DIMANCHE 05 JUILLET 2015
Le théâtre : un tremplin d’expression, de communication
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A ACTUALITÉS
e théâtre est tout sauf un art figé. C’est pourquoi d’Eschyle à Molière, de Shakespeare à Kafka ou Anouilh et les auteurs contemporains, il traverse les siècles, les générations et demeure un puissant vecteur d’expression, de communication. Il y transfigure nos émotions les plus diverses, épouse des genres multiples, est un miroir, une école fortement représentative, tangible de la vie. En captivant une audience attentive, réceptive, tenue en haleine qui s’unit corps et âme à ce mode d’expression à caractère intemporel, universel, éternel, il peut être divertissant et didactique. Par ailleurs, il reflète, interprète très souvent dans son sens le plus large la condition humaine.
Un art universel
Son impact est colossal, aide à la construction d’une personnalité, à étoffer le registre des comédiens en herbe ou aguerris. Le théâtre parvient également à faire évoluer les mentalités ne serait-ce, sans qu’on y prenne garde, à nous faire rire de nos travers. Il serait fastidieux de relater tout ce que l’humanité est redevable envers le théâtre. Néanmoins, il est indéniable que cet art vivant, riche et intense est le père fondateur de toutes manifestations scéniques d’envergure. Des antiques représentations grecques aux origines sacrées, rituelles, religieuses et festives précédant les amphithéâtres romains aux pantomimes, mimes, ombres chinoises, marionnettes africaines en passant par le cinéma, le Slam ou tout autre manifestation, représentation culturelle et littéraire, ses multiples ramifications et contributions sont tout simplement édifiantes. Ce merveilleux héritage qui resserre et coordonne les liens hélas pas toujours étroits de l’humanité trouve toute sa place en notre terroir. Même si l’on a cru à un certain moment qu’il était menacé, en voie de disparition surtout au vu des nouvelles données technologiques modernes, tel n’est pourtant pas le cas. Au contraire, malgré les défis, il persiste et signe, reste debout envers et contre tout. Notre île qui abrite un des plus anciens théâtres à l’italienne dans l’hémisphère Sud doit aussi une fière chandelle à plusieurs acteurs et instances qui tiennent haut le flambeau de cette formidable tradition. Celle-ci enrichie d’une veine locale sans cesse réinventée, activement déployée nous gratifie de fortes et positives prestations. D’Henri Favory à Dev Virahsawmy en passant par Komiko, Theatralis, Gaston Valayden et autres Rowin Naraidoo, l’Atelier Pierre Poivre ou encore Lindsay Mootien pour ne citer que ceux-là, des orientations et un cadre régénérateurs, dynamiques sont véhiculés en ce domaine ; à tel point que valeur du jour le cursus scolaire dès la « maternelle » inclut parfois et de plus en plus certaines facettes de cet art à forte portée pédagogique. Dans ce contexte, nous avons tenu à faire un petit tour d’horizon en conviant deux jeunes, Julien Pierre et Timmy Young, à relater leur magnifique et prometteur parcours. Bourrés de talent malgré les doutes, appréhensions de départ, le trac qu’ils arrivent maintenant à maîtriser, on sent dès l’abord l’effet transcendant, presque magique qu’exerce le théâ-
tre sur eux. Du reste, ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin et veulent poursuivre dans cette voie. Tout à fait dans l’air du temps, connectés à Facebook et ayant des préoccupations propres aux jeunes d’aujourd’hui, nos deux interlocuteurs ne donnent aucune indication de vivre en déphasage avec la société actuelle. C’est même un plus, une essence vitale pour eux d’être incorporé au monde vivant et passionnant du théâtre. Timmy Young et Julien Pierre sont initiés en premier lieu de façon sporadique à ce monde fascinant avant que le chemin ne s’ouvre et qu’ils s’engagent à fond. Concernant le premier-nommé, il a un bref aperçu de cet univers en « maternelle » alors que pour Julien Pierre c’est au cycle primaire de l’institution Saint-Nicolas qu’il découvre des classes de théâtre et d’improvisation. Cela l’aidera à sortir de lui-même d’autant plus qu’il est d’un naturel timide et introverti.
Parcours graduel
Malheureusement, pour les deux le domaine théâtral s’éclipsera pendant un long moment avant qu’ils n’y renouent avec. Quoiqu’il en soit, Julien peaufine sa fibre artistique à l’adolescence puisque féru de « Jam sessions », de musique autant que
de peinture. Il montre également un engouement qui va croissant pour le Slam. A l’âge de quinze ans le Rosehillien embrasse à nouveau l’univers théâtral mais les choses s’enchaînent vraiment vers la fin de son parcours scolaire au collège St. Andrews. Julien s’intéresse parallèlement au Slam et profite de chaque plate-forme et occasion qui lui sont offertes telles celles proposées par l’Alliance Française ou encore celles de l’IFM. Bénéficiant de l’aide de deux mentors et pas des moindres, Jamel Colin et Stéphane Hart de Keating, et malgré des débuts difficiles car parfois remis en question sur ces textes par les deux précités, il parvient à décrocher le premier prix au niveau individuel du tournoi interscolaire de Slam de l’île Maurice et des îles Mascareignes. Toujours alors qu’il est étudiant au St. Andrews et sous la férule de Frédéric Edouard, il joue également dans « Mona Lisa » et interprète Leonard de Vinci pour le « Drama Festival ». Côtoyant des acteurs ayant plus d’expérience voire de notoriété et réalisant qu’il n’avait pas à rougir de la comparaison, cela lui sert de déclic. Quant à Timmy Young, passionné de séries de fiction et de football, il sera entraîné par ce dernier au Théâtre Serge Constantin et au CCEF de Curepipe pour les représentations de «
Le Malade Imaginaire » de Molière. Il saisit cette opportunité car l’Atelier Pierre Poivre a toujours un souci permanent d’injecter du sang neuf en sus de tabler sur l’expérience de comédiens rompus à l’exercice des planches. Ceci aide considérablement à redonner confiance aux nouvelles recrues. Elles parviennent ainsi généralement à donner le meilleur d’elles-mêmes. Interprétant pour la première fois un rôle dramatique en incarnant Thomas Diafoirus, un personnage drôle, presqu’hilarant, Timmy arrive graduellement à surmonter son trac fou du départ pour fouler à nouveau les planches et rééditer d’autres prestations. Son jeu de scène remarquable, ses dispositions vraisemblablement innées ont surpris plus d’un. Il en a même contracté le virus car à ses dires il n’y a pas plus belle formule ou requête que de pouvoir accéder à ce qu’il considère comme le travail parfait, rêvé. Rappelons que cet étudiant en Form IV souhaite poursuivre après ses études secondaires une formation en « Performing Arts », cet espace et cette opportunité n’existant malheureusement pas encore à l’île Maurice. Nos deux interlocuteurs sont unanimes à faire ressortir que le développement, l’épanouissement de l’enfant même en bas-âge est
assuré par l’initiation théâtrale. Cependant, il ne faut pas non plus surcharger ces derniers dont l’intérêt et la concentration fluctuent. Par ailleurs, Julien Pierre a fait d’une passion sa voie dans la vie puisqu’il est actuellement professeur de théâtre. Après avoir fait ses premières armes à l’Atelier Pierre Poivre, il tombe un peu au hasard à travers l’internet sur l’annonce d’une embauche comme éventuel professeur de théâtre par l’académie Sud-africaine Helen O’Grady qui est disséminée à travers le monde. Il fonce, suit la formation que celle-ci dispense dans la foulée et est finalement engagé. Quant à Timmy, bien que plus jeune, il est animé de la même fougue et détermination pour vivre sa passion. Cet accro de « Vampire Diaries » ou encore « The Originals » qui signe également des vidéo gags sur You Tube ne veut pas abandonner son rêve et souhaite embrasser une carrière professionnelle en tant qu’acteur. Leur mot de la fin à tous deux est de dire aux gens, aux jeunes surtout, de délaisser certains préjugés, des idées parfois préconçues et de se lancer à fond dans la formation théâtrale. Cet art loin d’être désuet, dépassé est au contraire revitalisant, dynamique… enrichissant à plus d’un titre. n
FRANCOIS RAYNAL