
7 minute read
Thabo Sefolosha

THABO SEFOLOSHA
« J ’AVAIS ENVIE DE REVENIR DANS MA RÉGION »
Après plus d’une décennie passée aux ÉtatsUnis en NBA, Thabo Sefolosha, l’enfant du pays, est revenu dans sa région. À 38 ans, il a fait son grand retour à la compétition au Vevey Riviera Basket, le club de ses débuts. À Vevey, dans un petit café face au lac où il a ses habitudes, Thabo Sefolosha évoque son expérience américaine, son plaisir de retrouver le terrain, mais aussi sa reconversion professionnelle.
Tout le monde connaît le Thabo basketteur qui a joué aux États-Unis, mais moins le Thabo qui vient de la Riviera vaudoise…
Je suis né à Vevey et j’ai passé toute mon enfance ici. C’est une région à laquelle je suis attaché et où j’ai d’excellents souvenirs. J’ai grandi avec une maman artiste, un papa musicien, un frère, Kgomotso, qui a un an de plus que moi, et des frères et sœurs avec qui j’ai diverses différences d’âge. Une grande famille qui explique aussi que je suis attaché à cette région et que j’ai eu envie d’y revenir après avoir passé 15 ans aux États-Unis à jouer au basket.
Comment s’est faite votre rencontre avec le basket ?
Au début, je jouais au streetball avec mon frère, Kgomotso. Dans la rue trois contre trois, trois contre deux… J’ai commencé le basket quand j’avais 10 ou 11 ans. Quand j’habitais à la Tour-de-Peilz,
j’avais un voisin qui m’avait amené sur les terrains et un jour il m’a proposé d’aller avec l’équipe de Blonay. C’est là que j’ai débuté et j’ai passé cinq ou six ans. J’ai ensuite fait deux ans avec l’équipe première de la Riviera. J’avais 16 ou 17 ans. Je n’avais pas beaucoup joué la première année, mais davantage la deuxième et j’ai eu des coachs qui m’ont donné la confiance en moi. J’avais été remarqué lors d’un tournoi avec la sélection vaudoise avec laquelle j’ai joué en France, en Espagne et dans d’autres pays.
Après un tournoi, Emmanuel Schmitt, un coach français, a appelé l’équipe pour se renseigner sur moi. C’est le premier qui m’a vu jouer et qui s’est dit qu’il fallait me faire sortir des frontières suisses. Emmanuel Schmitt était coach assistant de l’équipe de Chalon-sur-Saône et coach de l’équipe espoirs. Mais c’était l’année où j’intégrais l’équipe de la première en Suisse et j’ai préféré faire cette expé-
rience ici. C’était aussi ma première année au gymnase et j’avais beaucoup de choses à gérer. Je n’ai pas foncé sur l’occasion, j’ai attendu une année avant de partir en France. Entre-temps, le coach avait été promu et il voulait toujours que j’intègre l’équipe des espoirs. Il aimait mon jeu et l’idée était de faire un bout de chemin ensemble.
Comment était-ce ?
J’ai fait trois ans en France où j’ai, du reste, passé mon baccalauréat en sciences économiques et sociales. Après deux ans comme espoir, l’équipe de Chalon m’a proposé un contrat professionnel et j’ai commencé à jouer au basket à 100%. J’avais réussi à sortir mon épingle du jeu lors de ma dernière saison et j’ai pu participer à l’All Stars avec l’équipe des étrangers. Il y avait beaucoup de joueurs de l’Est, des Américains, des professionnels… Je devais avoir 20 ou 21 ans.
« Son plaisir de retrouver le terrain, mais aussi sa reconversion professionnelle »
C’est aussi à cette époque que j’ai découvert le côté business du sport. J’étais tout jeune et j’avais signé avec un agent qui m’avait été présenté par le coach de Chalon, ce qui est déjà ambigu. Ils m’ont fait signer un contrat de trois ans avec l’équipe de Chalon en me disant que de toute façon je n’avais pas le choix, qu’étant passé par l’équipe espoirs je leur devais des années. En gros, je me suis fait un peu avoir par l’équipe qui s’est dit qu’elle allait avoir un joueur jeune à moindre frais. À ce moment-là, j’ai eu la chance de rencontrer Hirant Manakian et son frère. Ce sont des gens qui ont
une super éthique, qui sont justement là pour aider les jeunes face aux clubs et ils ont réussi à me faire transférer en Italie, à Biella, pendant un an. Dès lors, je me suis inscrit à la draft aux États-Unis, mais sans garantie d’être appelé. Je suis allé 30 jours aux États-Unis pour me faire voir des équipes et participer à des entraînements. Tout s’est très bien passé et je me suis fait « drafter » par les Chicago Bulls. J’avais 22 ans.
C’est le début de l’expérience américaine ?
Oui, mais je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’avais fait venir ma famille à New York pour profiter de ce moment-là dont j’avais rêvé. Je voulais le vivre avec la famille. Et directement après avoir été « drafté », on m’appelle pour me dire que je devais aller à Chicago le lendemain alors que je pensais prendre trois ou quatre jours de repos. Je n’avais pris aucune pause depuis l’Italie et, en fait, j’ai enchaîné dans ce rythme de la NBA du jour au lendemain. J’ai joué 14 saisons en NBA et je suis resté un peu après à cause du Covid.
Qu’avez-vous retenu des États-Unis ?
J’y ai passé 15 ans, ce qui représente la moitié de ma vie. C’est enrichissant, mais il y avait aussi des choses choquantes comme les inégalités sociales. Mais cette expérience américaine m’a fait énormément grandir. Déjà de voyager, de voir
d’autres cultures est quelque chose de super enrichissant.
Mais vous avez choisi de revenir ici… Il y a plusieurs choses. J’étais parti avec dans l’optique de faire carrière dans le basket, ce que j’ai pu faire. La mission a donc été accomplie. Après avec la famille, les parents qui vieillissent, les enfants qui grandissent ont aussi été des arguments en faveur d’un retour. Culturellement, je suis beaucoup plus proche de la manière dont les choses sont faites ici. C’est une autre façon de vie dans laquelle je suis plus confortable.
Et maintenant vous jouez au Vevey Riviera Basket…
Effectivement, je vais finir la saison avec le club, rester en forme, partager ma passion avec les jeunes de la région et c’est un plaisir de renfiler les chaussures et de passer un peu de temps sur les terrains. Je ne savais pas comment mon corps allait réagir. Ce n’est pas facile, mais ça vaut la peine.
Comment s’est faite votre reconversion professionnelle ?
Alors si on attend d’avoir fini de jouer pour se poser la question c’est déjà trop tard. La transition peut prendre deux, trois ou quatre ans, tout dépend de la personne. En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de m’intéresser assez tôt à ce qui se passait en dehors des terrains.
Mon frère baignait déjà dans le monde de l’immobilier. C’est un secteur qui m’a toujours attiré. Du reste, il y a déjà plus de dix ans qu’avec mon frère nous avons lancé une entreprise. En fait, c’est tout ce genre de choses qu’il faut faire en parallèle pour ne pas se retrouver bec dans l’eau quand on arrête de jouer. Ce n’est pas une démarche facile et il est certain que je suis dans une situation un peu privilégiée car je peux prendre mon temps.
Parallèlement, toujours avec mon frère, nous organisons des camps de basket. L’objectif est surtout de partager notre passion pour ce sport et permettre - ou pas - au basket suisse de trouver un deuxième souffle.
Avez-vous déjà pensé à rejoindre la Fédération suisse de basket ?
Maintenant que je suis revenu je commence à y penser car il y a vraiment beaucoup de choses à faire, d’opportunités pour développer le basket ici. J’ai fait des propositions qui n’ont pas toujours reçu le suivi nécessaire donc pourquoi pas ne pas prendre les choses en main.

Thabo Sefolosha en défense sur Lebron James