Petits pays renouvelables

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Petits pays renouvelables Raphaël Ménard

Pour une décentralisation du « net zéro », pour une relocalisation des bassins versants écologiques, pour une politique publique ambitieuse à destination des faibles densités.

Zones agricoles, aires périurbaines, friches industrielles, massifs forestiers… Quels destins post-carbone pour les territoires les moins peuplés ? À l'heure des choix de société, les enjeux territoriaux et urbains doivent être au cœur du débat public. Cet article détaille la nécessité de flécher des investissements vers ces territoires1, par des mécanismes redistributifs qui intègreraient les atouts et contraintes des spécificités locales. Comme nous allons le voir, et au-delà de leurs vocations agricoles, logistiques et productives, ces pays – au sens des régions naturelles – sont nos « bassins versants écologiques », d’énergie, de matériaux, comme nos indispensables puits carbone pour crédibiliser une trajectoire nationale à 1,5°C. Les enjeux d’adaptation au changement climatique sont aussi extrêmement importants, mais ce texte choisit déjà d’illustrer les effets bénéfiques, à la fois socialement, économiquement et environnementalement, d’une relocalisation des stratégies d’atténuation et de production.

C’était l’hypothèse émise dans un article de 2011, révision critique de la relation entre densité urbaine et énergie, MÉNARD Raphaël, « Dense Cities in 2050: The Energy Option?, Summer Study Proceedings », ECEEE, 2011.

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Brève histoire des bassins versants écologiques Avant le XIXe siècle et l’impasse de l’ère thermo-industrielle, les territoires de faible densité étaient généralement autonomes vis-à-vis des principaux flux nécessaires aux activités humaines : alimentation, énergie, matériaux, eau… Le métabolisme était local et fortement circulaire. Pour l’énergie, les flux étaient renouvelables, principalement issus de la biomasse, avec parfois les apports de l’éolien et de l’hydraulique (moulins à vent ou à eau). Souvent excédentaires en production par rapport à leurs besoins propres (énergie, alimentation, matières organiques, etc.), ces pays constituaient les corolles d'abondance des villes et approvisionnaient bourgs et centres urbains2. Avant les révolutions industrielles, avant la naissance de l'ère extractiviste (hydrocarbures et minerais), avant la mondialisation des stocks, ces régions étaient autant de « pays renouvelables », au sens de leur capacité à équilibrer besoins et productions. Aujourd’hui, il nous faut retrouver ce chemin : faire décroître la pression écologique des zones denses et, en parallèle, renforcer le potentiel de ces bassins versants en articulant leurs proximités et en renforçant leurs symbioses. C’est la clé pour recomposer le puzzle cohérent d’un atterrissage planétaire, la convergence entre la décroissance de la demande de ressources fossiles et l’augmentation d’une offre renouvelable et circulaire.

Les zones peu denses, nouveau défi politique Préalable pour crédibiliser tout projet collectif : les habitants des zones peu denses réclament de l’attention3, attendent d'être repositionnés au cœur du pacte social. Un nouveau récit est à construire, de nouvelles fiertés à inventer, mettant fin à une réalité de déclassement social4, parfois associé à un imaginaire de « France moche5». Zones égarées dans la « diagonale du vide », franges périurbaines isolées, la réparation du monde, la sortie de l’anthropocène passera par la reconfiguration de ces pays, plutôt que par les grands centres urbains, incapables physiquement d’être autonomes. Plus que de smart cities, les projets politiques doivent se concentrer sur les bourgs, les hameaux et les zones pavillonnaires : ils sont des leviers formidables

2 Voir en particulier le passionnant article retraçant l’histoire de l’approvisionnement énergétique de Paris. BARLES Sabine, KIM Eunhye « The energy consumption of Paris and its supply areas from 18th century to present », Regional Environmental Change, juin 2012, pp. 295-310. 3 La crise des Gilets jaunes en est pour partie une illustration. 4 Rêve pavillonnaire, les dessous d’un modèle, film documentaire de Myriam Elhadad, 2019. 5 Effacer l'historique, film de Gustave Kervern et Benoît Delépine, 2020.

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pour les transitions, des lieux offrant davantage de libertés d’expérimentations6 et méritant une nouvelle ambition esthétique. Il nous appartient de redécouvrir et de révéler leur potentiel pour nourrir les zones denses : au sens alimentaire évidemment, mais aussi de tous les intrants (eau, matière, énergie...), comme de la soutenabilité des exutoires (réabsorption du CO2, traitement des eaux et des matières utilisées, etc.). Ces territoires réclament des investissements sans doute plus importants que les zones denses afin de les transformer en géographies renouvelables et connectées, en paysages réinventés et débarrassés des dépendances extractivistes. Sur la thématique de l’énergie, il faut préparer une esthétique des renouvelables7, anticiper le « surgissement » de ces nouvelles infrastructures énergétiques8 et dépasser les polémiques sur le patrimoine et leurs impacts paysagers. Nos campagnes et nos franges sont à redessiner. Sans prétention d'exhaustivité, retenons que le mode d’occupation des sols est un enjeu considérable pour l'alimentation (A), l'autonomie énergétique (E) et la neutralité carbone (C). Il y a quelques années, une publicité, vantant les mérites d’un monospace déclamait : « Et si le luxe, c’était l’espace ? ». Cela n’a jamais été aussi vrai et cette course à la prédation spatiale s’enclenche dans les espaces agricoles et sylvicoles (à l’échelle étatique par la Chine, par exemple, ou par les tycoons du capitalisme comme Bill Gates). En organisant ces biorégions9, c'est une myriade d'atterrissages locaux, avec des relocalisations d’emploi à la clé, plutôt qu’un grand soir (illusoire) de la compensation par un projet de reforestation en Amazonie10.

Métrique simplifiée de l’atterrissage écologique : l’exemple fictif d’Hopkins Pour illustrer cet emboîtement d'échelles, matriochkas géographiques du local au global (en passant par le dessein national), nous suivrons une partie de l'empreinte écologique d'un territoire de taille modeste (quelques dizaines de km²) et modérément

Qu’est-ce qu’on attend ?, documentaire de Marie-Monique Robin, 2016. MÉNARD Raphaël., « Post-Combustion », dans La Beauté d’une ville. Controverses esthétiques et transition écologique à Paris, Wildproject et Pavillon de l’Arsenal, juin 2021, pp. 534-545. 8 14 000 à 35 000 mats pour l’éolien terrestre et 0,1 à 0,3% du territoire pour le photovoltaïque, fourchette selon les différents scénarios. Source : rapport du RTE « Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à l’étude permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 », 2021. 9 KIRKPATRICK Sale, L'art d'habiter la terre : la vision biorégionale, Wildproject, 2020. 10 Et encore moins du fait d’hypothétiques technologies de captation de gaz à effet de serre. 6 7

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peuplé (quelques milliers d’habitants). Cette aire communale fictive s'appelle Hopkins, clin d’œil à l'auteur du manuel de transition11. Hopkins sera notre territoire-cobaye, nous y associerons quelques ordres de grandeur physiques pour quantifier ce changement de régime écologique, à savoir l'équilibre entre besoins et productions, la convergence entre les besoins du métabolisme local et les emprises spatiales nécessaires. Hopkins n'est pas située géographiquement et pourrait être représentative de nombreuses situations nationales12, sinon européennes, voire mondiales. Cette aire communale s'étend sur 25 km², soit l’équivalent d’un disque dont le diamètre serait à peine supérieur à 5 kilomètres. Son bassin de vie, composé de son centre et des bourgs connexes, s'étend sur 5 km², composant l'essentiel de son tissu bâti et de ses réseaux. Les 20 km², soit la différence entre l’aire communale et le bassin de vie, constituent son arrière-pays : essentiellement des terrains agricoles, des massifs forestiers, avec ça et là, quelques constructions à usage agricole ou industrielle et quelques réseaux (routes, chemins, infrastructures d’énergies et de communication). Sa population est de 5 000 habitants et sa densité moyenne sur son bassin de vie est donc de 10 habitants par hectare13. Répartie à la taille des 25 km², la densité moyenne chute à 2 habitants par hectare, soit à peu près une densité double de la France métropolitaine14, mais deux fois moindre que celle de la Belgique, par exemple. Autrement dit, chaque habitant est associé à une emprise foncière équivalente à un demi-hectare : ce chiffre sera notre référence. À Hopkins, nous allons analyser les surfaces nécessaires pour assurer les besoins fondamentaux de ses habitants par des productions locales et par des flux renouvelables. Les ratios et les valeurs correspondent à des ordres de grandeur typiques15 pour les besoins suivants : alimentation (A), énergie (E) et absorption du carbone16 (C).

HOPKINS Rob, Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Montréal, Écosociété, 2010. 12 En France, la très grande majorité des plus de 35 000 communes possèdent moins de 5 000 habitants. 13 En effet, 5 000 habitants pour 5 km². 14 125 habitants par km² en France métropolitaine, soit 1,25 habitant par hectare tandis que la densité moyenne de la Belgique est de 370 habitants par km², soit 3,7 habitants par ha. 15 Références : scénario Afterres2050, données pour le climat I4CE. 16 Et enfin, pour produire suffisamment de matière, dans l'hypothèse de subvenir aux besoins de matériaux pour transformer et édifier (M). 11

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Dynamique des bassins versants écologiques d’Hopkins, insérée dans son territoire et dans la proximité des autres villes et villages. Au fur et à mesure de la transition, les bassins versants ne se superposent plus et deviennent, à terme, excédentaires.

Hopkins maintenant À cette heure, la transformation écologique est à peine en marche et Hopkins reste largement dépendante d’intrants extérieurs. Avant transition, pour l'alimentation (A), le régime moyen est fortement carné ; l'empreinte nécessaire pour subvenir aux besoins est de l'ordre de 0,4 ha de surface agraire par habitant (80 % du demihectare). Évidemment, une grande partie de la surface dévolue à la production alimentaire est associée aux pâturages et aux productions agricoles nécessaires à l’élevage17. Avant transition, pour l’énergie (E), le flux typique est de 6 000 W par habitant18 et une bonne partie de cette consommation19 correspond au bâti et à la voiture. Pour composer un bouquet de productions renouvelables équilibrant cette consommation, la surface nécessaire serait d'environ20 0,3 ha par habitant (soit 60 %

Bovins, ovins, porcins et dans une moindre mesure, volailles. Soit l’équivalent d'une consommation annuelle d'énergie primaire de l'ordre de 50 000 kWh par personne, valeur cohérente avec le récent rapport de l’association Negawatt, bilan énergie France 2019, 2 957 TWh de sources primaires utilisées à l’échelle nationale. 19 Et sans prise en compte, à ce stade, des surfaces nécessaires et du coût environnemental de la flexibilité pour gérer l’adéquation offre renouvelable – demande, autrement dit, stockage des différents vecteurs intermédiaires d’énergies renouvelables : batteries électrochimiques, hydrogène, biogaz, stockage de chaleur, etc. 20 Références : David Mac Kay, flux moyen de l’ordre de 2 watts par m². 17 18

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des 0,5 ha). Cette surface pourrait pour partie se mutualiser avec le foncier dédié à la production alimentaire : panneaux solaires sur les hangars agricoles, agrivoltaïsme sur les cultures, éoliennes dans les champs, biométhane issu de la production agricole et de la valorisation des déchets organiques, etc. Enfin, pour assurer localement la neutralité carbone (C), l'équilibre est plus ardu encore. Avec une empreinte de près de 12 tonnes de CO2 par an (ce qui correspond à peu près à la moyenne nationale), l’habitant réclame près de 3 ha de forêt21 (soit 600 % des 0,5 ha) pour compenser ses émissions de gaz à effet de serre et assurer son zéro émission nette22. À ce stade donc, pour cet instantané d’un monde enchâssé dans l’anthropocène, la surface nécessaire par habitant (A + E + C) serait donc de 3,4 ha23. À l'échelle de l'ensemble des habitants d'Hopkins, la concaténation des bassins versants alimentaires, énergétiques et carbone concourt alors à une surface minimale de 220 km². Sur son territoire communal, Hopkins réclamerait donc 200 km² de surfaces complémentaires afin d'assurer l'autonomie « AEC » de ses habitants. Deux options : soit Hopkins « inféode » d'autres territoires (mais il y aura alors risque de concurrence et d'incompatibilité écologique globale, ce que nous verrons ensuite), soit les habitants entament une transition collective. Nous le voyons déjà avec cette situation, la densité modérée d'Hopkins nous autorise à espérer la convergence, future pièce d'un puzzle de pays renouvelables, maille de nouvelles biorégions.

Hopkins en transition Hopkins s’engage, et en quelques années24, une grande majorité des habitants ont fait évoluer le régime alimentaire avec moins de viande (et au grand bénéfice de leur santé, de leur porte-monnaie, comme de la biodiversité des terres). Ainsi,

En effet, un hectare de forêt durablement exploité absorbe et séquestre l'équivalent de 3 à 5 tonnes de CO2 par an. Source : Elioth, Quattrolibri, Mana, Egis Conseil, « Paris change d’ère. Vers la neutralité carbone en 2050 », 2017, p.106. 22 À ce compte-là, le résultat matière de cette captation du carbone atmosphérique conduirait à la production annuelle de près de 10 m3 de bois par habitant, autrement dit, de quoi construire près de 30 m² annuellement pour chaque résident. C'est bien trop, au moins d’un ordre de grandeur, et Hopkins est excédentaire en production de bois du fait de l'injonction de neutralité carbone. L'objectif de compensation carbone par la séquestration ligneuse conduit à un excédent de production de bois (et qu’il s'agit de ne pas brûler à des fins énergétiques sans quoi le CO2 serait réémis). 23 Si l'on part du principe que la production renouvelable serait installée sur le 0,4 ha dédié à la production alimentaire. Nous pourrions aussi appliquer les principes d'agroforesterie et cela permettrait éventuellement de réduire un peu l'emprise globale. 24 Nous ne détaillerons pas ici le plan exact pour y parvenir. 21

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l'emprise alimentaire (A) est passée de 0,4 à 0,2 ha par habitant. Concernant l'énergie (E), la transition est en route : moins de mobilités carbonées (démobilité, covoiturage, essor des mobilités actives, légères, électriques, réveil des petits lignes ferroviaires, etc.), rénovation thermique du bâti : la demande est passée de 6 000 à 4 000 W par habitant, avec une forte décarbonation du mix. Côté carbone, ces évolutions énergétiques et alimentaires, couplées également à la consommation responsable et à l’intégration d’une monnaie carbone, conduisent à une empreinte moyenne largement diminuée, passée à 6 tonnes de CO2 annuelles par habitant. La relocalisation des emplois au cœur des bourgs s’est enclenchée, une partie des zones d’activité ont été désertées, déconstruites, puis désartificialisées. Un renouveau paysager est en marche et cette dynamique catalyse l’adhésion à la transformation et à la réparation du cadre de vie. Pendant cette période, la surface nécessaire, la somme des bassins versants, est passée à 110 km². Hopkins réclame toujours 90 km² supplémentaires et elle reste dépendante de façon structurelle d’autres territoires pour assurer les besoins analysés ici : alimentation, énergie et carbone.

Hopkins post-carbone, petit pays renouvelable (bien avant 2050) À terme, une fois la transition achevée, la somme des bassins versants s’est réduite pour passer à 25 km². Cet atterrissage a pu se produire avec à la fois une évolution des modes de vie (0,1 ha ; ~2000 W25 ; ~2t CO2) et une évolution du cadre de vie et du paysage : occupation des sols (sylviculture, agroforesterie, intégration des énergies renouvelables, transformation du bâti et des mobilités). Toutefois, Hopkins reste en léger déficit spatial puisqu’il lui manque 5 km² pour assurer son autonomie. Sa densité moyenne de 2 habitants par hectare est en effet « sur le fil ». Une option pourrait consister à organiser une légère migration vers d’autres territoires plus équilibrés ; l’autre consiste à ce qu'Hopkins compense par des échanges auprès d'autres bassins. À l'échelle nationale, avec une densité moyenne d'environ un habitant par hectare, il y a nécessairement des territoires moins denses qu'Hopkins, et donc excédentaires écologiquement. En tout cas, cet exemple illustre la nécessité d'analyser la cohérence aux différentes échelles (administratives mais aussi naturelles) et de limiter la superposition des bassins versants de chaque bassin de vie. Il nous appartient surtout de réinventer une solidarité des petits pays renouvelables, un maillage d’interdépendances vertueuses.

Valeur cohérente avec le récent scénario Négawatt et la cible de 1 065 TWh annuels en 2050 à l’échelle nationale en énergie primaire.

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Ces petits pays sont la clé du changement, en réveillant les capacités d’offre des zones peu denses, pour consolider in fine les capacités nationales, puis continentales de convergence écologique : la réinvention d’un « régime permanent » après la parenthèse fugace de l’ère extractiviste. Ces pays renouvelables installent une fierté nouvelle, celle de balance écologique positive au bénéfice de tous, et particulièrement les métropoles, intrinsèquement déficitaires. Ce dessein réclame partages et appropriations, mais également des aides spécifiques afin de le crédibiliser et de mettre le pied à l’étrier pour ses territoires et leurs habitants.

Proposition 1 Spatialiser les aides à la transition En zones peu denses, la dépendance à l’automobile (et la consommation de carburant qui va avec) va souvent de pair avec des tissus résidentiels étalés, moins compacts, et donc plus énergivores26. La conjugaison de ces caractéristiques inhérentes à la basse densité augmente de façon importante le budget énergétique des ménages et grève leurs émissions de CO2. Le cumul des charges du carburant des mobilités individuelles et du chauffage pour un logement peut aisément atteindre 4 000 euros par an et par ménage27 et facilement représenter une douzaine de tonnes de CO2. Cette part du budget carbone est déjà incompatible avec une trajectoire à 1,5°C. Pour un double objectif donc, de transformation écologique comme de cohésion sociale, des mécanismes d’aides spécifiques permettraient de renforcer de façon simultanée l’efficacité énergétique du bâti, les transitions pour les mobilités, comme la reconfiguration des sols (dont la désartificialisation). Des crédits d’impôts augmentés vers la rénovation énergétique des existants, des incitations « bonussées » pour l’intégration d’énergies renouvelables, des primes à la casse ou de « retrofit électrique » spécifiques vers des solutions de mobilité très peu émettrices (véhicules électriques légers ou à très faible consommation28, neuf ou d’occasion).

Toutes choses étant par ailleurs égales. 15 000 km par an avec une voiture thermique et une maison de 100 m² chauffée au fioul et mal isolée. Source : MÉNARD Raphaël, « Énergie, Matière, Architecture », doctorat d’architecture par VAE, 2018, p. 424. 28 En effet, pour quelle raison un habitant de métropole bénéficie-t-il de la même aide à l'achat pour un véhicule électrique ? Alors qu'il bénéficie d'un maillage beaucoup plus important d'alternatives de mobilités par les réseaux de transports en commun notamment. 26 27

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Ce fléchage serait évalué lors de la déclaration fiscale, en intégrant une classification selon la situation géographique du domicile principal29. Le croisement entre la situation de revenus du ménage (et pourquoi pas aussi pour les entreprises) et cette taxonomie donnerait lieu à des mécanismes de bonus-malus et/ou de crédit d’impôt. Avec ce dispositif, les dépenses énergétiques pourraient alors être divisées par cinq et les émissions de gaz à effet de serre au moins d’autant30. Ces mesures seraient associées à l'arrêt de toute artificialisation. Une politique incitative à la désartificialisation des sols pourraient parallèlement être prévue (prime au m² renaturé). Ces aides permettraient de renforcer la capacité de séquestration de ces petits pays renouvelables, d’engager de nouvelles dynamiques locales et les bassins d’emploi associés.

Proposition 2 Cartographier le métabolisme des territoires Cette attention suppose des outils de planification ad hoc, le suivi à l’échelle cadastrale des densités d’émission (+) et densités de séquestration carbone (-). L'estimation de la densité d’émissions pour les ménages et les entreprises serait basée sur la collecte des informations de la déclaration fiscale comprenant quelques valeurs supplémentaires à renseigner (dépenses et nature des achats annuels d’énergie pour le bâti et pour la mobilité notamment). Associée au mode d’occupation des sols, cette cartographie locale permettrait de suivre les capacités de production en termes de biomasse, de production énergétique, comme en capacité de puits carbone. Ce cadastre « EMC2B31 » serait accessible à tous et permettrait de suivre à toute échelle les dynamiques spatio-temporelles de notre changement de régime écologique. Plus largement, cette documentation nationale consoliderait la trajectoire de la France, futur (petit) pays (re)devenu renouvelable, illustrant une méthode déclinable à bien d’autres ! Raphaël Ménard, décembre 2021

Un dispositif similaire pourrait aussi être dévolu à la fiscalité des entreprises (par exemple, poids des charges de mobilité pour une entreprise d’artisanat dans le milieu rural, comme pour les agriculteurs et le matériel agricole thermique). 30 700 euros par an de dépenses contre 4 000 auparavant le passage de 12 tonnes de CO2 par an à moins d’une tonne, suite à la rénovation thermique de l’habitat et la transition mobilitaire. Source : MÉNARD Raphaël, « Énergie, Matière, Architecture », doctorat d’architecture par VAE, 2018, p. 424. 31 Clin d’œil à la démarche développée par AREP, « EMC2B » pour Énergie, Matière, Carbone, Climat et Biodiversité. 29

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GEOGRAPHIES

4 LA CARTE

CONCURRENCE DES SOLS ET CONVERGENCE ECOLOGIQUE

DE LA

TRANSITION ECOLOGIQUE

nts bita il ha Sm 000 10

kins Hop 0 ha 5 00

BASSINS VERSANTS POUR L'AUTOSUFFISANCE ALIMENTAIRE, ENERGETIQUE ET CARBONE

nt bita

s

bi ta Kay 0 ha 2 00

bi tour ha La 000 10

nts

VILLE DE 5000 HABITANTS

AIRE URBAINE - DENSITE ET BASSINS VERSANTS

Avant la transition écologique

Ø25km

Aire du bassin de vie

20

Ø10km Ø15km

Ø20km

10

ki ns Hop

Voici la liste des besoins et des objectifs que nous allons évaluer dans la suite. Il s'agira de quantifier et de spatialiser les besoins suivants :

Ø10km

- pour s'alimenter (A) - pour tous les besoins énergétiques (E) - pour rendre neutre Hopkins en carbone et donc la surface de séquestration nécessaire (C) - pour produire suffisamment de matière renouvelable (les matières renouvelables), dans l'hypothèse de subvenir aux besoins de matériaux pour transformer et édifier (M)

Densité du bassin de vie

1 00

20 pers/ha

Les deux premiers besoins correspondent à une part des intrants nécessaires à la bonne vie des habitants d'Hopkins. Notons que les aires associées à chacune de ses productions peuvent se mutualiser : des panneaux solaires peuvent être installés sur les granges, des éoliennes peuvent se greffer sur un champs etc.

Densité du bassin de vie

10 pers/ha

50

0 ha

0 ha

nt bita

4 00

s

0 ha

00

0 ha

2 00

0 ha

nts bita kins Hop 0 ha 5 00

nts bita

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5 00

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Ø5km

nts bita

5 km²

10 km²

nt kins bita Hop 0 ha 5 00

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UN EXEMPLE

EVOLUTION DES BASSINS VERSANTS A ISO-DENSITE 0,5 km²

8 A ce stade donc, la surface nécessaire par habitant serait donc de 34000 m² si l'on part du principe que la production renouvelable serait installée sur les 4000 m² dédiés à la production alimentaire afin de compacter et d’hybrider les fonctions métaboliques. Nous pourrions aussi appliquer les principes d'agriculture sylvicole et cela permettrait éventuellement de réduire un peu l'emprise spatiale globale.

Ø10km Densité du bassin de vie

10 pers/ha

0 11

nt bita il ha Sm 000 10

² km

tour ha La 000 10

nts

10 km²

2 km² 5 km² ts ts an an nts bit bit ita ha ha ab 00 00 0h 50 50 20

10

0 00

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nts ford habita Mum000 20

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bi ta Kay 0 ha 2 00

s

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nt bita z Gor 0 ha 1 00

s

nts bita tour ha La 000 10

Transition accomplie

bi ta il ha Sm 000 10

Ø15km Ø20km

Ø15km

Avant transition

Dans ce régime intermédiaire, les curseurs moyens d empreinte écologique de chaque habitant correspond aux ratios suivants :

k 22

² km 90

0k 22

0 45

ki ns Hop 0 ha 5 00

² km

nt bita

- Alimentation moins carnée : 2000 m² contre 4000 auparavant - Énergie : 4000 W contre 6000 avant transition - Carbone : 6 tonnes de CO2 soit déjà -50% par rapport à avant la transition

Transition accomplie 11 A terme, après transition, la somme des bassins versants s'est réduite et est passée à 25 km².Toutefois, Hopkins reste en déficit spatial, en balance écologique négative puisqu'il lui manque 5 km² pour assurer l'autosuffisance de tous ses habitants. 12 Une option pourrait consister à organiser une légère migration vers d'autres territoires plus équilibrés entre leur bassin versants et leur bassin de vie. L'autre consiste à ce qu'Hopkins compense par des échanges auprès de bassins non connexes. 13 En tout cas, ce premier exemple illustre la nécessité d'analyser à l'échelle communale la bonne cohérence et de limiter la superposition des bassins versants de chaque bassin de vie.

30

² km

Pendant transition

11

² km

k 45

Après transition

m² 0k 11

² m² m² km 30 k 3 k 12

0 23

² km

k 60

Kay 0 ha 2 00

s

ford habi ta Mum000 20

nts bita les Bar 0 ha 4 00

Ø10km Ø5km

nts

Ø25km

Ø10km

10 Nous choisissons pour ce récit d’opter pour la seconde option. Pendant la transition sur quelques années, la surface nécessaire, la somme des bassins versants, est passée à 110km². Hopkins déborde toujours de 90km².

nts

s t he bi tant Coc0 ha 50

Ø10km

Pendant la transition

bi ta

nts

nts

s

Ø20km

7 A ce compte-là, la production annuelle de bois est de près de 10 m3 par habitant, autrement dit de quoi construire près de 30 m² annuellement. C'est bien trop et Hopkins est excédentaire en production de bois, du fait de l'injonction de neutralité carbone. L'objectif de compensation carbone par la séquestration ligneuse conduit à un excédent de production de bois ( et qu il s'agit de ne pas brûler à des fins énergétiques sans quoi le CO2 serait réemis ! )

t he bi ta Coc0 ha 50

Pendant la transition AIRE URBAINE

Ø15km

6 Concernant l'objectif de neutralité carbone, l'équation devient par contre plus ardue. Avec une empreinte globale de près de 12 tonnes de CO2 par an, l'Hopkinien réclame près de 3 hectares de forêt pour compenser ses émissions de gaz à effet de serre. En effet, une forêt durablement exploitée absorbe et séquestre l'équivalent de 3 à 5 tonnes de CO2 contenu dans l'atmosphère par an.

bita z Gor 0 ha 1 00

s tant ford habi Mum000 20

bi ta Kay 0 ha 2 00

Ø25km

Ø20km

2 km²

s

Ø10km

Ø10km

Aire du bassin de vie

0,5 km²

nt bita

nts bita les Bar 0 ha 4 00

nts bita

Ø5km

Avant la transition écologique

9 A l'échelle donc de l'ensemble des habitants d'Hopkins, la concaténation des bassins versants alimentaires, énergétiques et carbone concourt alors à une surface minimale de 220 km², soit près de 50 fois le bassin de vie d'Hopkins. Sur l'ensemble de son territoire communale, Hopkins réclamerait donc 200km² de surfaces complémentaires afin d'assurer l'autosuffisance alimentation - énergie et carbone de ses habitants. Deux options : ou bien Hopkins "inféode" d'autres territoires ( mais il y aura alors risque de concurrence et d'incomptabilité écologique globale, ce que nous verrons ensuite ) ou bien les habitants entament tous une transition collective.

00

Ø5km

nts bi ta

Ø5km

m² 0k 22

nts bita il ha Sm 000 10

Ø15km

5 km²

3 A l'échelle d'Hopkins, nous allons analyser les surfaces qui lui seraient nécessaires pour assurer une certaine part des besoins fondamentaux de ses habitants, selon des productions locales et renouvelables pour ce qui concerne la production énergétique et la production de matériaux.

5 Avant transition, pour ce qui concernent les besoins énergétiques, le flux moyen de consommation est de 6000 W, soit l équivalent d'une consommation d énergie primaire de l ordre de 50000 kWh. Pour parvenir à composer un mix renouvelable équilibré, compensant les intermittences des différentes énergies renouvelables, la surface nécessaire serait d'environ de 3000 m². Comme nous l'avons dit, cette surface peut sans doute largement se mutualiser avec la première, à savoir le foncier dédié à la production alimentaire : panneaux solaires sur les hangars de matériel agricole ou sur les serres, éoliennes dans les champs, bio méthane issu des déchets de la production agricole etc.

s tant

Ø35km

DENSITE URBAINE

2 Sa population est de 5000 habitants. Sa densité moyenne sur son bassin de vie est donc de 10 habitants par hectare. Nous sommes en 2020 et globalement la transition écologique est à peine en marche.

4 Avant transition, pour le premier besoin, l'alimentation, l'Hopkinien a encore un régime largement carné et l'empreinte nécessaire est alors de l'ordre de 4000 m² de surface agraire afin de subvenir à ses besoins en nourriture. Évidemment une grande partie de la surface foncière dévolue à la chaîne de production alimentaire est associée aux pâturages nécessaires à l’alimentation des bovins, des ovins et des porcins et dans une moindre mesure, aux volailles.

nts

s t he bi tant Coc0 ha 50

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1 LE RECIT D'HOPKINS 2 LE DIAGRAMME 1 Le récit commence d'abord à l'échelle d'une petite ville. Cela se déroule en 2020 et cette commune est fictive. Nous l'appelerons Hopkins. Hopkins est une commune s'étendant sur environ 25 km². Son bassin de vie, composé de son petit centre et des bourgs connexes, s'étend lui sur 5km².

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RM - 01.01.2021

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Petits pays renouvelables


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