Eté - Didier Ayres & Yasmina Mahdi

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Didier Ayres

EtĂŠ

Ce

qui

reste

Yasmina Mahdi



Didier Ayres

EtĂŠ Ce

qui

reste

Yasmina Mahdi


I Oiseaux de méthane comme des étincelles et l’ordalie que je subis — jours de vitre. Je suis dans la chambre grise et je regarde ce qui ne commence jamais et les bêtes de la pluie qui surgissent à la fenêtre où se rassemblent les nuits et le manteau mortel.


II Le ciel est un corridor de marbre où court le zénith — ruisseau d’argent qui coupe l’été — nuit lyrique chaste et inhumaine mon temps est double ainsi. Je bois le paysage où périssent le sommeil et la haute inquiétude.


III J’attends l’année importante qui vient comme une alouette là dans des caravansérails éblouissants. L’arc d’or des ruelles — un grand sarrau de métal — qui passe le soir torpide et les eaux noires et toute cette pâque de cristal.


IV La rivière d’argent qui est devenue comme une maison d’eau et d’éther comme sorte de chasuble au milieu des pierres oniriques et des fontaines miraculeuses. Voilà la source négative de l’angoisse le vin de ténèbre absolue comme un colibri de métal — une abeille et son chiffre mystérieux — un caroussel de feuille dans la forêt inerte de l’après-midi. Mon heure est semblable à la mélancolie et la touffeur vénéneuse des horloges où dort la nuit parfaite.


V Ma solitude est un théâtre d’herbes — un lac de purs asphodèles noirs — qui est pour moi une espèce d’épine lumineuse car mon néant ressemble au manteau de l’univers où rien ne commence mon esprit des tubéreuses des dieux le détail de cet insecte la pluie incendiée. J’ai jeté les fleurs parme dans l’abîme inquiet qui rappelle la mort et la fin sans fin des astres.


VI Obscurité sans attente sinon le soir et l’été turbide pour me couvrir du dais calme de l’inquiétude. J’ai fait le vide en moi-même grâce à la théologie négative quelques arabesques quelques orchidées et le cheval des esprits noirs. Empreinte de la maison humide où nous avons nos visages.


VII La vie est un flacon de sang — trois roses solitaires dans l’air opaque — et encore la chambre de métal de la vie intérieure — mille heures blanches — harpe de fer des lumières opium divinité brillante. La nuit ne fut pas ni son manteau électrique ni son goût de charbon et de mort et d’inconscient comme ma poitrine en fièvre. Viens dans la durée inexplicable — oeuvre de méthanol — énigme de l’herbe une licorne le temps qui me terrasse le bestiaire rouge.


VIII Midi est une porte au milieu de la chambre l’ordre morbide du ciel par exemple et ses oiseaux colorés et petits comme des insectes. Je suis en compagnie des ciels et des pluies chaudes couleur cédrat dans la lumière funèbre de l’après-midi.


IX J’ai cherché à ne pas mourir et mon esprit allait par devers l’enfance et les dieux magnétiques qui sont capables du parfait anéantissement. C’est une coupe intérieure quelque chose comme un danseur de craie le silence aussi et sa morbidité joyeuse parmi les orchidées sauvages — cathédrales des ruisseaux clairs — dans le hallier de feu où dorment des chevaux.


X Ce fut le retour au village comme enfiévré l’après-midi d’argent et son souvenir seul parmi les dieux inversés et le soleil maintes places ombragées le temps la rue la cercle vert l’horizon le ciel. J’attends le sang comme un oiseau d’été et qui n’est d’aucune sorte sinon quelque chose comme la chambre. La nuit est pareille à la mort cette pensée qui va de pair avec l’apocalypse — un danseur qui décrit le commencement — altérée par des heures dominantes et toute la paix des instants.


XI Oui cette chambre anxieuse qui se dédouble dans le sommeil comme une épine de glace au milieu d’un néant abîmé et sonore. Une espèce d’escalier de flamme là où des abeilles mécaniques prennent feu parmi des fleurs de papier ivres — mon angoisse est un gypaète — dans la chambre justement inerte.


XII Nos mains sont des épées le sommeil violent de midi — musique papillons indigo — dans le signe vide d’ici-bas. Je ne sais décrire la mélancolie de cette journée anéantie et arrêtée et ressemblante à de grandes guitares froides.


XIII Qui ferme l’oiseau et le cercle du crépuscule — l’ordre des Voies Lactées — qui partage la ruelle de silex et les maisons à feuilles d’or ? Je suis le matin ténébreux et inconscient de la demeure. J’ai absorbé le méthane orgueilleux de l’été — un polygone de cristal — où se jettent les pays ivres.


XIV Toi aussi tu es le récit de juillet et ses drapeaux de plomb et d’ombre comme une sorte de navire plein de jonquilles de jade et de fièvre. Un sylphe aquatique dans le fleuve rouge et éternel sorte de cercle d’Atlantide — des miroirs argentiques et malsains — où passent des hirondelles de feu dans la tunique des eaux.


XV J’ai partagé le secret de la kénose comme on le fait d’un alcool — église de carbone — dans la coupe de sang où ce n’est ni automne ni mort. Ainsi qu’un anneau de tourmaline dans le zodiac caverneux de minuit — de giroflées de métal des ellébores de papier.


XVI La journée est le miroir de toute cette inquiétude et de la pensée corollaire des étincelles. J’ai appris la mort tout l’été qui est une rivière noire et beauté plusieurs fois — le sommmeil lui-même est un lac — déambulant dans cette vénerie pourpre où se bousculent les papillons de nuit et la fortune donc toute la force du destin entêtant et rapide.


XVII Nos mains sont une grande ombrelle mystique — la tourterelle le feu et le réséda — toute cette ruelle abouchée et communicante dans le labyrinthe esthétique du village. C’est le verger de la nuit qui représente comme un pommier calciné et des pommes d’or unies violentes et secrètes.


XVIII Mais quelle musique la pluie métallique comme des animaux de verre en une ménagerie ! Soudain c’est l’après-midi qui gît comme blessé dans le miroir calme et argenté de la chambre — des insectes turquoise comme un feu de Bengale — et le sable continûment au centre de la rue qui occupe tout l’univers.


XIX Qui sont ces cavaliers d’apocalypse — le ciel ivre de ton visage — quelle est la robe de feuille qui ferme les rues soûles de tilleul ? J’ai bu avec toi le sentier des fougères qui surpassent les allées électriques parmi les simples cristallines et dangereuses.


XX Que reste-t-il du bateau des pluies ? l’horoscope et le hallier ardent ? — mon esprit est un taillis de flamme. Ce sont des cavaliers mystiques qui ouvrent le cercle de septembre et cette haute maison d’orgueil de brutalité de vin et de myrrhe.


XXI Dimanche arche de carbone où passent l’eau et la signification de l’eau des cyprès des tumulus des chapelles brûlantes. Le soir est un linceul de feuilles et de figures qui tombent dans mon vertige et le caractère temporaire de toute la voûte stellaire.


XXII Et dans l’ordre des roses nous avançons en une saison de métal comme un horoscope fabuleux qui confine à une mort véritable. Il ne reste que le miroir vieux et la fenêtre immortelle — feutre sang — qui furent une robe de lumière le soir l’attente l’inquiétude — le séjour des eaux et des barques — une espèce de chasuble inversée.


XXIII Personne maintenant dans la chambre close seuls des oiseaux entièrement rouges dans la maison incendiée et neuve — dispositif mécanique du demi-jour.




Les auteurs


Didier Ayres Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d’une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d’écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu’esthétique, il a trouvé une assiette dans l’activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen. Il écrit aussi pour le théâtre. L’auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L’Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.


Yasmina Mahdi Yasmina Mahdi est née à Paris. Diplômée des Beaux-Arts à Paris et d’un Master d’Etudes Féminines de Paris 8 (Esthétique et Cinéma). Elle rédige des articles critiques dans La Cause Littéraire et Reflets du Temps et est co-directrice de la revue L’Hôte, avec Didier Ayres. Depuis 10 ans, elle a réalisé de nombreuses expositions et participe aux illustrations de revues et couvertures de livres.



La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME

Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.

© Novembre 2016 — Poèmes de Didier Ayres Dessins de Yasmina Mahdi La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363


« Je ne sais décrire la mélancolie de cette journée anéantie et arrêtée et ressemblante à de grandes guitares froides. »

Did ie r Ayres De s s in s d e Y a s m in a M a hdi

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