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Interview de Séverin Lüthi
SÉVERIN LÜTHI
« DANS LE SPORT, LE TRAVAIL PAIE TOUJOURS »
Coach depuis plus de dix ans de Roger Federer, capitaine de l’équipe suisse de Coupe Davis qu’il a menée à la victoire en 2014, entraîneur de l'année en 2017. Des succès qui n’entament en rien la modestie de Severin Lüthi qui croit avant tout à la passion et au travail.
On connaît tous le Severin Lüthi coach de Roger Federer et capitaine de l’équipe de Suisse de Coupe Davis, mais qui est Severin Lüthi en dehors du tennis?
C’est toujours difficile de parler de soi. Je pense que je suis à la base quelqu’un de gentil, qui aime passer du temps avec des copains et qui aime bien le sport en général, pas seulement le tennis. J’ai du plaisir à aller voir des matchs de hockey ou d’autres sports. Du reste, je devrais faire davantage de sport. Je fonctionne par phase, parfois je fais beaucoup, parfois je ne fais rien, ce qui ne m’empêche pas d’aimer le sport, surtout les sports d’équipe.
Comment avez-vous découvert le tennis?
Mon père était hockeyeur amateur et il a commencé le tennis vers l’âge de 30 ou 35 ans. Je l’accompagnais et comme j’ai un tempérament de compétiteur, je voulais toujours gagner. C’est comme cela que tout a commencé.
Chaque hiver, je joue un peu au hockey avec des copains. Je fais deux ou trois matchs par année. Je me dis que j’aurais pu être hockeyeur.
D’où êtes-vous originaire?
À l’origine, je suis de Berne, d’un petit village situé à proximité de la ville. Mais j’habite à Thoune depuis plusieurs années. J’ai fait mon apprentissage de commerce après ma carrière de tennisman à Thoune, mon ex-copine et maintenant ma femme sont aussi originaires de Thoune.
Vous avez fait de votre passion votre métier. Quelle est la clé pour y parvenir?
Je sais pas s’il y a une clé. En fait, j’ai surtout suivi mon instinct. J’avais souvent l’impression que je ne savais pas du tout ce que je voulais faire. Je n’appartiens pas à cette catégorie de personnes qui disent: «C’est ça que je veux faire» et qui le font. Je me rends compte que la plupart du temps je savais surtout ce que je ne voulais pas faire.
J’ai toujours été fasciné par le sport et par le travail d’équipe, ce qui est parfois un peu difficile dans le tennis qui reste un sport individuel. Les interclubs en Suisse et la Coupe Davis m’ont toujours plu, mais je ne me suis jamais dit: «Un jour, je serai capitaine ou entraîneur de l’équipe suisse de Coupe Davis.» Je n’avais pas cela en tête. Tout a commencé quand j’ai été sparring-partner pour Martina Hingis.
J’étais encore un bon joueur suisse, mais je n’étais plus sur le tour lorsque Martina Hingis m’a demandé d’être son sparring-partner. Je pense qu’elle me l’a proposé car sur le tour on a toujours dit que j’aimais le travail d’équipe. Ensuite, c’est Rodg qui m’a demandé de faire du sparring et je me suis tout de suite arrangé pour le faire. J’ai toujours fait les choses que j’avais envie de faire et je les ai faites avec beaucoup de passion.
Je me souviens que Rodg m’a dit un jour qu’avec Pierre Paganini ils riaient parce qu’à chaque fois qu’ils m’appelaient pour savoir si je pouvais jouer, j’étais d’accord. Mais c’est normal. Pour moi, jouer est un privilège et je n’ai jamais l’impression de travailler.
Avec le recul des années, je me rends compte que je n’ai jamais rien fait en ayant un plan, en pensant à ce que je pourrais en retirer. C’est un aspect très important. Aujourd’hui, je vois des jeunes qui veulent tout de suite savoir ce qu’ils vont obtenir s’ils investissent dans quelque chose. D’un côté je comprends, c’est peut-être comme ça, qu’on fait du business. Mais je me dis aussi qu’il faut donner avant de recevoir quelque chose.
Entraînez-vous actuellement de jeunes espoirs du tennis suisse?
Je fais la Coupe Davis, alors naturellement je regarde aussi les jeunes, mais je n’ai pas de mandat pour m’occuper d’un groupe. J’essaie de donner des conseils à ces jeunes ou aux entraîneurs s’ils ont des questions. Mais il faut qu’ils me les demandent. C’est bien de connaître ces jeunes qui seront peut-être la relève, c’est bien de savoir comment ils fonctionnent. Mais il faut être prudent, ce sont des jeunes de 14 ans qui peuvent mal interpréter les choses et se dire qu’ils sont déjà presque dans l’équipe suisse. Je préfère observer et donner mon avis aux entraîneurs de l'équipe ou à leur entraîneur privé. Pour un jeune, avoir trop d’avis n’est pas forcément bien car il retient ce qui l’arrange.
Vous avez coaché de grands joueurs comme Roger Federer et Stan Wawrinka. Selon vous, quel conseil peut-on donner à des jeunes entre 15 et 18 ans?
La première chose est de suivre sa passion. Il faut énormément de travail et si on n’aime pas vraiment ce qu’on fait, c’est frustrant et trop dur. La passion donne l’énergie nécessaire. Après, peut-être que cette passion n’est pas le tennis, cela
peut être un autre sport ou carrément autre chose. Je sais que trouver sa passion est dur mais ce n’est que là qu’on est le plus fort.
Ensuite il faut prendre plaisir à ce que l’on fait. Rodg, par exemple, s’amuse avec la balle, il prend du plaisir à ce jeu. On dirait un gamin de dix ans qui joue au tennis. Il ne travaille pas. Mais il est évident que le fait de travailler dur est toujours payant dans le sport.
Vous avez entraîné Stan Wawrinka. Vous a-t-il fait découvrir le canton de Vaud et l’arc lémanique?
J’ai vu Stan partout dans le monde, mais finalement assez peu chez lui. Mais je connais sa région qui est très belle avec ses lacs. Je me suis aussi entraîné à Ecublens et, comme rien n’est très loin en Suisse, j’ai des souvenirs de tournois dans la région quand j’étais jeune.
Vous avez beaucoup voyagé. Quels sont vos pays préférés?
Malheureusement on connaît surtout une ville, pas tout le pays. Mais je dirais l’Australie avec Melbourne et les Etats-Unis avec New York qui me fascine. J’aime beaucoup l’Australie. Les gens sont super-sympas et comme nous y allions toujours en janvier, il y avait le soleil!
