Reférences Charles DAUBAS

Page 1


CHARLES DAUBAS

Stratégie urbaine & mise en récit des projets

En tant qu’urbaniste indépendant, j’accompagne les concepteurs, les institutions et les collectivités dans la mise en place de stratégies urbaines et la construction d’un récit commun de projet, notamment dans le cadre de processus complexes et multi-acteurs.

1

Réunir les acteurs

autour d’un langage et d’un récit commun

2

Schématiser pour rendre accessible des processus complexes dans le temps et l’espace

3

Mettre en avant les singularités du territoire pour nourrir la démarche de projet

Parcours

Après une formation à Sciences Po Paris, et un passage par l’Ecole d’architecture de la Villette, j’ai travaillé au sein de plusieurs structures publiques ou privées : à l’Atelier Parisien d’Urbanisme), l’agence TVK, l’agence François Leclercq (Directeur de projet, 2007-2012), l’agence RiO architectes urbanistes (associé, 2012- 2022). Je suis également lauréat du concours EUROPAN XII.

Pendant 20 ans, j’ai participé ou mené une diversité de projets, à des échelles différentes, et dans des situations urbaines et territoriales contrastées :

à MARSEILLE dans le cadre du projet Euroméditerranée, sur le positionnement du quartier d’affaire de la Défense pour l’EPADESA, lors de la consultation internationale du Grand Paris au sein du groupement Descartes, pour la reconversion de la Base aérienne 217 ou du Campus de MONTPELLIER, avec des pays ruraux dans le cadre de l’Atelier national des Territoires pour le Ministère de l’aménagement durable/ DGALN, ou au travers de la coordination opérationnelle de projets urbains dans le cadre des ZAC NANTES Erdre Porterie, ou de Tomblaine à NANCY.

En tant qu’auteur, j’ai publié des travaux sur les questions urbaines (la ville des rez-de chaussée éd. du Moniteur, la République des Fleuves éd Backlands, etc.), et deux romans aux éditions Gallimard qui racontent autrement mon intérêt pour la géographie, la ville et le territoire. J’ai fondé le collectif Recitorii, pour prolonger ce travail sur les nouveaux récits de territoire, réfléchir à la place que peuvent avoir la fiction et les imaginaires habitants pour nourrir les projets.

Je suis professeur associé à l’École d’urbanisme de Paris depuis 2018 et enseignant à l’école Urbaine de Sciences Po Paris.

PORTE DE LA VILLETTE

DIALOGUE COMPÉTITIF (VILLE DE PARIS-P&MA)

ACCOMPAGNEMENT DE L’EQUIPE POUR LA

STRATEGIE URBAINE ET LA MISE EN RÉCIT

DEUX CONCEPTS, DEUX POINTS D’APPUI

L’OBJET- FRONTIERE.

Selon Star et Griesemer, un objet-frontière est « suffisamment plastique pour s’adapter aux besoins locaux et aux contraintes des divers groupes qui l’utilisent, tout en étant suffisamment robuste pour maintenir une identité commune » (1989, p. 393).

LA LISIERE

Une frontière écologique entre deux écosystèmes, présentant ainsi des conditions écologiques et microclimatiques particulières (ensoleillement, température, humidité…), et des micro-habitats spécifiques favorables aux espèces des milieux adjacents.

SAINT LAZARE / RATP

MISE EN RÉCIT

SCHÉMATISATION STRATÉGIQUE

Le pôle d’échange Saint-Lazare est un lieu emblématique du réseau parisien. Premier pôle le plus fréquenté, il est à la fois un nœud d’interconnexion entre les réseaux grandes lignes, transilien et métro, un lieu de croisement local, régional et national, et un patrimoine historique qui raconte, par l’adjonction des époques et des styles, un siècle de développement du réseau. SaintLazare fait pourtant face à des défis importants, entre congestion et besoin de remise à niveau des espaces.

Afin d’améliorer la qualité du service, répondre aux besoins des usagers et anticiper la montée en charge à l’horizon 2035, un projet de rénovation est envisagé. Il vise à désaturer certains espaces-clés dans le secteur Rome, fluidifier les parcours et retrouver une cohérence architecturale d’ensemble, tout en respectant les identités existantes.

RECONVERSION DE LA BA217

BRETIGNY SUR ORGE

La BA217 est une ancienne piste d’essai située entre Brétigny et Evry, juste sous la Francilienne. Bien installée au royaume des boites à chaussures commerciales et de la maison phœnix.

Je connais bien ces lieux. J’ai grandi à seulement quelques kilomètres de là, de la Croix Blanche, plus grande zone commerciale d’Europe. Un territoire sans terroir, et presque sans adresse. On y croise des marques, des franchises, des boites, accrochées à des échangeurs et des bretelles. On y suit des panneaux et des directions, et à la fin, on arrive sur le parking de ce qu’on est venu chercher. Pas d’autre chose. Un monde d’abondance, sans jamais de surprises, pour un mode de vie en liberté dirigée.

Et pourtant, là, juste à coté, il y a cette piste gigantesque, abandonnée par l’armée.

L’espace le plus uniforme qui soit: 3Km par 200m de béton lisse. Comme un grand eldorado déjà nivelé, offert d’avance pour cette ville commerciales et ses boites à chaussures. Et pourtant, il y a un problème. Le béton est incassable: il fait un mètre de profondeur, il résiste aux marteaux-piqueurs, au lotissement, au bornage..

Avec cette réalité, l’idée s’est faite peu à peu dans notre équipe que cette piste, prédisposée autrefois à recevoir un airbus A380, devait rester un espace libre, disposé à tous les usages, toutes les inventions. Un morceau de ville incongru et unique, résistant à l’envie de le subdiviser, de le privatiser, de l’assigner à des fonctions déjà prévues.

Nous avons proposé que la BA217 reste un espace libre, un grand terrain populaire, évenementialisable, pique-niquable, musicable, dansable, decollable, atterissable, voilable, coursable en dragster, en patins, en char à voile. Tout ce qu’on pouvait y inventer devenait permis.

L’idée a fait son chemin grâce à Olivier Léonhardt, président du Val d’Orge, qui l’a défendue contre les tentations d’accaparement. La BA217 est devenue aujourd’hui la plus grande zone francilienne offerte aux festivals, aux tournages, aux parades et aux manifestations populaires.

EQUiPE: AFL / RiO / BASE Paysage. 2014

Char à voile sur la BA217

Fête de l’humanité, 2022

EUROMEDITERRANEE 2

MARSEILLE

Le projet Euroméditerranée a l’ambition d’offrir à la métropole marseillaise une vitrine de modernité. Elle a en partie réussi ce pari: le terminal des ferrys, la reconfiguration du port industriel, la tour CMA-CGM, les grandes infrastructures de transport.

Mais ce projet raconte également autre chose. la volonté de rendre le Nord du rivage marseillais aux quartiers populaires, faire ici le pendant de la corniche Sud, qui longe les quartiers plus aisés.

Ce grand geste démocratique a été le point de départ de notre projet, une ambition au long cours qui doit changer le visage de ce grand site, en lui rendant la mer, le large.

Une autre histoire s’écrit en parallèle. Ou plutôt un ensemble de micro-histoires, qui se cachent derrière les grands plans et les perspectives vues d’avion.

Le projet met à jour l’existence d’une vie moins visible, déjà là, des savoirs-faire et compétences qui n’existent nulle par ailleurs. Tout un monde que raconte Jacques Peraldi et qui forme l’ADN de ce territoire marseillais: les puces qui irriguent tous les quartiers nord, les ate-

Projet Euroméditerranée Extension

EQUiPE: AFL / TER. 2011-2019

liers informels de réparation où on remplit l’habitacle des voitures en partance pour l’Afrique, exploitant le moindre cm3 disponible.

Ce savoir-faire est unique au monde. Ceux qui le maîtrisent sont très recherchés mais ne figurent dans aucun programme d’aide à l’innovation.

C’est la double matière de ce projet. Etre à la croisée des grands gestes urbains qui se liront un jour dans le paysage, et de cette ville des petits riens, plus légère, moins visible, mais aussi peut-être plus résistante aux retournements économiques et aux coupes budgétaires qui ralentissent la marche de l’urbanisme officiel.

Je crois qu’Euroméditerranée, c’est l’opportunité de développer une ville qui marche sur ses deux pieds, n’oubliant pas qu’une vie existe et se déploie à l’ombre des grands arbres.

Thomas Mailaender, Voitures cathedrales © Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration, CNHI

CONSULTATION INTERNATIONALE POUR LE SHIRAZ RÉAMENAGEMENT DU CENTRE-VILLE

Il existe en Iran une légende préislamique, le Simorgh, ou l’histoire de Trente oiseaux à la recherche de leur roi. Ils le cherchent partout, jusqu’en haut d’une montagne. Quand ils se retrouvent au sommet, ils sont seuls. Le roi promis, le Simorgh, n’est pas là. On leur avait pourtant dit!

Peu à peu, ils comprennent: le Simorgh, c’est le point de rencontre entre eux, la conjonction de ce qu’ils sont tous. Un espace démocratique, de rencontre de dialogue. C’est pour cette raison que les iraniens appellent aussi cette légende le parlement des oiseaux, devenu une fable politique.

Quand nous avons été sollicités pour répondre à une consultation internationale pour le réaménagement du centreville de Shiraz, juste à coté de la tombe du poète Hafez, le programme envisagé par l’État était composé d’un centre international, un mall commercial, un hotel, des parkings. Comme si la modernité ici devait être comme celle qu’on voit à Dubaï, Doha ou ailleurs, celle des centres commerciaux et des grattes-ciel.

Le Simorgh, ou le parlement des oiseaux

Avec Soheil Hajmirbaba (SHAA) et Alexandra Arènes (SOC), nous avons proposé de transposer dans l’urbain la légende du Simorgh. Que le centre de Shiraz soit un espace libre, à la conjonction de 30 histoires qui font Shiraz, 30 chemins: celui des tapis fabriqués par les nomades dans la montagne et qui descendent se vendre au bazar, le chemin de déambulation des poètes, si important en Iran, qui va à la tombe d’Hafez, le chemin des mosquées roses, le chemin des jardins cachées dans les cours de la ville, celui des artisanat du cuivre et de l’étain, celui de l’eau aussi.

Cette proposition a été retenue, pour cette vision d’une modernité qui raconte cette ville et le territoire autour, sans la déraciner. La reprise en main quelques mois plus tard par un gouvernement plus dur, hostile aux ouvertures, a mis fin aux avancées.

Fabrication de tapis nomade, Chiraz

AUTUN, LA CROISÉE DES CHEMINS

MISE EN RÉCIT & ANCRAGE TERRITORIAL

PROJET DE TIERS LIEU

VILLE HAUTE

A Autun, les histoires se perpetuent, chacune de leur coté.

Mais se croisent-elles vraiment ?

VILLE BASSE

ROMAN

Digue de Querqueville, Cherbourg

« Depuis la mer, on dirait à peine une ville. Juste un rivage étendu de maisons blanches qui écarte les bras pour tenter d’attraper ce qu’il peut de l’océan.

Le corps atrophié, à peine ancré à la terre, Cherbourg convoite l’horizon et la mer de ses deux membres immenses, deux digues de pierre élancées au milieu des flots.

L’une partant de l’ouest de la ville, l’autre de l’est, elles fendent l’eau sur plusieurs kilomètres, comme deux trajectoires perdues. Puis soudain elles obliquent, se dirigent l’une vers l’autre et se rejoignent, quelque part au large, encerclant 1500 hectares d’eau paisible.

Assis quelque part au bord, Cherbourg veille sur son immense parcelle volée à la mer. Le bourg contemple cette bulle d’eau gigantesque qu’on dit lui appartenir vu que les harnais de pierre ont échoué entre ses mains.

Mais les maisons rassemblées ici sont parcourues des frissons de l’immense créature. Elles sentent les pulsations de cette bête qui semble à tout moment pouvoir se détacher de la côte et emmener avec elle ce morceau de rivage si elle le décidait soudain.

Depuis des siècles, les Cherbourgeois ont regardé en spectateurs cet organisme formidable attirer à lui les rêves de puissance et digérer leurs épaves. La rade s’est ouverte à l’ancien et au nouveau monde, aux Français, aux Anglais, aux coups de canons des sloops nordistes et confédérées, aux uboots allemands et aux convois américains. Elle a souri à tous ceux qui souhaitaient régner sur la mer et englouti au passage ce qu’elle pouvait, sans faire de différence.

Mais, à chaque fois, l’histoire s’en est allée, laissant la rade à son rivage. Les Américains l’abandonnèrent à leur tour, la rendant aux Français au début d’Octobre 1945. Et, sous ce nouveau jour, sans les centaines de bateaux qui naviguaient à sa surface, elle apparut soudain incongrue, comme une grande chose inutile dont on ne savait plus quoi faire.

Alors, dans ce quotidien trop étriqué pour elle, la rade s’assoupit en attendant que son heure revienne. Depuis, elle se berce en écoutant la musique sourde et engourdissante que font ensemble toutes les guerres, les batailles et les rêves de gloire qui en tapissent le fond. »

Extrait de Cherbourg, aux éditions Gallimard

Kader Attia, Rochers carrés
Rade de Cherbourg

ROMAN

Ce n’est rien d’autre qu’un sol de terre battue entouré de murs de pierre et de terre mêlées, un gros caillou sale dont on dirait qu’il a dévalé la colline jusqu’à mi-pente puis s’est arrêté là, au milieu de la grande pâture qui fait face à Autun.

Si l’on descend un peu plus bas, on arrive dans cette mince plaine qui serpente au pied des remparts et de la cathédrale. Mais si l’on remonte la colline, alors très vite la forêt commence.

Le sous-bois d’abord, où s’enchevêtrent les noisetiers, les jeunes hêtres et les fougères, qui font comme un feutre vert appesanti sur le haut du coteau. Puis, tout là-haut, la ligne des grands arbres qui s’élève et bascule de l’autre côté, sur l’autre versant, là où le regard ne porte plus.

La forêt court très loin. Plus loin que l’ancien prieuré perdu au milieu des arbres. Elle court jusqu’à Marmagne et même au-delà. De jour, elle est déjà immense. Mais quand vient la nuit, elle devient infinie. Elle a son propre royaume, que la lune ne parvient pas à éclairer tout entier.

Elle a ses rois, ses reines et ses serviteurs qui vivent là, à couvert, sous le manteau des arbres. Ils s’installent partout où les rayons de la lune échouent à percer. Ils habitent cette grande ombre qui s’étend loin après l’horizon, et dont le territoire commence juste là, à quelques pas de la Penouille, sous ces arbres qui gardent le haut du coteau.

Certains soirs d’été comme celui-là, quand la forêt exhale son air humide, la brume s’élève par lambeaux successifs qui viennent se masser au sommet de la colline, telle une armée qui attend son heure. Puis, d’un coup, elle dévale la pente jusqu’à la ville. Elle bute sur l’enceinte au pied des hauts quartiers, s’enroule autour du mur puis s’infiltre par les rues basses, entre les bâtiments.

Et elle finit par s’installer, alanguie dans la plaine où elle noie presque tout. Au-dessus de la mer blanche, il ne reste que la Penouille, en haut du coteau, seul point de la terre émergée éclairé par la lune. Tout autour, la pénombre est si dense qu’on croirait la sentir peser contre les murs.

Extrait du Procès des Rats, Editions Gallimard, 2022.

POUR UN TERRITOIRE RELATIONNEL

RAPPORT DE THINK TANK

Commande du Think Tank, La fabrique Spinoza

45 pages, au coeur de l’étude

«la Société des Liens».

Automne 2024

Si vous demandez à un enfant de dessiner une ville, de prime abord, il dessinera des rues, des bâtiments, des voitures qui circulent. Et nous ferions finalement à peu près la même chose. Car majoritairement, nous décrivons la ville au travers de ce qu’elle donne à voir: un paysage construit.

Et pourtant, l’essence d’une ville ne réside pas uniquement dans son enveloppe concrète. Elle ne se fabrique pas au départ avec des pierres et des briques, mais bien sur la base des interactions humaines qui y prennent place. Cela se comprend seulement si nous l’étudions comme une émergence dynamique, le produit d’un désir de se rencontrer, de tisser plutôt que de planifier, dans un mouvement alimenté par la valeur économique du lien.

La ville est un paysage, un espace concret, abritant une dynamique sociale en constante évolution. Cette double dimension, du visible et non-visible, peut

être comparée par analogie biologique aux relations qui lient génotype et phénotype.

Le génotype constitue l’encodage génétique discret, propre à chaque individu, tandis que le phénotype désigne l’émergence des caractéristiques physiques résultant de l’interaction entre ce génotype et l’environnement. De même, pour la ville, le contexte bâti peut être considéré comme un phénotype, une enveloppe extérieure et visible, dont la forme particulière traduit l’existence plus discrète d’un génotype, constitué de l’ensemble des relations sociales, économiques, des manières d’interagir et d’échanger qui sous-tendent la vie urbaine.

Allons un peu plus loin dans la comparaison. En 1982, Richard Dawkins invente le concept de phénotype étendu. Il postule que le phénotype ne doit pas se limiter à décrire ce qui est encodé directement par notre codage génétique (un bras, une jambe), mais doit prendre en compte l’ensemble des manifestations qui en découlent, donc tout ce qui permet aux individus d’une espèce d’interagir, se protéger, grandir, éventuellement s’outiller. Les nids, les termitières, les cocons des chenilles deviennent donc un prolongement de leur phénotype, et un

prolongement profondément interactionnel.

C’est peut-être comme cela qu’il faut envisager la ville: l’espace concret qui découle de nos besoins fondamentaux, et dont la raison d’être est fondamentalement interactionnelle.

POUR UNE REPUBLIQUE DES FLEUVES

PLAIDOYER

Les périmètres nous tuent. Avec eux, il faut toujours se positionner, soit dedans, soit dehors. Et malheur à ceux de l’entre deux.

Prenons Agen et Valence d’Agen, tous deux sur la Garonne, séparés de quelques kilomètres et récemment sommés de choisir entre l’Aquitaine et l’Occitanie.

Alors? Bordeaux ou Toulouse?

La question a été tranchée: Agen ira d’un coté, et Valence d’Agen de l’autre, comme deux enfants jumeaux qu’on sépare. Et soudain le vieil arrière-pays est traversé d’une limite. Au milieu d’un pré, on installe des panneaux. Ici commencera l’Occitanie, ici finira la Nouvelle Aquitaine. Les frontières tuent. Mais elles commencent d’abord par tuer les territoires en nous.

Parfois on se met à rêver, d’une figure autre, d’une géométrie qui rassemble mais n’enferme pas, ne crée ni extérieur ni intérieur.

Cette figure existe déjà. Bien-sûr. C’est le fleuve. La Garonne, elle, n’a jamais demandé à Valence d’Agen de choisir entre son amont et son aval, entre Toulouse et Bordeaux. Le fleuve nous situe sans nous condamner à aucun périmètre, à aucune échelle.

La France des bassins versants

La Garonne est tout à la fois le plus petit de ses affluents et l’immense océan atlantique. Le fleuve fait pour nous, juste par horizontalité, ce travail d’aller-retour qui nous est mentalement si difficile: le passage du local au mondial, du plus petit ruisseau à la mer. Mais il le fait doucement, naturellement, au fil de l’eau, en suivant la rive, en égrenant. Et c’est un voyage que tout le monde peut faire. Il suffit de parler de soi. Tirer le fil, d’une partie de pêche, depuis l’Île du Vieux Moulin à Charleville-Mezières, en face du musée Rimbaud, puis suivre la Meuse qui déroule ses méandres parmi le chevelu de rivières, jusqu’à arriver à Namur, puis Liège, la Hollande, basse, et enfin le Rhin, Rotterdam, premier port d’Europe. Sa canne à pèche, ses hameçons, sa veste technique à poches: tout l’équipement du pécheur vient de Chine, certainement. Mais le fleuve est le seul fil concevable, imaginable à hauteur d’homme, qui relie ce pécheur ardennais au porte-container qui décharge au même moment sa marchandise sur les docks de Rotterdam et s’en retourne à Shanghai. Un fil qu’il faut tirer, et qui peut amener le monde entier avec lui, sans nous déraciner. Chacun, à sa manière, lui appartient. Sans besoin de justifier son droit à être sur sa rive.

Pour une République des Fleuves, extrait. Revue Public Satori, Octobre 2024

CE QUI SERAIT EXTRAORDINAIRE

SERAIT D’AMÉLIORER L’ORDINAIRE

CONTRIBUTION POUR L’ATELIER INTERNATIONAL DU GRAND PARIS

Habiter le Grand Paris. Contribution de l’équipe Descartes à la réflexion de l’atelier international du Grand Paris

Beaucoup a été dit sur les espaces périurbains. Cette «France moche», ces espaces dérégulés, abandonnés aux passions individualistes, consuméristes, où les habitants vivraient repliés sur leur pavillon, derrière leur haie de tuyas.

Ce discours commun, relayé par la presse, est celui porté par une autre France, celle des centre-villes, qui regarde ces territoires de haut, et de loin.

C’est vrai qu’ils ont été malmenés, défigurés par l’omniprésence automobile, par une urbanité franchisée, standardisée, peu attentive aux identités locales, au paysage.

Et pourtant, si on partait de la réalité de ceux qui vivent ici, de leurs rêves, de leurs pratiques, sans jugement ni angélisme. Qu’est ce qu’on apprendrait?

En effet, trop longtemps, l’approche des espaces périurbains ne s’est pas donné les moyens de penser les enjeux d’une ville pourtant bien réelle. Le péri-urbain, objet à la fois sur-investi médiatiquement et

profondément méconnu dans ses réalités, a été réduit à une série d’images d’Épinal sur ses pratiques anti-urbaines, non-durables, consuméristes, individualistes.

En tant que forme d’urbanité libre, hétérogène, moins normée, c’est certainement un objet spatial difficile à aborder, fortement structuré par le fait local, et moins propice à une pensée systématique.

On y a projeté des modèles urbains présupposés vertueux, aboutissant souvent à des aménagements inadaptés voire hors sujet, répondant à une ville rêvée plus que réelle.

D’un côté, la promotion d’un centre de village idéalisé, de l’autre le désintérêt vis-à-vis des centralités potentielles ou déjà structurantes: les parkings des gares, centres commerciaux, stations-services, rond-points. Entre les deux, un grand vide.

Cela n’a pas de sens de faire l’apologie du péri-urbain en tant que tel tout comme il est limitatif d’en faire une condamnation définitive. Il s’agit seulement ici de faire un plaidoyer pour la reconnaissance d’un système dont les pratiques sont riches, libres, et les possibilités d’optimisation nombreuses, pour peu qu’on le regarde en face comme un modèle encore en émergence et qui doit inventer son propre langage.

GEOGRAPHIES SENTIMENTALES

CONTRIBUTION -ESSAI

La Ville des Trente Silencieuses

Article dans Géographies Sentimentales

Archibooks, 2012

Il n’y aura pas d’Autolib certainement. Une rocade peut-être pour certains mais dans combien de temps?

La crise, comme son nom l’indique, est toujours considérée comme l’épisode passager qui sépare deux états normaux de la société, autrement dit la prospérité. Mais si les Trente Glorieuses n’avaient été qu’un accident? Si l’état de crise était en réalité l’état durable de notre société?

Nous pouvons faire ce constat que la récession a profondément caractérisé les trente dernières années bien plus que ne l’a fait la croissance. En 2010, on estimait que plus d’un Français sur cinq avait ainsi connu un épisode de pauvreté lors des dix dernières années. La crise est un état qui ne caractérise pas seulement notre société au sens global, mais a investi les trajectoires individuelles, qu’elles soient familiales, sociales, de carrières...

Malgré ces différents bouleversements, nous constatons quotidiennement que la ville française se développe encore et toujours sur l’hypothèse d’une croissance généralisée. La récession économique, la massification du chômage, le délitement des structures sociales traditionnelles ou encore la multiplication des situations de marginalisation individuelles, aucun de ces phénomènes sociétaux majeurs n’a réellement ébranlé

la fabrique urbaine dans ses conceptions ni dans ses habitudes.

La ville actuelle ne se conçoit pas ni ne se matérialise en référence aux nouveaux enjeux de la dépendance, de l’exclusion, de la marginalisation. Elle continue à se produire sur des mécanismes et des raisonnements qui ont été pour la plupart mis en place lors des Trente Glorieuses. Elle continue pareillement à s’adresser à des individus prétendument maîtres de leur destin, connaissant des trajectoires sociales et professionnelles ascendantes et linéaires. Qu’importe donc que la société ait changé, comme l’individu, ses modes de vie et de consommation. La ville d’aujourd’hui repose encore et toujours sur le même mythe fondateur, celui de la croissance triomphante des années 1960.

Ce texte n’est pas une apologie de la crise ou de la décroissance, mais un plaidoyer pour une « pensée urbaine de la crise» envisageant une ville qui soit le reflet d’une société faite d’individus réels, aux parcours souvent chaotiques, et non le produit d’une fantasmagorie économique.

LES REZ-DE-CHAUSSÉES DE LA VILLE

LIVRE BLANC - CONTRIBUTION

Réaménager les rez-de-chaussée de la ville, Etude pour le Ministère de l’égalité des territoires et du logement, Editions le Moniteur, 2013

Vu d’avion, le downtown de Vancouver, hérissé de gratte-ciel concentrés sur une faible superficie, ressemble à n’importe quel autre centre urbain nord-américain. Tandis qu’aux États-Unis la plupart des centres-ville atteignent à peine un taux de 5% d’habitants, à Vancouver, ce taux s’élève à 20% et continue de croître. Vancouver est un symbole de cette tendance récente de l’aménagement visant à donner un souffle nouveau aux centres des villes, en y développant de véritables quartiers mixtes auparavant dominés par la voiture et les employés de bureaux et, surtout, déserts le soir venu.

À Vancouver, le modèle de la maison familiale périurbaine est remis en cause. Contre toute attente, nombre de familles avec enfants sont venues s’installer dans le centre. «Apparemment, Vancouver possède tout ce qu’une ville peut offrir de nos jours, à savoir un centre-ville vivant, sûr et attractif, densément habité, aux commerces florissants et accessibles à toute heure du jour et de la nuit, et ce tous les jours de la semaine» (Lance BereLowitz, Dream City, 2005.)

Vancouver a su réimaginer la rue et un système de rez-de-chaussée compatible avec le modèle du downtown nord-américain et de la densité verticale. Dans la ville de Burnaby (district régional de Vancouver), le projet UniverCity en est un exemple. Des maisons de ville et des commerces servent de podium à des immeubles plus hauts, qui intègrent différentes fonctions. Les tours s’élèvent sur des socles formés d’unités résidentielles de deux ou trois étages, placées en retrait d’alignement de 4 mètres, donnant aux passants l’impression de marcher dans une rue simplement bordée de maisons et de commerces. Il existe plus de mille de ces maisons, toutes édifiées depuis le milieu des années 1990.

En charge de l’urbanisme à la Ville de Vancouver, Larry Beasley explique ce renversement : «Après tout, les choix résidentiels sont toujours motivés par des préoccupations assez voisines. Tous les ménages recherchent à peu près les mêmes choses. Mais nous n’avions jamais envisagé, en Amérique du Nord, que des familles puissent vivre dans des zones de forte densité.»

SUD GIRONDE

PLAIDOYER TERRITORIAL

Nous sommes ancrés ici, dans cette terre d’ombre et de soleil, innervée par le vin, la résine des pins et la Garonne.

Nous habitons ici, animés par le goût d’être ensemble, dans les bons moments, et les plus difficiles. La terre nous a donné ses fruits, et les gens d’ici en ont fait des richesses incroyables. Des produits du terroir, des choses qui nous ressemblent, nous rassemblent. Qui parlent de notre goût pour la vie et le partage.

Elle nous a aussi donné des épreuves et des défis, souvent. Les inondations, les incendies. Elle nous en donnera encore. Ce pays y a toujours répondu par la solidarité, l’élan collectif. Etre là pour les autres, les aînés, les plus jeunes, les plus fragiles. C’est ce qui nous définit: être un terroir humain, une terre d’entraide, de sports collectifs, d’entreprises, prête à célébrer les bons moments de la vie, et à rester unis devant les autres.

Nous continuerons à écrire cette histoire, ensemble, celle d’un pays à la chaleur humaine où le raisin nous rapproche et la résine nous fait tenir ensemble.

Ce court plaidoyer a été écrit pour le compte de l‘agence de communication Bastille, en vue d’être adressé à tous les habitants du territoire du Sud Gironde.

COLLABORATIONS RECENTES

RATP, 51N4E, Base paysage, Bastille, Plan Comùn, Merci Alfred, ER AMP, Agence François Leclercq, Nantes métropole aménagement, Nancy Métropole, SOLOREM, DGALN, Sequens, ARCADIS, SHAA, Erasti, Belles images, France Habitation, Communauté d’agglomération du Val d’Orge, Point de rassemblement, COMUE Université de Montpellier, Edou de Buhren associés, Euroméditerranée, DREAL Franche Comté, DREAL Alsace, EPADESA, Atelier International du Grand Paris, salon d’art contemporain Approches

CHARLES DAUBAS

22 rue Bisson Paris 20e charlesdaubas@recitorii.fr

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.