The Red Bulletin FR 10/23

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BREAKING

ENTRE ART ET PERFORMANCE, CE NUMÉRO EXCEPTIONNEL HONORE LA CULTURE DES B-BOYS ET B-GIRLS

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BREAKING

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WELCOME TO BREAKING Contributions

Je l’ai rencontré à 12 ans, à Vaulx-en-Velin. Des jeunes faisaient la coupole, tournant sur la tête. J’ai essayé, et accroché. J’ai ensuite bougé dans le centre ville de Lyon, à l’Opéra, spot de tous les B-Boys du coin, puis ailleurs en France, en Europe, et plus loin.

Le breaking m’a ouvert au monde, à de nouvelles cultures. J’ai visité 106 pays grâce à lui, pour des compétitions, workshops ou des projets. C’est ce qui me motive : faire bouger les choses grâce au breaking et assurer la promotion de sa culture. La discipline a atteint son pic technique et de reconnaissance, et les JO approchent. D’ici là, se tiendra à Paris le 21 octobre le Red Bull BC One World Final, championnat du monde que j’ai gagné deux fois, dans un temple de la performance : le stade Roland-Garros. Une victoire pour le breaking !

Bienvenue dans mon monde.

B-Boy Lilou

LITTLE SHAO

« Photographe incontournable du monde de la danse, et plus particulièrement de la scène Hip-Hop et Breaking, il magnifie les mouvements des B-Girls et B-Boys depuis près de vingt ans. Pour Shao, il ne s’agit pas de figer des instants mais de rendre hommage à une culture, sa culture, en leur redonnant vie à travers son objectif. » P. 38

TOM CHAIX

« Ingénieur en génie civil de formation, danseur depuis près de dix ans, Tom a quitté les chantiers pour s’investir dans sa passion : le breaking. Il est le fondateur du collectif créatif BREAKERS, qui rassemble des talents issus du Hip-Hop pour mener des projets culturels et artistiques. Il a réalisé certains articles de ce numéro. » P. 68

NICOLAS ROGÈS

« Né en 1991 à Grenoble, Nicolas Rogès est auteur, conférencier et journaliste culturel. Depuis 2018, il a publié trois livres sur la musique et un roman. Ses articles et reportages ont été publiés dans Libération, Views et l’Abcdr du son et Soul Bag. Il signe pour ce numéro un article sur le New York City Rap Tour de 1982. » P. 20

ÉDITORIAL
4 THE RED BULLETIN LITTLE SHAO (COUVERTURE),
ALAOUI/RED
Doté d’un palmarès fou, B-Boy Lilou est un boss du breaking. Retrouvez-le dans l’article dédié aux icônes du Red Bull BC One. P. 57
YASSINE
BULL CONTENT POOL, SEBASTIEN BURET/HANS LUCAS
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L’interface
RCS
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Venue de quartiers tendus en Colombie, la B-Girl a trouvé dans le breaking le moteur d’une vie positive.

SHÉYEN GAMBOA 24

Touchée très jeune par le hip-hop, elle est la journaliste française iconique du breaking, une référence. JEY 26

Spécialiste du footwork, Jey a dédié sa vie au breaking, dont il est un acteur essentiel, et veut construire son futur.

PROFIL

L’AMBASSADEUR DU BREAK 28

Une histoire et des moves phénoménaux : Junior ne cesse de nous inspirer, tout en restant un éternel élève.

À SUIVRE LE MONDE DE DEMAIN 38

Le photographe Little Shao est parti à la rencontre des nouvelles gâchettes du game, venues de tous continents.

PROFIL

MENNO PAR MENNO 48

Bien plus que le trois fois vainqueur du Red Bull BC One, Menno est un profl hors norme. Sujet autofocus.

ICÔNES

BREAKERS PANTHÉON 57

Lilou, Ami, Hong 10, Victor et Kastet ont remporté le mythique Red Bull BC One. Ils et elles reviennent sur leur expérience.

SAVOIR

JUGER LE BREAK ? 68

À l’approche des Jeux Olympiques, la question du jugement des battles de breaking devient cruciale. Nos réponses et éclairages.

Danseuse depuis l’enfance, la voilà embarquée dans l’équipe de France olympique. Passionnée, B-Girl Carlota illumine la scène.

PERSPECTIVES

81

CONTENUS 57 48 GALERIE 8 STREET OFF 18 PLAYLIST DJ ONE UP 19 NEW YORK CITY RAP TOUR 20 FOCUS DJ KOOL HERC 21
HÉROÏNES
HÉROS &
LUMA 22
PROFIL PRÉDESTINÉE
72
PARIS
HIP-HOP
EVENT : RED BULL BC ONE
FITNESS : MADMAX
MATOS : LIFESTYLE
MENTIONS LÉGALES
POUR FINIR EN BEAUTÉ 98 6 THE RED BULLETIN MENNO, LITTLE SHAO
GUIDE :
EST
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88
90
96
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New York, 1982

LA GENÈSE

Par Martha Cooper

Martha Cooper a été la première photographe à documenter l’émergence du Hip-Hop à New York, dès la fin des années 70. Elle inaugure notre rubrique Galerie dédiée à cinq générations de photographes. Cooper est mondialement reconnue pour le livre Subway Art, dédié au graffiti (avec Henry Chalfant). Elle nous présente ici l’essence pure du breaking originel. Un carton au sol, un crew, de l’action. « J’ai rencontré ces gars qui dansaient dans un terrain vague près de l’endroit où j’habitais dans l’Upper Westside de Manhattan, se souvient l’Américaine. Je ne connais ni leurs noms, ni celui de leur crew. » Depuis, Martha n’a cessé d’explorer la culture Hip-Hop et son incroyable évolution, au plus près de ses pionniers et nouveaux talents.

IG : @marthacoopergram

9 MARTHA COOPER

Paris, New York, 1983-1984

FRENCH TOUCH

Par Sophie Bramly

Les clichés de la Française Sophie Bramly au début des années 80 ont contribué à forger la légende des débuts du Hip-Hop à New York, et en France. Page de gauche, le légendaire Sidney (du show télé H.I.P H.O.P) place de la Concorde à Paris en 1984. Page de droite, en haut, des membres du Rock Steady Crew, Baby Love et Kuriaki, la même année. « C’était à New York, lors du tournage de leur second clip, Uprock. » Enfin, en bas à gauche, Peaches, « seule breakeuse dans le film Beat Street», et Muhammad (des Magnificent Force). « J’ai fait une série de photos avec eux en bas de chez moi, en 1983, à Bleecker Street, pour décomposer leurs pas de danse, dont cette image. »

IG : @sophiebramly

11 SOPHIE BRAMLY
12 KEVIN CUMMINS

Manchester, 1992 MADE IN ENGLAND

L’Angleterre a toujours été une place forte du Hip-Hop, et forcément du breaking. Cette photo a été prise par Kevin Cummins, mondialement connu pour avoir photographié tous les groupes de la fameuse scène musicale dite de Manchester (Joy Division, The Smiths, Happy Mondays, The Stone Roses, Oasis…). Il revient sur cette photo : « J’étais allé plusieurs fois à New York et les B-Boys y étaient hardcore, mais ceux-là étaient très bons aussi. Je venais de shooter avec eux en studio et quand ils m’ont dit qu’ils allaient danser dans la principale rue commerçante de Manchester, ça m’a intrigué. Le gars sur la photo, c’est Kermit. Il a ensuite formé le groupe Black Grape, avec Shaun Ryder et Bez, des mecs d’Happy Mondays. »

IG : @kcmanc

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New York, 2009

GHOST DANCER

Par Ray Demski

Une photo prise en marge du Red Bull BC One World Final 2009. « J’arrivais juste de Colombie pour shooter un concours de plongeon extrême », se rappelle le Canadien Ray Demski. Le Brésilien Fabiano « Neguin » Lopes est le héros de cette photo. « Son énergie, sa vitesse et l’originalité de ses moves étaient incroyables », raconte Ray. Mais le vrai boss ce week-end fut Lilou, caché juste derrière Neguin. Le lendemain de cette prise de vue, le fameux B-Boy franco-algérien remportait la finale mondiale pour la seconde fois.

IG : @raydemski

RAY DEMSKI/RED BULL CONTENT POOL
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São Paulo, 2021

AU SOMMET

Par Little Shao

« Nous étions en shooting à São Paulo, et Neguin faisait parcourir la ville à Kastet pour lui faire découvrir la culture et les mœurs brésiliennes », se souvient le photographe Little Shao à propos de ce cliché réalisé dans le cadre du tournage de la série Breaking Beyond, et son épisode dédié à la B-Girl Kastet et au B-Boy Neguin.

« Nous avons accédé à cet héliport sur le toit d’un immeuble et j’en ai profité pour shooter Kastet au drone dans un environnement “épique”. » L’épisode en question est à voir sur Red Bull TV. IG : @littleshao

LITTLE SHAO

Bouillon de culture

S’il est souvent dit que la culture Hip-Hop n’a pas de frontière, le collectif vaudais Street Off en est une preuve supplémentaire.

Né en 2015 de l’initiative du célèbre B-Boy et multiple champion du monde Ali « Lilou » Ramdani, le collectif Street Off utilise la culture HipHop et le breaking comme moyen de créer, rapprocher et échanger avec des danseurs, danseuses et artistes tout autour du monde. Portée par les mots clés « culture, partage, voyage », l’association Street Off a finement choisi son nom, s’affirmant comme une vitrine officielle et un vecteur de développement du coté Off – c’est-a-dire invisible, officieux – de la vie de la rue. Et c’est réussi : affichant une direction artistique brute 100 % Hip-Hop, l’équipe du collectif Street Off nous fait voyager, vibrer et nous donne envie de vivre pleinement cette culture.

« Avant tout, j’ai voulu créer une structure qui porte des projets qui me ressemblent »,

explique Lilou. En effet, l’ambition des projets du collectif matche avec la volonté et le grain de folie qui caractérisent Lilou. Si l’on suit l’actualité de l’association, il ne sera pas rare de voir ses membres danser sur les toits d’une favela brésilienne, ou encore dans un village rwandais au son des percussions locales. Une grande partie des actions de Street Off est dirigée sur le continent africain.

« Partout, que ce soit en Asie, en Amérique latine, en Europe ou ailleurs, les B-Girls et les B-Boys ont accès a l’information, participent a des battles fréquemment… alors qu’en Afrique il y a tout a créer », raconte Lilou. Lui-même originaire d’Algérie, il s’est donné pour mission de parcourir l’Afrique pour enseigner, partager et faciliter l’accès a l’information. Ces initiatives, menées majoritairement de manière

indépendante, commencent a avoir un vrai impact sur le continent africain : « Nous travaillons de plus en plus avec les Alliances francaises et ambassades de ces pays car il y a un vrai besoin. Le continent africain regorge de talents qui ne demandent que quelques opportunités pour pouvoir danser », complète Lilou. Caméra a la main, ces voyages, autant de riches expériences culturelles et sociales, sont filmés et diffusés dans une web-série sur YouTube.

Avant de partir autour du monde, Street Off a concentré ses projets sur son territoire natal via de nombreuses actions d’enseignement et de partage de la culture Hip-Hop.

Deux événements phares de la métropole de Lyon sont également signés Street Off : le Battle Can You Rock?! et le Battle de Vaulx. « Je suis né et ai vécu toute ma vie dans le quartier de Vaulx-en-Velin (dans l’agglomération de Lyon, ndlr), raconte Lilou. À travers le Battle de Vaulx, j’ai voulu ramener toutes les pointures du breaking international au quartier pour rendre ca accessible aux gens de chez moi. » À chacun de ces battles, des équipes de pays d’Afrique sont invitées pour donner une continuité aux échanges créés lors des voyages du collectif.

De plus, Street Off est engagé et mène des actions caritatives impactantes. Tous les ans, c’est l’événement Les Héros des Hostos qui réunit des figures du Hip-Hop autour d’un festival destiné a lever des fonds en faveur des enfants atteints du cancer ou autres pathologies graves. À l’origine du projet, Georges « Guegorr » Fagbohoun, membre très actif du collectif. Vecteur d’espoir, d’opportunités, de partage, Street Off a la recette et la motivation nécessaires pour diffuser les valeurs les plus pures du Hip-Hop. Voici une structure a suivre de près ! IG : @streetoff_

STREET OFF
18 THE RED BULLETIN STREET OFF TOM CHAIX
En parcourant le monde et grâce à la danse, B-Boy Lilou véhicule le message selon lequel tout le monde peut devenir sa propre perfection.

DJ ONE UP

Pump the beat

Le beatmaker revient sur quatre sons emblématiques de la culture breaking.

DJ One Up est un beatmaker originaire de Nantes, passionné par le funk et le hiphop. Sa réputation, il la doit à la qualité de ses productions musicales aussi pointues qu’entraînantes. « L’originalité d’une sélection est essentielle, choisir des sons, c’est ce qui vous fera sortir du lot ! » Après avoir parcouru le globe pour ambiancer la communauté française et internationale des B-Boys et des B-Girls, et scratché pour de nombreux battles dont Red Bull 3 Style, il revient pour The Red Bulletin sur les quatre morceaux qui l’ont marqué le plus dans le monde du breaking. One Up sera le DJ du Red Bull BC One World Final qui se tiendra à Paris, le 21 octobre prochain au stade Roland-Garros.

Retrouvez les prods de DJ One Up en scannant le code ci-contre.

Le bien, le mal

« Une connexion France-USA qui date de 1993 et que j’ai découverte dans le premier volume du projet Jazzmatazz que menait Guru. Il y réunissait des grandes pointures du jazz comme Donald Byrd et Roy Ayers. C’est un petit bijou de groove, d’écriture et de flow rythmique rappé incroyable que j’adore jouer en cyphers. C’est non négociable ! »

« J’ai joué ce remix pour la première fois en 2011, vingt ans après sa sortie. Je ne l’avais jamais entendu dans un battle, d’où mon envie de le passer.

À l’époque, il existait seulement sur la face B d’un maxi 33 tours. Depuis, j’ai reçu autant de retours positifs que négatifs sur les réseaux sociaux ; j’ai marqué les esprits. »

The Budos Band

Up From the South

« Un classique. Les morceaux de ce groupe américain animent les battles depuis leur création en 2005. Un mélange de soul, deep funk et d’éthiojazz. DJ  Ben AKA Billy Brown a joué ce morceau pour la première fois au battle mythique d’Hip Opsession en 2007. C’est quelqu’un d’important qui a eu une influence majeure sur mon parcours. »

The Mexican

« Un hymne pour B-Boys et B-Girls. J’aime ce morceau pour son énergie, mais surtout parce qu’on peut voir les danseurs et les danseuses bouger sur la partie rythmique, les paroles, la basse et de multiples détails sonores. Ce titre peut être interprété de mille façons. Pour la partie historique, DJ Kool Herc le jouait énormément en block party dans les seventies. »

Babe Ruth Guru, Mc Solaar IAM Red, Black and Green (Deuxième Vague Club Mix)
THE RED BULLETIN 19
THOMAS BADREAU MARIE-MAXIME DRICOT

Une claque

1982, la France découvre le Hip-Hop grâce à un événement qui marquera les esprits à jamais.

Plusieurs événements peuvent revendiquer la paternité du mouvement Hip-Hop en France, dont une tournée entamée le 21 nov. 1982, qui chamboule le paysage culturel et impose le breaking dans l’Hexagone.

En 1982, cela fait plusieurs années que la culture Hip-Hop a pris d’assaut les USA. New York bouillonne, mais en France, tout est à faire, et quelques pionniers font office de passeurs.

Au début des années quatrevingt, la photographe française Sophie Bramly avait ramené dans ses bagages les premières photos des soirées hip-hop organisées dans des clubs newyorkais. Sur place, elle avait côtoyé un Français proche de Fab 5 Freddy, un des artistes majeurs du microcosme newyorkais : Bernard Zekri. Journaliste, producteur et organisateur de concerts. Zekri rêve de mettre en place une tournée pour faire découvrir à la France tout ce que la culture Hip-Hop peut offrir.

Il fait jouer un carnet d’adresses noirci de contacts prestigieux, glanés au fil de soirées et de rencontres. Fab 5 Freddy sera de la partie, tout comme les graffeurs Dondi,

Phase 2 ou Futura 2000, excolocataire de Bernard Zekri, mais aussi le Rock Steady Crew, le rappeur Rammellzee, le DJ Grandmixer D.ST, Afrika Bambaataa, DJ et fondateur de la Zulu Nation, et les Double Dutch World Champions, figures du saut à la corde. Le nom de la tournée ? Le New York City Rap Tour. Forcément. L’objectif est de recréer l’ambiance du Roxy, une boîte de nuit new-yorkaise fondée par Kool Lady Blue, co-productrice du New York City Rap Tour, où les plus grands talents de la scène break s’affrontent dans une atmosphère électrique. Le programme est ambitieux, voire risqué, tant les personnalités participantes sont quasiment inconnues en France.

Bernard Zekri convainc Europe 1 et la Fnac de participer à la promo et à la production de l’événement, organisé dans des salles à Paris, Lyon, Metz, Belfort, Mulhouse, Strasbourg, Londres et L.A. Les prestations du Rock Steady Crew marquent les esprits. Pour longtemps. Au Bataclan, à Paris, première date de la tournée, ils descendent de scène pour breaker au milieu de la foule.

Le public répond présent, mais un événement médiatique porte la tournée vers une audience massive. Le journaliste Alain Maneval, animateur d’une des soirées à l’hippodrome de Pantin, est également aux commandes de l’émission Mégahertz, diffusée sur TF1. Il convie sur son plateau Futura 2000, artiste de graffiti, puis récidive en invitant d’autres acteurs du New York City Rap Tour, dont Crazy Legs et Mr. Freeze du Rock Steady Crew. Mr. Freeze, né à New York mais élevé à Paris, est en terrain conquis et enflamme le plateau.

Dans le livre Hip-Hop, une histoire française, de Thomas Blondeau (2016, Tana Editions), le DJ Dee Nasty, un des leaders des débuts de la culture Hip-Hop en France, décrit l’impact de ces émissions : « La danse a pris comme une traînée de poudre. En l’espace de quinze jours, tous les mecs de tous les quartiers de la France entière se mettaient à breaker sur des cartons. Et tout ça à cause de l’émission Mégahertz, qui a fait un reportage sur la venue de NYC Rap Tour à Paris. On s’est tous pris une claque monumentale ! » Solo, futur membre du groupe Assassin, est lui aussi frappé par ce qu’il voit sur Mégahertz. Peu de temps après l’émission, il fera partie de ceux qui investissent le Trocadéro et dansent avec l’énergie propre aux passions naissantes.

Le pays assiste, pour la première fois, à la symbiose entre les éléments composant la culture Hip-Hop, comme si la distance entre New York et la France se réduisait.

La culture Hip-Hop prend alors son envol et ne regarde plus en arrière. Elle n’est plus une excentricité vouée à s’éteindre, mais bien la force créative aux multiples moyens d’expression célébrée par le New-York City Rap Tour. Version longue sur redbull.com

NEW YORK CITY RAP TOUR
20 THE RED BULLETIN PHOTO BY DAVID CORIO/REDFERNS/GETTY IMAGES NICOLAS ROGÈS
Affiche du New York City Rap Tour qui débarque à Paris en 1982, créée par Crazy Legs.

FONDATIONS

L’acte de naissance

C’est sur un équipement de ce type que DJ Kool Herc a ambiancé les premières fêtes Hip-Hop à New York, les fameuses « block parties ».

C’est le 11 août 1973 dans un HLM du 1520 Sedgwick Avenue dans le Bronx, qu’a eu lieu la première fête animée par Kool Herc, en fait organisée par sa sœur Cindy. Derrière les platines, le jeune Clive, 18 ans, surnommé Hercules, car costaud comme sa collec’ de disques – d’où son nom de DJ.

Plus tard, inspiré par les soundsystems de son île natale, la Jamaïque, Herc joue dans des parcs, et s’essaie à enchaîner les sections instrumentales de deux disques similaires sur deux platines… créant des « breakbeats » qui déchaînent les danseurs et danseuses. Le pouls d’un Hip-Hop émergeant.

Le matos en photo (vendu 201 600 dollars aux enchères chez Christie’s, à Londres) fut celui utilisé par DJ Kool Herc dès le milieu des années soixante-dix et durant les eighties. Ce que vous voyez n’est donc pas qu’une vieille sono imposante, mais bien l’acte de naissance d’une culture.

Né en 1955 à Kingston, Jamaïque, Clive Campbell a émigré aux USA pour devenir DJ Kool Herc, l’un des pionniers de la culture Hip-Hop.

THE RED BULLETIN 21 CHRISTIE’S IMAGES LIMITED 2023, GETTY IMAGES

Choisir le breaking comme projet de vie est un choix de passion qui est lourd de doutes et de sacrifces. Originaire de Medellín, Luisa Fernanda Tejada, connue sous le nom de B-Girl Luma, en a fait son carburant.

Luma a commencé le breaking à 17 ans et travaillé dur pour s’inscrire dans la durée. Consciente de tous les bénéfices que lui ont apportés la discipline, elle approche son parcours passé et futur de manière très méthodique et organisée, acec détermination. Rencontre.

the red bulletin : Peux-tu revenir sur tes premiers pas dans le breaking ? luma : Je suis née dans le quartier de la Comuna 3 de Medellín qui, de par son histoire sombre, est un quartier ou l’influence du Hip-Hop est très forte et présente. Avant de commencer le breaking, je faisais des danses traditionnelles colombiennes et je prenais également des cours de gym. Mon professeur de gym était un B-Boy et m’a permis d’avoir une première approche du breaking. En dehors de ça, j’étais déjà très inspirée par le hip-hop, je me baladais en pull à capuche, j’écoutais du rap… Lorsque j’ai appris l’existence de la 4 Elementos Skuela – école des 4 éléments de la culture Hip-Hop, dirigée par le fameux crew Peligrosos, j’ai été m’impliquer pleinement dans les cours qu’ils proposaient. De par mon background et mon lifestyle, j’ai eu un déclic très rapidement, c’était comme une suite logique pour moi.

Cette école fondée par le crew Peligrosos est une vitrine des valeurs de paix et d’espoir portées par le Hip-Hop...

C’est une vraie chance pour la jeunesse. Ils ont énormément d’élèves et permettent à beaucoup d’apprendre gratuitement et de vivre la culture Hip-Hop. Ils apportent des solutions à ces jeunes qui parfois n’en ont pas. Je me suis sentie très chanceuse lorsque j’ai commencé à vivre cette aventure. J’avais le sentiment

d’appartenir à une communauté, à quelque chose de réel, d’avoir des projets. Soutenue par le gouvernement, l’école débloquait des fonds pour nous permettre de voyager en Colombie pour faire des battles. J’en ai perdu beaucoup, mais assez rapidement j’ai commencé à en gagner quelques-uns. Après cinq ans parmi eux, j’ai décidé de renoncer à leur soutien pour permettre à une autre personne d’être soutenue pour vivre cette expérience. Je devais me débrouiller.

Quelle a été la suite ?

J’ai quitté Medellín pour Bogotá ou le Hip-Hop était bien plus vivant. La scène des B-girls était en pleine expansion, il y avait des battles, des jams et des soirées tous les week-ends. J’y suis resté pendant trois ans. Ça a été un choix difficile à faire car j’ai dû quitter ma famille et partir avec le peu que j’avais pour miser mon avenir sur quelque chose d’incertain, mais j’ai senti que c’était un choix nécessaire si je voulais faire quelque chose avec le breaking. Après ces trois années, j’étais prête à tenter l’international. J’ai travaillé et j’ai économisé suffisamment pour partir aux États-Unis. En 2018, j’ai gagné le battle Temple Rock à Orlando. J’ai commencé à me faire connaître doucement, à voyager davantage, à adapter mon style de vie aux grandes compétitions…

Dès 2019, tu t’es systématiquement qualifiée pour les Red Bull BC One World Finals. Qu’est-ce que cela représente ? Chaque fois, l’expérience est différente. C’est amusant car cette année j’ai gagné le Red Bull BC One Cypher LATAM, ce qui me qualifie une nouvelle fois pour la finale mondiale et j’ai le sentiment que c’est la première fois que je suis le processus authentique pour accéder à cette compétition. Les années précédentes, j’ai été wildcard une fois, donc invitée

à danser sans passer par la qualification, et deux autres fois j’ai rejoint la compétition grâce à l’e-battle. Cette année, j’ai gagné les qualifications d’Amérique latine, j’ai l’impression d’avoir mérité ma place, d’être davantage prête.

Tu es aussi très impliquée dans les qualifications pour les Jeux olympiques pour représenter la Colombie ?

C’est une expérience intéressante qui demande encore plus de travail. Nous ne sommes pas soutenu·e·s en Colombie pour suivre ces qualifications, tout est à nos frais. C’est un processus compliqué mais que nous vivons en communauté et duquel nous essayons de tirer le meilleur.

J’ai l’impression que sur ton parcours, tout est une question de sacrifice. Dans ce monde, dans cette communauté, si tu veux faire quelque chose avec le breaking, tu ne peux compter que sur toi-même. Lorsque je reviens chez moi à Medellín, je vois beaucoup d’anciennes amies qui me demandent comment j’ai fait pour en arriver là. La réponse est simple, mais compliquée à comprendre. C’est en effet une question de sacrifices, de priorités, de cran.

Ou te vois-tu dans dix ans ?

Je voudrais avoir une maison à Medellín et reprendre des études pour devenir physiothérapeute. Les B-Boys et B-Girls qui m’inspirent aujourd’hui sont tous à un niveau exceptionnel et arrivent à jongler entre une vie pro, la danse, la famille… Une équation compliquée vers laquelle je souhaite vraiment tendre.

IG : @luma.colombia

&
HÉROS
HÉROÏNES LUMA
22 THE RED BULLETIN
TEXTE TOM CHAIX PHOTO ANDRÉS ALVARADO
« Tout est question de sacrifices, de priorités, de cran. »
THE RED BULLETIN 23
De Medellín au Red Bull BC One, Luma, 29 ans, s’est donné des buts grâce au breaking.

SHÉYEN GAMBOA

Journaliste et activiste respectée par l’ensemble de la communauté Breaking en France, Ingrid « Shéyen » Roulot-Gamboa, a vécu l’évolution et l’essor de cette culture depuis son arrivée en France aux débuts des années 80.

TEXTE MARIE-MAXIME DRICOT ILLUSTRATION CHRIS THORNLEY/RAID71

La rencontre

Tout commence avec sa grande sœur, beaucoup plus âgée qu’elle, qui, après un voyage à New York en 1984, revient à la maison avec plein de cassettes audio de musique Hip-Hop dans sa valise. Shéyen a huit ans et consomme les bandes sonores en répétant en boucle en onomatopée tout ce qu’elle entend sans en comprendre un mot. Mais la jeune fille est subjuguée et trouve ça marrant. La danse viendra après grâce à l’émission H.I.P. H.O.P. diffusée juste après Starsky et Hutch, sur TF1 et animée par Sidney. On est en 1984, c’est la grande messe du dimanche pour beaucoup de jeunes Parisiens des quartiers populaires du XVIIIe arrondissement, qui comme Ingrid répète les mouvements des danseurs dans la cour de récréation. La pré-adolescente est sensible à cette culture qui deviendra son tout. « On était sensible aux rythmes des mouvements, car on se cherchait une identité culturelle », raconte-t-elle.

Cool School

1991. Ingrid est au lycée et son professeur d’économie invite les élèves à monter un projet qu’ils devront tenir toute l’année. Elle décide, avec son amie Sister Chéfa, de monter « un petit magazine sur le Hip-Hop » (1990-1995). La communauté est encore minuscule à Paris et donc accessible pour les deux jeunes filles qui comptent bien tirer leur épingle du jeu. Les petites interviews avec les acteurs de la scène locale et les reportages se multiplient pour que le fanzine, prenne vie au milieu de l’année 91 : Yours (trad. Le vôtre). L’idée est de montrer que le Hip-Hop n’est pas un courant négatif et d’effacer sa mauvaise réputa-

tion en le médiatisant. « Ça m’a toujours révoltée, car ce sont des artistes dont on parlait, pas des cas sociaux. Beaucoup ont choisi le Hip-Hop pour échapper aux guerres des gangs, à la drogue et parce qu’ils sont animés par cette expression culturelle. »

Fanzine de renom

Les années passent et Yours poursuit sa route. Mais Ingrid, désormais Shéyen, est encore sous l’autorité parentale et ses parents insistent pour qu’elle fasse des études supérieures en biologie, car contrairement à la future journaliste, ils ne croient pas en cette culture. Il lui en faudra plus pour arrêter Yours qu’elle vend sous le manteau à Ticaret, la première boutique dédiée au Hip-Hop à Paris. Elle se souvient : « C’est aussi à ce moment-là que je me suis rendue compte que c’est la danse qui me motivait le plus. » Toutefois, la crédibilité et la notoriété des deux amies s’installent. C’est alors qu’en 1995, une rumeur arrive à ses oreilles. Il semblerait qu’un vrai magazine sur la culture Hip-Hop allait sortir et être vendu en kiosque, avec une vraie équipe et de vrais moyens. Shéyen Gamboa est sous le choc, mais le meilleur reste à venir.

Pro

« J’avais l’impression qu’on nous prenait notre place ! D’autant plus on avait élaboré un numéro spécial de Yours, pour la maison de disque Barclays qui avait lancé, en 1996, la première compilation de rap féminin : Lab’Elles. À cette occasion, ils nous avaient même attribué un bureau dans leurs locaux avec un téléphone, c’était génial ! »

Dès lors, Shéyen commence à considérer le journalisme comme « un métier qu’on peut exercer de manière optimale et confortable ». Une réflexion qui sur-

vient au même instant où Radikal, « le magazine du mouvement Hip-Hop » (la rumeur), lui demande de rejoindre sa rédaction pour devenir cheffe de rubrique danse. Grâce à eux, Shéyen s’envole pour New York, à la rencontre des pionniers. Elle y fera un gros reportage pour les vingt-cinq ans du Rock Steady Crew, qui donnera naissance à la couverture emblématique en noir et blanc du numéro d’été, juillet-août 2002, dont la photo est extraite du tournage du documentaire Style Wars (1983) de Tony Silver.

Actrice et spectatrice

Pour Shéyen, le Hip-Hop, dont fait partie le breaking, est « un mouvement qui a grandi, qui a mûri, qui s’est défendu et qui s’est battu pour son intégrité et son authenticité, parce qu’il a été assez maltraité, notamment dans les médias ». Quand l’autrice sort son livre Hip-Hop –L’histoire de la danse, en 2008, elle fait déjà le constat que des B-Boys et B-Girls, il y en a partout en dehors des foyers de NYC, Londres et Paris. Pareil avec Canal Street, le site des cultures urbaines de Canal+, où, dans son émission Urban Backstage, elle nous balade dans les coulisses des battles du monde entier, dont la forêt guyanaise où des breakers du Suriname dansent sur du sable. Selon elle, « le phénomène s’est répandu, parce qu’il répond à un besoin de nouveauté et c’est une culture qui rassemble, parce qu’elle est militante et pleine de rythmes. Elle a un battement de cœur tellement fort, qu’il résonne aux quatre coins du globe, en dépit de sa dépréciation du mainstream ».

IG : @sheyen1

HÉROS & HÉROÏNES
24 THE RED BULLETIN
« Le breaking s’est défendu et s’est battu pour son intégrité et son authenticité. »
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Ingrid « Shéyen » Roulot-Gamboa, 47 ans, journaliste, autrice, réalisatrice spécialiste du Hip-Hop.

Il y a quelque chose de psychique dans la naissance et le développement du Hip-Hop en France. Dès l’arrivée des premiers clips de rap et de vidéos de danse sur les ondes TV au début des années 1980, de nombreux jeunes de l’Hexagone ont été comme hypnotisés et conquis par cette nouveauté culturelle. Jérémy « Jey » Barege, né en 1980 a Laval, en fait partie, et en a fait sa vie.

the red bulletin : Jey, vous êtes internationalement connu dans le monde du break. Comment le Hip-Hop est-il entré dans votre vie ?

jey : Il y avait une ambiance assez hiphop a la maison. Mon grand frère jouait en boucle les albums de IAM, NTM… On était branchés sur les chaines de clips vidéos ricains. À l’époque, bien que j’étais déja très sportif, que j’aimais beaucoup le BMX, le skate… Je ressentais quelque chose de particulier en voyant ces clips, en écoutant la musique. J’ai commencé a m’entrainer seul dans ma chambre et me suis pris de passion.

Pourquoi le breaking ?

Ca peut paraitre cliché, mais je pense que c’est en partie lié au fait que je vivais dans un quartier. J’étais entouré de diversité depuis mon plus jeune age. Il y avait beaucoup de danses – surtout de la hype, du smurf, du new jack… En voyant du break a la télé, ces clips, j’avais l’impression de comprendre, de voir quelque chose qui m’était accessible, qui était proche de ma réalité. Aussi, j’étais déja fan de hip-hop et d’electro-funk, et j’avais la possibilité désormais de réagir a cette musique, de lui donner du relief, d’aller au-dela de la simple écoute. Je n’en avais pas conscience a l’époque, mais j’ai

JEY

ressenti une connexion culturelle. Enfin, pour faire du break, on n’a besoin d’aucun matériel, il faut juste de la musique et un sol. Je me suis vraiment retrouvé la-dedans.

Puis vous avez fait partie du crew historique Legiteam Obstruxion… Il y avait très peu de monde qui faisait du break a Laval – j’en profite pour remercier Momoze d’avoir lancé la dynamique. Très rapidement, j’ai été amené a voyager en France pour chercher d’autres personnes qui faisaient la même chose que moi. Avec mon premier collectif, Kombo, je me rappelle d’une rencontre déterminante avec le groupe Legiteam D, de Caen, en 2002. En 2006, partant d’un objectif commun qui était d’être les meilleurs, nous avons lié nos forces sous le nom de Legiteam Obstruxion.

Et vous avez bien fait,quand on voit le palmarès de ce crew, dont quatre titres de champion de France entre 2007 et 2022. Et donc beaucoup de travail… À l’époque, le break ne proposait aucun débouché. C’est-a-dire que vouloir être le meilleur était synonyme de sacrifice mais aussi de passion et d’amitié. Et c’est cela qui est valorisant. Qu’est-ce qui est mieux que d’entreprendre des projets de groupe avec ses amis, que de se battre ensemble pour atteindre des objectifs communs ? On était conscients que l’on expérimentait un truc fort, cool, que l’on vivait la culture Hip-Hop ensemble, a notre manière. Cela vaut tous les sacrifices du monde !

La qualité et la diversité de votre footwork (jeu de jambes) sont reconnues, quand avez-vous eu ce déclic ? Bizarrement, dès le début. Je dis « bizarrement » car j’ai commencé a une époque ou le break n’était pas du tout axé footwork. J’ai commencé avec des cassettes VHS du

Rock Steady Crew dans lesquelles les mecs ne faisaient que ca. Je me sentais a l’aise dans cette position, j’arrivais a me faire plaisir, a créer… Dans Legiteam Obstruxion, j’avais le role de footworker, et j’ai adoré ca. Petit a petit, je voyais que certains danseurs s’inspiraient ou reprenaient mes variantes. Cela m’a motivé a pousser la recherche encore plus loin. En continuant de travailler le mouvement, j’ai commencé a m’intéresser a son origine, son histoire pour aller plus loin dans ma compréhension. Je voulais avoir ma place dans ce monde, être connu et reconnu pour mon footwork. J’ai décidé de ne faire que des battles footwork jusqu’a en devenir une référence.

Ces mêmes footworks qui vous ont amené a parcourir le monde entier, a être invité pour juger, enseigner... C’est toute la magie du break. C’est fou car, lorsque j’étais seul dans ma chambre il y a vingt-cinq ans a apprendre le 3-Step sur VHS, je ne me doutais pas que ce même step m’amènerait la ou je suis. En 2017 j’ai créé le programme Footworkerz, une manière de transmettre ce que j’ai pu apprendre. Le break est infini, c’est une boucle dans laquelle on revient toujours aux bases pour continuer d’évoluer.

Êtes-vous toujours aussi passionné après vingt-cinq ans de présence ? Toujours. On a toujours dansé avec passion, sans ne rien attendre en retour, sans même se demander si cela allait mener quelque part. C’est la manière la plus pure d’évoluer dans cet art.

HÉROS & HÉROÏNES
Avec près de 25 ans de présence active dans le milieu, Jey, danseur français et référence mondiale du footwork, revient sur sa passion et les valeurs qui l’ont guidé.
26 THE RED BULLETIN DMITRIY TIBEKIN/RED BULL CONTENT POOL
TEXTE TOM CHAIX
« Le break est infini, c’est une boucle. »
THE RED BULLETIN 27
Par l’exemple : Jey enseigne ses skills de footwork à de jeunes danseurs et danseuses lors d’un workshop.

L’AMBASSADEUR DU BREAKING

Si vous avez déjà vu une vidéo incroyable de breaking, il y a de fortes chances que vous connaissiez

JUNIOR . Plus qu’un B-Boy, il est un exemple de détermination et de passion. Ce breaker sensationnel revient sur son histoire, fait le point sur son présent, et nous expose son demain.

Texte PH CAMY Photos LITTLE SHAO
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Iconique : Junior déploie ses ailes pour un move signature à São Paulo, Brésil, lors d’un shooting exclusif avec le photographe Little Shao.

LE BREAKING, par B-Boy Junior

« Chacun a son approche du breaking : le côté sportif ou athlétique pour certain·e·s, l’artistique pour d’autres. C’est son aspect culturel qui m’a attiré, son état d’esprit, les tenues, la musique, l’ambiance. Sa philosophie. Dans le breaking, avec peu de moyens, tu peux faire des choses grandioses. J’aime ses valeurs : l’inclusion, le dépassement de soi, l’originalité. Et dans cette discipline, chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Le breaking m’a permis de m’échapper et de changer les regards sur moi. Et il m’a appris l’humilité. Grâce à lui, je pouvais exister. »

No excuses, No limits. Tels sont les mots inscrits sur le bracelet que Junior porte à son poignet droit ce jour de juillet où nous le rencontrons au cœur de Paris. Quelques lettres, comme des rappels permanents d’une détermination qui ne doit jamais faiblir. Des slogans pareils, on en lit et on en entend partout sur les réseaux sociaux ou sites de sociabilité professionnelle. Jusqu’à ne plus vraiment y croire. Ni à y trouver de la motivation. Mais dans le cas de Junior Bosila Banya, la formule n’est pas du vent. Pas du personal branding. Le parcours de ce B-Boy de 42 ans (le plus connu et vu à travers la planète ?) impose vraiment le respect. Et son aventure ne fait que débuter.

Ne nous privons pas d’un retour sur son histoire singulière. Naissance à Kinshasa, en République démocratique du Congo, où Junior développe une poliomyélite à l’âge de deux ans. Elle fragilise sa jambe droite. Sa famille se saisit de l’opportunité de l’envoyer en France pour y être pris en charge, et stopper le développement de la maladie. Il devra faire toute sa vie avec sa jambe droite amoindrie. Et fera bien plus que faire avec.

Arrivé en France à 5 ans, Junior s’installe à Paris deux ans plus tard dans une famille d’accueil à Saint-Malo, qui deviendra sa famille adoptive, et restera au contact d’une partie de ses proches en France.

Le B-Boy Junior superstar se souvient du Junior, tout court, de l’époque. « J’étais un gamin observateur, aux aguets, j’aimais vérifier ce que les gens pensaient de moi, les gens qui m’entourent, je ne faisais pas confiance… », sourit-il. On peut imaginer qu’un gamin noir, né au Congo et atteint de poliomyélite devait attirer l’attention, et susciter quelques moqueries, dans une petite ville des années 90 comme la Cité corsaire. Junior a un regard plutôt positif sur son enfance à Saint-Malo. « J’avais la cote, des copains, une petite popularité. J’évoluais dans différents crews à l’école : les hardos, les rappeurs, les surfeurs, les “normaux”… (Rires) En évoluant avec différents types de personnes, tu t’enrichis personnellement, tu as moins de préjugés. » C’était peut-être aussi là pour lui le moyen d’être connu de la plupart, pour que les jeunes qui l’entourent le connaissent vraiment.

Junior
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« Je ne suis pas un danseur de compétition, mais de mes propres compétitions. »
À sa source : Junior à Goma, au Congo (son pays de naissance) pour la série Breaking Beyond

Qu’en était-il du sport ? Son handicap n’a pas semblé être un frein pour ses envies de mouvement. « J’étais assez sportif, mais je le pratiquais à ma manière, je m’adaptais. J’ai fait du bodyboard, du tennis de table. » Junior sourit. Mec super agréable pour qui l’a déjà croisé, l’a-t-il toujours été ? « Jeune, je n’étais pas qu’un mec sympa, j’ai pu avoir mes embrouilles, j’ai pu être méchant… Mais j’ai évité les

embrouilles car j’étais occupé par autre chose, le sport, et puis la danse… »

Tu es chaud en danse ?

La danse, le breaking, qui lui apportera tant, et auquel il apportera tellement. Il s’y initie vers ses 13-14 ans, avec des copains, un crew naissant : 6e Sens. Julien, Yoann, Mathieu et Farès. « Ça se passait dans le quartier de La Découverte, on escaladait la grille de la petite école pour aller breaker le carrelage sous le préau. » La passion est naissante, et certains s’activent plus ardemment, en coulisses. « Lors d’une soirée avec mes potes, je vois qu’ils sortent de nouveaux moves, j’hallucine… D’habitude c’était moi qui faisait le show, avec mon pote Hassen, qui avait grave la cote et

m’avait pris sous son aile ! (Rires) » En fait, les copains ont appris dans leur coin, discrètement avec Jeff et Rudy, deux profs de breaking actifs dans la salle du Goéland à Saint-Malo. Que Junior rejoint également. Et l’équipe de prendre son envol. « On bougeait à Rennes pour danser avec d’autres B-Boys. Rennes, c’était notre capitale à nous, notre Petit Paris. Et j’ai participé au Breizh Battle en 1997, je n’ai pas gagné, mais j’ai été élu meilleur danseur de la compétition. Le danseur de l’event, c’était moi, j’étais celui que l’on avait remarqué. » Malika, B-Girl du crew Family, présente en tant que juge, vient aborder Junior : « Tu es chaud ! » Au-delà d’un souvenir, c’est le premier signe d’une reconnaissance d’un talent établi envers lui que nous raconte Junior.

« J’ai évité les embrouilles car j’étais occupé par autre chose. »
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Posse in effect ! Junior entouré de B-Boys locaux lors du Red Bull BC One Cypher Brazil, en juillet dernier. Pour les breakers établis comme les nouvelles gâchettes, il est une référence solide, un ambassadeur authentique de leur culture.

Le meilleur reste à venir. Junior passe rendre visite à sa famille biologique à Paris, discute avec un cousin. « Tu es chaud en danse ? Je vais t’amener quelque part. » Ce quelque part, c’est une salle où s’entraîne le Wanted Posse, l’un des plus grands crews du breaking en France, tout comme Family ou Aktuel Force. « Des crews dont je saignais les VHS », dit Junior, se remémorant une époque où ni YouTube, ni TikTok ne permettait de se tenir à la page du niveau de breaking local et international. Il fallait donc se passer et repasser des cassettes vidéo de battles et autres, et les rembobiner sans cesse, pour assouvir sa passion visuelle du breaking, et son observation des moves les plus marquants du moment, pour s’en inspirer ou

tenter de les reproduire. Dans cette salle, c’est du top niveau, IRL. Pas par l’intermédiaire d’un magnétoscope. Junior accroche avec les Wanted Posse, et rejoint, grâce au B-Boy Missoné, les Badland, association de crews affiliés aux Wanted, puis les Wanted Junior, et enfin, le top : le Wanted Posse. « J’ai rapidement participé à l’événement Battle XXL, contre un autre crew de renom, les Vagabonds. Et me voilà dans une triangulaire entre Saint-Malo, Rennes et Paris, avec mon sac à dos, et ma trottinette, pas encore électrique. (Rires) » C’est sur l’un des modèles actuels qu’il se déplace d’ailleurs le jour de notre interview.

Il passe à la télé

Junior se déploie donc dans le breaking, et tente de poursuivre des études d’anglais. « J’ai entamé une fac, mais je ne l’ai pas terminée, c’est plutôt elle qui m’a terminé », rigole le B-Boy. Plus tôt, Junior a passé un Bac commercial, et se souvient d’une anecdote. L’un de ses profs le voit à la télé, surpris. « J’avais intégré le Serial Breakers Crew de Jeff et Rudy, affilié aux Serial MCS (SMCS), une équipe de danseurs et de rappeurs. Je me retrouvais parfois à prendre le micro pour rapper, et j’étais passé à la télé. (Rires) » Junior et le SBC font les premières parties de groupes de rap US majeurs : De La Soul, Pharcyde, Guru… ou français, comme Sniper, Saïan Supa Crew… « Vicelow du Saïan m’a motivé, j’ai également rencontré Jamel Debbouze, qui m’a soutenu, par l’intermédiaire d’une figure du hiphop en France, François Gautret. Cela m’a donné confiance en moi. Je me suis dis que rien n’était impossible. Cela m’a poussé à rêver plus grand, à m’ouvrir l’esprit. »

2001, Junior et les Wanted participent au Battle of The Year en Allemagne, événement majeur de la scène breaking internationale. Et l’emportent, en équipe.

« J’ai commencé à voyager : Suède, Norvège, Finlande, trois pays où je me retrouve à donne des cours, animer des workshops. Et les Wanted présentent un spectacle en tournée, au théâtre, on part

en Asie, en Afrique. La création, le monde du spectacle, m’ont vite attiré. Même si je sais que cela a pu me causer du tort côté efficacité, côté breaking pur, je savais que cela faisait grandir ma danse. Dans une création pour le théâtre, avec une troupe, tu fréquentes des danseurs de house, hip-hop, tu observes d’autres façons de s’entraîner, tu développes une ouverture musicale, d’autres qualités. Ainsi, j’ai trouvé de la liberté dans ma danse. »

D’ailleurs, comment définir son style ? Plus que du breaking ? En regardant des vidéos de Junior, vous observerez rapidement son usage incroyable de la partie haute de son corps, notamment de ses bras, lui permettant des moves à vous laisser littéralement bouché bée. Plus haut dans ce récit, nous parlions de devoir faire avec la polio, et faire bien mieux qu’avec. Nous parlions de cela : développer des skills qu’aucun autre B-Boy n’aurait pensé développer, pour exploiter au mieux ses capacités et « incapacités » physiques. L’humain Junior est unique, le B-Boy Junior devait l’être aussi. Il pose un regard très spirituel sur sa danse. « Ma danse transpire mon histoire. » Même approche pour son rapport à la compétition, lui qui n’est pas le danseur français le plus titré de sa génération, et qui ne s’en soucie visiblement guère : « Je ne suis pas un danseur de compétition, je ne suis pas assez académique. Je suis le danseur de mes propres compétitions, celles avec moi-même. Quand je participais à des compétitions, ma victoire, c’était de marquer les gens. Je voulais que l’on se souvienne de moi plus que du vainqueur de l’event. C’est comme cela que j’ai imposé mon style. »

En 2004, il participe à la finale mondiale du Red Bull BC One, première édition, à Bienne, en Suisse, mais ne gagne pas. Pourtant l’un de ses passages sera visionné des millions de fois sur YouTube, et Junior commence à être reconnu en dehors de la scène breaking. En groupe ou en duo, notamment avec Bruce Chiefare, à l’époque de Rennes, il développe une envie et une énergie remarquables.

Avec le Wanted Posse, Junior danse à la Wembley Arena la même année que Bienne, pour les World B-Boy Championships. Ils battent des « Ricains », des Coréens… « LL Cool J était le host », se souvient B-Boy Junior à propos de cette légende et star internationale du rap américain.

« La création et le monde du spectacle m’ont vite attiré. »
Junior THE RED BULLETIN 33

Se permettre une telle pose pour l’objectif de Little Shao nécessite des années d’efforts et d’acharnement.

« Je suis comme un ambassadeur du breaking à travers le monde. »

Projet Kongo

Alors que notre entretien se poursuit, un autre nom du breaking, le photographe Lamine, nous aperçoit en train de discuter, et prend un cliché de Junior à la dérobée. Les B-Boys et B-Girls sont partout, leur culture les a propulsés dans des univers souvent créatifs. Junior en est le parfait exemple. Il nous liste ses activités, hors monde du breaking pur.

Le théâtre : « Je termine la deuxième saison de La tendresse, une pièce de Julie Berès, après 120 représentations au total. La troisième saison aura lieu aux Bouffes du Nord, à Paris, du 6 au 26 décembre prochains. La pièce traite de la construction du masculin après des millénaires de patriarcat. Comment l’on se construit dans un groupe d’hommes, il y a une partie meta qui m’est dédiée, dans laquelle mes mouvements accompagnent mon récit. »

Les conférences : « J’en donne car j’ai de nombreuses choses à dire, du fait de mon parcours. Je parle d’inclusion, de sport pour tous et toutes, à des auditoires différents, des personnes en situation de handicap comme à un public plus “classique”. »

L’associatif : « Je suis actif au Congo, localement, avec ma structure, Projet Kongo. Je veux apporter de la visibilité aux initiatives locales, avec un soutien technique et financier. Il y a des talents au Congo, du potentiel, une énergie bouillonnante, mais les danseurs et danseuses n’ont pas la possibilité de voyager, ou n’en ont juste pas le droit, pour des questions de visas. Il faut les aider à se professionnaliser. Je me bouge aussi pour que les membres de la diaspora s’unissent et renouent avec leurs racines. Je reviens de mon quatrième séjour au Congo, j’aimerais y avoir un pied-à-terre et y créer un centre culturel. »

Au-delà de son histoire personnelle avec ce pays, Junior y voit une véritable source de talents dans le breaking, dont l’explosion tient à peu de choses. « Une fois, j’ai ramené un morceau de lino, 4 mètres sur 4, les gars dansaient habituellement sur des copeaux de bois ou du béton, et avec ce lino, ils ont pu glisser au sol, et se faire moins mal, s’améliorer dans leurs power moves. »

Un inspirant épisode de la série Breaking Beyond (dispo sur Red Bull TV) est dédié à la scène locale du Congo. Tourné à Goma, on y voit Junior et le B-Boy japonais Shigekix évoluer avec les acteurs et actrices locales de la scène

congolaise. « Ils ont progressé depuis, l’une des deux filles présentes dans la série est même partie danser en Belgique lors d’un événement », se réjouit Junior. Il peut aussi être un juge sur des compétitions, animer des workshops ou des masterclass. Transmettre.

N’oublions pas le Junior chorégraphe : « J’ai créé une œuvre, Addiction, dans laquelle je danse avec la danseuse Kalli Tarasidou. Et une autre, Extension, avec Amala Dianor, qui est aussi choré-

graphe de l’œuvre. Et j’ai toujours ma création solo, depuis 2009, Buan Attitude, que je présente régulièrement au public selon les opportunités. » Enfin, Junior à remporté Incroyable talent sur M6 en 2007 !

Il arbore fièrement une casquette que beaucoup lui envient. « Je suis un Red Bull All Stars Icon, précise-t-il. Être un All Stars, c’est un peu être un grand frère pour de jeunes danseurs. Nous sommes là pour transmettre, entraîner, et faire le show. Je suis comme un ambassadeur du breaking à travers le monde. »

Pour mener de front tant d’activités, Junior est soutenu par sa femme, responsable RH devenue régisseuse « plus plus » et chargée de production, par la force des choses. Tous deux vivent en banlieue parisienne, à Évry, avec leurs deux jeunes enfants.

Junior
Focus : B-Boy Junior ne fait pas que danser, il enseigne, transmet, motive et observe la nouvelle génération en tant que juge de compétitions.
THE RED BULLETIN 35 LITTLE SHAO
« Au Congo, il y a des talents et une énergie bouillonnante. »
« J’ai visité plus de 80 pays grâce au breaking. »
Sculptural : Junior se fige à Rotterdam, sur le tournage de l’épisode 5 de la série Breaking Beyond

De Tahiti à l’Ukraine

Le breaking a mené Junior tellement loin depuis ses premiers moves sous le préau de l’école du quartier de La Découverte. Dans ses capacités, son art, ses projets, mais aussi géographiquement. Il nous relate des trips incroyables. « J’ai visité plus de 80 pays grâce au breaking… J’ai fait la planche au sommet du Schilthorn, en Suisse. J’ai dîné chez Madonna à Londres avec B-Boy Lilou et le danseur et chorégraphe Brahim Zaibat, qui est devenu son compagnon, suite à ce même repas ! J’ai dansé devant le gouverneur en Australie, à Pétra dans le désert jordanien… On arrivait sur des chevaux avant de se livrer à un battle. Il y a eu aussi cette mission à Dubaï, pour la Dubaï World Cup hippique, où une averse de grêle à tout dévasté la veille de l’événement… Pas grave, ils ont tout reconstruit dans la nuit. (Rires) J’ai dansé au Kosovo où j’ai rencontré de gros fans de HipHop. Où encore ? À Tahiti ! Aussi, en Ukraine, durant la révolution orange, j’étais au milieu de la foule, habillé en orange, à chanter avec eux, c’était fou… »

Qui le croirait, tant Junior est humble et sait se faire discret, parfois aidé de sa canne. Attendez de le voir danser ! Nous

l’interrogeons sur le fameux bracelet à son poignet gauche, ce No excuses, No Limits. « C’est celui des ILL-Abilities, dont le nom est un jeu de mots, et qui veut dire “des aptitudes folles”. Un crew international de danseurs venus du Brésil, de Corée du Sud, des US, du Canada, Chili et des Pays-Bas, et dont tous les membres sont en situation de handicap… Mais on baise tout ! (Rires) » Une équipe investie dans des œuvres théâtrales, des shows, des workshops, des conférences. Au Japon, certains membres ont fait la première partie de Katy Perry.

Plus proche de chez nous, et de son enfance, il évoque un projet, à SaintMalo. « J’aimerais rendre à cette ville, en y créant mon lieu, avec le soutien de l’association Etendard, qui vise à l’éducation par la pratique du sport et des arts. Donner à mon tour, à d’autres, la chance que

j’ai eue. Ce serait un point de rendezvous pour la culture Hip-Hop. » Junior évoque les autres composantes de cette culture : le graffiti, bienvenu dans les galeries d’art depuis si longtemps, ou le rap, la musique numéro un chez les jeunes français. Que dire du breaking, qui arrive aux Jeux olympiques de 2024. Il les voit comme des disciplines éparpillées, pas assez connectées. « Quelle force elles auraient si elles se regroupaient ! » Sa vision du breaking en 2023 ? « Il y a eu une mondialisation, dans la pratique, le niveau. Il n’y a plus vraiment de grande nation comme par le passé, les US ou la France. Ça bouge au Kazakhstan, en Ukraine, en Russie, en Chine. Concernant le niveau technique du breaking, il a bien évolué, et l’innovation technique d’un danseur est très vite absorbée par d’autres, pour initier de nouvelles choses. Du coup, quand par le passé, les crews de danseurs étaient identifiables, du fait de leurs spécialités, c’est beaucoup plus mélangé à présent. Tu trouves plusieurs spécialités au sein d’un même crew. » Pour achever ce bilan très personnel de la scène breaking mondiale, Junior nous invite à suivre de près la scène taïwanaise. Noté ?

Changer des vies

Et lui ? Où en est Junior Bosila Banya en 2023, après près de trente ans à tout donner pour le breaking ? « Je suis encore un élève. C’est ça, le secret d’une longévité : continuer à apprendre, s’améliorer, pour maintenir la motivation à son plus haut niveau. Tout comme le plaisir et la découverte. » Dans le breaking, il a trouvé une certaine rigueur, qu’il applique à sa vie perso. « J’ai des enfants, je dois donner l’exemple. Il faut que les enfants respectent les parents, mais on doit leur prouver les choses, leur offrir un environnement sain et stimulant. »

Sa plus grosse récompense ? « Quand quelqu’un me dit qu’il a commencé le breaking grâce à moi, après avoir vu l’une de mes vidéos. Ou quand quelqu’un m’envoie un message : “Tu as changé ma vie” ; “Tu m’as motivé”… Même venant d’un non-danseur, c’est énorme. »

Nous mettons un terme à notre entretien, et Junior évoque une dame âgée, en Suède, du genre aristocrate, à qui il a enseigné le breaking alors qu’elle avait 61 ans, et qui fut finalement surnommée Crazy Grandma. « Je l’ai revue, elle a 73 ans. Elle danse toujours. »

IG : @bboyjuniorofficiel ; @projetkongo

Junior
« Le secret de ma longévité ? Je suis encore un élève. »
THE RED BULLETIN 37 LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL
Full energy : Junior en feu face à la scène locale, avec B-Girl Narumi et B-Boy Mounir, lors du Red Bull BC One Cypher India à Mumbai en 2022.

LE MONDE DE DEMAIN

Ils et elles sont déjà dans les radars des spécialistes : ces B-Boys et B-Girls rafraîchissent la planète breaking et se font remarquer dans les compétitions locales comme internationales. Le photographe LITTLE SHAO vous présente les nouveaux talents sur lesquels il faudra compter dans le futur.

Texte PH CAMY & LITTLE SHAO Photos LITTLE SHAO

Hey ladies ! Le breaking s’écrit aussi au féminin, avec nombre de danseuses lors des compétitions et battles.

La jeune Italienne Agne pourrait bien s’imposer comme l’une des B-Girls les plus éclatantes à l’avenir.

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Le photographe LITTLE SHAO

Quel danseur ou quelle danseuse n’a-t-il pas shooté·e ? Depuis près de vingt ans que Shao documente le breaking à travers la planète, il a vu la scène et la discipline évoluer d’un univers très niche à une reconnaissance mondiale, jusqu’à une présence aux JO pour la première fois l’an prochain. Underground comme iconiques, des milliers sont passés devant l’objectif du photographe parisien qui les traque dans les moindres cypher, battle, workshop ou compétition d’envergure comme les Red Bull BC One. Shao a souhaité mettre en avant les nouvaux visages du breaking, venus du Japon, de Chine, d’Italie, de Colombie, du Venezuela et du Brésil, en ascension vers le plus haut niveau mondial.

IG : @littleshao

B-GIRL AGNE

20 ans, Italie, photographiée à Banská Bystrica (Slovaquie)

« Une danseuse très fraîche qui a remporté le Red Bull BC One Cypher en Italie contre Alessandrina, qui fait également partie de l’équipe nationale de breaking. Son style est incroyable et ses fondations très solides. Je pense qu’elle va faire beaucoup de bruit ! » IG : @queeenti

À suivre
40 THE RED BULLETIN

B-BOY SHAYMIN

25 ans, France, photographié à Montpellier

« Ce Français est de plus en plus reconnu sur la scène internationale. Il a participé au programme d’accompagnement de jeunes talents Red Bull Under My Wiiings avec B-Boy Lilou. Cette année, il s’est imposé, et a atteint la finale du Red Bull BC One Cypher France, où il a perdu en finale contre Khalil, mais il était clairement le Most Valuable Dancer de l’événement, et a mis le feu à la scène. » IG : @bboyshaymin

« Shaymin a un style unique, très original, et il fait preuve d’une très grande souplesse. »

MIGHTY JAKE

22 ans, Venezuela, photo à Banská Bystrica (Slovaquie)

« Un B-Boy très fort et puissant, qui a remporté le Red Bull BC One Cypher au Venezuela, qualificatif pour le World Final à Paris. Sachant que le danseur qu’il a battu en finale, Alvin, est l’un des top B-Boys internationaux actuels, je vous recommande de suivre Mighty Jake de près dans le futur. » IG : @mightyjake_

À suivre
« Lors de chaque gros event, Mighty Jake marque toujours les esprits. »
42 THE RED BULLETIN

KLEY

30 ans, Brésil, photographié à São Paulo

« L’un des B-Boys les plus talentueux du Brésil, qui se fait beaucoup remarquer sur la scène internationale. Il a mis le feu lors du Red Bull BC One Cypher Brazil et également lors de l’un des meilleurs festivals de breaking, Outbreak, cet été en Slovaquie. » IG : @kleyskn

RICKY RULEZ

25 ans, Colombie, photographié à São Paulo

« Ce danseur est connu en Amérique du Sud et aux USA, mais pas vraiment en Europe ni en Asie. Il vient de remporter le Red Bull BC One LATAM au Brésil, et va tenter d’atteindre le World Final du BC One à Paris, au stade Roland-Garros, pour le grand soir du 21 octobre. Il devra pour cela se frayer un chemin lors du Last Chance Cypher qui détermine les tous derniers qualifiés pour la finale. » IG : rickyrulez.col

À suivre
« Explosif, Ricky commence à se faire remarquer hors d’Amérique. »
44 THE RED BULLETIN

B-BOY HARUTO

19 ans, Japon, photographié à Banská Bystrica (Slovaquie)

« Haruto est l’un des membres du fameux Body Carnival Crew venu de Kyoto, au Japon. Il a des skills incroyables mais n’a que peu voyagé hors du Japon. On le voit de plus en plus sur de gros événements, et j’espère que cette année, il va remporter un tas de battles iconiques en dehors de son pays, en duo avec son pote Issin. » IG : @bboy.haruto

B-BOY REX

29 ans, Brésil, photographié à São Paulo

« Ce danseur brésilien était totalement inconnu internationalement… Mais c’était avant le Red Bull BC One Camp Brazil en juillet dernier, en particulier son side event, nommé Crashfest. Il y a gagné face à des danseurs aussi respectés que Lee, Alvin, Kid Colombia ou Tsukki. » IG : @rex_monster_king

B-BOY LITHE-ING ET B-GIRL YINGZI

18 et 30 ans, Chine, photographiés à Banská Bystrica (Slovaquie)

« On assiste à une explosion du niveau en Chine surtout depuis que B-Boy Mounir coache l’équipe nationale. Le duo pose devant X-Rain et 671, qui ont tout cassé en 2022 lors du festival Outbreak. Cette année, Lithe-ing et Yingzi y ont fait du bruit. » IG : @bboylithe_ing & @bgirlyingzi

À suivre
« Depuis quelques années, le niveau du break en Chine explose. »
THE RED BULLETIN 47

Peintre, créateur de mode, professeur, mentor, motivateur, amateur de disques vinyles et photographe, MENNO est bien plus que le potentiel meilleur breaker au monde et le B-Boy le plus titré au Red Bull BC One avec trois titres mondiaux. Le Néerlandais vous convie dans son monde.

Texte PH CAMY & MENNO Photos MENNO
LITTLE SHAO

MENNO PAR MENNO

Menno, l’un des B-Boys les plus accomplis de la planète, signe les photos de sa propre histoire pour The Red Bulletin

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-Boy Menno, de son vrai nom Menno van Gorp, 34 ans, né à Tilburg et habitant Rotterdam (Pays-Bas), peut être considéré comme le meilleur breaker au monde. De par ses trois ceintures remportées en 2014 (Paris), 2017 (Amsterdam) et 2019 (Mumbai) lors du Red Bull BC One, et ses vingt autres titres mondiaux, sa créativité, son style, parmi les plus originaux de la scène breaking, et son profil, pluriel et unique.

Peinture (il peut notamment peindre avec le corps, ses vêtements enduits de peinture, breakant à même une toile posée sur le sol), mode (il a créé sa marque de vêtements, Menno Leisure), photo (il signe toutes les images de cet article), musique (de nombreux projets liant musique et danse), enseignement, mentora… Menno, également un père de famille, est partout.

Comme beaucoup de B-Boys, Menno ne se cantonne pas à la danse, et inscrit sa démarche de création et de transmission dans nombre d’univers, finalement connexes. Une approche Hip-Hop de complémentarité des disciplines. Celui dont la carrière a débuté en 2001 est assurément l’un des B-Boys au rayonnement international les plus singuliers, qui est parvenu au top en réussissant à se déployer et s’épanouir en parallèle dans d’autres champs d’actions, publics et privés, qui ont assurément nourri sa performance.

Représentant les crews Hustle Kidz et Def Dogs, Menno est respecté dans le monde entier pour avoir créé l’un des styles les plus originaux de la scène breaking. C’est ce qu’il a développé à partir de son approche unique de la danse, dans laquelle il s’efforce toujours d’approfondir des manières originales de mouvement. Grâce à cet état d’esprit, Menno a créé et affiné un style de rupture de transition fluide, où il passe de manière transparente d’un mouvement à l’autre et utilise beaucoup de back rocks (mouvements au sol sur le dos).

Ayant gagné le respect à travers la planète ces dernières années, Menno veut en retour multiplier les initiatives pour que le meilleur du breaking international puisse s’exprimer et inspirer aux Pays-Bas. Il a fondé dans son pays natal le OTBmovement, qui aide des danseurs et danseuses (ou non) à se déployer grâce au mouvement, et prodigue des sessions éducatives en one-to-one à tous les amoureux du style et du mouvement, sous la bannière Flows Unlimited. Sa démarche altruiste et son monde riche de cultures et d’envies se ressentent dans les photos que Menno nous a confiées, pour ce sujet Menno par Menno, qui vous permettra de découvrir, de manière originale, la personnalité et le mindset d’un danseur au sommet. IG : @mennovangorp ; @mennoleisure ; @flows.unlimited ; otbmovement.nl

« Je vais au Kenya depuis 2019 pour y soutenir un événement, Slum Dance Africa, initiative locale qui pousse les enfants à aller à l’école, leur transmet les valeurs du Hip-Hop, et les initie à la musique et à la capoeira. Kid Neville, issu de ce programme, est l’un des enfants les plus talentueux que j’ai eu l’occasion de rencontrer. Dès que je le vois danser, j’en ai la chair de poule, et il n’a que 14 ans. Sur cette photo, il porte le tee-shirt de ma marque, avec l’inscription “Breakers for Breakers” dans le dos. Les bénéfices de la vente de ce tee-shirt reviennent à la communauté et aident d’autres breakers à développer des projets. J’ai rencontré Kid Neville à nouveau en juillet. C’est superbe de le voir grandir, de passer de gamin à B-Boy, devenir un jeune homme. »

Menno
NEVILLE, DANS LE BIDONVILLE DE KIBERA, À NAIROBI, KENYA
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« Le breaking sera toujours et avant tout un art. »

JUSTEN EN PLEIN BABY FREEZE DANS UN ANCIEN SPOT D’ENTRAÎNEMENT

« Justen est l’un de mes B-Boys favoris en ce moment, et c’est un membre de mon crew depuis qu’il a 9 ans. Il porte une tenue de sport que j’ai créée, inspirée de la peinture que vous voyez dans le fond. J’ai réalisé cette toile en dansant dessus, en portant des vêtements et des chaussures couverts de peinture. J’ai eu cette idée car j’ai toujours été fasciné par la manière dont les éraflures des chaussures et les marques de sueurs apparaissaient sur le sol durant un entraînement. »

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LES TROIS CEINTURES DU RED BULL BC ONE

« Je suis toujours, au moment où ce numéro est imprimé, la seule personne à avoir remporté trois fois le Red Bull BC One, et c’est l’un de mes accomplissements dans le breaking dont je suis le plus fier. À côté de mes ceintures, vous voyez l’une de mes peintures. En intégrant les JO, le breaking devient un sport à part entière, mais pour moi, ce sera toujours et avant tout un art ! »

DJ/B-BOY LEAN ROCK ET B-BOY KEEBS

« De bon potes venus des USA et qui sont restés une semaine chez moi. C’est toujours cool d’avoir de nouveaux talents pour shooter les nouvelles pièces de ma marque de vêtements. Je ne suis pas trop du genre à planifier mes shootings, j’aime plutôt bouger avec mes mannequins, chiller, et shooter des trucs sympas à l’instinct. Pour ce coup-là, ils ont mis les vêtements, et je les ai emmenés au musée Voorlinden. Quand Keebs s’est approché du miroir et que Lean regardait une œuvre par ailleurs en même temps, je me suis dit que c’était le moment parfait pour photographier deux personnes dans un seul corps ! Lean portait mon hoodie et ma casquette, et Keebs le jogging. C’était juste parfait. »

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B-BOY BRANCO, À SÃO PAULO, AU BRÉSIL

« Comme j’ai développé une marque de vêtements, je cherche toujours de nouveaux modèles pour les porter, et j’essaie de photographier les nouvelles pièces avec des danseurs locaux, dans leur environnement. J’adore le style de Branco, et je l’ai shooté à São Paulo durant le Red Bull BC One Brazil. Après cette séance, j’ai appris que j’allais le rencontrer lors d’un battle d’exhibition, et nous avons eu un très bel échange sur le sol. »

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CHASSE AUX DISQUES AU JAPON

« Cette photo de moi a été prise par B-Girl India avec mon appareil alors que je fouillais dans les bacs d’un disquaire au Japon. Je coache et aide cette danseuse néerlandaise à se développer depuis un moment maintenant, et ça a commencé par le programme Red Bull Under My Wiiings et ça a continué de manière organique. Le père d’India a été tellement reconnaissant pour l’accompagnement que j’ai offert à sa fille qu’il a voulu me rétribuer pour cela, mais je lui ai dit que c’était à moi de payer India car elle porte mes vêtements si fièrement lors de chacun de ses battles. Il a finalement demandé à l’un de mes meilleurs amis le genre de cadeau qui me ferait plaisir,et mon pote lui a recommandé de m’offrir une platine vinyle car il savait que j’étais un amoureux fou de musique. Un jour, le père d’India s’est pointé à l’entraînement avec un grand carton contenant une platine, et des vinyles de Fela Kuti, Nina Simone et Miles Davis. Après que j’ai moi-même augmenté cette liste de disques, j’ai rapidement développé une addiction. J’ai récolté près de 350  disques en six mois et je suis à peu près sûr que j’aurai finalement fait l’acquisition de 365  galettes d’ici à la fin de l’année, soit un par jour. (Rires) »

LE FRANÇAIS PAC PAC, À LYON

« Pac Pac est un vieux pote, et l’un des danseurs les plus charismatiques de sa génération. Avoir un tel charisme est très rare à mes yeux, bien plus que les capacités physiques que l’on observe chez les danseurs et danseuses. Dans le breaking, j’aime créer de belles formes et de beaux angles, avec de jolis détails, et je pense que ça se ressent bien dans cette photo. »

Menno
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RELÈVE LE CHALLENGE BREAKING DE L’ANNÉE.

APPRENDS PARTAGE

APPRENDS PARTAGE

GAGNE une expérience VIP F I N A L W o R L D

BREAKERS PANTHÉON

LEURS VICTOIRES RESPECTIVES LORS D’UNE FINALE

MONDIALE DU RED BULL BC ONE LES ONT PROPULSÉ·E·S AU RANG DE LÉGENDES DU BREAKING. CINQ B-BOYS ET B-GIRLS ICONIQUES REVIENNENT SUR LEUR EXPÉRIENCE LORS DE CE CHAMPIONNAT DU MONDE LANCÉ EN 2004

À BIENNE, EN SUISSE.

Et de deux : Menno est sacré pour la deuxième fois lors d’un Red Bull BC One, à Amsterdam en 2017. Il remettra ça deux ans plus tard en Inde.
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Texte PH CAMY & MARIE-MAXIME DRICOT

Breakers Panthéon

VICTOR CARTES SUR TABLE

ANGELENO DE 29 ANS, IL A REMPORTÉ LE RED BULL BC ONE À DEUX REPRISES (ROME 2015 ET NEW YORK 2022). ACTUEL TENANT DU TITRE, IL SE LIVRE SUR CETTE COMPÉTITION, LA SANTÉ DE LA SCÈNE US, SA MOTIVATION OLYMPIQUE… ET SES ENVIES D’AUTRE CHOSE.

the red bulletin : Tu as gagné le Red Bull BC One l’an dernier à New York… Est-ce que tu sens encore l’intensité de cette victoire ?

victor : Oui, mais ça dépend vraiment des events. Je n’y vais pas forcément aussi fort, je ne prends pas les choses aussi sérieusement, mais pour les qualifications aux JO, je vais mettre la même énergie.

Est-ce que ce titre au Red Bull BC One en 2022 t’a apporté quelque chose que tu n’avais pas auparavant ?

C’était juste un autre but à atteindre : remporter le Red Bull BC One une seconde fois. Mais je m’y suis entraîné comme jamais. J’ai pris cela très au sérieux.

Est-ce que la perception des autres B-Boys et B-Girls a changé à ton propos ?

Honnêtement, j’ai observé un léger changement, du genre : « Tu es le champion du monde », « Mon dieu, le champion du BC One ! »… mais ça s’est évaporé. Comme une petite montée d’adrénaline qui s’estompe. On te perçoit comme le meilleur de l’année, et puis on passe à autre chose. Ce fut une bonne ou une mauvaise chose ?

Du bon ! Un sentiment incroyable : être au sommet pour un petit moment.

Quel est ton meilleur souvenir de la finale mondiale à New York l’an dernier?

seconde fois. J’ai atteint un moment où je ne voulais plus breaker, comme si je n’avais plus la passion du breaking. Cela m’ennuyait, je ne voulais plus m’entraîner, mais ce Red Bull BC One m’a redonné l’amour du breaking.

Tu l’avais perdu ? Tout se répétait encore et encore, comme un cycle : tu gagnes, tu perds, et arrivé à un certain moment, j’avais tout fait. Ça n’était plus drôle et je ne voyais rien de neuf en vue d’ici aux JO. Enfin, un nouveau but. C’est en dehors de la scène, nous sommes un sport à présent. Et c’est aussi excitant du fait des opportunités commerciales, des sponsors.

Qu’en est-il de la scène de L.A. ? Ta scène… Les Américains vont me tuer, mais honnêtement, la scène US est en train de crever. J’ai le sentiment que la scène de L.A. est la seule vraie bonne scène qui prospère aux USA. Où on trouve encore un tas de compétitions. Il y a aussi une toute nouvelle génération de breakers et de breakeuses qui émerge en Californie, c’est super stimulant et prometteur, même si ça n’est pas aussi gros que ça a pu être.

Avec les JO en tête, quel est ton mindset ?

au moment. Donc, si je suis à court de moves, je peux juste user de ma personnalité. J’ai encore une chance de gagner à nouveau, même si ça peut être le meilleur jour de n’importe qui pour être honnête, tu ne sais jamais.

Si tu remportes les JO, tu seras à court de but… Est-ce que ce serait la porte ouverte à l’ennui à nouveau ?

Perdre ou gagner, je veux juste fonder une famille après les JO. Et je veux lancer un business, car je veux que le breaking soit ma deuxième ou troisième source de revenue. Ça ne doit pas être mon principal revenu, car le breaking implique d’être souvent en voyage ou à l’extérieur, de faire un max de compétitions toute l’année, et je ne veux pas dépendre du breaking pour payer mon loyer et mes factures.

À quel business penses-tu ?

Dans ma ville je veux ouvrir un spot de callisthénie, proche de chez moi, où les gosses pourraient se rendre, comme des gens plus âgés. Construire une petite communauté de workout, et un petit restaurant healthy, parce que j’adore la gastronomie !

IG : @supamontalvo

Il a pu arriver à B-Boy Victor de perdre sa foi dans le breaking, mais chaque nouvel enjeu le remet en selle pour donner le max à nouveau.

L’after party ! Parce que durant la compétition, c’est juste stressant. Après la victoire, tout le stress s’est évacué, et on a pu s’amuser, avec la famille, les potes, tous les gens que j’aime.

Tu dis t’être entraîné plus dur pour le BC One 2022, c’est à dire ?

Être plus investi pour gagner le Red Bull BC One une

Clairement : danser plus. Tu sais, j’ai arrêté de danser pendant un moment, je ne m’entraînais qu’avant les gros events, mais désormais, je suis un peu comme un gosse à nouveau, j’ai envie de créer de nouveaux moves. Les JO, c’est mon nouveau but, et je suis à nouveau amoureux du breaking.

Penses-tu pouvoir remporter le BC One deux fois d’affilé ?

Oui, absolument, parce que ma plus grande qualité, c’est mon style, sporadique et énergique. Et bien sûr, ma façon de danser et ma capacité à m’adapter

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KASTET NE RIEN ATTENDRE

KASTET A REMPORTÉ

LE RED BULL BC ONE PAR DEUX FOIS, ELLE EST DONC LA B-GIRL LA PLUS TITRÉE À CE

JOUR. ELLE REVIENT SUR SON EXPÉRIENCE AU SEIN DE CETTE COMPÉTITION HORS DU COMMUN, AVEC LA SPONTANÉITÉ DE SES 25 ANS.

the red bulletin : Qui était Kastet avant de repartir de Mumbai avec la ceinture du BC One ?

kastet : Honnêtement, je ne me connaissais pas avant cette victoire. J’étais juste une enfant de 21 ans sans crises existentielles particulières, qui dansait sans vraiment attendre quoi que ce soit d’elle-même. Qu’est-ce qui t’a permis de gagner ce soir-là ?

Ma liberté, et le fait que je ne me souciais de pas grandchose. Personne ne me connaissait et je n’avais aucun plan. Dans la créativité, les plus belles choses arrivent avec cet état d’esprit.

Te souviens-tu de quelque chose de particulièrement drôle, bizarre ou inattendu autour de cette finale mondiale en Inde ?

Tout ce voyage était étrange. Avant de m’envoler pour Mumbai, je me tenais devant chez moi, et j’ai crié à mon mari que je ne savais pas pourquoi je me rendais au BC One. Je ne savais pas du tout comment danser. Une fois arrivée aux sélections, j’ai croisé les doigts, et j’ai espéré réussir au moins à passer les sélections.

Tu as gagné à nouveau l’année suivante en 2020, qu’est-ce qui t’a maintenue au top ?

C’est tout, il n’y a rien de particulier qui m’a maintenue au top. Je suis juste restée moi-même, dans mon inconstance et mes élans de créativité.

Pour cette édition du BC One, à Salzbourg, en Autriche, il n’y avait pas de public, pour cause de Covid. Est-ce que ce fut déstabilisant ?

Non, pas du tout, c’était okay. Je me suis adaptée. Parfois, je suis capable de créer une telle célébration et une telle foule dans mon monde intérieur que je n’ai besoin de personne d’autre.

Quelle est l’importance du public durant un battle ?

C’est très important. Ça te donne de l’énergie, mais ça peut aussi te mettre de la pression. Le meilleur public est celui qui comprend la danse, ou au moins les bases.

IG : @kastet316

Basée en France, Kastet, ou Natasha Kiliachikhina, membre du 3:16

Crew et des Red Bull BC One All Stars, développe un style énergique.

La seconde victoire aussi était bizarre. Le Coronavirus est arrivé, je ne m’entraînais presque pas. Je restais à la maison à regarder des dessins animés. Après ma première victoire, certaines personnes ont dit que c’était juste de la chance, et ça m’a dérangée, j’en venais même parfois à me dire qu’elles avaient raison, que c’était vraiment juste de la chance. Mais je voulais aussi me prouver que ce n’était pas le cas. Alors pendant deux mois, je me suis entraînée sérieusement à nouveau.

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SHAO/RED BULL CONTENT POOL

LILOU LE SEUL, L’UNIQUE

QUAND CE B-BOY FRANCO-ALGÉRIEN A REMPORTÉ LE RED BULL BC ONE POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 2005, IL N’A

JAMAIS RENDU LA CEINTURE. DEPUIS, UNE NOUVELLE EST DONC PRODUITE CHAQUE ANNÉE. ICÔNE CONVIVIALE

MAIS CORIACE DU BREAKING FRANÇAIS ET MONDIAL, LILOU INCARNE L’ESPRIT MÊME DU BATTLE.

the red bulletin : Qui était B-Boy Lilou avant sa première victoire au Red Bull BC One ?

lilou : Un danseur « lambda », de groupe. Je ne m’imaginais absolument pas devenir un danseur en solo d’envergure internationale.

Qu’est-ce qui t’a permis de gagner la compétition à Berlin en 2005 ?

J’ai gagné parce que je n’étais pas focus… (Rires) En fait, je m’étais blessé aux doigts deux jours avant la finale, à l’hôtel, et je me suis présenté sans enjeu, sans pression. La pression était sur d’autres danseurs que moi. J’ai dansé avec le sourire. Une anecdote à propos de cette soirée de finale ?

Je ne bois jamais d’alcool, et j’ai eu droit à une douche de champagne par B-Boy Junior, ma première et dernière douche de champagne. (Rires) En fait, Junior était aussi heureux que moi de ma victoire. Qui es-tu devenu grâce à ton premier titre ?

dans le pays, la ville où la discipline a été inventée, chez les pionniers. C’était comme gagner une Coupe du monde de football au Brésil. Ensuite, ça me permettait d’honorer mon autre nationalité, l’algérienne. La victoire à Berlin, c’était pour ma nationalité française, celle à New York, c’était pour l’Algérie, et ce fut grandiose. Je dois ajouter que j’ai disputé quatre battles ce soir-là, et que trois étaient contre des Américains. Pourquoi le BC One, que ce soient les cyphers régionaux ou les finales mondiales, est-il une compétition à part dans le monde du breaking ?

Issu de Vaulx-enVelin, en banlieue de Lyon, Lilou a parcouru le monde grâce au breaking, il le transmet comme un outil d’émancipation.

Cette victoire au Red Bull BC One à Berlin m’a propulsé au rang de danseur international, de grand danseur, je devenais un grand nom du breaking. Et le premier danseur français à avoir remporté le battle le plus prestigieux au monde ! Je n’avais pas perçu cela avant d’y participer, je pensais que c’était un autre battle international. Mais quand j’ai vu l’impact de ma victoire les mois suivants, j’ai compris qu’avec son line-up de malade, les seize meilleurs B-Boys de la planète invités, le Red Bull BC One devenait le championnat du monde de breaking non officiel. En 2009, tu gagnes à nouveau, à New York cette fois, à la source du breaking, c’est une symbolique forte…

C’est ma plus belle victoire, pour deux raisons. D’abord, parce que je l’emportais

C’est le battle le plus prestigieux, le rêve de tout danseur. Le plus qualitatif aussi, et le Red Bull BC One est particulier parce que n’importe qui peut y participer grâce aux qualifications locales dans les pays, ouvertes à tout le monde, sans exception. Que faudra-il pour gagner à Paris le 21 octobre ? Un bon mental. Tu auras beau être prêt physiquement, si tu ne l’es pas mentalement, tu ne t’imposeras pas. Chaque danseur a un parcours personnel, différent, et celui qui sait faire preuve de caractère a plus de chances de s’imposer. Qui faudra-t-il surveiller de près ce jour-là ?

Chez les hommes, je pense à Dany. Il a 35 ans, mais c’est le danseur français qui rayonne le plus à l’international aujourd’hui, et il sera motivé. Chez les filles, Kimie et Sissy, elles sont jeunes mais montrent déjà un très bon niveau. Ces danseuses-là, c’est une affaire à suivre ! Avec l’ouverture aux femmes lors du Red Bull BC One 2018, il y a une vraie parité dans le breaking à présent. IG : @lilou_offciel

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HONG 10 SOLDAT DU BREAK

the red bulletin : Tu as remporté le troisième BC One de l’histoire, en 2006. À quoi ressemblait la scène de ton pays, la Corée du Sud, à l’époque ?

hong 10 : C’était l’âge d’or du breaking à ce moment-là. En 2005-2006, il était partout, dans les concerts, dans des pubs à la télé. C’était une déferlante à l’époque. Pourtant, ma victoire lors du BC One World Final 2006 n’a pas été très remarquée. Bien sûr, j’étais heureux de devenir champion du monde, mais la scène locale ne l’a pas vraiment considéré comme quelque chose de spécial, car il y avait tellement d’autres événements dans lesquels les Coréens excellaient. Comment s’est déroulé ton trip au Brésil pour cette compétition ?

Hong 10 est le représentant d’une scène sud-coréenne historiquement très engagée dans le breaking. Il est un B-Boy d’expérience ultra-respecté.

Pas facile ! 24 heures dans l’avion et 30 heures de transit au total, en passant par Paris. C’était la première fois que je voyageais en Amérique du Sud, je n’avais aucune idée de la fatigue que cela représentait. Mais j’ai eu la chance d’arriver au Brésil une semaine avant les finales mondiales du Red Bull BC One. J’ai donc eu le temps de m’habituer au décalage horaire et aux conditions météorologiques du Brésil. Et surtout, j’ai eu le temps de m’entraîner. Je partageais ma chambre avec B-Boy The End. Nous avons déplacé nos sacs et nos affaires d’un côté de la piaule, et nous nous sommes entraînés à longueur de journée. C’est certainement ce qui m’a aidé à faire des merveilles le soir de la finale.

Tu as de nouveau gagné en 2013. Que s’est-il passé pendant toutes ces années où tu as combattu au Red Bull BC One ?

J’ai essayé à plusieurs reprises de ramener le titre, mais à

chaque fois, je n’y suis pas parvenu. J’ai eu le sentiment que je devenais peut-être trop vieux et que je devais mettre un terme à ma carrière. Je veux dire que j’avais déjà 30 ans à l’époque et qu’il me restait mon service militaire à accomplir. Cependant, pendant mon service militaire, j’ai eu la chance de pouvoir rester à la maison de temps en temps pour m’entraîner suffisamment. C’était donc un enchaînement entre mes obligations militaires et de l’entraînement. Je pense que cela m’a aidé à me concentrer davantage sur le breaking, ce qui m’a donné l’occasion de gagner une fois de plus, en Corée du Sud en 2013. Que faudra-t-il pour gagner cette année à Paris, quelles compétences les danseurs devront-ils démontrer pour atteindre la finale ?

C’est une question très difficile. Qui sait ce qu’il faut faire pour arriver en finale… Mais mon plan serait d’être moimême. J’aime toujours être le moi original, un personnage unique. Je veux montrer qui est Hong 10. Et je crois vraiment que c’est ce que les autres danseurs devraient faire : montrer leur propre caractère et leur propre saveur. Il y aura toujours un gagnant, mais si vous faites preuve d’originalité, perdre n’est pas si grave.

Pourquoi le Red Bull BC One reste exceptionnel ?

Il n’est pas seulement unique, c’est aussi la meilleure compétition en 1 contre 1 qui existe. Les seize concurrents qui arrivent en finale sont toujours les meilleurs au monde. Et je dois bien sûr mentionner la mise en scène et la foule qui créent une atmosphère terrible. C’est même parfois trop parfait, au point de rendre les danseurs nerveux. Dans d’autres compétitions, il n’y a toujours que quatre ou cinq concurrents qui ont le potentiel de gagner.

Mais à BC  One, on ne sait jamais ce qui va se passer. Nous accueillons aussi toujours les nouvelles recrues, B-Boys comme B-Girls. Si quelqu’un veut montrer ses mouvements au monde entier, le Red Bull BC One est l’endroit idéal pour le faire.

Gagner la finale mondiale, qu’est-ce que cela signifie pour un danseur ?

On peut vraiment dire que l’on est le meilleur, le champion du monde. C’est vraiment l’explication. Mais comme cela se produit chaque année, il faut continuer d’essayer de se maintenir au plus haut niveau possible. Quoi qu’il en soit, tu peux être fier d’avoir remporté les finales, car cela fait de toi l’un des plus grands danseurs de la scène.

IG : @bboyhongten

SON ACTIF, À DES ANNÉES D’INTERVALLE. HONG 10, 38 ANS, EST UN SYMBOLE DE PERSÉVÉRANCE. IL TRANSMET AVEC SES MOTS LE CARACTÈRE EXCLUSIF ET UNIQUE DU RED BULL BC ONE, POUR LEQUEL IL EST ENCORE PRÊT À TOUT DONNER.
DEUX VICTOIRES À
Breakers Panthéon
THE RED BULLETIN 65 VICTOR MAGDEYEV/RED BULL CONTENT POOL

Breakers Panthéon

AMI TOUJOURS LA MÊME

QUAND LE RED BULL

BC ONE S’EST

OUVERT EN 2018

AUX B-GIRLS, AMI A MARQUÉ L’HISTOIRE ET OUVERT LA VOIE

À TOUTES LES

DANSEUSES À VENIR.

C’EST ELLES TOUTES

QU’ELLE SOUHAITE HUMBLEMENT

HONORER AVEC SON ART.

the red bulletin : Qui étais-tu avant de gagner le Red Bull BC One en 2018, en tant que première femme titrée de son histoire ?

ami : Je suis et j’ai toujours été la même Ami. Mais je suis sûre que j’ai acquis beaucoup plus d’expérience après avoir gagné. Et j’en suis très reconnaissante.

Qu’est-ce qui t’a permis de gagner ce jour-là ?

Je me suis entraînée très dur pour ce jour-là, donc mon effort est l’une des raisons. Mais d’un autre côté, il y a toujours une notion de chance dans un battle. Je pense que j’en ai eu. Être la première femme à remporter ce titre était-ce un symbole puissant pour toutes les B-Girls au monde ?

Les seize B-Girls présentes au Red Bull BC One en 2018 ont marqué l’histoire des B-Girls. Pas seulement moi.

Quelle est ton approche des Jeux olympiques de 2024, qui accueilleront pour la première fois le breaking ?

Je suis actuellement en train d’essayer de m’y qualifier, tout comme ma sœur. Si j’en ai l’occasion, je veux simplement y représenter mon style. J’y ferai ce que je dois y faire, qu’il s’agisse de sport ou de culture.

En quoi le fait d’avoir remporté un Red Bull BC One pourrait te rendre plus forte pour les JO ?

Ce sont le processus et l’expérience qui rendent forte, pas les résultats.

Ami Yuasa, 24 ans, habite Tokyo. Elle est membre des Red Bull BC One All Stars, crew d’élite d’ambassadeurs et ambassadrices du breaking.

Pourquoi le Red Bull BC One reste-t-il un événement unique au monde ?

Pour moi, se tenir sur la scène d’un Red Bull BC One a déjà un sens, et pas seulement celui de gagner. Parce que la scène du Red Bull BC One est associée à tellement d’histoires puissantes.

IG : @gfc_ami

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LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL
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COMMENT JUGER LE BREAK ?

Réponse difficile, parce que le breaking n’a jamais été inventé pour etre jugé. Et tout le monde le sait inconsciemment… Sinon pourquoi la question : « Comment va-t-on juger les danseurs et les danseuses ?! » reviendrait-elle si souvent en vue des JO de Paris 2024 ?

Le désir d’être le ou la meilleur·e est cependant ancré dans l’ADN du Hip-Hop. Dans le breaking, la compétition a toujours existé. Mais y a-t-il une manière rationnelle de juger cet art si subjectif ? Pour essayer au mieux d’apporter des éléments de réponse, voici un rapide historique des différentes manières de juger qui ont forgé la culture.

Le Hip-Hop est issu d’un contexte socioéconomique désastreux. Dans les ghettos du Bronx dans les années 70, chomage de masse et guerre de gangs marchent main dans la main, happant toute une génération livrée à elle-même. À travers la création du Hip-Hop, cette jeunesse arbore une voix révolutionnaire, contestataire. C’est l’apologie du « Je », une génération qui s’exprime à travers la culture Hip-Hop pour s’identifer et s’affrmer en tant qu’être humain dans un système qui les ignore. Le Hip-Hop, ses cinq disciplines (b-boying, MCing, DJing, graffti, beatboxing) sont donc une manière d’aborder et de célébrer la vie. Mais qui peut juger la manière dont les autres célèbrent la vie ?

Le breaking est né dans la rue et les soirées. Dans les clubs et block parties, les danseurs descendaient au sol et dansaient leurs meilleurs mouvements sur le « break » du morceau joué par le DJ. En soirée, un danseur attire d’autres danseurs et cela forme naturellement un cercle. C’est alors qu’une compétition prend place avec pour seul jugement les cris du public. Des années 70 au début des années 90, le breaking évolue majoritairement de cette facon ou les battles sont des rencontres aléatoires ou organisées dans les clubs. Le jugement est purement réactionnel : comment la foule a-t-elle réagi ?

Le Hip-Hop arrive en France et en Europe au début des années 1980 et

évolue de la même manière. Une dizaine d’années plus tard, alors que la famme pour le breaking s’éteint du coté de la jeunesse américaine, l’Europe reprend le fambeau pour entretenir cette manière de s’exprimer. Assez rapidement, ils et elles décident de faire passer la discipline au niveau supérieur : de vraies compétitions avec de vrais juges émergent. La première ? Certainement le Battle of the Year, en Allemagne en 1992. Le BOTY s’impose et innove dans tous les domaines, aussi bien sur le format que sur les méthodes. C’est l’événement qui va inspirer tous les autres. Pour la première fois, des juges sont invités dans le but de désigner un·e vainqueur·e. Ainsi, le breaking offcialise son attrait pour la compétition et, d’un accord global, crée un nouveau cadre dans lequel évoluera la discipline. Bien que le breaking ne soit pas fait pour être jugé, la compétition, qui ne dévalorise en rien les soirées et les jams, implique l’acceptation de ces nouvelles règles : les danseurs et danseuses doivent accepter que leur art soit ainsi jugé et comparé. C’est un vrai coup de boost pour la scène car les membres d’un crew ont pour la première fois l’occasion de savoir ce qu’ils et elles valent par rapport aux autres.

Cette méthode de jugement est binaire, chaque juge orientant son bras vers celui ou celle qu’il estime vainqueur. C’est alors qu’émergent les questions vraiment intéressantes : qui sont ces juges ? Sur quels critères jugent-ils ? Et celles que chaque B-Boy ou B-Girl doit légitimement se poser : « Pourquoi accepterais-je que cette personne porte un jugement sur ma danse ? »

Les juges sont, en principe, désignés pour leur expertise, leur parcours, leur

Texte TOM CHAIX
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Les juges B-Boy Zooty Zoot, B-Girl Narumi et B-Boy Wing ont tranché : B-Boy Quake remporte le Red Bull BC One Cypher à Taipei, Taïwan, le 22 avril 2023.

compréhension de la discipline. Ce sont des danseurs et danseuses qui ont fait leurs preuves et qui ont apporté quelque chose a la culture. Chaque juge se doit de porter un jugement impartial, qui sera fondé sur des critères qui lui sont propres.… car ils dépendent d’énormément de facteurs. Par exemple : a quoi la personne qui juge est-elle sensible ? À la technique ou a la musicalité ? Quels aspects de la danse vont être favorisés ?

Le danseur ou la danseuse, dès lors qu’il ou elle intègre un battle, accepte que les juges désigné·e·s portent un avis sur sa danse et se doit d’en accepter le jugement. Ceci est vrai dans la plupart des cas, cependant, et cela peut arriver fréquemment, on se rappelle du battle Space City Classics 2021 a Houston (USA), ou B-Boy Jeffro n’était pas d’accord avec les décisions des juges et a donc décidé de call-out (trad. défer) les juges pour contester leur décision. Cette méthode de jugement est toujours très utilisée, notamment par de grandes compétitions comme le Red Bull BC One.

Mais l’intérêt global pour le breaking ne cessant d’augmenter, avec affux de capital et enjeux politiques, certaines compétitions – notamment les JO – ont besoin de chiffres. Pour répondre a ces besoins, il a fallu développer des méthodes de jugement fondées sur des critères quantifables pour apporter théorie, statistiques et explications aux avis des juges. Plusieurs méthodes au fonctionnement sensiblement similaire sont en cours d’essai et d’apprentissage a l’occasion des compétitions qualifcatives des Jeux olympiques.

Parmi elles, la méthode nommée

The Trivium Value System initiée par Niels « Storm » Robitzky (Berlinois) et Kevin « Renegade » Gopie (Londonien) permet de comprendre la réfexion qui fonde ces systèmes de jugement.

Sur la forme : chaque juge a devant lui une tablette avec différents curseurs qui représentent des critères. Il oriente plus ou moins chacun de ces curseurs vers le danseur qu’il a trouvé le plus performant dans chacun des critères et l’ordinateur en sort une note moyenne fnale qui désignera le ou la vainqueur·e. Cela permet d’éviter un jugement binaire, et de se rapprocher davantage de la réalité de leur décision.

Dans le fond, c’est plus complexe : la méthode Trivium a décortiqué tous les aspects de la discipline pour essayer d’en tirer une manière complète de juger,

valorisant équitablement chaque dimension de la danse. Elle est basée sur trois critères majeurs (voir schéma ci-contre) :

– The Body - le Corps : évaluer les qualités physiques. Evaluer la technique (l’endurance, l’équilibre, la gestion de l’espace, la souplesse...) et la diversité des mouvements.

– The Mind - l’Esprit : évaluer les qualités artistiques. Evaluer la créativité et la personnalité (l’aura, la présence sur scène, le personnage).

– The Soul - l’Âme : évaluer les qualités interprétatives. Evaluer la performativité (la composition et l’écriture narrative des passages, la manière avec laquelle l’artiste est investi·e dans son personnage, l’authenticité) et la musicalité (la cohérence avec le rythme de la musique, l’accentuation, la syncope – l’accentuation visuelle des temps non accentués, la texture...).

5 TRUCS POUR ETRE VOTRE PROPRE JUGE

1/ La première question a se poser est : qu’avez-vous ressenti ? Lequel ou laquelle des deux danseurs ou danseuses a éveillé en vous une émotion ? Fiez-vous a votre instinct le plus pur et personnel : qui avezvous préféré ?

2/ Ensuite, vous pouvez porter un avis sur la musicalité. Si vous avez le rythme dans la peau, qui selon vous a été le plus en phase avec la musique et ses accents ? Pour aller encore plus loin dans la musicalité, y a-t-il un danseur qui, par ses mouvements, vous a permis d’entendre des sons que vous n’auriez pas entendu par vous-même ?

3/ Il est assez facile d’identifier les principaux mouvements techniques acrobatiques (ou power moves) qui constituent le break.

Interrogez-vous sur la facon dont les danseurs et les danseuses ont intégré ces mouvements dans leur passage. Comment sont-ils introduits, comment sont-ils achevés ?

4/ Chaque danseur et danseuse a sa personnalité et sa forme particulière. Soyez attentif·ve a la force de cette personnalité, a ses caractéristiques, sa manière de bouger, de dialoguer avec l’adversaire. Demandez-vous aussi si l’artiste parait investi·e dans son personnage, s’il ou elle parait authentique et original·e.

5/ Ces compétitions relèvent de l’ordre du spectacle. La personne qui danse est-elle généreuse dans sa danse ? Est-elle ouverte ? Vous invite-t-elle a faire partie de son histoire ?

70 THE RED BULLETIN ALI BHARMAL/RED BULL CONTENT POOL, GETTY PREMIUM ACCESS
« Comment juger une célébration de la vie ? »

LE CORPS (PHYSIQUE)

L’ESPRIT (ARTISTIQUE)

Il paraît simple de juger le critère « Body », selon la technique, la diversité des mouvements… Mais qu’en est-il de celui de « Soul », nettement plus abstrait ?

Admir Mirena, coach de la Fédération famande de breaking : « Comment peux-tu juger le processus créatif de quelqu’un qui danse si tu n’as jamais été dans ce processus toi-meme ? Cette question se pose pour tous les critères. Mais juger va audela de ca, c’est un métier qui demande comprendre l’entièreté d’un ou d’une artiste, de comprendre ce qu’il ou elle propose et ce vers quoi il ou elle tend. »

Valentine Nagata Ramos, juge de la WDSF (World DanceSport Federation) ajoute : « Cela arrive que des juges ne puissent s’exprimer sur certains critères. C’est pourquoi il y a neuf juges pour chaque compétition de la WDSF, alors qu’habituellement, il y en a trois. Cela permet de réduire l’infuence de chacun·e et de tendre davantage vers une unanimité. » Admir poursuit : « Au-dela des critères, le ou la juge doit se demander qui des deux artistes a le mieux représenté sa danse. Le travail de juge n’est en aucun cas de donner une direction a la discipline. »

Le choix des juges et leur maîtrise de l’outil sont des enjeux majeurs pour les mois a venir. Admir continue : « Avant ces échéances, dans le break culturel, juger n’avait jamais été quelque chose d’aussi responsabilisant que ca l’est maintenant. ». Valentine témoigne : « Ces compétitions, d’un point de vue athlétique, demandent une consistance et un entraînement qui surpassent tout ce que la culture a connu jusque-la. Qu’est-ce qui change entre juger un battle lambda et juger une compétition de la WDSF ? Pendant des décennies, juger a été subjectif. Et ca l’est encore, sauf qu’aujourd’hui on a des statistiques, les athlètes ont des sponsors, une image et une pression politique du fait qu’ils et elles portent un drapeau et sont soutenu·e·s par un gouvernement. L’erreur, meme si elle a toujours existé, peut avoir plus d’importance. » Lorsqu’une discipline si complexe et complète est propulsée dans une sphère athlétique, avec peu de temps pour s’y préparer, il y a tout a créer, tout a réapprendre. L’important est que les danseurs et les danseuses se retrouvent dans ce format de compétition, qu’ils et elles se fassent plaisir, gardent leur famme vivante pour cet art sportif. Chacun danse pour soi-meme, pour s’exprimer, pour etre une meilleure personne que la veille. C’est cet état d’esprit la victoire.

Juger le breaking
L’ÂME (INTERPRÉTATION)
Personnalité Performance Musicalité Créativité Technique Diversité THE RED BULLETIN 71
Menno, sans contestation : le danseur néerlandais remporte un battle lors du Red Bull BC One World Final de Mumbai, en Inde, en 2019. Son troisième titre mondial.

PRÉDESTINÉE

Texte MARIE-MAXIME DRICOT Photos EMMA BIRSKI

Le breaking de B-Girl Carlota : des mouvements fluides, un style harmonieux et gracieux dans une simplicité combinée à de la technique.

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Mai 2022, le Red Bull BC One Camp France bat son plein à Lyon. En action, B-Girl Carlota, 21 ans, de son vrai nom Carlota Dudek, est en train de se qualifier pour le Red Bull BC One World Final qui se tiendra quelques mois plus tard à New York (USA). L’élégance de ses mouvements, posés avec justesse sur les breakbeats et accompagnés des bruits de la foule, capte l’attention. La jeune danseuse, qui semblait plutôt introvertie hors de la piste, fait preuve d’une audace et d’une assurance à faire trembler les plus grands B-Boys. Entretien avec l’une des B-Girls les plus rayonnantes de sa génération, à la carrière d’athlète prometteuse.

the red bulletin : Te souviens-tu de la manière dont tu as été initiée au breaking ?

carlota : Absolument, c’était à l’école, entre midi et deux. On pouvait pratiquer plein d’activités. À l’origine, je voulais faire du judo, mais il n’y en avait pas, alors pour me consoler, on m’a mise au breaking. C’est là-bas, à Pertuis, dans le Vaucluse, près d’Aixen-provence, que j’ai assisté à mon premier cours.

Par quoi as-tu débuté ?

On m’a appris le 6 Step (séquence pendant laquelle le B-Boy ou la B-Girl utilise ses bras pour soutenir son corps au-dessus du sol tandis que ses jambes tournent en rond, ndlr), le pas de base, et à la fn du cours, il y a eu un cypher pendant lequel l’entraîneur nous a dit de faire ce qu’on voulait. Je me souviens de l’ambiance, j’ai eu un gros déclic ! J’ai donc continué à pratiquer pendant un an sur le temps de midi avant de m’inscrire dans une asso où ils proposaient des cours. Depuis, je ne me suis jamais arrêtée.

Et ça, c’était ton élément déclencheur avec le cypher. Qu’est-ce qui te plaît tant dans ce moment incontournable ?

Un cypher, en breaking, décrit le moment où les B-Boys et les B-Girls forment un cercle et dansent à tour de rôle en son centre. Contrairement aux battles organisés, il y a beaucoup moins de restrictions dans un cypher. Il n’a pas besoin de scène ou de zone désignée pour se dérouler, il peut se former n’importe où, lors de fêtes, dans des clubs, en extérieur sur le béton, dans les gares, etc. Je dirais que c’est notre plus belle manière d’apprendre tout en échangeant. La disposition aussi est géniale, on forme un cercle et on donne de la force à la personne qui danse au milieu. D’autant plus que c’est un moment qui permet de se défer véritablement grâce au battle tout en donnant libre cours à son imagination. Il n’y a pas meilleur entraînement que le cypher ! Si on y fait un mouvement qui est validé, on a tout réussi.

Carlota
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Ce qui m’importait n’était pas de gagner, mais de mettre en valeur ma danse, de sublimer mes mouvements et la personne que je suis. »
Portrait de Carlota lors du shooting au Fridge Studio, pour The Red Bulletin

Le breaking, c’est beaucoup d’osmose, c’est aussi une culture qui vient des États-Unis. Qu’est-ce qu’elle représente pour toi ?

Ce que j’aime, ce sont ses valeurs de partage et d’héritage culturel. Promouvoir le breaking et le faire vivre, c’est très important. Peu importe où on se trouve dans le monde, on a tous les mêmes codes ! On se comprend, c’est fou, alors qu’on ne parle pas la même langue, enfn si, le breaking ! C’est une culture internationale.

La première fois que je t’ai vue, c’était à Lyon, en 2022, lors du Red Bull BC One Camp France, où tu t’es qualifée pour aller au Red Bull BC One World Final à New York. Que retiens-tu de cette expérience ?

Je pense que 2022 était la meilleure année pour se qualifer. Je veux dire par là que ça permettait de se rendre à New York, le berceau du breaking. Le Red Bull BC One, c’est symbolique pour les danseurs et les danseuses, encore plus dans cette ville. Au moment du last chance (de la dernière chance, ndlr) pendant la compétition, on pouvait entendre du Notorious

B.I.G., du gros rap old school, pour rejoindre la scène c’était incroyable. Il n’y a pas de mots pour décrire cette expérience. C’est un des endroits où je me suis le plus déchaînée en dansant.

Selon toi, pourquoi cette compétition est-elle la plus notoire dans le monde du breaking ?

Déjà, c’est l’une des plus vieilles manifestations de breaking. Ensuite, là où le breaking se développe de manière underground, le Red Bull BC One a su lui donner une portée mondiale en révélant les meilleur·e·s B-Boys et B-Girls. C’est une compétition avec un cadre et un niveau extrêmement élevés. Faire partie du line-up, c’est extraordinaire et quand on la remporte, on gagne le respect de toute la communauté. Par ailleurs, B-Boy Lilou a beaucoup partagé l’importance du Red Bull BC One, notamment à travers le programme Red Bull Under My Wiiings, où il nous racontait que monter sur cette scène permet d’acquérir une certaine légitimité. Et puis, il y a le parcours jusqu’à la scène aussi, un des rares moments où on est seule comme si on montait sur un ring de boxe, avant de se lâcher devant une foule en délire.

Gardes-tu un souvenir particulier de cette compétition à New York ?

Souvent, je suis happée par l’énergie du public et j’en donne aussi beaucoup, parfois trop, car je me précipite… Mais cette fois-ci, j’étais dans ma bulle, rien ne pouvait m’atteindre. J’étais seule,

ce qui m’importait n’était pas de gagner mais de mettre ma danse en valeur, de sublimer mes mouvements et la personne que je suis. Un vrai moment d’intimité avec moi-même qui m’a libérée… d’une autre manière.

Tu viens de mentionner Lilou. Qui sont les autres B-Boys et B-Girls qui t’inspirent ?

Je dirais B-Boy Hong 10 (Corée du Sud, ndlr), sa technique m’a beaucoup aidée à évoluer, notamment ses freezes (position maintenue sans mouvement amenée de façon abrupte, en réponse à la musique, et à la fn d’un round, ndlr). Je m’en suis beaucoup inspirée. C’est drôle mais je crois que c’est à travers ses mouvements que j’ai voulu, moi, me démarquer en tant que flle. Je pense aussi beaucoup à B-Girl San Andrea, une référence du breaking français, son break est propre et il respecte tous les fondamentaux de cette discipline. Et B-Girl Logistx (USA, ndlr) est fantastique, elle danse avec fnesse et son approche du breaking est différente de ce qu’on a l’habitude de voir en termes de musicalité et de fow.

Arriver dans un cypher, c’est présenter sa technique, mais c’est également une question d’attitude et des émotions qu’on transmet, car ce qui fait une bonne danseuse, c’est sa capacité à

Carlota
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« Le breaking, c’est une culture internationale. »
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« Je suis danseuse avant tout, et mon objectif est de développer mon intelligence artistique et ma créativité. »

combiner les deux. Comment te décrirais-tu si tu te regardais depuis le public ?

Ma danse se défnit par ma technique, j’adore les tricks, cependant je préserve l’élégance de mes mouvements en essayant de mettre en avant ma féminité, pour assumer qui je suis. Je suis d’origine cubaine. En compétition, mon nom c’est Señorita Carlota. J’aime bien amener un peu de salsa dans ma danse. J’ai même pris des cours de danses folkloriques africaines à un moment pour élargir mon spectre.

Rester ouverte à d’autres danses et d’autres sports, c’est capital ?

Oui, absolument. Il ne faut pas oublier que le breaking s’inspire de différentes disciplines comme les sports de combat. Il y a plein d’univers qui peuvent m’infuencer, donc je veux rester ouverte et regarder ce qui se fait ailleurs pour continuer d’évoluer.

La communauté breaking est très soudée, vous vous encouragez mutuellement. En ce qui te concerne, tu peux aussi compter sur le soutien de ta mère, ta plus fdèle supportrice avec qui tu n’hésites pas à te mettre en scène sur les réseaux.

(Rires) Oui, elle m’accompagne sur toutes mes compétitions depuis que je suis enfant. D’ailleurs, je crois que notre meilleure vidéo, c’était au Red Bull BC One à New York. C’est vraiment la première personne à m’avoir soutenue dans le breaking. Je pense qu’elle s’est dit que j’avais enfn trouvé l’activité qui me plaisait et elle s’est investie à fond pour que je puisse continuer à en faire et à en vivre. Les danseurs et les danseuses la connaissent autant que moi. J’adore partager ma passion avec elle.

Quand tu as commencé le breaking, avais-tu la sensation qu’elle était un peu sceptique vis-à-vis du fait que tu veuilles en faire ?

La plupart des gens se disent que comme c’est une danse de rue, on traîne avec des gens peu fréquentables, alors que c’est totalement faux. Je peux comprendre que ça interroge car le milieu est majoritairement masculin, mais les préjugés sont infondés. Mes parents ont été conquis par cette danse dès ma première apparition en compétition. Pour moi, ça a été un plus d’avoir l’appui de ma

mère. C’est une discipline pleine de magie qui, aujourd’hui, me permet de gagner ma vie.

Penses-tu qu’il y a une fracture entre l’ancienne génération du breaking et la nouvelle, concernant l’arrivée de la discipline aux Jeux olympiques de Paris en 2024 ?

Ça représente beaucoup l’arrivée du breaking aux Jeux olympiques. On s’est posé les mêmes questions que la communauté du skate ou du BMX. Je pense que lorsqu’on a appris que notre danse allait devenir un sport olympique, on a essayé de refouler cette nouvelle. Il faut rappeler que nous ne sommes pas tous et toutes de la même génération et qu’on n’a pas débuté le breaking dans les mêmes conditions. La génération old school vient de la rue, et la nouvelle école, dont je fais partie, a souvent débuté au sein de cadres institutionnels. Personnellement, le breaking aux JO ne me pose pas de problème, je trouve que c’est une opportunité en or, même si je comprends que ça puisse être sujet à débat.

Tu es toi-même membre de l’équipe de France pour les JO. Est-ce compliqué pour une B-Girl ? Oui. Aujourd’hui, je suis considérée comme une athlète, j’évolue dans un environnement sportif intense ; mon quotidien, c’est de la préparation physique et mentale. Désormais, mon enjeu quand je présente mon image ou que je défends le breaking aux JO, c’est de préserver l’essence de la discipline et son héritage. Il ne faut pas oublier d’où ça vient. Ne pas dénaturer cette discipline, c’est l’objectif principal pour l’ensemble des B-Boys et des B-Girls. Les Jeux impactent le breaking malgré eux, notamment le système de jugement qui infue sur nos passages. Il ne sufft plus d’un blow up (un éclat, un effet « wahou », ndlr) pour conquérir le public, il faut être complet avec une excellente qualité d’exécution. Tout ce processus c’est bien, mais on a besoin de la culture et de la communauté pour continuer, car c’est cela qui nous fait vibrer. Le Hip-Hop me rappelle pourquoi je suis là et pourquoi j’ai envie d’exister en tant que danseuse. On ne performe pas simplement, on raconte une histoire en assumant nos singularités. Je suis danseuse avant tout et mon objectif, c’est de développer mon intelligence artistique et ma créativité.

Depuis que tu t’es professionnalisée, ton rythme de vie a-t-il beaucoup changé ?

Oui ! J’ai déménagé à Paris cette année, grâce au breaking et pour le breaking ! C’était impensable pour moi il y a quelques années. Je voyage souvent et je rencontre des personnes extraordinaires. Je sais aussi que les anciens et les anciennes n’avaient pas forcément les mêmes opportunités donc je suis très reconnaissante des portes qu’ils et elles ont ouvertes pour nous. À l’époque, le breaking c’était leur moyen d’expression pour se faire une place dans la société.

Carlota THE RED BULLETIN 79
« Là où le breaking se développe de manière underground, le Red Bull BC One a su lui donner une portée mondiale en révélant les meilleurs B-Boys et les meilleures B-Girls. »

PERSPECTIVES

Expériences et équipements pour une vie améliorée

PARIS EST HIP-HOP

Visite guidée des meilleurs plans à ne pas rater

81 YARD

BARS & RESTOS

FAT Bar

Lancé il y a cinq ans par trois amis fans de hip-hop et de mixologie, le Fat Bar, lieu de vie en pierre grattée bien calé dans le haut du Marais, rassemble tous les codes des cultures urbaines : graffitis du sol au plafond featuring Spike Lee, DJ sets hip-hop, expos de street art, stand-up, street food (hot-dogs et fried chicken) et cocktails au comptoir – et même une table de beer pong pour les nostalgiques des USA. 8 rue de Beauce, M° Filles du Calvaire

Gumbo Yaya

La soul food, la gastronomie afro du Sud des USA, a trouvé sa place à Paris chez Gumbo Yaya (le bordel, en cajun), où Lionel le taulier cuisine les plats de ses tantes d’Atlanta, dont le fameux « chicken waffle » (gaufre, sirop d’érable, poulet frit et frites). Le lieu est incontournable pour les fans de hip-hop, qui s’y retrouveront dans la bande-son

3 rue Charles-Robin, M° Colonel Fabien +

ITAL MEETS VEGAN

Jah Jah, 11 rue des Petites-Écuries, M° Strasbourg-Saint-Denis

HIP-HOP ET VIN NATURE

Yard Cave & Restaurant, 6 rue de Mont-Louis, M° Philippe Auguste.

TERRASSE ET SOIRÉE RAP

Kermès, allée du Zénith, 211 avenue Jean-Jaurès M° Porte de Pantin

LE QG DES BARS HIP-HOP

Twenty One Sound Bar, 20 rue de la Forge-Royale, M° Ledru-Rollin

CLUBS

Bellevilloise

C’est probablement le club parisien qui a vu défiler le plus de casquettes d’équipes de sport US. Depuis vingt ans, le club du sous-sol de la Bellevilloise accueille régulièrement les meilleurs collectifs Hip-Hop de la capitale, Hip-Hop Resistance, Free Your Funk (qui a fait venir des pionniers comme DJ Premier, Lord Jazz, Dee Nasty) ou encore Classics Only qui a fait résonner rap et R&B tout l’été avec ses soirées. Summer of Love, 21 rue Boyer, M° Ménilmontant

Wanderlust

Depuis ses débuts, le club situé sous la Cité de la Mode a misé sur un cocktail entre électro et musiques urbaines. Le club, avec sa terrasse XXL, a notamment abrité les soirées Yard et vu défiler des pointures du rap US et FR de Migos à Niska en passant par ASAP Rocky et Booba. Et ça continue avec Action Bronson qui mixe hip-hop et smasher burgers durant tout l’été 2023.

32 quai d’Austerlitz, M° Quai de la Gare + BEATS & BLING

Jangal, 5 avenue de l’Opéra, M° Pyramide

HIP-HOP & FASHION

Pamela, 62 rue Mazarine, M° Odéon

COLLECTIFS & SOIRÉES Yard

Depuis 2014, Yard s’est imposé comme l’un des médias rap majeurs avec Booska-P (tous deux ont organisé la première cérémonie des Flammes cette année) mais aussi un des grands producteurs d’événements hip-hop, en développant notamment le côté club du rap français. On se souvient notamment de shows d’anthologie aux soirées Yard Summer Club au Wanderlust ou au Yoyo. La première du festival Yardland, annulée, devait couronner ce travail autour des cultures urbaines mais ce sera pour l’année prochaine.

IG: @yard

PERSPECTIVES voyage
Coralie Jouhier et Daqui Gomis, fondateurs du restaurant Jah Jah.
Pour ce numéro spécial Breaking, découvrez notre sélection de lieux à Paris et sa banlieue où retrouver l’esprit Hip-Hop, et plus encore.
82 THE RED BULLETIN LE TRICYCLE, UNION STEET SMAËL BOUAICI

Sixtion Events

Party differently, c’est le concept de Sixtion Events depuis 2018. Le crew mené par la DJ et chanteuse Carla Genus représente une new gen de clubbeurs urbains qui sautent les barrières entre les genres, et se déhanchent sur du hip-hop comme sur du dancehall ou de l’afrobeats. Après leur résidence au Nouveau Casino, on retrouve les DJ de Sixtion Events et leurs guests (Maureen, Juls…) entre la Marbrerie de Montreuil, la Place et même l’hippodrome d’Auteuil.

IG: @sixtionevents

99Ginger

Lancé en 2018 par le DJ Kirou Kirou pour répondre à une offre de soirées parisiennes jugée trop monotone, le crew 99Ginger cultive aussi l’éclectisme dans ses centres d’intérêt. De la sape, de l’art, de la musique et des fêtes ici et ailleurs qui mêlent rap, amapiano, gqom ou UK garage. Un esprit hip-hop fusionné avec une vibe afro qui résonne parfaitement avec le Paris des années 2020.

IG: @99ginger +

RAP & RAVE

Good Dirty Sound; IG: @gooddirtysound

OLD SCHOOL RULES

Classics Only; IG: @classics.only

LES VÉTÉRANS DES SOIRÉES HIP-HOP Free Your Funk; IG:@freeyourfunk.paris

LES BLOCK PARTIES À SUIVRE

Savage; IG: @savageblockpartys

LIEUX CULTURELS

La Place

Installée depuis 2016 dans un des lieux historiques du hip-hop parisien, Les Halles, La Place s’est imposée comme centre culturel majeur dans un milieu généralement rétif aux institutions. Salle de concert de 400 places, studios de danse, de répétition, d’enregistrement, salle d’expo, bar, espace de coworking, conférences et master class : sur 1 400 m², La Place réunit tout ce qu’il faut pour solidifier et étendre les réseaux du hiphop français.

10 passage de la Canopée, M° Les Halles.

Centre FGO-Barbara

Installé depuis quinze ans au cœur de la Goutte d’Or, à deux pas du terrain vague des premières block parties de Dee Nasty, le Centre FGO-Barbara met sa salle de concert et ses studios au service des artistes émergent·e·s du quartier dans une optique multiculturelle, avec un

PERSPECTIVES voyage
La Bellevilloise en pleine émulsion lors de la soirée hip-hop Classics Only.
THE RED BULLETIN 83
L’antre du Centquatre, espace culturel de célébration de la danse et du hip-hop.

accent hip-hop, entre ateliers de graff, initiation à la danse et festivals, comme le GRL PWR avec sa programmation dédiée aux rappeuses.

1 rue Fleury, M° Barbès-Rochechouart

Le 104

Art42, 96 boulevard Bessières, M° Porte de Clichy

POUR DANSER EN LIBERTÉ

Esplanade de la bibliothèque

François-Mitterrand, quai FrançoisMauriac, M° Quai de la Gare

DISQUAIRES

A-One

Le fameux disquaire new-yorkais A-One (since 1996) vient tout juste d’ouvrir une annexe parisienne bleu marine dehors, en bois clair dedans. Installée du côté de Nation, la boutique, menée par Lord Funk, aka le dealer de samples des 90’s, met ses platines vinyles à disposition tous les jours des amateurs et amatrices de hip-hop mais aussi de soul, jazz ou disco. 42 rue de Montreuil, M° Faidherbe-Chaligny +

HIP-HOP & SOUL

Betino’s Records 32 rue SaintSébastien, M° Saint-Sébastien-Froissart

LE MAGASIN DES ANCIENS

Maquis Megastore 187 rue Saint-Denis, M° Réaumur-Sébastopol

VINYLES ET CD

Music Avenue 10 rue Paul Bert, M° Rue des Boulets

SHOPS

TOUT LE STREETWEAR

Starcow 62 rue Saint-Honoré, M° Châtelet

LES SNEAKERS DU FUTUR

Opium 19 rue Pierre Lescot, M° Châtelet

POUR LES FANS DE SPORT

Shinzo 39 rue Étienne Marcel, M° Les Halles

MADE IN FRANCE

Bleu de Paname 58 rue Saint-Honoré, M° Châtelet

NEW YORK À PARIS

5 rue Curial, M° Riquet

Le Centquatre est devenu le point de ralliement des danseurs et danseuses hiphop de Paris qui enchaînent les mouvements tous les week-ends sous la verrière de cette immense halle du XIXe aux côtés des jongleurs, équilibristes et artistes en tout genre. Des cours de danse tous styles y sont aussi prodigués et c’est logiquement que le Centquatre accueillera le Red Bull BC One Camp France du 18 au 20 octobre pour trois jours entre battles, ateliers et guest stars.

Le street art dans

le Grand Paris

« Paris sous les bombes » prophétisait NTM en 1995. Vingt ans plus tard, le street art a bien envahi l’Île-de-France qui compte plusieurs musées à ciel ouvert comme le Boulevard Paris 13, le long du boulevard Vincent-Auriol, featuring Obey ou Seth, la Street Art Avenue installée le long du canal de Saint-Denis, ou encore

les rues de Vitry-sur-Seine, habillées notamment par le pionnier C215. +

UNE OASIS TENDANCE HIP-HOP

La Miroiterie 110 boulevard Paul-VaillantCouturier, Ivry-sur-Seine

LE MUSÉE PIONNIER DE L’ART URBAIN

Supreme 20 rue Barbette, M° Saint-Paul

LE TEMPLE DE LA MODE URBAINE

Citadium 33 rue Quincampoix, M° Rambuteau

LE KING DE LA SNEAKER

Footpatrol 45 rue du Temple, M° Rambuteau

TROUVER SON BONNET HEADSPIN

Rumble Clothing/Ekirok

40 rue Saint-Antoine, M° Bastille

PERSPECTIVES voyage
A-One Record Shop Paris, l’antenne française du disquaire new-yorkais. Le collectif Sixtion (du fond à l’avant) : Jojo SK, Carla Genus, Mel Woods, Daddy Chulo.
84 THE RED BULLETIN A-ONE, COLLECTIF SIXTION SMAËL BOUAICI

HORS DU COMMUN

Retrouvez votre prochain numéro en octobre en abonnement avec et avec , dans une sélection de points de distribution et sur abonnement.

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

RED BULL BC ONE

WORLD FINAL PARIS ACTION !

C’est l’événement de l’automne : le plus grand battle de breaking au monde à Paris le 21 octobre au stade RolandGarros. On vous explique tout ce qu’il faut savoir sur le Red Bull BC One.

C’est la plus prestigieuse des grandes compétitions de breaking 1 vs 1. Pour sa vingtième année, le Red Bull BC One revient pour la troisième fois à Paris (après 2008 et 2014). Un vrai symbole : un an avant les JO de 2024, où le break fera sa première apparition, on ne pouvait pas rêver mieux pour célébrer les danses urbaines, en même temps que les cinquante ans du Hip-Hop. Lancé en 2004 par Red Bull, le Red Bull BC One s’est imposé comme la « Coupe du monde officieuse » du breaking, avec la particularité de ne proposer qu’une compétition individuelle. Ces derniers mois, partout dans le monde, des centaines de B-Boys et de B-Girls se sont affronté·e·s dans les phases préliminaires pour gagner le droit de se frotter à l’élite mondiale. Les vainqueur·e·s des finales nationales s’affronteront une dernière fois lors du Last Chance Cypher, le jeudi 19 octobre lors du Red Bull BC One Camp, qui fera du 104 (déjà un des lieux favoris des danseurs parisiens) un Wonderland du breaking pendant trois jours, entre battles, workshops et masterclass.

Ils seront 26 B-Boys et 26 B-Girls, venu·e·s des cyphers nationaux à travers la planète, à se défier, d’abord en préliminaires, avant un tournoi en 1 vs 1 entre les 16 derniers et les 16 dernières, hosté par Admir et Ivan Urban Action Figure avec South DJ Scream aux platines. Le jury (composé de Junior, Bo, Pelezinho, Marley et Ayu) délivrera 8 tickets (4 pour les femmes, 4 pour les hommes) pour rejoindre les 24 wildcards (12 hommes, 12 femmes) lors du World Final et danser devant un public de 8 000 personnes sur le court Philippe-Chatrier du stade Roland-Garros le 21 octobre.

Après le Last Chance Cypher, le moment sera venu pour le bracket reveal, la révélation du tableau final décidé par tirage au sort. Et samedi soir, place au show ! La soirée démarrera avec un showcase du légendaire crew français Wanted Posse, qui fêtera ses trente ans, puis les

PERSPECTIVES événement

En haut : le Red Bull BC One World Final à Paris, en 2014. Ci-dessus : B-Girl India (Pays-Bas), qui défendra son titre à Paris, remporte la finale mondiale à New York en 2022. À sa droite, l’élite du breaking réunie à La Villette en 2014. Ci-contre, vue impeccable sur l’event pour DJ Skeme Richards, qui donna le tempo au World Final de New York.

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PERSPECTIVES événement

MC MyVerse et Amjad lanceront la compétition, rythmée par les breakbeats de DJ One Up. Les battles se joueront en deux rounds, soit deux passages par B-Boy et B-Girl, au bout desquels les cinq juges (cette année, ce sera Babyson, Flea Rock, Kill, Movie One et Hill) désigneront le vainqueur en levant leurs panneaux en même temps.

Alors, qui figurera parmi les finalistes au stade Roland-Garros ? On a déjà quelques noms ! Chez les filles, la Néerlandaise India, qui a remporté la ceinture l’an passé à New York, reviendra défendre son titre. Elle aura fort à faire face à la Japonaise Ami, première B-Girl à remporter le titre de Championne du monde lors du Red Bull BC One World Final en 2018, ou la nouvelle sensation bulgare Firebird. Chez les garçons, la bataille sera rude avec d’anciens vainqueurs comme le Sud-Coréen Hong 10, des challengers comme le Polonais volant Wigor, ou l’un des membres des Red Bull BC One All Stars, Phil Wizard (Canada).

On sait que, depuis Yannick Noah en 1983, le stade Roland-Garros ne porte pas trop chance à la France, mais tout l’Hexagone sera derrière Dany Dann ! Le Guyanais, Champion d’Europe et qualifié pour les Jeux olympiques 2024, a toutes ses chances dans cette World Final. Notez également la présence de B-Boy Khalil et B-Girl Kimie, vainqueur·e·s du cypher national, qui devront passer par le Last Chance Cypher avant d’atteindre la phase finale à Roland-Garros. Pour mémoire, Kimie avait été jusqu’en quart de finale l’an passé à New York. Tout est possible !

Infos pratiques

Red Bull BC One Camp

Les 18, 19 et 20 octobre au 104, 5 rue Curial 75019 Paris. M° Riquet, 104.fr

Tous les jours de 14 à 22  h ; gratuit sur inscription

Last Chance Cypher

Le 19 octobre, dans la Nef du 104, lors du Red Bull BC One Camp à partir de 19 h 30 ; gratuit sur inscription

Red Bull BC One World Final

Le 21 octobre au stade Roland-Garros, court Philippe-Chatrier

2 avenue Gordon-Bennett, 75016 Paris

M° Porte d’Auteuil ou Michel-Ange Auteuil, rolandgarros.com

Ouverture des portes : 16 h

Début de la compétition : 18 h

À voir en livestream sur Red Bull TV, redbull.com

Le programme du Red Bull BC One Camp

C’est un véritable village dédié à la culture des danses Hip-Hop qui s’installe à Paris pendant trois jours. Le Red Bull BC One Camp, accessible gratuitement à tous les danseurs et danseuses (sur inscription), se veut une plateforme de partage culturel et de rencontres. On pourra passer d’une masterclass à un atelier de danse, puis manger un morceau avant d’aller assister à un battle.

Outre le Last Chance Cypher, qui délivrera les derniers sésames pour la phase finale, le programme est taillé pour les B-Girls, B-Boys et danseurs qui veulent progresser, avec des workshops quotidiens dans tous les styles : footwork, house dance, popping, locking ou encore breaking avec comme prof Amir, Champion Red Bull BC One 2021 ! Il y aura de quoi s’instruire aussi, avec des conférences et masterclass, dont une qui s’annonce mythique avec les DJ QBert, Koco et Emii qui discuteront de la Technics MK-II, la platine de référence du Hip-Hop – démos à l’appui. Et bien sûr, il y aura des shows dans tous les sens qui s’enchaîneront sous la Nef du 104 avec le très spectaculaire Crashfest mercredi 18, où les danseurs et les danseuses sont invité·e·s à tester des mouvements spectaculaires, suivi du Popping Battle mené par la star du genre, le Suisse Poppin’C. Jeudi soir, ce sera l’heure du Last Chance Cypher avec un showcase de QBert et Koco en before, et le vendredi, il ne faudra pas manquer le Continental Battle, qui opposera des crews de différents continents, tandis que les Footworkerz Finals réuniront les meilleur·e·s spécialistes au monde du jeu de jambes. À noter que pendant les trois jours du Red Bull BC One Camp, la place des Écuries du 104 sera ouverte librement à toutes les envies de danser ! Horaires et inscriptions : 104.fr

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SMAËL BOUAICI ROMINA AMATO/LITTLE SHAO/NIKA KRAMER/ CARLO CRUZ/ DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL

PERSPECTIVES fitness

Le talent de Madmax n’est pas inné. Si elle est aujourd’hui connue et reconnue pour sa danse, elle le doit a son amour pour le travail et a son besoin de constamment se surpasser. À ses 12 ans, Maxime, férue de skate et déja curieuse des danses hiphop fait sa première rencontre avec le breaking. Ce qui l’a conquise, c’est la possibilité de pouvoir apprendre mécaniquement des mouvements jusqu’a les maitriser, pour pouvoir en apprendre de plus durs. « C’est cette partie codée de l’apprentissage des bases qui m’a semblé très lisible et simple a effectuer », explique la Belge.

Inspirée par l’aura, le style et le caractère de danseurs comme B-Boy Casper, elle se fraye un chemin dans ce milieu, intégrant tout autant le coté artistique que sportif du breaking : « Je suis une artiste, et je suis une athlète. J’aime dire qu’il faut s’entrainer comme une athlète mais danser comme une artiste. »

Conditionnée sportivement et mentalement par ses nombreux résultats dans des compétitions internationales (finaliste au Red Bull BC One 2020 a Salzbourg en Autriche, Undisputed 2023), elle embrasse aujourd’hui l’opportunité olympique avec l’équipe de Belgique : « J’ai envie de voir a quel point je peux pousser mon art et créer quelque chose de beau, c’est cela qui me motive. »

Bien que culturellement le fitness ne soit pas très présent dans le breaking, Madmax, 25 ans, l’a depuis longtemps intégré dans sa pratique : « J’ai toujours aimé ca, aimé la déter que ca t’oblige a avoir. » Avec les objectifs olympiques qu’elle se fixe aujourd’hui, compléter ses entrainements de breaking est devenu encore plus fondamental. Elle partage avec nous quatre conseils qui sont la clé de sa réussite.

S’OPTIMISER

Passez en auto-analyse

B-Girl Madmax nous révèle quelques secrets de sa préparation pour les compétitions les plus prestigieuses.

1. Penser mobilite

« Lorsque j’ai commencé a faire du fitness pour avoir de meilleures perfs dans ma danse, je faisais des pompes, abdos, cardio, etc. Mais ces exercices ont leur limite dans notre discipline car si tu en fais trop, tu peux te raidir. En intégrant le plan JO belge, notre coach a beaucoup misé sur la mobilité. C’est-a-dire, un ensemble d’exercices pour empêcher que nos muscles se tendent, se raidissent, pour pouvoir maintenir de bonnes ouverture et tonicité, et prévenir des blessures… »

2. Regularite et constance

« Le chemin que nous avons choisi en tant qu’athlètes et artistes en intégrant ces cycles de compétition est très éprouvant mentalement. L’entrainement que l’on se fixe, les séances, la régularité ne doivent en aucun cas être impactés par nos émotions et notre motivation car c’est cette régularité qui te permet de garder un corps en bonne santé. On fait des mouvements particuliers, il faut que notre corps suive. Il faut rester constant, ne pas avoir trop de ups and downs, de sautes d’humeur.»

3. Ce qui marche

« Comprendre ce qui fonctionne pour son corps est essentiel. Personne ne danse pareil car personne n’a le même corps. Il faut aborder le fitness comme une danse, avec peut-être un peu plus d’analyse. En fitness, il faut aussi réussir a analyser, a se fixer des objectifs et des données que tu peux mesurer pour voir ce qui est le plus efficace pour ton corps et pour ta danse. Il faut être capable de se rendre compte de ce qui ne fonctionne pas, pour se concentrer sur ce qui marche. C’est un travail de longue haleine, il faut faire preuve de persévérance et positiver. »

4. Bounce back

« Le bounce back est la manière avec laquelle tu vas te relever suite a une défaite. Cela fait partie du fitness car c’est un état d’esprit qui demande du travail et qui est très personnel. On peut vite se décourager en voyant le niveau de ces compétitions mais il faut comprendre que tout le monde peut réussir a sa manière. On peut se relever d’une défaite avec joie, avec tristesse, et ca fait partie de sa propre histoire. C’est beau de pouvoir écrire l’histoire de cette facon. »

IG : @bgirlmadmax

concentrer sur ce qui marche. »
B-Girl Madmax
88 THE RED BULLETIN ADMIR MIRENA, LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL TOM CHAIX

Le lifestyle qu’il vous faut

Pour clôturer ce numéro spécial breaking, une sélection de belles pièces adaptées au mouvement.

Texte ORPHÉE

La SL-1200 MK7 est la platine vinyle ultime qui a révolutionné le monde du DJing, devenue un outil essentiel pour les rythmes électrisants qui alimentent les battles de breaking. Avec une durabilité inégalée, un couple élevé et une qualité sonore cristalline, elle est le choix de prédilection des DJ pros et des audiophiles du monde entier. Embrassez la synergie indéniable de la musique et de la danse avec cette Technics SL-1200 MK7, nouvelle édition d’une légende TECHNICS dont l’histoire est profondément liée à la forme d’art dynamique qu’est le breaking. 999 €; technics.com

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PERSPECTIVES matos 90 THE RED BULLETIN

PERSPECTIVES matos

G-SHOCK célèbre quarante ans d’innovation en dévoilant sa nouvelle collection au design transparent, lui offrant un look détonnant mais en préservant son caractère ultra-résistant. La capsule CLEAR REMIX incarne l’esprit de défi à travers un cadran qui laisse entrevoir la répartition de ses composants internes ! Ces modèles sont dotés d’un écran LCD transparent, permettant au circuit imprimé orné du logo G de se révéler, et cette DWE-5640RX est dotée d’un bracelet réalisé dans un mélange contrastant de résine et de métal. 259 €; gshock.casio.com

À TOUTE ÉPREUVE THE RED BULLETIN 91

Cette enceinte AOC renferme un large moteur stéréo délivrant un son de 130 W, mais sa taille et son poids la rendent maniable. Avec 2,25 kg et un peu plus de 13 cm de haut, soit environ la taille d’un ballon de rugby, elle est facile à transporter, que ce soit dans votre sac à dos ou avec la sangle incluse dans son emballage écologique. L’enceinte elle-même est également respectueuse de l’environnement, puisqu’elle est fabriquée à partir de 70 % de plastiques recyclés. Elle dispose d’une batterie d’une autonomie de 24 heures que vous pouvez recharger complètement en 3,5 heures. Notez sa connectivité multipoint Bluetooth 5.3 et sa technologie Party Link. 229,99 €; aocspeakers.com

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PERFORMANCE SONORE PERSPECTIVES matos

DE L’ART EN POCHE

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PERSPECTIVES matos

DE LA TÊTE AUX PIEDS

LOOK DE VAINQUEUR

Pantalon camouflage et tee-shirt graphique sont de sortie pour se lancer sur les pistes de danse ou dans les battles et se confronter aux meilleurs breakers de votre région. Sans oublier le détail qui tue, le bob à lettrage brodé 100 % coton, qui nous rappelle les looks hip-hop des années 80. Un look CHAMPION vintage, mais résolument moderne qui vous donnera des allures de grand vainqueur, complété par la paire de sneakers en cuir Z80. Tee-shirt: 39,95 €; bob: 35,90 €; pantalon: 69,95 €; baskets Z80: 85 €; lot de 3 paires de chaussettes: 8,99 €; championstore.com

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PERSPECTIVES matos

PERSPECTIVES matos

S’HYDRATER ET FILMER

BIEN PLUS QU’UNE GOURDE

Boire ou filmer ? Plus de questions à se poser avec la gourde multifonctions compatible MagSafe de RHINOSHIELD : l’AquaStand, qui sert aussi de support de téléphone et trépied selfie. Facile à transporter grâce à sa dimension 700 ml / 23 FL OZ, la gourde conserve les boissons, chaudes ou froides, jusqu’à huit heures. Désormais, que vous sirotiez du café, que vous fassiez du sport à la salle ou que vous binge watchiez une série, la gourde AquaStand vous accompagne partout ! 59,99 €; shop.rhinoshield.fr

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The Red Bulletin Autour du

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The Red Bulletin est distribué chaque mois dans six pays. Vous découvrez ici la couverture de l’édition UK de novembre 2022, dédiée à B-Boy Victor, vainqueur américain du Red Bull BC One à New York la même année.

Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

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Ils nous ont mis la fièvre

Ce 29 novembre de 2014, Paris était la capitale du breaking. La Grande Halle de la Villette y recevait la onzième édition du BC One World Final, avec son plateau international de danseurs (les B-Girls apparaîtront lors de l’édition 2018), son show du mythique crew Aktuel Force, son live des iconiques Lords of the Underground, et son after party aux allures de cypher géant. JoeyStarr assurait l’animation et vous le voyez ici brandir la ceinture remportée par Menno. Qui seront le prochain et la prochaine ?

À voir le 21 octobre au stade Roland-Garros lors du BC One World Final Paris 2023.

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 12 octobre 2023
POUR FINIR EN BEAUTÉ 98 THE RED BULLETIN LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

La LONGINES SPIRIT FLYBACK illustre audacieusement l’esprit pionnier qui a toujours animé la marque. Par une simple pression, le mécanisme flyback, développé par Longines dans les années 1920, remet à zéro la trotteuse du chronographe et le redémarre immédiatement. Ce chronographe intemporel est une invitation à l’explorateur qui sommeille en vous. Prêt pour l’aventure?

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