Une histoire expérimentale de la Révolution : Bom Povo Português de Rui Simões (1980)1
Mickaël Robert-Gonçalves
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om Povo Português est le film emblématique de la révolution, celui sur lequel la littérature est sans doute la plus abondante au Portugal, et celui qui a peut-être été le plus montré à l’étranger. Film de synthèse, documentaire de montage dense et précis, l’œuvre du réalisateur Rui Simões est avant tout une construction poétique, croisant sons, voix off, musique, chants et images. Né le 20 mars 1944 à Lisbonne, Rui César de Oliveira Simões est un autodidacte ; il commence à travailler dès l’âge de treize ans dans divers emplois, jusqu’à devenir l’imprésario du groupe Les Sheiks, souvent surnommés les « Beatles portugais », au début des années 1960. En 1966, fuyant le service militaire et les guerres coloniales, il rejoint Paris puis Bruxelles en 1967. Sa conscience politique le pousse à suivre la ferveur des événements de 1968 qui envahit les différents pays qu’il traverse alors (France, Italie, Allemagne). En 1970, Rui Simões rejoint l’Institut des Arts de Diffusion où il suit les cours de réalisation, notamment sous l’égide d’intervenants tels que Henri Storck et Joris Ivens. Alors qu’il termine son cursus, surgit le 25 avril au Portugal. À trente ans, il rejoint dès le mois de mai son pays et observe, enthousiaste, l’effervescence révolutionnaire qui anime ses compatriotes. Dès le mois de juillet, une équipe se forme avec des amis rencontrés à l’étranger (Gérard Collet, Richard Verthé, Dominique Rolin) entre autres, et réalise le premier long-métrage de Rui Simões, Deus, Pátria, Autoridade, œuvre virulente et nécessaire qui revient sur l’histoire portugaise du xxe siècle, en écho au grand bouleversement d’Avril. Des suites de ce tournage, naît la coopérative Virver qui produit São Pedro da Cova, expérience de formation cinématographique réalisée avec des travailleurs-mineurs, puis, Bom Povo Português, œuvre du « deuil » selon Jorge Leitão Ramos : Rui Simões fut, certainement, le documentariste le plus engagé de la Révolution d’Avril, du pamphlet (Deus, Pátria, Autoridade) au deuil (Bom Povo Português).
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Cet article est tiré d’un chapitre de mon mémoire de Master 1 intitulé « Bon peuple portugais de Rui Simões (1980). Histoire et esthétique d’un film-révolution », réalisé sous la direction de Nicole Brenez et soutenu en 2010 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
<220> Confidential Report