VISION CHINE-08-10/2022-039

VISION CHINE est édité par KEIDOS GROUP

ISSN : 2609-0449

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FRANCE-CHINE EXPRESS

6 / 7 / MAGAZINES CHINOIS

La Cité du Vin de Bordeaux s’exporte en Chine Football féminin : Le PSG officialise l’arrivée de Li Mengwen Volley féminin, La chinoise Wang Simin rejoint le club du Volero Le Cannet, champion de France et vainqueur de la coupe de France L’art de vivre à la française présenté au Pavillon français de la 2e édition de l’Exposition internationale des produits de consommation de Chine

ENQUÊTE

Vive les petites poitrines ! Quand les femmes ne cherchent plus à être sensuelles à tout prix

Un grand bol d’air frais Retour à la vie sauvage : l’appel de la nature pendant la pandémie Le frisbee : une « utopie » de deux heures Le camping chic : rustique et confortable à la fois

Kindle, le dernier chapitre ÉVÉNEMENT 34 /

P16 P48

ÉCONOMIE

SOMMAIRE

P36 P62

36 / L’Asie du Sud-Est et le Mexique, principaux bénéficiaires du recul des exportations chinoises

Il faut sauver les terres noires 40 / AGRICULTURE

Chasseurs de faux : consommateurs ou escrocs ? JUSTICE 44 /

La cinquantaine rayonnante 48 / IMAGE 54 / «VERTICAL BROADWAY», le nouvel espoir du petit théâtre chinois CULTURE

SOCIÉTÉ

62 / 58 / 65 /

A la recherche de la jeunesse passée sur un terrain de foot Pourquoi les immortels chinois volent verticalement alors que les super-héros occidentaux volent horizontalement ?

ESSAI

Enfermés à l’extérieur

ART 67 / 68 /

CHING YIK-HONG, Exposition East & West Melody à Paris « Totem » à Venise, exposition de l’artiste chinois Wallace Chan

FRANCE-CHINE EXPRESS

LA CITÉ DU VIN DE BORDEAUX S’EXPORTE EN CHINE

En 2024, la Cité du Vin de Bordeaux verra son équivalent chinois ouvrir ses portes. Ce projet, en développement depuis la fin d’année 2018, appelé « Musée universel du vin » sera situé dans le district de Fangshan, à une quarantaine de kilomètres de la place Tian’anmen, à Pékin.

Le projet est né d’un investisseur chinois, Weixing Tang, francophile et francophone, qui souhaitait développer les échanges culturels entre la France et la Chine, ainsi que la culture du vin. L’homme d’affaires a même créé son propre vignoble à Pékin, il y a 25 ans, avec des amis bordelais et des experts français.

Le bâtiment fera 18 000 m2, avec 3 500 m2 d’exposition permanente, eux-mêmes divisés en cinq espaces thématiques, or-

ganisés autour d’une sorte d’un cloître de 650 m2.

Le musée se dotera également d’un vaste espace dédié à la dégustation et à la vente de vins, avec plus de 1 000 références, originaires du monde entier.

Pour compléter l’offre, un auditorium de 450 places, un espace d’exposition temporaire, ainsi qu’une école de dégustation pour les amateurs et les plus expérimentés seront à dispositions des visiteurs.

Enfin, pour ceux qui le désireraient, il sera possible de visiter les vignobles alentours, « puisque cette petite région viticole possède une quarantaine de vignobles », souligne Jean-Marc Menant, directeur général du projet.

Source : Justin Lainé/actu.fr

Le PSG officialise le 2 septembre l’arrivée de la défenseure internationale chinoise Li Mengwen. La joueuse de 27 ans est prêtée par le Jiangsu Ladies FC pour une saison au club de la capitale. Internationale A depuis 2018, la joueuse s’est illustrée avec sa sélection, remportant la Coupe d’Asie des Nations en février 2022.

La défenseure évoluait dans l’ancien club où le coach Gérard Prêcheur en-

traînait. Avec lui, elle a remporté le championnat en 2019, trois Coupes de Chine consécutives (2017 à 2019), deux Coupes de la Ligue (2018 et 2019) et une Supercoupe (2019). La joueuse arrive dans un secteur où le PSG a nombre de joueuses internationales importantes, sauf au poste d’arrière droite, où la seule Ashley Lawrence tenait la barre jusque-là.

Source : culturepsg.com

La jeune libéro chinoise (24 ans - 1m68) a fait ses armes dans le championnat chinois en passant notamment par Sichuan Jinlang Sports en 2015-2016 puis à Beijing BAIC Motor lors de la saison suivante en 2016-2017.

Elle a goûté aux joutes européennes pour la 1ère fois entre 2019-2020 sous les couleurs du club lombard d’Uyba Volley , où elle a no-

tamment remporté la médaille d’argent de la Coupe d’Italie.

Après être retournée en Chine lors de la saison 2021-2022 pour jouer avec Shenzhen Zhongsai, Simin Wang a décidé de revenir sur le Vieux Continent pour défendre les couleurs du Volero.

Source : instagram.com/volerolecannet

Pays invité d’honneur de la deuxième édition de la China International Consumer Products Expo (CICPE), la France propose du 26 au 30 juillet 2022 un pavillon consacré à l’art de vivre à la française dans les secteurs de la mode, des produits de beauté, de la gastrono-

mie et des services, illustrés par la présence de 14 prestigieuses maisons et marques françaises. Au-delà du Pavillon France, plus de 50 entreprises sont également présentes, pour un total de 250 marques exposées.

Source : Ambassade de France en Chine

FOOTBALL FÉMININ : LE PSG OFFICIALISE L’ARRIVÉE DE LI MENGWEN

VOLLEY FÉMININ, LA CHINOISE WANG SIMIN REJOINT LE CLUB DU VOLERO LE CANNET, CHAMPION DE FRANCE ET VAINQUEUR DE LA COUPE DE FRANCE

Concept de la scénographie du Musée universel du vin. (©Ateliers Adeline Rispal)

MAGAZINES CHINOIS

COMPRENDRE

NOUVEAU LE MARCHÉ CHINOIS

LES JEUX DOMESTIQUES New Weekly

E-YUAN, UNE MISE EN PLACE ACCÉLÉRÉE

Caixin Weekly

Que signifie la Chine pour les multinationales ? Il y a vingt ans, il y avait deux réponses à cette question : une fabrication à bas coût et un marché de consommation important. Aujourd’hui, les réponses sont plus variées. L’image mirifique qu’avaient les multinationales aux yeux de Chinois s’est détériorée. Ces dernières doivent reconsidérer leur approche du marché chinois : l’apprenti de l’époque est désormais un adversaire à part entière. Les changements drastiques de la situation mondiale sont également en cause. Les multinationales dont l’objectif est un solide développement sur la durée ne sont pas dans l’urgence d’une croissance rapide. Elles essaient de développer leur propre marché avec des produits mieux conçus en maintenant l’originalité de leurs marques et leurs valeurs uniques. À moindre coût, les réseaux sociaux et le marketing en ligne leur permettent des promotions significatives et l’organisation d’événementiels dédiés à leurs abonnés.

Le 02 août 2022

Sur les quelque 200 pays du monde, 14 ont une population supérieure à 100 millions d’habitants. L’Afrique est le continent avec la croissance démographique la plus rapide et la population la plus jeune au monde, mais son économie et sa situation sanitaire sont très en retard. Au Mexique, l’énorme population est devenue un lourd fardeau. Plus de 10 millions de personnes ont immigré vers d’autres pays au cours des 20 dernières années, beaucoup illégalement vers les ÉtatsUnis. Ces dernières années, le développement économique de l’Asie du Sud-Est s’est appuyé sur l’envoi d’un grand nombre de maind’œuvre à l’étranger, ce qui n’est pas une solution à long terme. Bien que la population du Japon ait dépassé les 100 millions depuis longtemps, les personnes de plus de 65 ans représentent près de 30 % de la population, classant le pays au premier rang mondial du vieillissement. Au cours des 70 dernières années, la population de la Russie n’a que légèrement augmenté. Le Japon et la Russie ont essayé d’enrayer cette situation en pratiquant une politique de primes de naissance.

L’industrie cosmétique se distingue par ses consommateurs venant de toutes les classes sociales et ses produits dédiés à tous les genres. Pauvres et riches, femmes et hommes, contribuent à la croissance de ce marché qui se chiffre en billions de yuans chaque année en Chine. Contrairement au passé où les gens recherchaient simplement une belle apparence, le secteur se dote désormais d’une nouvelle signification sociologique similaire à l’industrie de la mode. L’écart de pratiques entre les genres s’étant estompé et comblé, le secteur des cosmétiques est entré dans une ère diversifiée aux multiples gammes de produits dédiés. Le maquillage est également un marqueur social permettant à l’individu de se définir. Il est une façon d’être qui procure aux consommateurs un merveilleux sentiment de liberté. Ils sont libres d’exprimer la personnalité de leur choix et cela crée peu à peu un immense empire commercial.

Le 15 août 2022

QU’EST-CE QU’UNE BONNE FORMATION EN MATHÉMATIQUES ?

Life Week

Le big data et les technologies de l’intelligence artificielle étant devenus les moteurs du développement économique, la cote des mathématiques est à nouveau à la hausse. Néanmoins, au collège et au lycée, l’attention portée aux mathématiques tient essentiellement à sa contribution à la réussite du brevet et du baccalauréat. En avril 2022, le nouveau Plan du programme d’enseignement obligatoire et ses normes (édition 2022) a indiqué pour la première fois que l’objectif du programme de mathématiques était de cultiver trois compétences fondamentales des élèves : observer le monde réel à partir de visions mathématiques ; réfléchir sur la réalité du monde à partir d’un esprit mathématique ; exprimer le monde réel en langage mathématique. L’abstraction, le raisonnement et la modélisation sont trois principes à l’origine des mathématiques et de leur évolution. Ces trois éléments marquent la différence de structure cognitive entre les matheux et les autres.

Le 08 août 2022

Le projet pilote de recherche et développement sur l’eyuan (appelé également e-CNY), la monnaie numérique chinoise, a pris une certaine ampleur. Après avoir d’abord attiré des utilisateurs en émettant des coupons de consommation, le projet se déploie dans d’autres domaines : de la consommation quotidienne (achats, restauration, transport, paiements de factures) à la finance individuelle (prêts ou emprunt, gestion de patrimoine et assurances). En outre, l’eyuan a commencé à entrer dans les d’entreprises pour les prêts aux PME et le paiement des salaires, mais aussi pour les démarches de service public tels que l’octroi de subventions et le paiement de taxes et de frais. Dans le même temps, de plus en plus de réglementations et de dispositifs sur les conditions juridiques de la consultation, le gel et la déduction des portefeuilles numériques, sur le mécanisme de sanctions ainsi que la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en monnaie numérique sont prêtes à entrer en vigueur.

Le 15 août 2022

L’émergence des humains virtuels, dans une certaine mesure, rapproche les gens de l’avenir. Elle est recherchée car représentative de l’ère d’incertitude dans laquelle nous nous trouvons. C’est un miroir dans lequel l’être humain se voit en devenant son propre « créateur ». Les films de science-fiction sont une révélation illustrant d’innombrables possibilités d’avenir pour l’humanité mais en réalité, chaque avancée technologique est complexe. Les gens se méfient des problèmes lointains d’une intelligence artificielle qui posséderait une personnalité et se rebellerait contre les humains, mais ils ignorent les risques proches. Lorsque l’argent frais du capital afflue et qu’il apporte de l’espoir aux entrepreneurs, les risques et les bulles suivent également.

Le 15 août 2022

LES HUMAINS VIRTUELS EN PLEIN ESSOR

LE GROUPE DES PAYS AVEC UNE POPULATION SUPÉRIEURE À 100 MILLIONS

Southern People Weekly

VIVE LES PETITES POITRINES QUAND LES FEMMES NE CHERCHENT PLUS À ÊTRE SENSUELLES À TOUT PRIX ! Enquête

LIANG Jingyi, WANG Huanrong / GQREPORT

La mode n’est désormais plus aux poitrines généreuses. Les préférences de soutiens-gorges évoluent au gré de la vie sociale, du regard sur le genre, des technologies et de la maind’œuvre. Bien que la recherche de la beauté n’ait jamais cessé, la montée du féminisme redéfinit la sensualité.

NOS SOUCIS DE JEUNE FILLE

Qui aime vraiment les soutiens-gorges ? En discutant avec de

nombreuses amies, nous nous disions que pendant très longtemps, nous n’aimions pas notre propre poitrine.

« Tu sais, à l’école primaire, je dormais toujours sur le ventre pour compresser ma poitrine, pour qu’elle ne ressorte plus », me raconte Cheng-zi, une scénariste âgée de 30 ans. Elle a grandi dans une petite ville dans la province de Henan. En première année de collège, sa poitrine avait pris la taille de xiaolongbao. Sa grande sœur lui avait alors offert

une brassière avec de la dentelle, ornée de petits nœuds papillons, mais même si le modèle était très mignon, il n’en était pas moins inconfortable.

Yao Yao, originaire du Guangzhou, a une poitrine généreuse. Elle faisait déjà un bon 80D au lycée. Pour cacher sa poitrine, elle ne portait que des survêtements de sport très larges. Elle nous a expliqué que sa poitrine pesait aussi lourd que l’équivalent de huit pommes. Lorsqu’elle faisait ses devoirs après

l’école, il fallait qu’elle pose sa poitrine sur son bureau pour être soulagée de ce poids. En cours de sport, elle n’avait qu’une envie : rester invisible. Elle se tenait toujours voûtée et n’osait pas faire de saut de peur que sa poitrine se balance trop. Une camarade de classe lui avait même demandé un jour : « Avec de si gros seins, tu ne tombes pas quand tu marches ? »

J’ai également rencontré des difficultés à trouver des sous-vêtements à ma taille. Avec mon 75A, depuis la puberté, je me consolais souvent en me disant que mes seins allaient grossir, mais cela n’a pas été le cas.

Or, je suis loin d’être la seule avec mon bonnet A. D’après une étude de la doctorante Chen Xiaona, de l’Université des sciences de l’ingénieur de Shanghai, seules 205 femmes chinoises sur 404 connaissent leur taille de soutien-gorge, et 87,3% d’entre elles ont un bonnet B ou moins.

La raison pour laquelle les filles n’ont pas envie de porter de soutien-gorge est souvent la même. Il est déjà arrivé à Cheng-zi de travailler trois jours et trois nuits d’affilée avec son équipe, toujours engoncée dans son soutien-gorge : « ça m’étouffait, j’avais l’impression que mes seins étaient gon-

flés comme des brioches ». Je la comprends tellement ! Lorsque l’on porte un soutien-gorge à armature métallique de la mauvaise taille, on se sent littéralement libérée lorsqu’on peut enfin le dégrafer.

Cheng-zi soupire : « J’aimerais tellement pouvoir porter un soutien-gorge qui donne l’impression de ne pas en porter ». En 2017, elle avait alors commencé à porter des brassières ; depuis lors, elle est passée aux sous-vêtements à « taille universelle ».

Ces sous-vêtements ressemblent à des débardeurs, avec un large col en U et des sortes de coques en forme de goutte d’eau au niveau de la poitrine, dans une matière extrêmement douce. Contrairement aux soutiens-gorges traditionnels, ils ne proposent plus de bonnet ; quelle que soit la taille de la poitrine, cela reste confortable et ne serre pas. Toutefois, il n’y aura aucun ef-

fet push-up.

Le design est épuré, abandonnant la dentelle et les broderies habituelles. Si vous recherchez le confort plutôt que le côté sexy et l’effet gainant des soutiens-gorges, ces débardeurs sont une option possible. Selon les mots de Cheng-zi, on a l’impression que « tous les pores du corps respirent librement ».

Ils sont devenus extrêmement prisés depuis deux ans. Dans les live shopping (vente en direct sur les réseaux sociaux), les streamers en font une promotion folle : « Je porte ce modèle-là voyez-vous, et même en portant un haut en col V, on ne voit rien ! et aucune trace dans le dos… ». Sur Taobao, lorsque vous tapez « sous-vêtements » dans la barre de recherche, ce sont ces soutiens-gorges sans bonnet qui reviennent le plus.

Lors de la dernière campagne promotionnelle du 11 novembre, une de ces marques spécialisées a engrangé plus de 100 millions de yuans (14,5 millions d’euros) de ventes en l’espace de 47 minutes seulement. Le jour-même, deux marques de soutiens-gorges « à taille universelle » et « sans armature » ont été les plus performantes dans la catégorie des sous-vêtements, avec un chiffre d’affaires avoisinant le milliard de yuans (145 millions d’euros) sur la seule journée du 11 novembre.

Leur succès est lié à la montée du féminisme. Lorsque l’on regarde de plus près le contenu de ces sites, « le confort », « la liberté » et « l’amour de soi » sont des valeurs mises en avant. Les mannequins lingerie ne sont plus toutes à forte poitrine et dans l’ensemble, on ressent une véritable « désexualisation».

L’ÉVOLUTION DES SOUS-VÊTEMENTS

Par le passé, la lingerie était considérée comme un outil au service de la relation entre l’homme et la femme, un accessoire que l’on portait pour plaire aux hommes.

Dans un ouvrage intitulé Le Guide de la femme daté de 1907, une comtesse française écrivait :

« La subtilité d’une lingerie affriolante réside dans sa capacité à cacher les parties les plus intimes d’une femme et à susciter ainsi le désir des hommes… A l’inverse, un dessous large, sans forme ni toucher soyeux, ne présente aucun intérêt… un vrai cauchemar ! »

En 2021, je demandai à Cheng-zi : « Ça te tracasse, ce qu’en pensent les hommes ? » Elle m’avait répondu : « Je porte ce que je veux ».

« Les préférences des femmes dépendent du contexte économique, politique et culturel, ainsi que

La femme moderne des années 1920

Les corsets en vogue dans l’Europe du XIXe siècle

de leur mode de vie » explique Professeure Lan, formatrice en chef de la marque de lingerie Aimer. Selon elle, l’histoire de la lingerie pourrait être divisée en deux parties : la période « S » et la période « H », la première correspondant à une époque qui met en avant une silhouette aux courbes généreuses, la seconde correspondant à une époque qui préfère les petites poitrines et une silhouette droite.

Il y a plus d’un siècle, une silhouette en S était ce qui était le plus en vogue, comme celle de Scarlett O’Hara, dans Autant en emporte le vent, coincée dans un corset qui l’empêchait de respirer correctement.

La silhouette en H est devenue à la mode dans les années 20, avec des robes débardeurs, courtes, à taille basse et peu marquée, ne mettant plus en avant la poitrine et conférant alors une allure à la fois élégante et nonchalante aux femmes.

Le corps et les sous-vêtements fémi-

nins ont toujours été politiques. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les armatures en fer des corsets ont été mises à contribution pour soutenir l’effort de guerre. Les femmes devaient désormais travailler pour subvenir aux besoins de la famille. « Il n’était plus possible de restreindre son corps et de rester à la maison » : le corps a pu obtenir ainsi un peu de répit.

Après la guerre, les femmes ont de nouveau mis en avant leurs charmes avec le retour de la silhouette en S, comme l’a illustré le fameux soutien-gorge « obus » de Marilyn Monroe.

Durant la guerre froide, les silhouettes en S et en H se côtoient. D’un côté, les mouvements en faveur de la libération sexuelle battent leur plein et mettent en avant la liberté. On brûle même des soutiens-gorges devant les salles qui accueillent les concours de miss America. D’autre part, le style preppy, plus bourgeois et traditionnel, incarné par Jackie Kennedy, met en

avant les courbes féminines. Avec le succès des « anges » de la marque Victoria’s Secret dans les années 1990, la silhouette en S revient de nouveau sur le devant de la scène.

La professeure Lan se souvient de l’arrivée en Chine de la vague de la silhouette en S au début des années 1990. Avant cela, la Chine avait connu pendant plus de deux millénaires l’hégémonie de la silhouette en H. En effet, les femmes se bandaient la poitrine et portaient des débardeurs en coton sous leurs vêtements.

La marque japonaise Wacoal ouvre sa première boutique en Chine en 1986 et avec elle, les normes de beauté de l’Occident arrivent sur le continent chinois : « Il fallait être sexy. Les mensurations dont on rêvait étaient le fameux 90-60-90. Dans notre dortoir, certaines se mettaient discrètement de la crème censée faire grossir les seins ». Toutefois, les brassières relancent aujourd’hui la tendance de la silhouette en H.

Le soutien-gorge « obus » de Marilyn Monroe

Défilé de lingerie de Victoria’s Secret

UNE SENSUALITÉ PRUDENTE

Hailey, 33 ans, est la directrice des marques et marchés de la marque NEIWAI. Face à cette nouvelle génération de femmes, il lui a fallu trouver une façon innovante de faire la promotion de ses produits.

En 2020, en fonction des mots-clefs « grosse », « senior », « cicatrice », « petite poitrine », « maman », la marque choisit des mannequins qui correspondent à chacune de ces catégories et affirme son message : « Aucune silhouette ne doit être oubliée ».

Hailey raconte : « NEIWAI est considérée comme une marque féministe mais ce n’est pas le cas. Nous avons seulement pour habitude d’emballer dans quelque chose de plus doux des points de vue avant-gardistes qui peuvent peut-être surprendre… Ce dont nous n’avons surtout pas envie, c’est de provoquer des conflits et une confrontation entre les deux sexes ».

Cette prudence est omniprésente chez toutes les marques de lingerie que j’ai pu rencontrer. Sexy mais pas trop, pour éviter tout conflit et pour convenir à tout le monde et correspondre à tous

les genres. « Diversité » est d’ailleurs le mot préféré de toutes ces marques.

Toutefois, l’appel unanime à la diversité ne manque pas d’engendrer une certaine lassitude. Hailey remarque que « les tendances convergent de façon très nette » et que toutes les marques, que ce soit de lingerie ou de cosmétiques, recherchent des physiques différents pour transmettre le même message : « Soyez vous-même et fière de l’être ».

« La première fois que j’ai entendu parler de diversité, j’ai trouvé cela intéressant. < En tant que consommatrice >, j’ai été attirée et inspirée, mais au bout d’un moment, je me suis demandé si, au contraire, ils n’étaient pas en train de se moquer des femmes, qu’ils proposaient un message qui me parlait dans le seul but de me faire acheter davantage », explique-t-elle.

Jusqu’où la diversité peut-elle aller ? En 2020, Calvin Klein est allée très loin en travaillant avec Jari Jones, une femme transgenre, lesbienne, noire et mannequin grande taille, considérée comme « le mannequin le plus politiquement correct de l’histoire ».

LES PERSONNES N’ONT PAS CHANGÉ, LES HISTOIRES NON PLUS

Le style des brassières est simple et facile à reproduire, de nombreuses marques se sont également lancées dans ce secteur. Toutefois, selon un spécialiste, « la concurrence est trop féroce et vire au cercle vicieux. Les modèles se ressemblent de plus en plus. Sans le logo, est-ce que l’on pourrait vraiment distinguer le produit d’une marque à une autre ? »

« Avec un tel afflux de produits similaires, le marché des sous-vêtements en Chine va devenir trop homogène » : selon Yu Xiaodan, styliste de sous-vêtements, la Chine a toujours manqué de personnel techniquement spécialisé. Ces talents devaient toujours être formés à l’ancienne par des entreprises ou des artisans étrangers.

Pour elle, si le marché se désintéresse dès aujourd’hui de la recherche et de l’innovation sur les soutiens-gorges aux formes plus complexes, « la capacité technique va s’affaiblir de plus en plus et il est possible qu’il n’y ait plus personne capable de faire des patrons de modèles avec des armatures à courbes ou même

De gauche à droite : NEIWAI, Ubras et Bananain sont les marques de sous-vêtements les plus prisées en Chine à l’heure actuelle

personne, tout simplement, capable de faire les finitions de couture ».

Ce type de brassière, contrairement à ce que la publicité en dit, ne convient pas non plus à tout le monde. Yao Yao, avec son 80D, en a porté quelque temps mais s’est rendu compte que le maintien n’était pas suffisant, les seins tombant même un peu. Les filles plus menues, quant à elles, ne remplissent pas le bonnet et la brassière remonte sans cesse.

« Tout le monde avait commencé à en porter par curiosité. Celles à qui le produit a plu sont celles qui ont un gabarit qui se situe dans la moyenne. Pour celles qui ont une poitrine plus généreuse ou au contraire, celles qui sont plus menues, le porté n’est pas agréable ». Une spécialiste du secteur, qui mène des études de marché, remarque : « la ‘taille universelle’

devrait être simplement une catégorie de produits, et pas un argument de vente ».

« Le corps humain trouve sa richesse dans sa diversité, les soutiens-gorges se doivent d’être tout aussi variés. Personne n’a exactement les mêmes deux seins. Les femmes ont aussi souvent des maux et des besoins particuliers à prendre en compte, qu’on ne peut résoudre qu’en proposant des soutiens-gorges avec un meilleur maintien ».

La professeure Lan évoque une autre tendance, née dans les années 2010 : « La tendance générale est au confort et à la recherche de la liberté », mais en parallèle, des nouveaux concepts tels que la « taille A4 » ou le « derrière en forme de pêche » font fureur. Les angoisses vis-àvis de son propre corps n’ont jamais cessé. Seulement, aujourd’hui, le regard

n’est plus porté sur la poitrine mais sur la taille et les hanches.

Cheng-zi se préoccupe toujours autant de son apparence. Avec ses 50 kilos et sa silhouette svelte, elle a pourtant l’impression d’être un ballon et son poids fait souvent le yoyo. Elle adore les fondues mais regrette d’y avoir succombé à chaque fin de repas.

Même si elle finit le travail tard dans la nuit et rentre épuisée, elle ne déroge jamais à sa séance de squats, son shiba dans les bras. Pour elle, il serait inacceptable de se laisser aller : « Hors de question de devenir trop grosse ».

Comme le fait remarquer le Professeur Lan, « quand on dit vouloir ‘être soi-même’, ce qu’on veut vraiment dire, c’est vouloir ‘être la version parfaite de soi-même’ ».

En Couverture

RETOUR À LA VIE SAUVAGE: L’APPEL DE LA NATURE PENDANT LA PANDÉMIE

Par Ni Wei

Cet été monotone, les voyages et les dîners risquent d’être annulés à tout moment en raison de la pandémie. Comme alternative au voyage, les sports de plein air traditionnels émergent dans les campagnes et montagnes aux alentours des villes. Ils ne sont plus réservés aux passionnés et attirent les citadins ordinaires. Randonnée, alpinisme, cyclisme, escalade, pêche, trekking, sans oublier camping et pique-nique... On ne compte plus les « débutants » qui n’ont jamais goûté aux joies du grand air et qui, à l’été et au printemps, se sont équipés et ont revêtu leur tenue de sport pour partir à l’assaut de la nature sauvage aux abords des villes.

SI TU NE PÉDALES PAS MAINTENANT, QUAND EST-CE QUE TU T’Y METTRAS ?

Fin mai, Huang Guosun a fait le tour du réservoir des Tombeaux des Ming, à la périphérie de Pékin, à vélo. Son objectif principal était de s’entraîner à grimper des côtes. Ce parcours de cent kilomètres était « désespérément » douloureux. C’était sa première expérience de la grimpe, d’autant qu’il ne s’était mis au vélo qu’un mois auparavant. Il n’aime pas du tout le cyclisme.

Pour lui, le vélo n’est qu’une alternative à la musculation. En mai, la salle de sport a fermé pour raisons sanitaires. Afin d’occuper son temps libre et de continuer à s’entraîner, il s’est donc mis au cyclisme.

À Pékin, le cyclisme a le vent en poupe depuis le mois d’avril. Ce mois-là, Shanghai a été confinée à cause de l’épidémie de Covid-19. Le sentiment d’oppression lié à l’impossibilité de se déplacer a fait tache d’huile sur le net. En mai, de plus en plus de quartiers de Pékin ont eux aussi été confinés. Les centres commerciaux ont fermé, les spectacles ont été annulés, les parcs et les aires de jeux n’ont plus ouvert, les restaurants sont restés portes closes, les écoles ont suspendu leurs cours... Dans la communauté des cyclistes on dit souvent ceci : « si tu ne pédales pas maintenant, quand est-ce que tu t’y mettras ? » Craignant d’être confinés à leur tour, ils ont alors arpenté les routes tant que cela était possible.

« Je pense que les sports en plein air vont attirer de plus en plus de monde. Il existe tellement de façons de se faire du bien qui n’ont pas encore été pleinement développées. La randonnée, l’escalade, le camping, le cyclisme, le cross, le surf, la plongée, la voile, le stand up paddle, le canoë, l’escalade de bloc ou de rocher, le ski,

la pêche, le golf, l’équitation... » Tout en nous parlant de son commerce, Li Xuan déballe un nouvel arrivage de cannes à pêche et les met en rayon. Son magasin d’articles de plein air, James outdoorlife, est situé dans la zone de libre-échange de Tianzhu, dans le district Shunyi de Pékin. Il est spécialisé dans les équipements de camping et étend désormais son activité à la pêche et à la randonnée. Nous sommes l’après-midi du 1er juin et en l’espace d’une heure, quatre groupes d’amis sont venus dans son magasin pour se renseigner sur les différents matériels.

Lin Hong a aussi connu le magasin grâce à des amis. Après l’épidémie, ils ont pris l’habitude de se retrouver régulièrement en périphérie de Pékin, si bien qu’elle et sa famille ont déjà acheté une tente « deux chambres », deux matelas, une table et des chaises pliantes, un réchaud pour un coût total de près de 10 000 yuans (1 450 euros). Cette fois-ci, ils viennent chercher des chaises plus confortables. Bien qu’ils aient déjà pratiquement rempli leur SUV de ces articles, Lin Hong veut encore acheter un réfrigérateur de voiture. « Nous n’avons pas investi dans une maison en banlieue. Avec tout cet équipement, c’est un peu comme si nous avions un T2. Quand on voit les

En octobre 2020, à 4 700 mètres d’altitude, sur la crête du Lac aux cinq couleurs de la réserve naturelle Daocheng Yading, dans la préfecture autonome tibétaine de Garzê, dans le Sichuan

choses comme ça, c’est plutôt une bonne affaire », dit-elle avec un sourire.

Il s’agit d’une famille typique de la classe moyenne. Elle et son mari travaillent comme enseignants à l’université et ont l’habitude d’effectuer des voyages réguliers à l’étranger. La conjoncture économique florissante a entraîné un désir croissant d’une amélioration de leur qualité de vie. Mais l’épidémie est venue tout perturber et a anéanti les projets de déplacements. Depuis, les activités de plein air en banlieue sont presque devenues la norme dans la vie de la classe moyenne.

« En apparence, il s’agit de camping et de barbecue, mais à y regarder de plus près, cela reflète les besoins psychologiques de se réunir en famille et entre amis le week-end. Ainsi, les activités de plein air traduisent le besoin de tout un chacun d’explorer le monde ». Li Xuan conclut : « Ces besoins ne sont pas volatils, ils sont profondément ancrés en nous ».

L’EN PLEIN AIR OU LA QUÊTE DE LIBERTÉ, DE SOLITUDE ET D’INTERACTION

Le 17 mai, Zhang Qingyang a gravi le premier sommet enneigé de sa vie, la montagne de neige de Haba, dans le Yunnan, culminant à 5 396 mètres. Âgée de 37 ans, elle vit à Shenzhen avec son fils de 9 ans et travaille comme responsable des ressources humaines dans une société Internet. La météo était vraiment désastreuse ce jour-là. Même si le guide a dit qu’il était rare d’avoir un si mauvais temps, elle était déterminée à tenter l’exploit. Lors de ses deux précédentes expéditions en monts enneigés, elle s’était arrêtée à un peu moins de 5 000 mètres d’altitude et cette fois, elle voulait dépasser ses limites.

Dans les dernières centaines de mètres, ses partenaires de cordée ont rebroussé chemin les uns après les autres. Le facteur décisif était les gants. Les leurs étaient trempés à cause de la glace et ils risquaient d’avoir les mains gelées s’ils continuaient. En plus des deux paires de gants standard, une épaisse et une fine, Zhang Qingyang avait apporté une paire supplémentaire de gants épais, qu’elle avait gardée pour atteindre le sommet. Parmi les cinq personnes du groupe, elle est la seule à avoir atteint le panneau de bois sur lequel est gravé « 5 396 mètres ».

L’alpinisme est l’un des sports de plein air les plus emblématiques. L’alpinisme, les traversées et la randonnée, nés de l’exploration et de la recherche scientifique en Europe du XVIIIème siècle, ont ouvert la voie aux sports en plein air modernes. La Chine a créé son équipe nationale d’alpinisme en 1956 afin de réaliser l’ascension du mont Everest. Cependant, les équipes d’alpinisme privées n’ont vu le jour que dans les années 1980 et les sports en plein air populaires chinois n’existent que depuis une trentaine d’années.

À Shenzhen, l’alpinisme est devenu un sport populaire. Bien qu’il n’y ait pas de montagnes de mille mètres d’altitude autour de la ville, l’association d’alpinisme et de sports en plein air de Shenzhen a regroupé après l’épidémie les dix sommets alentour autour du concept des « 10 sommets de Shenzhen » déclenchant ainsi un engouement massif pour l’alpinisme. Plus de 330 000 personnes se sont déjà inscrites dans l’application dédiée WeChat. Les dix sommets de Shenzhen abritent aussi une troupe de scouts remarquable. De nombreux parents amènent leurs enfants pour qu’ils escaladent les montagnes et des entreprises organisent des activités d’alpinisme réservées aux enfants. Le fils de Zhang Qingyang, âgé de 9 ans, a déjà gravi les dix sommets et, maintenant, il retrouve souvent en montagne ses camarades, qui étaient autrefois séparés pour prendre leurs propres cours de soutien périscolaires.

L’intérêt porté aux sports en plein air suite à l’épidémie n’est pas qu’un simple enthousiasme soudain pour la nature. Il s’agit avant tout d’un attachement à la li-

berté de mouvement et d’une réponse aux besoins sociaux refoulés.

Pour Zhang Qingyang, l’une des caractéristiques de la liberté est la solitude. Les sports en plein air sont un voyage ascétique, où l’on ne peut parler qu’à soimême et où l’on ressent ses changements intérieurs en surmontant les difficultés.

Le plein air lui a vraiment permis de se sentir forte. « Lorsque vous atteignez des objectifs apparemment impossibles, grâce à une préparation complète et à une volonté de fer, votre pouvoir est bien réel ». En tant que responsable de niveau intermédiaire d’une grande société Internet, elle a rencontré de nombreuses tâches difficiles ces dernières années et a besoin de retrouver son énergie intérieure.

Pour d’autres, c’est exactement le contraire et l’une des motivations de la pratique en plein air est la socialisation.

Depuis une dizaine d’années, les activités de divertissement social pour les jeunes n’ont cessé d’évoluer. Au début, il s’agissait de l’invariable « dîner + karaoké ». Puis, les activités d’intérieur comme les jeux de société, les escape games ou les murder parties ont remplacé les soirées musicales. Aujourd’hui, l’épidémie et les réseaux sociaux ont popularisé les sports en plein air. Xue Ling, fondatrice du club de cyclisme Tangfen de Pékin, se targue que huit couples se sont formés au sein de son centre.

NUL NE DOIT IGNORER LE DANGER

L’afflux soudain d’un grand nombre de novices dans le milieu des sports en plein air a provoqué une joie mitigée chez les amateurs chevronnés. Ils s’inquiètent

Le 16 avril 2022, le Club de cyclisme Tangfen grimpe à Yanqizhen, Pékin

en effet des problèmes de sécurité.

De plus en plus d’amateurs du plein air désireux de prendre des photos et des vidéos avec des filtres attirent les « novices » vers la nature sauvage, mais aussi à la limite du danger. L’année dernière, dans la montagne Qiniang, à Shenzhen, un alpiniste a chuté d’une falaise de 100 mètres de haut, alors qu’il prenait tous les risques pour quelques photos. L’équipe de secours a mis deux jours pour retrouver le corps. Xie Xiaojun, entraîneur senior de l’Association d’alpinisme et de sports en plein air de Shenzhen, faisait partie de l’équipe de secours. Il déteste la pratique de l’alpinisme dans le seul but de ramener

des photos. « Une photo vous montre le plus beau côté, mais elle ne vous dit pas quels dangers il a fallu traverser pour prendre le cliché, ni combien de personnes sont tombées ». Son équipe de secours effectue jusqu’à 30 à 40 sauvetages par an.

Le danger du cyclisme, c’est la vitesse. Que ce soit sur une route de montagne ouverte ou dans une ville bondée, le plaisir et les risques de rouler à grande vitesse sont indissociables. Dans les pentes de montagne, les cyclistes chevronnés peuvent atteindre les 80 km/h, soit la vitesse maximale autorisée pour les voitures sur le périphérique pékinois. Un débutant

prudent peut facilement atteindre les 30 à 40 km/h.

Xue Ling rappelle que les vélos à vitesse variable sont bien plus dangereux que les vélos ordinaires : « Si vous ne développez pas de mémoire musculaire, quand vous roulez à grande vitesse, vous pouvez perdre le contrôle, percuter une voiture ou vous faire renverser ». De plus, la voirie urbaine ne prend pas toujours en compte les besoins des cyclistes. Les voies vertes construites spécifiquement pour le loisir excluent souvent les vélos.

Yang Xinmiao, directeur adjoint de l’Institut de recherche sur les transports de l’Université Tsinghua, s’est entretenu avec les autorités compétentes il y a quelques années et a constaté que le consensus de l’époque était que les voies vertes ne servent qu’à la marche et aux loisirs. La situation évolue depuis deux ans. Par exemple, le district de Chaoyang à Pékin construit 138 km de voies vertes à travers des parcs, accessibles aux vélos. « La politique de 80 000 km de voies vertes récemment publiée par les ministères et commissions prévoit la pratique du vélo, mais il faut bien sûr que davantage de ministères la soutiennent », a-t-il déclaré à Vision Chine.

Une préparation adéquate, des efforts mesurés et une progression graduée sont les règles que les novices doivent suivre s’ils veulent s’initier aux activités en plein

En octobre 2021, Zhang Qingyang randonne sur le versant nord des monts Meili Xue En mai 2022, voici l’équipement de Zhang Qingyang pour gravir la montagne de neige de Haba, dans le Yunnan. C’est la première fois qu’elle atteint un sommet, en trois ans d’alpinisme

En juillet 2019, campement de 2 jours et 1 nuit au mont Rinjani, en Indonésie. Lever à 3 heures du matin pour atteindre le sommet du volcan, à 3 200 mètres d’altitude

air. Bien qu’il dirige sa propre entreprise d’équipements en plein air, Li Xuan ne prône pas le « tout équipé ». Il estime que la culture actuelle du plein air présente encore des signes évidents d’un phénomène d’imitation. « Franchement, il n’est pas nécessaire d’acheter une tente haut de gamme. On peut très bien faire un pique-nique sur une bâche en plastique. Dans la rue Chang’an, nombreux sont ceux qui louent des vélos en libre-service pour une balade nocturne et ça ne les empêche pas de s’amuser ».

Aujourd’hui, la culture en plein air est

dominée par quelques sports venus de l’Occident. Il faut savoir que l’apparition et la domination de ces sports et styles de loisirs sont directement liées à l’environnement naturel, au développement des sociétés et même à la spiritualité du lieu et de l’époque. En Europe, les activités de plein air sont une extériorisation de l’esprit d’aventure. Aux États-Unis, le camping est directement motivé par la popularité des caravanes. Au Japon, l’affinité pour les tentes est le résultat direct des techniques de survie développées pour faire face aux catastrophes fréquentes.

Le plein air est censé être un espace infiniment vaste et, dans la tradition chinoise, il peut également être rattaché à une proximité naturelle avec la montagne, les cours d’eau et la campagne. Mo Keli, experte en voyages culturels et fondatrice d’Aesthetec Lab, s’attend à ce que la Chine puisse elle aussi développer des manières d’être en plein air propres aux Chinois, comme la cueillette ou le travail. Elle propose cela en souriant, « parce que nous venons d’une société agraire et que le travail nous procure un sentiment d’intimité et de sécurité ».

En juin 2022, cyclisme dans les gorges Baihe du réservoir Miyun de Pékin. La température atteignait les 33 degrés

Le 12 juin 2022, le club de randonnée de Pékin a organisé une randonnée sur la section Huajiayaozi de la Grande muraille

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Par Li Jing

LE FRISBEE : UNE « UTOPIE » DE DEUX HEURES

Les frisbees de 27,2 cm de diamètre envahissent les terrains de foot, les parcs municipaux et comblent le temps libre de la classe moyenne urbaine. Avec près de 2 000 membres, le Club des partenaires de frisbee de Pékin ne peut accueillir que 25 à 30 personnes par événement et chaque fois que l’application du club ouvre des inscriptions, elles se remplissent instantanément.

L’année dernière, plus de soixante nouveaux clubs de frisbee ont vu le jour rien qu’à Shanghai et Pékin. L’entraîneur de frisbee de Canton, Tan Shunsheng, a estimé qu’auparavant, seules mille ou deux mille personnes avaient déjà pris un frisbee en main à Canton, alors qu’aujourd’hui, c’est cinq fois plus. Un autre entraîneur a ajouté que « le marché du frisbee n’est pas chaud, il est torride ».

Selon le Comité national de promotion du frisbee, la Chine comptait 500 000 joueurs amateurs de frisbee en 2021. D’après le « Top 10 des tendances lifestyle 2022 » publié par RED, la plus grande communauté de partage de styles de vie en Chine, la quantité de contenus liés au frisbee a été multipliée par six au cours de l’année écoulée.

Zhao Ran, directeur général du centre de marketing de la plateforme de

voyage Mafengwo, a expliqué à Vision Chine qu’avec la normalisation de la prévention des épidémies en Chine, les jeunes avaient fait évoluer leurs envies de voyage vers des loisirs locaux, donnant naissance à un certain nombre de sports tendance comme le frisbee, le flag football, le ski sur herbe, le surfskate ou le spikeball, à la fois amusants et parfaitement intégrés à leur vie quotidienne. Accessible à tous, sans danger, photogénique et peu onéreux, le frisbee permet une forte interaction sociale et est ainsi la star incontestée de ces nouveaux loisirs.

Le 7 juillet, l’Administration générale des sports de l’État chinois a publié un avis pour organiser la première Ligue chinoise d’ultimate frisbee au second semestre 2022.

LA CULTURE DU FRISBEE

Fin mai 2022, à 20 heures, le calme n’est pas encore tombé sur le terrain de foot du complexe sportif Wanshengwei de Canton. Le gazon vert y est éclairé comme en plein jour. Une zone d’en-but longue et étroite a été tracée à chaque extrémité du terrain et les deux équipes ont déjà commencé à s’affronter. Avant le début du match, l’entraîneur a rappelé les règles de l’Ultimate frisbee : chaque joueur qui ré-

ceptionne le frisbee doit rester en position (il est autorisé à faire un pas de recul à la réception), mais il ne peut pas se déplacer avec le frisbee. Il doit le lancer à ses coéquipiers. L’objectif est de recevoir le frisbee dans la zone d’en-but adverse et ainsi marquer des points. Quand le frisbee est lancé, s’il touche le sol, il passe en possession adverse.

Yongguang

Contrairement aux sports collectifs traditionnels, le frisbee affiche un certain style civilisé et une certaine élégance. Il n’y a pas d’arbitre, pas de contact physique et les hommes et les femmes peuvent s’affronter sur un même terrain.

La règle la plus élémentaire du frisbee, à savoir ne pas courir après réception du disque et le lancer à un coéquipier sans changer de position, donne le ton de ce sport. Le frisbee met davantage l’accent sur la coopération que sur l’héroïsme individuel. « Au basket, un Mickael Jordan, un Kobe Bryant ou un LeBron James peut à lui seul faire basculer le match. Ceci est très peu probable au frisbee », explique Liu Hao, un cadre de Shanghai.

L’INDUSTRIE DU FRISBEE

Le frisbee est né aux États-Unis au XXème siècle, lorsqu’un groupe d’étudiants a lancé des moules à tarte de la

Xu

Dans le cœur des amoureux du frisbee, le frisbee n’est pas qu’un sport. Il porte en lui l’idéal ultime : une utopie de deux heures en dehors de la vie réelle.

Frisbie Pie Company pour s’amuser. Ils ont alors découvert que l’objet pouvait voler dans les airs en douceur et sur une longue distance. Puis, les disques métalliques étant trop dangereux, ils ont été remplacés par des disques en plastique. Voilà comment le frisbee est devenu populaire en Europe et en Amérique, où une dizaine de façons de jouer ont été inventées. En 1968, l’Université Columbia du New Jersey, aux États-Unis, a établi les règles de l’Ultimate frisbee, à une époque où le mouvement des droits civiques était à son apogée et où les revendications des droits des Noirs et des autres minorités, ainsi que des droits des femmes, prenaient une importance croissante. Les règles de l’Ultimate frisbee et l’esprit du frisbee sont nés dans ce climat social de quête de justice et d’égalité et se sont perfectionnés dans les années 1970.

Au début de la période de réforme et d’ouverture, le frisbee a brièvement été populaire en Chine. À cette époque, la diffusion en Chine de la série phénomène américaine « L’Homme de l’Atlantide » a importé dans le pays les tendances des

lunettes aviateurs, des jeans et du frisbee. Le frisbee s’appelait alors « soucoupe volante » et était un jeu de lancer. Il s’apparentait davantage à un jouet et tomba dans l’oubli aussi vite qu’il était apparu.

Au XXIème siècle, l’Ultimate frisbee est devenu un sport collectif répandu sur les campus occidentaux. En 2001, l’Ultimate frisbee a officiellement été inscrit aux Jeux mondiaux. C’est également vers l’an 2000 que l’Ultimate frisbee a été introduit pour la première fois en Chine en tant que sport officiel par un groupe d’étrangers travaillant dans des entreprises elles-aussi étrangères. Ils ont créé le club d’Ultimate frisbee « Les grenouilles de Shanghai » à Shanghai et le club Big Brother à Pékin. Xu Mengkai, ancien entraîneur de l’équipe nationale des jeunes de frisbee, et Zhang Kun, chef du Club des partenaires de frisbee de Pékin, se sont intéressés à ces étrangers et ont ainsi découvert l’Ultimate frisbee. Ils ne s’attendaient pas à ce que vingt ans plus tard, en raison d’une pandémie, le nombre de joueurs et de clubs explose.

Le club de Xu Mengkai organise des

rencontres communautaires de frisbee, limitant le nombre de participants à 24 personnes. Les frais d’inscription sont de 120 yuans par personne (17,4 euros). Une fois les 1 500 yuans (217,5 euros) de location de terrain et les frais d’entretien et d’exploitation payés, il reste 580 yuans (84 euros) par match. Une dizaine de matchs sont organisés chaque semaine. « En fait, nous organisons ces matchs sur une base semi-caritative, car nous cherchons surtout à promouvoir ce sport », explique Xu Mengkai à notre journaliste.

Les bénéfices économiques du frisbee sont encore limités et de nombreux clubs sont livrés à eux-mêmes pour attirer les licenciés. Liu Hao a même constaté que certains clubs mettent l’accent sur le côté tendance et s’appuient sur l’esthétisme de leurs maillots et de jolies photos pour que les blogueurs soient nombreux à s’inscrire.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup de joueuses arborant un pantalon de yoga et un maquillage sophistiqué sont accusées d’être des « poupées frisbee », « jouant au frisbee juste pour prendre des photos

Match organisé par le Club des partenaires de frisbee de Pékin

PHOTO de CNS

Certaines marques de luxe ont lancé des frisbees à leur effigie

Le frisbee est un sport populaire auprès des femmes, mais certaines filles instrumentalisent le frisbee pour afficher leur corps parfait et leur maquillage soigné. On s’imagine qu’elles font plus cela pour attirer l’attention que par amour du sport

Flag football

Stand up paddle

dans des poses équivoques ».

Le 20 mai 2022, le média indépendant Sanbiao1984 a publié l’article « Vous jouez au frisbee ? Vous avez envie de son corps ! », questionnant le fait que le frisbee ne soit qu’un outil de socialisation entre les deux sexes. « Le frisbee est ‘’l’élu’’ de notre époque. Il combine de nombreux éléments pionniers comme la socialisation, le flirt, la déconnade et l’exhibition de fessiers rebondis, mais cela n’a rien à voir avec du sport ».

Un grand nombre de contestations et de défenses du frisbee ont suivi, et Diu Diu les dédaigne. Enseignante dans un institut de formation, Diu Diu était membre de l’équipe de frisbee de son université.

Avant chaque match, elle et ses coéquipières se déguisaient et étaient la cible de remarques comme : « Mais pourquoi les filles de l’école sont-elles si flamboyantes ? » Elle ne l’a jamais pris personnellement. Aujourd’hui, Diu Diu est membre d’une équipe féminine de compétition. Même si le match est à 8 heures du matin, elle se prépare au moins trente minutes plus tôt. « Je ne vois pas en quoi se pomponner aurait un lien direct avec le frisbee. Je me fais jolie parce que j’ai toujours aimé prendre soin de moi ».

Ceux qui aiment vraiment le frisbee souhaitent qu’il gagne en popularité, mais ils craignent également qu’après avoir été étiqueté de sport « tendance » et « viral », il soit difficile de maintenir sa « pureté ».

L’ESTHÉTIQUE DU VOL PLANÉ

« Il faut encore dissiper les idées fausses qu’a le public sur ce sport ». Un passionné de frisbee présage que les Jeux mondiaux 2025 qui se tiendront à Chengdu réuniront les meilleures équipes de frisbee du monde. « Alors, tout le monde pourra voir la beauté de l’Ultimate frisbee de compétition ».

Ceux qui aiment vraiment le frisbee souhaitent qu’il gagne en popularité, mais ils craignent également qu’après avoir été étiqueté de sport « tendance » et « viral », il soit difficile de maintenir sa « pureté ». D’après eux, le frisbee n’est pas un sport qui repose uniquement sur la force physique, il fait appel à la sagesse et au courage. Le fait qu’il se joue en extérieur, qu’il aide à sociabiliser et qu’il soit accessible à tous ne sont que les attraits externes qui ont rendu le frisbee populaire. Son véritable charme, celui qui a attiré les joueurs sur les terrains et a étendu sa diffusion au monde entier, est l’esprit de liberté, d’égalité et de respect mutuel qu’il incarne.

D’après les statistiques de Mafengwo et de certains clubs, la majorité des licenciés qui participent à des événements de frisbee ont entre 25 et 35 ans. Après une semaine de travail intensif dans leur entreprise, ils ont un besoin urgent de se ressourcer et de prendre l’air, même si cela ne dure que deux heures. Le moment où le frisbee plane lentement dans l’air est d’une beauté sans égale. Le temps semble s’arrêter et l’on goûte à une liberté à mille lieues de toute obligation.

Le soir du 27 mai, deux équipes de jeunes disputent un match de frisbee dans un stade de Chengdu, dans le Sichuan

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LE CAMPING CHIC : RUSTIQUE ET CONFORTABLE À LA FOIS

Par Wang Yu et Ni Wei

Quand Susu sélectionne la catégorie « loisirs », la plateforme RED lui recommande systématiquement le camping..

Susu est mère de trois enfants. Avant la pandémie de Covid-19, elle et son mari avaient l’habitude d’emmener leurs enfants en vacances en Chine au moins deux fois par an, mais cette année ils n’ont eu d’autre choix que de rester à Wuhan suite au rebond épidémique.

Ville la plus touchée par la pandémie en 2020, Wuhan continue d’être impactée. Ses habitants sont réticents à l’idée de passer davantage de temps dans les espaces publics et les aires de jeux des

centres commerciaux sont délaissées par les parents. La situation bouleverse Susu : « Les enfants ne peuvent pas rester enfermés à la maison tout le temps, ils ont besoin de sortir s’amuser ».

La commodité et le confort sont des conditions nécessaires à un séjour familial réussi. En parcourant les commentaires liés au camping, sur le réseau social Xiaohongshu (RED), Susu a découvert que les campings standards sont équipés de douches, de toilettes, de réfrigérateurs et sont reliés à l’électricité. Ces infrastructures l’ont immédiatement séduite car, avec seulement quelques équipements de base, elle allait pouvoir emmener ses en-

fants au-delà du parc, jouer plus longtemps et même y passer la nuit.

Après s’être retenus si longtemps, les enfants avaient désespérément besoin de vivre de nouvelles expériences, alors Susu a immédiatement commencé ses achats sur une plateforme d’e-commerce. Elle ne s’est pas référée aux conseils de RED et a choisi elle-même une tente, un auvent, deux chaises, un matelas pneumatique, un réchaud et un bateau gonflable.

UNE « ÉDUCATION AU CAMPING »

Susu n’était pas consciente que ses choix de consommation étaient le fruit d’une « éducation au camping » dispensée

Le 18 juin 2022, vue de nuit du camping de la Mer de fleurs Wanjuanshutai, dans le district Nanchuan de Chongqing

par des entreprises et des passionnés aguerris via les plateformes de partage d’expériences comme RED. À partir du moment où elle a voulu s’essayer au camping, il lui a semblé naturel que cela soit du glamping, avec ses grandes tentes, son équipement complet, ses activités de faible intensité, ses expériences douillettes et ses couleurs neutres.

En réalité, le camping moderne, né en Europe et aux États-Unis au XIXème siècle, était à l’origine du camping sauvage. C’était le prolongement des activités de voyage de randonnée et de survie en pleine nature. Le campement était souvent établi dans des environnements na-

turels extrêmes, variés et préservés tels que des montagnes perdues, des sommets enneigés, des forêts ou des déserts. Les tentes et autres équipements étaient conçus pour être résistants au vent, chauds, sécurisés, légers et faciles à identifier en cas de sauvetage.

Le glamping, contraction des mots « glamour » et « camping », n’est apparu en Europe, en Amérique et au Japon que dans les années 1990. La crise financière limitait les voyages à l’étranger et les consommateurs cherchaient alors de nouvelles façons de passer leurs vacances. L’augmentation du nombre de ménages possédant une voiture et la hausse de leur

revenu disponible a conduit les consommateurs japonais à délaisser le camping sauvage traditionnel pour le « camping en voiture ». En 2015, alors que le PIB par habitant du Japon était de 40 000 US dollars, le glamping, cette forme de camping plus sophistiquée et luxueuse pratiquée dans des infrastructures plus modernes, a commencé à se démocratiser.

Comparé au camping traditionnel, le camping chic privilégie davantage d’équipement, d’ambiance et de confort. Afin de créer une atmosphère « comme à la maison », certains campings proposent ainsi des équipements et des emplacements « clé en main », permettant aux utilisateurs de vivre une expérience de camping raffinée, sans s’embarrasser du moindre équipement. Les prix par personne varient de 500 à 1 000 yuans la nuit (72,5 à 145 euros), transport, repas, hébergement, tente, auvent, poisson frais, feu de camp, barbecue et fondue compris.

Mais il ne s’agit là que des standards de base du camping chic. La version avancée du camping bobo propose des

Susu n’était pas consciente que ses choix de consommation étaient le fruit d’une « éducation au camping » dispensée par des entreprises et des passionnés aguerris via les plateformes de partage d’expériences comme RED.

chalets, des ciels étoilés, des camping-cars, des festivals de musique... pour 3 000 à 5 000 yuans la nuit (435 à 725 euros). Rien qu’en levant les yeux, vous pourrez admirer la voie lactée, lové dans une tente-dôme transparente. Vous vivrez entouré d’une prairie sans fin et serez bercé par l’eau du ruisseau. Qui pourrait résister à ces cadeaux de la nature?

Il existe également des hôtels de luxe sauvages, ouverts uniquement dans des zones touristiques comme à Shangri-La, au Xinjiang ou au Tibet, dont le prix est pratiquement le double. Vous y goûterez aux joies du camping, tout en vivant une nouvelle expérience du paradis. Dans une tente américaine vintage de couleur crème, au son nostalgique d’un Marshall, sur un tapis d’inspiration marocaine, libre à vous de déguster un verre de vin tout en prenant un bain ou de prendre le “Petit-déjeuner chez Tiffany” avec le ciel bleu parsemé de nuages blancs en arrière-plan.

« L’ÉQUIPEMENT EST UN PUITS SANS FOND »

La concurrence entre les hôteliers étant de plus en plus féroce en termes d’expériences de confort, les touristes qui ne cherchaient au début qu’à profiter de la nature sauvage s’engagent davantage sur la voie du camping chic.

Susu avait initialement prévu un budget d’environ 1 000 yuans (145 euros) pour ses premiers équipements de base. Débutante, elle connaissait peu les grandes marques étrangères et s’est naturellement tournée vers les marques nationales les plus vendues ayant un bon rapport qualité-prix. Une chaise pliante de la marque Snow Peak peut coûter de 1 800 à 2 000 yuans (de 261 à 290 euros), tandis que celles vendues par la marque nationale Naturehike peuvent coûter six fois moins cher, soit moins de 300 yuans (43,5 euros). Cependant, lorsqu’elle a réglé la facture, elle a constaté que la tente et l’auvent lui avaient coûté à eux seuls plus

de 1 000 yuans (plus de 145 euros) et qu’elle avait dépensé plus de 3 000 yuans au total (plus de 435 euros).

Et ce n’était que le début, après avoir campé plusieurs fois, Susu s’est rendu compte qu’elle n’aimait pas les tentes dans lesquelles elle ne tient pas debout. Elle a donc très rapidement changé de modèle. Après moins d’un an de camping familial, elle a déjà investi près de 30 000 yuans (4 350 euros) pour actualiser et améliorer son matériel.

Zihang a fait ses premières expériences de camping il y a six ans, alors qu’il étudiait au Canada. Les parcs municipaux, les petits bois, les prairies proches des écoles ou les parcs forestiers nationaux sont autant de sites de camping gratuits où les gens dressent toutes sortes de petites tentes pratiques pour prendre du bon temps. Les amis se réunissent souvent et « naturellement, c’est comme dormir à la maison, sauf que le lit se trouve à l’extérieur ».

Le 18 mai 2022, le représentant d’une entreprise d’équipements outdoor du district de Beilun, à Ningbo, dans le Zheijiang, vend ses produits en direct sur Internet

Après son retour en Chine, la passion de Zihang pour les loisirs de plein air a persisté. Les amateurs tout-terrain prêtent plus attention aux performances de leur matériel de camping qu’au prix ou à la marque. Quelle que soit l’énergie que vous déployez à la préparation de votre matériel, vous ferez inévitablement face à des imprévus ou des gelées. Le camping sauvage exige donc de la préparation et de

l’investissement et n’est pas accessible à tous. En octobre dernier, Zihang, alors âgé de 24 ans, avait une grande expérience du camping sauvage et quand il a été attiré par la tendance chinoise du glamping, il a eu l’impression de jouer à un jeu complètement différent.

Contrairement au camping sauvage, qui reste une activité annexe, dans le camping chic ou « camping aménagé », le

camping est l’activité centrale en soi. Outre le confort, il met l’accent sur les rituels visuels et l’esthétique photographique. La marque de camping chic Nordisk, par exemple, a tendance à concevoir des teintes neutres pour se fondre harmonieusement dans le paysage.

L’extrême légèreté et la portabilité sont les critères favorisés pour le choix de tentes de randonnée. À l’encontre, les

La « fièvre du camping » a stimulé les ventes de tentes, d’auvents, de tables et de chaises pliantes et d’ustensiles de cuisine en plein air

tentes de camping de luxe doivent être suffisamment grandes pour que l’utilisateur puisse se tenir debout et se mouvoir librement. Une tente de plus de dix kilos est parfaitement normale en camping de luxe mais totalement inconcevable en camping traditionnel.

Les toiles intérieures, les toiles extérieures et les tapis de sol résistants à l’humidité sont souvent vendus séparément

pour les tentes de camping de luxe et l’ensemble coûte généralement plus de 10 000 yuans (1 450 euros). Si vous préférez les grands espaces, il n’est pas rare qu’une tente coûte entre 40 000 et 50 000 yuans (entre 5 800 et 7 250 euros). Un auvent de marque découpé dans une seule pièce de tissu coûte quant à lui plus de 2 000 yuans (290 euros).

De plus, les tentes et auvents Nordisk ne suffisent pas. Pour composer une atmosphère onirique et recréer un confort comme à la maison, il faut les associer à d’autres équipements de qualité, comme une table pliante de la marque japonaise Hang Out, des tasses et des casseroles de pique-nique Snow Peak, des transats DOD, un seau à glace isotherme de la marque américaine Stanley, un petit ventilateur de la marque coréenne Cargo Container, une lanterne portative de la Déesse de la lune Claymore et des lampadaires vendus séparément et pourtant indispensables.

Profiter de la nature, suivre les tendances pour découvrir de nouveaux modes de vie et favoriser les relations familiales et amicales sont autant de raisons pour lesquelles Zihang s’est essayé au camping chic. Selon l’ « enquête sur les consomma-

teurs de camping en Chine en 2021 », réalisée par iiMedia Research en octobre 2021, ce sont également les trois principaux objectifs du camping pour les utilisateurs.

La catégorie « camping familial » dont Susu fait partie est l’un des moteurs de croissance les plus forts du marché du camping. Selon iiMedia, le critère « famille » est le nouvel élément que les consommateurs de camping chinois attendent avec le plus d’impatience. En 2021, 62,8% des utilisateurs ont choisi de camper en famille, le camping familial est ainsi devenu la forme de camping privilégiée.

LA FIÈVRE DU PLEIN AIR EST-ELLE UN FEU DE PAILLE ?

Après un an de camping, Susu est devenue une blogueuse influente de camping parents-enfants sur la plateforme RED. Au début, elle partageait seulement ses photos de camping, mais très vite, de nombreux internautes lui ont envoyé des messages privés pour lui demander des détails en matière d’équipement. Dès lors, elle se mit à diffuser des images et des descriptifs de ce qu’elle emporte pour chaque séjour au camping. Aujourd’hui, grâce au partage de son expérience, le compte de Susu a attiré près de 40 000 fans, cumulé 165 000 likes

Le 20 juin 2022, les ouvriers s’activent à la fabrication de tentes dans une entreprise de la ville de Huzhou, dans la province du Zhejiang

et de nombreuses marques l’ont contactée pour la sponsoriser.

L’influence que Susu peut avoir en tant que blogueuse camping dépendra de combien de temps le camping restera en vogue. « L’an passé, nous avons analysé le secteur et nous estimons qu’il sera moins porteur cette année. Il a encore le vent en poupe, à cause de la prévention et du contrôle de la pandémie », a déclaré Zhang Jing, investisseur dans une société de capital-risque, à Vision Chine.

« Personnellement, je pense que la fièvre du plein air n’est pas passager », a affirmé Lu Tunhua, président de la marque professionnelle de camping et de la société cotée en bourse Mobi Garden. Il estime que pour juger de l’orientation du marché du camping, on peut se référer au marché du sport. « Au début, le sport était également un marché de niche. Lorsque le milieu de la mode a commencé à s’intéresser au marché du sport et a lancé des produits dérivés et des chaussures, avec des campagnes de marketing massives, l’industrie a connu une croissance rapide », ajoute-t-il. Il est actuellement témoin

de l’émergence de produits de luxe dans le secteur du camping.

Sur les réseaux sociaux, il semble que tout le monde goûte au plein air, mais au vu des chiffres du secteur, la proportion d’utilisateurs reste faible. Les médias et les vidéos courtes sont devenus une fenêtre sur le monde, mais c’est aussi une loupe, qui exagère certaines impressions. Mo Keli, experte culturelle et artistique et fondatrice d’Aesthetech Lab, estime qu’il est encore trop tôt pour parler de boom de l’économie de l’outdoor.

« Le boom de l’outdoor est né d’une période pandémique particulière et il n’est pas impossible que le vent tourne lorsque la pandémie se calmera. Quand les autres loisirs reprendront, il y aura certainement un détournement du flux », analyse Mo Keli. « D’autre part, ces trois années de pandémie ont impacté le pouvoir d’achat de la classe moyenne et il faudra du temps pour qu’il se rétablisse. Cela limitera inévitablement les investissements continus dans la consommation de plein air non essentielle ». Lorsqu’elle a été consultée par une entreprise de matériel de cam-

ping, elle n’a pas recommandé d’investir des ressources dans l’amélioration de la recherche et du développement de nouveaux produits car pour le moment, le temps de cycle et les coûts économiques sont relativement élevés et les bénéfices très risqués. Elle a observé que, depuis environ un an, la démocratisation du camping n’entraîne pas une mise à niveau itérative significative dans l’industrie, tandis que les aspects logiciels tels que l’organisation sociale, la gestion administrative et la gestion de l’espace ne sont pas encore suffisamment aboutis.

« Je pense que cette soi-disant explosion, quantitativement, doit être au moins égale au nombre de groupes pratiquant la danse de place. Qualitativement, il devrait y avoir des équipements, des produits, des méthodes et des concepts sportifs et scientifiques plus avancés, avec une recherche et un développement approfondis en termes techniques et théoriques ». Alors seulement le plein air deviendra un mode de vie plus répandu et plus stable, indépendamment des circonstances économiques, conclut Mo Keli.

Le 5 avril 2022, des centaines de tentes de toutes les tailles ont envahi la grande pelouse du parc des ruines de Dulingyi, à Xi’an, dans la province du Shaanxi

Événement

KINDLE, LE DERNIER CHAPITRE

Après neuf ans de bons et loyaux services, Amazon a annoncé le retrait de Kindle de Chine dès 2023. Pourquoi ?

Par Meng Qian et Wang Yan

Amazon a annoncé le 2 juin qu’il fermerait ses services de librairies électroniques Kindle en Chine d’ici juin 2023, en ajoutant que les utilisateurs de Kindle pourront télécharger les livres achetés avant cette date, mais ne pourront plus acheter de nouveaux livres électroniques au-delà. Amazon vend des livres électroniques dans le pays depuis 2012, Kindle est entré sur le marché chinois en 2013. Le marché chinois du livre électronique a augmenté, sa valeur était de 62 milliards de yuans (9 milliards d’euros) par an en 2020, selon le Rapport sur l’industrie numérique (2020-2021) publié par l’Institut national de recherche sur la presse et la publication en octobre 2021. Malgré cela, la liseuse Amazon, autrefois très populaire, a été mise à l’écart sur le marché très concurrentiel de la lecture électronique.

BEST-SELLER INSTANTANÉ

La première génération du Kindle a été lancée en 2007. Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, promettait que la liseuse pourrait changer le monde.

Le premier Kindle coûtait 399 dollars aux États-Unis. Tout s’est vendu en six heures. Soutenu par la plate-forme en ligne d’Amazon qui promouvait ses livres électroniques populaires à des prix réduits, Kindle a créé un nouveau type de paradigme de lecture.

Avant son lancement en Chine, Amazon avait jeté les bases en contactant des éditeurs chinois. Lorsque la librairie Kindle a ouvert ses portes dans le pays, elle comptait 24 000 livres électroniques, y compris des titres populaires d’éditeurs chinois bien connus.

Une source de l’industrie de l’édition a déclaré à Vision Chine que presque tout le

monde de l’industrie pensait qu’elle avait un avenir prometteur.

Au cours des premières années, la marque a maintenu une croissance annuelle à deux chiffres. En 2016, la Chine est devenue le plus grand marché au monde pour Kindle. À cette époque, Kindle était aussi populaire que l’iPhone. Un initié de l’industrie a déclaré à Vision Chine que l’entrée de Kindle en Chine était un moyen de relancer le marché mondial des lecteurs électroniques déjà en déclin depuis 2011 après avoir atteint un sommet de production allant jusqu’à 23,2 millions d’unités.

En 2018, selon les données publiées par Amazon, des millions de Kindle et quelque 700 000 livres électroniques ont été vendus en Chine. Amazon n’a pas publié de données sur les ventes depuis lors.

Les Kindle en Chine coûtent à peu près le même prix qu’à l’étranger, allant de 500 à 2 000 yuans (290 euros). Le prix est similaire ou même inférieur à celui de certaines liseuses domestiques produites par Xiaomi, iFLYTEK et Huawei. Par exemple, le prix de certains modèles iFLYTEK et Huawei peuvent atteindre plus de 2 500 yuans (362 euros). Le prix des livres électroniques est généralement plus bas en partie continentale de la Chine.

Selon un ancien employé d’Amazon China qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, Amazon a commencé à fermer sa division de commerce électronique en Chine en 2018, ne laissant que deux entreprises, dont Kindle et les ventes en ligne transfrontalières d’Amazon.

Les spéculations sur la sortie de Kindle de Chine ont commencé lorsque son magasin phare sur la plate-forme de commerce électronique Taobao a fermé ses portes en octobre 2021. Peu de temps

après, les consommateurs ont commencé à remarquer que la boutique Kindle d’Amazon sur JD.com, la deuxième plus grande plate-forme de commerce électronique nationale, ne proposait que le Kindle 10 sorti en 2019. D’autres modèles signature étaient en rupture de stock. Cependant, Amazon China n’a pas annoncé qu’il se préparait à quitter la Chine, bien qu’il n’ait pas non plus dit pourquoi il avait fermé le magasin en ligne.

RÉSERVES

Les consommateurs de liseuses électroniques ont eu des réactions différentes à la nouvelle. Zhao Ran, un col blanc de 42 ans, a déclaré à Vision Chine qu’il utilisait Kindle depuis huit ans et qu’il en avait trois. « J’ai lu des centaines de livres sur Kindle, et j’en garde un juste pour les livres chinois et un autre pour les livres anglais », a déclaré Zhao. « Bien qu’il mette fin à ses services en Chine, je continuerai à utiliser la liseuse pour lire mes livres électroniques déjà achetés ». L’une des collègues de Zhao, Chen Jie, à un autre avis, préférant lire des livres sur son smartphone. «C’est plus pratique pour lire n’importe où, n’importe quand. Cela me permet de faire bon usage de mon temps de transport », a déclaré Chen, ajoutant que bien qu’elle ait un Kindle, elle l’utilise rarement, à présent.

Selon Yuan Bo, un initié de l’industrie des lecteurs électroniques, le Kindle d’Amazon n’est pas bien adapté au marché de consommation chinois. Il existe un nombre important de magasins de livres électroniques sur les applications pour smartphones avec certaines options populaires, notamment Douban Read, JDRead, Baidu Read et WeChat Read.

Un certain nombre d’entreprises na-

tionales, notamment Xiaomi, iReader, iFLYTEK, Huawei et Boox, ont également lancé leurs propres liseuse électroniques. Wang Biao, directeur de l’Institut de publication numérique de l’Académie chinoise de la presse et de la publication, a déclaré à Vision Chine que les liseuses nationales sont comparables à Kindle en termes de performances, de fonction et d’expérience utilisateur. Certaines sont encore plus adaptés aux besoins des lecteurs chinois.

Par exemple, WeChat Read a lancé sa propre liseuse à encre électronique, ainsi qu’un abonnement de lecture annuel illimité. Selon les données de WeChat, WeChat Read compte 210 millions d’utilisateurs. Yuan a souligné qu’il n’y a pas eu de changements majeurs dans la technologie, les produits ou le modèle commercial de Kindle ces dernières années. Quand il est sorti pour la première fois, le Kindle était facile à transporter et l’écran était assez grand. Mais les progrès de l’Internet mobile, des smartphones, tablettes et autres appareils compatibles avec la technologie 3G et 4G ont donné aux utilisateurs plus d’options.

Selon les statistiques obtenues par Vision Chine, le taux de lecture numérique en Chine (lecture en ligne, lecture mobile, lecture par liseuse électronique) parmi la population totale est passé de 50,1% en 2013 à 79,6% en 2021. Le nombre d’adultes chinois qui lisent sur des appareils mobiles est passé de 41,9% en 2013 à 77,4% en 2021, et ils lisent en moyenne 101,12 minutes par jour, contre 21,7 minutes par jour sur la même période, une augmentation significative. Cependant, seulement 27,3% utilisent des liseuses électroniques et 21,7% utilisent des tablettes, le reste utilisant uniquement les smartphones, bien qu’il y ait un chevauchement.

« Les téléphones mobiles et les liseuses domestiques l’emportent sur Kindle », a déclaré Yuan Bo. En termes de fonctionnalités, Kindle perd face à Huawei et Xiaomi, car il ne prend en charge que des formats de texte limités. « En termes de marketing, les liseuses électroniques Amazon sont obsolètes par rapport à de nombreuses entreprises qui s’engagent dans des activités comme les défis de lecture, les applications de lecture sociale et en termes de contenu, la sélection de

livres électroniques sur Amazon est limitée », a déclaré Yuan.

Certaines entreprises nationales de liseuses électroniques offrent à leurs clients des applications qui enregistrent les objectifs de lecture quotidienne, un moyen de partager et de communiquer avec des amis en ligne, ce qui est attrayant pour les lecteurs, mais Kindle n’a pas cette fonction.

Kindle se démarquait autrefois par sa technologie e-ink, qui permettait aux livres sur l’écran de ressembler à une page imprimée, et améliorer la lisibilité. Maintenant, les écrans e-ink sont partout. En 2017, Hisense a lancé son premier smartphone e-ink, l’A2, et a lancé un nouveau modèle tous les deux ans. Le 22 décembre 2020, il a lancé l’A7, le premier smartphone à encre électronique couleur 5G de l’industrie.

Récemment, Huawei est entré sur le marché des écrans à encre électronique avec le papier Mate-Pad. D’autres entreprises, dont Hanwang Technology, ont lancé de nouveaux dispositifs d’écran à encre électronique.

LIRE L’AUDIENCE

De nombreuses entreprises nationales de liseuses électroniques ont étendu leur matériel de lecture en un outil de travail multifonctionnel, ce qui rend le produit beaucoup plus attrayant pour un plus grand nombre de consommateurs.

Gao Shuang, professeur d’anglais à Pékin, a déclaré qu’il utilisait le lecteur iFLYTEK plutôt que d’autres marques car il offre des outils de prise de notes et de transcription.

Parmi les propriétaires chinois de Kindle, une blague circule depuis un certain temps selon laquelle il n’est utile que comme « couvercle pour couvrir une tasse de nouilles instantanées ».

Zhu Tao, un utilisateur de Kindle à Pékin, s’est plaint de son expérience. « Si vous arrêtez d’utiliser un lecteur Kindle pendant quelques mois ou plus, il est difficile de le charger et de le remettre en marche, alors je dois continuer à le charger de temps en temps même si je ne l’utilise pas beaucoup », a-t-il déclaré à Vision Chine.

Yan Li, un autre utilisateur de Kindle, a déclaré à Vision Chine que la marque

n’était pas respectueuse de l’environnement. « J’avais un Kindle 3, mais l’écran était fissuré. J’ai contacté le service client Kindle qui m’a informé qu’ils ne fournissaient pas de services de changement d’écran. Le personnel m’a dit d’en acheter un nouveau, alors j’ai dû me procurer le dernier Kindle 5 », a déclaré Yan.

La rentabilité de la lecture numérique est passée d’un modèle de paiement unique à plusieurs méthodes telles que les revenus publicitaires, le droit d’auteur, l’édition et même les conseils en ligne. Lors de la première conférence nationale de lecture qui s’est tenue à Pékin fin avril, Migu Digital Media, un fournisseur de services de livres électroniques en ligne dans le cloud, a déclaré qu’il comptait quelque 18 millions d’utilisateurs qui dépensent en moyenne 65 yuans (9,42 euros) par personne et un taux d’utilisateurs actifs de 90%.

La lecture gratuite est extrêmement populaire, avec des applications comme Tomato Free Novels et Seven Cat Free Novels avec jusqu’à 50 millions d’utilisateurs actifs. La plupart des plateformes de lecture gratuite tirent leur valeur de la collecte de données utilisateur.

« Le retrait de Kindle est une décision commerciale sensée. Il est difficile de le rentabiliser, et le marché chinois de l’édition numérique mûrit, affaiblissant encore plus la compétitivité de Kindle », a déclaré Wang Biao.

Une jeune fille lit un livre électronique à la Foire du livre de Shanghai, le 16 août 2018

Économie

L'ASIE DU SUD-EST ET LE MEXIQUE, PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES DU RECUL DES EXPORTATIONS CHINOISES

Par Jiang Zhiyu et Xu Ming

Liu Yongbin, directeur général d’un fabricant d’appareils électro-ménagers basé dans la province du Guangdong, dans le sud de la Chine, est confronté à un dilemme concernant son activité axée sur l’exportation depuis le début de 2022. Au cours des 21 dernières années, il a exporté des ventilateurs de refroidissement haut de gamme vers les États-Unis et l’Asie du Sud-Est. Depuis peu, il s’est retrouvé obligé de se tourner vers des articles de plein air et des sèche-cheveux pour le toilettage des animaux de compagnie pour faire face à la diminution de ses commandes et de ses marges de bénéfice. A ses yeux, la flambée des coûts des matières premières et du transport maritime, couplée à l’appréciation du yuan, ont remis en question l’avantage comparatif dont jouissaient auparavant les exportateurs chinois.

C’est une situation que de nombreuses entreprises tournées vers l’étranger connaissent. Pire encore, les résur-

gences des flambées épidémiques avec les infections aux Covid-19 qui ont reprises en mars et se sont aggravées en avril et mai ont perturbé la production dans le delta de la Rivière des Perles et le delta du fleuve Yangzi, les deux moteurs du commerce extérieur de la Chine.

PERTE DE COMMANDES

Pendant ce temps, les exportations de produits à forte intensité de maind’œuvre des pays d’Asie du Sud-Est comme le Vietnam ont fortement augmenté. Un rapport de Hua Chuang Securities sorti en mai a révélé que la part des exportations de la Chine dans le commerce mondial en mars dernier est tombée au même niveau qu’il y a un an, laissant un fossé principalement comblé par les économies d’Asie du Sud-Est. Des pays comme le Mexique et la Turquie sont ainsi rapidement devenus des substituts pour les marchés américains et européens grâce à leur avantage géographique.

La société de Liu est un FEO (Fabricant d’Equipement d’Origine) pour des marques étrangères, autrement dit son entreprise fournit des composants pour les produits que d’autres sociétés étrangères revendent aux consommateurs finaux. A ce titre, elle a exporté plus de 70 millions de yuans ( 10 millions d’euros) de marchandises en 2021, un meilleur chiffre que prévu, car la fabrication avait repris plus tôt en Chine que dans de nombreux autres pays. Cependant, ses commandes ont chuté au début de l’année 2022.

« Au cours des premiers mois de cette année, nos commandes ont diminué d’un tiers par rapport à la même période en 2021 », a ainsi déclaré Liu, estimant que les exportations cette année diminueront de moitié par rapport à 2021. Yang Hui, directeur général d’un exportateur du câble et d’équipements de câble basé à Shanghai, a également reconnu de son côté que ses commandes avaient diminué de plus d’un tiers au premier semestre 2022, ne repré-

Des conteneurs sont empilés au port de Shekou, Shenzhen, dans la province du Guangdong, le 3 mai 2022

Les augmentations de coûts induites par les stratégies visant à contrôler la circulation du Covid et les difficultés de transport rongent les avantages de la Chine en tant que leader mondial des exportations.

sentant que 60% de celles du premier semestre 2021.

La flambée des coûts du transport maritime a porté un coup dur aux exportations. Yang Hui a ainsi partagé avec Vision Chine qu’au pire moment d’avril, le coût du fret était plusieurs fois plus élevé que d’habitude. Son entreprise vend des câbles et du matériel de câblage en Afrique. Le coût d’un conteneur vers le Nigeria n’était que de 1 750 dollars avant la

pandémie, mais il a culminé à 13 000 dollars au premier semestre 2022. Il en est presque de même pour le transport de marchandises vers d’autres grands marchés d’exportation comme l’Algérie, l’Égypte et le Pakistan.

« Un conteneur ne peut contenir que 900 ventilateurs. Si l’expédition coûte 140 000 yuans (20 300 euros), il en coûte près de 160 yuans (23,2 euros) pour expédier un ventilateur, soit près de la moitié du prix

unitaire », explique Liu de son côté.

L’efficacité des transports a également chuté. Liu a envoyé une cargaison du port de Nansha dans le sud de Guangzhou au Vietnam le 29 avril, mais le navire n’a été en mesure de naviguer que le 3 mai. « Chaque jour de retard coûte plusieurs milliers de yuans supplémentaires », nous fait part Liu. En mars, lorsque le Covid-19 a refait surface à Shenzhen, dans la province du Guangdong, environ les deux

cinquièmes des marchandises qui devaient être expédiées de Shenzhen ont été transférées vers les ports voisins, ce qui « a entraîné une congestion dans ces autres ports et une efficacité à nouveau réduite », met ainsi en avant Liu.

La société de Yang a commencé à transférer sa cargaison du port de Shanghai vers le port voisin de Ningbo dans la province du Zhejiang fin mars. Cependant, lorsque la résurgence de Covid est devenue inquiétante à Shanghai en avril, le port de Ningbo a également été bloqué et les expéditions ont été retardées encore et encore.

Wang Yuntao, un équipementier de ventilateurs et d’oxygénateurs destinés à l’exportation basé à Shanghai, a déclaré qu’en raison des difficultés logistiques qu’il rencontrait, il ne pouvait plus exécuter aucune des commandes qu’il avait prises depuis avril. « Des retards constants vont finir par épuiser la patience de nos clients, ils préfèrent les fournis-

seurs stables », a déclaré Wang à Vision Chine, ajoutant qu’il avait perdu 60 à 70 % de ses commandes depuis avril.

Les clients se sont tournés vers des fournisseurs plus pratiques géographiquement. Les concurrents de Liu se trouvent principalement au Mexique, en Inde et au Vietnam, mais le Mexique est devenu le concurrent le plus redoutable. « L’expédition de marchandises aux ÉtatsUnis [depuis la Chine] prend un mois, mais via l’autoroute mexicaine, cela ne prend qu’une journée. Elle présente des avantages par rapport à la Chine en termes d’efficacité, même si les prix des produits au Mexique peuvent être de 10 à 20 % plus élevés », nous explique ainsi Liu.

La chaîne d’approvisionnement a également été perturbée car les usines du delta du Yangzi ont également dû arrêter la production. Selon les déclarations de Yang pour Vision Chine, les usines des régions autour de Shanghai, comme Wuxi et Kunshan dans la province du Jiangsu,

ont fermé pendant environ un mois en avril, jusqu’à ce que les épidémies à Shanghai s’améliorent après la fête du Travail du 1er mai.

La situation est délicate pour les exportations qui nécessitent des services après-vente, selon Yang. Il a perdu un acheteur majeur en Indonésie, car lorsque le client a demandé un ingénieur pour dépanner un équipement en 2021, Yang n’a pas pu en envoyer un en raison des restrictions de voyage en cours, en particulier en partance et à l’intérieur de la Chine.

« Ainsi, lorsqu’ils achèteront à nouveau de l’équipement, ils considéreront des pays comme l’Inde où les vols et la capacité des personnes à voyager n’ont pas été autant affectés », selon les prévisions de Yang.

Huang Zhiyong, directeur général d’une société de logistique basée à Shenzhen qui transporte des marchandises des usines aux ports, a déclaré à Vision Chine que les horaires des cargos

changeaient constamment et que les départs étaient souvent reportés, de sorte que les marchandises s’entassaient sur les quais. « Notre activité reflète ce qui se passe avec les exportations. Dans le passé, l’un de nos chauffeurs pouvait faire deux trajets par jour vers les ports locaux pour les ramassages ou les débarquements, mais cette année, les affaires ont chuté d’environ la moitié. Maintenant, la moitié de nos camions sont inactifs », a déclaré Huang.

DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Tout cela comprime les marges bénéficiaires des exportateurs chinois. Selon l’enquête de la Chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques (CCCME), 57,5% des entreprises ont déclaré que leurs marges étaient inférieures à celles de 2021. L’entreprise de Liu avait une marge de 15 à 25%, en partie en raison du prix relativement bon marché des matériaux en Chine. Mais pas plus. Les prix des matières premières ont augmenté de plus de 10% en 2022, alors que Liu doit de son côté honorer des commandes réalisées à des prix contractuels désormais trop faibles.

Yang Hui a déclaré à Vision Chine que le prix du cuivre, le matériau principal nécessaire à la fabrication des câbles, n’avait cessé d’augmenter depuis le début de la pandémie. Aujourd’hui, le prix a presque doublé, passant de 30 000 yuans (4 350 euros) la tonne à plus de 70 000 yuans (10 150 euros) la tonne. Cependant, Yang n’a pas augmenté ses prix pour autant de peur de perdre des acheteurs. Il a choisi au contraire d’absorber les pertes.

En raison des logistiques bloquées dans le pays et à l’étranger, il faut également plus de temps aux entreprises pour terminer et expédier leurs commandes. Qin Bo, un exportateur de textile de Shaoxing, dans la province du Zhejiang, a fait part à Vision Chine qu’auparavant, il ne lui fallait que trois ou quatre jours pour livrer des marchandises en Europe et aux États-Unis, et que l’ensemble du processus prenait environ deux mois. Maintenant, cela prend quatre mois, ce qui signifie qu’ils doivent attendre deux mois supplémentaires pour être payés.

Ce cycle prolongé signifie également qu’ils ont besoin de plus de capitaux liquides. Qin a révélé que désormais dans ces nouvelles conditions, ils avaient be-

soin de 30% de liquidités supplémentaires et que les intérêts sur les prêts qu’ils se retrouvaient obligés de contracter augmentaient encore plus les coûts pour les entreprises.

« Toute la chaîne de production et de capital est perturbée », aux yeux de Qin. Étant donné que l’industrie textile ellemême n’est pas si rentable, la baisse des bénéfices signifie que Qin ne prend plus guère la peine de prendre de nouvelles commandes.

« Après être restés occupés pendant un an, nous avons réalisé que nous n’avions fait aucun profit ou même que nous perdions de l’argent », a déclaré Qin. Qin espère que la situation s’améliorera bientôt. « Dans les années difficiles, seuls les plus forts peuvent s’accrocher. De nombreuses entreprises ont déjà plié sous la pression », d’après son expérience.

TRANSFERT DE CHAÎNE INDUSTRIELLE

Contrairement au mouvement à la baisse des exportations observé en Chine, les exportations des autres pays et régions d’Asie du Sud-Est ont fortement augmenté au début de l’année 2022. Depuis mars, les exportations de l’Indonésie ont augmenté de plus de 40% et celles du Vietnam de 30%, tandis que les exportations de la Malaisie, de la Thaïlande et des Philippines ont augmenté d’environ 20%, selon une analyse publiée par Huaxi Securities en mai.

De nombreuses entreprises interrogées par Vision Chine ont déclaré avoir été affectées par des commandes retransférées vers l’Asie du Sud-Est et le Mexique au cours des derniers mois.

Yang Hui a déclaré qu’au cours des deux dernières années, les acheteurs mondiaux se sont tournés vers d’autres fournisseurs dans des pays comme l’Inde, le Vietnam et la Thaïlande pour des produits aux exigences technologiques et de qualité inférieures. « Le prix de nos produits est relativement élevé en raison de la hausse des coûts pour de nombreux paramètres. Des pays comme le Vietnam, l’Inde et la Thaïlande ont des avantages de prix par rapport à la Chine car les coûts de la main-d’œuvre et d’investissement dans l’équipement y sont inférieurs », d’après Yang.

La pandémie a aggravé la situation, a noté Yang. Outre les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les problèmes logistiques, il est difficile de res-

pecter les engagements de service aprèsvente comme le dépannage. « Même si nos ingénieurs sont prêts à voyager à l’étranger malgré tous les troubles induits par le Covid, le coût demeure élevé. Auparavant, nous payions un ingénieur 50 dollars par jour, maintenant le prix est d’environ 300 dollars. Les billets d’avion restent chers aussi », selon Yang.

La Chine impose toujours des quotas de vols stricts aux compagnies aériennes, et les vols sont suspendus si trop de cas de Covid sont détectés parmi les passagers à l’arrivée. Il existe également des séjours de quarantaine dans des hôtels qu’il faut payer, aussi bien à l’arrivée dans la destination qu’au retour de l’ingénieur, bien que la Chine ait récemment réduit la durée de la quarantaine pour les passagers entrants dans certaines villes.

En 2021, Yang s’est rendu au Bangladesh pour rendre visite à un client. Le client a acheté de l’équipement en Chine en 2020 mais n’a pas pu obtenir d’aide de dépannage de la part du fournisseur après le début de la pandémie, il a donc confié son entreprise à un fournisseur indien en 2021. « Si l’Inde n’est pas disponible, ils se tourneront vers la Turquie ou les pays de L’Europe, même à un coût plus élevé, car même dans les pires moments de la pandémie, les fournisseurs européens ont promis de fournir des services de dépannage », explique Yang.

« Alors que les restrictions liées eu Covid en Chine n’ont pas été levées, d’autres pays les ont levées. Cela désavantage la Chine », aux yeux de Yang.

Mais certains ne sont pas si inquiets de la situation. « Les pays d’Asie du SudEst comme le Vietnam pourraient être en mesure de remplacer en partie la chaîne industrielle en Chine, mais pas en totalité, en raison de leur base de population », selon Liu Yongbin, ajoutant que le Vietnam dépendait toujours de la Chine pour son soutien industriel. « Il achète une grande partie de ses machines industrielles pour sa production d’occasion en Chine et sa chaîne industrielle est incomplète à ce jour », d’après Liu.

Zhang Yuanqing, un fabricant de meubles du Guangdong, a convenu que même si la chaîne industrielle à forte intensité de main-d’œuvre se déplace vers les régions d’Asie du Sud-Est, elle est toujours en retard sur la Chine en termes de ressources à court terme. « Mais la région rattrape son retard » d’après Zhang.

Ces dernières années, la fabrication de smartphones est passée de la Chine à l’Inde et au Vietnam, faisant passer la part de la Chine dans la capacité mondiale de production de téléphones de 90% à son plus haut niveau à 70% en 2021. Le 11 avril, Apple a annoncé qu’elle fabriquerait l’iPhone 13 en Inde pour répondre à la demande du marché en Inde, aux États-Unis et sur d’autres marchés. Au cours du même mois, les exportations chinoises de machines et de produits électroniques vers l’Inde ont augmenté, indiquant que l’industrie manufacturière indienne se remettait de la pandémie. De nombreuses marques de téléphones comme Samsung et Xiaomi ont construit des usines en Inde et le support industriel local s’y améliore.

Le directeur du CCCME, Gao Shiwang, a noté que si la part de la Chine dans les exportations mondiales d’ordinateurs et de téléphones était encore importante, la production se concentre sur le traitement et l’assemblage à faible valeur ajoutée. La production de circuits intégrés et de semi-conducteurs à forte intensité de capital et de technologie repose toujours sur les importations. « La Chine doit monter dans la chaîne industrielle en attirant des capitaux étrangers et en mettant à jour la technologie », selon Gao.

Bai Ming, vice-directeur des études de marché internationales à l’Académie chinoise du commerce international et de la coopération économique, a noté que même si les exportations chinoises avaient été durement touchées par la flambée du

nombre d’infection au Covid en mars et avril, la pandémie n’était que l’un des nombreux facteurs affectant l’industrie et ses chaînes d’approvisionnement. « Les pays d’Asie du Sud-Est sont peut-être trop petits pour réaliser seuls des économies d’échelle, mais si la communauté de l’ASEAN travaille ensemble, cela pourrait accélérer le soutien industriel », selon les analyses de Bai. Il suggère que les entreprises produisant des produits à forte intensité de main-d’œuvre soient transférées vers les régions du centre, de l’ouest et du nord-est de la Chine en raison des coûts moins élevés de la main-d’œuvre et d’autres d’intrants, tels que l’électricité, que l’on y trouve ou bien que l’on transfère leurs chaînes industrielles vers l’Asie du Sud-Est ou le Mexique.

En réponse à la perte de commandes à l’exportation, le ministère du Commerce a déclaré qu’il essaierait par tous les moyens d’aider les entreprises à exploiter les marchés grâce à de grandes expositions comme la Foire de Canton et qu’il aiderait les PME à participer à des expositions à l’étranger.

Pour faire face à la flambée des coûts du fret et des matières premières, Gao a suggéré que les autorités renforcent la coordination de la capacité de transport maritime international, guident les entreprises à capitaux chinois pour renforcer leurs activités dans les ports étrangers, augmentent le soutien au transport maritime pour les entreprises de marque chinoises qui s’internationalisent, four-

nissent des garanties aux industries clés en termes de capacité de fret et d’expédition, et enfin contribuent à améliorer un approvisionnement plus fiable pour les marchandises en vrac.

Yang a déclaré à Vision Chine que la situation avait commencé à s’améliorer en mai avec la reprise de la production et de la logistique. « Lorsque nous devons charger des marchandises dans un endroit, nous nous adressons simplement au gouvernement local à l’avance et nous pouvons transporter des marchandises directement au port de Shanghai. Le coût des matières premières et du fret a également commencé à baisser ».

Liu n’est quant à lui pas vraiment optimiste pour le second semestre 2022. Il prédit que les exportations ne devraient atteindre que la moitié du volume réalisé en 2021.

Yang s’inquiète davantage de la baisse de confiance dans les fournisseurs chinois qu’il a ressentie au cours de ces deux dernières années, ce qui lui renvoie parfois le sentiment d’être impuissant. « Nous ne pouvons que faire de notre mieux pour conserver nos clients existants et être aussi réactifs que possible », a-t-il ajouté.

Il a mis activement en place des bureaux à l’étranger depuis 2021 pour permettre à son entreprise de fournir des services de maintenance rapides à ses clients étrangers.

Liu Yongbin, Qin Bo, Zhang Yuanqing et Yang Hui sont des pseudonymes.

Des ouvriers d'une usine textile fabriquent des vêtements destinés à l'exportation à Rugao, dans la province du Jiangsu, le 13 avril 2022

Agriculture

IL FAUT SAUVER LES TERRES NOIRES

Depuis une dizaine d’années, Yang Haijun a compris que cette terre sous ses pieds, qu’il connaît comme sa poche, n’est plus comme auparavant. Les racines, qu’il s’agisse du maïs et du soja, ne sont pas assez profondément ancrées dans le sol ; les pousses, quant à elles, sont maigres comme des clous. Après de fortes averses, l’eau de pluie s’infiltre à peine dans le sol, formant une immense flaque d’eau qui, vue de loin, ressemble à un étang peu profond. S’agissant de la production du soja que donne la terre, même avec l’application de 15 kilos d’engrais chimique pour une parcelle d’un mu (666,7 m2), le rendement n’est pas aussi élevé qu’à l’époque où son père à son âge utilisait encore moins d’engrais sur les mêmes champs.

Yang Haijun est un grand cultivateur céréalier du village de Shengli, du canton de Qianjin, de la ville-district de Hailun, dans la province du Heilongjiang. La coopérative d’agriculteurs dont il fait partie cultive plus de 600 mus de champs dont

la terre, d’une épaisse couche supérieure de couleur noire, est connue comme l’une des plus fertiles au monde.

La terre noire, ou tchernoziom, se trouve dans les provinces du Heilongjiang, du Jilin et du Liaoning dans le nord-est du pays, ainsi que dans certaines parties de la région autonome de Mongolie intérieure. S’étendant sur une superficie de 538 millions de mus de terres arables, soit 35,87 millions d’hectares, ces terres noires produisent environ un quart du total de la production céréalière de la Chine, jouant ainsi le rôle du «pilier» pour le maintien de la sécurité alimentaire nationale.

La protection des terres noires est désormais devenue un consensus au niveau national. Outre les mesures techniques, agronomiques et biologiques prises à l’échelle régionale dans le nordest du pays pour ralentir le déclin des terres noires tout en les rendant à nouveau fertiles, une loi sur la protection des terres noires est adoptée le 24 juin par

l’organe législatif suprême de la Chine, elle entrera en vigueur le 1er août 2022.

Cette guerre qu’est la protection de ces précieuses terres fertiles est un enjeu crucial pour nourrir des centaines de millions de Chinois.

LES TERRES NOIRES PERDENT DE LEUR RENDEMENT

Au bout de plusieurs dizaines d’années de surexploitation, la couche de terre noire dans le nord-est chinois diminue en épaisseur, et le sol s’appauvrit en devenant de plus en plus maigre et de plus en plus dur.

L’érosion du sol et l’érosion éolienne sont deux facteurs importants qui entraînent l’amincissement de la couche de terre noire, alors que l’érosion éolienne se produit principalement dans la partie occidentale des zones de terres noires du nord-est de la Chine, une région aride.

Un autre symptôme typique de la dégradation des terres noires est le déclin de la fertilité du sol, dû à la perte de nu-

Par Zhang Xingyu

PHOTO de CNS

La terre noire du nord-est de la Chine est reconnue comme l’une des plus fertiles au monde

triments de la terre. Selon un livre blanc portant sur la terre noire du nord-est chinois, publié par l’Académie chinoise des sciences, au cours des 60 dernières années, l’exploitation extensive a fait diminuer la matière organique du sol d’un tiers, même de 50% dans certaines régions.

Les terres noires, longtemps labourées mécaniquement, se durcissent également de manière significative et le sol n’est plus naturellement meuble et granuleux, mais plutôt en morceaux. À tel point que le système racinaire de la culture, au lieu de s’enfoncer dans le sol pour bien s’ancrer, se développe latéralement.

Selon Liu Jie, directeur de l’Institut de recherche sur la protection et l’exploitation des terres noires de la province du Heilongjiang, l’amincissement, l’appauvrissement et le durcissement de la couche de tchernoziom sont essentiellement dus à une agriculture déraisonnable. L’exploitation excessive des terres noires durant la production agricole aggrave la dégradation des sols. Pour n’en citer que deux exemples : les nutriments de la matière organique du sol qui ont été absorbés par les cultures en croissance ne sont pas restitués, et le sol n’est pas ameubli en profondeur comme il devrait l’être après

que les labours mécaniques ainsi que le travail du sol rotatif l’ont durci.

D’après Wang Jingkuan, doyen de la Faculté des terres et de l’environnement de l’Université agricole de Shenyang, si aujourd’hui, dans l’ensemble des zones de terre noire du nord-est du pays, la production de céréales n’a pas diminué mais toujours augmenté, cela montre que les terres noires présentent tout de même une qualité suffisante pour assurer un rendement céréalier plus ou moins important. « Cependant, l’épaisseur de la couche de terre noire, la teneur en matière organique et d’autres indicateurs sont effectivement en baisse. Si des mesures ne sont pas prises dès à présent pour la conservation des terres noires, et que ces indicateurs ne repartent pas à la hausse, la production agricole connaîtra de graves problèmes ».

MODÈLES DE LONGJIANG ET DE LISHU Depuis 1985, Han Xiaozeng, chercheur à l’Institut de recherche géographique du nord-est chinois de l’Académie chinoise des sciences et chef du groupe d’experts de la province du Heilongjiang sur la protection et l’exploitation des terres noires, a conçu et mené 13 séries d’expériences de positionnement à long terme à la ville-district de Hailun

afin d’étudier l’évolution des terres noires. Au bout de vingt ans, Han Xiaozeng a pu proposer la technique de construction d’une couche de travail du sol fertilisé, dont la clé consiste à introduire en profondeur dans le sol un mélange de paille et d’engrais organiques pour que celui-ci, intégré dans une couche de sol d’une épaisseur de 0 à 35 cm, aide à former une couche de travail du sol profond et fertile (ou fertilisé). Cette percée est devenue une des techniques de base du «modèle de Longjiang», que Han a mis en avant par la suite. Selon le livre blanc sur la terre noire du nord-est chinois, dans les champs où est appliquée cette technique, les rendements du maïs et du soja peuvent augmenter respectivement de 10,5% et de 11,3%, voire plus.

Depuis 2015, les champs du cultivateur Yang Haijun sont devenus des terrains pilotes dans le cadre des expériences de Han Xiaozeng. Yang se souvient que rien que pour la deuxième année, le rendement du maïs a enregistré une augmentation d’environ 80 kilos par mu et que l’eau de pluie n’inondait presque plus les champs. Quelques années après la mise en place de cette pratique, le sol « était nettement beaucoup plus souple et aéré ».

Retour de la paille sur les terres agricoles après retournement et mélange de la paille, effectué par la station d’expériences agro-écologiques de l’Académie chinoise des sciences à Hailun

En 2007, une base de recherche et de développement sur la culture conservatrice dirigée par Zhang Xudong, chercheur à l’Institut d’écologie appliquée de Shenyang de l’Académie chinoise des sciences, a été inaugurée dans le village de Gaojia, dans le comté de Lishu, dans la province du Jilin. Selon Zhang Xudong, dans ce secteur aride qu’est la partie occidentale des zones de terres noires du

nord-est de la Chine, les vents violents sont plus susceptibles de racler la couche supérieure du sol si celui-ci est retourné fréquemment. Il était donc nécessaire de pratiquer une méthode de travail du sol dite conservatrice consistant à recouvrir de paille la surface des terres agricoles. Cette pratique de paillage a permis non seulement d’enrichir la matière organique du sol, mais aussi de protéger le sol

des érosions éolienne et hydrique.

Ces techniques de conservation du sol, comme l’indique le livre blanc, ont eu un effet significatif sur le rendement et l’efficacité de la production céréalière, augmentant les rendements d’environ 1 000 kilos par hectare et permettant d’économiser 1 650 yuans (239 euros) par hectare par rapport à la culture sur billions traditionnelle.

En juin 2021, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural et six autres instances ont publié le Plan national de mise en œuvre du projet de conversation des terres noires (20212025), qui met en évidence l’efficacité de plusieurs modèles de traitement du sol dans des zones de terres noires du nordest chinois. Ces modèles, y compris celui de Longjiang et celui de Lishu, serviraient désormais d’exemples et devraient être adoptés adéquatement dans les zones concernées.

CONTROVERSE ET LÉGISLATION

Malgré les efforts déployés par des

Han Xiaozeng mène un test en laboratoire sur les micronutriments sol de tchernoziom

Des chercheurs de l’Institut de recherche sur la protection et l’exploitation des terres noires de la province du Heilongjiang suivent la croissance de la culture et examine l’état du sol dans un champ au sol amélioré

instituts de recherche pour la proposition de nouvelles techniques de conservation des terres noires, peu d’agriculteurs accepteront du premier coup de les appliquer, tellement ils sont habitués aux modes de culture transmis de génération en génération.

Afin de convaincre les agriculteurs de se mettre à la pratique plus respectueuse du sol, Lin Xiangzhi, ancien premier secrétaire du Parti communiste du village de Bingzi, du comté de Qian’an, de la ville de Songyuan, dans la province du Jilin, a avancé une promesse : au départ, le rendement du maïs du village était de 5 000 kilos par hectare ; si, au bout d’un an d’application de la nouvelle technique conservatrice, le rendement était inférieur à ce chiffre, le village compenserait financièrement à l’agriculteur tous les kilos en moins. Sur ce, une poignée d’agriculteurs ont voulu prendre le pari. En 2015, 180 hectares de terres agricoles du village de Bingzi ont été soumis à la méthode conservatrice du travail du sol. L’année suivante, la récolte a donné un

rendement de 6 750 kg de maïs par hectare. Une fois que les agriculteurs ont constaté que cette méthode de conservation du sol pouvait en effet améliorer considérablement les rendements, leurs doutes se sont rapidement dissipés.

Cependant, il faut avouer que, après un an, toutes les terres agricoles soumises à la nouvelle pratique n’ont pas vu de résultats positifs immédiats. Par ailleurs, les techniques dites protectrices du sol demeurent toujours un sujet controversé, tant sur le terrain que dans les milieux académiques. Par manque de planification coordonnée, certaines localités ont opté pour la pratique dont le montant de subventions est plus élevé, au lieu de penser à choisir le modèle technique le plus adapté à leurs conditions locales.

Dans ce contexte, la revendication d’une loi sur la conservation des terres noires, qui était régulièrement évoquée par les acteurs de cette cause, s’est fait entendre de plus belle. En 2018, la province du Jilin a promulgué le règlement sur la protection des terres noires du Ji-

lin, le premier du genre en Chine. En avril 2022, le texte du projet de loi de la République populaire de Chine sur la protection des terres noires (version révisée) a été soumis au Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire pour examen, elle est ensuite adoptée à l’issue d’un vote lors de la réunion de clôture de la 35e session du Comité permanent de la 13e Assemblée populaire nationale.

Composée de 38 dispositions, la loi précise les responsabilités du gouvernement et des «exploitants de production agricole» en matière de protection de la terre noire.

La protection des terres noires, aux yeux du doyen Wang Jingkuan, est d’intérêt public et ne pourra donner les résultats envisagés qu’avec un investissement à long terme. Si l’État ne renforce pas son soutien aux collectivités locales et ne compense pas les opportunités de développement perdues du fait de la mise en place des mesures de conservation du sol, la protection des terres noires aura de la peine à se poursuivre.

Zhang Xudong, chercheur à l’Institut d’écologie appliquée de Shenyang de l’Académie chinoise des sciences, explique les règles de l’échantillonnage du profil de sol et les spécifications de l’examen

Des membres de l’équipe de Zhang Xudong mesurent les rendements de maïs sur un site de la base de recherche et de développement sur la culture conservatrice

Justice

CHASSEURS DE FAUX : CONSOMMATEURS OU ESCROCS ?

Par Li Mingzi

Àseulement 19 ans, Chen Zhiqiang, un habitant du comté de Xuwen, dans la province du Guangdong, a acquis une certaine notoriété en tant que plus jeune chasseur de contrefaçons de Chine. Il gagne sa vie en achetant des produits contrefaits ou problématiques puis fait pression sur les vendeurs et les fabricants en déposant des plaintes auprès des autorités ou en les poursuivant devant les tribunaux, et prétend agir dans l’intérêt public.

Depuis ses 18 ans, l’âge minimum de la capacité contractuelle, Chen a intenté plus de 800 poursuites contre des fournisseurs et des fabricants, ciblant en particulier l’industrie alimentaire. Bien que seuls quelques cas aient été confirmés, Chen a gagné plus de 100 000 yuans (14 500 euros) grâce à ses efforts, ce qui n’est pas mal pour quelqu’un qui vient d’obtenir son diplôme d’études secondaires.

Mais la fortune de Chen a peut-être pris fin. En décembre 2021, un tribunal de Xuwen a statué contre lui, affirmant que ses fréquentes poursuites au cours de l’année écoulée constituaient des litiges abusifs et qu’il faisait maintenant l’objet d’une enquête pour avoir prétendument fait chanter des commerçants locaux.

Le dernier litige de Chen concernait l’achat d’une collation auprès d’un vendeur en ligne d’une valeur de 30 yuans (4,35 euros). Il a poursuivi le vendeur pour avoir omis de fournir un certificat de qualité.

La plupart de ces 800 affaires impliquaient de petites sommes d’argent, et beaucoup de celles qu’il tente de poursuivre en justice sont réglées à l’amiable pour un petit montant.

L’affaire a rapidement fait sensation parmi les chasseurs professionnels de contrefaçons, beaucoup craignant que l’environnement juridique de cette profession controversée ne devienne hostile.

AUCUN CONTRÔLE DE QUALITÉ

Les chasseurs de produits contrefaits sont apparus pour la première fois au milieu des années 1990, à une époque où les produits contrefaits étaient partout en Chine, et il n’y avait presque pas de lois sur la protection de la propriété intellectuelle. Pour résoudre le problème, le gouvernement a publié la première loi sur la protection des droits des consommateurs du pays, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1994.

La loi stipule que s’il s’avère qu’une entreprise a commis une fraude lors de la prestation d’un service ou la vente d’un produit, le client a légalement droit à une indemnisation pouvant aller jusqu’à deux fois ce qu’il a payé. L’objectif est d’inciter les clients à intenter des actions en justice contre les vendeurs et les fabricants de produits contrefaits et problématiques afin d’équilibrer la relation entre consommateurs et entreprises.

He Shan, un expert en droit civil qui a contribué à la rédaction de la loi, était un partisan majeur des mesures punitives à l’époque, affirmant que les autorités devaient fournir des incitations pour mobiliser le public à participer à la lutte contre les produits contrefaits.

Il ne s’est pas contenté de plaider en faveur de telles mesures, il a entamé des actions en justice. En 1996, il a acheté deux peintures qu’il savait fausses à un marchand d’art de Pékin, qui prétendait qu’il s’agissait d’œuvres de Xu Beihong, un célèbre artiste moderne chinois. He a poursuivi le marchand d’art et a reçu 5 800 yuans (841 euros), soit le double du montant qu’il avait payé. C’était le premier procès en Chine à accorder une indemnisation punitive sur la base de la nouvelle loi sur la consommation, et il est considéré comme une affaire historique.

Mais He n’a pas été le premier à profiter de la loi sur la protection des droits des consommateurs. Cet honneur revient à Wang Hai, un résident de Qingdao, dans

la province du Shandong dans l’est de la Chine. Wang est reconnu comme le premier chasseur de faux professionnel de Chine. En mars 1995, Wang Hai a acheté 12 paires d’écouteurs Sony contrefaits dans un centre commercial pour environ 1 000 yuans (145 euros). Après avoir déposé une plainte auprès des autorités commerciales de Pékin, il a été indemnisé deux fois ce qu’il avait payé.

Wang s’est rendu compte qu’il pouvait vivre de cette pratique. En cinq mois, Wang a gagné 8 000 yuans (1 160 euros), ce qui équivalait à l’époque à près de deux fois le revenu annuel moyen des résidents urbains en Chine. En décembre 1995, l’Association des consommateurs de Chine a désigné Wang comme le premier « guerrier anti-contrefaçon » de la Chine et lui a accordé 5 000 yuans (725 euros).

Le succès de Wang a attiré une longue lignée de faux chasseurs imitateurs, et c’est rapidement devenu une profession à temps plein. Zhao Jianlei, un ancien journaliste spécialisé dans les droits des consommateurs qui a rejoint le secteur de la lutte contre la contrefaçon en 2002, a rappelé que les années 1990 ont été une période où les consommateurs chinois se sont « réveillés » vis-à-vis de leurs droits. « À l’époque, les chasseurs de contrefaçons étaient vus comme des héros », a déclaré Zhao à Vision Chine. « Je peux encore en nommer une douzaine ».

Mais le boom de la chasse aux contrefaçons à but lucratif a suscité la controverse, certains experts juridiques affirmant qu’ils n’étaient pas des consommateurs ordinaires, mais des propriétaires d’entreprises à but lucratif qui ne devraient pas tomber sous le coup de la loi sur la protection des droits des consommateurs.

Puis, lorsqu’un tribunal de Pékin a condamné Zang Jiaping de la province du Shandong, qui se concentrait sur les faux médicaments, à trois ans de prison pour chantage en décembre 2003, cela a marqué

Avec l’augmentation de la chasse anti-contrefaçon abusive en Chine, des traqueurs parmi les plus connus du pays se demandent s’il y a encore un avenir pour eux.

un tournant majeur dans le soutien des autorités aux faux chasseurs. Beaucoup croyaient que la lune de miel était terminée.

DIFFICILE À DIGÉRER

Les choses ont rapidement changé en 2008 avec le tristement célèbre scandale du lait en poudre contaminé. L’affaire, qui a conduit à l’empoisonnement de quelque 300 000 enfants et à la mort de six d’entre eux en raison de produits falsifiés avec de la mélamine, impliquait le groupe Sanlu, l’un des plus grands producteurs laitiers de Chine ainsi que de nombreux petits producteurs. Alors que les autorités s’efforçaient de résoudre les problèmes de sécurité alimentaire, c’est devenu un moment décisif pour la loi chinoise sur la protection des consommateurs. Sanlu a fait faillite après le scandale. Tian Wenhua, la présidente de Sanlu, a été reconnue coupable de « production et vente de produits contrefaits » et condamnée à la prison à vie en 2009. Les rapports suggèrent qu’elle pourrait être libérée dans le courant de l’année, pour bonne conduite.

En 2009, le pays a adopté la loi sur la

sécurité alimentaire, qui a permis aux acheteurs de produits alimentaires de qualité inférieure d’obtenir une indemnisation allant jusqu’à 10 fois ce qu’ils ont payé. « Cela signifie un profit de 1 000% [pour les chasseurs de produits contrefaits], et tout est légal », a déclaré Zhao à Vision Chine. En conséquence, le nombre de chasseurs professionnels de produits contrefaits a augmenté « de manière exponentielle » au cours des années suivantes, et la plupart d’entre eux se sont concentrés sur l’industrie alimentaire, a déclaré Zhao.

Qualifiant les sept ou huit années qui ont suivi 2009 d’« âge d’or », M. Zhao a déclaré qu’il ciblait principalement les grandes marques, telles que Coca-Cola. « Tant qu’il y a des problèmes tels qu’un étiquetage erroné, le tribunal vous soutiendra. Un seul cas peut conduire à une indemnisation de 1 million de yuans (145 000 euros)», a déclaré Zhao.

Le 9 décembre 2013, la Cour populaire suprême a publié une interprétation de la loi sur la sécurité alimentaire, stipulant que les fabricants et les vendeurs d’ali-

ments et de médicaments ne peuvent pas se défendre dans des poursuites fondées sur la préméditation des acheteurs, soutenant les faux chasseurs.

« Cette interprétation juridique a officiellement reconnu les chasseurs de faux professionnels comme des consommateurs qui ont simplement choisi de protéger activement et fréquemment leurs droits », a déclaré Du Peng, un avocat du cabinet Zhongkai basé à Shanghai.

En 2014, la Chine a modifié sa loi sur la protection des droits des consommateurs, augmentant le montant de l’indemnisation de deux à quatre fois le montant payé par le consommateur, ce qui a poussé la chasse aux produits contrefaits à un nouveau sommet.

Selon Liu Junhai, professeur de droit à l’Université Renmin de Chine, la clause punitive de la loi sur la protection des droits des consommateurs a engendré un groupe de consommateurs intelligents qui ont joué un rôle dissuasif contre les violations de la sécurité alimentaire et ont contribué à créer un environnement commercial sain et propre.

Des douaniers de Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang, assistent à la compression de plus de 60 000 articles contrefaits interceptés, le 17 juin 2020

LITIGES ABUSIFS

De plus en plus de gens se joignent à eux, mais beaucoup d’entre eux sont opportunistes, et le business de la chasse aux contrefaçons sature. Beaucoup ont ciblé les petites entreprises et ont eu recours à des pratiques abusives ou même à des activités criminelles, comme devenir eux-mêmes des faussaires en fabriquant activement des preuves.

Selon Zhao Jianglei, certains chasseurs de produits contrefaits sont euxmêmes des contrefacteurs. Il a déclaré que certains vont dans des magasins et recherchent des produits alimentaires qui sont sur le point d’expirer et les cachent au fond des étagères. Après l’expiration du produit, ils reviennent pour les acheter, puis déposent des plaintes et des poursuites. « Inévitablement, les marges bénéficiaires élevées que rapportent la lutte anti-contrefaçon ont attiré de nombreuses personnes mal intentionnées », a déclaré Zhao.

Pour de nombreux propriétaires de petites entreprises, l’émergence de chasseurs de produits contrefaits est devenue un risque majeur. Xiang Jianhua, un vendeur de thé à Chongqing, a raconté son

calvaire à Vision Chine

Fin 2019, trois clients fréquentaient son salon de thé, mais jamais quand il y était. Ils n’ont montré aucun intérêt pour ses produits à base de thé et ont insisté pour acheter un thé en édition limitée exposé dans sa boutique. Le vendeur leur a dit que le thé avait été emballé en 2015 et qu’il n’était pas destiné à la vente.

Pour dissuader les clients, Xiang a demandé au vendeur de leur dire qu’il n’avait pas de valeur marchande réelle, mais que s’ils insistaient pour l’acheter, ils devraient payer 100 000 yuans (14 500 euros). À sa grande surprise, les clients ont accepté et tout semblait aller bien. Cependant, le vendeur a remarqué que la main du client tremblait lorsqu’il a entré son numéro d’identification de carte bancaire.

Après environ six mois, Xiang a reçu une convocation au tribunal, l’informant que les acheteurs l’avaient poursuivi pour avoir vendu du thé périmé, car l’étiquette sur l’emballage indiquait qu’il avait une durée de conservation de 36 mois.

Xiang n’avait aucune expérience des procès et était mal préparé. Le tribunal a

Wang Hai, connu comme le premier « guerrier anti-contrefaçon » de Chine, prononce un discours sur la protection des droits des consommateurs à l’Université de Pékin, le 17 mars 2005

statué contre lui et a accordé aux plaignants 1 million de yuans (145 000 euros), 10 fois le montant qu’ils avaient payé. Mais Xiang a déclaré que le thé était fermenté et avait une longue durée de conservation. Dans la culture chinoise du thé, les thés fermentés sont comme des vins fins ou des whiskies –plus ils vieillissent, mieux c’est. Il est courant que les thés de valeur aient des décennies.

Xiang a fait appel. Cette fois, il a été soutenu par une association chinoise du thé, qui a témoigné que la date de péremption sur le produit à base de thé était la date d’utilisation optimale pour le goût, et que le fait de passer la date ne le rendait pas inférieure aux normes. Cela a fait pencher la balance en faveur de Xiang.

Malgré sa victoire, Xiang est devenu très prudent sur les commandes coûteuses. Il gère lui-même toutes les transactions de plus de 1 000 yuans (145 euros) et n’offre plus de paquets d’échantillons aux clients. « Ces poursuites abusives sapent sérieusement la confiance entre les entreprises et les clients. Elles causeront un préjudice à long terme dans le secteur marchand », a déclaré Xiang.

Xiang a ajouté qu’il n’était pas la seule victime. Se préparant à son contre-procès, Xiang a rejoint un groupe local de vendeurs de thé qui avaient été victimes de stratagèmes similaires. Xiang a estimé qu’il y avait plus de 200 vendeurs dans le groupe et que chacun faisait face à au moins un procès.

VERS LE HAUT OU VERS LE BAS?

Alors que la question devient de plus en plus controversée, les entreprises alimentaires repoussent certaines lois. Lors de la session annuelle de l’Assemblée populaire nationale (APN, le principal organe législatif de la Chine) en 2017, Yang Guoxiu, le délégué de l’APN et le dirigeant de Hunan Guoxiu, un fabricant de produits fruitiers, a soumis une proposition à la Cour populaire suprême pour cesser de soutenir les acheteurs de produits problématiques lorsqu’il existe des preuves substantielles qu’ils sont conscients des

problèmes avant de faire l’achat.

En réponse, la Cour populaire suprême a déclaré qu’elle réduirait son soutien aux professionnels anti-contrefaçon « axés sur le profit » dans les poursuites judiciaires dans des industries autres que l’industrie alimentaire et médicale.

Selon Zhao, le taux de réussite des plaignants dans les affaires de contrefaçon a immédiatement chuté. « Dans le passé, le taux de réussite pour nous était d’environ 60-70% », a déclaré Zhao. « Mais maintenant, il est tombé à environ 10% ». Selon lui, dans les cas les plus récents, les chasseurs de faux n’étaient plus considérés comme des consommateurs, mais plutôt comme des chercheurs de profit.

Mais il semble que les tribunaux de différents domaines adoptent des approches différentes. Yan Bin (pseudonyme), un chasseur chevronné de marchandises contrefaites, a également ressenti une pression. Yan a déclaré qu’il ciblait généralement les produits contrefaits vendus en ligne et qu’il recevait les produits à Shenzhen, dans la province du Guangdong, où il poursuivait les vendeurs. Mais ces dernières années, les tribunaux de Shenzhen sont devenus de plus en plus réticents à accepter les affaires de Yan. L’année dernière, Yan a déménagé dans la région autonome Zhuang du Guangxi, voisine

du Guangdong, où il considère que les tribunaux restent réceptifs aux affaires d’anti-contrefaçon.

Un autre chasseur de produits contrefaits, Peng Bo (pseudonyme), a déclaré à Vision Chine que les tribunaux de Pékin avaient sensiblement changé leur position sur les affaires anti-contrefaçon à partir de la mi-2019. Il a déménagé à Shanghai, où il a intenté plus de 30 poursuites, dont la plupart ont été soutenues par les tribunaux.

Selon Wang Hai, qui possède maintenant quatre sociétés, il est temps pour les combattants anti-contrefaçon de lutter contre les escrocs en leur sein. En 2019, l’équipe de Wang a exposé un compte appelé « grand groupe de porcs » sur les médias sociaux, qui avait publié de nombreuses annonces pour recruter des « apprentis », leur apprenant à mettre des mouches dans la nourriture ou à menacer et à faire chanter les propriétaires d’entreprise. En 2021, Wang a affirmé sur son compte Weibo que la police avait arrêté les personnes qui utilisaient ce stratagème.

En ce qui concerne le dernier cas de Chen Zhiqiang, adolescent chasseur de faux, Wang a récemment déclaré sur les médias sociaux que Chen ne savait parfois pas ce qu’il faisait. « Dans certains cas, Chen a même accusé des producteurs n’utilisant que des ingrédients produits localement de ne pas avoir de

licences d’importation », a déclaré Wang.

Wang Hai, cependant, reste optimiste quant à l’avenir de l’activité anti-contrefaçon. « La récente répression des litiges abusifs peut favoriser le développement sain de l’industrie », a-t-il déclaré.

Ces dernières années, Wang a poursuivi son activité de chasse à la contrefaçon aux vendeurs chinois en streaming. En novembre 2020, Wang a fait la une des journaux en exposant que les nid d’oiseau vendus par Xinba, l’un des meilleurs diffuseurs en direct de Chine qui avait réalisé des ventes totales de 8,8 milliards de yuans (1,3 milliards d’euros) lors du festival annuel de soldes en ligne du 11 novembre, n’étaient rien d’autre que de l’«eau sucrée ». Un mois plus tard, les régulateurs du marché ont infligé à Xinba une amende de 900 000 yuans ( 130 500 euros) et suspendu son compte pendant 60 jours.

Puis, en décembre 2020, Wang a poursuivi Luo Yonghao, un autre diffuseur en direct de premier plan, pour publicité mensongère, après avoir vendu un produit d’hygiène personnelle fabriqué dans le pays comme un produit importé. Wang a demandé 250 millions de yuans (36,25 millions d’euros) dans un recours collectif. « Pour les vrais combattants anti-contrefaçon, c’est le meilleur moment pour les affaires », a déclaré Wang.

Des responsables de l’application de la loi partagent les dernières réglementations anti-contrefaçon dans une plantation de thé, comté autonome Miao de Rongshui, région autonome Zhuang du Guangxi, le 11 mars

Texte : Hua Piaobai Photos : Sun Yibing

Image LA CINQUANTAINE RAYONNANTE

Si vous cherchez la chanson d’amour la plus romantique de ces dernières années en Chine, de nombreuses personnes proposeront SalledebalàMohe

La chanson a été inspirée par l’histoire émouvante d’un vieux veuf, dansant toujours en solo dans une salle de bal située à Mohe, une petite ville froide du nord-est de la Chine, pour porter le deuil de sa femme. Malgré sa décoration désuète et son air poussiéreux, la salle témoigne d’un romantisme qui résiste au temps.

La chanson a profondément touché le jeune public et attiré l’attention sur ces salles de bal oubliées par l’histoire et fréquentées par le troisième âge.

Sun Yibing est un photographe indépendant. Depuis 2020, il s’intéresse aux lieux publics où se rassemblent les personnes retraitées. Parmi ces sujets, on trouve des salles de bal à Shanghai, Chongqing et Guangzhou ainsi que des parcs publics à Pékin fréquentés par des retraités considérant leurs activités physiques comme de vraies épreuves physiques.

Remarque:touslesportraitsontétéprisavecl’accorddessujets

À travers la photographie, Sun espère trouver la réponse à cette question : d’où vient l’engouement pour les espaces publics où l’on danse, pratique une activité physique, exhibant ainsi l’énergie d’un éternelle jeunesse ?

DE LA DANSE AU FESTIVAL DES SENS

Parmi tous les sujets qu’il a photographiés, Sun Yibing a été particulièrement impressionné par Tang. Dans une salle de bal top fashion à Shanghai, Tang, la soixantaine, retenait toute l’attention du public avec sa tenue à la mode.

Un maquillage exquis, Tang portait une robe de danse moulante fendue très haut, des lunettes à monture dorée, des bas et des talons hauts imprimés léopard assortis, sans oublier un remarquable tatouage sur la main. Excellente danseuse de rumba, elle se déplaçait dans la salle de bal comme un dragon sur des nuages.

Depuis mars 2021, Sun Yibing a pris des photos dans une dizaine de salles de bal du même genre. Il a découvert que ces passionnés de 50 à 70 ans se distinguaient nettement des autres : ils n’hésitent pas à se laisser aller. Indépendants, ils apprécient aussi la vie sociale. Que ce soit de par leur apparence ou leur état d’âme, ce sont des personnes âgées remarquables .

De plus, Sun Yibing a découvert qu’ils avaient tous l’air plus jeunes que leur âge réel. Par exemple, Sun Yibing appelait « jeune fille » cette danseuse d’une cinquantaine d’années car, sa peau, ses courbes et son mental suggéraient plus de vigueur que de jeunes gens. Sur place, elle était très demandée par les danseurs masculins.

Il y avait aussi cet homme dans la soixantaine, vêtu d’un costume noir, chemise largement entrouverte, sans aucun complexe quant à son âge. Il se déplaçait avec aisance dans la salle de bal, comme un oiseau dans le ciel.

Dans certaines salles de danse, il arrive que toutes les lumières soient soudainement éteintes, le temps de trois ou quatre chansons. On entend seulement la musique dans une ambiance équivoque et secrète, faiblement éclairée par la lumière occasionnelle des téléphones portables.

À la différence des discothèques de nuit des jeunes, ces salles de danse proposent des sessions le matin, le midi et le soir, accueillant ainsi trois groupes de public distincts :

La session du matin commence vers 7h30. Les personnes fréquentant alors la salle sont les plus âgées. Ils viennent sur la piste de danse pour faire de l’exercice après avoir fait leurs courses et accompagné leurs petits-enfants à l’école. La session du midi est réservée à un niveau de danse avancé. Ce sont des professionnels qui viennent s’exercer à différents styles de danse tels que le cha cha, la rumba, la salsa et les danses de salon. Certains s’entraînent pour une compétition et conçoivent leur propre chorégraphie. La session du soir est plutôt fréquentée par les jeunes qui viennent de passer la cinquantaine, l’objectif est aussi de pouvoir faire des rencontres.

LES JEUX OLYMPIQUES AU PARC OU RÉVÉLATION DE TALENTS CACHÉS

Avant de photographier les salles de bal, Sun Yibing s’investissait beaucoup dans sa collection In the park (Au parc). Fin 2020, il a découvert par hasard que, In the park de Pékin, certaines personnes âgées étaient comparables à des maîtres d’arts martiaux.

Il était ainsi resté bouche bée devant la pyramide que formaient les participants à un exercice insolite nécessitant des compétences de yoga, d’acrobatie, d’équilibre et de force. L’essentiel reposait sur le verrouillage créé par l’interaction de la posture de chaque membre de l’équipe, de sorte qu’un élément de la base puisse supporter quatre personnes.

Parmi tous les pratiquant, la plus admirable à ses yeux fut une femme de quarante-huit ans, surnommée L’Ange de la liberté. Sourde-muette, elle était douée pour les rotations en poirier avec les pieds attachés à une barre horizontale. Elle pouvait le faire pendant 30 minutes d’affilée. Dans un souci artistique, elle a acheté des accessoires sur Internet pour les adapter à ses spectacles de Transformation en papillon et Danse de dragon sur une barre fixe.

Ce sens de l’innovation se reflète dans toute la communauté des cinquantenaires et plus. Quiconque s’arrête pour admirer leurs exercices aura l’impression qu’ils auraient pu être des joueurs olympiques de haut niveau.

Ici, chaque entreprise improbable est un défi aux appareils de fitness traditionnels. « J’ai pris beaucoup de gros plans sur les équipements. Leur vocation initiale à destination des personnes âgées souhaitant s’étirer était certainement dépassée. Quel que soit le détournement, ces gens ont trouvé de nombreux usages innovants à ces appareils » remarque ainsi Sun Yibing

Sun a trouvé le ton de cette collection de photos grâce à une femme « qui s’entraînait avec un maquillage théâtral ». Elle portait un rouge à lèvres brillant, un fond de teint épais et un chapeau de velours noir extravagant, avec des gants fuchsia et des lunettes de soleil vert foncé, comme si elle était à tout moment prête à se rendre à un banquet ou à un rendez-vous privé.

Cette femme n’était pas la seule. L’habillement soigné est une caractéristique commune de cette communauté des parcs publics. La plupart du temps, ces gens portent des vêtements aux couleurs vives avec leurs bijoux les plus brillants et des accessoires originaux.

Pour Sun Yibing, il s’agit de parcs publics très polyvalents : ils ont non seulement pour fonction de permettre aux gens de faire de l’exercice, mais ils sont aussi une plate-forme de socialisation et de mise en valeur de soi. C’est pourquoi il a décidé d’utiliser fréquemment le flash. « Je les prends en fait en photo comme des stars, je les photographie comme pour la Fashion Week de Paris », a-t-il expliqué.

Avec le temps, Sun Yibing a appris que nombre d’entre eux ne sont pas des professionnels. La plupart ont commencé tardivement, vers la soixantaine.

Pour lui, ses deux collections In the park et Nocturnes exposent fondamentalement les personnes d’un même groupe : la cinquantaine ou la soixantaine, elles aiment toujours autant la vie. La vigueur est encore à son apogée, les seules différences sont les lieux et les activités. Ils parlent rarement de « petites choses » comme le mariage de leurs enfants, et ils se soucient davantage d’eux-mêmes.

Selon Sun, les salles de bal et les parcs publics pourraient devenir des antiquités et ces gens deviendraient les symboles d’une époque. « Lorsqu’ils arrêteront de s’amuser, ces lieux disparaîtront vraiment ».

Culture

«VERTICAL BROADWAY», LE NOUVEL ESPOIR DU PETIT THÉÂTRE CHINOIS

Au cours des quatre dernières décennies, le mouvement des petits théâtres chinois a mis en scène d’importantes œuvres expérimentales acclamées par la critique. Après avoir été durement touchée par l’épidémie, la communauté, en difficulté depuis longtemps, a trouvé un nouvel espoir dans le « Vertical Broadway » de Shanghai.

Par

Au 650 Hankou Road, au cœur de Shanghai, l’Asia Building, un bâtiment de 21 étages surnommé « Vertical Broadway », est passé en 2019, d’un espace commercial ordinaire pour devenir le dernier bastion du théâtre du pays. Il abrite 22 lieux appelés « espaces étoilés », pouvant accueillir 100 personnes chacun, diffusant des comédies musicales et accueillant jusqu’à 2 000 personnes par nuit. Assister à un spectacle à l’Asia Building est devenu un must pour les amateurs de théâtre international.

La renommée du bâtiment a com-

Ni Wei et Qiu Guangyu

mencé avec Mia Famiglia. Adaptée de la comédie musicale sud-coréenne de Lee Hee-joon et Park Hyun-suk, la production locale a été créée en août 2020 à l’« espaces étoilés 1 ». Située dans un bar newyorkais sur le point de fermer ses portes dans les années 1930, la pièce est centrée sur un chef mafieux qui force deux acteurs de vaudeville à jouer le dernier spectacle du bar – la comédie musicale éponyme sur la vie d’un parrain de la mafia.

La scénographie de Mia Famiglia explose la notion de quatrième mur. Le public est assis dans un long bar qui s’étend à

travers la salle, où il peut commander des boissons et devenir une partie intégrante du spectacle. Les interprètes chantent et dansent si près que le public peut saisir la plus petite expression et le moindre mouvement.

Bien que la pandémie de Covid-19 ait dévasté l’industrie théâtrale chinoise depuis début 2020, Mia Famiglia s’est avérée un véritable miraculé. Au cours des 18 mois qui ont suivi sa création, le spectacle a été joué plus de 500 fois et a tourné à Changsha (Hunan), Chengdu (Sichuan) et Guangzhou (Guangdong).

Absolute Signal, réalisée par Lin Zhaohua en 1982, est considérée comme la première pièce de petit théâtre de Chine

Cette année marque le 40e anniversaire du mouvement des petits théâtres chinois, qui, comme Off-Off Broadway, fait référence à des œuvres expérimentales mises en scène dans des théâtres de 100 places ou moins. Au-delà de la taille des salles, le petit théâtre est plus avant-gardiste, expérimental et franc. Alors que Pékin et Shanghai sont depuis longtemps au centre, Shanghai a depuis pris le devant de la scène.

« JOUER OU MOURIR »

Le producteur de théâtre Han Kun se souvient de la période la plus sombre de sa carrière.

Après avoir obtenu son diplôme de théâtre en Corée du Sud, Han a fondé la société de production Focustage à Pékin. Alors que sa compagnie prenait pied dans la capitale du pays, le Covid-19 a mis un terme au théâtre. Confronté à d’énormes dettes, à des salaires impayés et à des frais généraux élevés, Han a lutté mois après mois.

Son dernier espoir était un ancien salon de beauté dans l’Asia Building.

En 2019, Han a travaillé avec les propriétaires YHH Theater Management Company pour transformer l’espace de 200 mètres carrés en un petit théâtre pour sa production de Mia Famiglia.

La salle longue et étroite n’était pas une forme idéale pour un théâtre traditionnel. Mais Han était inspiré. Il en a fait un véritable bar de travail, avec un long comptoir traversant le milieu qui servirait de scène. En raison de la pandémie, les rénovations n’ont repris qu’en mai 2020.

« Mia Famiglia était jouée ou morte », a déclaré Han au Shanghai Observer, « À l’époque, je pensais que si ce projet réussissait, Focustage survivrait. Sinon, nous sombrerions ».

Son pari a payé. Après sa première le 28 août 2020, Mia Famiglia est devenue virale. Surnommé « The Little Bar » par les fans, le spectacle est rapidement devenu la production de « petit théâtre » la plus populaire en Chine.

Le théâtre immersif offre une expérience de spectacle si unique que certains fans inconditionnels ont assisté à 100 représentations. Ils s’assoient près du bar, sirotent un verre et regardent les acteurs chanter et danser parmi eux.

En 2021, Focustage a produit deux comédies musicales coréennes et une pièce britannique adaptée en chinois – Santa Lucia de Lee Hee-joon sur un parrain de la mafia new-yorkaise, Supernova d’Ahn Han-ji qui détaille la vie d’un auteur-compositeur-interprète inconnu et Smith Run For Your Wife, basé sur une comédie écrite en 1983 par le dramaturge britannique Ray Cooney.

Les spectacles ont tous été mis en scène dans l’Asia Building. Semblable à Mia Famiglia, chacun comportait des décors immersifs, comme le casino de Santa Lucia ou le salon de Smith Run For Your Wife

Han s’est auparavant concentré sur le message et les valeurs d’un spectacle offert au public. Mia Famiglia a été sa première incursion dans le divertissement pur.

« Mon objectif est simple : que les spectacles que nous produisons donnent au public le sentiment d’en avoir pour son

argent, qu’il soit prêt à revenir au théâtre et à le laisser faire partie de sa vie », a déclaré Han à Vision Chine

La série de succès de Focustage a annoncé une renaissance du petit théâtre centré sur l’Asia Building, soutenant davantage de spectacles tels que l’adaptation chinoise du thriller musical Flames de l’écrivain et compositeur américain primé Stephen Dolginoff qui a été créé en 2013, et la production originale Light Keepers de Fu Lei et Ren Wenting sur une rencontre entre un gardien de phare âgé et un jeune constructeur de bateaux dans l’Angleterre des années 1940.

PERDRE DU TERRAIN

Deux jours après sa première au Poly Theater de Pékin, The Murder in Kairotei du réalisateur Zhao Miao, adapté du roman de l’auteur japonais Higashino Keigo sur la famille d’un magnat se précipitant pour sa succession, a été suspendu le 1e mai, alors que la ville imposait des restrictions liées à la pandémie.

Connu pour combiner les traditions dramatiques occidentales et chinoises, le metteur en scène de 43 ans est une force active dans la communauté théâtrale.

La production de petit théâtre emblématique de Zhao, Aquatic, créée en 2012, provient du roman Strange Tales from a

Image de Rhinoceros in Love, réalisée par Meng Jinghui, figure de proue de l'innovation théâtrale chinoise, photo prise le 6 juin 1999

La pièce phare de Zhao Miao , Aquatic , a été créée en juillet 2012 au Festival d’Avignon, Avignon, France. Les artistes portent des masques Nuo, un élément de l’opéra Nuo, un ancien opéra folklorique chinois originaire de la province du Guizhou

Chinese Studio de l’écrivain Pu Songling de la dynastie Qing (1644-1911), centré sur une amitié entre un esprit de l’eau et un pêcheur âgé. La pièce présente les traditions Nuo – une ancienne forme d’opéra folklorique chinois qui implique des masques élaborés et des rituels folkloriques destinés à chasser les mauvais esprits.

Bien que connu pour ses productions commerciales plus importantes, le véritable amour de Zhao est le petit théâtre, où il peut prendre des risques, enfreindre les règles, expérimenter et faire des erreurs.

« On a l’impression de plonger dans des eaux profondes. Parfois, je fais surface pour respirer, puis je replonge à nouveau », a déclaré Zhao à Vision Chine Berceau du mouvement chinois des petits théâtres, Pékin a connu quatre décennies de son développement. Les scènes usées des petits théâtres de Pékin ont accueilli de nombreux drames d’avant-garde. Le petit théâtre de Pékin a la réputation d’être original, pionnier et

très critique.

En 1982, le metteur en scène Lin Zhaohua a dirigé le premier œuvre de petit théâtre chinois Absolute Signal dans un studio de répétition au Théâtre d’art populaire de Pékin. L’œuvre tourne autour d’un vol dans un wagon et présente une scénographie minimaliste innovante, sans précédent dans le théâtre chinois. Absolute Signal a annoncé le mouvement du petit théâtre en Chine, qui a inspiré des productions plus avant-gardistes. Le China Youth Art Theater a produit des œuvres comme The Old B on the Wall (1984) et Social Image (1986). Le Théâtre expérimental central a présenté A Visit from the Dead to the Living (1985). Lin Zhaohua a réalisé ce qui est devenu sa « trilogie des oisifs » - The Wild Man (1985) de Gao Xingjian, et The Chess Man (1995) et The Fish Man (1997) de Guo Shixing.

Le metteur en scène et dramaturge Meng Jinghui porte le flambeau depuis les années 1990. En tant que metteur en scène de théâtre expérimental le plus po-

Le 28 août 2020, la comédie musicale Mia Famiglia a été créée dans le petit théâtre « Star Space1 » dans l’Asia Building, Shanghai

pulaire de Chine, Meng fait l’équilibre entre art et attraction populaire. Il a mis en scène une série de pièces acclamées, dont son œuvre I Love XXX (1994) et The Life Comments of Two Dogs (2007) de Liu Xiaoye et Chen Minghao. La production de Meng de Rhinoceros in Love, écrite par sa femme Liao Yimei, qui raconte l’obsession romantique d’un gardien de rhinocéros pour son voisin, a été mise en scène plus de 3 000 fois depuis sa première en 1999.

Néanmoins, Zhao Miao a déclaré à Vision Chine que le mouvement des petits théâtres de Pékin avait perdu du terrain depuis 2019. Au fur et à mesure que le marché se contractait, les créatifs se sont déplacés vers le sud à Shanghai pour de nouvelles opportunités.

Le boom des petits théâtres de Pékin a eu lieu dans les années 2010, avec des lieux comme le théâtre nord de l’Académie centrale d’art dramatique, le petit théâtre du théâtre d’art populaire de Beijing et le théâtre d’avant-garde de la Compagnie nationale de théâtre de

Chine prenant la tête.

Cependant, le nombre de petits théâtres a depuis diminué. Seuls quelques-uns, tels que le Drum Tower West Theater et le Penghao Theater, luttent pour garder leurs portes ouvertes.

La hausse des loyers est en partie à blâmer. Au milieu des années 2000, Zhao Hai a déclaré que les petits théâtres payaient environ 2 000 yuans (290 euros) par spectacle. Mais au cours des cinq dernières années, ce chiffre est passé à 10 000 yuans (1 450 euros).

Une autre raison : l’évolution des goûts du public. Le public plus jeune préfère les spectacles commerciaux légers au théâtre sérieux. « Pour beaucoup, la vie et le travail sont déjà assez sombres. Veulent-ils vraiment se détendre après le travail avec un spectacle sérieux? » dit Zhao.

Li Yangduo, fondateur du Drum Tower West Theater, a déclaré que tout ce dont une bonne pièce a besoin, c’est d’un espace, ’imagination et de la créati-

vité. « Mais le triste fait est que Pékin a perdu de plus en plus de théâtres et de talents au cours des deux dernières années », a déclaré M. Li à Vision Chine.

« Mais si le mouvement des petits théâtres de Pékin ne s’attaque plus à des problèmes graves, n’explore plus le monde et l’individu, alors il perd son sens », a-t-il déclaré.

LA VOIE DE SHANGHAI

Apprenant des malheurs des lieux de Pékin, le gouvernement de Shanghai a publié une politique en 2019 qui permettait à tout lieu de la ville qui accueille au moins 50 représentations par an de devenir un « nouvel espace pour les arts de la scène ». Cela a directement profité à l’Asia Building, dont le succès a alimenté le boom théâtral de la ville.

« Dans le passé, il était assez difficile pour les petites compagnies comme nous de trouver un vrai théâtre. La nouvelle politique a aidé à jumeler les partenaires pour régler le problème du lieu », a déclaré Han Kun.

Outre les bâtiments commerciaux, des théâtres éphémères ont été créés dans des lieux tels que des cafés, des librairies, des salons de thé, d’anciennes usines et des places publiques. Depuis 2019, plus de 100 nouveaux espaces de performance ont ouvert leurs portes à Shanghai. En 2021, plus de 40% des pièces et des spectacles à Shanghai ont été joués dans des théâtres éphémères.

Le 19 décembre 2021, un mélange de quatre comédies musicales populaires, dont Mia Famiglia , a été présenté sur une place ouverte d’INLET, un complexe culturel rénové dans le district de Hongkou à Shanghai. À la fin du spectacle, des mots projetés sont lentement apparus sur le mur d’un vieux bâtiment: « Là où il y a des gens, il y a un théâtre ».

Le producteur de théâtre basé à Shanghai, Wei Jiayi, décrit les deux centres de petits théâtres chinois comme ayant leurs propres marques distinctes: les productions de Pékin sont avant-gar-

distes, tandis que celles de Shanghai sont plus commerciales.

Wei a déclaré à Vision Chine qu’avant la pandémie, le théâtre de Shanghai dépendait fortement des compagnies de théâtre étrangères et des adaptations chinoises d’œuvres étrangères. Lorsque les restrictions liées à la pandémie ont empêché les compagnies de théâtre étrangères et les nouvelles œuvres de faire des tournées en Chine, de petites productions théâtrales originales ont pris leur place.

« Lorsque les deux montagnes géantes sont tombées, le petit théâtre local s’est levé à leur place », a déclaré Wei.

En 2019, Wei a produit Frankenstein: The Dream of Ice and Fire, une production originale de petit théâtre qui rend hommage au chef-d’œuvre de Mary Shelley. En 2021, il a produit The Last Story about a Dynasty, un drame historique sur un empereur de la dynastie Ming (1368-1644) se déroulant dans les temps modernes.

Wei compare la production d’un drame à un « mélange de boissons» : Avant de commencer, vous devez obtenir le bon mélange d’attrait artistique et commercial.

Par exemple, si vous voulez un projet qui a 80% de valeur commerciale et 20% d’expression artistique, vous devez dépenser plus pour la scénographie et accorder moins d’attention à votre ego. Si vous voulez produire un travail fortement personnel, vous devez réduire les attentes du marché », a déclaré Wei.

Selon Han Kun, la communauté des petits théâtres de Shanghai a moins de mal à concilier valeur commerciale et qualité artistique que Pékin.

« Ma plus grande motivation pour produire pour la scène est de créer un sentiment de bonheur et de l’apporter au public. Je veux fournir une utopie pure, un refuge urbain pour les amateurs de théâtre, pas seulement poursuivre une certaine idée du grand art », a déclaré Han.

Les productions de Pékin sont avant-gardistes, tandis que celles de Shanghai sont plus commerciales.

Société

A LA RECHERCHE DE LA JEUNESSE PASSÉE SUR UN TERRAIN DE FOOT

Par Hu Kefei

Al’âge adulte moyen, les hommes ayant une vie sociale beaucoup moins active mènent en général un mode de vie métro-boulot-dodo.

Lao Song (vieux Song), âgé de 40 ans, est père de deux enfants (respectivement) de 8 (ans) et 3 ans. En dehors du travail, il consacre presque tout son temps à ses deux enfants, « corrige les devoirs du grand et raconte des histoires au petit ». Cette routine quotidienne le fatigue et déprime.

Un jour, lorsque Lao Song était en train de faire des achats en ligne pour ses enfants, le big data lui recommanda

une paire de chaussures de football à crampons et en cuir, vendue au prix spécial de 210 yuans (30,43 euros) au lieu de 890 yuans (129 euros). Elle attira tout de suite Lao Song, passionné de football depuis son enfance. Il n’avait jamais eu de véritables chaussures de football et ses parents ne pouvaient lui offrir que des chaussures à semelle en caoutchouc à bas prix.

UN RENDEZ-VOUS DE FOOTBALL DIFFICILE À ORGANISER

Le lendemain, une paire de chaussures de football rouges fut livrée chez

Lao Song qui se mit ensuite à envoyer des messages à ses anciens camarades de classe et amis sur WeChat, « Comment ça va ? Ça te dirait de jouer au foot un de ces jours ? » Les réponses reçues furent presque les mêmes, « Je suis trop fatigué en ce moment, si l’on prenait un verre ensemble quelque part ? »

Lao Song insista, « Allons plutôt jouer au foot que boire de l’alcool ». Ses amis répondirent : « Vraiment pas de temps pour ça, tout le monde a tant de choses à faire. En plus, on sera fatigué après, et si jamais on est blessé, ça ne vaudra pas le coup ».

Après avoir échangé des messages sur WeChat pendant plusieurs soirées, Lao Song renonça, comprenant très bien les ennuis et excuses de ses amis. A l’âge adulte moyen, chacun s’occupe de sa vie, et c’est souvent plus fort que soi.

Un week-end, en attendant son fils qui était en cours de soutien périscolaire, Lao Song partit trouver un terrain de football avec ses chaussures rouges, voulant tenter sa chance.

LA LOI DE LA SURVIE DU FOOTBALL AMATEUR

Lao Song eut plutôt de la chance. Alors qu’il regardait un match au bord du terrain pour la première fois avec ses chaussures de football à la main, il fut repéré par Da Pao qui, âgé de 5 ans de plus que lui, se vantait souvent de son engagement comme artilleur pendant sa jeunesse - raison de son surnom, Da Pao (grand canon).

Défenseur sur le terrain, Da Pao mettait une grande pression sur l’attaquant de l’adversaire avec sa taille de 185 cm et son poids de près de 100 kg. Cet après-midi-là, Da Pao repéra très vite Lao Song, habitué à voir des hommes d’âge moyen venir seuls au terrain avec des chaussures de football à la main. Peu après le début du match, le téléphone d’un homme surnommé « Sanglier » sonna, et après avoir parlé 5

minutes au téléphone, l’homme quitta le terrain avec son téléphone. Du coup, il y manquait une personne.

« Salut Chaussures rouges ! Tu sais jouer au poste de défenseur ? Si oui, viens nous rejoindre ! »

Ce furent les premières phrases prononcées par Da Pao à Lao Song. Désormais, Lao Song est appelé « Chaussures rouges » sur le terrain de football.

Lao Song était loin d’être performant ce jour-là, sans atteindre même la moitié de son niveau à l’école. Incapable de contrôler son corps, il se sentait épuisé en fin d’après-midi. Après le match, Da Pao vint le voir avec son portable dans la main. « Laisse-moi scanner ton code QR. Je t’ajouterai dans notre groupe, et on jouera ensemble quand le temps le permet ».

Ainsi, Lao Song fut ajouté à ce groupe composé de 92 membres et nommé « les silhouettes qui courent sous le soleil couchant représentent notre jeunesse passée », un nom très long.

Lao Song demanda ensuite l’avis de sa femme, envisageant d’aller jouer au football tous les week-ends pendant le cours de soutien périscolaire de leur fils, au lieu de rester sans rien faire. Celle-ci donna immédiatement son accord. « Vas-y, fais attention de ne pas te blesser. En tout cas, il vaut mieux jouer au foot que boire de l’alcool ».

Le lieu et la date du match ne sont jamais fixes. Ils

vont à l’endroit où le terrain est disponible, en bonnes conditions et pas cher. Lao Song ne dit pas à sa femme que parfois, il doit parcourir 80 km aller-retour pour pouvoir jouer au football.

Les joueurs, eux non plus, ne sont jamais les mêmes chaque fois. « Absence » devient un mot fréquemment mentionné parmi les adultes d’âge moyen qui jouent au football. Avec les voyages d’affaires, les heures supplémentaires, les cours extrascolaires des enfants, les parents âgés tombés malades, ils ne peuvent jamais déterminer eux-mêmes la date du match.

Parmi les membres du groupe, un homme, dont même Da Pao ignore le nom et connu pour être un patron, vient chaque fois avec une voiture différente, et la plus chère suffit même à payer un logement dans cette ville.

« Ce patron aime bien le foot, mais il ne joue pas bien. Dès son arrivée, nous lui demandons de jouer à l’arrière défensif, un poste qui semble important, mais convient le mieux à un patron. Sans trop de déplacement ni trop de technique, il lui suffit de passer le ballon aux autres. Si le but est marqué, c’est grâce à sa passe, et en cas de ballon perdu, personne ne lui en voudra ».

Tout le monde est content lorsque le « patron » vient jouer au football, car cela signifie qu’il n’y aura pas de partage de frais de location et des boissons gratuites seront offertes.

« Ne crois pas que la pratique du football amateur est dans un paradis coupé du monde. Ici s’applique aussi la loi de la survie qu’est la loi de la jungle. Si tu connais les règles de savoir-vivre et sais parler, les autres accepteront de jouer avec toi. Par contre, si tu prononces des gros mots et manifestes de la mauvaise humeur, tu pourras en être évincé. Au cours du match, il faut aussi se montrer intelligent, passant le ballon même si l’on sait qu’il n’y aura pas de but, sinon tu seras pris pour un imbécile. Tout cela, c’est de l’expérience », partagea Da Pao ses astuces de survie sur le terrain de football amateur.

AIMER TOUT SIMPLEMENT JOUER AU FOOTBALL

Un grand nombre d’adultes d’âge moyen dit pratiquer du sport pour la santé et le bien-être. Mais en réalité, les hommes d’âge moyen qui jouent au football amateur parlent rarement de ces bienfaits.

Personne ne sait à quel point la pratique du football permet de se fortifier, et quant au bien-être, il semble qu’il y ait peu de lien entre celui-ci et les dif-

férentes blessures causées par la pratique du football amateur, telles que les blessures musculaires, les jambes cassées et les ecchymoses.

« Crois-moi, il n’y a rien d’autre que la passion du foot », avoua Xiao Hou, le plus jeune du groupe de Da Pao et diplômé d’un doctorat l’an dernier. Grâce à sa vitesse rapide et à ses bonnes conditions physiques, il est capable de marquer un but lorsque le match stagne. Les autres, plus âgés, prennent bien soin de lui en raison de son jeune âge.

L’an dernier, empêché par le covid-19 de rentrer passer le nouvel an dans sa ville natale, Xiao Hou a passé le nouvel an chez les copains du groupe de Da Pao, nourri et logé. « Avec des raviolis, poulets rôtis et grosses carpes, on ne mangeait pas moins bien que chez moi ».

Des bagarres ont souvent lieu sur le terrain de football amateur, mais la plupart sont

calmées sur le terrain et très peu de gens appellent la police pour une rixe lors du match. « Certains ayant un mauvais caractère ou une grande pression au travail, la mauvaise humeur éclate au cours du match. Aussi, les tensions sont inévitables avec la multiplication des contacts physiques ».

« Une fois, un ancien joueur professionnel qui se trouvait remarquable est arrivé sur le terrain. Il était bon techniquement mais sa morphologie a bien changé. Je l’ai évité deux fois en avançant avec le ballon et cela l’a vexé. Du coup, il m’a directement touché à la cheville et à la fin du match, j’avais beaucoup de bleus sur mes jambes ».

Furieux, Da Pao refusa de lâcher ce joueur sur le terrain, en disant « On est ici pour jouer, tu ne peux pas blesser notre jeune ami ». A la fin, Xiao Hou retint Da Pao, l’empêchant de passer à l’acte.

« C’est encore très marrant quand j’y pense maintenant. Cela fait partie du football », confia Xiao Hou.

Un week-end, vers la fin de l’après-midi, le match prit fin. Comme d’habitude, Lao Song se dirigea vers le parking avec ses chaussures rouges à la main. Son T-shirt était complètement mouillé et des vêtements propres étaient à sa disposition dans la voiture. Il monta et démarra sa voiture, climatisation déclenchée sur froid maximum.

Lao Song sortit son portable et paya 55 yuans (8 euros) de participation dans le groupe au nom de « Chaussures rouges ».

Puis, il tourna le volant et quitta le terrain, disant au revoir à son nom « Chaussures rouges » pour une semaine.

Cet automne, Lao Song compte s’acheter une nouvelle paire de chaussures de football. Peu importe le prix à payer, mais elle doit être de couleur rouge.

Société

POURQUOI LES IMMORTELS CHINOIS VOLENT VERTICALEMENT ALORS QUE LES SUPER-HÉROS OCCIDENTAUX

VOLENT HORIZONTALEMENT

Par Tong Zi / Yi Du

Le rêve de naviguer dans les airs est aussi ancien que l’humanité qui, incapable de voler, fait voler les personnages des peintures et des histoires. Cependant, en matière de position en vol, il existe toujours de légères différences entre la Chine et l’Occident.

Il est de notoriété publique que les immortels chinois volent souvent verticalement, restant tout droit pour la plupart d’entre eux.

En revanche, à l’Occident, les super-héros, représentés par Superman ou Superwoman, préfèrent voler horizontalement.

Alors, pourquoi les immortels chinois volent souvent verticalement alors que les super-héros occidentaux, eux, préfèrent voler horizontalement ?

LA DESTINATION DÉTERMINE LA FAÇON DE VOLER

Les immortels chinois ont leur « bastion » dans le monde céleste qui n’est pas loin de la terre afin de faciliter la gestion du monde terrestre et la chasse des démons. Nous savons que les immortels ne comptent pas sur la force ascendante ou la force flottante pour voler, mais sur la « force divine ». Pourtant, la résistance de l’air étant inévitable, ce qui convient le mieux à la montée et à la descente des immortels est la « mésosphère », marquée par une forte convection verticale et une petite résistance au vol vertical. Des études amenés par les amoureux de la mythologie chinoise montrent que c’est là où se trouve le monde céleste habité par l’Empereur céleste et les immortels qu’il dirige.

Il paraît que le monde céleste est composé de neuf gradins

?

superposés et trente-six couches. Par conséquent, les immortels chinois montent et descendent entre les différentes couches du ciel, faisant de temps en temps des déplacements entre la terre et le palais céleste. En raison de ces mouvements verticaux, leur façon de s’envoler s’apparente plutôt au lancement de fusées.

Certains immortels ne volent pas tout à fait verticalement, mais avec une certaine inclinaison. Prenons l’exemple de Chang’e qui, dans la légende, s’envola sur la lune après avoir avalé le breuvage d’immortalité pour éviter de le laisser au malfaiteur qui mettrait en danger le monde terrestre. Cela correspond parfaitement au vol de nos fusées avec un certain angle d’inclinaison après leur lancement dans l’espace. Il s’agit d’une trajectoire de vol conçue par les scientifiques selon des calculs rigoureux, visant à économiser le carburant de l’engin spatial, un bon sens que les immortels connaissent par cœur.

De ce point de vue, parmi les super-héros occidentaux, seul le dieu du Tonnerre Thor, qui vole souvent avec un marteau, peut se comparer aux immortels chinois. Ce dieu occidental, « domicilié dans l’espace », est originaire d’Asgard et capable de voler parfaitement à la fois de façon horizontale et verticale.

A part lui, que ce soit Superman portant son slip par-dessus son collant, Iron Man fortuné ou Spiderman mordu par une araignée génétiquement modifiée, ils ne peuvent pas être qualifiés d’immortels. Restant d’habitude à la maison, ils ne se transforment qu’en cas d’urgence avant de se déplacer d’un endroit à l’autre pour sauver la terre. Leur itinéraire est comme celui d’un avion tandis que voler horizontalement permet de réduire la résistance de l’air.

Le déplacement des immortels dans la série télévisée « La Pérégrination vers l’Ouest »

Superwoman vole horizontalement avec les bras écartés

Le monde céleste des légendes

Chang’e s’envole sur la lune

Le dieu du Tonnerre vole horizontalement sur la terre et verticalement pour rentrer chez lui

STYLE XIEYI ET LE RÉALISME

L’art, vecteur de la culture, reflète la pensée philosophique qui se cache derrière. La peinture chinoise cherche à écrire l’esprit des choses au lieu de les décrire ou d’en reproduire l’apparence (Xieyi), sous l’influence philosophique de l’étude du yin yang dans le « Zhou Yi », alors que la peinture à l’huile occidentale, quant à elle, est caractérisée par le réalisme sous l’influence de la locution « imitation de la nature » dans la philosophie grecque.

Le « Zhou Yi » a non seulement influencé la peinture chinoise, mais aussi la modalité de pensée des gens. Dans la Chine antique, le taoïsme trouva raison-

nable le fait que les immortels volèrent verticalement : « les immortels, soit ils montent jusque dans les nuages et volent sans aile, soit ils montent sur un dragon ou un nuage pour atteindre les couches du monde céleste…… » Le « Dictionnaire du mandarin » explique « monter » comme « sauter vers le haut », une définition qui a déterminé la façon de voler des immortels chinois.

Les « fresques de Dunhuang », joyau de l’art bouddhiste associant la tradition confucéenne à l’idéologie taoïste chinoises, montrent les figures des immortels sur les nuages. Ceux-ci doivent non seulement arriver à « monter » et « voler sans aile » comme l’explicite le

taoïsme, mais aussi se tenir « droit » en vertu des rites confucéens.

Les immortels chinois n’ont pas besoin de montrer leur posture en vol pour prouver qu’ils s’envolent, car les nuages qui les entourent signifient déjà qu’ils sont dans le ciel. Cette modalité d’expression ressemble à Xieyi de la peinture chinoise à l’eau et à l’encre, soit « l’envol d’impressionnisme chinois».

A cela s’oppose « l’envol réaliste » de l’Occident. On remarque que les super-héros tendent un bras vers l’avant quand ils s’envolent, à l’instar d’un tube de Pitot d’avion qui sert à mesurer la vitesse des fluides.

Les figures des immortels dans les « fresques de Dunhuang »

Le bras tendu vers l’avant par les super-héros en vol est comme le tube de Pitot (placé) à l’avant d’un avion de combat

LA PROTECTION ANIMALE ET LE VOL DÉCARBONÉ

En effet, un grand nombre d’immortels occidentaux volent sur leur monture, tel que la Mère des Dragons Daenerys qui chevauche un dragon dans « Game of Thrones » ou Jake Sully qui monte l’oiseau Toruk sur la planète Pandora. Ils peuvent tout à fait rester assis sur leur monture au cours du vol, alors que dans les séries et films, ils ont l’habitude de rester « allongés sur le ventre » sur leur monture afin de maintenir à la fois le corps et la monture « à l’horizontal ».

Une telle posture vise probablement, sous l’influence des organisations de protection animale, à réduire la résis-

tance de l’air sur son corps pour rendre sa monture moins fatiguée. Bien entendu, il est aussi possible que l’on craigne de se faire renverser par des vents violents durant le vol en raison de son pouvoir magique insuffisant.

Les immortels chinois, quant à eux, reflètent la hiérarchie sociale à travers leur habillement et mode de vie, tout comme dans le monde terrestre. Les immortels bénéficiant d’une position hiérarchique élevée possèdent leur propre monture, comme Taishang Laojun sur un taureau vert, le bouddha Rulai sur un éléphant blanc à six défenses et le bouddha Wenshu sur un lion. Quelle que soit la monture, les immortels chinois se

tiennent tout droit et volent verticalement et gracieusement à travers les nuages et les brumes.

Néanmoins, de nombreux immortels, ultérieurement, ont abandonné leur monture, peut-être en raison du nombre insuffisant de montures à distribuer face au sureffectif ou pour répondre à l’appel des organisations de protection environnementale, se mettant à voler dans les airs sur les nuages. Prenons l’exemple du roi des singes Sun Wukong, un personnage de la « Pérégrination vers l’Ouest », a réussi sa technique magique Jindou Yun, capable de parcourir 108 000 li (54 000 km) en un seul saut avec ses pieds sur nuages. C’est un véritable vol décarboné.

Daenerys et Jake Sully préfèrent voler horizontalement sur leur monture

Selon les « Biographies d’immortels » (« Liexian Zhuan »), pendant la période des Printemps et Automnes (environ 700 ans avant J.-C.), Nong Yu, fille du Duc Mu de Qin, et le jeune ermite Xiao Shi sont tombés amoureux l’un de l’autre grâce à la musique, et deviennent tous immortels après leur mariage, montant respectivement sur un phénix et un dragon

ENFERMÉS À L’EXTÉRIEUR

Par Leila Hashemi

Ce n’est pas un peu bizarre d’être triste alors que les restaurants rouvrent à Pékin ?

Peut-être, mais pas tant que ça. Au début, j’étais agacée et un peu inquiète lorsque le service en salle a été suspendu fin avril, mais très vite ces sentiments ont disparu, car les restaurateurs de Pékin se sont adaptés très rapidement, tout comme l’ont fait les Pékinois.

Tout d’abord, les gens se sont assis à l’extérieur des restaurants où ils venaient chercher leurs plats à emporter. J’avais l’impression d’être transportée dans mes premiers mois à Pékin, oubliés depuis longtemps. A l’époque, les gens se rassemblaient dans les rues et les ruelles à des tables de fortune, sur de minuscules tabourets, buvant de la bière bon marché et avalant de grandes quantités de viande et de légumes cuits au barbecue. Cependant, cette réminiscence d’un temps passé allait à l’encontre des restrictions sanitaires, et certains établissements ont même eu des ennuis. Nous nous sommes donc à nouveau adaptés.

Après cela, les foules se déplacèrent vers les berges. Et il y en a une en particulier qui a attiré l’attention des Pékinois prêts à se détendre et boire quelques verres – les berges de la rivière Liangma, qui a été considérablement embellie. Les médias locaux l’ont même décrite comme la « Seine de Pékin ». Mes amis et moi avons essayé de trouver des endroits plus calmes, mais la rivière était occupée dès le lever du jour avec des familles, des mamies et des papys se relaxant sur des bancs, pêchant, faisant des bulles de savon et organisant des pique-niques. Et à mesure que la nuit tombait, le chaos commençait.

La plupart des nuits, il y avait foules de gens, Chinois et expatriés, mais après deux semaines, la popularité du lieu a commencé à attirer l’attention des autorités. Certains bars s’installaient même dans les zones couvertes autour de la rivière pour vendre des boissons et des vendeurs de nourriture étaient dispersés tout le long pour proposer des collations. Certains ont improvisé des bars directement dans le coffre de leur voiture. C’était comme un énorme festival en plein air. Enfin, jusqu’à ce que les gardes de sécurité viennent demander à tout le monde de partir. Puis, l’impensable s’est produit... Les berges ont été condamnées.

Certaines parties étaient encore ouvertes pendant la journée avec des patrouilles plus lourdes la nuit. Bien que cela ait refroidi beaucoup de nos esprits et que nous commencions à nous demander où nous pouvions aller, nous nous sommes adaptés de nouveau. Des amis de différents groupes se ramifiaient et trouvaient des berges dans des zones légèrement plus éloignées du centre de Pékin. Nous sommes tombés sur un endroit incroyable, dont l’accès était bloqué pour les voitures, mais où les scooters pouvaient toujours circuler. Nous avons décidé de profiter pleinement de ce joyau caché et avons emballé nos sacs, tentes et grillades pour camper sur la rive avant que ce spot ne soit également découvert par le reste des hordes qui cherchaient des lieux de rencontre. Et c’est une chance que nous l’ayons fait,

car que le week-end suivant, ils ont étendu les barrières de sorte que même nos scooters ne pouvaient y entrer.

Nos options diminuant, mes amis et moi avons décidé de nous rendre à la périphérie de la ville et de louer une chambre chez l’habitant. Curieusement, nous n’étions pas les seuls. Avec la plupart des berges à la sécurité renforcée, et nulle part où sortir, j’ai vu mes moments WeChat se remplir de photos de camping sur la Grande Muraille ou de weekend en maison d’hôte dans les quartiers périphériques de Huairou et Miyun. Après un court trajet de 90 minutes, on se trouve dans les montagnes et dans une jolie et pittoresque famille d’accueil de trois chambres avec un barbecue, une cuisine et une piscine qui ne nous a coûté que 680 yuans (99 euros) par chambre pour deux nuits.

Le matin, nous avons décidé de nous promener dans le petit quartier du village, et nous avons découvert que presque toutes les maisons sur la route étaient en cours de construction ou de rénovation pour servir de maisons d’hôtes ou de villas à louer. Certaines étaient petites et rustiques avec des caractéristiques chinoises, d’autres pouvaient accueillir jusqu’à 20 personnes et étaient équipées d’énormes baignoires dans chaque chambre, de grandes piscines et de cuisines de chef. Il semble que les restrictions sanitaires aient également modifié l’industrie du tourisme. Nous avons tellement aimé ce weekend, que nous y retournerons. Mais cette fois, au lieu de la maison rustique, nous choisirons une maison moderne avec deux piscines, trois étages et une vue imprenable sur une section non restaurée de la Grande Muraille - la meilleure combinaison du passé et du présent.

Lors de notre dernier jour chez l’habitant, nous avons appris que les restaurants reprendraient le service le 1er juin et j’ai eu des émotions mitigées. Mes amis et moi avons réservé une table à Haidilao pour un hot pot (fondue chinoise) le jour de sa réouverture. Pendant que je trempais mes légumes dans la sauce bouillante, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que j’espérais que la mode des pique-niques sur les berges et des séjours en maison d’hôte continuerait. Pendant le mois de « lockdown lite », j’ai eu l’impression de tisser davantage de liens avec mes amis, d’explorer mon propre jardin et de profiter de la nature, et enfin et surtout, d’économiser une tonne d’argent. J’espère donc que toutes les adaptations que nous, Pékinois, avons dû faire, sont là pour rester. Rendez-vous à la rivière.

Art

CHING YIK-HONG,

EXPOSITION EAST & WEST MELODY À PARIS

Le 25 juin 2022, l’exposition du célèbre artiste CHING YIK-HONG s’est tenue à l’Espace d’art Bercy à Paris. Des centaines d’invités de tous horizons sont venus assister à la cérémonie d’ouverture. Cette exposition présentait plus de 50 œuvres abstraites et figuratives réalisées par CHING YIK-HONG ces dernières années..

L’intérêt de CHING YIK-HONG pour l’art a débuté dès sa jeunesse. En parallèle de la création de ses pièces d’art, il participe également activement à des activités et des expositions d’art chinois et étrangers. Ses œuvres ont été sélectionnées pour participer à plusieurs expositions reconnues en France, notamment l’exposition Art Capital au Grand Palais Ephémère, l’Art Shopping dans les salles du Carrousel, etc.

CHING YIK-HONG a déclaré que cette exposition était non seulement un moyen d’entrer en contact avec son public, mais également un moyen d’auto-évaluer ses œuvres les plus récentes. Les critiques et les suggestions du public sont les bienvenues et serviront de précieux atouts pour ses prochaines œuvres, ainsi que de sources d’inspiration et de motivation pour promouvoir ses prochaines créations.

Plus de 20 œuvres ont été collectées lors de la cérémonie d’ouverture et remises aux collectionneurs après la clôture d’exposition.

Situé au sud-est de Paris, l’Espace d’Art Bercy à Paris, d’une superficie de plus de 1 000 mètres carrés, est l’un des lieux parisiens les plus propices à la création et à l’exposition artistique.

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« TOTEM » À VENISE, WALLACE CHAN EXPOSITION DE L’ARTISTE CHINOIS

Suite à son exposition « Titans : un dialogue entre les matériaux et le temps » de 2021, Wallace Chan, artiste chinois renommé, propose sa nouvelle exposition « Totem » dès le 20 avril 2022 à Fondaco Marcello, un édifice du 15e siècle, à Venise en Italie. Sous forme d’installation gigantesque dans un lieu particulier, « Totem » expose des sculptures en titane de grande taille sans précédent. Débutée en même temps que la 59e édition de la Biennale de Venise, l’exposition se déroule jusqu’au 23 octobre 2022.

Le totem est un symbole de vecteur éternel de divinités primitives. Le titre de l’exposition rassemble les différentes dimensions de la philosophie bouddhiste de Wallace Chan, parmi lesquelles son admiration du monde naturel et son exploitation de la spiritualité inhérente aux matériaux de sculpture. L’exposition dévoile en particulier une installation composée des pièces de la sculpture en titane de Wallace Chan, d’une hauteur de 10 mètres, réparties dans des espaces spécifiques de Fondaco Marcello. Ladite sculpture « Titans XIV, un dialogue entre les matériaux et le temps » a été exposée dans la zone centrale de la Foire de l’art contemporain à Shanghai ART021 en 2021.

La force de l’installation gigantesque de Wallace Chan ne provient pas d’une seule image, en effet, elle est générée par une combinaison de multiples parties de l’œuvre. Une fois démontée, la sculpture ne retrouve plus l’intégralité de son image unifiée, et cela fait penser à la vulnérabilité et à l’effondrement imminent de l’ancien ordre. L’œuvre fait allusion au déséquilibre et au « Un dialogue entre les matériaux et le temps, Titans XIV », 2021, fer et titane, 1,460 x 2,100 x 5,455 (mm), 930 kg © Wallace Chan

bouleversement que la société actuelle est en train de connaître sur fond de questions mondiales telles que la bipolarisation et le changement climatique.

Les poutres en fer démontées et les têtes en titane minutieusement travaillées sont exposées dans des espaces différents, invitant ainsi les visiteurs à observer de près les éléments de la sculpture sous de nouveaux angles. L’exposition montre également une notice de montage indiquant la façon de remonter la sculpture comme un ensemble, ce qui signifie l’espoir de recomposition, d’alliance et de rééquilibre.

Artiste joaillier de talent, Wallace Chan est réputé dans le monde entier pour sa création de bijoux. Il est le premier artiste joaillier contemporain chinois dont les créations font partie des collections permanentes du British Museum. Sa réputation a grandi ces dernières années au fur et à mesure de ses prouesses dans l’art visuel, la sculpture et l’installation.

« Le concept de l’exposition émane de ma propre réflexion et curiosité vis-à-vis de la vie, de la nature et des mystères de l’univers. Je me focalise sur l’exploration des secrets, des matériaux et de leurs formes ainsi que la compréhension des différences entre le monde virtuel et les matériaux réels », explique Wallace Chan.