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Dimanche 01 mars 2015

ortrait

le journal du dimanche

Avinash Jerhul, Track Rider, ou l’histoire d’une passion

L

a passion que voue Avinash Jerhul pour les chevaux date de sa prime enfance. Tout ce qui a trait à l’univers équestre, les courses hippiques prestigieuses, la diffusion d’épreuves de sauts d’obstacle, les moindres reportages sur le sujet l’ont toujours fasciné. Cette même passion qui imprègne tout son être et fait illuminer ses yeux lorsqu’il évoque le monde des chevaux ou celui de ‘ track rider’ est devenue le fil conducteur de sa vie. Son HSC terminé et malgré une légère réticence des proches au départ, ces derniers préférant le voir opter pour une filière universitaire, il décide de suivre sa voie. Celle-ci malgré le fait qu’il faut se battre pour se frayer un chemin est moins rébarbatif à ses yeux que la routine et le cadre restreint bureaucratiques. Aller au bout de ses rêves Celui qui affectionne les animaux et en particulier les chevaux s’est tout naturellement initié à l’équitation une fois ses études secondaires terminées. Avinash met d’abord le cap sur le ‘Domaine les Pailles’ où il s’essaie au saut d’obstacles. Il n’est pas encore engagé à plein temps dans ce domaine. Notre interlocuteur est alors au stade embryonnaire d’un passe-temps et d’une formation de base. Il bénéficie lors de son passage des instructions utiles et de techniques enseignées par Pravin Nagadoo. Mais peu à peu il franchit le pas et intègre le circuit. Cela fait aujourd’hui trois ans et demi qu’il pilote des chevaux lors des sessions d’entraînement en tant que ‘track rider’. Faisons ressortir que le ‘ track rider’ est la première étape conduisant au statut d’apprenti-jockey. Vient ensuite la phase ultime d’être jockey. L’apprenti-jockey peut prendre part aux courses et son niveau est comparable à celui d’un semi-professionnel. Quant au ‘track rider’, il a la possibilité de monter et entraîner des chevaux qui seront de futurs gagnants de courses hippiques. Il donne également un

genre de ’feed-back’ à l’entraîneur concernant ses observations. Assez souvent des conseils judicieux sont donnés par le ‘track rider’ à ce dernier comme pour l’option à suivre relativement aux équipements. De ce fait, de par son statut, cela lui arrive de remarquer qu’un cheval qui a la fâcheuse tendance à balancer sa langue. Ceci gênant sa respiration, il est alors approprié de lui attacher et retenir la langue. En cas de ronflement, le ‘drop nosebend’ est de mise. De concert avec l’entraîneur d’importantes décisions sont prises pour l’utilisation d’œillères et d’autres dispositions pour certains chevaux. Du lundi au samedi, notre interlocuteur parcourt inlassablement les pistes de Floréal des six heures du matin. Hormis les mises en jambe, le trot, les galops, il est pour le reste de la journée affecté aux écuries pour s’occuper des chevaux. Ayant pour modèles Christophe Lemaire et Rai Joorawon, le Beaubassinois a jusqu’ici une préférence pour un cheval qu’il a eu maintes fois l’occasion de monter. Il s’agit du brillant et racé « Sylvester ». Ce qu’il admire chez lui c’est son côté doux et une certaine osmose s’est rapidement

établie dans leur relation. Celui qui a le privilège de côtoyer quotidiennement les chevaux précise que comme chez les humains, il y en a de difficiles, de têtes brûlées et d’autres plus maniables. Or, il est capital d’éduquer voire de dompter un cheval car au cas échéant c’est lui qui dicte sa loi et peut s’avérer être un danger pour le cavalier. L’objectif du cavalier : faire un avec le cheval Tout cavalier a un impératif : être attentif et réceptif aux moindres réactions de sa monture. Si un cheval ressent la peur du jockey ou que quelque chose l’agace, il risque fort bien d’en pâtir. Il s’agit très souvent de le mettre en confiance, le caresser et à d’autres instants être plus ferme avec lui. Même si le palefrenier est plus proche du cheval, les réactions de celui-ci sur la piste sont souvent enregistrées plus clairement par le ‘track rider’ et les jockeys. En conséquence, ces derniers peuvent détecter s’il n’est pas bien et en aviser le vétérinaire au même titre que l’entraîneur. Par ailleurs comme susmentionné, il est important de faire corps et un avec le cheval. Il en découle que celui-ci est alors sous contrôle car bien dirigé par le cavalier et galvanisé par un facteur de confiance. Avinash est souvent comme sur un petit nuage et a presque la sensation de voler tout en étant sur le cheval. Le bruit du vent est quelque peu grisant et il entend distinctement la respiration de l’animal qu’il pilote. C’est une grosse poussée d’adrénaline qu’il intériorise alors mais en même temps il demeure concentré et vigilant.

En effet, tout cavalier doit faire attention à ceux qui l’entourent autant qu’à lui-même. Un cheval surtout s’il est nerveux peut renverser celui qui le mène. Personne, ni même le plus chevronné des jockeys, n’est à l’abri d’une chute. Quoique cela soit rare, le risque est là de se blesser, finir invalide si ce n’est connaître une issue fatale. Notre vis-à-vis s’est en une occasion fracturé la main suite à une chute. Plâtré pendant trois semaines, il a dû attendre trois semaines supplémentaires incluant la rééducation, avant de pouvoir reprendre du service. Ce dernier nous livre néanmoins son sentiment d’en être sorti grandi car désormais il maîtrise davantage cette peur. La sensation désagréable expérimentée par tout jockey devant l’éventualité d’une chute et la perte de contrôle contraste donc nettement avec celle plus stimulante et gratifiante relatée plus haut. Ceci dit, cela fait partie des risques et aléas du métier dont nul n’en échappe. Aux dires d’Avinash, l’univers équestre est loin d’être un monde de tout repos. Déjà le matin sur la piste, il faut se battre pour obtenir les chevaux. Qu’importe, il est prêt à en payer le prix car même si la compétition est féroce, la satisfaction qu’il en retire est incommensurable et l’aide à aller de l’avant. Profession hors du commun « Qui ne tente rien, n’a rien », nous dit-il, un tantinet philosophe et on sent toute sa ténacité et détermination dans ses propos. Réaliste cependant, il conseille aux jeunes qui veulent s’embarquer

dans l’aventure de réfléchir à deux fois. Les entraîneurs en effet privilégient les vétérans, les ‘track riders’ et les jockeys qui ont de l’expérience. Les chevaux coûtant des millions, l’investissement étant conséquent, ceux-là veulent minimiser les risques. En outre, il n’y a pas d’académie propre à l’île Maurice concernant la formation et l’encadrement de futurs jockeys. En somme, les issues s’amenuisent et les portes de sorties risquent d’être coûteuses car impliquant soit un déplacement et des frais en Malaisie ou alors un pays européen comme la France et l’Angleterre. Pour revenir à Avinash, envers et contre tout il n’en démord pas et compte de toute son âme, de toutes ses forces poursuivre son chemin et son étoile. Son credo peut se résumer à ses derniers mots alors qu’on prenait congé de lui : « Si on a envie de quelque chose, on peut y arriver. » Ce jeune homme dynamique qui sait ce dont il a envie a aussi les pieds fermement sur terre. Il est conscient qu’il lui reste encore beaucoup de chemin à faire et de ficelles du métier à acquérir. Dans ce contexte, il est profondément reconnaissant envers son entraîneur Ramapatee Gujadhur qui croit en lui et l’aide à progresser. Néanmoins, cette passion qui l’anime est une vraie étincelle pouvant, n’en doutons pas, le mener à bon port. En effet Avinash a tout fait pour enclencher les prémices d’une ascension vers les sommets de son art, les joies et exploits malgré ses difficultés d’une profession hors du commun. n

FRANCOIS RAYNAL


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