sont pas fatalement nos ami-es, des libéraux massacreurs aux gauchistes convaincu-es. Alors, arrêtons cinq minutes avec le raisonnement binaire ! Cinq minutes…


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NON,

C’EST NON !

Il n’y a pas si longtemps que ça, circulait allègrement

armés font le terreau des viols légitimés. Le harcèlement conjugal ou au travail coûte plus cher aux femmes qui en sont la cible et qui refusent de se taire qu’à leurs agresseurs. Les réseaux prostitutionnels ont pignon sur rue. Décidément, on évoque peu ces avancent une réponse. Le patriarcat sous-tend tous de genre, de sexualité et avec eux le néo-colonialisme, l’exploitation des ressources naturelles et des

commande au valet et le valet commande au chat


CONFLITS, PATRIA ET FÉMINISME Non, c’est non !

Les Pénélopes ont toujours été du côté de la paix, elles ont toujours dénoncé les

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comme une expression de la force masculine, une nième façon pour le patriarcat de démontrer ses points d’appui dont l’armée, le militarisme est le plus manifeste. Pour ma part, Je crois aussi que le militarisme se manifeste sous différentes la vie des femmes, encourage et perpétue la violence contre les femmes. Je suis convaincue que les femmes développeront des discours différents qui mettront aux idéologies militaristes . Écoutez ma guerre Les Pénélopes ont toujours considéré que la guerre est anti-démocratique, qu’elle tique des Etats ou de groupes qui utilisent la force pour

Annie Matundu Mbambi est consultante indépendante en genre, présidente de la Ligue des femmes pour la paix et la Liberté-Section République Démocratique du Congo (RDC), trésorière adjointe de l’association Genre en Action, viceprésidente de l’Action femmes du Bas locale) de la société civile au Centre de recherche et de documentation pour les femmes, le genre et la reconstruction des pays de Grands Lacs, RDC. se maintenir au pouvoir ou pour l’imposer. Les Pénélopes ont écrit beaucoup de se rappelle même d’un édito qu’elle a écrit pendant la guerre d’Irak qu’elle a titré « Testicules sans limite » à cause du donné à l’opération « Justice sans limite », édito qui lui a valu bien des ennuis. Les Pénélopes parlaient évidemment des effets collatéraux des

La que sont les viovoie à suivre dans la lences, les viols, consolidation de la paix réside les déplacements, l’insécurité. Elles ont dans le renforcement du rôle beaucoup interviewé d’activistes de la paix. des femmes dans le domaine de la sécurité et dans les interview en particulier, celui d’une militante pour pourparlers pour prévenir les la démonstration de force violences dans le monde et pour consolider la paix. n’était qu’une démonstration


ARCAT de fondations économiques solides. Je suis moi-même impliquée dans la conso-

tion de la paix a pour but de montrer, un, que la paix est acquise et, deux, qu’il faut la consolider en s’attaquant à ce qui à-dire l’économique. Il est connu de

je considère que le terme de consolida-

HUMEUR

Testicules sans limites ! — Joelle Palmieri, septembre 2001

47 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Cheikhs, kamikazes, religieux, présidents, premiers ministres, experts, directeurs de l’information... Tous se conjuguent au masculin. Image d’une telle évidence qu’on ne peut s’empêcher de voir Bush avec ses colts, ses missiles et son bouton-poussoir atomique, Ben Laden avec ses lance-roquettes, ses kalachnikovs, et ses biffetons dans les poches, les Taliban avec leurs machines à tuer constitutionnelles, Blair, Perez et Chirac avec leurs cravates et dossiers secrets. Dans tous les cas, on nous jette en pâture la représentation du culte de la personnalité. Ce virilisme, poussé à outrance à tel point qu’on ne peut le qualifier ou le nommer, nous isole par construction. En effet, en quoi cela nous concerne-t-il ? Comment pouvons-nous nous identifier ? Qui nous ? Cette partie de l’humanité qu’« on » n’identifie pas, qu’« on » camoufle sous un universalisme neutre : les femmes. Remarquez bien que tous les protagonistes de la guerre et des appels à la haine ont des noms et des fonctions, alors que les promoteurs de la paix sont des groupes, majoritairement de femmes, qui n’ont pas besoin d’étendard. D’où qu’ils viennent, des Etats-Unis, de Croatie, du Kosovo, d’Israël, de Palestine, des Philippines, de Turquie,… les appels à la paix sont collectifs… Alors, quelles sont les limites de la justice masculine ? Le mépris du meurtre organisé et la tolérance de la violence institutionnalisée. Quoiqu’en disent nos dirigeants, élus ou occultes, ces limites sont constitutives de leur place : le pouvoir politique et économique, construit sur le modèle de la domination masculine. Tant que la « communauté internationale », comme elle est nommée, tolèrera le sort réservé aux Afghanes, aux Algériennes, aux Chinoises, aux Indiennes, aux Mexicaines, aux Moldaves, aux Biélorusses… le terrorisme, sur lequel tous les yeux se portent aujourd’hui, a de beaux jours devant lui. Bush et ses complices ne sont pas crédibles dans leurs rôles de sauveurs suprêmes. Nous ne les prenons pas au sérieux. Nous nous en méfions : ils constituent des menaces objectives de guerre contre les plus déshérités de la planète : les pauvres donc les femmes.


DÉCEMBRE 2000

Non, c’est non !

WAGONS SPÉCIAUX

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Keio Teito Electric Railway, qui gère plusieurs lignes de train de banlieue à Tokyo, a décidé de remettre en service des wagons réservés exclusivement aux femmes, pour neuf soirées en décembre – mois terrible du fait de la recrudescence d’hommes ivres en libre circulation durant les fêtes de fin d’année. Les cas de harcèlement sexuel sur les lignes concernées sont passés de 276 en 1999 à 351 cette année, argumente la compagnie. Si la formule plaît aux voyageurs, elle sera généralisée. Sur les femmes interrogées, 70% s’y sont déclarées favorables. Une compagnie d’Osaka maintient ce service depuis 1954, à la satisfaction générale, semble-t-il. La sécurité des femmes dans les transports publics ne pose pas problème qu’au Japon, et on aimerait voir tant la RATP et la SNCF que les municipalités mettre en œuvre des solutions pour que les citoyennes puissent circuler sans risque à la nuit tombée. MARS 2002

SAFYA HUSAINI ACQUITTÉE

Le 25 mars, après des reports de procès, Safya Husaini a finalement été acquittée par la cour d’appel islamique de l’Etat de Sokoto, Nigéria. Elle avait été condamnée à mort par lapidation en octobre 2001 pour avoir mis au monde un enfant après son divorce, en vertu de la charia considérant les relations sexuelles hors mariage comme adultère, lequel « délit » est puni de mort. En ce qui concerne les femmes, bien sûr, ce qui laissait son violeur totalement libre. La décision finale a sans doute été due à la forte mobilisation internationale autour du cas de Safya Husaini, qui a eu les honneurs des « grands » médias. Souhaitons qu’elle ne se relâche pas, car au même moment, dans le nord du pays, une autre femme était condamnée à la lapidation pour adultère par une cour islamique. C’est un véritable bras de fer qui s’engage entre le gouvernement central du Nigéria, et ceux des douze Etats qui ont adopté la charia, et ont d’ores et déjà déclaré leur intention de ne pas suivre les directives nationales.

reconstruction et le développement des tante à la base et artisane de la paix dans la consolidation de la paix réside dans le renforcement du rôle des femmes dans le domaine de la sécurité et dans les pourparlers pour prévenir les violences dans le monde et pour consolider la paix. Quand je lui ai demandé ce qu’elle initierait comme action pour consolider la paix, dans le cadre du mois de mars qui est considéré comme mois de la femme, elle le souligne, convierait les femmes à prendre la parole, c’est-à-dire, qu’elle demanderait à un maximum de femmes dire dans un micro, ou devant une caméra, individuellement, leur façon de voir la guerre, sans question préalable, juste ce qu’elles ont envie de dire à ce sujet avec le temps qu’elles veulent pour le dire, un de ce que ça représente dans leur vie, dans celle de leur famille ou d’autres per« J’étais sur la barricade qu’on avait dressée avec mon amie de l’autre camp quand les soldats des deux camps nous ont vues. Ils se sont regardés quelques minutes avant de décider ce qu’ils allaient faire de nous. Nous, on s’est lancé un clin d’œil les soldats du 8e bataillon qui nous ont rattrapées et nous ont violées l’une après l’autre ». Des témoignages de ce genre, en

dats nous ont violées et nous ont trainées dans leur camp qui n’était pas loin du lieu du forfait. Nous sommes restées dans ce camp pendant un mois sous leur surveilnous. Ils nous violaient avec violence à tout moment et nous passions nos journées à pleurer et nous supplions Dieu


Kivu ».

elle se volatilise, tandis qu’un écrit, c’est fait pour être lu et pour réagir de l’une sur un support et a l’avantage de perdurer dans le temps et dans l’espace.

voire lorsqu’ils récusent certaines vertus,

la démocratie avec les potentialités dont elle est porteuse devient un vain mot. A ce moment il est vrai que les mots n’ont plus beaucoup d’importance. Parler, c’est bien gentil, mais si celui qui est en face de faire de toutes ces paroles que vous lui mais si les lecteurs ne retiennent rien, à quoi bon se concentrer dans les écrits ? Je m’interroge. La Pénélope rassemblerait tous ces témoignages sur un même support, c’està-dire un site web, ou un cdrom, n’impolitiques nationaux, internationaux, aux

en général, et en particulier ceux que les savent pas de quoi ils parlent. tant pour re-construire la paix (elle croit qu’elle n’est pas à consolider puisqu’elle n’existe pas) c’est de faire ressortir la mémoire des femmes et que cela passe par la mise en visibilité des savoirs ordi« les tripes » des femmes, ce qu’elles vivent, de plus quotidien, ce qui est le plus politique.

UNE FIRME AMÉRICAINE RENONCE À FAIRE APPEL DANS UNE AFFAIRE DE PROSTITUTION

Une firme américaine renonce à faire appel d’une décision la condamnant pour le licenciement abusif d’une salariée. Kathryn Bolkovac avait été renvoyée par Dyncorp après qu’elle ait alerté les autorités sur certains de ses collègues, des employés pour le maintien de la paix, impliqués dans le commerce du sexe en Bosnie. Dyncorp qui vient de remporter un contrat pour former les officiers de police en Irak souligne qu’il y a eu un « changement dans sa culture d’entreprise » et que désormais le personnel recruté pour travailler en Irak doit savoir que le trafic humain et l’implication dans la prostitution sont interdits. AOÛT 2003

ET TOUJOURS DES CRIMES D’HONNEUR

Le nouveau Parlement jordanien vient de refuser début août deux lois visant à donner plus de droits aux femmes. Pas de divorce donc sans le consentement du mari et pas de punition pour les hommes auteurs de crimes d’honneur, deux propositions de lois pourtant déposées par quelques députés. Rejetées en bloc par les intégristes qui les considèrent « contradictoires aux traditions et aux enseignements islamiques ». Rappelons que les crimes d’honneur constituent 25% de l’ensemble des homicides commis chaque année en Jordanie. Les femmes violées, les femmes enceintes sans mari, pour la plupart des adolescentes, sont ainsi tuées en toute impunité par leur famille, et leurs enfants retirés et mis à l’orphelinat.

49 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

aux mouvements sociaux, aux organisations de femmes, aux bailleurs de fonds, -

FÉVRIER 2003


Pour une diversité des résistances sage concernant les perspectives des la paix en s’adressant à tout le monde en

Non, c’est non !

fait d’être soi-même victime de violence

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et la guerre sont des inventions patriarlique ou réel. Dans le domaine du réel il s’exprime par le militaire, les armes et la qu’il faut toujours parler, mais aussi écrire, laisser des traces, pour qu’on ne puisse pas être suspecté ensuite de passivité, voire de déclin dans le domaine contamination épistémique, c’est-à-dire la pollution des pensées. Elle explique qu’avec la mondialisation, non seulement les négociations comme les actions pour les droits se font majoritairement en anglais, mais se font selon une pen-

appliquer partout, comme si elle était applicable partout. Or, elle pense qu’une solution valable au Vietnam par exemple, ne l’est pas en République Démocratique En tant que Pénélope, le message serait sité des résistances et résistons ensemble dans notre diversité contre l’ordre cette aune-là qu’elle pourra mesurer l’importance d’une paix retrouvée. Il s’agit là logue, du pluralisme et de la démocratie violences et aux guerres qui menacent et affectent le développement socioéma part, en tant qu’artisane de la paix, je pense profondément que ma parole, mes écrits et l’éducation que je transmets autour de moi, la lecture, tout autant que

guerre à travers le monde.


HUMEUR

Dénonçons le crime organisé — Joelle Palmieri, août 2000

51 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Si on vous disait qu’il faut remettre en cause le système guerrier et militaire, que la guerre et ses auteurs constituent le premier fief patriarcal à combattre. Si on ajoutait que la guerre appartient aux hommes qui ont toujours, au fil de leurs conquêtes, laissé derrière eux des bordels avant de faire le lit du tourisme sexuel (Vietnam, Corée, Amérique Latine…), que les femmes ont toujours été définies et représentées comme des victimes, non-actrices de leur destin. Disponibles en quelque sorte, bonnes à tout-faire, bonnes à baiser, bonnes à se taire. Si on vous en resservait une louche en affirmant que les milliers de soldats appartenant à une force armée soutenue par la communauté internationale sont fabriqués sur le mode identitaire du héros, pour qui l’ennemi c’est l’« autre », et dont la règle de conduite repose sur la haine ? Si on osait, sinon conclure, du moins proclamer avec véhémence, que toute violence faite aux femmes, et en particulier aux petites filles, est systématiquement le fait d’hommes et que cela procède d’une démarche fasciste ? Je crains fort que nous soyons traitées, une fois de plus, de furieuses qui exagèrent, ou encore que l’on nous reproche de dénoncer ce que tout le monde a déjà dit, en d’autres temps. Début août, un article du Monde relatait pourquoi Frank Ronghi, membre d’un régiment de parachutistes, appartenant à la force de maintien de la paix au Kosovo (KFOR), a été condamné à la prison à vie pour le meurtre d’une jeune Albanaise. Agé de 36 ans, ce vétéran de la guerre du Golfe a, le 13 janvier 2000, violé puis tué une petite fille âgée de onze ans, qui avait été placée sous sa protection, avant de dissimuler son corps dans des sacs de farine distribués par l’ONU ; des sacs qu’il a consciencieusement enfouis dans la neige. Comment ne pas relier cet acte d’apparente folie subite avec les pratiques des Serbes et en particulier à Srebrenica ? Ou encore avec celles des dictateurs chiliens ou argentins ? Comment ne pas lire cet assassinat comme un signe puissant d’une « folie » organisée et légitimée par l’état de guerre qui s’appuie sur la terreur, libère et suscite les pulsions les plus sanglantes, les plus enfouies ? Nos voix, même si les mots ne portent pas aussi loin et aussi forts que nous le voudrions, continueront de s’élever pour dire ce que chacun sait mais que le monde continue d’accepter : le fait que la guerre oppose systématiquement, dans un combat dont l’issue est toujours la même, des hommes armés à des femmes aux mains nues. Le fait que la guerre engendre une violence institutionnelle démesurée qui dépasse toute notion de camp, où s’exprime dans sa dimension la plus féroce la haine de l’autre, la haine des femmes. Sur le champ de bataille comme au lit des bordels.


Non, c’est non !

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OCTOBRE 2000

JANVIER 2002

DEMANDENT DES COMPTES

Depuis plusieurs années, de nombreuses recherches ont été menées sur la dialectique de violence sur laquelle sont construits les jeux vidéo et leur éventuel prolongement dans le psychisme des utilisateurs. Une étude de « Children Now » s’est orientée sur les rôles féminins. On y apprend que les femmes constituent 16% des personnages, dont plus de 50% dans des rôles passifs, voire décoratifs, et que 86% d’entre elles sont destinées à une violence unilatérale, sans possibilité de riposte ! De plus, ces jeux reproduisent le racisme structurel ambiant avec une forte prédominance de femmes noires dans ces victimes

Quinze Asiatiques ont porté devant la Cour de Washington les viols commis par les soldats japonais durant la seconde Guerre mondiale. Il y aurait eu quelque deux cent mille femmes réduites à l’esclavage sexuel, sans que la moindre attention ne leur soit accordée après la fin du conflit. Cinquantecinq ans plus tard, le gouvernement japonais devra répondre de ces exactions. Certaines des victimes ont pu exprimer leurs souffrances à travers l’art. Une exposition de leurs œuvres a lieu actuellement à Los Angeles, et partira fin octobre pour Philadelphie.

SEXISME, RACISME, ET JEUX VIDÉO

HUMEUR

A qui profitent les guerres ? — Dominique Foufelle et Joëlle Palmieri, septembre 2002

Jadis, on déclarait les guerres sur le mode franchement expansionniste : ôte-toi de là, que je m’y mette. Puis on y ajouta un « sus aux méchants ! », qui apaisait l’éventuelle conscience des combattants. La société ayant gagné en raffinement, il a fallu inventer d’autres alibis guerriers, qui ne heurtent pas de front les droits humains internationalement reconnus. Le concept de guerre propre n’a pas obtenu le succès escompté – un peu trop invraisemblable, tout de même. Celui de guerre humanitaire était déjà plus subtil ; et il a bien pris, un temps, quand il s’agissait, nous disait-on, de « libérer » les Afghanes. Voici maintenant arrivé le concept de guerre préventive et donc la guerre sans limite. Lumineux ! Ma grand-mère a cru que la Première guerre mondiale serait la dernière ; durant la Seconde, elle tirait des corbeaux pour agrémenter les topinambours ; si elle vivait encore, qu’on parle de « guerre préventive », et elle lèverait les yeux au ciel. Avons-nous perdu tout bon sens pour croire qu’une catastrophe peut entraîner des bienfaits ? Si une chose a changé dans les conflits, c’est l’ampleur des profits. Considérables, une vraie mine d’or. Qui profite à qui ? Combien d’argent public investi dans l’armement, qui pourrait l’être, par exemple, dans l’éducation pour un monde sans violences, dans la santé pour éradiquer le virus du sida, dans la nutrition pour interrompre la famine ? Hormis les raisons semi-avouées d’un tel acharnement, la mainmise sur les réserves pétrolières ou plus largement énergétiques, n’y aurait-il pas un dessein plus pernicieux ? La question est sérieusement à l’ordre du jour d’autant que chaque heure qui passe nous déverse son lot de mauvaises nouvelles. Après l’échec du Sommet de la Terre à Johannesburg, le scénario des célébrations du 11 septembre, ne sommes-nous pas en train de subir un sérieux lavage de cerveau destiné, a minima, à nous rendre complètement myopes et amnésiques ? Disons-le haut et fort : nous vivons un tournant. Celui de la fin du processus onusien (des Nations Unies) et l’entrée dans l’ère de l’acceptation « universelle » de l’hégémonie nordaméricaine. Si les mouvements sociaux, quels qu’ils soient – femmes, jeunes, chômeur-ses, sans-terre, sans-papiers, sans-logis, syndicalistes… –, ne s’unissent pas pour faire front…


désignées, et aucune afro ou latino américaine dans les rôles actifs. Seules les blanches du type Lara Croft tirent leur épingle du jeu ! « Children Now » en appelle en conséquence à la vigilance des parents, mais aussi à l’éthique des concepteurs, invités à imaginer des jeux valorisant ces communautés défavorisées de la représentation sociale : femmes, noirs, latinos… NOVEMBRE 2002 En représailles contre l’attitude de la Zambie qui refuse l’aide alimentaire génétiquement modifiée, les Etats-Unis refusent de livrer de la nourriture non génétiquement modifiée à la Zambie, sur laquelle pèsent pourtant de grandes menaces de famine, alors que des centaines des milliers de tonnes de céréales non OGM sont disponibles en Amérique et ailleurs. Ces quantités suffiraient à éviter la famine. MARS 2004

LES PALESTINIENNES GRAVEMENT ATTEINTES PAR L’OCCUPATION ISRAÉLIENNE

ESCLAVES INVISIBLES

Il y aurait aux Etats-Unis cinquante mille femmes et enfants maintenus en état d’esclavage sexuel. Selon un récent rapport CIA/Département d’Etat, plus de cent mille femmes étrangères auraient été vendues durant ces deux dernières années. Cependant, moins de deux cent cinquante cas sont arrivés devant les tribunaux. La Chine a lancé une campagne nationale contre le trafic de femmes et d’enfants. Mais il semblerait qu’une partie de la population ne trouve rien à redire à ce commerce, tant vendre les jeunes filles appartient à la tradition chinoise. JANVIER 2002

CAMPAGNE ÉLECTORALE SANGLANTE AU CAMBODGE

Comme chaque fois, les élections locales sont l’occasion de violents affrontements au Cambodge. Premières victimes, deux candidates du parti féministe ont été assassinées, et le parti fait l’objet de menaces répétées, sans que les autorités semblent s’en préoccuper. Seul embryon de reconnaissance, le gouvernement a autorisé une manifestation soutenue par l’ONG « Women For Prosperity » à la mémoire des deux femmes, et en protestation au sexisme politique qui sévit dans le pays. MARS 2002

ECHANGE JEUNE FILLE CONTRE FARINE

La Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC) rapporte que dans les provinces d’Hérat et de Farah, à l’ouest de l’Afghanistan, des jeunes filles ont été échangées contre des sacs de farine. Les membres des missions ont également vu des enfants manger des feuilles d’arbre et déterrer des racines pour se nourrir. MAI 2004

PALESTINIENNES ET ISRAÉLIENNES UNIES CONTRE LE MUR

Cinquante Palestiniennes accompagnées d’Israéliennes et d’activistes pour la paix venues de différents pays, ont défilé dans les rues de la ville de Biddu. Marchant, une fois encore, main dans la main, reprenant des chants pacifistes en arabe et en hébreux, elles ont tenté de rejoindre le site de construction du mur de séparation qui à terme entourera la ville. Elles ont finalement été stoppées par un groupe de soldats israéliens. Encouragées par le succès de l’expression non violente de leur opposition à la construction du mur, ces femmes sont ensuite retournées à la mairie de Biddu afin de planifier de futures actions conjointes.

53 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Selon une étude récente des Nations Unies, les politiques répressives d’Israël en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ont un impact dévastateur sur la vie des Palestiniennes et de leurs enfants. Les femmes sont de plus en plus dépendantes des aides humanitaires et se retrouvent à la tête du foyer en raison de la « mort, de l’emprisonnement ou du chômage des membres masculins des ménages ». L’étude cite l’Unicef selon qui 38% des mères témoignent de difficultés accrues pour accéder aux services de santé et 65% de la dégradation de la qualité de leur nourriture. En raison des politiques israéliennes d’encerclement, de nombreuses femmes accouchent chez elles ou dans des ambulances, entraînant des complications sanitaires ou des décès (24 femmes et 27 nouveau-nés depuis juin 2003). Par ailleurs, l’économie palestinienne a continué à accumuler des pertes. En mars 2003, le nombre de pauvres avait triplé passant de 637 000 en septembre 2000 à presque deux millions, et plus de 50% de la main d’oeuvre palestinienne était sans emploi, selon la Banque mondiale.

MAI 2000


Non, c’est non !

NÉOCOLONIALISM ET DOMINATION MASC

54

Aller du web au livre comme Les Pénélopes l’ont proposé en 2011 me semblait une initiative d’avant-garde en cette époque où tout nous pousse vers la communication électronique au dépend du papier. d’actualisation de nos anciennes discussions sur les effets politiques, lire publics, de communication en train de s’installer dans les sociétés industrialisées d’Occident quand le site des Pénélopes a vu tait comme l’emblème du progrès et de la civilisation, et, politiquement, comme un outil pour renforcer la démocratie. On le considérait comme un instrument

Née en Colombie où elle a étudié puis enseigné la sociologie et l’anthropologie, le contexte des années soixante-dix a vite poussé Béatriz Velez à devenir

de la corporalité, elle a cherché ce qui fondait le modèle féminin d’identité traditionnelle résumée dans les images de mère, épouse ou religieuse. Elle s’est masculine et ses enjeux dans le soccer au sein de l’actuelle société du spectacle culturel.

permettre une communication mondiale lopes, m’allumait.

du droit fondamental à l’information et à la parole. En tant que féministes, les ouvert et à conquérir l’occasion de développer un projet politique de femmes et pour les femmes, sans ignorer que l’utilipar la connaissance en lien avec la domination patriarcale.

certains courants sociologiques, opère comme un récit fondateur de la modernila société moderne parce que ce peren faisant l’exploration du monde. En allant au-delà les frontières de la demeure

contrées pour la première fois vers 1997 lors d’un de mes passages en France. La proposition des Pénélopes m’avait

agence de presse politique et féministe par Internet allait contribuer à ébranler le

contre pendant son aventure. Tout en appelant à sa raison éclairante, il réussit à surpasser de grandes épreuves qui lui sont tendues par de puissants ennemis, souvent d’apparence naturelle ou féminine, qui veulent le soumettre à leurs se transforme en dominateur grâce à sa


ME CULINE capacité d’auto-contrôler ses émotions et ses désirs. En les dominant, il prouve ner les risques, calculer ses pas et prendre les décisions convenables. Dans la tête -

tions, réussit à vaincre les pouvoirs féminins et colorées qui sont réduits au rang de la nature menaçant le progrès. Une lecture au féminin de ce récit

la parfaite combinaison pour aller loin. à la domination de la nature qu’à l’abandon de sa demeure, sa femme et son enfant. Le récit oppose le monde

nature. Il transmet le message que les secrets de la connaissance, un préalable trouvent loin de l’origine et au-delà de ce qui nous a vus naître. de sagesse que représente incarné

par

sa

femme,

la nature impétueuse et est capable de la soumettre sans renoncer de celle qui est annoncée à ceux (plutôt celles) qui, imparfaites, continuent à manquer d’auto-contrôle et restent soumises aux pouvoirs naturels. fondements de la société industrielle entraîne plusieurs questions. D’abord

entendu comme le contrôle de la nature par la raison. Ensuite, celle du contenu

se tourne vers le recueillement dans son être et dans son univers de tissus. Tout en se souciant de se maintenir à l’écart des intrigues du pouvoir, Pénélope personni-

qui représente la connaissance liée à un priation et de la tromperie. Pourtant le récit ouvre la porte à un fertile paradoxe, car même s’il vante l’action rationnelle et

-

55 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Le récit oppose le monde et le foyer, la culture et la nature. Il transmet le message que les secrets de la connaissance, un préalable pour devenir humain, se trouvent loin de l’origine et au-delà de ce qui nous a vus naître.


HUMEUR

Tétanie contre terrorisme Non, c’est non !

— Joëlle Palmieri, mars 2002

56

Et pendant que je suis encore debout, j’aimerais m’attarder sur l’observation de techniques de répression qui me semblent de plus en plus sophistiquées. Pour lutter contre le « terrorisme international », les grands de ce monde ont toujours mis en œuvre des stratégies de tétanisation des populations, en particulier en les appauvrissant ou/et en détruisant toute possibilité de déplacement. Force est de constater que tout procède d’objectifs économiques. La technique la plus évidente est celle de la guerre, comme en Afghanistan ou au Rwanda, suivie de très près par l’embargo, comme en Irak ou à Cuba, par la dictature, comme en Europe centrale ou de l’Est, par l’endettement et les politiques d’ajustement structurel, comme en Argentine, par le désengagement des pouvoirs publics, comme à Madagascar, ou par l’asphyxie économique, comme en Palestine, où les conduites d’eau sont éventrées, les routes éclatées, les permis de circulation refusés, supprimant tout déplacement et rendant donc toute activité économique impossible. Ce qui lie l’ensemble de ces agressions : un système basé sur quatre piliers : un pouvoir hégémonique, qu’il soit financier ou politique ; la recherche du profit maximum au mépris de l’intérêt général et du bien commun, pour la promotion du bénéfice individuel et particulier ; le développement constant d’une industrie prospère, celle de l’armement ; la complicité de la mafia. En bon combattant aguerri, le système dominant, aujourd’hui libéral, ne baisse pas la garde, ne néglige aucun front et les risques encourus sont réels. Parmi les pistes sérieuses à suivre, la contamination des esprits, y compris parmi les contestataires, par la sémantique et l’usage du singulier. Les patrons, les politiques, les économistes et bien d’autres, nous harcèlent avec le marché, l’Economie – avec un grand « e » -, la diversité, la richesse, le sexe, la mondialisation alors qu’il y existe des marchés, des économies, des diversités, des richesses, des sexes, des mondialisations…Et pour ne pas en perdre une miette, le maintien du patriarcat, assise de ce système pyramidal, organise la reproduction de la division du travail, des modèles verticaux et hiérarchiques, le tout fondé sur les violences, avec la grande complicité de tous, au mieux l’indifférence silencieuse. Cqfd. Ouf ! Alors, à quand la tolérance zéro ? Il est temps d’utiliser de nouvelles grilles de lecture, en inversant les évidences, en se posant pour tout et systématiquement la question « A quoi ça sert ? ». Peut-être un moyen de passer à la conjugaison au féminin pluriel.


cliter son orgeuilleux destin, n’est rien demeure, l’origine, l’ineffable, le rêve, la fantaisie. Je trouvais fascinante l’initiative politique de nos Pénélopes qui, en inversant la trame du récit fondateur, s’aventuraient à nous faire plonger, nous femmes de tous les coins de la planète, dans cet univers méconnu de la communication Pénélopes en dissidence avec le modèle

dévouée. De nouvelles Pénélopes qui de la politique par et pour les femmes, et nous proposant de rentrer dans cet insondable monde d’information globale tout en nous rendant protagonistes de la nouvelle intéressante. OCTOBRE 2000

SINISTRE RAPPORT DU FNUAP

FÉVRIER 2002

LES DERNIÈRES MINUTES DE SEMIRA ADAMU

Sémira Adamu est décédée le 22 septembre 1998. Etouffée sous un coussin, par l’équipe de gendarmes chargés de l’escorter durant l’expulsion. Elle avait vingt ans. Elle s’était enfuie du Nigeria parce que l’on

des sociétés industrielles dont le but prioritaire semblait être d’engager toutes les pour les sociétés organisées suivant des formes de vie, de productivité et de communication ancrées dans des logiques de connaissances différentes. Pour celles-ci nologie moderne s’imposait car introattention aux conditions locales, pouvait mener à un régime de société tributaire d’une idéologie autoritaire, unilatérale et

tentait de lui faire épouser de force un sexagénaire dont elle aurait été la quatrième femme. Le 25 mars 1998, elle arrive en Belgique ; l’accès au territoire lui est aussitôt refusé. Tout ce qu’elle a connu de la Belgique se limite à l’aéroport et à un centre fermé pour « étrangers illégaux ». C’était la sixième fois que les autorités belges tentaient de l’expulser. La Convention de Genève ne prévoit rien pour les cas de maltraitance des femmes… MARS 2002

PAR DES TRAVAILLEURS HUMANITAIRES

Des femmes et surtout des jeunes filles sont victimes d’exploitation et d’abus sexuels de la part de travailleurs humanitaires des agences internationales et ONG. Une enquête menée par le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) et l’ONG Save the Children sur mille cinq cents personnes en Guinée, Liberia et Sierra Leone, fait état d’abus par soixante-sept travailleurs représentant quarante agences et organisations. La plupart des victimes sont des adolescentes de 13 à 18 ans pour lesquelles un rapport sexuel reste la seule option pour obtenir de la nourriture, des médicaments ou une formation. On attend une punition exemplaire pour les auteurs de ces viols. Un plan d’action d’urgence est mis en place où figurent un renforcement de la sécurité, une augmentation de la présence internationale et l’accroissement du nombre de travailleuses humanitaires.

57 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Les chiffres du dernier rapport du Fonds des Nations Unies pour la Population sont alarmants : plus de cinq cents femmes meurent chaque jour à travers le monde des complications liées à la grossesse. Environ 1/3 des quatre-vingt millions de grossesses estimées annuellement, sont involontaires ou non désirées. Une femme sur trois est violentée au cours de sa vie, le plus souvent par un proche. Les femmes sont davantage exposées que les hommes à l’infection par le VIH/ sida et en Afrique, le nombre de femmes séropositives dépasse de deux millions celui des hommes. L’exploitation sexuelle des femmes est le domaine du crime organisé qui se développe le plus rapidement et deux millions de filles de moins de 15 ans sont obligées, chaque année, de se livrer à la prostitution. Cent trente millions de jeunes filles et femmes ont subi des mutilations génitales. Cinq mille sont victimes chaque année de « crimes d’honneur », la plupart du temps après le « déshonneur » d’avoir été violée. Quatre millions sont achetées ou vendues chaque année pour le mariage ou la prostitution ou l’esclavage.

Colonialisme économique et cannibalisme de la différence


Dans ce cadre, l’avenir de la population féminine s’avérait inquiétant, car même

et équitable pour les femmes.

Non, c’est non !

voir entre les peuples, les cultures et les genres demandait d’autres connaissances

58

un équilibre de pouvoir, il fallait respecter le principe d’une reconnaissance de la diversité et de la multiplicité des logiques et des savoirs. Ma sensibilité de femme pensante me rappelait que l’imposition d’un modèle cognitif et la suppression de la diversité s’apparentait avec la domination de l’Un sur l’autre. En imposant

HUMEUR

Intégrismes : toutes voiles dehors ! — Joelle Palmieri, octobre 2003

On aurait pu croire que le monde était tombé sur la tête mais… il l’est déjà, sur la tête. Un exercice d’équilibre ? Un test d’apesanteur ? Une hypothèse de travail ? Pour amortir cette stature, plusieurs sparadraps ou prothèses : l’affaire du voile en France, un mur de l’apartheid en Israël, la victoire du populisme en Suisse, la réforme du code de la famille en même temps que l’enfermement de supposés terroristes au Maroc, le retour du hijab en Irak, la lente agonie d’un pape qui trouve néanmoins le moyen de l’ouvrir contre le mariage homosexuel et le port du préservatif et de faire passer ses consignes à la Commission européenne… j’en oublie, j’en oublie. Ce que tous ces pansements ont en commun : la haine et la peur de l’autre, comme un dogme, un concept, une ligne de conduite. La stigmatisation de l’autre comme un ennemi potentiel, un terroriste qui sait ?, un suspect. Un ciblage sexuel précis : les femmes. De fait, on assiste à un glissement du collectif (les sociétés) à l’individuel, du social-politique au religieux. En ramenant tous les problèmes, qu’ils soient sociaux, culturels, territoriaux, économiques, au religieux, on dépolitise le débat, on communautarise le système dans lequel on vit, le capitalisme. On participe de son entreprise constante de division, sociale, sexuelle… En proposant une loi sur le port du voile dans les écoles, le gouvernement français joue au scrabble géant. Il fait mot compte double auprès de certaines féministes qui ne peuvent que soutenir une position contre les discriminations faites aux femmes. Il fait mot compte triple avec la gauche qui essaie de se ramasser autour d’un fait de société : la laïcité. Il fait mot compte quadruple avec Le Pen, toutes familles confondues, qui attend patiemment et avec délice les prochaines élections. Il fait mot compte quintuple avec les islamistes qui se frottent les mains, en attendant que les « masses » se réveillent, puisqu’on est sur leur terrain, celui du séparatisme, de l’ethnicisme, de l’embrigadement, de la xénophobie, du racisme… et que les accords entrepris avec la « communauté musulmane de France » par Sarkozy en début d’année se poursuivent. Cette montée des intégrismes et des nationalismes partout, ce racisme et ce sexisme assumé par des populations entières, démontrent une véritable crise en plus d’un réel danger. Un mot peut compter décuple : résistance !


duites en série, l’expansion économique de l’Occident a donné lieu à ce qu’on reconnaît comme étant un néocoloniavivance des formes de savoir-faire et de

trales du capitalisme. généisation de la diversité culturelle qui est en train de s’épuiser ou de perdre sa diversité culturelle propre au neocolonialisme et critiqué par la sociologie se joint à certains courants féministes. La scienla domination par la connaissance a été

JUIN 2000

LE COMMERCE D’ABORD !

Création du premier centre commercial réservé exclusivement aux femmes à Abu Dhabi, capitale de l’émirat éponyme. Les femmes peuvent tester parfums et maquillages sans être voilées de la tête aux pieds. Saeed Mohamed al Hameli fondateur de la « Zone Elle » (She Zone) veut ainsi offrir aux femmes arabes intimité et loisirs. AOÛT 2002

VIOLS ET OBSCURANTISME

En Afrique du Sud, le pays qui compte le plus grand nombre de séropositifs (ving-huit millions), l’augmentation disproportionnée des viols d’enfant relève de l’horreur. Fin juillet une petite fille d’une semaine était violée… La croyance selon laquelle les hommes se débarrassent du sida en ayant des relations sexuelles avec des vierges est extrêmement répandue et encouragée par les guérisseurs ou les sorciers. Ainsi, selon des sources policières, vingt-etun mille petites filles ont été victimes de ces pratiques l’année dernière et 15% des viols concernent des enfants de moins de 11 ans. FÉVRIER 2004

consacrer qu’à vouloir conserver les paramètres établis par le rationalisme depuis

dû combattre les pouvoirs institutionnels

reconnaitre que la complexité et la diver-

Le ministre israélien du Tourisme, Benny Elon, par ailleurs rabin, a appelé, sur une radio publique, les groupes fondamentalistes chrétiens à convertir les musulmans pour combattre le terrorisme. Soulignant qu’il parlait à titre personnel, il a déclaré qu’« il serait mieux que ces personnes soient converties au christianisme ». Mais, a-t-il précisé, les fondamentalistes chrétiens devraient « répandre la bonne parole » à condition qu’il ne cherche pas à convertir les juifs. Elon a ajouté que dans le passé, il croyait que l’Islam était plus proche du judaïsme que du christianisme, mais qu’il avait changé d’avis.

tion. De plus, cela conduit la connais-

JUIN 2004

l’existence d’un enjeu d’intérêts. Face à l’uniformisation des contenus de la réalité, des groupes de femmes du monde entier s’empressent de créer des nouvelles formes de contestation de cette uniformisation. Elles ont déjà appris à douter que le Père a toujours raison, car souvent sa raison est la plus déraisonnée. Voilà ici de nouvelles épistémès pour de nouvelles Pénélopes.

Dans une réunion qui s’est tenue au Vatican début juin, le Pape Jean-Paul II a félicité le Président Bush pour son action contre le droit à l’avortement aux Etats-Unis. Francis Kissling, Président de l’association des Catholiques pour le libre choix, accuse le Vatican de ne pas comprendre le principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Selon cette association, 82% des catholiques pensent que l’avortement devrait être légal sous certaines conditions.

C’EST LE GRAND AMOUR !

59 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

lisme culturel risque de n’apporter qu’une

COMME MOYEN DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME


HUMEUR

Viva la muerte

Non, c’est non !

— Anne Toromanoff, mars 2004

60

« C’est un grave coup porté à la démocratie espagnole. » Ça, c’est ce que j’entends sur France Inter alors que je tape mon humeur sur le clavier. C’est juste, mais à mon avis, cela va bien au delà du « coup porté à la démocratie », même « grave ». Ceux qui ont imaginé et commis les attentats de Madrid aiment la mort. Comme les autres intégristes des religions monothéistes qui sévissent ça et là dans le monde, les malades à l’origine des attentats de Madrid n’aiment pas la vie, ni la joie et les jouissances qu’elle peut procurer. Le corps, ils le supportent déchiqueté, sanglant, mort. Y compris celui – vivant – de leurs « martyrs », qui, enfin morts pour la bonne cause, accèdent au paradis et aux vierges à déflorer gratos. Le corps des femmes non plus, d’ailleurs, ils ne l’aiment pas puisqu’ils veulent qu’elles le cachent, que pas un cheveu, pas un centimètre carré d’épiderme, ou de tout autre manifestation d’humanité, de vie, de liberté ou de plaisir n’émerge et ne pousse le reste de l’humanité au péché. Car voilà le problème : les femmes sont l’incarnation du péché, elles empêchent les hommes de se consacrer à Dieu. Si c’était vrai, du reste, ils devraient nous remercier de leur éviter de perdre leur temps. La vie est trop courte pour ça. Une interprétation perverse de textes religieux, dont le moins qu’on puisse en dire est qu’ils ne poussent de toutes façons ni à la liberté des masses ni à l’épanouissement individuel, alliée à une bonne dose d’inhibitions en tout genre, de haine pour la démocratie, pour l’Europe, pour l’humain et pour la vie, ont aboutit, le 11 mars, comme toujours, à la barbarie. Quelles réponses apporter ? De la réflexion, de l’imagination, de l’intelligence, des sentiments, de la solidarité, de la générosité, du respect de l’autre… au service de la politique. Pour que d’autres relations internationales émergent, que l’horreur recule (elle est parfois aussi économique, ne l’oublions pas) et que la barbarie tombe enfin dans l’oubli. La vie est belle, elle pourrait l’être, en tout cas, si on ne nous la pourrissait pas. Si, une bonne fois pour toutes, les religions utilisées pour nous (« nous » masculin et féminin) culpabiliser, nous entraver et nous tuer disparaissaient sans que l’on ne soit jamais plus sommé-e d’avoir à adopter l’une de ces doctrines obscurantistes.


OCTOBRE 2001

FÉVRIER 2004

Le lobby des armes a bien sûr fait son miel des attaques du 11 septembre ! Déclaration de Duncan Maxwell Anderson : « Pas une police, pas une armée ne peut protéger le peuple, si elle a été émasculée de toutes ses armes. L’ordre ne peut survivre là où les hommes en particulier ont abandonné l’idée qu’il est juste et bon d’être équipés pour se défendre et protéger les innocents. » Emasculé ? Diantre ! Au moins les troupes seront-elles dans l’incapacité de violer les civiles.

AUX MUTILATIONS GÉNITALES

RENDEZ-NOUS NOS ZIZIS !

MARS 2002

PLUTÔT BRÛLÉES QUE DÉVOILÉES

Quinze écolières d’Arabie Saoudite sont mortes étouffées ou brûlées vives, et cinquante autres ont été blessées, le 11 mars 2002, dans l’incendie qui a ravagé leur établissement scolaire de La Mecque. Le carnage aurait pu être évité, si les miliciens de la Commission de la promotion de la vertu et de la prévention du vice n’avaient empêché les secours d’évacuer les jeunes filles. Motif : les approcher constituait un péché. Le gardien ne l’établissement s’est rangé à leurs côtés, bloquant la porte pour que les jeunes filles ne puissent pas sortir. Motif : elles ne portaient ni le voile, ni la longue robe noire de rigueur. Fait exceptionnel, la presse saoudienne a critiqué l’intervention criminelle de la police religieuse. Amnesty International a demandé des explications à l’Arabie Saoudite.

En 2001, Zahara une Somalienne, et Annalena, une Italienne, ont crée un mouvement de lutte contre les mutilations génitales. Annalena était l’étrangère la plus connue de Somalie. Pour leur campagne elles utilisaient tous les moyens à leur disposition : réunions, vidéo, sensibilisation dans les écoles, et même les prêches du vendredi à la radio. Leur but était d’expliquer que l’excision n’est pas une obligation religieuse et d’informer sur tous les risques médicaux qu’elle engendre (infections, complication lors de l’accouchement, enfants morts-nés, etc.). Aujourd’hui Annalena est décédée : en octobre 2003, elle a été assassinée dans l’hôpital qu’elle avait créé par un homme qui désapprouvait les propos de cette étrangère. Ses ami-es et collègues sont désemparées mais doivent continuer à se battre. En effet, en Somalie, 95% des femmes sont encore victimes de mutilations génitales (infibulation, soit la suture des grandes lèvres de la vulve, pour la grande majorité) et on estime à cent trente-cinq millions le nombre de femmes ayant dû subir cette pratique en Afrique actuellement.

SEPTEMBRE 2003

LES FEMMES DE GI BATTUES ENFIN PROTÉGÉES

61 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Une nouvelle loi vient d’élargir les mesures de protection des civils aux bases militaires comblant ainsi un grave manque dans la législation contre les violences faites aux femmes. Cette loi a été votée à la suite d’une série de cinq meurtres de femmes ou ex-femmes de militaires en été 2002 au Fort Bragg en Caroline du Nord. Jusque là, les femmes harcelées ou battues dans une enceinte militaire, au travail ou dans leur foyer, devaient convaincre le commandant de la base de leur assurer une protection militaire. Avec cette loi, elles peuvent bénéficier de la protection civile en court-circuitant la hiérarchie de l’armée. Reste à voir comment cette loi sera appliquée et acceptée par ces militaires…


LE HARCÈLEMENT UNE AFFAIRE DE DOM Non, c’est non !

-

sexuel. Parfois même c’est le terme qui moral, plutôt que sexuel. En 2012, la loi

62

Depuis qu’elle a quitté la profession Corinne Provost se consacre à la photographie. L’association Emulsion qu’elle a créée utilise ce média pour promouvoir l’égalité femmes/hommes, à travers des actions créatives incluant des femmes Syndicaliste militant particulièrement pour l’égalité professionnelle, elle soutient les personnes victimes de harcèlement au travail.

constitutionnelle, et ce, par la pression de détracteurs, laissant pendant quelques mois un vide juridique dramatique. Fin juillet 2012, une nouvelle loi vient d’être votée qui, bien qu’encore perfectible a été améliorée …

ment de cette prise en compte et contribué à la valorisation de la résistance des femmes à ces persécutions sexistes partout dans le monde ? -

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je comprends que l’agence, comme organisation féministe, n’a pas en tant que mesures législatives en France. Elle me

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Le harcèlement n’est qu’une facette du problème. On ne peut l’extraire de la panoplie des violences faites aux femmes. Le prendre isolément ou « en soi », serait réducteur de la compréhension des violences faites aux femmes dans leur globalité.

avons informé, paravec les associations qui militaient sur ces questions et travaillaient à l’élaboration des lois. Nous avons notamment été en contact avec l’AVFT, avons transmis et diffusé leurs initiatives, campagnes l’oppression des femmes et leurs résistances ». Dans leurs colonnes, les Pénélopes rendaient également compte de comment ces questions


T, MINATION HUMEUR

Présumées consentantes — Dominique Foufelle, février 2002

63 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Les flics violeurs d’Albi ont été relâchés dans la nature. Ils avaient été condamnés le 24 janvier, à trois ans de prison ferme pour trois d’entre eux, dix-huit mois avec sursis pour le quatrième. Ils ont fait appel, et voilà les compteurs remis à zéro ; nos condamnés redevenus prévenus bénéficient de la présomption d’innocence. C’est la loi – sauf qu’elle n’est pas appliquée de la même façon pour tout le monde. Les braves garçons ne contestent pas les faits. Affirmatif, ils se sont bien envoyé Laetitia, 19 ans, venue leur demander protection contre les violences de son ex-concubin. Mais pourquoi le leur reprocher ? Elle était consentante. Le pire, c’est qu’il se peut qu’elle ne leur ait guère opposé de résistance. Une jeune fille violée à l’âge de 14 ans, soumise à des violences, vivant selon le président de la cour d’appel de « prostitution occasionnelle », possédait-elle encore la force de résister aux assauts des représentants de l’ordre et de la loi ? Si par « consentant-e », on entend écrasé-e par la peur, la honte et le dégoût, alors, monsieur Badinter a bien raison de demander davantage (encore) de clémence pour les clients des prostitué-es mineur-es ! Que les pères emprisonnés pour inceste se soulèvent et réclament justice ! Car, enfin, leurs enfants ne sont-ils pas restés muets tandis qu’ils les sodomisaient ? Et qui ne dit mot consent, c’est bien connu. Les cris, les pleurs, les regards affolés, ne sauraient être pris pour des refus. Le faible a tort de l’être. Circulez ! Et que fait Laetitia tandis que ses agresseurs fêtent leur libération ? Allez savoir, elle a disparu. Le pied de grue sur un trottoir, gagneuse d’un quelconque minable qui lui file des taloches avec son consentement ? A moins qu’elle n’ait enfin consenti à accepter un emploi précaire pour un salaire misérable ? Ou peut-être attend-elle, consentante, la mort au bout d’une seringue, au hasard d’une rixe, dans un fossé gelé. Eh ! oui, monsieur Badinter, il n’y a pas que la guillotine qui tue ! Messieurs les juges qui avaient libéré les flics violeurs, consentiriez-vous à une vie de consentement ?


DÉCEMBRE 2001

BRUTALES

Non, c’est non !

Une enquête de la Feminist Majority Foundation confirme les observations déjà faites par la police et les féministes : les femmes officiers usent nettement moins de la violence lors des interpellations. Représentant 13% des effectifs, elles ne totalisent que 5% des plaintes des citoyens contre les violences policières, et 2% des abus avérés. Les femmes officiers parviennent mieux à calmer les conflits par le dialogue. Et le fossé irait s’élargissant.

64

MARS 2002

POLICIERS VIOLEURS DU SRI LANKA

Les témoignages de viol en réunion de la part des membres de l’armée, de la police et de la marine ont augmenté de façon significative au Sri Lanka l’an dernier, d’après le nouveau rapport d’Amnesty International. Cette organisation a des preuves de cas où des femmes ont été battues, se sont vues déchirer leurs vêtements et violées. En majorité, ces cas interviennent dans le cadre du conflit armé opposant les forces de sécurité et les Tigres tamouls de Tamli Eelam qui se battent pour une région autonome au nord-est de l’île. Les victimes sont surtout des personnes déplacées. La difficulté réside dans le fait que la police, les magistrats et les médecins ne traitent pas le problème et font échouer l’instruction de l’affaire. Et le gouvernement de Ranil Wickremasinghe ne fait rien non plus pour le régler.

taient et comment elles étaient débattues dans les organisations, au cœur du monde du travail. tions qui agissaient auprès des ministères de tutelle, les Pénélopes servaient de ressources et contribuaient à cette prise en compte de ce que je considère être des violences faites aux femmes. tude, tient à élargir le sujet, qu’elle m’a pourtant imposé. Le comble ! Je m’acfacette du problème. On ne peut l’extraire de la panoplie des violences faites aux femmes. Le prendre isolément ou « en sion des violences faites aux femmes dans leur globalité. Elles sont au service du

fait partie d’un ensemble de violences qui

AOÛT 2003

JUSTICE POUR LES FEMMES KENYANES

En trente ans, l’armée britannique, installée pour entraînement au Kenya, y aurait perpétré plus de six cent cinquante viols, dont la moitié sont collectifs. Les témoignages de ces femmes n’ont jamais été écoutés, mais le silence des autorités est en passe d’être brisé. Un collectif de femmes prépare une action en justice, avec l’aide d’un avocat anglais. De son côté, Amnesty International lance un appel au gouvernement britannique pour qu’il constitue enfin une commission indépendante et impartiale sur ces centaines de viols commis par ses soldats. Selon l’association internationale, il est temps de mener des investigations sérieuses, de traduire les coupables devant les tribunaux et d’obtenir enfin réparation pour les victimes.

anecdote rapportée d’une formation à des cadres de ministères africains de l’environnement à qui elle avait demandé ce que cette terminologie recouvrait. Un des faite « aux domestiques ». No comment ! de genre.

incluent donc les violences sexuelles, leur répétition, leur dissémination et leur banalisation, sont des violences intrusives au niveau de la pensée. Elles participent bition. Elles s’inscrivent dans un tout construit qui tolère les rapports de domination, de classe, de race, de genre. Elles reproduisent, nourrissent et renforcent les inégalités des rapports sociaux de


aura tout de même réussi à nous faire de ce rapport de force, de domination, où “l’autre” est objet, nié en tant que sujet à égalité de désir et de droit de vivre plei-

bouclée. Nous sommes à la fois étonnées et comblées. Nous continuons. Nous nous mettons d’accord sur le fait que nous reconnaissons ces rapports d’exploitation/domination dans les rapports de colonisation. L’exploitation sexuelle en est d’ailleurs constitutive et dans des rapports sociaux au travail

vail, la pulsion sexuelle du dominant pose une forme de subordination sexuelle, forme la plus extrême de domination, d’exploitation de l’autre ». La boucle est

noirs salariés en témoignent. Ensuite, nous admettons de concert que les rapcal, les violences de genre, ne sont pas

HUMEUR

Quel ordre moral ? — Dominique Foufelle, août 2002

65 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

On va encore dire que je ne suis jamais contente : l’avalanche d’articles sur la prostitution dans la presse estivale ne m’a pas enchantée. J’ai eu comme la désagréable impression qu’on me traitait de gardienne de l’ordre moral. Ça m’a fichu un coup de vieux ; jusqu’à présent, on m’avait plutôt traitée de débauchée. J’ai interrogé ma conscience, j’ai interrogé mon amant (je n’ai pas interrogé mes copines, forcément partiales). Suis-je devenue une prude, une sainte-nitouche, une coincée, frustrée, castratrice ? ai-je demandé. Deux sondés sur deux ont répondu : non. Et pourtant, je le confesse : je refuse d’accepter la prostitution comme une fatalité. Je persiste à penser qu’elle n’est pas compatible avec la dignité humaine, pas avec celles des hommes non plus. Je m’entête à croire qu’elle n’apporte de plaisir à personne, pas même aux clients. En fait, vous avez raison, je défends un ordre moral. Mais pas celui qu’on fait semblant de croire. A mon sens, la prostitution participe de l’ordre moral dominant, celui des discriminations, des rapports de domination, des frustrations – et forcément, des violences. Bref, de l’ordre imposé par le patriarcat, autrement dit la domination masculine (que Marcella Iacub, dans Libération du 24 juillet, prétend « prétendue » – je lui conseille une visite aux Actualités de notre site). Elle en est même un des piliers. Il n’y a qu’à voir comme le débat s’emporte pour se persuader que la question est fondamentale ! Il semblerait qu’on soupçonne les personnes qui refusent la prostitution de mépriser les personnes prostituées. Tragique confusion avec ceux qui proposent de les parquer (et pourquoi pas les raser, comme en Indonésie ?). Naïve ou cynique ? Dans les articles pro-légalisation, j’ai bien compris que des nantis des deux sexes défendaient une liberté dont ils ne s’aviseraient certes pas de revendiquer la jouissance (si j’ose dire !), celle de vendre son corps. Mais pas moyen de savoir ce qu’ils pensent de l’exploitation du corps des femmes, hommes et enfants par des hommes, au nom de pulsions sexuelles légitimées comme irrépressibles. Faute de précisions, j’en ai conclu qu’ils défendaient l’ordre moral.


de cela dont nous parlions. En Afrique comprendre en adoptant un point de

bal, international. Nous passons à l’opérationnel. Après qu’aux Pénélopes, elles se sont mobili-

mis toutes les cinq secondes ; la situation atteint un stade absolument extrême. Trouver à manger pour leurs enfants est une épreuve. Aller porter les excréments dans un carton, vers des toilettes situées mement dangereuse. J’ai vu comment à

Non, c’est non !

des femmes s’organisent pour survivre au

66

alors organisé, avec ingéniosité. Elles -

avec une réelle solidarité, un élan de pure

Quand elles ont à surmonter la menace, la peur dans toute entreprise pour satisfaire leurs besoins fondamentaux… c’est

cabanon. Elles ont avec cet acte de résis-

OCTOBRE 2000

MARS 2002

Le magazine américain « Men’s Health » (« La santé des hommes ») a publié un classement des facs selon un critère original : « pro-mâles » ou « anti-mâles ». Sont « anti-mâles » celles qui ont un département d’études féministes, des politiques de lutte contre les viols et pour l’égalité dans le sport. Oui ! on comprend que cela puisse rendre certains étudiants malades !

Le combat des esclaves sexuelles coréennes est occulté par la coupe du monde de foot. « C’est bien d’accueillir la coupe du monde avec le Japon. Mais ils ne peuvent pas mettre de côté notre problème pour le simple amour du sport ». Cela fait dix ans que la Coréenne Kim Soon-Duk, 81 ans, se rend chaque semaine à l’Ambassade du Japon à Séoul pour réclamer excuses officielles et réparation de l’Etat japonais aux esclaves sexuelles institutionnalisées, par et pour les soldats japonais, durant la deuxième guerre mondiale. Depuis dix ans, les Japonais font la sourde oreille et les gouvernements coréens jouent profil bas, aujourd’hui plus que jamais dans ce contexte d’organisation conjointe d’une des plus importantes manifestations sportives au monde.

HIT-PARADE SEXISTE

JANVIER 2004

PRISONNIÈRES POLITIQUES EN ISRAËL

Environ quatre-vingt femmes sont prisonnières politiques à la prison de Névé Tirza. Les conditions de détention sont abominables, les « punitions », les vexations et les coups pleuvent. Ni les familles ni les avocat(e)s ne peuvent visiter les prisonnières de façon décente. Trois ONG dont la WOFPP (Women’s Organization for Political Prisoners) appellent la Cour Suprême à contraindre les autorités de la Prison à améliorer les conditions de visite des avocat-es, par exemple à ajouter des journées de visite (seulement trois jours par semaine à leur disposition), à diminuer les interruptions et le temps d’attente lors des visites et à faire en sorte que plusieurs avocat-es puissent visiter en même temps.

FOOT ET AMNÉSIE

MAI 2002

PAS DE DÉBAT SUR L’INDUSTRIE DU SEXE AU PARLEMENT EUROPÉEN

Le rapport sur l’industrie du sexe dans l’union européenne n’a pas été adopté. Après l’adoption tardive du rapport de Marianne Erikson « sur les conséquences de l’industrie du sexe dans l’Union européenne » lors de la dernière réunion de commission des droits des femmes le 6 avril, la décision a été prise de ne pas discuter du rapport ni de l’adopter lors de la saison plénière. On a estimé que ce rapport, dont l’adoption avait déjà été différée plusieurs fois à la commission des droits des femmes, était trop controversé pour pouvoir être débattu en session plénière.


réussite, cette créativité subversive, leur ont apporté un nouveau statut social et elles ont intégré le conseil municipal ». Tannée par ma curiosité, il en faut peu

au Mexique... nous avons vu comment

des femmes, confrontées à ces violences extrêmes, permanentes, comme à la pauvreté, sont soumises à cette dialectique

ce titre, elle cite l’exemple de l’Iran où des jeunes féministes ont créé une langue à part entière pour communiquer par

HUMEUR

Maman, je t’aime ! — Joelle Palmieri, 29 avril 2003

67 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

On aura eu droit à tout en cette fin de mois. Guerre et suite, éclatement de l’Europe mais en surface seulement, proxénètes partouzeurs assassins dénonçant leurs complices flics, pédégés de compagnie pétrolière friqués qui font taire leurs maîtresses à coups de bâtons (de billets), nomination de la fille de son père à la vice-présidente du premier parti fasciste français, mais le plus affligeant, reste la poésie de ce gouvernement français : chasse aux prostituées, au voile islamique, aux salariées un peu installées, prime à la re-production, valorisation du travail d’aide ménagère... les bras m’en tombent. Mais jusqu’où ira la politique familialiste de ce Raffarin et de toute sa clique ? Qui dit mieux ? Fillon (ministre des Affaires sociales) et sa réforme des retraites qui défavorise les femmes ? ou encore son reciblage des pré-retraites qui va permettre à une mère de famille de trois enfants ayant quinze ans de service de prendre congé à bas prix ? Ferry (ministre de l’Education nationale) qui jette pêle-mêle « mixité, égalité, parité hommes-femmes et même écologie ou bio-éthique » pour arguer du principe de laïcité dans l’école ? Parce que Sarkozy de renchérir qu’il faut opposer « une nouvelle vision de la laïcité “à une” laïcité sectaire qui nierait le fait religieux ». Pas mal celle-là ! Qui encore ? Raffarin donc, signe son chef d’œuvre : un plan pour la petite enfance. Un florilège de mesures, qui doit rendre Boutin tellement folle de jalousie qu’elle doit en trépigner de colère dans les couloirs de l’Assemblée. Tout y passe. La prime à la naissance. J’hallucine : la France est le deuxième pays européen, après l’Irlande, producteur de chiards (1,9 par femme). Le congé parental. Bradé ! La « prestation d’accueil du jeune enfant », Paje. Une trouvaille. Pour être claire : comment mettre tout sur la table pour que les femmes arrêtent de travailler, sans toucher grand chose, et surtout, sans apparaître dans les chiffres du chômage ? Enfin, la cerise sur le gâteau, la revalorisation du « métier d’assistante maternelle ». Dix mesures en tout. 1,2 milliard d’euros. 18% d’augmentation du budget alloué à la garde des enfants. Pas de problème. Tout le reste est gelé à l’exception du budget militaire qui ne cesse d’augmenter. Serait-on en train de préparer de la chair à canon ? Peut-être. Vous ne suivez plus ? Allez ! en gros, on garde les meufs à la maison, on leur fait faire des chiards, histoire d’assurer la fonction de re-production, pendant que les géniteurs continuent à les violer et à les assassiner en toute impunité, histoire de les garder dans le volant de production. Fastoche ! C’est beau l’alliance du capitalisme et du patriarcat ! Maman, t’es où ?


répression. Après la destruction de leur matériel par les autorités, elles ont réussi à tout remettre en route, à récupérer toutes leurs données car elles avaient tout doublé à l’identique. Un véritable acte de

œuvre quotidiennement d’autres modes de lutte et les imposent. D’autres encore actions… tout se nourrit de l’expérience

que cette réalité soit mienne. Mon inter-

Non, c’est non !

gesticuler et mimer la situation avec ses bras, ses mains. Je souris. De mon côté, je tiens à émettre un postulat, une sorte de conclusion, qui serait

« les lois sont indispensables à la démo-

est multiple. Des militantes font adopter des lois. D’autres femmes mettent en

l’aurons fait, au moins toutes les deux, en discutant ce jour-là. Je suis épuisée mais ravie.

OCTOBRE 2000

JANVIER 2003

Pour l’instant la bataille n’est pas gagnée : les mesures préconisées par Mme Gillot ne donnent toujours pas la garantie de la restauration et du maintien à long terme de la spécialité de gynécologie médicale ; dans dix à quinze ans, il risque de ne plus y avoir de gynécologue médical. Un million deux cent mille personnes ont signé la pétition. La manifestation de mars dernier à réuni quinze mille personnes avec la participation des syndicats médicaux. Quatre-vingtdix comités locaux de femmes et de gynécologues se sont constitués dans toute la France. L’association la « Lettre de la Défense de la gynécologie Médicale » demande à ce que la pétition atteigne les deux millions de signatures pour octobre 2001 et organise à cette date une manifestation.

TRADITION RIME AVEC DESTRUCTION

SOS GYNÉCOS – SUITE

MARS 2002

EXÉCUTÉE POUR AVOIR RÉSISTÉ

Le 15 mars 2002, la Cour suprême iranienne a confirmé la mise à mort d’Afsaneh Norouzi, 32 ans, emprisonnée depuis 1997 pour avoir tué un homme qui voulait la violer. Présidée par l’odieux juge des pendaisons, le mollah Mohammadi Guilani, la Cour suprême a maintenu ce verdict en ignorant tous les témoignages qui indiquaient qu’Afsaneh était en état de légitime défense contre un violeur. Conclusion : l’agression sexuelle n’est pas un crime, la résistance, si.

Les femmes infectées par le HIV sont en train de mourir en masse au Swaziland. Les Nations Unies viennent d’estimer qu’au Swaziland, un tiers des enfants seront orphelins en 2005. Le rapport de l’ONU affirme que plusieurs traditions répandent le SIDA : la polygamie, la tradition selon laquelle une veuve est « récupérée » par un frère de son défunt mari ou un autre mâle de sa famille, et la danse de chasteté (Reed Dance), qui est un « marché à viande » pour les hommes, et où les puissants du pays sélectionnent leurs épouses et concubines parmi des centaines de femmes dansant buste nu. Le rapport de l’ONU souligne aussi que le faible statut des femmes au Swaziland les rend dépendantes des hommes. Des lois contre les offenses sexuelles ne sont apparues que très récemment, et le pays a tout juste commencé à poursuivre les violeurs. FÉVRIER 2004

FORMATION EN PROSTITUTION

Une proposition de loi en débat en Allemagne soumettrait les entreprises de plus de dix employés à une taxe si moins de 7% du personnel bénéficient d’une formation professionnelle. Autrement dit, tu formes ou tu raques. En toute logique, les bordels, qui sont des commerces on ne peut plus légaux, y seraient aussi soumis. Les Verts ont proposé de les en exempter. Non pour l’obscénité de la chose, mais parce que cela découragerait les braves tenanciers de déclarer leurs «employées». Le Ministère rétorque que cela créerait un « problème de délimitation du statut des locaux de préparation », comme par exemple les night-clubs spécialisés. Ben, tiens ! Puisque l’Etat reconnaît le proxénétisme comme un commerce honorable, autant qu’il passe à la caisse !


ALTERMONDIALISTES

DE TOUS LES PAYS

vé, en marche. Les féminismes, dans leur diversité, blement moins connu, des propositions. Prétendre que les féministes cherchent à s’emparer du pouvoir et à l’exercer selon des codes établis témoigne au mieux d’ignorance, au pire de mauvaise foi. Pour sûr, du plus profond des conservatismes. gageons qu’informé-es des initiatives portées par les femmes dans toutes les régions du monde, les tenant-es du pouvoir opteraient pour l’égalité. Pour tou-tes. Une égalité en connexion avec le quotidien. Le réel. Une égalité où ce qui se dit se traduit public, reconnu comme politique.


Altermondialistes de tous les pays

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FÉMINISME ET MIL LOGICIEL : MÊME LUT « Je ne suis pas née avec les logiciels libres, mais je suis née féministe. Je suis née libre, mais je n’ai pas grandi libre ; c’est pour ça que je voulais vivre libre, tout Palmieri, une des femmes à l’origine des Pénélopes et la personne qui m’a le plus nologique, et à la liberté comme droit et appris que le féminisme, le journalisme, le réseautage informatique et le militantisme sont indissociables. la première fois en 2002, j’étais une jeune femme provenant de l’Europe de l’Est, à l’aise avec les ordinateurs et les logiciels libres. J’étais peu politisée par rapport au féminisme, au militan-

D’origine bulgare, Christina Haralanova est une féministe hacktiviste. Après avoir manifesté son intérêt pour les Logiciels Libres, elle s’intéresse au rôle des femmes en leur sein. Elle vit aujourd’hui au Canada.

fort entre les différentes luttes sociales – faisant partie d’une même lutte – et qu’il était important de collaborer entre mouvements pour la justice sociale. Lutter contre la pauvreté et contre la guerre, en faveur d’une économie solidaire, accessible et adaptée aux besoins nistes s’accordaient tout à fait avec les valeurs

Informatique, - liberté, licences libres, logiciels nologies de l’infor- sans brevet ou de code source mation et de la comouvert – c’était une évidence que tout cela devait rester une explosion. Une révélation. Le libre. Le féminisme. Le croisement des libre. différentes luttes. La convergence des opinions et des féminismes de partout dans le monde. Et tout allait ensemble à Mes collaborations avec Les Pénélopes dans les Forums sociaux européens et mondiaux (2003, 2004, 2005) et

défendues par l’informatique libre. Mais comment expliquer ce lien, peu évident ? « Quand j’ai entendu parler des logiciels libres au premier Forum social mondial de Porto Alegre en 2000, le lien m’est liberté, licences libres, logiciels sans brevet ou de code source ouvert – c’était


LITANTISME TTE ? HUMEUR

On ne badine pas avec la technologie — Joëlle Palmieri, novembre 1999

71 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Multimédia, Internet, CD-Rom, on-line, off-line. (...) Effet de mode, révolution culturelle, enjeu sociétal ? Les détracteurs alarmistes et les passionnés sans crainte, qui alimentent de vigoureux débats, semblent ignorer que les deux-tiers de l’humanité ne sont pas concernés par la question du siècle ! En effet, le casting est sévère. Les premiers rôles sont détenus par les stars habituelles. Les ténors de l’économie, de la politique et du juridique tissent, aujourd’hui, une toile à leur image. Femmes de tous les pays, une seule solution : pour ne pas perdre le fil de notre histoire, tricotons pour notre compte. L’internaute est de sexe masculin, blanc, occidental, cadre moyen. (...) Pour qu’Internet ou un CD-Rom entre à la maison, il faut que le père de famille ait décidé de s’équiper. (...) Pour autant faut-il laisser aux hommes la maîtrise de l’ordinateur et ce à quoi il donne accès : connaissances, plaisir, échanges, découvertes, etc. ? En cette fin de XXe siècle, la petite fille de moins de douze ans trouve aisément des ressources pour cliquer, installer un CD-Rom, elle apprend facilement en jouant, invite ses copines à partager son ordinateur aussi bien que son magnétoscope. L’adolescente ne joue déjà plus sur ordinateur, préférant la lecture, le sport, la fête entre copines (...). Passé dix-huit ans, et jusqu’à environ quarante ans, la femme fréquente l’ordinateur plus par obligation professionnelle que par choix. La quarantième année révolue, elle perçoit l’ordinateur comme un monde impénétrable ! Voilà comment les nouveaux médias sont investis par les femmes. (...) Où sont les femmes ? Parmi les professionnels (techniciennes, conceptrices, éditrices), nous sommes très peu. Les programmes ludo-éducatifs, culturels sont déjà masculinisés. (...) Dans vingt ans, il sera trop tard pour constater qu’il n’y a pas de sujets qui s’adressent aux femmes, dont les principaux acteurs et décideurs sont des femmes, autrement dit, faits par et pour des femmes... Nous avons les compétences, les connaissances, l’imagination, et mille histoires à raconter. Alors ?


FÉVRIER 2000

Altermondialistes de tous les pays

ENTREPRENEURES, AFRIQUE ET TIC

72

Les Africaines sont de plus en plus actives dans les secteurs économiques de développement. C’est ce que veut prouver l’Association pour le Soutien et l’Appui à la Femme Entrepreneuse (ASAFE), dont l’objectif est le soutien au développement de l’entreprenariat. En partenariat avec Networked Intelligence for Development (NID), l’ASAFE a organisé à Douala, au Cameroun, du 8 au 13 Novembre 1999, une rencontre internationale sur le thème : « Développer les échanges commerciaux grâce aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ». Baptisée « 1er Cyber Forum des Femmes Entrepreneurs d’Afrique et de la Diaspora », cette rencontre a réuni pendant 6 jours plus de 100 femmes venues des quatre coins du monde, qui ont débattu sur les possibilités offertes par les TIC aux femmes entrepreneuses pour combiner ou échanger leurs savoir-faire et leurs expériences, afin de détourner en force certaines faiblesses de la région.

une évidence que tout cela devait rester libre. Tout comme le féminisme, la liberté de pensée, la liberté des femmes », me la plateforme de publication et de ges1 . « L’intérêt pour faisait économiser du temps, c’était facile à manipuler et gratuit ». Alors, toutes les Et puis, c’était un logiciel à code source ouvert, gratuit, avec une communauté de programmeurs locale et présente, une interface en français, accessible aux nondéveloppeurs. Ainsi, les Pénélopes ont adopté une des premières versions du

JUIN 2000

POUR UNE ÉDUCATION NON SEXISTE

Au Paraguay, cela fait dix ans que le 29 mai est la « journée internationale de l’éducation non sexiste ». Fer de lance de l’association féministe latinoaméricaine REPEM, cette initiative a porté ses fruits : édition de livres et de vidéos, production de jeux didactiques, impression de matériel graphique pour l’efficacité de la campagne. Le but étant de parvenir à faire accéder toutes les femmes à une éducation démocratique, libre des stéréotypes qui renforcent les discriminations des femmes au travail, dans la famille et dans les espaces sociaux et publiques. Un concours de caricature a même été lancé cette année sur ce thème… DÉCEMBRE 2003

Enjeux d’usage, discours, militantisme logiciel Même si les Pénélopes s’étaient montrées très précurseuses en adoptant dès 2000, un média alternatif fonctionnant à base nologique n’était pas encore inscrite dans le marbre. La poussée vers les logiciels libres représentait alors essentiellement « Les Pénélopes existaient autour d’Interélectroniques, du logiciel, n’était pas collectif. On n’avait pas de discussions à ce

IL FAUT CHOISIR

Pour protester contre la destruction du bétail, six mille Camerounaises ont pratiqué pendant deux mois une grève du sexe et ont tenu en otage sept chefs traditionnels. En effet, pendant la cérémonie de nettoyage, un des marabouts avait abattu une volaille spécialement élevée et avait appelé les ancêtres à verser des bénédictions sur le village. Les femmes, considérées comme leurs prisonnières, avaient passé des jours et des nuits dehors, un acte reconnu comme une abomination dans le village. Elles ont aujourd’hui levé les piquets après qu’une commission ait été créée afin de prendre en compte leurs propositions.

décisions ou d’ignorance, ou de manque

réseau des Pénélopes, une différence entre l’usage de logiciels libres, les diset le militantisme du libre. journalistes, les militantes et toutes les

www.spip.net/fr


contributrices des Pénélopes, quelles que soient leur origine, leurs professions, ou bien leur expérience à contribuer aux médias en ligne. Pendant plusieurs années, quelques centaines de contributrices de partout dans le monde ont utilisé les ressources en ligne pour publier des articles dans les différentes rubriques du site Web. problème, bien au contraire, il a facilité la participation, la collaboration, et l’implication au média par des journalistes amateures et professionnelles. Plus loin encore, des féministes bulgares, serbes,

dans des buts locaux et en réseaux ont eu lieu. Entre autres, il s’agissait de démarrer

liberté par rapport aux monopoles, possibilité de travailler avec des développeurs locaux, apprentissage de l’informatique à partir de sa base et à travers une meilleure

mouvement qui valorise la liberté d’accès

langues respectives, en facilitant le travail et la contribution des féministes locales. de couverture média démontraient que, ratrices étaient en mesure de publier des articles en ligne sans effort. Une même

forums, dans les entretiens, pendant les conférences leur usage privilégié des logi-

et de différences entre les logiciels libres d’articles ont été publiés en ligne. Une initiative sans précédent. La deuxième fois c’était au Forum social mondial à Porto Alegre en 2004 où je participais comme rédactrice en ligne à la couverture média organisée par les Péné-

rencontre des producteurs-trices locauxles, artisanaux-les et coopératif-ves de

logiciels libres n’apparaissait pas toujours

, un réseau féministe de groupes de femmes de partout en Europe qui s’intéressait aux 2

Pendant les nombreuses rencontres des principales fondatrices, de nombreuses discussions sur la politique informatique 2. WITT n’existe plus en tant qu’initiative ;

discuté des logiciels libres et de l’économie sociale, que Dominique Foufelle,

que tu rédiges l’article central de Digitall Future et qu’il se réfère à la discussion libres pour femmes libres», j’ai consacré deux pleines pages de ce journal de 16 pages, sur les enjeux que rencontrent les femmes dans leur lutte contre l’exclusion, la discrimination et pour le militantisme. Où se situe alors la convergence entre les luttes féministes et sociales et le militantisme logiciel ? Alors que le libre ne s’était pas fortement exprimé en termes

Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

site, dans les deux rubriques dédiées aux logiciels libres, les articles étaient rédigés par une ou deux journalistes. Je me souviens de deux occasions au cours desquelles nous avons parlé des logiciels libres en termes politiques et expressifs. La première fois, pendant la fondation et

73


Altermondialistes de tous les pays

de militantisme, il faisait partie des stratégies à adopter par les mouvements -

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logiciels libres lorsqu’on organise des activités et des discussions sur le genre, l’économie solidaire ou bien contre la

Mais est-ce que cette fusion si logiquement ancrée dans les luttes sociales se que celle ici décrite ? Dès le début des années 2000, les Pénélopes, alors reconnues pour leur utilisa-

lutter contre le colonialisme, contre les inégalités, créer son propre site Web, sa campagne en ligne, basée sur des outils non commerciaux, à code source ouvert, participatifs. « Le militantisme logiciel va toujours de pair avec d’autres luttes,

développeurs de ce logiciel se sont mis

un réseau local, une coopérative internationale de femmes, ça va avec l’usage du libre, pour ne pas être dépendantes des diffuseurs, des concepteurs. »

de particularités et de petits problèmes à -

Utilisatrices et développeurs du SPIP, quels enjeux ?

qui répondaient aux besoins de ce média féministe. Avec un site en trois langues, des collaboratrices provenant du monde entier, une WebTV, de nombreuses

entre les programmeurs et les militantes féministes n’a pas été évidente. comme si les deux groupes ne parlaient

HUMEUR

Tchétchénie : des Russes contre la guerre — Les Pénélopes, janvier 2000

Nous avons reçu une information par Internet en date du 5 octobre 1999 qui stipule : « Message du Comité des mères de soldats, Moscou L’union des comités de mères de soldats de Russie a déjà adressé plusieurs déclarations au Président de Russie, au Premier ministre et au Parlement, pour demander que soit mis un terme à la tentative de résoudre le problème non-militaire du Nord Caucase par des moyens purement militaires. Nous demandons qu’on ne répète pas les crimes de la guerre 94-96 et qu’on ne recommence pas une nouvelle guerre illégale. Le terrorisme ne peut être vaincu par les vies et l’avenir des jeunes de 18 ans ». Pourquoi, alors, une si grande unanimité des médias sur le fait que l’ensemble du peuple russe est derrière son armée en Tchétchénie ? Pourquoi n’avoir jamais fait référence à ce Comité des mères de soldats ? Les femmes de ces comités n’appartiennent-elles pas au peuple russe ?


pas la même langue, malgré le français en des Pénélopes ont dû apprendre à parler le jargon des développeurs pour se faire « Même si nous avions une idée claire de ce qu’il fallait améliorer dans le logiciel, qu’on se mette d’accord sur le jargon, puis corriger notre langage pour nous

vis-à-vis des conseils d’amélioration donnés par les Pénélopes. « Eux [les que nous demandions était légitime. Ils taient déjà. Ils considéraient qu’ils avaient déjà pensé à tout. Et nous savions ce qui nous manquait puisque on utilisait le logiciel au quotidien. » Finalement, au manque d’un langage par les développeurs envers les utilisatrices féministes, s’ajoutait un autre pro-

MAI 2000

FEMMES EN NOIR

Les Femmes en noir, mouvement international pour la paix, se dressent en silence pour protester contre la guerre, le viol comme arme de guerre, les nettoyages ethniques et les atteintes aux droits humains dans le monde entier. Silencieuses car conscientes que de simples mots ne servent à rien sinon à s’ajouter à la cacophonie des déclarations sans effet. Elles invitent toutes les femmes à se lever avec elles, vêtues de noir symbole de deuil, et à penser à toutes celles qui ont été violées, torturées, portées disparues, assassinées, séparées de leurs êtres chers… Ce mouvement a démarré en Israël en 1998 pour protester contre l’occupation israélienne en Palestine et s’est développé aux Etats-Unis, Angleterre, Italie, Espagne et Yougoslavie. MAI 2002 Le Comité d’action conjointe pour la paix (The joint actions Committee for Peace, JAC) organisation active au Pakistan, demande le retrait des troupes militaires du Cachemire, le renouveau de la démocratie dans cette zone, la négociation d’une solution au problème du Cachemire en présence des habitants du Cachemire et une réduction des budgets militaires. Asma Jehangir, qui défend les droits humains au Pakistan est intervenue au séminaire organisé par le JAC pour la paix au Cachemire. Elle a insisté sur le peu de volonté des belligérants à trouver une vraie solution pacifique au conflit et redit combien il est important pour la paix d’avoir une vraie démocratie qui puisse proposer une solution politique et non, comme aujourd’hui, militaire. Elle est revenue sur les conditions de vie des habitants du Cachemire, qui depuis le début du conflit se dégradent chaque jour. Les habitants du Cachemire n’auront bientôt plus de réserves alimentaires.

ATELIERS MÉDIAS POUR TRAQUER LE SEXISME

Des militantes libanaises et palestiniennes ainsi que des medias ouzbeks ont participé aux ateliers organisés par l’association Women’s Leadership Training And Empowerment (WLP). Dans le premier atelier, auquel ont assisté cinq hommes, les participantes se sont efforcées de démonter les stéréotypes sur la place des femmes dans la société en s’appuyant sur des exemples de femmes avocates, parlementaires, leaders dans leur communauté. Dans le second atelier, des journalistes ont dénoncé le renforcement des rôles traditionnels sexués dans les médias ouzbeks dans les émissions de télévision ou les publicités. Des journalistes se sont engagés à travailler avec le centre de ressources des femmes de Tashkent pour développer une série de programmes consacrés aux droits des femmes et à leur rôle dans la société. MARS 2004

À LA PRÉSIDENCE

Madame Louiza Hanoune, Porte-parole du Parti des travailleurs (PT) entre, avec optimisme, dans la bataille électorale. Issue d’une famille modeste, licenciée en droit, elle milite dès l’université, est emprisonnée plusieurs fois. Ses combats sont d’abord pour les libertés : liberté syndicale avec l’OST (Organisation socialiste des travailleurs), abrogation du code de la famille avec l’Association pour l’égalité homme/ femme devant la loi, et création de la première Ligue des droits de l’homme. Elle a fondé l’association pour le non-paiement de la dette extérieure. En 2003, elle est élue Secrétaire générale du Parti des travailleurs et s’engage pour une solution politique à la crise algérienne. Elue à l’Assemblée populaire nationale, elle cherche à arrêter l’effusion de sang, à défendre les entreprises publiques et les libertés syndicales.

75 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

NE PEUT OFFRIR LA PAIX

MARS 2003


Altermondialistes de tous les pays

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blème. Les contributrices de Pénélopes, plutôt celles qui ont été en contact avec les informaticiens, ont remarqué qu’ils

ça posait des problèmes puisque nos demandes d’amélioration ne passaient pas ». -

-

avec les contributions que les Pénélopes apportaient au développement du logiciel

progresse vite et d’autres non. Pour nous, HUMEUR

Destruction massive des utopies — Joëlle Palmieri, 2003

Elimination des armes de destruction massive. C’est bien ce que sont en train de réussir les Etats-Unis d’Amérique. Et pas besoin d’aller bombarder l’Irak pour ça. L’opération a déjà commencé et est en train d’aboutir en Europe, en premier lieu, et puis à Porto Alegre, qui réunit des mouvements du monde entier. Mais de quelles armes parle-t-on ? La libre expression, l’autodétermination des peuples, l’autonomie... Ce que les Etats-Unis ont réussi, c’est tout simplement nous aligner sur leur agenda et asseoir leur hégémonie. Qu’on le veuille ou non, pendant que les Etats, les mouvements, les gens se soucient de la guerre à venir, ils ne font rien d’autre. En particulier, l’Europe en voie d’élargissement, et donc d’enrichissement, place ses efforts diplomatiques et les autres (économiques, politiques, sociaux…) dans la question de l’évacuation du tyran Hussein. Cynisme ? Peut-être, mais il est quand-même frappant d’entendre Collin Powels parler de Conseil de sécurité des Etats-Unis pour évoquer celui des Nations Unies. Un lapsus ? Pas sûr. Une affirmation. Il n’y a pas si longtemps, pendant le Sommet de la Terre, fin août à Johannesburg en Afrique du Sud, la démarche était flagrante. Les Etats-Unis passaient outre les recommandations de l’Onu pour imposer leurs propres impératifs économiques, au point que beaucoup d’Ongs s’engageaient à soutenir l’institution internationale, créée au lendemain de la IIe guerre mondiale. Et puis, ce Forum social mondial dédié à cette question de la guerre, avec une mobilisation sans relâche pour empêcher les Turcs d’accueillir les bases militaires américaines, les Israéliens d’en profiter pour gagner du terrain, les autres d’entamer leurs dépenses militaires au détriment de celles de santé, d’éducation, de nutrition… Mobilisation fort honorable, juste et indispensable. Mais, pourquoi maintenant ? Pourquoi pas l’année dernière ? et la précédente ? Je me souviens d’un entretien avec Michel Warshavsky, lors de la 2e édition du Forum social mondial, qui ne comprenait pas, lui qui luttait depuis des années pour une paix négociée au Proche-orient, pourquoi les questions de la guerre, et de la paix, n’étaient pas abordées. Décontenancé qu’il était. Pantois même. Et ce n’était pas le seul…Alors ? Paranoïa ou réalisme ? Dépit ou lucidité ? Ne serions-nous pas pris au piège, arrêté-es dans nos constructions d’alternatives ? Réduit-es à la défensive ? Je vous laisse juges.


commentaires apportés, le feedback donné..., il existait un véritable écart, ce discours à deux niveaux, entre deux communautés qui se rassemblent par leurs valeurs, mais sont tout à fait différentes dans leurs façons de communiquer et de tions d’égalité avec les développeurs. On se rencontrait aux forums, on présentait à la même table de plénière, mais on ne se parlait pas ». Le libre, le féminisme, des substances organiques Dans l’ère de l’Internet et du Web, le militantisme logiciel devient un principe important pour les mouvements sociaux partout dans le monde. Représentant des de réseautage, de visibilité internationale, enjeux importants et politiques, dont le

mais elle ne cesse pas. D’un simple usage, le libre devient une lutte militante pour de ses utilisateurs. Les négociations entre les utilisatrices des Pénélopes et les dévecomplexe, souvent à deux niveaux, parfois vain. Faire adapter le libre pour des buts pas d’un coup.

besoins, les logiciels doivent être en -

ment le militantisme féministe est parvenu à réunir non seulement le mouvebatailles internes continues, mais aussi les mouvements de luttes diverses qui se nomique libéral, mais aussi pour l’informatique libre. « On est des militantes. On a su utiliser ces forums, pour amener ces mouvements à créer des liens entre le libre, le féminisme, la transformation sociale, la solidarité. Plusieurs mouvements ne savent pas faire ça. » Le militantisme du libre nous a appris que les femmes devait mieux comprendre les enjeux giques, les féministes ont dû apprendre les aspects de la profession informatique tels que le jargon et la façon de faire. Devenir développeures et médiatrices entre les différents mouvements et communautés. Ne jamais rester des utilisatrices passives des logiciels et des médias. Toujours questionner, insister, améliorer. l’information qui incite à l’accès facile et passif des logiciels prêts à l’emploi, mais qui enferment le contenu dans des formats propriétaires et transforment leurs usagers en utilisateurs passifs.

77 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

l’appropriation des logiciels libres est une jours évidente. Le libre, de la même façon que le féminisme, est une lutte d’une substance orga-

pour la justice sociale et la liberté informatique se rassemblent, il est important de tenir compte du fait que les logiciels doivent servir aux usagers et non


SEPTEMBRE 2000

Altermondialistes de tous les pays

NÉGATION DE SOI

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Selon le sociologue Manouchehr Mohseni, la moitié des jeunes Iraniennes interrogées lors d’une étude, ont déclaré que si elles pouvaient renaître, elles préféreraient être un garçon. DÉCEMBRE 2000

L’EMPLOI, ÇA VA PAS

Le Rapport annuel sur l’emploi en 1999 de la Commission européenne révèle que malgré la création de 2,1 millions d’emplois et un taux d’emploi de 62,1%, on constate la persistance d’une forte disparité femmes/hommes. Même si les femmes sont les principales bénéficiaires de la création d’emploi en remportant 70% des nouveaux postes, leur taux d’emploi reste de 52,1%, contre 71,5% pour les hommes, un tiers des femmes actives travaillent à temps partiel et la disparité entre les sexes en termes équivalant à un temps plein demeure d’environ 30%. D’après la Commission, la plupart des secteurs qui embauchent des femmes exigent des niveaux élevés d’éducation, et les femmes sont plus nombreuses que les hommes aux postes hautement qualifiés. Mais la disparité femmes/hommes au niveau des salaires persiste dans tous les Etats membres et professions, et la Commission oublie qu’accès aux postes qualifiés ne signifie pas accès aux postes de pouvoir ! Enfin, le rapport indique que le chômage des femmes (10,8%) reste bien supérieur à celui des hommes (7,9%). MAI 2003

SUR LA GESTION DES DÉCHETS

La Coalition environnement et développement durable de la Coordination des associations et ONG féminines du Mali a organisé des actions de sensibilisation sur la gestion des déchets liquides et solides dans le cadre de la Quinzaine nationale de l’environnement, du 2 au 17 juin 2002. Le slogan : « J’ai une part de responsabilité dans la dégradation de mon environnement ; je dois produire moins de déchets ». Une étude de 1999 indiquait que les ordures ménagères représentent 99% des déchets de Bamako ; il semble donc logique qu’on cherche à responsabiliser les femmes sur le problème. Mais comment tenir l’objectif proposé dans une ville surpeuplée, sans réelle politique de l’environnement ?

JANVIER 2004

L’ACCÈS À GAZA REFUSÉ AUX FLAMANDES

Six Flamandes qui participent à la « Marche internationale des droits humains », qui réunit cent vingt femmes provenant de vingt pays différents, se sont vu refuser l’accès à Gaza le lundi 5 janvier. La déception a été énorme, tant du coté des participantes de la marche, que de celui des dizaines de Palestiniennes qui les attendaient de l’autre coté du checkpoint. Les jours précédant ce refus, la situation s’est considérablement aggravée en particulier à Naplouse, où de nombreuses maisons ont été détruites et où l’aide humanitaire et l’aide médicale n’arrivent plus. Les participantes envisageaient de mener des initiatives en direction de leurs ambassades respectives, ainsi qu’à la Knesset. JUIN 2004

QUESTIONS DE VOCABULAIRE EN ESPAGNE

En Espagne a lieu actuellement un débat sur les termes de l’intitulé d’une loi en préparation contre la violence faites aux femmes. L’Académie Royale de la Langue espagnole a conseillé l’expression « violence domestique et pour raison de sexe » plutôt que « violence de genre ». Les opinions divergent et les spécialistes consulté-es (linguistes, féministes, juristes) sont divisé-es sur la question. Bien que le terme « genre » dans son acception sexuée ait été adopté à la Conférence Mondiale des Femmes à Beijing en 1995, et soit d’usage généralisé dans les autres pays hispanophones, en Espagne il n’est que peu usité. Si pour certain-es, le terme « domestique » limite le concept au sein du foyer, à l’opposé, d’autres estiment que le terme « violence de genre » est trop flou et n’indique pas clairement ce qui est dénoncé, alors que l’expression complète « domestique ou pour raison de sexe » aurait plus d’impact. Quelle que soit la décision finale, elle revêtira une importance décisive pour fixer l’usage commun.


LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE : UN PROJET FÉMINISTE Malin Björk : Aux Pénélopes, nous étions concentrées sur les questions internationales, en tentant de comprendre les vécus et les luttes des femmes dans les autres régions du monde. Je venais de Suède avec une vision scandinave du féminisme, et nous avions des collaboratrices d’Espagne, du Royaume-Uni, du Canada, des Etats-Unis, du Sénégal, d’autres pays et d’autres continents aussi, qui écrivaient et militaient au sein des Pénélopes. Pourquoi était-ce si important ? darité internationale était au cœur des notre travail, et était la clef de la circulation d’informations sur le site web. Ça nous a poussé à penser plus avant et

1999 à 2005, elle a participé à leurs différentes activités éditoriales, de création de réseaux et de formation un peu partout dans le monde, via le net ou sur place. Elle a travaillé une dizaine d’années pour une organisation parapluie regroupant plusieurs organisations de femmes (le LEF). Depuis 2009, elle travaille sur les questions féministes au sein de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique au Parlement européen. Elle tape sur un clavier anglais, parle français, essaie d’apprendre l’espagnol… et rêve en suédois.

est également clair que, s’il n’est pas toujours facile d’être féministe en France, nous ne risquons pas nos vies. Dans cerrions avec des militantes féministes, les femmes prenaient d’énormes risques et se montraient très courageuses.

Aux Pénélopes, nous étions engagées dans un projet politique, et il est essentiel de regarder autour de soi pour

sur la nature de la domination masculine, qui s’étend beaucoup plus loin que je ne l’avais

79 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Pénélopes, nous étions engagées dans un projet politique, et il est essentiel de regarder autour de soi pour nourrir ses idées et sa

Malin Björk est une féministe de gauche suédoise. Elle vit et travaille à Bruxelles depuis 1998. Elle écrit, parle et met tout en œuvre pour changer les contenus, la forme et la direction des politiques, notamment européennes.


Altermondialistes de tous les pays

au viol comme arme de guerre, à l’industrie de la prostitution...

80

Malin : Je crois que nous avons initié des pratiques féministes extraordinaires, aux Pénélopes. C’était la solidarité internationale à l’œuvre, à petite échelle, bien sûr. Comment bâtit-on une solidarité féministe

internationale, peut-on le faire à travers les pays, voire les continents ? Quelles pratiques mettre en œuvre ? mobiliser pour devenir plus nombreuses – plus fortes nous sommes, plus nous pouvons frapper fort ! Il s’agit ici d’une relation réciproque. Par exemple, dans nos ateliers autour de l’économie sociale

HUMEUR

Crimes de conscience — Joëlle Palmieri, août 2001

Un mort ! Il fallait un mort à Gênes pour que l’Europe de l’Ouest se réveille et se rende compte que la criminalisation de la lutte contre la mondialisation libérale s’appuie sur un appareil répressif au point, organisé et entraîné, capable de tuer. Cette mort-là est inadmissible parce que survenue dans un pays riche, censé être dépositaire des droits humains. Evidemment, Italie rime avec démocratie. Depuis quand tolère-t-on que les pays « porteurs de la croissance » représentent de facto la démocratie et qu’il est donc inimaginable que de tels crimes se produisent ? Quid des autres crimes ? Pour ne citer qu’un exemple bien connu, des centaines de milliers de femmes arpentent les trottoirs de Paris, Amsterdam, Londres, Rome, Frankfort, Madrid, … disparaissent parfois, dans la totale indifférence. Ne s’agit-il pas là de violence, organisée de surcroît ? Qui aujourd’hui hurle et dénonce ce crime contre une partie de l’humanité : où commence la violence et où s’arrête-t-elle ? Y a-t-il des violences plus supportables que d’autres ? Y a-t-il des morts violentes plus graves que d’autres ? Qui orchestre cette hiérarchie ? La conscience collective ? ou plus exactement ceux qui fabriquent cette conscience ? Tant que les nouvelles forces de résistance contre le libéralisme, forme moderne du capitalisme, ne se seront pas appropriées une analyse féministe de la mondialisation, leur lutte sera vouée à l’échec. Ils ne feront que reproduire les modèles contre lesquels ils s’imaginent se battre. Je me souviens de deux tribunaux populaires : celui de la dette à Dakar, en décembre 2000, organisé par des femmes, où le FMI, la Banque mondiale, le G7 et les Etats africains étaient sur le banc des accusés. Tous ont été condamnés pour non assistance à personne en danger : aggravation de la pauvreté (80% de femmes), de l’illettrisme (67% de femmes), de la santé… Et puis, il y eut ce tribunal des femmes à Québec, durant le Sommet des peuples en mai dernier, où une dizaine de femmes venues de différents pays du continent américain ont témoigné, avec beaucoup d’émotion, des conditions d’exploitation au travail, des disparitions, des assassinats, des enlèvements d’enfants, de leur marchandisation, des tortures pratiquées au Sud comme au Nord… J’avais déjà à l’époque appelé à la solidarité des hommes militants…


et solidaire, nous apprenions beaucoup des femmes d’Afrique et d’Amérique latine. Nous faisions ces ateliers avec des femmes actives dans l’économie sociale et solidaire de différentes régions du monde,

autonomie économique se réunissaient et partageaient leurs expériences. La solidarité, ça consiste aussi à écouter et être ouverte à ce que « l’autre » a vraiment à

les technologies de la communication et de l’information, a-t-il joué un rôle important dans le processus de création d’un réseau de solidarité féministe international ? ouvrir des espaces d’écoute, de partage de solutions et d’actions. Je me souviens d’une des premières conversations via email que j’ai eue, en 2000, je crois.

contrôle de la conversation ou du débat.

réalisé que je pouvais être en contact avec tion et sa vie, sans l’intermédiaire des

Malin : De quelle façon Internet, et la façon dont les Pénélopes utilisaient

me racontait en direct. Et je crois que c’est fondamental, car pour créer de la

MAI 2000

pas. Au Maroc, un enfant non reconnu par un homme n’a pas de nom, pas d’identité, il n’existe pas, ce qui est bien pratique pour le royaume qui n’a ainsi pas à se soucier de le nourrir, de l’éduquer ni de le compter parmi les exclus. Et en Algérie, la nationalité n’étant transmise que par le père, que deviennent les enfants non reconnus par un homme ? Des apatrides ?

MEURTRE DOMESTIQUE

Depuis plusieurs semaines, Erieta Avdyli, 33 ans, employée de l’UNICEF à Tirana, était portée disparue. Elle vient d’être retrouvée dans un champ, morte. A maintes reprises, Erieta Avdyli avait demandé à être protégée contre les violences de son mari : elle n’a pas été entendue. L’ONG albanaise IRSH demande aux associations et réseaux amis de se mobiliser pour que cessent les violences contre les femmes, dont le cas d’Erieta Avdyli n’est qu’un exemple entre mille.

RÉACTIONNAIRES HYPOCRITES ?

Le 8 mars 2001, un bloc de quatre partis marocains de gauche a appelé à la mise sur pied d’un « Conseil supérieur des droits de la femme » et à l’adoption d’un régime de quotas en faveur des femmes au sein des partis politiques marocains et dans toutes les élections. Ultime requête : la « consécration d’un code du statut personnel juste et équitable afin d’instituer des rapports familiaux fondés sur le respect mutuel et sur l’égalité » ; mais ce bloc de gauche précise que la réforme souhaitée devrait être engagée « sur la base de la charia islamique et en conformité avec les principes universels des droits de l’homme » ! Le roi Mohammed VI, qui a reçu des ONG féminines, a décidé de faire réviser le code du statut personnel marocain (Moudawana) par une commission : serat-elle paritaire ? Conséquence de la Moudawana : au Maroc, comme en Algérie, les femmes ne comptent

ALTERMONDIALISME ET SOLIDARITÉ

Des femmes d’Amérique latine et des Caraïbes se sont rassemblées dimanche 3 février à Porto Alegre, pendant le Forum Social Mondial. Elles réclamaient la décriminalisation de l’avortement, et le droit de choisir comme une expression fondamentale de la liberté. Là où l’avortement est interdit, ou soumis à des restrictions, les femmes non seulement ont des enfants non désirés qu’elles ne peuvent pas toujours élever dans des conditions décentes, mais encore sont mutilées ou meurent des suites d’avortements clandestins pratiqués dans des conditions insalubres. Cette revendication, les manifestantes l’inscrivent dans le combat contre la mondialisation néo-libérale. La solidarité ne fonctionne pas en sens inverse, si on en juge sur la maigreur du cortège qui les a suivies. La plénière sur les violences faites aux femmes s’achevait à ce moment-là ; l’annonce du rassemblement n’y a pas provoqué de mouvement de foule. Où est passée la spontanéité ? Quid de la chaleur humaine ? Elles ne sont pas toujours au rendez-vous de Porto Alegre.

81 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

MARS 2001

FÉVRIER 2002


HUMEUR

Altermondialistes de tous les pays

Nom de dieu !

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— Dominique Foufelle, février 2003

Comme chacun-ne sait, l’Union Européenne prépare la Constitution de sa future version élargie. En prenant connaissance du projet actuel, le Vatican l’a jugé « totalement insatisfaisant ». C’est que Dieu n’a pas été convié à figurer dans le texte. La querelle se cristallise autour de l’article 2, qui définit les valeurs de l’Union. Personne ne trouve à redire contre les dites valeurs, ce sont les jolis mots habituels : respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, etc. Mais des chrétiens intriguent pour qu’il soit écrit qu’elles trouvent leurs fondements dans la religion – la leur, évidemment. Certains plus diplomates préconisent le terme de « racines judéo-chrétiennes ». S’agirait de garantir les libertés religieuses. Et les millions de musulman-es d’Europe ? Certain-es y vivent depuis des siècles, mais il-elles n’ont, c’est évident, pas contribué à la formation de notre culture. Là, les Eglises chrétiennes se trahissent : elles ne prêchent pas pour une Europe multiculturelle et multireligieuse, mais pour une Europe des dominants. Des âmes avides de conciliation pourraient dire : « Laissez-les vivre ! Après tout, c’est vrai que l’Europe a été dominée par la chrétienté ». Hélas, oui ! Mais avec la contre-influence d’une spécialité locale, la libre-pensée, implantée depuis aussi longtemps, et à laquelle il me semble que nous devons le respect de la personne humaine, la tolérance, la démocratie et autres broutilles. [...] Les avocats du pape sont puissants, rompus au lobbying, bien introduits au sein de l’Union, soutenus par un nombre non négligeable de membres de la Convention, et ils ne lâcheront pas le morceau si facilement. La Constitution européenne, ça n’est pas un communiqué de presse, c’est un texte de loi. A partir du moment où le religieux y est mentionné, les Eglises sont légitimées pour mettre leur grain de sel dans l’interprétation des textes européens. Un petit exemple au hasard ? Les législations concernant la contraception et l’avortement. C’est de siéger à l’ONU qui permet au Vatican d’orchestrer, avec les Etats-Unis et des extrémistes musulmans, des campagnes qui aboutissent à l’entérinement par les textes officiels de régressions catastrophiques des droits des femmes. Si on le laisse s’infiltrer dans ce texte européen fondamental, il ne s’arrêtera pas là. Défendons la laïcité, nom de Dieu ! solidarité, il faut écouter ce que les autres vivent et expérimentent. Malin : Nous avons beaucoup travaillé avec des partenaires en Europe, pour la plupart d’entre elles, en Europe centrale et orientale. En quoi était-ce important, et a changé notre façon de travailler, et de comprendre quelles thématiques étaient prioritaires d’un point de vue féministe ?

de notre travail tournait pour l’essentiel autour de nos contacts avec des femmes d’Europe centrale et orientale. A cette époque, le contact entre les associations et les militantes n’allait pas de soi, ni très tion de l’information nous ont aidé à avoir une idée plus juste de ce que vivaient les travail en commun avec les associations de femmes nous a permis de donner une visibilité sur le site des Pénélopes à leur


JUIN 2001

TROUBLES DE L’AVORTEMENT Un bateau, avec à son bord une salle d’avortement de fortune, a mouillé dans le port de Dublin, le 15 juin dernier. quatre-vingt Irlandaises se sont précipitées sur cette occasion de se débarrasser d’une grossesse non souhaitée. Cette initiative orchestrée par la Fondation des Vagues, d’origine hollandaise, voulait répondre à une situation délictueuse en Irlande. En effet, ce pays connaît la législation la plus restrictive d’Europe en matière d’IVG. Malgré plusieurs référendums, le droit à l’avortement y est toujours nié. Ainsi, plus de six mille femmes franchissent la mer pour se rendre en Angleterre chaque année. Cette opération avait une ambition plus médiatique qu’opérationnelle. Les organisatrices tenaient à dénoncer l’état de non-droit fait aux Irlandaises et inviter leur gouvernement à légaliser l’IVG. Défi difficile… FÉVRIER 2003

COALITION INTERNATIONALE DE SOUTIEN AUX FEMMES POLONAISES Plus de cent cinquante groupes de toutes religions, organisations pour les droits humains, de reproduction, et féministes ont manifesté leur soutien aux femmes polonaises en signant la lettre adressée au Président de Pologne pour le presser d’honorer sa promesse de réformer les lois sur l’avortement. Sur quatre-vingt mille à deux cent mille avortements par an estimés,

quotidien et à leurs actions. Nous avons appris que la vie ne s’améliorait pas for-

lences contre les femmes, dont les viols, les violences sexuelles et la prostitution, toutes ces questions nous semblèrent encore plus urgentes à traiter. Malin : Aux Pénélopes, nous avons été très actives dans le processus des Forums sociaux, dès leurs débuts,

DÉCEMBRE 2003

NONNES AMÉRICAINES CONTRE LES TABOUS Une délégation de religieuses catholiques américaines a fait le voyage à Rome pour interpeller les hautes autorités religieuses sur les abus sexuels exercés par des prêtres. Tenues à l’écart des décisions prises par leur Eglise, les nonnes subissent les conséquences de ces abus : non seulement les soupçons retombent sur elles, perturbant leurs interventions dans les écoles ou centres de santé, mais encore il leur incombe fréquemment de prendre soin des victimes. Les religieuses refusent de tolérer plus longtemps cette situation contradictoire. Elles veulent lancer un débat de fond sur la place des femmes dans l’Eglise catholique et en finir avec l’obéissance inconditionnelle. Il est temps, jugent-elles, de ne plus faire l’impasse sur la sexualité. Elles estiment également que la présence de femmes dans les instances dirigeantes des diocèses est indispensable pour mieux se rapprocher des réalités des enfants et des familles.

aux niveaux mondial et européen. Que retiens-tu de cette expérience ? Et aussi : aujourd’hui, l’Union européenne est plus militarisée que jamais et les politiques économiques libérales dominent toujours : alors, qu’allons-nous faire ?

avons contribué à mobiliser autant de gement de trajectoire des politiques européennes. Au sein des mouvements sociaux, il n’était pas toujours facile d’intégrer un point de vue féministe ; nisateurs et mouvements dominés par des mâles. Ils voulaient parler d’économie, mais ils semblaient considérer que le vécu et les actions des femmes n’en-

83 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

tion », la situation économique empirait pour les femmes avec les politiques néolibérales démantelant les services publics. Je pense que les contacts avec ces différents groupes de femmes ont renforcé

en 2001 seuls cent vingt-quatre avortements furent pratiqués légalement. Un sondage a montré que dans une population à 90% catholiques, 49% de Polonais souhaitent voir la loi assouplie et 37% sont contre. La Pologne, candidate à l’UE en 2004, y serait le second pays où l’avortement est illégal.


Altermondialistes de tous les pays

questions de religion ou de prostitution,

84

en débat, car elles restaient considérées comme « privées ». Fondamentalement, ils n’acceptaient pas le point de vue féministe selon lequel le privé, l’intime, appartiennent aussi au politique. Je crois que beaucoup de militants des mouvements sociaux restent dans l’idée que nous devions d’abord faire LA Révolution et qu’après, nous nous occuperions du « reste » – comme si nous, les féministes, étions là pour discuter de qui nettoierait la cuisine. Dominique : En parlant de ça, penses-tu que ce soit plus, ou moins facile aujourd’hui de faire entendre les questions féministes au sein de l’Union européenne ? faites aux femmes, et même de la santé

de vue, de bonnes décisions prises. Mais

s’agissant des services publics, des politiques économiques, et de la dramatique évolution de la libéralisation et des priPersonnellement, je pense qu’au point où nous en sommes, en tant que féministes, nous devrions prendre clairement position contre tout transfert de pouvoir à l’UE, où les décisions sont de plus en plus prises sans aucun contrôle démocranous devons renforcer notre opposition aux doctrines économiques émanant que féministes, nous ne devons pas nous désengager complètement. Nous devons être présentes dans l’espace politique européen, pour mettre en avant nos priorités et faire entendre nos voix.

économiques, quand nous entretenions des contacts avec des femmes d’Europe centrale et orientale, elles subissaient les remous de la libéralisation et des priva-

HUMEUR

La pluie n’empêche jamais l’enthousiasme — Jivka Marinova, novembre 2003

Le matin pluvieux du 12 novembre 2003 n’a pas empêché des centaines de femmes de se rassembler sous le Grand Chapiteau dans le parc de Bobigny. On était plus de deux mille, ou peut-être plus de trois mille ? Des femmes de tous les âges, avec ou sans parapluies, mais pleines d’énergie, se précipitaient pour trouver une place et se joindre a l’atmosphère enthousiaste qui régnait partout malgré la boue et le chaos apparent. Au fait, tout était bien organisé et les filles et les garçons aux portes d’entrée gardaient un sang froid étonnant et un sourire aussi... Je me demande si on saura garder cette amitié spontanée et l’esprit positif et militant en même temps. Nous sommes tellement différentes. Les idées avec lesquelles nous sommes venues sont aussi différentes que nos visages, mais pour changer le monde et le faire meilleur, il nous faut être ensemble. Nous les femmes de l’Europe de l’Est, nous avions perdu le sens de la force collective et maintenant il nous faudrait croire encore que le futur nous appartient et il est entre nos mains.


tisations. Les services publics, dont les femmes sont les premières usagères, étaient en train de disparaître. Grâce à prenions mieux la violence de ces poli-

la loi contre les violences faites aux femmes en Espagne, la pénalisation des nordiques. Notre but serait que tous les

que nous sommes en train de vivre avec les « mesures d’austérité », la privatisation des services, les atteintes aux droits du santé... Malin : Et le futur ? Penses-tu que le processus politique européen puisse intégrer des points de vue et des propositions féministes ?

JANVIER 2002

INDIENNES CONTINUE

AOÛT 2002

CHERCHEZ LES FEMMES

Dans les deux cas historiques de scandales financiers qui viennent de secouer les Etats-Unis et les sphères financières mondialisées, ce sont des femmes, Sherron Watkins et Cynthia Cooper, toutes deux

la cause des femmes » a appelé « la clause de l’Européenne la plus favorisée », et ne s’accordent pas sur un consensus minimum. Mais il faut se battre pour ça, car est certain, c’est que si personne ne fait rien, il ne se passera rien de bon !

comptables en interne dans l’une et l’autre des deux compagnies géantes, qui ont tiré la sonnette d’alarme auprès de leurs grands patrons. En charge de l’audit interne des comptes, elles ont en effet mis a nu les milliards de dépenses déguisés en capital et, réalisant que ces montages scabreux, même si couverts par les plus prestigieux auditeurs de Wall Street, sortaient largement de la légalité, les ont extraits de leur chape de silence. Dans les deux cas, elles ont outrepassé l’invitation de leur hiérarchie immédiate à arrêter leurs travaux et adressé des mémos à leur direction générale, avant que les scandales ne soient connus de la presse et éclatent au grand jour. OCTOBRE 2002

RECYCLAGE, ARTISANAT ET ÉMANCIPATION EN AFRIQUE DU SUD ZOULOU

Jenni Kirkland, artisane d’une ville du KwazuluNatal, a expliqué comment depuis dix ans elle a recruté cent trente-deux femmes de la communauté Obanjeni pour recycler de vulgaires sacs plastiques usagés en chapeaux, paniers et autres accessoires. Les produits de l’artisanat sont devenus si populaires qu’ils sont aujourd’hui vendus à travers le monde et que pas moins de trente mille sacs sont mis en pièces et tissés chaque mois. L’activité a radicalement changé la vie des femmes y prenant part, sorti de nombreuses familles de la misère, en même temps que nettoyé les rues ! « Cela a changé leur vision de la vie, de la criminalité et du sida », explique Jenny Kirkland. « Leurs enfants vont maintenant à l’école et elles investissent depuis peu 10% de leurs revenus dans un programme d’alphabétisation d’adultes dont ont déjà bénéficié quarante-et-une femmes ».

85 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Il y a presque huit ans, les Indien-nes se sont soulevés en armes au sein de l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) contre le néolibéralisme et pour leur autonomie. Le commandant Marcos a connu son heure de gloire auprès des médias, mais après le massacre en décembre 1997 de quarante-cinq Indiennes, silence radio. Le Chiapas est toujours un état occupé au sein du Mexique. Malgré la signature, il y a six ans, d’accords, non respectés par le gouvernement, les violences contre les Indiennes perdurent : viols, meurtres, agressions, menaces… Deux commissions civiles ont élaboré des rapports sur la violation des droits humains au Chiapas et affirment la nécessité d’un rapporteur spécial de l’ONU, pendant que l’Union Européenne signe des traités de libre échange avec le gouvernement mexicain. Bien avant la création du mouvement zapatiste, les Indiennes ont appris à résister. Les pratiques autogestionnaires et solidaires ont permis la construction d’écoles, cliniques, centres d’artisanat. L’organisation des femmes en coopératives menant à une autonomie financière, elles occupent désormais l’espace politique en s’opposant aux politiques autoritaires, paternalistes et racistes de l’Etat.

plus féministes en vigueur dans tel ou tel


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COURIR DEVANT P LE PLUS GRAND NOM rencontrées la première fois en 1998. J’organisais la conférence Know How, qui allait devenir la conférence internationale féministe la plus révolutionnaire après la 4e l’ONU en 1995. J’avais été une éditrice et une militante féministe et cela m’intéressait de partager des idées et des connaissances comme bases de ce qui servirait de patron à la création d’une nouvelle réalité pour les femmes. Joelle m’a écrit de nombreuses lettres, me demandant une tion en tant que participante. Elle arguait que la France n’offrait pas de facilités de mation féministes et que les Pénélopes devaient impérativement faire partie de la conférence. Notre politique – celle de nos bailleurs – était que seul-es les partiquitter de leur inscription. Ma réticence à souscrire favorablement aux demandes vé une autre organisation française en capacité de transmettre sa contribution. lors d’un atelier international regroupant des organisations-clés travaillant sur le sujet femmes et information, et qui préparait une nouvelle façon pour les organisations de femmes de participer aux processus des Nations Unies. Nous avons commencé un partenariat qui m’a profondément inspirée profession-

Réunir | Créer | Transformer. Lin McDevitt-Pugh est une passionnée de l’organisation en réseau et de l’égalité des genres. Dans son travail et dans le jeu, elle promeut une culture du voir, jouir et travailler avec la grandeur des autres. Elle vit aux Pays-Bas. travaillé ensemble sur de nombreux constamment appris l’une de l’autre. Je me félicite ou je me réjouis d’avoir eu femme extraordinaire. Lin Que vouliez-vous changer quand vous avez démarré les Pénélopes ? du patriarcat. Juste après la 4e rence des femmes à Pékin en 1995, plus de quarante mille femmes ont manifesté dans les rues de Paris pour demander l’application des lois sur l’avortement. On n’a pas trouvé une simple ligne sur cette manifestation dans les médias français. Ça a été la goutte qui a fait déborder le vase pour mes amies et moi, toutes selon laquelle les femmes sont invisibles et nous nous sommes mises en tête de créer un outil qui promeuve les savoirs des femmes, les savoirs féministes. Nous n’étions pas de

Nous voulions changer cet idée selon laquelle les femmes sont invisibles


POUR ENTRAÎNER MBRE simples spectatrices des médias, nous devions les créer en tant que féministes. Lin Pourquoi Internet ? A l’époque du minitel en France ? N’étiez-vous pas préoccupées par le fait que per-

sonne ne pourrait trouver votre information féministe ? n’avions pas l’argent nécessaire pour créer un journal papier et nous étions

HUMEUR

Le boycott, c’est bon pour la santé ! — Dominique Foufelle, avril 2001

87 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Rien de tel que le boycott pour mesurer à quel point Danone envahit le rayon crémerie des supermarchés ! Que de desserts lactés dont on est obligés de priver nos mômes ! Pour s’en consoler, il existe un moyen bien simple : lire la composition du produit. Ils en mettent là-dedans, des substances difficilement identifiables, mais dont on devine que le corps s’en passe avantageusement ! Autre bénéfice : on supprime sans passer pour rétrograde les images à collectionner par lesquelles les dits produits attirent le gogo en herbe. Ça coûte combien, un accord avec les marchands de soupe audiovisuelle made in Japan ? Bonbon, à n’en pas douter. Mais ça peut rapporter gros, alors là, l’actionnaire est d’accord pour ne pas regarder à la dépense. Tandis que garder des employés dont on pourrait se passer, franchement, c’est du gaspillage ! [...] D’ailleurs, ils s’étonnent, les patrons, que la piétaille ne veuille pas le comprendre. De quoi elle se mêle de vouloir être solidaire avec des gens qu’elle ne connaît même pas ? Au lieu de continuer à bouffer tranquillement des pizzas surgelées ! Il ne manquerait plus que le boycott lui fasse s’apercevoir qu’il y a des tas de produits dont elle peut fort bien se passer ! Vous ne voyez pas qu’elle réfléchisse sur ses habitudes de consommation ? [...] Des citoyens qui réfléchissent, c’est jamais bon pour les affaires. On les a pourtant bien prévenus qu’à cause d’eux, il y aurait encore plus de licenciements ! Les puissants ne peuvent même plus se réunir pour décider de la marche du monde sans qu’ils viennent les enquiquiner ! Les pauvres patrons se font gronder pour un oui, pour un non. Prenez Marks and Spencer : ils ne vendaient plus leurs fringues parce que le grand chef ne s’était pas rendu compte qu’il était le seul à aimer le style Margaret Thatcher. Mais l’erreur est humaine ! Au lieu de lui jeter la pierre, les salariées sur le pavé feraient bien de prendre exemple sur l’OM. Marseille a su pardonner à Bernard. Il est vrai que pour incarner les viriles vertus de l’arrogance et de l’agressivité, on trouve difficilement mieux. Un pour tous, tous couillus ! Et si on boycottait la télé, pendant qu’on y est ?


AVRIL 2001

toutes bénévoles. Nous savions qu’Internet était en train d’arriver. Nous avons

Jeudi dernier, des mouvements des femmes se sont rassemblés à Québec pour protester contre l’Accord de libre échange des Amériques (ZLEA). Elles ont organisé une manifestation pacifique avec beaucoup de couleurs, de chansons et de slogans. Les banderoles témoignaient sur la manière dont l’échange néo-libéral et la libéralisation de l’investissement se font au détriment des droits des femmes : la brutalité du système des maquilladoras, la migration des femmes, la commercialisation des corps des femmes, l’accroissement des tâches des femmes quand l’Etat se soustrait à ses responsabilités publiques, les conflits armés, etc. Cependant, la grande douceur de la manifestation contrastait étrangement avec lucidité : les chansons étaient calmes, plusieurs manifestantes s’étaient déguisées en femmes enceintes... Confrontées aux menaces imposées par la ZLEA sur les vies des femmes, on aurait pu souhaiter voir, sentir et entendre – fort – davantage de la colère sans complaisance et de l’impatience – demandant un processus d’intégration qui inclue les droits des femmes comme un objectif central.

dans tous les sens du mot – nous avions la liberté de dire ce que nous voulions – et gratuit, libre de droit de paiement. En

Altermondialistes de tous les pays

OÙ SONT LES FEMMES IMPATIENTES, EN COLÈRE ET BRUYANTES ?

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MARS 2002 Le 26 février 2002, devant un parterre de convaincus à l’église St Luke de Washington, le Président Bush a décrit les grandes lignes de son programme social. Objectif annoncé : en finir avec des décennies de dépendance aux aides sociales. Pour aider les pauvres à se sortir de la pauvreté, Bush préconise de durcir les conditions d’accès aux aides. Ils doivent travailler davantage ! Ils doivent aussi se marier davantage, car remarque finement le président, la vie des mères célibataires et de leurs enfants serait plus facile si les pères faisaient face à leurs responsabilités. Pour servir cette noble cause, il est prêt à lâcher trois cents millions de dollars par an. cent trente-cinq millions seront eux consacrés au fameux programme d’abstinence, que Bush tient pour mesure nécessaire et suffisante de prévention contre les grossesses involontaires et les MST. « Quand nos enfants font face au choix entre libre contrainte et auto-destruction, le gouvernement ne peut rester neutre », a-t-il déclaré.

des utilisateurs et nous avons tout obtenu gratuitement. Nous avons appris facilement et rapidement et en 1998, nous avons rencontré une très bonne gradevenues visibles dans les médias, parce cause de son contenu. Des interviews ont suivi dont celui avec et beauNous avons compris que la question de l’accès à Internet ne serait pas longtemps un problème. Notre souci n’a pas été de savoir comment faire venir les gens à nos actus. Notre préoccupation a davantage sions de partager. Quand nous avons que les gens se sont précipités à nos studios, nous avons su que nous n’étions pas regardées mais que ce que nous expéritravers ce média, les gens commençaient idées. Nous avons créé un espace de parole pour les femmes. Lin : Dans les projets que toi et moi avons menés ensemble, tu as toujours introduit une part d’information qui est complètement unique et que personne n’a jamais fait auparavant. et à New York, nous avons introduit l’idée qu’il était nécessaire de jeter un discussion. Et nous l’avons fait dans le studio de télévision. Les gens ont parlé. Personne n’avait fait ça au préalable. Les c’est une communication à sens unique.


débats. Après quelques années, d’autres organisations ont appris à faire ce que nous avons fait. Nous avons également montré à quel point il était facile de s’approprier l’outil. Au Forum d’AWID1 à Mexico, nous avons montré aux gens comment il était facile de réaliser un site web. Je me souviens encore d’avoir vu

Quand j’ai vu la quantité de blogs qui ont été montés après cette rencontre, important c’est que les femmes s’expriment, en utilisant ces outils. Lin : Regardons l’impact que les Pénélopes ont eu sur les institutions sociales. Vous vouliez combattre le patriarcat. Avez-vous des preuves de votre succès ? Notre plus grand succès réside dans le fait que nous étions lues. Nous avions quatre mille visites par jour entre 1998 et 2004. Nous étions connues, notre

que nous avions une vision globale. Tout le monde savait que nous étions autonomes. Les Pénélopes n’a pas été créé comme une institution avec la autres. L’agence a été créée pour parler en toute liberté. Nous écrivions ce que 1. Association of Women in Development, Guadalajara, 2003

LES NOUVELLES FERMIÈRES

Le nombre d’agricultrices est en augmentation aux Etats-Unis, où beaucoup de femmes choisissent d’acheter ou de louer des terres à cultiver. Les femmes représenteraient 5,2% des agriculteurs américains. Des femmes qui ne sont plus seulement des « partenaires silencieuses » de leurs conjoints agriculteurs, mais qui occupent de plus en plus les postes de direction de fermes et d’exploitations. Ces agricultrices gèrent souvent de petites structures, où la production biologique est importante, comme dans l’Etat du Vermont, qui compte 13% de femmes dans les rangs de ses agriculteurs. Un mouvement salué et encouragé par le Bureau Américain des Fermes, lors de la 3e conférence internationale de la femme dans l’agriculture qui s’est tenue à Madrid en octobre dernier. JANVIER 2003

POUR NESTLÉ, IL N’Y A PAS DE PETIT PROFIT

L’Unicef estime que 1,5 millions de bébés meurent chaque année d’avoir été nourris au biberon plutôt qu’au sein, entre autres parce que les biberons sont remplis avec de l’eau non potable. Nestlé, déjà fort bien connue en Afrique pour sa promotion agressive du lait en poudre pour les nouveaux-nés, au mépris total de la santé de ceux-ci et des recommandations de l’OMS, a récemment réclamé six millions de dollars au gouvernement éthiopien, en compensation de la nationalisation d’une compagnie qui remontait à vingt-sept ans et qui ne lui appartenait même pas à cette époque ! Les ventes de Nestlé représentent huit fois le PNB de l’Ethiopie, laquelle dédie 10% de son budget au remboursement de la dette extérieure. Devant l’indignation internationale, la multinationale suisse de l’agroalimentaire a renoncé à ses exigences. Dans nos vies quotidiennes de consommateurs, Nestlé, c’est : Perrier, Vittel, Nescafé, Maggi, Buitoni, Smarties, L’Oréal, KitKat, et bien d’autres.

89 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

ce que nous savions. Nous avions de l’information – nous publiions soixantevenant de partout dans le monde. Nous écrivions autant sur la sortie de livres, sur des rencontres, des manifestations,

DÉCEMBRE 2002


Altermondialistes de tous les pays

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grandes organisations comme AWID, nos facilités à créer et à partager des informations sont très différentes. Nous avions la liberté d’écrire avec une perspective personnelle, d’avoir un point de vue autonome. Nous avions la liberté d’écrire avec une perspective person-

nelle, d’avoir un point de vue autonome. AWID, quant à elle, est subventionnée

façon de voir l’information. Leur boulot consiste à être ceux qui savent. organisations sont des libres voix. Des

HUMEUR

Libérez nos camarades ! — Joelle Palmieri, juin 2003

Alors voilà ! On nous avait bien prévenu-es que les Irakiens seraient libérés du joug du Raïs grâce aux maîtres du monde, les Etats-Unis et leurs valets les Anglais, mais c’était, comme d’habitude, sans spécifier que cela ne se conjuguait pas au féminin. Eh oui ! comme si la libération prétendue des hommes était contradictoire à celle des femmes… A en croire les dernières nouvelles, c’est tout vu : augmentation des viols, des adolescentes de préférence, enlèvements et disparitions, mises à mort après le crime parce qu’impures, ces êtres de sexe féminin n’ont déjà plus droit d’aller au poste de police le plus proche pour porter plainte et encore moins de se faire examiner par un médecin, excepté à la morgue… Plus le droit non plus de porter un pantalon, d’aller à la mosquée ou à l’université sans l’abaya (voile noir qui couvre les femmes de pied en cap). Finie aussi la conduite sportive ou relax en voiture, les sorties nocturnes entre copines ou seule. Un peu plus loin, en Afghanistan, l’incarcération sociale des femmes va bon train. Malgré les très bonnes recommandations du Conseil économique et social de l’Onu, qui, en sept points, propose le « respect des droits des Afghanes en accord avec tous les traités internationaux », le nouveau gouvernement, se félicite de construire une république islamique. « Rien à voir avec la charia », explique un ancien conseiller politique et social du Commandant Massoud. Elections du président l’année prochaine. Mais il ne faut pas aller trop vite : « sous l’influence des Soviétiques, les femmes ont été trop libres, cela a conduit la société afghane à la débauche. Il y a eu ensuite le retour de bâton des talibans, et là, elles ont été trop brimées. Elles doivent maintenant suivre quelques règles de conduite. » Ça ne vous rappelle pas les curés des années 30 qui s’étaient donné le mot pour refuser le droit de vote aux femmes en France, alors que les suffragettes battaient le pavé ? Ces femmes, impures, à l’humeur changeante, aux fluides incontrôlables, pourraient se faire influencer par n’importe quelle figure et en particulier celle du changement… Les Tondues de la Libération l’auront bien bouffée celle-là ! Humiliées en public, désignées par la honte, ces Françaises comme les Afghanes et aujourd’hui les Iraniennes stigmatisent tout ce que l’empire masculin ne supporte pas : la liberté de choisir. Ah ! si toutes les femmes du monde se donnaient la m…


vité entre les deux. Lin : Les Pénélopes ont essayé d’obtenir de l’argent en subvention jusqu’à votre décision d’arrêter l’activité de l’organisation ?

retrouvais à monter les budgets pour les grands projets que nous avions, je mettais mon plus beau costume et j’allais dans les ministères parler aux personnes adéquates pour obtenir l’argent dont nous avions besoin. Nous réussissions. Nous étions parmi les organisations féministes françaises à obtenir de l’argent du gouvernement et en particulier du ministère des Affaires étrangères.

L’argent a eu également eu une grande

Mais, toutes les autres Pénélopes étaient les militantes travaillaient, quelques-unes avaient des enfants et menaient cette activité bénévole. Elles voulaient faire les gées – écrire, mettre en page, faire des

atteint quand un jour l’ensemble du collectif et moi nous sommes rencontrées plus remettre mon costume, je voudrais que quelqu’un d’autre fasse ce travail ». Plutôt que de prendre le problème à bras le corps, elles ont discuté et se sont mises

Nous devions cesser l’activité de l’orgaAVRIL 2002

Alors qu’on fête les 40 ans de la pilule contraceptive, des chercheurs d’Edimbourg tentent de mettre au point une « pilule » pour les hommes. Techniquement parlant, ça n’est pas simple : il s’agit de neutraliser non pas un ovule, mais des millions de spermatozoïdes – sans perturber la libido. L’équipe s’accorde un délai de cinq à dix ans. Mais si la formule est trouvée, les hommes l’utiliseront-ils ? Les avis sont partagés : les pessimistes craignent qu’une éjaculation « à vide » ne soit vécue comme une atteinte à la virilité, et que peu de femmes délèguent en toute confiance à leur partenaire le soin de se préoccuper de la contraception ; les optimistes admettent que cette « pilule » ne touchera de toutes façons que les couples stables, modernes et fidèles. Tous s’accordent sur un point : un partage des responsabilités entre hommes et femmes en ce domaine révolutionnerait les rapports sexuels. Car actuellement, selon les Nations-Unies, les deux tiers des couples qui utilisent une méthode contraceptive ont adopté une méthode féminine. Et en ce qui concerne la stérilisation, alors que la masculine nécessite une opération beaucoup plus simple, c’est la féminine qui est le plus souvent adoptée par les couples américains ayant choisi cette méthode expéditive. Et qui gère l’utilisation du bon vieux préservatif ?

CONTRE LA MÉDECINE À DEUX VITESSES

REVOILÀ LE SERPENT DE MER !

Cent cinquante organisations de la société civile ont mis en place une pétition dénonçant la mise en œuvre des Accords révisés de Bangui de l’Organisation Africaine pour la Propriété Intellectuelle (OAPI) qui compromettent l’accès des malades aux médicaments génériques. Selon les ONG, ces accords prévoyant le doublement de la durée des brevets de dix à vingt ans, limiteraient la production et l’importation de produits génériques et principalement des anti-rétroviraux (ARV). Selon MSF, seuls trois cents malades du sida sur huit cent mille au Burkina bénéficient d’un traitement ARV d’un coût mensuel d’environ 125 USD, grâce à un partenariat avec trois firmes pharmaceutiques. Une importation de génériques d’Inde ou du Brésil ramènerait le coût à 33 USD. Une campagne de mobilisation a déjà démarré afin de collecter des signatures pour une pétition qui sera remise au Chef de l’Etat, actuellement Président du Conseil National de lutte contre le Sida. Le Burkina est membre du Conseil d’Administration de l’OAPI qui se réunira dans deux mois afin de décider la mise en œuvre effective des accords.

91 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

SEPTEMBRE 2000


Altermondialistes de tous les pays

de continuer.

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sation au sein des Pénélopes. Personne n’a tenaires. Dans tous les projets internationaux auxquels nous avons participé, c’est globalement moi qui ai créé et entretenu le fait de faire uniquement ce que l’on veut au sein de l’organisation nous a été fatal. Lin : Avec le recul, y avait-il un autre façon d’agir ? Les Pénélopes auraientelles pu trouver un autre modèle qu’elles étaient clairement si douées pour réaliser ?

que je vois est une guerre épistémique entre l’autonomie et l’institutionalisation. A cette étape du développement et la communication, la mondialisation, créent un environnement complexe dans devons inventer une nouvelle façon de diffuser l’information. Nous devons être conscient-es de la façon dont nous

pour Quoi ? Nous devons examiner très

HUMEUR

Gueule de bois — Dominique Foufelle - 31 décembre 2003

Cette année, c’est sûr, au lendemain du réveillon, on aura la gueule de bois. Pas tant à cause de l’overdose de paillettes et de Mickey à la télé, non. Même pas de l’ingurgitation massive de boissons fortes et de volaille surengraissée. Mais parce que le premier jour de l’année se lèvera sur un paysage de désolation. Pour des milliers de chômeur-ses français-es sonnera l’heure des vaches encore plus maigres. Des millions d’Etats-Uniens se demanderont s’ils n’ont pas bouffé de la vache folle. Les Serbes souffriront du retour de la folie nationaliste. Entre autres, et pour ne citer que des « nouveautés ». Et les femmes continueront à subir en première ligne les ravages de la logique du fric triomphant, au nom de laquelle s’intensifie l’exploitation des ressources environnementales et humaines. Et les féministes continueront à dénoncer la mortifère alliance du capitalisme (ou du néolibéralisme, si vous préférez) et du patriarcat… Qu’on ne nous impose en sus les termes d’un prétendu débat ! « Est-ce que vous êtes pour ou contre une loi contre le port de signes religieux ? » – répondez, c’est un ordre ! Nous aux Pénélopes, on en débat. La laïcité, oui ; l’exclusion, non : là-dessus, on est toutes d’accord. Et aussi pour en avoir ras-le-bol de commentaires où il est tant question des libertés religieuses, et si peu de celles des femmes. Alors, quelle stratégie contre les discriminations, qu’elles soient sexistes, raciales ou sociales ? Quel remède contre la gueule de bois qu’on risque de se trimballer toute l’année ? Vomir ! Gerber, non seulement notre colère, mais nos analyses, nos propositions. Ne pas, surtout pas, nous les laisser confisquer, dénaturer, récupérer. Cher-es camarades mal poli-es, n’hésitez pas à investir l’espace de parole qu’offre notre site ! Nous vous souhaitons une année forte en gueule – et riche en joies.


Nous devons rendre visibles les savoirs invisibles que les femmes ont. Je vais te avons parlé avec des jeunes des mutilations génitales fémines. Ils avaient entre 18 et 25 ans et nous leur avons demandé ger ? Qu’est-ce qu’ils veulent garder ? Nous avons laissé les gens parler et écouter. Les gens ne sauront pas ce que les jeunes veulent si les jeunes ne parlent pas

de paroles. -

façons d’avoir accès au savoir qui existe lisée dans une organisation institutionnalisée. L’agilité est la clé. Lin : J’ai appris que de petits groupes de personnes passionnées innovaient. Ils peuvent être dans les institutions DÉCEMBRE 2000

DES MÉDECINS OTAGES

MARS 2003

DES KENYANES MANIFESTENT CONTRE DES INTÉGRISTES

Des femmes ont manifesté à Eldoret, à l’ouest du Kenya. Elles réclament des actions gouvernementales pour les protéger contre des hommes qui agressent celles qui portent des pantalons en les déshabillant complètement. Ces hommes sèment la panique et les femmes n’osent sortir qu’en robe. vingt-trois agresseurs ont été arrêtés puis libérés sous caution.

ment les innovations venaient de personnes qui écoutaient des femmes. Il existe un projet où des participant-es vont voir des femmes et leur demandent de raconter leur vie quotidienne. Quels jour ? A quoi ressemble votre vie dans la réalité ? En posant des questions comme celles-là, elles ont appris que ces femmes n’aiment pas aller aux toilettes toutes seules car elles ont peur. En diffusant cette expression d’une expérience, ce projet fournit de l’information à propos de faits qui dominent, structurent les ment peut alors venir en exprimant ces faits, en les écoutant, et ensuite pour rallonger seulement, en agissant. Internet a évolué et une fois de plus nous faits qui structurent les valeurs de la vie quotidienne ? Nous devons nous poser des questions prodonfément inscrites dans notre existence et avec les réponses que nous trouvons, nous devenons un relais pour les paroles des femmes. D’après une victime, ces hommes appartiennent à une secte défendant des valeurs traditionnelles des Kikuyu et sont partisans de l’excision. FÉVRIER 2004

LAISSENT PAS FAIRE

L’entreprise Hotrifa a été victime de la mondialisation sauvage. Quelques années après sa création, l’investisseur hollandais l’a déclarée en faillite. Il a ensuite disparu, gardant les bénéfices, et laissant les salaires, loyers et factures impayés. Il faut préciser que la Tunisie, comme les autres pays, cherche à attirer les capitaux étrangers en leur offrant pendant les premières années des conditions fiscales très avantageuses. Pour des personnes peu scrupuleuses, cela permet de créer une société, en tirer tous les bénéfices possibles pendant cette période, et l’abandonner ensuite, quitte à recommencer la même chose ailleurs. Les ouvrières de Hotrifa ont décidé de ne pas se laisser faire et se mobilisent depuis le 7 janvier pour faire valoir leurs droits.

93 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Il aura fallu des années pour que la pilule abortive RU-486 obtienne l’autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis. Mais la cause n’est pas gagnée ! Car, indique le Los Angeles Times, dans les petites villes et les zones rurales, là où n’existent pas de centres de planning familial, les médecins hésitent à l’utiliser. Tout simplement par peur que la chose ne s’ébruite et leur coûte une partie de leur clientèle. Des campagnes d’information s’imposeraient – mais on doute que l’administration Bush agisse dans ce sens !

ou en dehors. Es-tu d’accord ?


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2012, L’ANNÉE DU CHANGEMENT OU DE 2012, l’année où pour la première fois une femme noire accède à la troisième place du gouvernement en étant nommée garde des sceaux, ministre de la Justice. Une femme qui fût à l’initiative de la loi qui reconnaît l’esclavage comme

bira, femme noire, est aussi et c’est le plus important, une femme brillante, intelligente, combative, militante, en espérant qu’au delà de sa couleur c’est ce qu’on retiendra d’elle. Mais ce n’est pas gagné !

Technicienne du son, d’origine martiniquaise, Florence Thémia dirige depuis 1995 Radio Déclic, une radio « participative » en banlieue parisienne.

en grande majorité pour la parité impopeut pas toujours compter sur la bonne volonté, ni tomber dans l’angélisme » alors que la question de la présence des femmes dans les instances de pouvoir est « une question de principe ». En

Pénélopes en particulier, la bonne nousoit paritaire. La nomination de Taubira, femme noire, à la Justice représente un aussi fort au poste de l’Education ou de

parité dans tous les domaines. Je partage cet avis, sauf que peut-être cela pourrait taines d’exercer des métiers auxquels ils ou qu’elles n’auraient pas oser prétendre sous prétexte que ce sont des métiers dits

femme présidente, et de sur-

j’évoque avec Dominique le Les Pénélopes lien entre féminisme et antiracisme. Les Pénélopes ont ont toujours pensé qu’il toujours pensé qu’il existait existait un lien entre et l’ont notamment démonféminisme et antiracisme. visée internationale et en ne se croît noire ! Mais nous n’en sommes pas encore là. Et je dirais encore très loin !

cantonnant pas aux problèmes franco-français ou aux problématiques occidentales. Je lui demande alors si elle pense que

eu beaucoup de débats autour de cette

prennent en considération les problématiques des femmes non européennes et


U GRAND E LA FIN ? HUMEUR

No pasaran ! — Joelle Palmieri, novembre 2001

95 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

D’aucuns pensent que les femmes ont un cerveau plus petit que celui des hommes, qu’elles sont là pour reproduire la race, la protubérance de leur ventre rivalisant avec l’étroitesse de leur boîte crânienne. Comment peuvent-ils alors tolérer toute forme d’impertinence, voire de vulgarité, émanant de ces êtres du sexe faible qui sont censés garder le foyer, veiller au bienêtre de la famille, et dans la foulée à la paix sociale ? Toute déviance présagerait donc d’une perversion, d’une forme de décadence que la société des hommes ne saurait tolérer. Les nationalistes, fanatiques et fascistes de tout poil assoient ces thèses sur l’ambition de coopérer à une société de l’ordre, au maintien d’une Nation, dont on ne saurait mettre en cause son socle minimum de valeurs: patriarcal, sexiste, raciste, homophobe. Tout écart des citoyens qui la composent constitue alors une menace à la stabilité, pire une entrave à ses lois. Fort heureusement, les forces de sécurité et les tenants du pouvoir veillent…Toute dérogation est passible de peine, allant de l’avertissement, la menace, en passant par la réprimande, jusqu’à la condamnation et l’exclusion. Notre société, dite démocratique, est ainsi faite qu’elle déniche ses fidèles serviteurs dans les moindres recoins : des hémicycles, aux salles de presse, en passant par les bourses, les forteresses de fortune, comme celle de Doha au Qatar, les frontières occultes, ou encore les grottes des déserts… Que la population n’ait crainte ! Les garants de ce monde assurent la totale maîtrise de la situation : libre circulation des capitaux, des êtres humains et de leurs organes, des armes et drogues en tout genre. Que la population soit reconnaissante ! Les grands de ce monde veillent à sa sécurité : augmentation des contrôles aux frontières, perquisition des coffres de voiture et autres poches, écoute des conversations téléphoniques, lecture et archivage des messages électroniques, vérification des sacs de farine ou de riz acheminés par l’aide humanitaire, restriction ou confiscation des droits pour celles et ceux qui s’opposent au bon fonctionnement de cet ordre. Reste qu’une bonne poignée d’êtres humains, et en particulier sa version « satanique » incarnée par les femelles, tente d’y faire obstacle, d’y opposer des modèles de justice et de paix, d’inviter au débat pour la construction d’une pensée plurielle, non hégémonique et libre. L’heure est à la solidarité, au renforcement des troupes et à l’union. Mobilisation !


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DÉCEMBRE 2000

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Le 4 décembre, s’est ouverte à Santiago du Chili, la conférence régionale préparatoire à la conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les formes connexes d’intolérance qui se tiendra à Johannesburg début septembre 2001. Tout le monde s’est accordé pour affirmer que même si la pauvreté du continent explique bien des comportements racistes, les indigènes et les afro-américains ne doivent pas en faire les frais. Les indigènes réclament un statut de citoyen à part entière, le droit à la terre, leur autonomie administrative et politique, le droit de pratiquer leur langue… Les populations noires, premières résistantes au colonialisme et à l’esclavagisme réclament une légitimité historique dans l’indépendance des pays du continent. A cet égard, elles dénoncent les discriminations modernes. La conférence a aussi examiné la situation des immigrés, citoyens de deuxième zone. Les Etats doivent leur reconnaître les droits économiques, sociaux, culturels et politiques. Les participant-es ont également établi le pont entre le racisme et les différentes formes d’intolérance comme le sexisme qui rend les femmes victimes d’une double discrimination. L’intégration de la dimension du genre permettrait donc de lutter efficacement contre toute forme de domination. JANVIER 2002

CONTRE LES VIOLENCES CONJUGALES

Des groupements féminins du Sénégal ont organisé une marche de protestation pour alerter l’opinion publique nationale et internationale sur l’urgence d’éradiquer les violences faites aux femmes, principalement dans le cadre conjugal. Le Président Wade leur a promis la mise à disposition d’un nunéro de tél vert (gratuit) et la création d’un observatoire pour les droits des femmes. Mesures largement insuffisantes selon les mouvements féministes qui dénoncent une société patriarcale où les agressions contre les femmes sont considérées comme naturelles. Depuis 1998, les organisations féminines font de la lutte contre les violences faites aux femmes leur cheval de bataille et ont pu obtenir en 1999 le vote d’une loi qui criminalise la violence conjugale et la punit d’une peine de prison ferme.

ou de couleur, ce qui pour moi est d’ailtion. Elle me répond que, dans le cadre des actions sur l’économie solidaire, où elles ont rencontré et fait se rencontrer des femmes africaines, brésiliennes, d’Amérique du sud, d’Europe de l’Est, et des Indiennes, elles se sont aperçu pas trop pauvres, étaient déjà dans une indépendance d’esprit, une autonomie totale, et qu’elles ne connaissaient pas les mêmes urgences que d’autres… qu’il existait des femmes qui en étaient toujours à se préserver des violences ou à se préoccuper de nourrir leur famille… Parfois les Pénélopes étaient confrontées

domination masculine n’était pas un concept très avancé. Aussi, il fallait tenir pas générer de sentiment de mépris. manifesté directement contre le racisme en France, c’est plutôt par l’intermédiaire d’un certain nombre d’activités qu’elles sont intervenues pour aider au développement d’actions de femmes immigrées, lutter contre le racisme. Avec la création de Femmes en réseau, les Pénélopes ont participé aux Forums sociaux mondiaux, en créant et animant des ateliers, des aux femmes de différents continents de s’exprimer sur leurs réalités, sur leur volonté de s’en sortir, de partager leurs objectifs, les obstacles rencontrés, mais aussi de mettre leurs compétences, prapermettait aussi que des femmes de différentes origines se trouvent des points

réconfortaient autant qu’elles faisaient bouger les esprits dans le sens où quels que soient leur lieu de vie ou leur cou-


leur, ces femmes vivent des situations similaires alors qu’elles connaissent des contextes différents et surtout peuvent trouver des solutions qui se ressemblent. de réduire l’isolement de ces femmes, en favorisant des réseaux locaux, par la création de site Internet, la mise en contact des différentes personnes, puis l’autonomie de gestion des sites et du réseau. admettent qu’il aurait fallu rester plus soutenir sur une plus longue durée, mais

c’est dur de trouver de l’argent ou alors c’est un vrai parcours de combattante pour trouver des fonds pour des projets concernant les femmes. Alors qu’il

seillaise… Je n’ai rien contre les footballeurs, mais les femmes ont beaucoup plus à apporter à notre monde. Il est vrai

éduquer une femme c’est éduquer toute une nation ». Revenons au sujet. Depuis quelques mentalisation du mot féminisme à des droite et l’extrême droite. En 93, Pasqua, mie, met en œuvres des mesures racistes, les lois dites « Pasqua », pour restreindre

GRÈVE DES FEMMES DE MÉNAGE EN FRANCE

Depuis plus d’un mois, en France, des employées de la société de nettoyage Arcade se sont mises en grève pour protester contre l’exploitation dont elles sont victimes. Ces femmes, Africaines pour la plupart, sont chargées de faire le ménage dans des hôtels. Leur contrat, qui prévoit théoriquement 6 heures de travail, stipule également un nombre de chambres à nettoyer. Ce nombre n’étant pas à la mesure du temps prévu, il en résulte un dépassement horaire systématique, non rémunéré bien sûr. Malgré plusieurs licenciements, ces femmes sont décidées à poursuivre la lutte. A l’heure où un candidat à la présidence française qui accuse les immigré-es de tous les maux remporte un cinquième des suffrages, leur révolte exemplaire remet les pendules à l’heure : en France, comme partout dans le monde, les travailleur-ses d’origine étrangère subissent une exploitation scandaleuse, et les discours racistes légitiment cette pratique. DÉCEMBRE 2003

ÉCHEC AUX FOUILLES ARBITRAIRES

Après quatre ans de palabres, les cinq mille quatre cents femmes qui avaient intenté une action collective contre la ville de Boston et la police du comté ont obtenu dix millions de dollars de dommages et intérêts. Toutes avaient été fouillées au corps lors d’arrestations pour des motifs bénins, de conduite en état d’ivresse à retard dans la restitution de jeux vidéo loués. Pratique aussi illégale qu’humiliante, de surcroît totalement superflue puisque seules cinq fouilles ont permis de découvrir des armes ou de la drogue. Dorénavant, les femmes arrêtées à Boston en dehors des horaires de bureau seront conduites au nouveau poste de police, incarcérées uniquement en cas de délit grave et fouillées si les officiers de police peuvent le justifier. L’indemnité sera répartie entre les plaignantes en fonction de leurs délits. Quatre catégories ont été établies, et les prostituées et les toxicomanes seront les moins bien servies. Et pourquoi donc ?

97 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

qui détiennent les décisions d’attribution et de distribution de l’argent public et je me demande tout d’un coup si ne pas en attribuer aux projets de femmes ne traduirait pas leur peur de perdre leurs -

AVRIL 2002


junior déclare devant les Nations Unies

Altermondialistes de tous les pays

le jour où il devient président, il coupe les subventions aux associations interna-

tionales de planning familial qui offraient des services et conseil en matière d’avortement. Il ne se préoccupera pas des combats menés par les féministes musulmanes sur le terrain. Ou encore plus récemment Marine Le Pen. Elle s’indigne

HUMEUR

Elections présidentielles françaises — Les Pénélopes, avril 2002

98

Un « vote de protestation », le terrifiant score réalisé par Le Pen ? Ce commentaire convenu offre à tous les partis, de gauche comme de droite, se recommandant de la démocratie, l’occasion d’en rejeter la faute sur le voisin. Et feint d’ignorer que tous les discours de peur, au passage, xénophobes et misogynes, font le lit de l’extrême-droite française (Front National et MNR réunis) qui véhicule depuis toujours une idéologie raciste, sexiste et totalitaire. Il nie la réalité de l’horreur : Oui ! un cinquième des votants, soit un peu moins de cinq millions de Français-es, a choisi de porter au pouvoir un homme qui considère les fours crématoires comme un « détail », la couleur de la peau comme influant sur les capacités intellectuelles des êtres humains, et plus ou moins explicitement, les immigré-es comme des délinquants, et les femmes comme des ventres bons à perpétuer la race ! Non ! l’incitation à la haine n’a aucune légitimité dans le débat démocratique ! Le discours xénophobe du Front National, les déclarations démagogiques qui lui tiennent lieu de programme, nous les condamnons sans ambiguïté. Pour tous les citoyens, et pour les femmes en particulier, la victoire de cette idéologie signifie la perte des acquis sociaux et celle des libertés fondamentales, dont la liberté d’expression sans laquelle nul changement n’est envisageable. Déjà là où la droite ultra-libérale mène la danse, comme aux Etats-Unis, les exclusions s’intensifient et les libertés sont sapées. Avec l’extrêmedroite, c’est pire ! [...] Jamais dans l’Histoire elle n’a œuvré dans le sens de la justice et de l’égalité. Car son objectif est, fondamentalement, l’écrasement des individu-es – y compris de celles et ceux qui lui ont apporté leur soutien. La France et ses représentants élus n’ont pas le droit d’avoir la mémoire courte. Il est encore temps de faire barrage à ces idéologies, soutenues sans complexe par la droite républicaine, et alimentées, on préfère le souhaiter, par bêtise par la gauche institutionnelle. L’urgence est à la mobilisation. Il est plus que temps de poser les vraies questions. Et surtout de construire des réponses. Il est temps d’entamer avec les citoyen-nes un débat exigeant, hors les sentiers battus de la démagogie. D’oser s’opposer aux diktats du « marché ». Et de sortir de la confidentialité où elles sont délibérément maintenues les réponses solidaires aux problèmes engendrés par l’exclusion. [...]


des violences faites aux femmes dans les quartiers, en stigmatisant une population. Elle élucubre sur comment ces noirs et ces arabes traitent leurs femmes, comment c’est dans leurs coutume et blancs français, nous ne pouvons accep-

veut également dé-rembourser l’IVG, « avortement de confort » dit-elle ! Oui

mières explications évoquées ont été un complot ou l’aveu d’un séducteur avec compter l’affaire Tron, accusé de viol en réunion. Non, là encore il s’agit de cas d’individus mâles et en aucune manière,

Par contre la représentation donnée est tout autre quand on parle des violences faites aux femmes musulmanes, étrangères ou d’origines diverses en banlieue. -

je vais aller faire un avortement et je me

des femmes un enjeu et de se positionner

AVRIL 2001

mullahs et leurs vues dépassées ne sont compatibles avec la culture de tolérance et la riche histoire du peuple iranien; pendant les deux dernières décennies, en plus de la torture et des exécutions de dizaines de milliers de femmes prisonnières politiques, le régime n’a offert aucune solution aux Iraniennes à part les lapidations et flagellations publiques, la pauvreté, la corruption et la prostitution. » Les autorités ont pendu deux femmes en public ces derniers mois. Pour Sarvnaz Chitsaz, la seule solution est de se débarrasser de la tyrannie religieuse, première étape de l’émancipation des Iraniennes et de l’égalité de leurs droits avec les hommes.

INCITATION AU RETOUR AU FOYER

OCTOBRE 2001 Mme Sarvnaz Chitsaz, responsable du Comité des Femmes du Conseil National de Résistance d’Iran, a estimé qu’«attribuer la condition tragique des Iraniennes à des croyances culturelles et des déficiences historiques est une tentative honteuse et futile de justification des lois médiévales et du traitement barbare des femmes opprimées du régime religieux; en aucune manière les politiques misogynes des

MARS 2002

FRANÇAISES MINEURES

On a beau jeu, en France, de s’apitoyer sur ces « pauvres » musulmanes mineures à vie, qui vivent à 1 000 km à peine au sud de Marseille. Mais la France ferait décidément mieux de commencer par balayer devant sa porte. Conformément à la déclaration des droits de « l’homme », les hommes ont des droits sur les femmes en France : les femmes mariées ne peuvent toujours pas transmettre librement et systématiquement leur nom à leurs enfants sans l’autorisation de leur mari. Notre pays risquant une sanction de la cour européenne des droits de « l’homme » pour discrimination sexiste, « notre » très mâle Assemblée nationale a adopté en février 2002 une loi telle qu’en cas de désaccord entre les parents, ou faute de déclaration conjointe uniquement, l’enfant portera le nom du père. Beaucoup de bruit pour rien. De plus, le Parlement diffère allègrement la date d’application de cette loi pseudo-égalitariste de 18 mois.

99 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

En pleine période électorale, le parti d’extrême droite autrichien, le FPÖ, n’a pas hésité à lancer le « chèque pour enfants » et s’apprête par ce biais à quadrupler les allocations familiales « pour aider les mères à élever leurs enfants ». Cette mesure a pour objectif d’inciter les femmes à procréer davantage, tant pour enrayer un taux de natalité en baisse dans l’Union Européenne que pour éviter une immigration plus importante qui viendrait compenser le vieillissement de la population. Rappelons que l’Autriche a d’ores et déjà l’un des taux d’emploi des femmes les plus bas de l’Union Européenne. Ces mesures auront également pour conséquence le développement de la prise en charge des enfants par des organisations privées et non plus publiques. Ces choix s’inscrivent dans un cadre de mesures d’austérité, visant à éliminer le déficit budgétaire : l’augmentation de l’âge de la retraite, la baisse des indemnisations pour accident de travail et l’introduction de droits d’inscription à l’université.


potentiellement menacées, ce qui les place comme objet à émanciper et à libé-

c’est tout à fait possible. Les Pénélopes ont présenté le féminisme comme un projet politique et de ce projet politique était exclues toutes formes de discrimi-

D’ailleurs, Dominique pense que plus personne ne peut se dire ouvertement contre l’égalité, contre le féminisme. En présentant le féminisme selon de bons

consiste à défendre des droits tels que l’égalité salariale, l’idée que les femmes accèdent à des belles carrières, que les

gens qui ne se gène pas pour le faire –

-

Altermondialistes de tous les pays

en tant que sauveur des femmes étran-

100

HUMEUR

Mieux vaut être riche et... — Dominique Foufelle, septembre 2003

On n’a vraiment pas de chance cette année : après la canicule, les réformes ! Avec les coupes qui se préparent dans le budget des ménages, c’est pas demain la veille qu’on va pouvoir s’occuper correctement de nos vieux ! Déjà, en tant que parent, il va falloir choisir : soit préparer des monceaux de gâteaux à vendre dans les kermesses pour financer les activités parascolaires, soit se résigner à ce que nos mômes ne sortent plus la tête du programme. Parce que l’Education Nationale, elle, ne donne plus de pépettes qu’au compte-gouttes pour soutenir les projets des enseignant-es. Il existe une autre solution, remarquez : se solidariser avec eux pour dénoncer ce désengagement. D’une manière ou d’une autre, ça fait du travail supplémentaire. Or, ce n’est pas le moment de tomber malade ! Ça va coûter de plus en plus cher, de se faire soigner convenablement et dignement. Mais peut-être que le chômage va baisser et qu’on aura des sous ? Le gouvernement met en place une solution miraculeuse, réduire les charges patronales. Innovant, non ? Espérons que ça marche, parce qu’avec de moins en moins de fonctionnaires (mieux connus désormais sous l’appellation de « parasites ») pour nous guider dans le dédale administratif, obtenir ses droits risque de devenir encore plus coton. On peut se consoler en se disant que de toute façon, on va faire des économies sur le budget loisirs, vu que quand il n’y aura presque plus d’intermittent-es, seuls survivront les spectacles qui ressemblent à la télé. A quoi bon se déplacer ? Et puis les vacances, avec l’état des plages… Vivement que la SNCF soit privatisée ! Ça limitera les liaisons aux trajets chers aux hommes d’affaires, et nos campagnes ne risqueront plus d’être envahies par des citadin-es en mal d’air respirable. C’est les chasseurs qui vont être contents ! Et les chasseurs, c’est sacré – pas vrai, Roselyne ? Bon, ben, on restera tranquillement chez nous, à reprendre des forces en prévision d’un éventuel enterrement des 35 heures. Dommage, parce qu’avec le budget dont va disposer le ministère de l’Intérieur, les rues devraient devenir drôlement sûres. Croiser un flic à chaque coin de rue, ça ne plaît pas à tout le monde, mais il faut savoir ce qu’on veut ! Les pays « du Sud » l’ont clairement exprimé à Cancùn : la dictature des multinationales, les privatisations à la sauvage, ils en ont ras-le-bol. Pas vous ?


dienne qui se résume à ça, un féminisme un peu bourgeois qui ne va pas forcément se préoccuper du racisme ou des autres discriminations, pas davantage de la misère qui est aussi une discrimination. droits des femmes qui sont légitimes et d’un autre coté le féminisme qui est un extrême à condamner, voire pire encore, risible. Le féminisme s’en voit affaibli. On en revient alors toujours aux proexemple des violences dans les médias, on fait intervenir des personnes qui sont vraiment expertes, elles vont immédiatement souligner le fait que les violences domestiques se pratiquent dans absolument tous les milieux. Mais l’entretien peut tourner au résultat selon lequel le féminisme porte une part de responsabilité dans le sexisme pas de réel contrepouvoir féministe au niveau du discours. Par exemple, pendant MARS 2002

LA GOUVERNEURE DE RIO RESTE RÉSERVÉE

OCTOBRE 2003

QUI SE SOUCIE DES FEMMES DU VOYAGE ?

Soraya Post, présidente du Réseau International des Femmes Rroms (IRWN), a alerté le 11 septembre 2003 à Strasbourg les gouvernements européens

que c’est un vieux bon gros poncif de la droite, un vrai serpent de mer… Aussi pour conclure, j’ai le regret de vous dire que non, nous ne naissons pas tous et toutes libres et égaux ! Que nous devons être vigilantes et sans concession à la banalisation du racisme. propos tenus par des Guerlain, Guéant, Elle, ne soient pas condamnés ouvertement et publiquement ! Et je terminerais par ce proverbe martiFanm ka tombé set fwa, i toujou ka rilévé (Une femme qui tombe sept fois, se relève toujours). sur l’état de santé désastreux de ses compagnes sur tout le continent. Les femmes rroms ont une espérance de vie de 20 ans inférieure à celle des autres Européennes ; et d’Est en Ouest, on leur dénie l’accès aux soins. Il reste même fréquent qu’elles subissent des stérilisations forcées. Soraya Post a insisté sur le fait que cette situation ne changera que si ces femmes prennent leur situation en mains, et si les Etats leur permettent d’accéder à des responsabilités. Espérons que cette intervention secouera l’indifférence générale. JUIN 2004

DES TRAVAILLEUSES ESPAGNOLES HAUSSENT LE TON

Depuis février dernier, les travailleuses des centres d’aide aux femmes maltraitées, AGISE (Andaluza de Gestión Integral de Servicios Especializados) sont en grève. Elles protestent contre les conditions de travail qui ne cessent d’empirer pour toutes les travailleuses, contre l’augmentation des cas de harcèlement moral et sexuel. Cette grève est un cri d’alarme visant à réviser l’actuelle convention de travail afin de mieux protéger les droits des femmes dans le monde du travail dans toute l’Espagne, et plus particulièrement en Andalousie.

101 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Le gouvernement brésilien a récemment annoncé une politique de quotas, réservant 20% au moins des emplois administratifs fédéraux à des noir-es. Mais Bénédita Da Silva, gouverneure de Rio de Janeiro depuis le début de 2002, première femme noire de l’histoire du Brésil à occuper le poste, modère ses louanges. Si cette mesure avait été prise par le président Cardoso dès le début de son mandat, la situation du pays en aurait été radicalement changée, estime-t-elle. Beaucoup d’activistes afro-brésiliens soupçonnent comme elle une manœuvre électorale : José Serra, successeur désigné de Cardoso qui ne peut se représenter, ne jouissant pas des faveurs de l’opinion publique, l’annonce serait destinée à augmenter ses chances de remporter la course à la présidence.

la campagne présidentielle, avec ce que disait Marine Le Pen, c’était le moment ou jamais d’entamer un débat sur le salaire domestique, le salaire de la femme


102


CONCLUSION

LE FÉMINISME S’ÉCRIT AU QUOTIDIEN Dominique Foufelle et Joëlle Palmieri, 29 octobre 2013 Quoi de neuf depuis 2004 ? En confrone siècle que l’écriture de ce livre nous a remis en mémoire, et nos expériences postéfemmes ont progressé. Ça paraît une boutade. De mauvais goût en outre, puisque la relecture des infos des années 1999-2004, déjà absolument

sein des institutions, le concept de genre s’est imposé. Levée d’un tabou ? Pas vraiment, car ce concept est devenu un lieu commun, qui circonscrit le débat dans des limites consensuelles. Exit le sont signées, la messe est dite. Dans la pratique, la « tradition » peut continuer d’occuper le terrain et perpétuer les discriminations.

femmes a régressé. Pourtant, les faits pour la plupart, compris qu’il était plus droits des femmes, car cela leur laisse toute liberté de ne pas les respecter. Au

a, lui aussi, du plomb dans l’aile. De quelle égalité parle-t-on ? A quel étalon nous référons-nous ? Dans un monde une femme d’obtenir l’égalité du droit à


de celle à se faire violer au coin d’une pas si enviable que nous limitions notre femmes ont-elles quelques plans inédits

Conclusion

faudrait d’abord le leur demander. Les gouvernants s’épargnent cette peine en focalisant leurs interventions sur l’écriture de lois. nalisé et du féminisme qui en découle, nous nous tournons vers celles et ceux qui, justement, se rebellent contre les

mie mondiale, plus que prédominante, vel épouvantail, semble avoir absorbé tous les autres maux. A peine si on parle encore de racisme. De féminisme, il n’en est pas question. La solidarité, maître mot de l’époque, s’arrête là où commencent à se poser les questions gênantes. La gestion du quotidien, tiens ! Ou la persistance des violences domestiques. Ou, plus épineux encore, l’exercice du pouvoir dans les mouvements et la représentativité des femmes. Le féminisme, voix discordante non par principe mais l’exquise sensation de fusion que procure la lutte commune contre un ennemi clai-

104

marxisme, on nous priait de remettre ces questions triviales à l’avènement

Le féminisme, les évacue parce qu’elles auraient voix discordante non été, plus ou moins, réglées – par par principe mais par si cette obsession d’un nécessité, voix transgressive, Etconsensus rassurant gâche l’exquise sensation de fusion que procure la lutte en subtilité, et les luttes en ambition. commune contre un ennemi Le souci de ne ligne, de ne pas pénéGlobalement, ils se sont regroupé-es au sein de l’altermondialisme. Aux Pénélopes nous avions, sans attendre que la mode s’en répande, dénoncé les ravages du néolibéralisme, des plans d’ajustement structurel à la destruction des services publics. Nous insistions sur le fait que les femmes, en particulier celles fouet, car ils transforment la gestion du

qui cesserait d’être politique en devenant privée, incite à une paresse intellectuelle qui elle-même, fournit le terreau de tous les secrets alimentent les névroses, les impensés dans une lutte la pourrissent de l’intérieur. A trop vouloir se protéger, on fait le jeu de l’adversaire. A la naissance des Pénélopes, nous avions décidé de nous emparer, comme -


nologies de l’information et de la com-

nos contemporain-es, se nourrissent, si ce n’est de leur sang, de leur substantimations qui déferle quotidiennement dans les cerveaux via les ordinateurs,

que soit le domaine de lutte, l’outil en lui-même demande à être interrogé. social, épistémique. On ne nait pas femme connectée. On le devient. Les elles engraissent des multinationales et

Nous avons travaillé à créer des réseaux féministes. Nous devrions adorer les

mais elles uniformisent les esprits. Les jeunes croient dur comme fer qu’en

nous trouvons à redire à la fois à l’outil et

prolongement de leur propre corps, et

meurt. Dans les cercles qui s’autoproclament bien pensants – est-ce que cela a encore un sens ? –, on s’égare en banalités puisque les débats ne sont pas ouverts. Le partage se fait uniquement entre gens de bonne compagnie s’entendant sur un consensus jamais remis en cause.

ils s’expriment et elles-ils communiquent. Elles-ils s’exposent sans mesurer le danger, comme dans une téléréalité perpétuelle qui violerait quotidiennement leur intimité. Elles-ils s’autosatisfont en lançant à l’aveuglette des idées creuses dont on leur laisse croire qu’elles leur appartiennent, alors même qu’elles sont

105

qu’elles s’offrent en objets et qu’elles par exemple, des scandales notoires qu’il serait de mauvais ton de nier. Les « réseaux sociaux » – on a tôt fait d’oublier le numérique – ont favorisé l’éclosion du « printemps arabe », clame-t-on. Quid de l’érosion des libertés des femmes ? Quid des rapports de domination, de leur prolifération soudaine, accrue, accélérée, excessive, là ou ailleurs ? Quid du rôle de Facebook, du mobile, de Google sur tout ça ? Question fondamentale dont aucun faire l’économie. Entre le moment où nous avons créé les Pénélopes et mainte-

et toutes les formes d’appropriation légitimée du corps des femmes. Mais… est-ce seulement l’apanage des jeunes ?

contraire, outil de consommation du prépensé, de la normalisation du pire, au service de l’idéologie dominante, celle du

nie pour envisager d’en revoir les bases. La mondialisation aussi forcenée qu’arti-

Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

contre quoi il convient de « s’indigner », « ce qu’il faut retenir », selon la formule


perdent forcément. Pour notre part, monde gagne !

Conclusion

juste de se poser un instant pour solliciter son esprit. Le féminisme tel que nous le concevons en souffre forcément, lui qui impose de

106

se sont construites sur des rapports de domination. Les super-dominants ont pris soin de distribuer des privilèges supposés, qui se révèlent le plus souvent être des contraintes, aux sous-dominants, les mâles. Ainsi fonctionne le patriarcat, suppôt de toutes les oppressions, en faisant -

nement pas. Plus que jamais, non ! Alors, ne nous laissons surtout pas abuser par vivent toujours au quotidien, là où le vécu les inspire, là où l’imagination stimulée par l’urgence reprend le pouvoir. Dans le réel. Aussi, continuons à nous

nos savoirs.


LES PÉNÉLOPES : POURQUOI ? POUR QUI ?

Prix Argos-Lewis Carrol. La même année, nous animons une heure d’émission hebdomadaire en direct sur CanalWeb, première télévision par Internet et en juin, nous couvrons quotidiennement et en direct de New York la conférence mondiale des femmes, dite Pékin + 5, et nous tenons une rubrique mensuelle sur le genre dans le magazine Politis. Un peu plus tard nous ouvrons une radio en ligne croisant les regards des féministes d’Europe de l’Ouest et de l’Est et Centrale. Le site web devient trilingue. Ces succès attisent nos exigences. Nous mettons en route un énorme chantier : imposer la prise en compte des propositions féministes dans les mouvements sociaux. Les plus courageuses se confrontent quotidiennement au rejet latent des cadres du mouvement altermondialiste en pleine expansion. Nous participons aux Sommets des peuples, contre la dette, aux FSM (Forum sociaux mondiaux) et FSE (Forum sociaux européens) en y organisant des ateliers, et en réalisant une couverture quotidienne des rencontres transmise sur le site des Pénélopes. Ce faisant, nous étendons nos alliances avec des femmes du monde. Car c’est bien de cela dont il s’agit : œuvrer à un réseau féministe international. Là, nous nous heurtons à un problème de taille : l’obtention de fonds, indispensables non pour faire fonctionner le site qui n’utilise que de l’huile de coude, mais pour aller à la rencontre de femmes à l’étranger et jeter les bases du réseau international dont nous rêvons. En France, nous recueillons peu de soutien financier. A l’exception de l’éphémère Secrétariat d’État à l’Economie solidaire, qui nous soutient dans la réalisation de six sites web et trois documentaires vidéo portant sur des structures d’économie solidaire portées par des femmes, Femmes en réseaux. La collecte de fonds se fait par bribes. Cela pose un problème interne, car très peu de Pénélopes s’y consacrent. Difficulté récurrente dans les associations fonctionnant sur le bénévolat que nous ne réussissons pas franchement à surmonter d’autant que le niveau d’activités nous conduit à embaucher une salariée. En 2004, les auteures décident de se retirer des Pénélopes pour des raisons de profondes divergences politiques. Sans abandonner le féminisme, bien entendu. Ce livre profondément collectif témoigne de ce que l’esprit de réseau couve toujours.

107 Les Pénélopes : un féminisme politique – 1996-2004

Fin 1995, les possibilités des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication parviennent aux oreilles du public. Le nouveau média Internet va faire un tabac, beaucoup le pressentent. Va-t-il servir uniquement les intérêts marchands ? Va-t-il transmettre, comme ses prédécesseurs, une vision du monde exclusivement masculine ? Une bande de féministes incorrigibles décident que cela ne doit pas être. Il faut s’emparer de l’outil, qui possède deux qualités exceptionnelles : traverser les frontières à une vitesse record et permettre l’échange d’informations à moindre coût. Les Pénélopes, agence d’information féministe, est née de cette volonté. Un site Internet est ouvert dans la foulée en février 1996. Dans un premier temps, nous convions des organisations féministes françaises à en faire une œuvre collective. Mais la lenteur de la mise en place ne s’accorde pas à notre impatience. Nous prenons notre décision : le site des Pénélopes restera un lieu de transmission des luttes et des initiatives féministes, mais il sera administré par un groupe constitué. La dimension internationale est posée dès le départ. Grâce aux listes de diffusion créées aux quatre coins du monde, les nouvelles nous parviennent vite. Nous constatons que nous détenons des informations inédites, éclairantes sur la réalité quotidienne des femmes, et sur l’état du monde en général. Le site prend de l’ampleur. Nous planchons sur son esthétique et ses fonctionnalités. Il faut aussi recruter des collaboratrices. Toutes ne sont pas des professionnelles de l’information, loin s’en faut. Mais l’organisation mise en place, l’est : structuration en rubriques, comité de rédaction, mise à jour mensuelle strictement respectée. Nous étoffons le contenu, au départ constitué de brèves d’actualité, d’articles de fonds offerts par des féministes universitaires ou de terrain, d’entretiens et de reportages. Nous organisons des débats croisés, locaux puis de plus en plus internationaux sur des sujets aussi variés que l’appropriation des nouveaux médias par les féministes ou sur l’impact de la mondialisation sur les actions politiques des groupes de femmes. Et nous écrivons. Nous enregistrons. Publions. En 2000, le site des Pénélopes, réalisé exclusivement par des bénévoles, obtient le


De février 1996 à avril 2004, l’Agence de presse internationale féministe Les Pénélopes a relayé tous les mois sur le web (anciennement penelopes.org) des informations émanant de réseaux de femmes en lutte ou en mouvement dans le monde entier. A travers brèves d’actualité, agenda des actions, critiques de livres, reportages, portraits, articles de fond, dossiers thématiques et chroniques, l’agence laissait grandes ouvertes armés, les violences sexuelles, la prostitution, la pornographie, les droits, l’immigration, le travail, l’économie, le politique, la santé, l’éducation, la communication, l’art, les féminismes, l’histoire des femmes... Chaque édition mensuelle du magazine électronique confrontait faits et analyses. Elle s’ouvrait sur une Humeur, « coup de gueule » sur l’actualité en marche. Deux des co-fondatrices de l’agence ont choisi de partir de ces humeurs pour ré-ouvrir un débat féministe contemporain. L’idée est croiser des regards multiples sur les questions qui ont animé l’agence il y a plus de dix ans et de rendre compte d’une dynamique toujours existante de réseaux de résistances et d’alternatives aux rapports de domination en contexte de mondialisation. Cet ouvrage s’organise autour de trois thématiques, proposant douze entretiens inédits accompagnés d’une sélection d’Humeurs, elles-mêmes éclairées par des brèves d’actualité publiées pendant huit ans d’Histoire féministe. Dominique Foufelle et Joelle Palmieri


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