2021-Mémoire

DNSEP 2021 Diplôme DNSEP Option Design, Mention Design des Communs Tutrice théorique : Sophie Monville Tuteur plastique : Lionel Broye

Une proposition de vie dans un monde plat

ÉSAD / École supérieure d'art et de design d'Orléans www.esadorleans.fr

Yenchen LIN

Abstract Today, we seem to be accustomed to a large number of objects and symbols passing through our lives, and every day we are inadvertently and permanently, exposed to objects and material messages everywhere. With the intention of leaning towards mass consumption orientation, each object carries a variety of enticing elements, which endeavour to find a way to capture our attention and urge us to act in this already almost saturated context.

Furthermore, the group relationships established by current social platforms have further subdivided and exaggerated the desire for material images, so that nowadays people in this era are lured into each carefully designed situation through systematic messages amidst seemingly diverse choices.

Therefore, the purpose of this study is to try to discuss the relationship between us and objects in the contemporary consumer ecology, and to find the diversity that can correspond to our personal desires by distancing ourselves from mass consumption. Finally, these points in question will lead to a restoration of the connection between the senses and objects through a reflection on new forms of community.

SOMMAIRE Introduction Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

Consommer à l’ère des réseaux

La sociabilité des réseaux

Réduire notre consommation à la faveur d’une harmonie retrouvée

Manières de consommer, manières d’être

Focus sur notre consommation

La vie des réseaux, une technique d’adaptation Comment renouer avec notre harmonie

Renouer avec nos sens et une certaine éthique de l’objet

La connexion au service de l’exclusivité et la distinction ?

Le contrôle de la souveraineté La rédemption du désir

Conclusion Bibliographie

La société de consommation aujourd’hui et hier Capter le consommateur à l’ère des réseaux Désir et valeur, du collectif à l’individuel Valeur médiatique communautaire

07 12 16 28

L’objet, le produit Tendances dominantes et conformité au groupe Expérience individuelle vs. stratégie des données

32 34 36

Appartenance et socialisation Les liaisons numériques Entre uniformisation et distinction

42 44 46

Consommation, design et besoins Fonctions d’usage, culturelles, psychologiques La société d’hyperconsommation : Le bonheur paradoxal hypermoderne

54 58 59

Design des interfaces, design des échanges Tendances Influences Une demande de transparence et de confiance

60 62 63 66 68

74

Le droit de choisir et de penser En profitons-nous vraiment ?

78 80

Réappropriation des outils de traitement de données Souveraineté

82 88 90

97 98

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Introduction J’appartiens à une époque qui se définit par la démocratisation des nouvelles technologies, la mondialisation et la surabondance de l’information démultipliée par les réseaux.

Nous ne pouvons pas l’éviter, où que se pose notre regard et où que se portent nos choix, le terrain est déjà occupé par les influenceurs et les stratégies commerciales des médias. Bien que nous pensions exercer notre libre arbitre en la matière et avoir notre propre style de vie, la culture planétaire des sociétés industrialisées répand partout autour de nous sa vision d’un mode de vie plus ou moins standardisé. Subtil, celui-ci maintient dans ses mailles les diverses tendances de styles, d’époques et de savoir-faire passés ou plus résolument actuels que nous plébiscitons, car ils continuent de refléter des valeurs auxquelles nous tenons. Pour preuve de notre conditionnement, nous vérifions tous les commentaires et le nombre d’étoiles que le produit que nous projetons d’acquérir a recueilli avant de nous le procurer, et nous nous rendons sur les forums pour voir les discussions qu’il suscite entre les utilisateurs. Les indications que nous récoltons nous confortent autant en termes de réponse à nos besoins matériels qu’en termes de reconnaissance sociale. Celle-ci sera d’autant plus grande à nos yeux qu’elle est partagée par un grand nombre d’utilisateurs. Ainsi quand on achète une montre, nos critères ne concernent pas uniquement la fonctionnalité de cet objet qui est de nous donner l’heure, ils concernent aussi comme le dit Jean Baudrillard dans Le système des objets, « le degré d’exclusivité ou de socialisation1 » que nous souhaitons manifester à travers lui.

L’amplification de ce processus d’identification caractérise la société de consommation qui s’est développée avec le Web.2.0 car nous sommes devenus les acteurs à part entière

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de cette économie de catégorisation et de référencement par le biais des likes et des commentaires qui accompagnent nos pratiques de consommateurs. Tiktok, Facebook ou Instagram nous poussent à partager nos expériences d’utilisateurs sur les réseaux en nous offrant une facilité de prise de parole qui a remplacé les supports traditionnels de la publicité avec une efficacité remarquable. C’est ainsi que les réseaux établissent les nouvelles tendances à suivre et touchent potentiellement aujourd’hui tout le monde. Évidemment, nous pouvons avoir de nombreuses discussions sur ce phénomène, mais en raison de mes centres d’intérêt liés à l’espace et à l’objet, ma réflexion se concentre surtout sur notre façon de nous réapproprier les objets et d’en réinterpréter le sens. Je m’intéresse ainsi à notre aptitude à réinventer des usages par laquelle nous allons pouvoir créer une nouvelle relation plus personnelle avec les objets, et en particulier ceux de notre environnement familier.

Sans ce travail d’appropriation, je considère que l’objet est une coquille vide, juste une chose ordinaire dépourvue de sens. Je souhaite profiter du temps du mémoire pour explorer ces différentes pistes de réflexion autour de notre relation aux objets, notamment à travers la métaphore de la coquille vide et l’hypothèse d’un monde plat précédemment formulée par Thomas L. Friedman 2 au sujet de la nouvelle organisation économique du monde et qui émerge selon moi également du moule dessiné par l’univers des datas. Mes travaux s’intéresseront dans un premier temps aux principes de la société de consommation et à notre attachement au monde des objets en m’appuyant sur la théorie du système des objets développée par Jean Baudrillard. Mon propos interrogera ensuite de possibles alternatives pour consommer autrement en se tenant à distance d’une

consommation de masse afin de retrouver une diversité à la mesure de nos désirs. Ce cheminement de remise en question m’amènera dans la troisième partie de mon mémoire à développer une démarche renouant avec nos sens et une certaine éthique de l’objet, par le biais d’une réflexion sur la réappropriation des outils de traitement de données.

1. Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, 2000, p. 8.

2. Thomas L. Friedman, The world is flat, Farrar, Straus and Giroux, 2005.

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Médias et culture de consommation.

Réflexion sur le système des objets

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux La société de consommation aujourd’hui et hier

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Le portable n’a pas créé une situation radicalement nouvelle.

Il a seulement rendu visibles, en leur faisant franchir un seuil, la complexité et la richesse des relations que nous établissons avec chacun de nos objets familiers. Le danger, aujourd’hui, serait de confondre le regard que nous portons sur les nouvelles technologies avec un changement dans la relation que l’homme a toujours établie avec son environnement. Selon les cas et l’usage que nous en faisons, tous nos objets peuvent contribuer à nos besoins de sécurité et d’autonomie, nous permettre de resserrer des liens ou au contraire de les distendre, favoriser une culture de la frivolité ou au contraire un rapprochement avec nous-mêmes.

Serge Tisseron

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

En ce début de XXIe siècle, nous n’avons pas seulement vu progresser notre environnement technologique mais aussi avec lui notre façon de partager nos idées et de définir nos aspirations. Bien que la technologie nous ait changé en générant de nouveaux comportements et de nouvelles attentes et manières de penser le monde, nos habitudes et nos besoins fondamentaux sont restés les mêmes : nous devons toujours nous nourrir, nous déplacer, nous abriter dans un espace qui porte notre empreinte 3 . Le chez-soi est par définition cet espace intime portant les traces de la singularité de nos existences dont les objets sont à la fois les signes et les agents. Pour illustrer mon propos je vais m’appuyer sur une expérience personnelle. J’appartiens à cette catégorie de personnes qui hésite longtemps devant les rayons des magasins quand je veux acheter quelque chose parce que, dans ma tête, je recherche des objets qui répondent à la fonction dont j’ai besoin mais qui soient également cohérents avec un principe d’harmonie qui m’est cher. Au-delà de la séduction des apparences, je préfère aller vers des objets qui pourront rester plus longtemps avec moi plutôt qu’en changer au gré des modes du moment.

C’est ainsi que j’ai acheté une carafe Brita parce que j’étais attiré par l’image dans la vidéo publicitaire de l’eau versée et aussi par l’environnement autour de cet objet. Il s’agissait d’un espace de vie imaginé dans des tons harmonieux où chaque chose était à sa place, renvoyant une image saine et confortable qui m’a donné l’impression que l’eau était encore plus brillante dans cette carafe qu’elle ne l’est en réalité, ce qui m’a semblé particulièrement désirable.

Mais une fois cet objet placé chez moi, je n’ai plus retrouvé le sentiment esthétique que j’avais ressenti avec la publicité, il m’est devenu étranger. Observant mon univers familier, je me suis demandé pourquoi il ne s’insérait pas mieux chez moi. Faut-il que je j’achète encore autre chose pour mieux l’intégrer à l’existant ou n’est-il tout simplement plus aussi séduisant chez moi qu’il pouvait l’être dans la publicité, le plastique se faisant soudain moins attrayant et de moins bonne qualité que dans la vidéo.

par le message marchand de la publicité. À partir de cette expérience j’ai commencé à m’intéresser au rôle des médias et à l’influence des réseaux qui nous rapprochent d’univers qui nous étaient auparavant étrangers aussi bien culturellement que socialement, ce que nous ne pouvions pas imaginer avant. Ce rapprochement est désormais possible, maintenant que nos besoins premiers sont satisfaits comme l’observe Jean Baudrillard dans Le système des objets ou il nous dit : « […] À partir d’un certain seuil d’évolution technique, et dans la mesure où les besoins primaires sont satisfaits, nous avons peut-être autant, sinon davantage besoin de cette comestibilité phantasmatique, subconsciente de l’objet que de sa véritable fonctionnalité 4 ».

J’ai finalement réalisé que je suis tombé dans le piège d’une envie superficielle et que je me suis laissé influencer

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Aujourd’hui, non seulement nous n’avons pas rempli notre manque face à nos envies mais notre appétence pour posséder plus de choses est encore plus forte, comme si de cela dépendait la possibilité d’atteindre une sorte d’identification de nous-mêmes. Nous pouvons ainsi constater que nous avons tendance à choisir ces objets qui satisfont nos préférences personnelles en les considérant comme une extension de notre identité personnelle, ils nous aident à construire notre image dans la société et nos caractéristiques personnelles. Imbriquant la valeur d’usage à celle la représentation sociale et de la société de consommation, Baudrillard résume la situation en ces termes : « c’est dans cette mesure que nous y “croyons” ; ce que nous consommons en elle c’est le luxe de notre socièté qui se donne à voir comme une instance dispensatrice de biens et se dépasse dans une culture. nous sommes investis à la fois d’une instance et de son image5 ».

Comme le souligne Baudrillard dans son ouvrage, ce qui est donné au consommateur dans notre société de consommation, c’est le choix. C’est sur cette disponibilité que repose la personnalisation et que s’engage personnellement l’acheteur, ce choix nous est d’autant plus imposé que « nous n’avons même plus la possibilité d’acheter un objet pour son seul usage car nul objet ne se propose

La société de consommation aujourd’hui et hier

ainsi au “degré zéro” de l’achat ». C’est ainsi que le seul fait de choisir un objet plutôt qu’un autre implique de participer à cet ordre économique, resituant la question de la personnalisation à travers les objets dans la logique de la société de consommation.

3. Voir sur ce point Walter Benjamin : « habiter signifie être dans une enveloppe qui porte l'empreinte de l’habitant », cité dans Marie-Ange Brayer, « La maison : un modèle en quête de fondation », HYX, Exposé n° 3, 1997 / 2003.

4. Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, 2000, p. 181-182.

5. Jean Baudrillard, Le système des objets, Op. cit., p. 232, p. 166 pour l’édition anglaise citée.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

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De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

La société de consommation aujourd’hui et hier

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Capter le consommateur à l’ère des réseaux

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De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

Avec Internet, nous avons vu s’amplifier ce processus d’identification : aujourd’hui, les plateformes numériques enregistrent nos données et classent nos préférences afin de nous attribuer de nouvelles propositions d’achats en fonction du profil qui se dégage de ces données, qu’elles implantent directement dans les pages que nous consultons. Le produit pour ces plateformes, c’est nous, les consommateurs potentiels que nous sommes.

Ironiquement, tout en nous sachant manipulés, nous utilisons également ces profils de consommateurs au même titre que nous utilisons des hashtags, car ils nous permettent de croiser notre expérience avec les expériences des utilisateurs. Ce processus de comparaison via les avis des consommateurs est devenu un réflexe qui nous met en confiance et sur lequel nous nous appuyons pour guider nos choix. Car les médias auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont aussi ceux d’Internet dont se sont emparés consommateurs et influenceurs. La révolution des médias a transformé la consommation nous rappelle Nicolas Riou dans son ouvrage Le consommateur digital, Les nouvelles approches pour le séduire 6 , dans lequel il observe que « les marques n’ont plus le monopole de la parole 7 », tandis que de nouvelles voix peuvent se faire entendre, prenant le pouvoir sur la consommation. Ces voix qui « rendent visibles les produits et les services, les évaluent, les critiquent », sont celles des influenceurs et utilisateurs qui, potentiellement, peuvent générer à leur tour de nouvelles tendances sous de nouveaux hashtags8 . Tout

6. Nicolas Riou, Le consommateur digital, Les nouvelles approches pour les éduire, Paris, Eyrolles, 2016.

7. Vincent Chabault, « La consommation saisie par le numérique : quelleadaptation des marques ? », J DN , 2017, [e n ligne] , h t tps: //w w w.jour naldune t .c om / ebusiness/commerce/1196790-la-consommation-saisie-par-le-numeriquequelle-adaptation-des-marques/ (page consultée le 27/03/21).

8. Nicolas Riou, Le consommateur digital, Op. cit. : « L’implication des consommateurs dans la marque évolue. Ils sont beaucoup plus actifs, ils s’expriment sur les marques et ne rechignent pas à y participer, et même à contribuer à leur offre s’ils y sont invités. Ils deviennent un média et un des premiers ambassadeurs pour une marque », p. 17.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

consommateur appartenant à une société, une industrie, un groupe économique ou politique ou simple citoyen peut, en son propre nom, jouer ce rôle d’influenceur et imposer un produit en reportant son expérience sur les réseaux, tandis que les marques repensent leur stratégie face à ces consommateurs connectés en les invitant, par exemple, à laisser leur avis d’utilisateur sur leur site ou à remplir des questionnaires de satisfaction. Pour elles, il s’agit désormais de capter l’attention du consommateur avec qui elles cherchent à créer du lien « en évoquant ses centres d’intérêt, ses désirs matériels et symboliques, et ainsi tenter de créer l’attachement 9 ». Avec cette nouvelle société marchande « digitale », nous avons toujours plus de possibilités de choisir les objets qui vont participer à définir notre mode de vie et de nous exprimer sur ce que nous aimons. Paradoxalement, nous nous tournons toujours vers les mêmes objets, nous restons dans la zone de désir définie par notre communauté comme le dit Baudrillard, en d’autres termes, nous préférons ne pas nous démarquer et respecter les codes de notre communauté10 .

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

9. V inc e nt Chabaul t , « L a c onsommation saisie par le numé rique : quelle adaptation des marques ? », Art. cit.

10. Bau drillard expliqu e qu e la p u blic i té c o n trôle les b esoins individu e ls à tr ave r s la mise e n œ u v re d u c olle c tif. Il no us di t qu ’e lle « af fe c te d e solidariser les individus autour d’un produit afin qu’ils se différencient des autres » par ce choix alors qu’au moment de l’achat, « chacun achètera p e r s o n n e l l e m e n t l e m ê m e o b j e t q u e l e s a u t r e s , J e a n B A U D R I L L A R D, Le système des objets, Op. cit., p. 251.

11. ibid., p. 250 -251. The system of objects, Op. cit., p. 179, p. 250 -251 pour l’édition anglaise citée.

Imagine-t-on qu’on puisse aimer une femme dont on serait sûr qu’aucun homme au monde n’est susceptible de la désirer ?

Inversement, si des foules entières adulent une femme, je l’aimerai sans la connaître. Là est le ressort toujours présent (et le plus souvent caché) de la publicité. S’il est normal que nous vivions nos désirs en référence collective, la publicité, elle, s’emploie à en faire la dimension systématique du désir 11.

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Capter le consommateur à l’ère des réseaux

hashtag sur Instagram, capture d'écran, mai 2021.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Désir et valeur, du collectif à l’individuel

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De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

Nous avons vu qu’à travers les nouveaux médias, le concept de collectif a évolué vers celui de communautés qui caractérise le modèle de consommation du Web 2.0. Les objets montrent l’image fixe de leur apparence sur les plateformes médiatiques comme Instagram (qui associe la dimension sociale des réseaux à la dimension publicitaire) et séduisent les utilisateurs qui calquent leurs désirs face à ces images, que nous considérons comme des arrangements harmonieux dans notre esprit et dont nous projetons aussi des arrangements rationnels en les accommodant avec nos propres objets. Ainsi, le concept de communauté existe aujourd’hui non seulement dans « l’extérieur » — l’arrangement de l’harmonie entre nous et le monde extérieur, mais aussi dans « l’intérieur » — l’arrangement fait par rapport à nos propres valeurs internes. Et ces arrangements sont comme un cadre qui nous permet de construire différents comportements personnels. Ils traduisent la notion d’intériorité que je vois comme l’expression de l’opération par laquelle chaque chose, chaque objet, chaque individu prend une couleur qui lui est propre. Pour moi, l’œuvre de Pierre Soulages traduit ce monde intérieur où s’inscrivent dans la matière picturale monochrome la singularité et la sensibilité de l’expérience de nos existences.

12. Georg Simmel, Les grandes villes et la vie de l'esprit. Suivi de Sociologie des sens, Paris, Payot, 2013.

13. Georg Simmel, Philosophie de l’argent, Paris, PUF, 2014.

Il est temps de se demander si les objets tels que nous les percevons nous permettent de développer notre propre idée de la valeur. Je commencerai pour cela par m’intéresser à ce que nous entendons par valeur. Selon Georg Simmel, fondateur de la sociologie des sens12 à une époque qui voit se concrétiser, au début du XXe siècle, les effets de la modernité, la valeur est une des données déterminantes de cette révolution sociétale. À quel ordre celle-ci appartientelle désormais, à celui du travail de l’humain ou à celui de la machine à l’objet unique ou à la série qui apporte en quantité de multiples exemplaires d’un même objet ou, pour le dire autrement, la valeur est-elle devenue affaire de quantité plutôt que de qualité ? C’est dans l’un de ses essais intitulé Philosophie de l’argent 13 , que le sociologue pose une première distinction qui me paraît importante pour aborder la valeur, lorsqu’il affirme qu’il n’y a pas de

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

réciprocité entre la nature d’une chose et ce qui la rend précieuse. Il précise ainsi « que des objets, des pensées, des événements puissent être précieux, ce n’est jamais lisible dans leur existence et leur contenu purement naturel ; et leur ordonnancement d’après les valeurs s’écarte au plus loin de leur ordonnancement naturel.

D’innombrables fois la nature anéantit ce qui pourrait prétendre, vu sa valeur, à une durée maximale […]14. » Distinguant la causalité mécanique (issue de la nature), de la causalité psychique (propre à l’homme), la valorisation, nous dit Simmel, « en tant que processus psychique bien réel, est un fragment du monde naturel ; mais ce que nous visons à travers elle, son sens conceptuel, se pose en toute autonomie face au monde15 ». Processus psychique, la valeur que nous accordons aux objets et aux choses, prend en compte une multiplicité de paramètres, parmi lesquels nous retenons « les difficultés liées à (son) leur obtention, le travail et l’attente qui se glissent entre le souhait et son accomplissement16 », faisant que celle-ci ne réside pas uniquement dans la seule rareté d’un objet mais aussi dans l’effort que nous faisons pour l’obtenir 17. « Ainsi peut-on dire que la valeur d’un objet repose sur le désir qu’on en éprouve18 ». Détail intéressant, Simmel souligne que pour rester une valeur économique, l’objet ne doit pas augmenter son prix sous peine de créer une distance « si vaste » entre lui et celui qui le désire qu’il n’y a plus « d’acte volitif ».

La distance qui peut se créer au cours de cette quête n’est, par ailleurs pas seulement économique, elle peut aussi naître en raison de difficultés à se le procurer ou de doutes de nature morale, nous dit Simmel. Alors, dit-il, « le désir s’éteint ou se réduit à l’ombre d’un vœu19 ». Au sens économique, « l’écart entre le sujet et l’objet d’où naît la valeur comporte donc une limite […], si bien que la formule qui mesure la valeur à la résistance freinant l’obtention des choses désirées en fonction des chances naturelles, sociales, et de production, passe à côté de la réalité 20 ». Plus près de nous, selon le psychanalyste

Serge Tisseron, les objets ont de la valeur en fonction de l’attachement que nous leur portons. Comme il l’explique dans son ouvrage Quand l’esprit vient aux objets 21, celui-ci se mesure à l’histoire, aux souvenirs qu’ils incarnent, ainsi qu’à l’usage que nous en avons fait et à l’image qu’ils nous renvoient de nous-mêmes et aux yeux des autres 22 . Cette approche sentimentale de la valeur que nous accordons aux objets fait écho à la distinction initiale établie par Simmel.

La valeur d’un objet, c’est donc ce qui le différencie d’un autre, ce qui le rend unique à nos yeux, quelle que soit sa nature. Ainsi, dans le contexte de la production de masse, je me demande si l’objet a perdu sa valeur initiale et si, dans ce même contexte, chacun d’entre nous a plus de choix pour exprimer ou incarner cette valeur (affective, ajoutée, marchande…) que par le passé.

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Désir et valeur, du collectif à l’individuel

14. ibid., p. 21-22.

15. ibid., p. 23.

16.ibid., p. 38-39.

17. Toujours d’après Simmel, qui parle à ce sujet « d’efforts positifs d’appropriation », tandis que c’est la distance pour le rejoindre induite par cete effort, qui nous permet d’attribuer à l’objet désiré « une valeur qui va au-delà de sa pure consommation », ibid., p. 39.

18. ibid.

19. ibid.

20. ibid.

21. Serge Tisseron, Comment l’esprit vient aux objets, Paris, PUF, 2020.

22. Voir plus précisément ici l’article de Serge Tisseron « Pourquoi s’attachet-on autant aux objets », Émilie Veillon, Le Temps, 2019, [en ligne], https:// www.letemps.ch/lifestyle/sattacheton-autant-aux-objets

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

La consommation de masse a sacralisé l’objet qui est désormais un moyen de se différencier et a donc valeur de signe, nous dit alors Baudrillard 23 . Et pourtant, au-delà de cette fonction sociale, d’autres voix plus optimistes soulignent que le désir de posséder des objets traduit un besoin plus profond. Les objets nous rassurent en nous aidant à tromper nos angoisses et contribuent à nos besoins de sécurité, observe par exemple Tisseron 24 .

Ainsi au XXIe siècle, la relation que nous établissons avec eux reste fondamentalement la même : nous sommes toujours, au plus profond de nous, attachés à la présence et à l’usage des objets pour communiquer, resserrer des liens ou nous retrouver seuls avec nous-mêmes. Par exemple, nous sommes toujours attachés aux objets qui nous rappellent des souvenirs auxquels ils sont liés dans notre mémoire et dont ils continuent de témoigner pour nous 25 .

Même si, avec Baudrillard, nous pensons toujours que l’objet peut servir à notre réputation personnelle, de sorte que nous pouvons à travers lui signifier notre différence avec les autres.

un critère d’identification que nous cherchons à atteindre.

Ce désir est particulièrement bien analysé dans le roman Les choses de George Perec, qui nous dépeint les complexes d’une petite communauté de jeunes cadres démarrant dans la vie :

Sans doute nous pourrions dire que notre consommation moderne n’est pas fondamentalement différente de celle des gens d’avant, en particulier de ceux de l’après révolution industrielle de 1760 à 1840. C’est alors que l’être humain a commencé à bénéficier des progrès de la technique et que les gens ont commencé à s’enrichir au lieu de s’inquiéter de la faim. C’est l’époque où la société française voit se développer une nouvelle classe sociale, la classe moyenne représentée par la bourgeoisie, c’est-à-dire les gens qui possèdent des biens. Plus précisément on peut voir la propriété dont la définition première est : « qualité propre de quelque chose qui le distingue d’autre chose ; particularité », comme l’accumulation de valeurs. La propriété (et par extension la richesse) est donc une des notions qui identifient « Moi » et « L’autre ». C’est pourquoi aujourd’hui posséder, être propriétaire de certains objets, est pour nous

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Désir et valeur, du collectif à l’individuel

Et ils comprenaient, parce que, partout, tout autour d’eux tout le leur faisait comprendre, parce qu’on le leur enfonçait dans la tête à longueur de journée, à coups de slogans, d’affiches, de néons, de vitrines illuminées, qu’ils étaient toujours un petit peu plus bas dans l’échelle, toujours un petit peu trop bas. […] Ils venaient presque tous de la petite bourgeoisie ; et ses valeurs, pensaient-il, ne leur suffisaient plus : ils lorgnaient avec envie, avec désespoir, le confort évident, le luxe, la perfection des grands bourgeois 26.

23. Jean Baudrillard, La société de consommation, Paris, Gallimard, 1996.

24. Serge Tisseron, Comment l’esprit vient aux objets, Op. cit., p. 10.

25. ibid., p. 78 : « Tous les obje ts , pour chacun d ’e ntre nous , sont chargés d’une histoire, ou plutôt ils sont cette histoire même. […] par exemple, il nous arrive d’écarter de nous un objet que nous vivons comme “trop chargé” en souvenirs ».

26. Georges Perec, Les choses, Paris, Julliard, 2020, p. 51.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

La consommation d’aujourd’hui n’est qu’une des mesures qui nous permet de rester en contact avec l’autre, de créer des formes d’échanges et de collaboration (notamment grâce aux plateformes collaboratives). Consommer n’est donc pas une activité individuelle, mais un fait social au travers duquel nous recherchons un échange de valeurs à partir de l’effort que nous avons fait, ou du temps que nous avons passé à obtenir un objet.

est le fondement de l’esprit humain 29 ». Je vois ici le tiroir comme la métaphore d’un espace mental qui nous permet de déposer des éléments de notre mémoire, afin de les extraire quand nous en aurons besoin. Tisseron revient sur ce point en nous expliquant également comment les objets sont dépositaires de la mémoire de leur propriétaires :

Les objets sont donc ainsi pour nous comme des conteneurs dans lesquels nous pouvons placer des valeurs invisibles qui s’incarnent en eux et faire en sorte que toutes nos choses invisibles ne disparaissent pas ou ne soient pas oubliées, car les objets sont tangibles, tandis qu’un concept ou une valeur sont invisibles. La présence d’un objet dans notre espace nous aide à extraire le concept qui lui correspond dans notre vision ou notre sensibilité. C’est pourquoi, lorsque nous possédons quelque chose, nous acceptons également une certaine valeur qui lui est particulière car de fait, chaque objet porte en lui-même ses propres caractéristiques tandis que nous interprétons ces objets à travers les valeurs établies de notre milieu et selon notre propre conscience subjective.

Dans La poétique de l’espace 27, Gaston Bachelard utilise une citation tirée d’une œuvre de Henri Bosco qui vient illustrer mon propos en ces termes : « De tous les meubles de Carre-Benoit, un seul l’attendrissait, c’était son classeur de chêne. Toutes les fois qu’il passait devant le meuble massif, il le regardait avec complaisance. Là, du moins, tout restait solide, fidèle. On voyait ce que l’on voyait, on touchait ce que l’on touchait 28 ». Bachelard souligne ici cette image d’attente et d’attachement à des valeursque portent pour nous les objets, tandis qu’il renforce dans une autre citation du même auteur le caractère analogique qui peut exister entre les objets et l’esprit humain à travers l’idée d’un contenant en s’appuyant sur l’image du tiroir. Un tiroir vide est inimaginable écrit-il tout d’abord au début de son ouvrage, avant de citer l’écrivain : « Le tiroir, disait-il parfois,

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Désir et valeur, du collectif à l’individuel

Commençons par les objets qui témoignent d’une mémoire consciente et vivante. […] Leur fonction de mémoire ne s’oppose pas à leur usage, mais la complète harmonieusement, de telle façon qu’on peut dire que cette mémoire est vivante. […] et pourtant ce n’est pas seulement « un » lampadaire. […] C’est le lampadaire que nous avons acheté ensemble après avoir gagné une petite somme à la loterie30.

27. Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1961.

28. Voir Henri Bosco, « Monsieur Carre-Benoit à la campagne », cité dans Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, ibid., p. 103.

29. ibid., p. 104.

30. Serge Tisseron, Comment l’esprit vient aux objets, Op. cit., p. III.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

Venant illustrer cet exemple d’objets qui accomplissent les tâches quotidiennes pour lesquelles nous les avons choisis tout en étant porteurs d’une mémoire ainsi que mon propos sur la valeur que nous leur accordons, je me suis intéressé au travail de l’artiste Stéphanie Lacombe.

Dans son projet La Grande Borne 31, réalisée dans une cité HLM où les appartements sont tous identiques, ses vues d’intérieurs montrent la façon dont les objets ont commencé à s’installer dans les espaces de vie des habitants à travers des mises en scène exprimant des valeurs qui leurs sont propres.

La série retranscrit des espaces personnels, rendus intimes par ces efforts d’appropriation et nous montre une grande variété de la vie des gens. Ainsi dans l’un d’eux on peut voir qu’une habitante a reproduit un décor de fausses pierres dans une ambiance rustique, chez une autre, « le logement vit aux couleurs arméniennes ».

différents individus, les différences entre les expériences individuelles qui étaient auparavant générées par des expériences tactiles diverses sont devenues de plus en plus ténues du fait que les produits que nous manipulons sont globalement tous faits avec les mêmes matériaux et ont souvent la même forme. Pour consommer aujourd’hui nous utilisons des navigateurs, dont le plus utilisé est, selon les statistiques du site Statcounter.com, Google Chrome 32 , tandis que selon un article qui a été publié sur le site Entrepreneur Europe, la majorité des recherches de produits se font sur le site d’Amazon.com, le couplage des deux monopoles ne faisant qu’accentuer l’uniformisation de la consommation :

Par ailleurs, les objets peuvent nous évoquer des sensations, par le toucher, ils peuvent aussi nous donner des informations. Avant que nous puissions comprendre les choses dans différentes langues, le toucher est l’un des moyens d’obtenir des informations car il nous procure un sentiment très direct et subjectif. Les sensations subjectives nous aident à construire un cadre d’expérience, par exemple, toucher un cactus me procure un sentiment de douleur désagréable. Bien que cette sensation puisse être plus ou moins nuancée selon les personnes, nous savons tous que le cactus et ses différentes formes d’épines peuvent nous faire mal. Cette accumulation d’informations peut alors être appelée expérience, celle-ci ayant toujour été une source d’aide pour éviter les erreurs ou la souffrance, nous pouvons dire que nos valeurs sont le produit d’une série d’expériences de vie, et que de nombreuses valeurs uniques proviennent souvent d’expériences de vie uniques. À une époque où tous les objets peuvent être produits en masse et où les mêmes objets peuvent être utilisés par

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Désir et valeur, du collectif à l’individuel

According to BloomReach’s 2016 survey research, 55 percent of product searches in the United States start on Amazon.com, while 28 percent start on search engines like Google. Because significant portions of the top Google listings are Amazon-product listings, it's difficult to ignore how important it is for Google to control, optimize and police its content in the Amazon catalog — even if the search engine doesn’t seek to use Amazon as a sales channel 33 .

31. S téphanie Lacombe, La Grande Borne, série photographique, commande de la Caisse des dépôts, 2000.

32. Statcounter, « Browser Market Share Worldwide - Janvier 2009 - Février 2021 », [en ligne], https://gs.statcounter.com/browser-market-share#monthly-2009 01-202102 33.Joseph Hansen and James Thomson, « The Impact Amazon Has(or Soon Will Have) on Your Brand: Do You Have a Plan? », Entrepreneur Europe, 2017, [en ligne], https://www.entrepreneur.com/article/302410

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

Pierre Soulages, Polyptyque C, huile sur toile, 324 x 362 cm, 1985.

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Désir et valeur, du collectif à l’individuel

Stéphanie Lacombe, La Grande Borne, commande de la Caisse des dépôts, 2000.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Valeur médiatique communautaire

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De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

Alors qu’en 2020, Amazon et Google ont confirmé leur emprise sur le marché de la publicité et sur le commerce en ligne 34 , la rareté des idées et des valeurs investies par les designers dans ces objets a été diluée dans la reproduction en série, et de nombreux objets sont passés d’inaccessibles dans le passé à médiocres aujourd’hui. Les objets créés par l’artisanat en pièce unique avant l’ère industrielle ont perdu leur spécificité en raison de leur reproduction à grande échelle et du fait que de nombreux objets ont dépassé les limites géographiques et matérielles qui étaient les leurs.

Pourtant et pour les mêmes raisons, la portée et l’influence d’un objet est beaucoup plus grande que par le passé.

L’expérience de vie qu’il représente peut être partagée par de nombreuses personnes en même temps. Parce que de plus en plus d’objets bénéficient de cette nouvelle valeur médiatique communautaire, les marques, sur lesquelles repose désormais la continuité du discours idéologique qui accompagne les objets, nous proposent toujours plus de scénarios de consommation. Nous avons toujours plus de choix concernant les produits qui nous intéressent, non seulement ceux que nous pensons subjectivement adaptés à nos conditions d’utilisation, mais aussi ceux que nous désirons en réponse aux sollicitations de la société de consommation. Nous pouvons même faire l’expérience de différents produits simplement pour avoir le plaisir de les essayer.

34. AFP, « Comment Google et Amazon ont renforcé leurs empires numériques en 2020 », Frenchweb, 2021, [en ligne], https://www.frenchweb.fr/comment-google-et-amazonont-renforce-leurs-empires-numeriques-en-2020/414567

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Andreas Gursky, Amazon, 2016.

Barbara Kruger, Untitled (I shop therefore I am), 1990.

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De l’objet à sa valeur à l’ère des réseaux sociaux

Valeur médiatique communautaire

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Consommer à l’ère des réseaux L’objet, le produit

Commentaires sur Amazon, capture écran, 2021.

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Comment les médias et les nouvelles communautés d’influenceurs font-ilspour déclencher nos émotions de consommation, tel sera l’objet de ce nouveau chapitre de ma réflexion sur ce qui nous lie aux objets. Dans notre société de consommation contemporaine, les objets ayant les mêmes attributs ont un grand nombre de concurrents, la visibilité d’un objet sur le marché dépend de ce fait largement de la diffusion de l’information, ce qui est le rôle des médias. Dans de nombreux cas, et surtout si nous n’avons jamais utilisé un objet auparavant, nous nous appuyons sur les informations que nous pouvons obtenir à son sujet auprès de ces derniers et sur les avis de notre communauté afin d’en connaître les caractéristiques dans les grandes lignes, mais ceci a quand même des avantages et des inconvénients. Cette situation biaisée et déséquilibrée tend à dévaloriser l’objet lui-même et, inversement, à lui conférer une valeur ajoutée.

En jouant sur notre corde sensible (nos besoins de reconnaissance, nos affects), les médias déclenchent notre désir pour les biens qui s’offrent à nous car ils nous font ressentir un manque. Une fois que nous réalisons que nous manquons de quelque chose, nous allons chercher à assouvir ce manque pour retrouver notre équilibre. Nous allons voir que le développement des plateformes constitue une nouvelle opportunité de repenser notre relation aux objets de consommation et plus globalement notre désir d’objet. Et cela en particulier d’un point de vue identitaire lié aux valeurs que nous reconnaissons et que nous accordons à ces objets qui définissent notre cadre de vie à travers ces échanges d’information via les réseaux.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Tendances dominantes et conformité au groupe

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Consommer à l’ère des réseaux

Les outils médiatiques du Web 2.0 n’ont pas vraiment changé les besoins fondamentaux de la vie humaine au sens large, ils ont au contraire accéléré le processus de partage de l’information. La première chose que nous pouvons noter à ce sujet, c’est l’émergence du consommateur comme un sujet affirmé et acteur de son image. Nicolas Riou observe à ce propos que « toute relation est un enjeu de pouvoir. Et le Web social signifie le basculement d’une partie de ce pouvoir du côté des gens35 ». Il note ainsi que « n’importe qui peut s’exprimer à tout moment sur une marque. Et les marques n’y maîtrisent aucun des échanges36 ». La quantité d’informations produites sur le Web chaque jour a augmenté de façon spectaculaire (applications, sites, messageries, médias sociaux et autres notifications). Pour Riou, le consommateur digital est « Always on », nous pourrions en dire de même de l’internaute : acteur ou simple usager, nous sommes submergés par le flux des informations et des sollicitations37. « Sur les réseaux sociaux, il explore de nouveaux horizons, et découvre la vie et les goûts des autres, notamment sur les réseaux plus orientés “images” comme Pinterest ou Instagram. Il peut […] partager des retours d’expérience, assouvir sa soif d’ouverture sur le monde et les marques38. » L’avantage de cette situation, c’est que nous pouvons trouver beaucoup d’informations correspondant à nos valeurs, par ailleurs, le cycle de l’information étant parfois aussi court que le cycle du produit, nous pouvons toujours trouver un objet ou une information que nous aimons plus en peu de temps.

Au final, nous passons de plus en plus de temps chaque jour à choisir la bonne information, à errer entre les deux extrémités de la balance - entre nos tendances personnelles et celles qui sont conformes à notre communauté, à essayer de trouver un équilibre personnel.

En effet, comme nous l’avons déjà mentionné, le rôle d’un groupe dans une société de consommation est le même que celui des médias eux-mêmes, il est porteur d’informations et ses préférences peuvent influencer de manière significative le comportement des consommateurs.

D’une part, il s’approprie librement les produits, ce qui peut entraîner un supplément d’attachement à la marque, et d’autre part, il se pose en termes d’influenceur auprès

des membres de sa communauté qui se fient à ses avis et recommandations. Riou note à ce sujet que « le monde digital est composé de communautés qui se rassemblent autour de centres d’intérêt partagés. Chaque communauté est structurée en pyramides d’influence, avec quelques « gourous » en leur sommet. Leurs prises de parole sont vues par l’ensemble de la communauté39. » En tant qu’usagers, nous sommes pris entre deux tendances, celle de notre réalité subjective et celle de notre communauté : la plupart d’entre nous sommes contraints d’abandonner ou d’oublier nos caractères spéciaux d’origine et de suivre les valeurs dominantes, ce qu’on appelle « l’acte de conformité » en psychologie.

35. Nicolas Riou, Le consommateur digital, Op. cit., p. 50.

36. ibid.

37. ibid., « Le Web social est au cœur de nos vies digitales. Et les réseaux sociaux y occupent une place de choix : Facebook, YouTube, WhatsApp, Snapchat,Pinterest, Twitter, Periscope, Tumblr… concernent tout le monde », p. 46.

37. ibid., p. 47.

39. ibid., p. 59.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Expérience individuelle vs. stratégie des données

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Consommer à l’ère des réseaux

Alors entre les problématiques sur l’identité du groupe et celles de l’individu portées par les médias, quel est aujourd’hui notre rapport aux objets ? Depuis Internet 2.0, nous partageons de plus en plus d’outils médiatiques, notre vie quotidienne est saturée d’informations. Les échanges entre les individus se sont accélérés et nous participons activement aux différentes discussions au sein des réseaux.

Il semble que ce soit une époque très équitable et de libre arbitre. Alors que notre vie quotidienne a longtemps été dictée par les images de la publicité traditionnelle avec différentes images rivalisant pour attirer notre attention la publicité à notre époque numérique se caractérise par l’entrée en scène de nombreux mécanismes algorithmiques qui permettent d’analyser très précisément les choix que nous faisons sur les plateformes, et plus nous passons de temps sur ces plateformes, plus nous nous exposons à leur analyse. Comme le dénoncent les différents designers qui interviennent dans le documentaire Derrière nos écrans de fumée 40 , aujourd’hui, lorsque nous faisons un choix, un système algorithmique analyse ces informations apparemment simples et prédétermine de manière proactive nos prochains choix. Nous recevons ainsi des suggestions « pertinentes » nous invitant à nous diriger vers une autre plateforme et nous incitant à y « prêter attention ». De cette manière, en participant librement à ces différentes plateformes, nous sommes susceptibles d’être influencés par un message soigneusement élaboré.

Les différents entretiens présentés dans ce documentaire nous montrent que notre libre arbitre et nos choix sont objectivés en un élément catégorisable et une substance décomposable, comme Tristan Harris, un ancien éthicien de Google le dit durant l’interview :

Un système d’algorithme peut devenir précis grâce à l’accumulation de temps et, sous cette classification, nous pouvons être rangés dans des groupes spécifiques par une équation algorithmique qui peut enregistrer notre comportement à travers le temps que nous accumulons sur ces plateformes. Guillaume Chaslot, ancien ingénieur d’algorithme de YouTube dit dans le documentaire : « On croit que l’algorithme est conçu pour donner ce qu’on veut, mais non. L’algorithme cherche en fait des effets rabbit hole très puissants et détermine quel tunnel de vidéos vous intéressera le plus. Si vous lancez une de ces vidéos, il vous en recommandera d’autres encore et encore ».

40. Jeff Orlowski, Derrière nos écrans de fumée, 2020.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Consommer à l’ère des réseaux

Un simple instrument, il est juste là, il attend sagement, si ce n’est pas un instrument, ça exige des choses de vous, ça vous séduit, ça vous manipule, ça veut des choses de vous. Et on est passés d’une situation technologique avec outils à une situation dépendance et de manipulation technologiques. Voilà ce qui a changé. Les réseaux sociaux ne sont pas un instrument qui attend. Ils ont leurs buts propres, leurs propres moyens pour y parvenir, retournant votre psychologie contre vous.

Afin d’attirer notre attention, ces plateformes analysent ce qui pourrait nous plaire en fonction de nos choix, de sorte qu’il est facile pour un même style de personnes de recevoir les mêmes informations et de faire des choix similaires si nous ne savons pas exactement ce que nous voulons ou recherchons lorsque nous surfons sur le net.

Comme l’observe Grant Blank dans ses travaux 41 : « It is evident that media diets and choices matter when it comes to assessing the threat of potential echo chambers. […] we have shown that the number of media an individual chooses to incorporate into their habits is related to their likelihood of becoming caught in an echo chamber ». En fin de compte, il est facile de se laisser influencer et de suivre les recommandations que nous adressent les plateformes, nous entrons de la sorte lentement dans une zone de confort où peu à peu nous consommons sans nous poser de question sur nos véritables envies ou motivations.

En outre, nous avons vu que les objets ont la capacité de porter certains symboles et significations. Serge Tisseron rappelle que :

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Expérience individuelle vs. stratégie des données

Pour reconnaître à l’objet sa qualité de médiateur entre les hommes, il est indispensable de reconnaître d’abord ses fonctions de médiation psychique. […] ils contribuent à édifier en même temps notre vie psychique et notre existence sociale. Nous savons grâce aux sémiologues que les objets ne sont pas seulement des dispositifs techniques, mais aussi des ensembles de signes 42.

Dans notre société du signe, nous reconnaissons d’abord la valeur symbolique des objets plus que leur dimension matérielle. Cette dimension symbolique trouve pourtant à s’incarner dans les objets dont on dit par exemple qu’ils reflètent « notre état intérieur 43 ». Par dimension symbolique, Tisseron désigne ici des sensations ou des émotions que nous avons pu ressentir au cours de certaines expériences et que ces objets nous rappellent. Selon cette approche, nous pouvons dire que l’implication de la matérialité même de l’objet, qui nous est notamment transmise par le toucher, est moins importante que son message symbolique. Pour nous, l’information du toucher a été affaiblie pour devenir la dernière partie du processus de consommation. En cette époque où les objets sont de qualité similaire, le symbole de l’objet lui-même et sa signification symbolique semblent plus importants à l’heure actuelle que les objets en eux-mêmes.

41. Grant Blank, «The echo chamber is overstated: the moderating effect of political interest and diverse media», [En ligne], Research Gate, p.12.

42. Serge Tisseron, Comment l’esprit vient aux objets, Op. cit., p. 20-21. Pour illustrer ce propos, j’ai choisi trois objets symboliques dans notre société contemporaine qui sont d’une part la Rolls Royce, le fauteuil LC2 de Le Corbusier, et le Mac avec son icône lumineuse qui en fait un signe distinctif de notre époque (illustrations double page suivante).

43. ibid.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Consommer à l’ère des réseaux

ill. note 42.

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Expérience individuelle vs. stratégie des données

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

La sociabilité des réseaux Appartenance et socialisation

Exemple de fil de discussion sur SoundCloud, capture d'écran, avril 2021.

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Dans la perspective d’un monde « orwellien44 », l’utilisation des données génère de nombreuses craintes chez les consommateurs nous dit Nicolas Riou, même si ceux-ci ne sont pas tout à fait hostiles à l’idée de partager leurs données. Riou observe que « la proportion de gens prêts à partager leurs données personnelles est élevée : plus d’un sur deux le fait s’il peut bénéficier de meilleurs prix, d’une qualité supérieure ou de davantage de personnalisation45. » Dans l’espace numérique, les plateformes ont instauré une nouvelle sociabilité. Les consommateurs ont un état d’esprit particulier quand ils sont sur les réseaux sociaux nous dit Riou, « ils cherchent de la connexion, de l’échange », « du divertissement ». En quête d’identification, le besoin d’appartenance est un moteur important de ces nouvelles sociabilités. Le consommateur se positionne, il reçoit des signes qui lui renvoient une image de lui-même et en retour il partage son expérience. En entrant des mots clés spécifiques, nous pouvons découvrir et partager les expériences des membres des communautés que nous suivons comme indicateur de référence sur les sujets qui nous intéressent. Ces expériences sont pour nous des expériences de vie virtuelles, comme si nous les avions vécues nous-mêmes. Le sociologue Antonio Casilli explique à ce sujet que les communautés virtuelles exercent un attrait particulier sur les usagers du Web précisément fondé sur le sentiment d’appartenance mais aussi sur le sentiment d’efficacité des contributeurs 46. Le sociologue note également un autre élément distinctif qui intéresse mon propos, celui de reconnaissance que l’internaute obtient grâce à ses contributions 47. C’est ce partage entre contributeurs et usagers qui soude les communautés numériques, un modèle que reprennent les plateformes de musique en ligne comme SoundCloud 48 , où les utilisateurs peuvent déposer des morceaux et des commentaires sur lesquels s’appuient les internautes pour déterminer la valeur du produit ou si l’information partagée vaut la peine d’être prise en considération. L’entre-référencement entre membres d’une même communauté est, sur ce point, un bon indicateur de légitimation et de reconnaissance 49.

44. J’emprunte ici cette formulation à Nicolas Riou.

45. Nicolas Riou, Le consommateur digital, Op. cit., p. 118.

46. Antonio Casilli, Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ?, Paris, Seuil, 2010, p. 56.

47. ibid.

48. Fondée en 2007, SoundCloud est une plateforme de distribution audio en ligne qui repose sur la contribution des utilisateurs invités à partager et évaluer des morceaux en ligne ainsi qu’à distribuer leurs propres projets musicaux. C’est aussi le cas d’un autre média social tel que YouTube,site web d’hébergement de vidéos sur lequel les utilisateurs sont amenés à collaborer en partageant des vidéos de concerts auxquels ils ont pu assister ou en évaluant ces derniers en déposant des commentaires.

49. A ntonio Casilli , Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ?, Op. cit., p. 58.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

La sociabilité des réseaux

Les liaisons numériques

Twitter, page Academy des Oscars, capture d'écran, avril 2021.

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Selon Casilli, le succès de ces nouvelles communautés en réseau incarne la renaissance de l’esprit de communauté dans notre monde contemporain individualiste, où la coopération entre petits groupes, fondée sur une appartenance locale ou une convergence d’intérêt, ne trouve plus à s’exprimer.

Très tôt, les forums de discussion en ligne ont été perçus comme des espaces permettant de promouvoir l’entraide et de retrouver une cohésion sociale à l’échelle du groupe sur la base de centres d’intérêt communs. La coopération en réseau se traduit alors tout autant par la création de logiciels libres qui participent à cette nouvelle économie des réseaux, que par la mise à disposition de la communauté de contenus venant témoigner d’un besoin de partage et de lien social, comme le souligne en ces termes Casilli dans son ouvrage50 : « face aux millions d’utilisateurs qui chaque jour mettent à la disposition de tout le monde des tonnes de photos, de textes, de renseignements, on ne peut pas nier qu’une envie de partage s’est emparée de nos sociétés51 ».

C’est dans ce contexte historique qu’il me faut aborder la problématique du consommateur digital, pris entre une idéologie issue du modèle collaboratif et coopératif qui lui permet de découvrir de nouvelles expériences et de nouveaux process, et sa reprise par une idéologie marchande portée par la société de consommation mondialisée.

50. ibid., p. 46.

51. ibid., p. 47.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

Entre uniformisation et distinction

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La sociabilité des réseaux

En ligne, les usagers reproduisent souvent le même type d’environnements socio-culturels que ceux auxquels ils appartiennent hors ligne. Ils se conforment majoritairement aux goûts de leur milieu pour échanger autour d’objets semblables, peut-être un certain objet, une certaine couleur, un certain éclat, et ainsi de suite, mais cela ne les empêche pas de chercher des contacts ailleurs que dans leur milieu d’origine 52 pour élargir, par le biais de tags spécifiques, la palette de leurs sensibilités à d’autres communautés et à d’autres visions du monde.

52. ibid., p. 59.

53. Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Les éditions de Minuit, 1992, p. 155.

54. ibid., p. 156.

55. Dans une sorte d’équilibre entre les plus divulgués des goûts cultivés et les plus nobles des goûts populaires, selon Bourdieu (ibid., p. 158).

Le sociologue Pierre Bourdieu a montré de quelle façon et en quoi les goûts, qui se définissent à partir de nos pratiques et de nos biens à travers lesquels ils se manifestent, sont les indicateurs de notre milieu social. Le goût pour la musique renvoie par exemple une image flatteuse d’un individu car elle contribue à définir un sujet particulièrement cultivé 53 , sensible à un art « pur », contrairement au théâtre qui est par excellence un art du message social qu’il s’efforce de faire passer en accord avec les valeurs sociales de son public 54 . Selon Bourdieu, il existe ainsi des registres de textes, de musique, d’objets « plus nobles » que d’autres et des pratiques « plus classantes », « plus distinctives » que d’autres. Tout comme nos goûts en musique (le panel des répertoires et des registres entre esthètes et amateurs étant aussi vaste que significatif), tous nos goûts sont liés à des expériences sociales particulières (le concert par exemple pour rester dans le domaine de la musique) qu’ils contribuent à révéler. Pour le sociologue, l’explication des différences de goûts va au-delà de la distinction entre les classes qui définit un goût populaire, un goût cultivé et un goût moyen55 , car le mode d’acquisition d’une culture donnée (musicale entre autres) est également déterminant dans la construction du goût, par exemple une familiarité acquise dans l’intimité de la famille, un apprentissage scolaire ou une découverte inattendue qui fait naître une passion. C’est ici que se fait la différence entre classe et milieu et que l’on retrouve les intérêts convergents (goûts, pratiques) sur lesquels se fondent les liaisons numériques et les communautés en réseau, à travers lesquelles nous sommes sensibles aux mêmes objets, matières, touchers (cela est encore

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

La sociabilité des réseaux

vrai dans notre exemple de la musique si nous nous intéressons aux variations de facture ou de toucher d’un même instrument). Réciproquement, ces objets que nous avons en commun nous distinguent et renvoient une image du groupe, tout autant qu’ils en sont les symboles. Ces objets symboliques constituent l’harmonie que les individus recherchent, mais aussi un schéma linguistique qui les relie à leur communauté préférée comme l’illustre à nouveau Perec dans son roman : « Ils étaient toute une bande, une fine équipe. Ils se connaissaient bien; ils avaient, déteignant les uns sur les autres, des habitudes communes, des goûts, des souvenirs communs. Ils avaient leur vocabulaire, leurs signes, leur dadas 56. »

des choses à leur seule fonction de signe, en poussant le consommateur à posséder toujours plus pour suivre les tendances et se maintenir dans le groupe, les plateformes relationnelles et marchandes finissent par modéliser nos comportements et façonner nos environnements. Entre uniformisation des comportements et des produits, comment se distinguer et affirmer sa personnalité tout en conservant sa place au sein du collectif ? Nous allons voir que les stratégies par lesquelles les consommateurs défendent aujourd’hui leur singularité répondent désormais à une exigence paradoxale, celle de consommer en ayant toujours plus de choix tout en répondant à leur épanouissement personnel. Dans une certaine mesure, les usages sociaux des réseaux, en tant qu’espaces ouverts où se rencontrent des êtres d’origines et d’horizons différents, vont fournir ces espaces où se constituent leur identité, de par les choix qui ont les ont rapprochés à travers ces connexions. Dans cette affirmation de leur identité, ce sont donc eux qui prennent en dernier lieu les décisions, même s’ils seront inévitablement encore influencés par les tweets ou suggestions des experts qui leur font oublier leur propre pouls et suivre les tendances des autres. Comment trouver un équilibre entre « voir » (que j’interprète comme une action passive) et « regarder » (qui sollicite notre implication sensible), est une question à laquelle nous devons réfléchir.

Nous pouvons donc dire en résumé que les objets portent leurs propres messages à travers les qualités exprimées par leurs formes, textures, etc et les valeurs dont ils sont investis par leurs propriétaires, et que lorsque certains objets sont régulièrement utilisés par certaines communautés, ils incarnent alors les stratégies par lesquelles elles défendent leur singularité dont ils forment le langage symbolique. De ces objets qui définissent le goût d’une communauté, le sociologue Pierre Bourdieu nous dit qu’ils participent d’un processus social qu’il nomme la « distinction57 ».

Les goûts comme les objets, sont donc à la fois partagés au sein d’un groupe, ce qui les rends distinctifs, mais aussi changeants, car ils suivent les phénomènes de modes auxquels les communautés sont sensibles comme nous l’avons vu précédemment, en particulier avec les valeurs médiatiques communautaires. La société de consommation ayant besoin du consommateur, c’est elle-même qui se charge de faire évoluer et de produire de nouveaux goûts tout en créant chez lui de nouveaux besoins. Au bout du compte, en réduisant la valeur

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Entre uniformisation et distinction

56. Georges Perec, Les choses, Op. cit., p. 42.

57. Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Op. cit. p. 161.

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Médias et culture de consommation Réflexion sur le système des objets

La sociabilité des réseaux

Ensemble vocal Isthmus.

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Entre uniformisation et distinction

Avulsed, groupe de musique métal.

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Réduire notre consommation à la faveur d’une harmonie retrouvée

Manières de consommer, manières d’être Consommation, design et besoins

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La première étape de mon mémoire m’a permis de faire le point sur la société de consommation de masse avec les nuances d’une consommation plus individuelle aujourd’hui, en quête de singularité mais aussi d’authenticité susceptible de correspondre à l’épanouissement de soi, lequel passe par une bonne image de soi relevant notamment du champ éthique.

D’une part, pour mériter le label « authentique », ces biens doivent être puisés à l’extérieur de la sphère de la marchandise dans ce qu’on pourrait appeler de « gisement d’authenticités ». La marchandisation de l’authentique suppose donc la référence à un original qui ne soit pas un bien marchand mais une pure valeur d’usage définie dans un rapport singulier à un utilisateur 58 .

58. Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999, p. 535.

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Réduire notre consommation à la faveur d’une harmonie retrouvée

Manières de consommer, manières d’être

Le consommateur digital est plus soucieux du circuit des produits qu’il consomme et plus soucieux des questions morales autour de la consommation, ce qui peut se voir comme un impact de la culture collaborative qu’il a pu découvrir sur les réseaux d’une part et comme exigence personnelle en termes d’accomplissement et de projet de vie d’autre part. C’est sur cette piste que j’entreprends le second volet de mes travaux qui m’amène à inscrire plus précisément mon questionnement sur la relation aux objets et aux biens dans le champ du design. Qu’ils soient marqués par un idéal minimaliste, par la production en série à l’échelle d’une consommation uniformisée et mondialisée répondant à des besoins essentiels ou superflus, ou signes distinctifs d’une classe sociale privilégiée, dans le domaine du design comme ailleurs, en fonction des matières et savoir-faire qu’ils requièrent, les objets sont porteurs d’une idéologie, d’une ambition, d’une image individuelle et sociale se référant à différents registres de valeurs. Plus l’objet est rare, plus il peut catalyser une valeur relativement élevée.

Avec le temps, cette valeur initiale peut augmenter, tandis que d’autres objets sont dépréciés, « déclassés59 ». Outre leur fonctionnalité et leur apparence, nous avons vu que les objets dégagent un souffle invisible (une empreinte) qui peut emballer le sens de l’existence, façonner nos vies et nous faire sentir heureux, avides, satisfaits, excités, déprimés, frustrés, ou tristes entre autres émotions. « Incarner des valeurs singulières sous la forme de produits peut faire du design un puissant outil de critique sociale […] C’est en imaginant leur usage qu’ils ont un effet sur nous60. »

L’établissement d’une civilisation matérielle dans l’histoire humaine est le résultat d’une accumulation et d’un héritage à travers différentes époques. Les êtres humains, en tant qu’êtres grégaires, recherchent la plupart du temps la stabilité, sinon ils se sentent en insécurité. Cependant, de nos jours, alors que la plupart de nos habitats sont satisfaits dans une certaine mesure, ce besoin de sécurité se répercute sur d’autres comportements. Les philosophes Luc Boltanski et Ève Chiapello expliquent que dans notre société, il y a différentes formes de comportements quand nous envisageons cette insécurité :

Parallèlement, le design critique porte aujourd’hui une autre voix qui met en évidence d’autres critères selon lesquels les objets ne sont plus que consommables, jetables, normatifs et éloignés de nos besoins 61. Ce courant de sensibilisation se propose de recréer des liens, de réinvestir le design comme discipline visant à accomplir nos véritables besoins et de revenir à l’essentiel.

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Consommation, design et besoins

Il oppose deux façons, de valeur inégale, de vivre la condition humaine. La première, qui l’affronte dans ce qu’elle a de « tragique », peut être déclarée « authentique ». La seconde, dominée par l’intention de la fuir pour se réfugier dans l’inertie d’une vie sérielle, peut être dite « in authentique ». Soit d’un côté, l’homme qui acceptant sa « facticité » et sa « contingence », fait courageusement face à « l’angoisse » de « l’être pour lui-même » jeté dans un monde « déjà là », et qui confère un « sens » à son existence en se mettant en tension vers ce qu’il a à être (le « souci » chez Heidegger, le « projet » chez Sartre) et, par là, assume sa « liberté » ontologique et affronte sa « responsabilité ». Et de l’autre côté, celui qui, fuyant l’angoisse par l’engluement dans la banalité quotidienne […] se laisse entièrement déterminer par les autres […]62.

59. Voir Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Op. cit., p. 170-172.

60. Emanuele Quinz, Strange Design, Du design des objets et designdes comportements, Villeurbanne, It: éditions, 2014, p. 11.

61. Je fais référence ici à un courant de pensée né avec Victor Papanek (et son ouvrage Design For Need paru en 1966), soutenant l’idée que le design doit prendre en charge les besoins fondamentaux de l’homme et de la société.

62. Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Op. cit., p. 531.

57

Réduire notre consommation à la faveur d’une harmonie retrouvée

Fonctions d’usage, culturelles, psychologiques

Bien que nous soyons des êtres grégaires, que nous ne nous permettions pas trop de nous écarter du reste de notre groupe, nous avons vu que nous cherchons à être un peu différents parce que la différence est une forme de rareté qui nous permet d’être apparemment les mêmes, avec l’intention de rendre notre propre existence plus précieuse que celle des autres. Les objets que nous possédons nous aident à exprimer notre authenticité en raison de leur langage symbolique, de leur empreinte sur notre existence. Parmi d’autres fonctions, le but de posséder certains objets est d’être comme les autres, de se maintenir dans la sphère normale, parfois c’est de pouvoir contrôler une situation, contrôler quelque chose d’invisible comme le pouvoir, la légitimité, la capacité. Parce que ces objets sont porteurs d’une valeur reconnue sur laquelle la plupart des gens s’accordent.

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Manières de consommer, manières d’être

La société d’hyperconsommation : Le bonheur paradoxal hypermoderne

« Avec l’émergence de la société de consommation s’impose non plus un idéal futur de plénitude mais le bonheur hic et nunc, tout de suite et qui se traduit par la valorisation des objets, des loisirs, de la sexualité, des vacances au soleil, etc. Les idéaux de sacrifice ont été supplantés par les images luxuriantes de la consommation. Mais il y a plus, le modèle du bonheur privé impliquant également un deuxième axe : l’amour, la vie sentimentale. Mais au cours des années soixante, on voit apparaître un autre modèle fondé sur les idées de libération des corps et des âmes : il s’agit alors de s’émanciper des normes oppressives et bourgeoises. On est donc passé d’un utopisme de la vie privée (matérialiste et sentimental) à une utopie transgressive et transpolitique.

beaucoup plus problématique. Au fond, elle associe paradoxalement deux formes de bonheur : d’un côté, le bonheur-mouvement (offre en surnombre et sans cesse renouvelée de loisirs, voyages, spectacles ; de l’autre, le bonheur-repos (prôné par les Anciens) que l’on assimile à la paix de l’âme, à la sérénité conquise contre ses passions. Regain du bonheur-repos qui s’exprime à travers la nouvelle vogue de la philosophie, l’attrait pour le yoga, les spiritualités laïques et religieuses, bouddhistes et autres… De nos jours, ces deux formes de bonheur hétérogènes coexistent : on veut en permanence changer et vivre des expériences innombrables… tout en ayant la paix intérieure63 ! »

Cette époque est achevée : aujourd’hui, la société d’hyperconsommation a liquidé le modèle contestataire des années soixante : elle garde plutôt le modèle des années cinquante mais en y greffant un idéal de sagesse, de spiritualité, comme si le bonheur matériel était devenu

63. Gilles Lipovetsky, « Le bonheur paradoxal hypermoderne », Revue des Deux Mondes, février 2007, p. 65-70.

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Réduire notre consommation à la faveur d’une harmonie retrouvée

Focus sur notre consommation Design des interfaces, design des échanges

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Les outils du Web (applications, blogs, sites et autres médias sociaux) n’ont pas été inventés pour rendre la vie des gens plus facile à contrôler et créer des groupes antagonistes, mais plutôt pour se soucier du temps que nous passons à les utiliser et de nos préférences. Car ces données sont précieuses pour les développeurs qui cherchent à tirer des avantages commerciaux de tout cela (citons pour mémoire le scandale de Cambridge Analytica accusée d’avoir utilisé sans leur consentement les données de millions d’utilisateurs de Facebook64). Les développeurs placent les intérêts commerciaux comme objectif principal et notre attention comme considération principale, ainsi que le contrôle du « choix » et de la « personnalisation » qui nous laissent apparemment libres de prendre des décisions sur ce que nous aimons et ce que nous n’aimons pas. Qu’il s’agisse de plateformes commerciales ou de forums de discussion, nous pouvons constater qu’aujourd’hui, peu importe où nous sommes en ligne et la tâche que nous effectuons, les outils numériques sollicitent nos informations personnelles au nom de la possibilité d’améliorer le système : soit ils recueillent nos préférences lorsque nous sommes en ligne, soit ils font passer silencieusement certains messages à notre insu, comme une sorte de message subliminal. Nous voyons au final que ces environnements invisibles sont pensés pour obéir à des dispositifs d’échange qui ont pour seul objet notre attention. Lors de sa conférence à L’ÉSAD Orléans en janvier 2021, Emanuele Quinz souligne à ce sujet l’idée d’une informatique invisible qui est partout et qui a pour effet de faire fusionner les technologies dans nos environnements. Il rappelle à cette occasion les travaux de Jaron Lanier qui posent une critique du design ubiquitaire et dénoncent une dérive vers un design totalitaire qui modélise nos comportements. Quinz rappelle également à ce sujet le rôle d’Abraham Moles dans cette analyse, qui observe qu’avec le design d’interface, le designer devient un ingénieur social qui influence nos vies. Quinz en déduit que l’interface est une fonction qui oriente nos comportements et modifie nos vies. Justin Rosenstein, un ancien ingénieur de Google et Facebook apporte un témoignage illustrant la stratégie de ces interfaces dans le documentaire Derrière nos écrans de fumée : « Nous croyons ces services en ligne

gratuits. Mais ils ne le sont pas, ils sont payés par les annonceurs. Pourquoi leur donne-t-il de l’argent ? Pour qu’il nous montre leurs pubs. Nous sommes des produits, notre attention est vendue aux annonceurs65. » Nous pensons que nous accomplissons une simple tâche, mais ils utilisent notre attention plus profondément. En fin de compte, jusqu’à ce que nous prenions la décision d’échanger, nous échangeons notre temps personnel contre de l’argent et une valeur invisible qui est équivalente à la nôtre et nous l’échangeons à nouveau avec le marché d’origine contre de la matière tangible. En résumé, selon Quinz, avec les interfaces, tout est design : nous passons à un design des comportements et non plus de l’objet.

64. Voir sur l'enquête William Audureau, « Ce qu’il faut savoir sur Cambridge Analytica, la société au cœur du scandale Facebook », Le Monde, 2018, [en ligne],https://www. lemonde.fr/pixels/article/2018/03/22/ce-qu-il-faut-savoir-sur-cambridgeanalytica-la-societe-au-c-ur-du-scandale-facebook_5274804_44 08996.html

65. Jeff Orlowski, Derrière nos écrans de fumée, Op. cit., Concrètement, nos préférences personnelles pour les messages des plateformes sont catégo-risées pour nous recommander plus d'articles que nous aimons ou pourrions aimer, et cela est complété par des messages avec toutes sortes d'images de produits. J’ai abordé plus en détail ce sujet dans mon chapitre « Expérience individuelle vs stratégie des données ». Avec le temps, si nous n'essayons pas de sortir de ce cycle, nous courons le risque d'entrer dans une zone de confort social exclusive.

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Réduire notre consommation à la faveur d’une harmonie retrouvée

Focus sur notre consommation

Tendances

Cette connectivité généralisée participe à la modélisation des comportements et soutient le développement des tendances. Lorsque nous rejoignons une communauté et que nous commençons à communiquer avec elle, nous constatons que des opinions qui n’existaient auparavant qu’entre individus peuvent rapidement être amplifiées et former une chaîne de sujets dont beaucoup de gens discutent avec passion du jour au lendemain. C’est l’effet réseau même si les différences entre les avis sont visibles à travers les échanges, car c’est le propre des réseaux de susciter le débat et d’accueillir des personnes de sensibilité différentes autour d’un socle commun (la singularité pouvant coexister comme nous l’avons dit au sein d’un même espace).

La tendance met en valeur les signes les plus stables qui émergent des avis et permet de lier les choses appréciées par le groupe. Elle marque le passage de la forme standard d’un produit (d’un service) à sa forme différenciée et illustre le paradoxe de la distinction : produire la distinction en série. « Est tendance un acteur qui est porteur des signes de la tendance, mais, en même temps, sont tendance les signes portés par les acteurs, ou par les acteurs dont dépend la tendance 66 ».

66.Olivier Desouches, « Luc Boltanski, Arnaud Esquerre, Enrichissement. Une critique de la marchandise », [en ligne], https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.16446

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Influences

En tant qu’observateur et usager, nous sommes conscients de l’influence de la communauté pour générer une mentalité politiquement correcte afin de confirmer la légitimité de notre existence sur ces outils numériques.

Nos institutions culturelles sont confrontées à un moment d’épreuve.

De puissantes manifestations en faveur de la justice raciale et sociale débouchent sur des demandes de réforme de la police qui n’ont que trop tardé, ainsi que sur des appels plus larges en faveur d’une plus grande égalité et d’une meilleure intégration dans l’ensemble de notre société, notamment dans l’enseignement supérieur, le journalisme, la philanthropie et les arts. Mais cette prise de conscience nécessaire a également intensifié un nouvel ensemble d’attitudes morales et d’engagements politiques qui tendent à affaiblir nos normes de débat ouvert et de tolérance des différences au profit d’une conformité idéologique67.

67. Voir sur cet article Harper's magazine, « A Letter on Justice and Open Debate », 2020, [en ligne], https://harpers.org/a-letter-on-justice-and-open-debate/

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Réduire notre consommation à la faveur d’une harmonie retrouvée

Focus sur notre consommation

Suivant ce processus normatif à connotation morale, notre propre façon de pensée par rapport aux valeurs dominantes peut nous mettre mal à l’aise. Nous avons vu en effet avec Boltanski et Chiapello qu’il existe un désir de se conformer aux valeurs dominantes du groupe pour fuir l’angoisse, ce qui nous amène à céder à la « domination conformiste »68 . Pour se conformer à la légitimité du groupe, le mimétisme humain se manifeste de différentes manières dans chaque communauté. L’existence d’un groupe est toujours accompagnée d’une majorité relative et d’une minorité relative, et avec l’accumulation du temps, certaines opinions ou messages deviennent dominants dans la communauté. En psychologie, l’ Expérience de Asch 69 du nom de son créateur Solomon Asch, est connue pour sa représentation du conformisme qui nous montre que les gens ont des comportements soumis dès qu’ils font face aux critères de la majorité du groupe, tandis que s’adapter à un autre discours les angoisse. Même si de nombreuses personnes sont capables d’accepter le malaise qui vient de leurs propres différences, celui-ci est un sentiment que les humains ont toujours essayé d’éviter, c’est pourquoi il est plus facile pour la plupart des gens de se conformer au groupe que de s’en démarquer (Extrait- Milgram experiment).

Afin de combler la différence entre l’autre et soi-même (faire et dire comme le groupe, perdre son autonomie), ce désir constitue une force motrice pour conduire l’ensemble du groupe vers une certaine homogénéisation.

68.Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, p. 531.

69.Solomon Asch, Expérience de Asch, 1951, [en ligne], https://www.youtube.com/ watch?v=TYIh4MkcfJA

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Influences

Solomon Asch, Expérience de Asch, 1951.

Stanley Milgram, Yale University, Milgram Experiment, 1961.

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Une demande de transparence et de confiance

Avec Internet, la liberté d’expression s’est imposée, les gens ont plus de plateformes et plus d’outils numériques pour communiquer les uns avec les autres de manière plus diversifiée que jamais, de sorte que nous recevons quotidiennement beaucoup d’informations. Par ailleurs et de façon corrélée, les idées des gens évoluent rapidement, et tant que nous examinerons plus en profondeur les parties qui nous intéressent et que nous les interrogerons relativement en fonction de nos différences individuelles, nous serons en mesure de trouver des informations qui sont pertinentes et qui satisfont nos véritables préférences. Pour en revenir au consommateur connecté d’aujourd’hui, mieux informé, il peut en quelques clics obtenir des informations souhaitées sur la fabrication des produits. Face à elles, il est plus exigeant, en attente de valeurs humaines et éthiques de leur part. Paradoxalement, il est prêt à les intégrer dans sa vie si elles peuvent l’aider à obtenir le cadre de vie qu’il souhaite et qu’il relaie dans ses selfies comme le souligne Riou dans un article pour la revue de communication et marketing Stratégies :

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Focus sur notre consommation

Pour se situer à ce niveau d’attente, les marques doivent réinventer la relation qu’elles entretiennent avec leurs cibles et s’ouvrir à leurs consommateurs : les faire participer à la vie de la marque et leur laisser l’opportunité d’en devenir les coauteurs. En utilisant le crowdsourcing et leur proposant de participer à des plateformes d’innovation, de devenir ambassadeurs de la marque ou même en leur offrant la possibilité d’être présents sur les réseaux sociaux de la marque. À l’instar de NYX dans la cosmétique, les marques ayant un ADN digital native l’ont bien compris et proposent à leurs publics de figurer sur leurs pages Facebook et / ou Instagram.

Ce lien se construit aussi par les expériences nouvelles qu’une marque peut proposer à ses consommateurs et la réinvention des parcours d’achat. Il passe enfin par la dimension « servicielle ».

Le digital, notamment par le biais des applis, offre de nouvelles possibilités pour prolonger le produit par une offre de services qui est de plus en plus considérée comme un pré-requis par les consommateurs70.

Le pluralisme s’accompagne de plus de marketing mais aussi de plus d’informations et au final de plus d’exigence. Mieux informé, plus individualiste, le consommateur connecté a appris à travers son expérience collaborative à promouvoir des valeurs éthiques, à être plus sûr de ce qu’il n’aime pas, et à développer ainsi sa propre esthétique et ses propres valeurs.

70. Voir à ce sujet Nicolas RIOU, « Les marques doivent relever le défi de l’Uberconsommateur », Stratégies,[en ligne], https://www.strategies.fr/blogsopinions/idees-tribunes/1057480W/les-marques-doivent-relever-le-defi-de-luberconsommateur.html

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La vie des réseaux, une technique d’adaptation

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Comme nous l’avons dit, la communication sur les médias sociaux nous permet indirectement de connaître un objet à travers des informations et des images unilatérales71, cet objet ici peut être des personnes ou des choses, une si petite fenêtre et un grand nombre d’assemblages d’informations d’images, mais en fait, lorsque nous ne sommes pas en personne, nous ne sommes pas vraiment capables de comprendre « la vraie réalité » (le réel), de sorte que l’assemblage de ces informations, même s’il est complet, laissera encore quelques trous cognitifs. Le cerveau humain a la capacité de combler les lacunes des images, et nous avons la capacité de créer nos propres connexions dans ces images (Extrait- Attentional blink / Optical illusion). Ce faisant, nous pouvons facilement combler les lacunes des informations que nous recevons dans notre esprit avec les images dont nous avons besoin automatiquement.

Nous pouvons ainsi utiliser ces matériaux pour construire notre perception de quelque chose (Extrait- Gestalt psychology). Même si nous pensons avoir vu la réalité en cela, l’information unilatérale ou manipulée creuse largement le fossé et l’acceptation unilatérale de l’information entraîne un déséquilibre de l’information et un biais dans notre perception.

71. Dans le sens où nous n’avons pas de feedback.

Après avoir identifié les préférences individuelles, nous pouvons voir dans nos communautés favorites qu’il existe de nombreux symboles et phénomènes qui nous guident pour approfondir nos connaissances dans le domaine de nos préférences, et que les différences entre les personnes des mêmes communautés peuvent représenter également un manque relatif en elles. C’est ce qu’a montré Alfred Adler à travers l’exemple de l’adaptabilité des enfants qui construisent le cadre de leur communauté pour se sentir en sécurité :

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La vie des réseaux, une technique d’adaptation

L’adaptation de l’enfant à son entourage, dans la mesure de ses aptitudes, est donc son premier acte créateur, à la réalisation duquel il est poussé par son sentiment d’infériorité. Cette adaptation, variable suivant chaque cas, est un mouvement, que finalement nous concevons comme une forme, un mouvement qui se serait figé, forme de la vie qui semble offrir un but de sécurité et de triomphe.

Les limites dans lesquelles ce développement se déroule sont celles de l’humanité en général ; et ces limites sont prescrites par le degré d’évolution de la société et de l’individu72.

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Par ailleurs, cette idée de triomphe m’intéresse car elle me permet d’analyser le processus avec lequel nous nous comparons à l’image que nous voyons et qui nous fait ressentir un manque, car ce que nous percevons, c’est l’écart entre nous et l’objet, qui nous indique qu’il y a encore une marge d’amélioration dans la matière ou dans l’image que nous avons de nous-mêmes en tant qu’individus. L’écart entre ces différences nous permet d’introduire une sorte d’adjectif comparatif, tel que « meilleur » ou « plus récent ».

L’émotion du manque nous pousse donc à chercher une solution pour combler le manque entre ces deux éléments.

72. A l f r e d A d l e r, Le sens de la vie, Étude de psychologie individuelle, P a r i s , Édi tions Payot , 1968, Édi tion é le c troniqu e réalisé e ave c le trai te me n t de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Édition complétée le 22 février 2003 à Chicoutimi, Québec, p. 59.

73. Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Op. cit., p. 208.

Dans notre société hyperconnectée, nous n’avons pas forcément à répondre aux goûts des autres pour prouver la valeur de notre existence sachant que nous avons tendance, comme je l’ai dit en introduction de cette deuxième partie, à être plus attentifs à nos propres préférences et besoins.

Nous avons la capacité de façonner notre propre réseau d’information, de le partager et de le diffuser à d’autres par le biais de nos outils numériques afin d’attirer des personnes ayant les mêmes préférences que nous et de constituer avec elles une communauté qui nous représente au fil du temps.

La vie des réseaux semble satisfaire à la demande de différenciationdes individus et de transparence de l’information. Nous constatons par exemple que les événements discutés en ligne sont de plus en plus détaillés et que, de cette façon, beaucoup de choses deviennent progressivement plus transparentes, Ces récits ne sont plus déterminés par des idées centrales véhiculées par « les chefs d’élite » de l’éducation traditionnelle, mais par le volume accumulé de ces outils numériques pour déterminer le niveau de « Avoir son mot à dire — Have the say » au nom du groupe qui le soutient. C’est le paradoxe des réseaux, où l’on voit se construire une représentation du monde à la fois uniformisée, celle d’un monde plat, et différenciée au rythme des liens : « une représentation du monde vécu en termes de connexions et de déconnexions, d’inclusion et d’exclusion […] 73 ».

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Réduire notre consommation à la faveur d’une harmonie retrouvée

La vie des réseaux, une technique d’adaptation

Hermann Ebbinghaus, Ebbinghaus illusion, 1901.

Jacques Ninio, Ninio's Extinction Illusion, 2000.

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Gestalt psychology, 1920.

Edward H. Adelson, MIT, Checker shadow illusion, 1995.

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Comment renouer avec notre harmonie

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Chacun a une réalité subjective des choses qui provient des idées façonnées par l’accumulation des perceptions et des expériences au cours de sa vie. Cependant, nous ne sommes pas des algorithmes, nous sommes des êtres complexes et variables et de fait nous ne pouvons pas déterminer de façon immuable à quelle catégorie nous appartenons. Nous participons à des courants de pensée, puis nous passons à d’autres expériences, d’autres idées, toutefois l’accumulation de nos expériences nous aide à classer et organiser nos préférences, que nous pouvons comparer aux récits d’expériences que nous offre le Web, par tâtonnements continus. Nos activités en ligne, à la fois focalisées sur le groupe et sur notre recherche d’individualité forment un creuset dans lequel nous pouvons constamment poursuivre et vérifier nos préférences.

Mais en même temps, nous savons qu’il y a un coût relatif à essayer, que nous pouvons laisser nos désirs proliférer sans limites dans un espace imaginaire sans limites, et que ces outils numériques continuent à nous encourager à poursuivre de nouvelles options, à offrir un espace imaginaire après l’autre, comme si nous poursuivions une imagination illusoire. Une fois que nous avons franchi la frontière de l’illusion et que nous sommes entrés en contact avec les impressions réelles de la matière, l’imagination précédant le contact réel se dissipe, et la frontière suivante suit et se dispute notre attention jusqu’à subir elle aussi ce même effet de réel suivi d’effacement. Il en résulte que notre harmonie intérieure est constamment déplacée par cette influence, ce qui nous fait hésiter et nous déstabilise.

Par conséquent, la question de savoir comment développer notre éducation aux médias est un enjeu important de notre époque. Nous devons aussi apprendre à identifier et établir nos propres besoins pour évaluer nos propres aspirations, afin d’établir notre propre cadre. Alors, la limitation ne se présente plus à nous comme un concept de chaînes qui nous restreignent et nous empêchent de nous étendre librement, mais plutôt comme un plan complet et structuré, une vue d’ensemble. D’une part, elle nous fournit un objectif clairement visible sur lequel nous pouvons nous appuyer

dans le processus de poursuite sans nous écarter de nos désirs initiaux (par exemple lorsque nous réalisons que nous avons fait le mauvais choix). D’autre part, comme nos idées évoluent très rapidement, cette limitation nous permet également de présenter de nouvelles options et de les rassembler en une nouvelle vue d’ensemble.

Les descriptions précédentes nous ont montré que, face à la diversité de l’information, la manière de gagner l’attention et la reconnaissance de la communauté sur les plateformes numériques est un domaine dans lequel les fournisseurs s’efforcent aujourd’hui d’opérer. Pour les utilisateurs, lorsqu’un sujet peut atteindre l’approbation de la majorité des personnes, il représente également la stabilité de la qualité et l’acceptabilité sociale de sa valeur. Cela affecte indirectement la manière dont il est perçu et apprécié par les individus au sein de différentes communautés. En outre, une telle idée peut également s’accumuler en une grande énergie, de sorte que le sujet lui-même est porteur d’une grande quantité d’informations, et plus le sujet reçoit d’attention, plus il a une valeur relativement importante. Ce constat est mis en évidence dans le film d’animation de Disney COCO74 , à travers le personnage principal qui est oublié par sa communauté : « Il a été oublié. Quand il n’y a plus personne dans le monde vivant qui se souvient de vous, vous disparaissez de ce monde ». Un être matériel doit porter une sorte d’intention humaine dans sa connotation d’existence, sinon son existence n’est qu’une « coquille vide », une forme statique occupant un espace minuscule dans le monde physique, comme beaucoup de substances naturelles dont l’existence, voire inexistante pour nous. Il en va de même de notre relation aux objets afin qu’ils ne soient pas de simples coquilles vides.

74. Lee Unkrich, Adrian Molina, COCO, 2017.

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Renouer avec nos sens et une certaine éthique de l’objet

La connexion au service de l'exclusivité et la distinction ?

Le droit de choisir et de penser

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Nous savons tous que dans cette société construite par les êtres humains, les individus ont des personnalités différentes et qu’il existe des différences entre eux. À l’heure de la prolifération des outils de communication en ligne75 , de plus en plus de personnes participent à cette grande communauté construite par des liens virtuels et de plus en plus de voix différentes rejoignent le monde numérique. Tant que nous disposons d’outils pour nous connecter, nous avons tous le même droit d’explorer, de diffuser et de partager nos idées et, grâce à la participation active des internautes, un réseau de relations individuelles se forme entre différents individus.

En théorie, dans une telle atmosphère de participation démocratique individuelle, nous devrions bénéficier d’un monde plus ouvert et plus libre que le monde réel. Pourtant, nous avons constaté que, souvent, ces outils numériques renforcent les « chaînes » invisibles de la vie réelle au lieu d’aider les gens à s’en échapper. Cela se vérifie dans la liberté d’opinion, où nous pensons nous exprimer librement alors qu’en réalité nous ne faisons que suivre des courants de pensée dominants, il en va de même, à travers les catégories conçues à notre attention selon les équations construites par les systèmes marchands. Ce constat comporte un degré considérable d’inquiétude cachée.

L’ancien ingénieur d’algorithme de YouTube Guillaume Chaslot dit à ce sujet : « Je n’aime pas qu’un algorithme que j’ai développé aggrave la polarisation en société. Mais pour ce qui est du temps de visionnage, la polarisation est extrêmement efficace pour maintenir les gens en ligne76 ».

Parce que le résultat de la catégorisation algorithmique est que nous pouvons consommer à l’infini les catégories qui nous intéressent et renforcer certains de nos concepts ou impressions, même les choses qui n’ont qu’un vague concept dans notre esprit peuvent être progressivement façonnées en une sorte de comportement exclusif en raison du concept original qui sous-tend ce mode d’analyse.

75. Voir à ce stratégie sur Stratista, « Percentage of global population accessing the internet from 2005 to 2019 », 2021, [en ligne] (https://www.statista.com/ statistics/209096/share -of-internet-users-in-the -total-world-population since-2006/)

76. Jeff Orlowski, Derrière nos écrans de fumée, Op. cit.

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Renouer avec nos sens et une certaine éthique de l’objet

En profitons-nous vraiment ?

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La connexion au service de l'exclusivité et la distinction ?

Les communautés nous procurent un fort sentiment d’appartenance, mais grâce à notre participation active, elles fournissent également au monde virtuel plus de « nutriments » et d’informations, contribuant à la diversité de ces plateformes. De ce fait, avec l’attention à long terme, l’intérêt que nous portons à ces chaînes d’informations est aussi dyna-mique que la quantité d’informations que nous recevons, dans un certain équilibre des messages. En observant de nombreux événements en ligne, nous pouvons constater que même si l’importance et la précision des messages eux-mêmes sont relativement faibles, certains individus du côté du message peuvent effectivement être faussement influencés comme dans le cas du célèbre événement en ligne « #Pizzagate 77 » aux États-Unis. Cela montre que la diversité et l’ouverture que nous percevons derrière ces messages apparemment anodins peuvent également façonner le comportement d’un adulte.

77. Violaine Morin et Luc Vinogradoff, « “Pizzagate” : d’une rumeur en ligne aux coups de feu dans une pizzeria », Le Monde, 2016, [en ligne], https://www. lemonde.fr/big - browser/ar ticle/2016/12/06/de - la -theorie - du - complotaux-coups-de-feu-dans-une-pizzeria-les-consequences-reelles-des- fakenews_5044047_4832693.html

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Renouer avec nos sens et une certaine éthique de l’objet

Le contrôle de la souveraineté Réappropriation des outils de traitement de données

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Le contrôle de la souveraineté

Nous avons vu que sous l’effet du phénomène d’utilisation massive des informations personnelles, nous construisons notre propre champ de compréhension des choses en catégorisant les contenus selon nos préférences personnelles grâce aux données. Les personnes appartenant à différentes catégories sont divisées en grands groupes d’utilisateurs, tout comme les frontières entre les pays et les nations réelles. Mais nous savons aussi que lorsque nous nous connectons à Internet, cet acte comprend de nombreux choix dictés par nos désirs subconscients. Dans son ouvrage The design of everyday things, Donald A. Norman explique le comportement du subconscient en disant :

7 8 . D o n a l d A . N o r m a n , T h e d e s i g n of eve r yd ay t h i n g s, N e w Yo r k , B a s i c B o o k s , 198 8 , p .125. G o o g l e Tr a d u c t i o n : « L a p e n s é e s u b c o n s c i e n te fai t c or resp ondre des modè les , e lle fonc tionne , je c rois , e n trou van t l a m e i l l e u r e c o r r e s p o n d a n c e p o s s i b l e e n t r e l 'e x p é r i e n c e p a s s é e e t l'expérience actuelle, elle procède rapidement et automatiquement, sans effort. Le traitement subconscient est l'une de nos forces. Il est bon pour détecter les tendances générales, pour reconnaître la relation entre ce que nous vivons maintenant et ce qui s'est passé dans le passé. Et il est bon pour généraliser, pour faire des prédictions sur la tendance générale à partir de quelquesexemples. Mais la pensée subconsciente peut trouver des correspondances inappropriées , ou erronées , e t elle peu t ne pas distinguer le commun du rare. La pensée subconsciente a tendance à privilégier la régularité et la structure, et son pouvoir formel est limité. »

Subconscious thought matches patterns, It operate, I believe, by finding the best possible match of one’s past experience to current one, It proceeds rapidly and automatically, without effort.

Subconscious processing is one of our strengths. It is good at detecting general trends, at recognizing the relationship between what we now experience and what has happened in the past. And it is good at generalizing, at making prediction about the general trend based on few examples. But subconscious thought can find matches that are inappropriate, or wrong and it may not distinguish the common from the rare. Subconscious thought is biased toward regularity and structure, and it is limited in formal power 78 .

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Renouer avec nos sens et une certaine éthique de l’objet

Le contrôle de la souveraineté

En d’autres termes, il arrive souvent que nous n’ayons pas de « besoin » à l’esprit lorsque ces fournisseurs réactifs nous proposent des contenus censés nous correspondre :

In Western cultures, design has reflected the capitalistic importance of the marketplace, with an emphasis on exterior features deemed to be attractive to purchasers. In the consumer economy taste is not criterion in the marketing of expensive foods or drinks, usability is not the primary criterion in the marketing of home and office appliances.

We are surrounded with objects of desire, not objects of use 79 .

Parce que ces contenus sont si confortables et addictifs, nous pourrions, en utilisant une image, dire que nous sommes « gavés », comme les animaux d’élevage. Inversement, nous pourrions dire que les utilisateurs d’aujourd’hui peuvent toujours trouver de meilleures options et nous constatons d’ailleurs que les fournisseurs prêtent davantage attention aux opinions des consommateurs, nous avons même l’illusion de vivre dans un marché de consommation dirigé par les consommateurs. Riou a souligné le côté paradoxal de cette situation : mieux informés, nous perturbons les modèles de consommation traditionnels et créons de nouvelles formes de modèles commerciaux, mais ce faisant, nous accumulons également nos propres compréhensions et perceptions du monde, de sorte qu’aujourd’hui, nous ne pouvons même pas identifier si c’est nous qui influençons les fournisseurs de contenus ou, à l’inverse, si ce sont les fournisseurs de contenus qui construisent nos perceptions.

Dans ce processus d’accumulation de comportements (la recherche de valeur qui pourrait nous représenter du côté du consommateur et la capacité de nous montrer qu’il est

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en mesure de satisfaire ce besoin du côté du fournisseur), et comme nous l’avons évoqué précédemment à propos de l’exigence de confiance, les consommateurs ont besoin de preuves qui puissent garantir ces comportements. Ils recherchent donc des marques qui peuvent leur donner un sentiment de confiance. Afin de trouver leurs propres clients sur le marché de la consommation, celles-ci vont d’abord essayer d’échanger la crédibilité et la valeur de leurs produits par divers moyens, ainsi, plus les gens soutiennent une marque, plus elle peut représenter la certitude de sa qualité. Aujourd’hui, on peut dire que la valeur d’une marque va au-delà des matériaux utilisés dans ses propres produits. Comme le dit déjà Simmel dans un essai paru en 1889 intitulé sur la psychologie de l’argent : « […] à ceux qui se comportent ainsi seule la valeur des choses importe, aux assoiffés d’argent, seul importe la valeur des choses 80. » Nous comprenons que ces valeurs ne sont qu’un critère de confiance dans la société de consommation actuelle, au même titre que la valeur monétaire, mais nous sommes invisiblement liés par ces règles sociales. À partir de là, nous pouvons voir que

Réappropriation des outils de traitement de données

nous avons besoin d’une certaine forme de mécanisme de récompense pour les choses réelles et virtuelles, autrement dit une sorte de feedback, un mécanisme qui nous donne une base solide et un sentiment de sécurité stable. Ainsi, Norman déclare : «Imagine trying to talk to someone when you cannot even hear your own voice, or trying to draw a picture with pencil that leaves no mark : there would be no feedback 81.» En d’autres termes, nous devons modifier ce mécanisme de rétroaction par le biais de la correction afin de reprendre réellement notre propre contrôle. Nous devons disposer d’un mécanisme capable de satisfaire nos besoins réels pour nous-mêmes sans comparer nos valeurs personnelles avec celles des autres, car il y aura toujours des différences hiérarchiques sous l’acte de comparaison. Pour retrouver notre souveraineté, il est urgent de se réapproprier les outils de traitement des données.

79. ibid., p. 216. Google Traduction: « Dans les cultures occidentales,le design a ref l é té l ' i m p o r ta n c e c a p i talis te d u ma r c h é , e n m e t ta n t l 'ac c e n t s u r les caractéristiques ex térieures jugées at trayantes pour les acheteurs.

Dans l'économie de consommation, le goût n'est pas un critère dans la commercialisation d'aliments ou de boissons coûteux, la facilité d'utilisation n'est pas le critère principal dans la commercialisation d'appareils ménagers et de bureau. Nous sommes entourés d'objets de désir et non d'objets d'usage. »

80. Georg Simmel, Sur la psychologie de l’argent, Psychologie de l’argent, Paris, Allia, 2020, p. 23.

81. Donald A. Norman, The design of everyday things, Op. cit., p. 84. Google Traduction : « Imaginez que vous essayez de parler à quelqu'un alors que vous n'entendez même pas votre propre voix, ou que vous essayez de faire un dessin avec un crayon qui ne laisse aucune trace : il n'y aurait aucun retour. »

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Le contrôle de la souveraineté

Réappropriation des outils de traitement de données

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Renouer avec nos sens et une certaine éthique de l’objet

Souveraineté

La souveraineté dans une société de consommation représente la liberté de faire des choix concernant nos agissements et par cette liberté nous marquons notre unicité.

Mais cette liberté, en dehors des limitations physiques, est la norme de comportement de la culture de groupe et, vivant dans une communauté humaine, nous nous appuyons sur le mécanisme de protection établi par le groupe, la norme de confiance. Nous nous sommes habitués à ces normes de confiance, et la reconnaissance et la sécurité que nous recherchons dans nos communautés sont égales à la légitimité et à la rationalité d’un comportement. Ce cadre construit une échelle et façonne les critères que nous devons suivre pour nous adapter au système et nous pousser à y adhérer. Il définit clairement les frontières entre nous et le monde extérieur, et nous dicte les mesures dans lesquelles notre souveraineté peut être exercée. À ce stade de ma réflexion, je crée un parallèle entre l’œuvre de Stéphanie Lacombe déjà mentionnée et qui, à sa façon, interroge le cadre et la frontière entre soi et l’extérieur et l’œuvre de Mel Bochner, un artiste conceptuel qui a lui aussi travaillé sur l’espace de l’habitat qu’il a mesuré dans ses moindres recoins. Par ce travail de mesure, il nous confronte à un espace précis, des contraintes concrètes qui nous font entrer directement dans l’œuvre. Dans l’univers, il n’y a pas de limite, les signes sur les murs viennent ici créer des frontières à l’échelle de l’individu.

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Le contrôle de la souveraineté

Mel Bochner, Measurement room, 1969.

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La rédemption du désir

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Comprenant que pour le consommateur et l’ensemble de la société, le monde extérieur nous enferme dans ses limites et que tout le monde n’est pas exempt de suivre ce modèle de vie généré par le comportement du consommateur dans cet environnement, l’établissement de ce système maintient la légitimité de toutes les activités. Il nous fournit une norme sur laquelle nous pouvons compter et nous permet de donner une stabilité aux valeurs que nous créons.

Sur cette question de la limite, je m’appuie sur Simmel qui me permet d’en comprendre tout le sens quand il nous dit :

Le cadre d’un tableau qui caractérise l’œuvre d’art comme une entité autonome, comme un monde défini pour lui-même, agit simultanément à l’égard du dehors en coupant toute relation à l’espace environnement, et l’énergie que dégagent ces toiles malgré son unité, ne peut s’exprimer autrement qu’en distinguant ses effets internes de ses effets externes82.

Le sens de notre comportement est basé sur un système d’échange créé par les êtres humains eux-mêmes. Ce système d’échange est important car il préserve les valeurs que nous avons définies personnellement et celles que nous produisons ; la mentalité comparative qui apparaît dans l’échange avec les autres est le résultat de la continuation de ce système lorsque nous le transmettons. Comme l’a dit Alfred Adler :

82. Georg Simmel, Philosophie de la mode, Paris, Allia, 2020, p. 13.

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La rédemption du désir

[…] la vie de l’individu ne présente qu’une partie, la lutte pour une adaptation victorieuse au monde environnant est une condition essentielle. Même si on voulait douter que déjà au début de la vie la tendance à la supériorité a existé, la marche de milliards d’années nous montre clairement qu’aujourd’hui la tendance à la perfection est un facteur héréditaire qui se trouve dans chaque individu 83.

Pour nos besoins, nous désirons pouvoir échapper à tout ce qui peut constituer une insécurité, nous essayons donc d’établir une relation stable entre le soi et le cadre, en essayant de nous adapter à tous les facteurs qui peuvent ébranler la fondation pour maximiser la valeur du soi.

Le cadre englobe donc la diversité de nos désirs humains.

Ainsi, dans ce cadre limité, en termes matériels, la valeur de notre moi matériellement placé doit être rachetée en vérifiant constamment avec ce cadre social qu’il existe une relation équilibrée entre ces aspirations et poursuites et ce système.

« Peut-être le Goethe de la maturité fournit-il le meilleur exemple d’une très grande vie qui, en transigeant dans tout ce qui se rapporte à l’extériorité, en s’obligeant à la stricte observance de la forme, en choisissant délibérément de se plier aux conventions de la société, est justement parvenu à un maximum de liberté intérieure, à soustraire le cœur de la vie au quantum d’obligations imposé par la vie 84 .

83. Alfred Adler, Le sens de la vie. Étude de psychologie individuelle, Op. cit., p. 142.

84. Georg Simmel, Philosophie de la mode, Op. cit., p. 43.

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Alejandro Aravena, Elemental, Villa Verde housing, 2010.

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La rédemption du désir

Dans Philosophie de la mode de Simmel, nous pouvons constater que lorsque nous obéissons à une certaine règle du jeu ou à une certaine forme, nous obtenons une certaine sécurité sur laquelle nous appuyer, nous donnant un indice pour trouver la liberté de nos désirs. L’un des moyens d’y parvenir est de faire une projection directe de l’image que nous avons de nous-mêmes et de nos désirs, ce qui, tout en confirmant la réalité de notre existence, constitue également une bonne base pour nos désirs. « L’homme accompli utilise son esprit comme un miroir : il ne raccompagne pas ni ne va au devant, il répond [aux choses] sans les thésauriser; c’est pourquoi il vient à bout des choses [se reflétant en lui] sans en être blessé 85. » Par conséquent, nous devons rétablir un certain degré d’équilibre avec les désirs de nous-même. Nous nous identifions d’abord par projection, et du fait de l’existence de ce cadre de notre « moi », il guide également la directionalité de nos désirs et besoins personnels, et cette directionalité satisfait les différences entre les individus plus qu’elle ne satisfait les valeurs sociales du moi.

La question de savoir si nous pouvons renouer avec nos valeurs nous invite à limiter les possibilités de notre propre comportement en termes de besoins. Comme le dit Norman 88 si nous pouvons établir nos actions dans les limites que nous nous sommes fixées, nous serons en mesure de réaliser notre liberté personnelle dans une plus large mesure et de reconstruire notre esthétique personnelle dans ces situations.

Enfin, pour cette projection de l’ego, nous devons également trouver la preuve que nous devons trouver nos propres limites personnelles dans les choses matérielles car notre capacité d’attention est limitée et nous ne pouvons pas prêter attention à différents désirs et besoins en même temps. Comme le dit Norman : «The ability of conscious attention is limited : focus on one thing and you reduce your attention to others. Psychologists call the phenomenon “selective attention“ Excessive focus leads to a kind of tunnel vision, where peripheral item are ignored 86 ». Cette citation confirme également les conseils mentionnés dans le livre de François Jullien, Nourrir sa vie, pour nous aider à retrouver notre vitalité : « Nous avertissons les hommes de bien distinguer et de séparer avec soin ce qui peut rendre la vie saine de ce qui peut la rendre longue 87 ». Ainsi, si nous voulons essayer de racheter nos valeurs personnelles et la diversité de nos perceptions et équilibrer notre propre désir infini d’objets dans un monde axé sur les données, il nous faut créer nos propres limites, reconnaître dans nos pensées qui surgissent nos désirs ou nos besoins intrinsèques.

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85. François Jullien, Nourrir sa vie, À l'écart du bonheur, Paris, Point, 2020, p. 125.

86. Donald A . Norman,The design of ever yday things, Op. cit., p.164.Google Traduction: « La capacité d'attention consciente est limitée : en se concentrant sur une chose, on réduit son attention aux autres. Les psychologues appellent ce phénomène "attention sélective".Une focalisation excessive conduit à une sorte de vision en tunnel, où les éléments périphériques sont ignorés. »

87. François Jullien, Nourrir sa vie, À l'écart du bonheur, Op. cit., p.137.

88. Donald A . Norman,The design of everyday things, Op. cit, p. 84. «With the prope r use of physical c onstraints the re should be a limited nu mbe r of possible actions—or, at least, desired actions can be made obvious, usually by being especially salient», Google Traduction:« Avec l'utilisation appropriée des contraintes physiques, il devrait y avoir un nombre limité d'actions possibles - ou, au moins, les actions souhaitées peuvent être rendues évidentes, généralement en étant particulièrement saillantes. »

Jean Prouvé, Pavillon des ingénieurs de lascal, 1940.

Marcella Winograd, Domino Park—Social distancing circles, 2020.

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Conclusion Enfin, selon mon expérience, nous devons inévitablement nous adapter à cette société de consommation riche en marchandises et en informations, bien que les objets que nous intégrons à nos vies construisent progressivement notre individualité. Pour éliminer ce dilemme, nous devons traiter l’information contenue dans les objets afin d’effacer les symboles et la symbolique qu’ils véhiculent à l’origine, puis nous devons être en mesure d’établir nos propres choix comportementaux dans le contexte des choix existants, afin que l’expérience d’utilisation elle-même devienne rare et que nous puissions nous concentrer sur notre propre expérience d’utilisateur. Traversant l’ensemble de mes travaux, la notion d’intériorité constitue le vecteur de cette expérience singulière de l’utilisateur que j’ai cherché à exprimer en plusieurs endroits de mon mémoire en faisant appel à l’expérience sensible.

Par conséquent, je crois que si le design peut intégrer les limites du comportement humain et de l’information dans la création d’objets sans violer la fonctionnalité, et ainsi fournir un cadre de base pour les utilisateurs et dans cette limite, intégrer également les principes d’utilisation personnelle que les utilisateurs peuvent contrôler et adapter dans leur création, cela donnera à ces derniers l’occasion de réexaminer en particulier leur relation sensible avec la matérialité des objets et leur présence. Cela nous permettra, en tant qu’individus, de rétablir l’état psychologique personnel entre nous et les objets, plutôt que de répondre aux attentes de la communauté.

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Url

Solomon Asch, Expérience de Asch, 1951, [en ligne], https://www.youtube.com/ watch?v=TYIh4MkcfJA

Remerciements Tout d'abord, je tiens à remercier ma tutrice Sophie Monville, sans son dévouement, sa compréhension et la patience de sa communication, je n'aurais jamais atteint ce point.

Ensuite, merci à mon tuteur Lionel Broye pour sa gentillesse et ses conseils.

Gunther Ludwig, pour ses indications méticuleuses pour le processus d'étude et les mails qui m'ont aidé à mieux comprendre.

Clémence Brunet, pour son dévouement à résoudre l'obstacle de l'impression.

Marlène Bertoux, qui a toujours eu la volonté et la bonne humeur de me donner des cours gratuits sans se fâcher.

Marie Danse, qui m'a beaucoup appris en me partageant les informations avec bienveillance.

Laëtitia Cuchet et Lucie Sahuquet, qui ont toujours eu le sourire en me donnant un coup de main et en résolvant mes problèmes et en me sauvant quand je suis comme un enfant perdu dans la forêt.

Mégane Lazou, de me donner toujours une bonne ambiance et de me faire sentir que tout va bien.

Lucie Bretonneau, pour sa compréhension, quand je n'arrive pas à trouver le mot pour articuler correctement en français. Éléonore Fines, Antonie Buon, Alice de Oliveira et Nicolas Lemaître pour ne pas avoir refusé et de répondre à mes questions, même si elles étaient ridicules.

Je voudrais remercier également Jean-Claude et Michel Riby de l'imprimerie Peltier, atelier typographique. Merci pour leurs conseils précieux et leur connaissance du papier.

Merci à tout ceux de la classe, pour votre aide durant cette période.

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Et enfin, merci à ma famille, sans elle, je ne serais pas ici.

Mémoire réalisé par Yenchen LIN, suivi par Sophie Monville et Lionel Broye.

Achevé d' imprimer en mai 2021, à l'atelier d' impression de l'ÉSAD Orléans.

DNSEP Option Design, Mention Design des Communs, juin 2021.

ÉSAD / École supérieure d'art et de design d'Orléans www.esadorleans.fr