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Pascal Meyer

PASCAL MEYER
« J E PRÉFÈRE ÊTRE UN FAISEUR QU’UN STRATÈGE »
Qui aurait misé sur le succès de QoQa, la plateforme communautaire de e-commerce fondée il y a 18 ans par Pascal Meyer ?
Sûrement pas son ancien professeur de marketing, comme le raconte en riant le très successful entrepreneur de 43 ans dont la société affiche un chiffre d’affaires de plus de 100 millions de francs. Portrait d’un entrepreneur atypique, chaleureux et trublion.
Vous êtes Vaudois d’adoption mais vos racines sont dans le Jura. Qu’est-ce qui vous a conduit dans le canton de Vaud ?
Je suis né en 1980 et je suis arrivé à l’âge de 15 ans de mon Jura natal dans le canton de Vaud, car mes parents avaient envie de revenir en ville. J’ai fait mon gymnase ici ainsi que ma maturité commerciale. J’ai ensuite suivi une formation accélérée de concepteur multimédias en deux ans au lieu de quatre. Après, j’ai tout de suite commencé à travailler comme responsable multimédias dans une agence de communication et ensuite comme IT manager dans une entreprise à dimension internationale où je m’occupais de l’ensemble de la structure informatique de la boîte pour une quinzaine de pays. C’était très intéressant. J’avais 25 ans, je m’occupais de tout cela et c’était un beau challenge.
En quoi consistait le travail ?
Il y avait de tout : le réseau que l’on al-
lait installer dans notre succursale aux États-Unis ou encore le choix du système ERP, qui est un choix hyper-stratégique. Il fallait monter un team avec plusieurs personnes au sein de la boîte avec des compétences différentes afin de pouvoir faire cette sélection de nouveaux systèmes spécialisés. Il y avait toutes sortes de choses à mettre en place. C’était vraiment une chouette expérience.
Vous a-t-elle donné l’idée de lancer QoQa ?
Non, j’ai depuis toujours ce goût pour l'entrepreneuriat et j’ai eu des boîtes dans la création digitale. Au début du web, dans les années 2000, je me suis occupé par exemple d’un grand groupe de pharmacies. Après, je me suis occupé de différents mandats pour d’autres boîtes.
J’ai toujours fait, en parallèle de mes études, des projets en lien avec le e-commerce, le web ou le multimédia. Plein de choses de ce style! Mais même avant déjà,
avec un pote, nous avions monté une petite boîte où l’on faisait du contenu et différentes choses liées au digital.
Comment avez-vous appris à concevoir des sites ? Était-ce au sein de l’agence de communication ?
J’avais déjà appris avant car je m’intéressais au sujet. J’ai suivi la formation de concepteur multimédia, surtout pour avoir le papier. Nous étions la première volée en Suisse à faire cette formation. Certaines choses étaient très pointues et d’autres non, car c’était aussi nouveau pour l’école. Nous assistions même des professeurs pour certaines choses, c’était très intéressant. Et comme mon pote et moi nous étions déjà entrepreneurs, c’était quelque chose qui nous passionnait et qui nous parlait.
Cette expérience d'entrepreneuriat est-elle à l’origine de QoQa ?
Non, je pense que c’est vraiment une fibre que l’on a en soi. Depuis tout jeune, je proposais déjà des trucs à la récré à mes copains. Je partais en vacances et je rapportais dix trucs et je demandais qui en voulait. Le côté entrepreneur est quelque chose qui m’a toujours plu. C’est vraiment en moi cette envie de vouloir faire des choses, ce qui peut aussi être un défaut. Parfois, je veux absolument faire et je ne veux pas moins réfléchir alors qu’il faut avoir le bon équilibre. En fait, dans mon esprit, j’aime mieux être un faiseur qu’un stratège.
Comment est née la plateforme ?
C’était en 2005 suite à un concept que j’avais vu aux États-Unis. J’avais contacté la société pour lui proposer de le lancer en Europe, mais la direction n’était pas intéressée. À partir de là, j’ai modifié le concept en faisant quelque chose qui soit un peu plus communautaire, parce que c’était important pour moi. L’idée de
base était de partager un bon plan avec des potes. Quand j’ai commencé, nous étions vingt potes et maintenant nous ne sommes pas loin d’un million de potes qui nous suivent !
qui m’avait dit que je n’allais pas réussir. Et quand je lui ai dit le nom - QoQa - il m’a dit que c’était foutu d’avance. En fait, mon idée était d’utiliser pour se marrer un nom qui soit reconnaissable pour tout le monde, mais qui veuille dire autre chose. QoQa ce n’est pas ce que l’on a l’habitude de s’imaginer en Romandie ou en français.
En quoi le concept des États-Unis étaitil différent ?

Il n’avait pas la fibre communautaire que nous avons développée. C’était un peu plus la farfouille, c’était un peu moins lissé. Par contre, j’avais beaucoup aimé le ton des Américains. Mais même si je me suis un peu inspiré d’eux, au final notre concept est bien différent. Il est très local, très suisse.
L’idée du nom ?
Quand j’ai commencé, j’avais contacté l’un de mes anciens profs de marketing
J’ai choisi exprès ce nom-là et quand j’ai montré l’orthographe, on m’a dit: « Oublie, les gens ne vont jamais s’en souvenir. C’est trop compliqué. C’est déjà mort dans l’œuf. » Et j’ai dit non. Du reste, j’avais déjà acheté tous les noms de domaine. Mais à la base, c’était vraiment fait pour se marrer et pour rendre un nom facile à retenir et qui interpelle. Quelque chose d’un peu délire et sans se prendre au sérieux.
Avez-vous eu une réaction de la part de Coca-Cola ?
Non, car on ne joue pas sur les mêmes produits. Et on a aussi fait les choses dans les règles de l’art avec notamment un dépôt de marque officiel.
En 2008, QoQa se faisait remarquer en proposant le premier iPhone (Edge) en Suisse. Aujourd’hui, l’offre de QoQa s’est diversifiée avec Qwine, Qclock, Qkids…
Il y a d’abord eu Qwine qui est né suite à un test fait sur QoQa. On a vu que les gens adoraient picoler et on s’est dit qu’il y avait un truc à faire. On a engagé une personne experte dans le domaine du vin et on a ajouté un truc assez sympa: satisfait ou remboursé. Concrètement, si on boit une bouteille de vin qui ne nous plaît pas, on peut renvoyer les cinq autres et on rembourse les six bouteilles. Ce système nous obligeait aussi à avoir une très bonne sélection. On a débuté avec une offre par semaine, ensuite deux, et après on a développé Qwine et après Qsport, parce que la communauté a dit que ce serait cool le sport. On a fait des tests, on a trouvé deux experts dans le domaine du sport et on a démarré Qsport. Après, il y a eu Qkid, Qooking, Qclock… Il y a eu des déclinaisons dans Qwine, Qprimeurs, Qspirits…

Le Stamm, le restaurant de QoQa
Les équipes en séance de travail
Maintenant, l’idée est de tout rassembler sous une seule marque. Notre travail cette année est de resimplifier QoQa pour que cela redevienne simple pour les gens comme au début.

Quelle est votre source d’inspiration pour les nouveaux produits ?
Il y en a plusieurs, notamment les foires. On va voir à Las Vegas ce qui se passe. Il y aussi ce qu’on peut lire online sur les tests de produits, les nouvelles marques qui naissent, les projets de start-up
avec lesquelles on a eu de plus ou moins bonnes expériences. On a aussi la chance d’avoir une communauté qui nous propose des produits et nous avons nos collaborateurs en interne. L’important est d’être à l’écoute, de voir comment les gens voient les choses.
Pour moi, QoQa ce n’est pas un site de e-commerce, c’est un état d’esprit. Vous avez plus de 45'000 followers sur Instagram. Quel est votre secret ?
En fait, on a plusieurs Instagram que l’on va regrouper en un seul, ce qui va beaucoup augmenter le nombre de followers. Le truc, c’est aussi le contenu que l’on partage. S’il n’y a que des offres, c’est lassant. Il faut venir avec des insides de QoQa, donner des recettes… Le premier pilier de QoQa est le partage.
QoQa s’est aussi lancé dans l’immobilier… Nous avons développé la vente d’objets immobiliers selon une approche nouvelle en Suisse, mais déjà actée dans les pays anglo-saxons. L’idée étant de proposer une alternative nécessitant moins de fonds propres et moins de revenus pour le futur propriétaire.

Pourquoi le choix de la loutre pour QoQa ? Mon frère était scout et il est arrivé au rang de loutre. J’avais trouvé cela très drôle et j’ai gardé l’expression. Un jour, tout au début de QoQa, une personne avait commandé quelque chose et il y a eu un problème. J’ai dit: « Désolé, notre loutre a eu un problème. » Tout le monde a rigolé et c’est resté.

Le nouveau quartier général de QoQa, à Bussigny