
JOAN 15 ans

LUCIE 17 ans

JUSTINE 18 ans
THÉO 20 ans


LUCAS 19 ans

JOAN 15 ans
LUCIE 17 ans
JUSTINE 18 ans
THÉO 20 ans
LUCAS 19 ans
Par Léone Laali et Nicoby
17 ans
19 ans
17 ans
Lucien, 19 ans, étudiant en histoire à Lorient (56)
J’ai toujours été scolarisé dans des écoles catholiques. Le proviseur de notre lycée avait refusé qu’on ouvre un espace de discussion autour du genre et de la sexualité sans un membre de la pastorale.
Il disait que ces problématiques devaient être abordées avec l’aval des parents. Mais pour beaucoup de familles en Vendée, c’est un sujet encore tabou.
Mes parents sont agriculteurs et très pratiquants. Je suis le petit dernier de six frères et sœurs, et j’ai tout cumulé baptême, confirmation, communion et même enfant de chœur !
Ma mère faisait souvent des remarques blessantes sur l’homosexualité, et j’ai grandi avec un sentiment d’homophobie intériorisé.
Je ne voulais tellement pas admettre que j’étais gay, que je grossissais le trait je répétais que ça me dégoûtait, que jamais de la vie je ne pourrais ressentir ça.
J’avais compris que si j’avais des sentiments pour un garçon, j’étais dans la sauce.
dès la primaire, j’ai surtout eu des amies filles. J’ai mis du temps à savoir quel lien ça pouvait avoir avec ma sexualité. Mais je me dis aujourd’hui que comme je ressentais déjà de l’attirance pour les garçons, traîner avec des filles garantissait l’absence d’ambiguïté pour moi.
Gabrielle Richard, sociologue du genre, autrice de « Hétéro, l’école ?* » : « Une société qui place l'hétérosexualité comme une norme, mais aussi comme l'idéal vers lequel chacun devrait tendre fait comprendre aux jeunes gays comme Lucien que leurs sentiments sont inappropriés. En “grossissant le trait” comme il dit, il s’adapte en quelque sorte au regard négatif porté par son entourage sur l’homosexualité, et anticipe le rejet en se rejetant lui-même. »
* éditions du Remue-Ménage, 2020.
Fatigué de refouler ce que je ressentais, j’en ai parlé à une amie de ma sœur, ouvertement lesbienne. Elle a super bien réagi et m’a envoyé des messages qui m’ont bouleversé.
Puis j’en ai parlé à quelques amis, mais pas à n’importe qui. Ainsi qu’à mes s�urs, avec qui ça s’est très bien passé.
En parallèle, j’avais découvert une appli de rencontres gays. Je savais que ça pouvait être un espace dangereux des hommes de 50 ans envoient des dick pics* et il y a un culte du corps et du sexe très intense.
Mais moi ça me permettait de rencontrer plein de gays de mon âge et de parler. C’était rassurant. à 16 ans, je suis allé dans un parc retrouver un garçon avec qui j’échangeais via l’appli.
En rentrant, ma mère m’a accusé de disparaître des heures sans prévenir. Pris de peur, j’ai désinstallé l’appli et coupé court à la relation. J’avais une immense angoisse de tomber sur des gens que je connaissais, et que ça se sache.
C’est vraiment à la fac que j’ai découvert la vie et que j’ai commencé à m’émanciper.
* des photos de sexe.
Des histoires...
J’ai finalement décidé d’écrire une lettre à mes parents.
J’étais en colère, je sentais que c’était inutile d’attendre qu’ils changent d’avis d’eux-mêmes sur l’homosexualité.
J’ai beaucoup pleuré en la rédigeant, mais ça me faisait du bien.
tu sais, Lucien, t’es notre fils, on t’aime énormément.
J’ai prévenu mes sœurs que je m’apprêtais à faire mon coming out à distance. Elles ont toutes déboulé dans la maison familiale pour accompagner la réaction des parents.
De mon côté, après avoir envoyé la lettre, je suis parti me baigner dans l’océan.
Le soir même, j’ai reçu un message vocal de ma mère. C’était super beau. Il y avait plein de trucs hyper maladroits.
mais au fond, ce qu'elle disait, c’est :
C'était hyper positif, j'étais étonné.
Depuis, j’ai presenté Mathias, mon copain, à mes parents. Mathias est vraiment rassurant pour eux, car ils voulaient quelqu'un de stable dans ma vie.
Tout le monde l’adore dans la famille.
Lucie, 17 ans, Les Lilas (93)
J’étais très timide et pas du tout à l’aise avec mon corps. Je souffrais d’anorexie. Je n'avais pas vraiment d'autres amis et je me faisais harceler au collège à cause de mon physique.
J’ai toujours parlé vraiment librement de ma sexualité.
Quand j'avais 12 ans, je suis tombée amoureuse d'une amie qui, elle, était déjà ouvertement lesbienne.
Elle était extravertie et sociable, et elle m'a toujours soutenue face à ça.
Je suis restée secrètement amoureuse d'elle pendant trois ans.
là, mon attirance pour les filles ne faisait aucun doute. ça ne me dérangeait pas du tout.
Je savais que ça existait, et j'ai toujours été assez ouverte d'esprit sur ces sujets-là, alors ça n'a pas été un choc.
Je me rappelle de mon coming-out à ma mère. Je sortais du collège, on était dans la voiture. Je lui parlais de mes notes et puis d'un coup, j'ai dit :
en fait, j’aime les filles.
Comme ça. pour mon père et mes trois grands frères, pareil.
Ils l'ont tous accepté.
j'ai toujours eu une famille hyper ouverte, c'était rien de grave, quoi.
Après une première pro d’Accompagnement Soins et Services à la Personne (ASSP), j’ai quitté l’école pour me dédier à ma passion pour les animaux. J’avais besoin de m’octroyer une pause.
Là, je revis, je profite de ma vie, de ma jeunesse.
Je me ressource auprès d’amis LGBT. On se comprend mieux.
Je lis beaucoup de thrillers et de romances gays et j’adore la série « Young Royals ». Les acteurs qui jouent dedans sont gays et je les suis sur les réseaux.
Les réseaux peuvent aussi être un outil pour faire des rencontres. Les gens mettent leur drapeau dans leur bio, c’est pratique, car dans la vraie vie on n'a pas de drapeau sur la tête !
Surtout que moi, je suis plutôt féminine, j’ai l’impression d’être moins reconnaissable en tant que queer. Après, ça m’arrive quand même de me faire emmerder pour ça.
Un jour, je faisais un câlin à une amoureuse dans le métro, et on nous a dit de dégager, qu’on était bizarres.
Un autre jour, un mec m’a balancé des miettes de pain car j’avais mon sac arc-en-ciel.
il me regardait trop mal ! C’est des trucs qui arrivent un peu tout le temps. Ça ne m’a pas découragée d’utiliser mon sac, mais je fais quand même attention.
J’ai déjà vécu une vague de haine en ligne.
J’avais juste fait un Tiktok à propos de la mort accidentelle d’un de mes chats, pour faire de la sensibilisation.
Et je ne sais pas pourquoi, mon Tiktok a buzzé, il y a eu des millions de vues et des centaines de milliers de commentaires, hyper violents.
Puis certains de ces haters ont remarqué que j’étais LGBT, et c’est devenu un sujet de menaces. Ça m’a beaucoup angoissée.
Entre amis LGBT, les liens sont plus profonds et on ne prend pas le risque d’être ami avec quelqu’un susceptible de rejeter notre identité.
Depuis deux ans, j’assume être bi. Des histoires...
Viergena, 17 ans, terminale professionnelle à Pantin (93)
Au lycée, j'ai rencontré mon meilleur ami, qui est gay. C'est une trop belle personne.
Tout au long du collège, j'étais dans le déni. Je me disais que ce n'était pas possible, que ce n'était pas réel. Puis les gens me disaient qu'ils me voyaient plus avec un mec qu'une meuf. En 3e je suis tombée amoureuse d'une amie, et ça a été un déclic.
Il m'emmène dans des soirées sur Paris avec plein de personnes LGBT. C'est beau parce qu'on sent que tout le monde se kiffe, il n'y a pas les garçons d'un côté et les filles de l'autre.
Avec eux, je suis moins dans ma grotte, je n'ai pas peur d'être jugée.
même si J’ai du mal à accorder ma foi chrétienne avec ma bisexualité. J’aimerais en parler à mon pasteur, mais j’ai peur d’être reniée.
Hé, Viergena, t'es LGBT ?
Au lycée, les filles de ma classe m’ont grave jugée quand elles ont vu que j’avais un drapeau arc-en-ciel dans ma bio Instagram.
Alors, déjà, je ne suis pas lesbienne, bi, gay, et trans en même temps.
Et, oui, je suis bi.
mais t'inquiète, je ne vais pas t'aimer, toi.
« Sex Education », c'est une série qui m'a beaucoup apporté, car il n'y a pas juste deux lesbiennes à un moment, il y a des bis, des personnes transgenres… C'est réel, quoi.
On les voit s'épanouir, être dans leur univers, tout le monde se respecte. Ça donne l'impression que tout est possible.
Je me suis pas mal identifiée au personnage d'Éric, car même s’il est d'origine nigérienne, et moi haïtienne, Comme lui, je n'arrive pas à dire à mon pasteur que je suis « dans le péché », mais que je m’ouvre quand même à Dieu.
Son personnage m'a poussée à me dire que ma sexualité ne m’éloigne pas forcément de Dieu. Mon lien à la foi est important. J’ai grandi là-dedans, ça m'a toujours plu d’aller à l’église.
Je kiffe trop. C'est un moment important pour la communauté haïtienne.
On parle, on mange ensemble. Mais j’ai peur d’être reniée, ou qu’on me voie différemment.
Des histoires...
Parfois, quand je regarde une fille passer... ... des filles de ma classe me disent « elle est hétéro, hein ! »
Ça fait super mal de voir quelqu'un changer de vision sur moi à cause de ça.
Avec mon meilleur ami, un jour, on était posés à Pantin, et une meuf de ma classe a appelé plein de gens pour qu'ils viennent voir le "zemel*".
Quand je suis avec lui, parfois j'ai peur qu'à tout moment il puisse se faire frapper.
Au lycée, je n'ai pas vraiment fait de coming out. Juste en traînant avec "le """« gay du lycée », ils m'ont mise dans le même sac.
Pour moi, le coming out, ce n'est vraiment pas une obligation. Je l'ai dit à mes deux grandes sœurs, qui me soutiennent, mais pas à ma mère.
* Mot dérivé de l’arabe qui désigne de manière injurieuse un homosexuel.
Un jour, quand ma copine est venue à la maison, ma mère a cru que c'était juste une amie, et elles se sont bien entendues !
J'ai l'impression qu'elle se doute de quelque chose, mais qu'elle est dans le déni.
On n'a jamais été proches elle et moi, alors j'ai du mal à me confier.
je pense que je vais attendre de ne plus habiter avec elle pour lui en parler.
C'est vraiment une mère à l'ancienne. Par exemple, pour elle, 20 heures, c'est tard.
Toutes mes ex, je les ai connues grâce aux réseaux. je mets les hashtags wlw (woman love woman), LGBT, et Paris, Et je tombe sur des personnes qui me correspondent. Il y a aussi des groupes instagram avec des personnes LGBT.
Au lycée, j'ai rencontré une surveillante lesbienne avec qui je sens que je peux parler librement. C'est génial de connaître quelqu'un de plus âgé, avec plus d'expérience et qui s'assume à 100 %.
Plus j'avance et plus j’ai l’impression de remarquer les autres personnes LGBT. Parfois, avec des inconnues, on échange des regards complices dans la rue.
« Longtemps, l’homosexualité était soit absente des fictions, soit représentée exclusivement sous le prisme de la douleur et du rejet vécus par le ou la protagoniste. Aujourd’hui, on retrouve plus facilement (mais c’est encore rare !) des personnages dont l’orientation sexuelle est un pan de leur vie, parmi d’autres.
Dépeindre différents groupes d’amis, de religions, d'origines, différents styles de vêtements et de passions permet aux jeunes gays, bis et lesbiennes de mieux se projeter. Plus il y aura de récits diversifiés de l’homosexualité, moins les clichés homophobes seront tenaces. »
Des histoires...
Justine, 18 ans, étudiante à Rennes (35)
j’étudie à Sciences Po Rennes et je voudrais me spécialiser en droit de l'environnement.
À partir de la 5e, j'ai commencé à dire que j'aimais bien les meufs.
À l'époque, j'étais fan du groupe Indochine, C'est un vieux groupe, mais j'ai découvert que leur jeune fanbase était extrêmement queer !
J'ai commencé à faire des rencontres en ligne avec des filles, et à réaliser que je développais des sentiments. Ça coulait de source : j'aimais les meufs.
Quand j'ai réalisé que j'aimais les meufs, j'ai arpenté Netflix pour regarder tous les potentiels films lesbiens !
J’avais besoin d’imaginaire.
Dans mon collège privé de campagne, les personnes queer n'étaient pas trop encouragées à exister.
Mais à cette même époque, j'ai rencontré une fille qui allait devenir ma meilleure amie. Elle avait grandi dans un milieu très à gauche, très ouvert.
Puis en 4 e, je suis tombée amoureuse d'une fille de mon collège. Elle avait un an de plus, et je n'avais pas les clés à l'époque pour le voir, mais elle avait une vraie dégaine de lesbienne.
C'est elle qui est venue vers moi, car elle a senti que je l’étais aussi.
Ma mère l'a très bien reçu.
Mon père m'a dit qu'il ne me rejetait pas, mais que ce n'était pas tout à fait ce qu'il voulait pour moi.
Sa mère, pour parler de ses potentiels partenaires, précisait toujours
Il ou elle.
Il avait besoin de temps pour digérer l'information. Aujourd'hui, ça va beaucoup mieux. ... d’orientation (sexuelle)
Et même si ça n'a pas marché entre nous, elle a beaucoup compté, car c'est cette relation qui m'a décidée à en parler à mes parents.
Une fois arrivée à Rennes pour les études, mon identité s'est déployée encore plus. Il y a beaucoup plus d'espaces où on se sent en communauté LGBT. J'en avais besoin. j'ai toujours été à la recherche de représentations, de supports pour me projeter.
J'écoute des podcasts comme « amicalement gouine » ou « lesbien .nes au coin du feu ».
Je me demande souvent comment on vieillit quand on est queer ? J'ai l'impression de voir très peu de personnes de plus de 50 ans qui ne sont pas hétéros.
je suis d’abord tombée sur le film « La vie d'Adèle », qui ne m'a pas trop plu.
Mais après, j'ai lu la BD, qui était formidable.
« Le Portrait de la jeune fille en feu » m’a beaucoup marquée.
L'engagement politique d'Adèle Haenel m'inspire dans mon militantisme féministe.
Aujourd'hui, je suis dans mon microcosme où les gens sont OK avec ça, mais si j'ai envie de retourner habiter à la campagne ?
Ça m'angoisse d'avoir une relation longue avec une meuf, de passer par des étapes comme d'avoir un appart', un taf, un enfant…
… et d'envisager de devoir tout le temps m'imposer en rupture, car je ne pourrai pas juste suivre les schémas qu'on m'a transmis.
Théo, 20 ans, étudiant en communication à Reims (51)
J’étudie Le jour et passe mes nuits à organiser des soirées queer. La scène LGBT est quasi inexistante en Champagne, alors on a un grand espace de création.
Je suis fan d’hyperpop. Ce style musical émane de personnes queer qui, même au sein de la communauté, sont considérées comme chelous, mais qui l’assument.
j'ai des souvenirs en primaire où je savais de façon innée que j'étais attiré par les garçons. J'ai compris que c'était un enjeu seulement au moment où on me l'a foutu en pleine tronche.
Cette musique offre aux personnes queers un espace pour explorer leur identité : en modulant leur voix, ils et elles bouleversent les normes de genre qui leur sont assignées.
Certains m’ont pointé du doigt, m'accusaient d'être « bizarre ». C'est fou, je me souviens de l'assumer totalement face aux autres, d'être fier de répondre aux questions, content de mettre, moi aussi, des mots dessus.
Et en même temps, j'avais toujours cette volonté de rentrer à tout prix dans le moule.
Des histoires...
J'ai l'impression d'avoir été out toute ma vie !
à 12 ans, mon père a surpris ma correspondance sur facebook avec Florent.
C'était mon premier petit copain, et pour discuter avec lui, j'utilisais l'ordi familial. mon père a attendu que ma mère rentre du travail et m'a forcé à avouer. c'était horrible !
Il m’a insulté, m’a dit que j’étais malade, qu’il fallait que je voie un médecin…
Je pleurais et Ma mère, impassible, ne prenait pas ma défense.
Après ça, silence radio. Ils ne me regardaient plus, ne me parlaient plus. C'était hyper violent.
Dans le même temps, j’ai subi une vague de harcèlement au collège, des insultes, des menaces, des bousculades…
Un jour, j'ai eu peur de me faire tabasser, alors je suis allé voir l'infirmière, avec qui on a pu régler ça.
au fond de moi, je n'arrivais pas à comprendre leur acharnement.
« Les violences homophobes en milieu scolaire sont très répandues. Les injures peuvent cibler non seulement les jeunes en cheminement sur leur sexualité, mais aussi les autres, car elles se basent avant tout sur un soupçon d’homosexualité. Ce qui est problématique, c'est que les adultes considèrent souvent que c'est une affaire de jeunes entre eux. Or, des programmes scolaires de lutte contre les discriminations, ainsi que des adultes vigilants et à l'écoute au sein de l'école sont clés pour lutter contre ces violences. »
Quelques années plus tard, ma mère m’a proposé de rouvrir le sujet pour que je puisse le présenter avec mes propres termes.
Je pense qu’elle s’en était fait une raison, même si elle ne l’acceptait pas vraiment.
mais Le climat devenait brutal à la maison, mon père m’insultait, et s’est mis à me frapper.
Un jour, il m'a même foutu à la rue. Pendant deux mois.
Après une full dépression au collège, Je me suis inscrit à un atelier d'écriture slam, où j'ai composé un texte pour me moquer des normes dans les couples.
Le titre était « qui doit payer le premier rendez-vous ? »
J'ai parlé d'alcool, de sexe gay, alors que j'avais 14 ans !
à la fin de l'année, j'ai pu présenter mon texte devant un parterre d'élèves et de parents, mais l'école avait coupé quelques mots, par peur de choquer.
ça a été mon introduction au militantisme.
Les années lycée ont marqué un tournant. J'ai commencé à aller dans plein de manifs, surtout dans des cortèges féministes. Je me suis aussi investi longtemps à Amnesty International.
Je réalise que, malgré tout ce qui m’est arrivé, j’ai toujours ressenti de l’espoir et de la fierté pour qui j’étais. Alors, c’est important pour moi d'offrir un espace de fête safe aux personnes comme moi.
J'en avais trop marre d'encaisser, je me disais simplement je suis queer et je vous emmerde !
Pourtant, je déteste faire la fête ! Trop de bruit, trop de gens. Mais quand je suis en coulisses, je suis tellement épanoui que c'est comme un espace safe que je me crée pour moi.
Joan, 15 ans, en classe de première générale à Parempuyre (33)
ma mère est d'origine irakienne…
Tout au long du collège, j'étais dans le déni. Je me suis même forcé à sortir avec une fille !
… et mon père est français. En primaire, j’ai ressenti pour la première fois de l'attirance pour un garçon de ma classe.
Mais c'était compliqué, je ne lui ai jamais parlé de ce que je ressentais.
J’ai fait mon premier coming out, sur un coup de tête, à ma meilleure amie Alice, en 3e.
Oui, je m'en doutais, et, tu sais, je m'en fous un peu !
Je ne me sentais pas seul.
Dans mon collège, en plus de tous les refoulés, il y avait plusieurs autres gays et lesbiennes.
Une fois out, j'ai commencé à parler avec eux, Mais la plupart étaient emos et fans de mangas, et je ne m'identifiais pas trop à tout ça. En fait, on n’avait rien en commun à part le fait de ne pas être hétéros.
Des histoires...
Ensuite, j’en ai parlé à ma mère. Elle m'a dit qu'elle était fière de moi, qu'elle m'aimait quoi qu'il arrive. Pour une maman arabe, c'est rare, je trouve !
Aujourd'hui en première, J’ai un groupe d'amis qui me correspond bien. Ça matche bien, on aime les mêmes dessins animés et les mêmes délires, comme Hello Kitty.
Mais, qu'ils soient hétéros ou LGBT, je ne me confie pas trop sur ma vie sentimentale.
Du côté de mon père, l’échange n'a pas été aussi bienveillant. Il est dans le déni. Il est bizarre, il m'ignore.
En revanche, j’aime attirer les regards avec mes outfits. J'aime impressionner avec les accessoires. Pour moi, c'est ce qui fait toute la tenue.
Quand J’ai voulu me procurer le livre « Heartstopper* », mon père me l’a interdit. Je lui avais dit que c’était très hétéro, mais il ne m’a pas cru, il s’était renseigné.
Je n'y vois pas trop d'intérêt, et puis si j'en parle trop en détail à n'importe qui, j'ai peur qu'on me porte l'œil.
Pour le moment, je ne cherche pas à séduire. Une fois, un mec a demandé mon insta à ma pote, et on a commencé à se voir un peu. Mais j'ai l'impression qu'il s'attendait à ce qu'on couche ensemble, et ça ne me disait pas.
* À l’origine de la série, qui raconte la rencontre de deux garçons.
Lucas, 19 ans, vendeur chez Zara à Paris, habite à Drancy (93)
très jeune, j’ai eu droit à des réflexions, comme "« pourquoi tu t'habilles en rose ? » ou « pourquoi tu écoutes ça ? », « pourquoi tu joues avec des poupées ? »…
ça me rend ouf !
Mes parents sont homophobes, alors avec eux je tente de passer inaperçu. Quand je rentre à la maison, je cache les manches de mon crop top en résille qui dépassent de mon t-shirt et je retire mon piercing à l'oreille.
Ça fait un an ou deux que je m’exprime vraiment niveau look.
toute ma garde-robe est au rayon filles, Surtout les pantalons. je kiffe, parce que ça fait un sacré boule !
Quand je me suis retrouvé en première pro de mécanique, ça a été un peu dur, il n'y avait que des machos. Heureusement, la seule fille de la classe est devenue une super pote, ça m’a aidé.
J'ai pris l'habitude de facilement créer des masques. Les seuls moments où je n'en mets pas, c'est avec mes copines.
Seul, je n’aurais jamais pu montrer ma sexualité et ma personnalité aussi librement.
Des histoires...
dès que j'ai commencé à parler, les adultes disaient que je faisais des manières, que je criais trop dans la rue pour un petit garçon.
Mon homosexualité s'est confirmée à la puberté, quand j'ai découvert le porno.
Les gens projetaient des trucs sur moi.
Je savais très bien qu'un garçon devait être avec une fille , mais je sentais que je ne m’y retrouvais pas.
Au collège, on me faisait déjà pas mal de remarques, et, au fur et à mesure, j'ai commencé à répondre
« Bah ouais, je suis gay, t'as un problème ? »
Une fois sur les sites, je me dirigeais exclusivement vers le porno gay.
Et d'un coup, ils ont fermé leur gueule.
Les remarques se sont intensifiées en première pro de mécanique, où un groupe de mecs avait vraiment pris l'habitude de m'insulter.
Mais j'ai été super bien accompagné. Un jour, une prof de français m'a vu et m'a proposé d'en parler avec la CPE.
Elles ont été super attentives, et m'ont dit « ça ne va pas se passer comme ça. » Avec les surveillants, elles ont sorti tous les dossiers des élèves et m'ont aidé à retrouver qui c'était.
Puis je suis allé déposer une main courante contre ces lycéens au cas où. Tout le monde m'a dit que j'étais courageux, mais je trouve ça hyper normal.
Tout ce harcèlement m’a rendu particulièrement méfiant.
Sur mes réseaux, j’ai très peu d’abonnés : que mes amis proches. Je ne veux pas risquer de recevoir des insultes dans les commentaires.
C'est mon safe space. J’utilise très peu Grindr, surtout depuis que j'ai entendu parler des guets-apens homophobes. Ce sont des tarés qui vont sur des applis de rencontres gays, et qui donnent des rendez-vous pour aller frapper la personne, c'est horrible !
Des histoires...
Joanna, 17 ans, en Arts plastiques à Paris, vit à Pantin (93)
Quand j’étais petite, je posais tout le temps des questions.
J’ai grandi en Guyane, et suis arrivée en France au début du collège. Petite, j’avais un corps de garçon, j’aurais aimé être plus féminine.
Dans le ventre de ma mère, j’aurais dû avoir un jumeau, mais il est mort in utero.
jusqu’à aujourd’hui, je me demande ce que ça veut dire. Est-ce que ça a un impact sur le fait que je ne suis pas hétérosexuelle ?
J'étais musclée du dos, des bras, des jambes. En même temps, je kiffais le sport je faisais du foot, du badminton...
Dans mon groupe de copains, j’étais la seule fille. Je rentrais tout le temps pleine de taches à la maison. mes parents étaient furieux, ils disaient que je me prenais pour un garçon. du volley... du tennis... du basket... de la boxe... de l'escrime... de la danse ... de l'athlétisme.
À la fête de l'école en fin de primaire, J'avais prévu de venir avec le masque de la série « Casa de Papel ».
Au même moment, je me suis sentie grave proche avec une fille de ma classe.
Mais ma mère m’a imposé de m’habiller en princesse Jasmine ! Ce qui m'a le plus dégoûtée, c'est de voir le regard de mes amis garçons changer à ce moment-là.
Un événement traumatique m’a rajouté plein de questions. Un cousin dont j'étais assez proche m'a violée quand j'avais 10 ans, alors qu’il en avait 15.
Je me suis dit que je détestais les hommes. Je me demandais, est-ce que je ne serais pas plus attirée par les filles que par les garçons ?
Je les ai sentis se dire « ah ouais, mais c'est une fille, elle peut être belle. » Moi, je voulais être leur égale, et là, ils me considéraient comme une potentielle amoureuse. Je voulais éviter ça à tout prix.
On se tenait tout le temps la main. Elle avait des mains archi fines ! Et moi, des grosses mains de mec. Ça nous faisait rire.
Mais en vrai, ça m'a surtout dégoûtée.
je ne me voyais pas coucher avec qui que ce soit après.
Des histoires...
Au collège, j’ai rencontré Victoria. On était tout le temps ensemble et j'ai commencé à avoir des sentiments pour elle.
J'essayais de m'en dissuader, mais on est quand même sorties ensemble.
Ça a duré un petit temps, puis elle m'a brisé le cœur ! Ensuite, j’ai eu un crush sur un garçon. J'ai vite réalisé qu'il était gay.
les filles, plus jamais !!
mais ça ne me dérangeait pas du tout.
En 3e, Grâce aux réseaux sociaux, j'ai appris plein de différents termes, comme pansexuelle, et je m’y suis identifiée tout de suite.
Pour moi, ça voulait dire que je pouvais aimer n'importe qui, quel que soit son genre ou sa sexualité.
Je découvre aussi la multitude de drapeaux qui existent.
Puis un jour, sur twitter, je vois que quelqu'un parle de zoophilie.
Direct, je fais des recherches sur Insta, et je comprends que c’est juste les homophobes qui font le rapprochement, mais ça n’a rien à voir avec nous. eux, c'est des zinzins !
Quand ma mère est tombée sur mon historique...
Heu... c'est pour un DM de SVT.
Avant d'être out au lycée, je m'habillais de manière plus féminine, je mettais du make-up alors que je détestais ça, et je me rapprochais des garçons.
C'est drôle car, avec mes meilleurs potes, on s'est juste rapprochés au feeling.
ce n'est que plus tard qu'on a capté qu'on était tous les trois pas hétéros. On a eu un fou rire les pédés* se retrouvent !
Dans chaque lycée, il y a un compte « crush » sur instagram, où des personnes partagent leurs crushs de manière anonyme. On a vu qu'il y avait plein de gays cachés.
Au point qu’on m'a prise pour une grosse dragueuse !
comment c'est possible ?
Mais je ne voulais pas que les gens sachent que je n'étais pas hétéro. à partir du moment où j'ai rencontré Léo, qui était le seul mec gay de ma classe, j'ai pu me laisser aller, m’habiller comme je voulais. Je me sentais moins seule.
Est-ce que notre lien était dû à ça dès le départ ?
Ça m'a motivée à plus me montrer. je me suis dit qu'en assumant ma sexualité, peut-être que d'autres le feraient aussi.
* Utilisé dans ce contexte, « pédé » n’est pas une insulte, mais un « retournement de stigmate ».