Louis
Raoul
La navigante
Guévork
Aivazian
La navigante P oèmes
Louis
Raoul
D essins
Guévork
Aivazian
Cimetière des jours Vos allées Dorment sous la neige Avec nos pas Et cet acier froid du silence Contre nos joues Couleur d’un soir Sur un visage Qui descend sur la mer.
Maison vide Avec tant d’absence On pourrait croire qu’un vase Retient l’averse d’une nappe Tant de silence aussi Jusqu’à ressentir la perception de ses grandes fleurs À l’écoute d’un soir Glissant le long des rideaux.
Corbeaux bruyants Dans la plaine Des restes de nuit S’envolent On va marier une montagne
Une neige est annoncée Dans le froid d’une oreille Sursis encore Pour voir tomber en colère Les brouillons d’un hiver indécis.
Désordre d’un sommeil Tu réveilles une porte Dérange un silence Et ton visage prend forme Dans la nuit d’une vitre Bientôt Une ville de plus de lumière Un souffle falotier Pour fêter le jour.
Avec le deuil On traverse un désert Une ombre nous accompagne Et nos yeux ouvrent des chemins Jusqu’aux lèvres goûtant le sel Ici Tout tient dans l’absence Et il y a ce corps recouvert d’un drap Avec tous ses plis Comme des ruisseaux Qui auraient perdu leur soif.
Ville Rien que dans le poème Avec une seule fenêtre allumée Comme un accroc à la nuit
Toute la lumière Est entrée par là En attendant d’être de ce jour Qui nous passera par la tête.
J’ai une longue route À faire Mais j’attends Cette nuit de pleine lune Des pans de terre Ont la couleur de l’eau Pour les bêtes Moi Je garde ma soif pour le vent J’attends qu’il se lève Pour être de ce chant de feuilles À son passage.
Fenêtre d’un train en partance On se tient derrière la vitre On laisse des bancs Des solitudes Des valises et leur maître Aller dans l’autre sens Ils vont vers ce toujours du départ Où le voyage commence Dans les yeux.
Des hommes de minuit Ont emporté Tout ce qui plaisait au sommeil Que reste-t-il de bleu Quand la nuit a bien séché Et flotte à la lune Plus tard Quelqu’un viendra Avec l’aube à son bras Il te dira qu’il est un soleil Et tu le reconnaîtras aux couleurs Qu’il donnera à ton visage.
C’est un moment D’aberration lente Tu as longuement observé Cet arbre là-bas Maintenant tu marches Et il vient à ta rencontre Te croise Et va vers le lieu Où est resté le regard.
Qu’aurais-je pu être d’autre Qu’un montreur d’images Peut-être un Saint Laurent Arrangeant le tombé du jour Un tailleur de pierre Avec la pluie comme éclats Ou bien Ce silence sur un autre D’un désert qui s’endort.
C’est juste un visage En mémoire Je dors sur sa langue Et la nuit est partout Quand il dira son nom Il libèrera un soleil Avec toutes les ombres De ses passages.
Vallée de Lise Avec un seul arbre Et ses racines Qui retiennent tout
Clé D’une voûte qui s’inverse À l’appel des branches Un ciel tangue Et renverse ses oiseaux.
Il a tant neigé cette nuit Que l’on pourrait croire Que c’est tout ce blanc Qui maintient les arbres On redoute alors un printemps Qui les ferait se coucher Et tous ces chants en exil Il n’y aurait plus Au passage du vent Qu’un feuillage de mémoire Et le bruissement léger D’un sommeil.
Dans la nuit Où sommeille le jour La mélancolie d’un étang Visage d’eau Aux paupières closes C’est ici Un grand silence de l’humide Aux impacts d’étoiles.
Il y a cette voix Liquide Presque à verse Annonçant le refus Puis la colère Et un vol de pages Dans toute la chambre Et quand tout est retombé Lui se tient debout Sur la seule reconnaissance D’un parquet À mémoire de forme.
Sur l’étang Une barque Porteuse d’eau Oblongue mémoire D’un coin de ciel La navigante La naviguée Ensembles Sous un soleil pour personne.
Ce que les vagues déposent Sur le sable Cette blancheur légère Qui tremble un peu Avec l’air du matin Quelque chose a dû muer Au fond de la mer.
| Les auteurs |
Louis Raoul Louis Raoul est né en 1953 à Paris où il réside toujours. Il a publié à ce jour de nombreux recueils dont : – Démantèlement du jour (éditions Éclats d’encre), – Les beaux suivants (éditions de l’Atlantique), – En attendant les murs (éditions La Renverse), – Pailles de pluie (éditions Alcyone) – Lettres de là-bas, Écrits des sables (Aivazian éditions), livre d’artiste en collaboration avec le peintre Guévork Aivazian. À paraître : – Un bruit de bleu (éditions L’ail des ours), eaux fortes et aquatintes de Marie Alloy, – Carnet de Givre, Possibles lieux, (Aivazian éditions)
Guévork Aivazian Guévork Aivazian, né en 1989 en URSS. Il arrive en France à l’âge de 17 ans. Après des études de Droit et de Littérature russe à la Sorbonne, il développe des travaux artistiques aux médiums variés. Son travail a été exposé à Paris, Casablanca et Florence. Il est actuellement en résidence artistique à Amsterdam. En 2019, il initie la création des éditions AIVAZIAN, spécialisée dans les livres de poésie, illustrés et les livres d’artistes sur mésure. guevorkaivazian.com
AIVAZIAN éditions est une maison d’édition indépendante de livres de poésie, de livres d’artiste et d’objets d’art. La maison d’édition a été fondée par Guévork Aivazian, artiste plasticien, en novembre 2019. Depuis janvier 2021, ses deux amis Marie Lemperière, agrégée de lettres, et Maxime Tenaud, porteur de projet en économie sociale et solidaire, ont rejoint le projet. De leurs rencontres avec les auteurs et les artistes naissent des ouvrages et objets originaux, en éditions limitées et numérotées. aivazian-editions.com
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Ralentir poème 1
Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur et un artiste (peintre, graveur, sculpteur, photographe, mais aussi pourquoi pas, musicien, cinéaste, etc). Ralentir travaux de René Char, Paul Éluard et André Breton, recueil de trente brefs poèmes précédés de trois préfaces, 1930, José Corti 1
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© Mai 2021 — La navigante – Poèmes de Louis Raoul Dessins de Guévork Aivazian La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363
« Toute la lumière Est entrée par là En attendant d’être de ce jour Qui nous passera par la tête. »
La navigante Louis Raoul & Guévork Aivazian