Mémoire HMONP 2022

ACTEUR(S) DE CHANTIER L’architecte et la pratique du chantier en marché privé

Quiterie de Saint Martin Mémoire d’Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille Septembre 2022

REMERCIEMENTS

A tous les acteurs de ce mémoire, je remercie Delphine Désert pour sa pédagogie, son temps et son suivi.

Je tiens à remercier Florian de Langsdorff pour la confiance qu’il m’accorde depuis plus de deux ans. J’évolue chaque jour grâce à ses précieux conseils.

Merci aussi à tous les intervenants, confrères/sœurs de cette formation. Les échanges durant cette année ont été plus qu’intéressants et riches.

Un merci tout particulier à Théo, Marine et Mathieu, mes partenaires de HMONP.

AVANT-PROPOS

Lors de mes études d’architecture à LOCI Saint Luc Tournai en Belgique, j’ai appris à développer ma créativité et mon imagination architecturale. J’ai découvert qu’en tant qu’architecte je pouvais agir sur les contextes non seulement physiques mais aussi sociaux. L’architecture englobe tous les aspects de la vie humaine, cette idée a été pour moi une véritable révélation. Cependant, j’ai été frustrée pendant ces études de ne pas être davantage confrontée à certains aspects de mon futur métier, notamment la pratique du chantier. J'ai eu peu d’occasions d’y mettre les pieds et il était alors compliqué de saisir certains aspects techniques de la construction. Je prenais néanmoins bien conscience que la réalisation et la mise en œuvre feraient bien partie de ma future profession. J’étais alors très curieuse de découvrir cette phase de projet à la sortie de mes études.

Ma première expérience professionnelle chez Saison Menu à Lille fut très intéressante mais ne m’a pas permis de travailler sur toutes les étapes du processus de projet. En effet, je n’ai eu l’occasion de travailler qu’en phase concours et n’ai donc pas pu « faire de chantier ». Cela devenait alors mon objectif premier pour la recherche de ma future expérience.

Je travaille aujourd’hui chez FDLArchitectes, petite agence parisienne. Au sein de cette agence, j’ai un rôle plus polyvalent qui me permet de pratiquer toutes les phases de projet, en particulier celle qui me rendait la plus curieuse : la phase chantier.

Cette HMONP est l’occasion de prendre du temps pour me questionner sur ma profession, ma future pratique du métier d’architecte, cette profession en perpétuelle évolution. Mon expérience professionnelle a fait naître beaucoup de questionnements, parfois des doutes qui ont pu s’éclaircir cette année grâce aux échanges avec les intervenants et ADE. Ce mémoire est une réflexion qui se base sur mon expérience personnelle, sur mes premières expériences de chantier et donc la pratique de la mission complète d'architecte. C'est ainsi que j’aspire à exercer mon futur rôle d’architecte, c'est ce qui me tient à cœur aujourd'hui et ce sur quoi je souhaite me concentrer à travers ce mémoire.

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Réhabilitation d’un appartement – Paris 6 - 2020

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INTRODUCTION

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I. LA COMPLEXITÉ DU JEU D’ACTEURS

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1.

Fait de chantier : Trébois – Réhabilitation de bureaux à Levallois-Perret

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2.

Ambiguïté dans le rôle des acteurs

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3.

La multiplicité des acteurs

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II. LA MISSION DE CHANTIER : SCENE D’ACTIONS RÉVÉLATRICE

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1.

Une mission mise à l’épreuve

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2.

Une mission à responsabilités

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3.

Une mission déterminante

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III. L’ARCHITECTE : UN DES RÔLES PRINCIPAUX SUR LE CHANTIER

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1.

Renforcer son rôle et asseoir sa position

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2.

Trouver un langage commun pour œuvrer collectivement

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3.

Collaborer, se former et s’informer

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CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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INTRODUCTION

Adolf Loos a dit « L’architecte est un maçon qui a appris le latin ». Et pourtant, nous remarquons aujourd’hui que beaucoup d’architectes ne mettent pas (ou plus) de pieds sur le chantier. On peut alors se poser la question sur le rôle de l'architecte et sur son rapport avec le réel. Certains le perçoivent d’ailleurs comme quelqu’un en dehors du monde. Seulement, l’acte de bâtir une œuvre est évidemment lié au monde réel. Voilà l’un des paradoxes auquel l’architecte doit faire face et qui amène à se poser bon nombre de questions.

Je travaille depuis deux ans chez FDLArchitectes. Nous sommes 2 architectes : Florian de Langsdorff et moi-même. Le fait de travailler au sein d'une petite structure me permet de cerner davantage les rouages et la mécanique complexe de fonctionnement d’une agence. Je me sens très investie dans cette agence grâce à la polyvalence de mes missions et aux responsabilités que me donnent Florian. De plus, il insiste sur le fait que son collaborateur suive le projet dans son entièreté. Point très important qui m’a grandement motivée à travailler avec lui. A l’agence nous n’acceptons d’ailleurs que les projets où la mission est dite « complète » : depuis les études jusqu'à l’exécution. Nous effectuons des projets pour une maîtrise d’ouvrage privée, composée uniquement de particuliers. Nous travaillons essentiellement sur des projets de réhabilitation plus ou moins lourdes. Aujourd'hui, j'ai l’opportunité de suivre des chantiers de différentes échelles.

Depuis novembre dernier, Florian m’a confié le projet de réhabilitation de bureaux à Levallois-Perret. Durant ce chantier, j’ai été confrontée à de nombreuses situations et problématiques qui ne furent pas toujours évidentes à gérer. En effet, notre client avait fait appel à un Assistant à Maîtrise d’Ouvrage qui a souvent adopté une attitude inappropriée avec de réels effets sur la manière dont s'est déroulée la mise en œuvre. Au travers de cette expérience particulière, mais aussi d'autres chantiers que j'ai été amenée à superviser, une question est naturellement devenue centrale pour moi: Quelle posture doit adopter l’architecte face aux autres acteurs durant la phase chantier, cette phase clé du processus de projet ?

Le chantier est la rencontre entre tous les acteurs de projet. Dans un premier temps et à travers l’expérience de Levallois-Perret, nous nous rendrons compte de la machine complexe du jeu des acteurs en phase chantier. Nous nous rendrons compte de l’influence que peut avoir les rapports entre chaque acteur durant cette phase.

Nous tenterons de comprendre pourquoi l’architecte est l’un des acteurs principaux du chantier, même si ce rôle est de plus en plus discuté dans la profession. Nous développerons et préciserons ensuite pourquoi la présence de l’architecte sur le terrain durant cette phase est si importante pour chacun des acteurs.

Enfin, nous analyserons comment et pourquoi, en tant qu’architecte, il est important d’asseoir sa posture de maître d’œuvre, de maître de l’œuvre.

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Réhabilitation de bureaux – Levallois-Perret - 2022

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I. LA COMPLEXITÉ DU JEU D’ACTEURS Lors de nos études, nous avons travaillé sur les projets de manière relativement abstraite et dialoguions principalement avec des acteurs gravitants autour du milieu architectural : enseignants, pratiquants, étudiants. Ce qui m’a alors marqué, lorsque je suis entrée dans le monde professionnel, a été cette découverte des échanges avec des interlocuteurs variés, ne venant pas forcément du monde de l’architecture. Durant mes premières expériences professionnelles, sur les chantiers surtout, j’ai alors observé ce monde complexe et varié d’acteurs. Particulièrement à travers un fait de chantier, celui de Trébois, beaucoup de réflexions, constats et questionnements ont émergés. Comment peuvent influer les relations, parfois ambiguës, des multiples acteurs sur le déroulement du chantier ?

1. Fait de chantier : Trébois – Réhabilitation de bureaux à Levallois-Perret A l’agence, nous travaillons sur des projets de mission complète pour des maîtrises d’ouvrages privées. J’ai l’opportunité de suivre différents chantiers de projets sur lesquels j’ai, en général, participé depuis la phase de conception.

En novembre dernier, Florian m’a confiée le projet de réhabilitation de bureaux à Levallois-Perret, rue Trébois. Le projet, de 400 m2, se situe dans un bâtiment de type industriel en fond de cour d’un immeuble haussmannien d’habitations. Le chantier a démarré en février et prendra fin en septembre. Pour ce marché, la maîtrise d’ouvrage est une SCI qui a fait appel à un AMO (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage). C’est l’AMO qui a conseillé au client de nous solliciter en tant que maître d’œuvre, ayant déjà travaillé avec lui auparavant. Le chantier se déroule en corps d’états séparés, avec 8 entreprises différentes. Nous, FDLA, sommes responsables de la maitrise de l’œuvre, en mission complète : études et exécution. Notre mission est donc assurée jusqu’à la levée des réserves et à la garantie de parfait achèvement. La phase études a duré environ deux mois. Lors de l’appel d’offres, certaines entreprises ont refusé de répondre, connaissant le nom de l’AMO. Je me suis alors demandé pourquoi et Florian m’a avertie « Tu verras il n’est pas facile, mais avec lui, tu vas apprendre. » Bon ok, allons-y. Le chantier a pris du retard pour plusieurs raisons : par exemple, le menuisier extérieur s’est totalement trompé dans la prise de ses côtes pour les fenêtres, fenêtres que nous refaisions à l’identique ; nous avons créé une terrasse avec un plancher de verre, les études techniques furent longues et la semaine qui fut prévue pour la pose fut décalée de plusieurs semaines : problème de livraison puis d’intempéries… La maitrise d’ouvrage a aussi ajouté au cours du chantier beaucoup de travaux supplémentaires. Les allés et retours entre le marché de base et le marché final, les moins-values, plus-values, furent assez complexes à gérer. Il était alors très important à ce moment de garder la mémoire, d’archiver, de ranger, de classer toutes les informations pour ne pas se perdre.

De surcroît, l’AMO a adopté une attitude relativement ambigüe, voire déplacée, lors des réunions. Cela a eu un impact sur le déroulement du chantier et sur le rapport entre les différents acteurs. En plus, les interlocuteurs de ce chantier furent multiples, que ce soit du côté de la maitrise d’ouvrage comme des entreprises. J’ai alors pris conscience que le rôle que chacun a à jouer n’est pas forcément toujours très clair et que cela peut rendre certaines situations, réunions et prises de décisions confuses.

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2.

Ambiguïté dans le rôle des acteurs

« Le chantier est un moment de rapport sociaux rudes, tendus. La première chose est de les assumer entièrement. C’est la condition du contrat oral et moral tout à la fois, de la parole donnée et tenue que représente le moment du chantier, beaucoup plus important que tous les CCTP.»1 La maîtrise d’ouvrage, surtout dans le cas de marché privé pour des particuliers, n’est pas toujours bien informé sur le monde du bâtiment. Elle peut alors faire appel à une assistance : à un AMO (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage) ou à un MOD (Maître d’Ouvrage Délégué). Cela dans le but de compléter les compétences dont elle manquerait pour conduire une opération immobilière ou pour soulager ses propres services.

La place et le rôle de l’AMO sont difficiles à cerner. Il est important de préciser que dans le cas du chantier de Trébois, la Maîtrise d’Ouvrage a fait appel à un AMO et non à un MOD. Les deux missions n’ont pas le même objet et les mêmes responsabilités.

L’AMO a une mission de conseil pour la maîtrise d’ouvrage et ne peut prendre de décisions ni accomplir d’actes juridiques, contrairement au MOD . D’après plusieurs définitions, notamment celle du CTB : « La fonction de l’AMO ne constitue jamais une mission de maîtrise d’œuvre, l’assistance ayant pour but d’apporter au maître d’ouvrage un conseil éclairé et indépendant des constructeurs. » Lors du chantier de Trébois, l’AMO est très, voire trop présent. En effet, il vient tous les jours sur le chantier, hors réunion hebdomadaire. Lors des réunions, il prend la parole et donne son avis sur tout. La question de la crédibilité en tant que maître d’œuvre se pose alors. Il remet en question toutes les décisions qui ont été prises, tente parfois même de diriger la réunion. Il désoriente alors aussi les entreprises.

Il n’a confiance en personne et se méfie de tout.

Un mardi matin, lors de la réunion de chantier hebdomadaire, l’AMO m’a dit, je cite : « C’est peut-être un manque de confiance, mais j’aime bien maîtriser tout ce que je fais ». Nous discutions des travaux supplémentaires. La maîtrise d’ouvrage m’avait avertie, au téléphone, qu’elle souhaitait 3 blocs de sols pour les prises en plus, information que j’ai transmise à l’entreprise. A la lecture du devis des TS, l’AMO a été surpris, je lui ai donc expliqué mais il n’a pas voulu valider le devis tant qu’il n’avait pas lui aussi la confirmation de la maîtrise d’ouvrage. L’image de méfiance et de scepticisme exagérée que donne l’AMO entraîne un découragement des acteurs du chantier. L’AMO est sans cesse sur le dos de chacun. Les entreprises sont moins impliquées, ont envie de moins se donner. Elles deviennent agacées, l’architecte aussi.

A tel point que certaines entreprises ne veulent plus venir aux réunions de chantier pour ne pas le voir. Cependant, ici c’est l’architecte qui dirige les travaux et la présence des entreprises lors des réunions de chantier est essentielle. Il n’y a plus de bonne cohésion entre les intervenants. Les entreprises ne sont alors plus que des poseurs.

Elles sont lassées d’échanger et ne veulent même plus partager leur savoir. L’AMO veut que tout soit maîtrisé et anticipé. Il n’a pas la mentalité du service rendu. Or, sur un chantier, les services font partie du jeu. Processus de « donnant donnant » qui arrive régulièrement et qui fait partie intégrante du monde du chantier. L’AMO n’accepte pas cela. Il entache la relation avec les entreprises et ne s’adapte pas à cette culture de chantier. Il fait du zèle sur des éléments parfois futiles. Il y a toujours quelque chose 1

LAVALOU Armelle, Construire : la qualité́ en danger, D’Architectures n°145, avril 2005

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qui ne va pas. Il ne salue jamais l’évolution de l’ouvrage, ne s’émerveille devant rien.

Ici, ma position devient délicate aussi du fait de ma jeune expérience face à un AMO plus “ancien”. Quelle est ma place, mon utilité face à cet AMO qui , en plus d’avoir de l’expérience dans le monde de la construction, vient plus souvent que moi sur le chantier ? Quel est alors le regard des autres acteurs sur ma position en tant qu’architecte ?

Dans un extrait du livre Ensemble : Pour une éthique de la coopération, Richard Senett aborde le sujet de l’autorité, « …dans une optique plus large, l’humiliation survient quand le maitre ne témoigne aucune reconnaissance… »2 . A force de n’avoir aucune reconnaissance, la confiance se perd et donc l’effort est moindre. L’ambiance sur le chantier est alors affectée. En effet, la question de l’autorité et de sa pertinence sont des notions importantes sur le chantier. Ici l’autorité de statut de l’AMO rend la situation très incommodante. Ce dernier sort de son rôle et perturbe d’autant plus le déroulement du chantier. Qui suivre ? Rappelons-le, l’AMO a un rôle de conseiller. Qui dit conseil ne dit donc pas décision puisque la décision, c’est à la maîtrise d’ouvrage qu’elle revient. Il peut bien évidemment donner son avis, apporter son savoir et son expertise mais ne peut décider et diriger. Il est donc important que les rôles soient clairs pour une bonne cohésion d’équipe et sortir de sa fonction provoque un flou dans l'organisation générale du chantier, perturbant et désorientant tous les interlocuteurs.

Face ici à l’immixtion de l’AMO sur le chantier, il faut alors se questionner sur les outils à mettre en place pour mieux appréhender le chantier et générer un climat de partenariat. Ces réponses, nous tenterons de les donner en partie III. Il faut réussir à gérer le bon rapport entre les acteurs et comprendre la place et le rôle de chacun. Il est primordial que les rapports de force entre la MO, la MOe et les entreprises soient équilibrés. L'échange entre les différents acteurs est très important. La phase de chantier ne peut se réaliser sans un travail collaboratif entre chaque acteur. Chaque acteur se doit de garder sa place de manière légitime pour une bonne cohésion d’équipe. Les relations sur le chantier doivent être bienveillantes et respectueuses.

Chaque interlocuteur a son savoir et sa connaissance à partager. Cette expérience de chantier m’a donc amené à me poser un bon nombre de questions, à réfléchir au rôle que moi en tant qu’architecte je tiens et dois tenir et comment faire valoir cette place. Ces points, nous les développerons plus tard.

Parfois, les entreprises peuvent aussi adopter des attitudes n’allant pas forcément dans le bon sens du projet architectural. Elles peuvent opter pour la facilité de la mise en œuvre, au détriment de la qualité. En effet, ils ont des attentes et des objectifs financiers qui sont différents de la maîtrise d’œuvre. Sur ce chantier, cela n’a pas été le cas, au contraire. Voyant que les liens avec l’AMO étaient très compliqués, pour tout le monde, le lien architecte-entreprise s’est alors d’autant plus renforcé, comme si nous nous soutenions. J’ai alors remarqué à quel point l’étroite collaboration entre les entreprises et l’architecte est importante afin de faire face aux aléas de chantier. Ces échanges m’ont aussi permis d’affirmer ma place, de prendre confiance afin de me sentir plus légitime sur le chantier.

Ainsi, le jeu de rôles des acteurs, à géométrie variable, est complexe et représente l’un des grands défis du chantier. D’autant plus que, ce cercle vertueux MO-MOe-Entreprise a tendance à s’élargir.

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SENETT Richard, Ensemble : Pour une éthique de la coopération, Albin Michel, 2014

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3.

La multiplicité des acteurs

Le chantier est le lieu où tous les acteurs du projet se côtoient. C’est la rencontre entre les différents corps de métiers, concepteurs, artisans, usagers …

Chaque acteur du projet a une mission et des responsabilités propres. Comme nous l’avons remarqué précédemment, ces responsabilités sont importantes à assimiler. Les intérêts de chacun sont différents mais le but final est commun : réaliser l’ouvrage dans les règles de l’art et dans les délais. Les règles qui entourent le projet sont multiples, mais pas que, les acteurs aussi. Les évolutions techniques, la complexité et l’exigence de la réalisation des projets favorisent largement la multiplication des intervenants.

Cela permet de répondre à une meilleure performance des ouvrages, de réduire les risques mais cela rend alors plus complexe la gestion des chantiers. La trilogie MOMOe-Entreprises devient évolutive.

Pour la maîtrise d’ouvrage, la liste peut s’élargir : promoteurs, acquéreurs, aménageurs, AMO, MOD … Ces situations peuvent parfois rendre inconfortable l’exercice de l’architecte au milieu de tous ces acteurs. L’exemple de Trébois nous le prouve ici avec l’AMO qui s’est immiscer dans les prises de décisions du maitre d’œuvre.

Pour la maîtrise d’œuvre, qui est liée par contrat à la maîtrise d’ouvrage, les intervenants peuvent être nombreux aussi : architecte, bureaux d’études, bureau de contrôle technique, géomètres, paysagistes... Bien souvent, l’architecte est le représentant principal pour la maîtrise d’ouvrage afin de garder la main sur le projet.

Dans le contrat de Moe, il est important de bien identifier les tâches dont l’architecte est responsable pendant le chantier et d’organiser l’équipe de maîtrise d’œuvre pour éviter les conflits et les interprétations diverses pour une meilleure productivité.

L’architecte doit pouvoir répondre aux problématiques techniques tout en gardant ses intentions architecturales, parfois mal appréhendées par ses partenaires BET. Ainsi, l’architecte fait partie de ce groupe grandissant de la maitrise d’œuvre. Ce morcellement des tâches peut donc réduire la mission de l’architecte à la phase de conception pour confier la mission de suivi de chantier à des maitrises d’œuvre d’exécution. L’une des conséquences de ce morcellement est donc une division des acteurs de MOe entre conception et exécution d’un projet. Ce sujet nous le développerons en partie II. Les entreprises aussi se diversifient étant donné les évolutions techniques et aussi la forte concurrence et le capitalisme grandissant. Surtout du côté des entreprises, les sous-traitants participent également à la multiplicité des acteurs. Ces derniers doivent être déclarés et sont donc sur le chantier mais ne modifient pas la chaîne de décision. Les fournisseurs et les fabricants font aussi partie du jeu. Les délais de chantier leur sont d’ailleurs très liés et ils interviennent constamment dans la mise en œuvre du chantier : techniques employées, stock, choix des matériaux… Enfin, la maîtrise d’œuvre doit largement considérer les ouvriers qui eux, sont en lien direct avec les problèmes de chantier. Néanmoins, la segmentation au sein même des entreprises rend parfois les échanges compliqués. En général, les ouvriers reçoivent les plans et les consignes de la part de leur chef d’équipe, qui les reçoit lui-même par le chef de chantier. Cette multiplicité d’acteurs au sein même des entreprises fait que l’ouvrier n’a donc pas la connaissance globale du bâtiment. Souvent, lorsque j’essaie de dialoguer directement avec les ouvriers sur le chantier, ils me répondent facilement “je ne sais pas, c’est à mon chef qu’il faut demander, ce n’est pas moi qui décide…” La hiérarchie est très installée et les ouvriers ne prennent donc pas le risque de donner leur avis. Dans le Criticat n°2, Pierre Bernard parle du chantier et évoque notamment 15

l’incidence de la séparation des tâches. Cela a des conséquences sur l’implication des acteurs. « A peine quinze pourcent des ouvriers voient le résultat final du bâtiment. »3 Cette perte d’implication engendre donc une déqualification des métiers de savoirfaire qui se transforment alors en métier de pose. L’architecte échange donc avec le conducteur de chantier alors que c’est l'ouvrier même qui est en lien direct avec la mise en œuvre. La perte d’implication des ouvriers sur le chantier et la non information des intentions architecturales entraînent une déqualification des métiers de savoir-faire et des artisans. Ces acteurs essentiels sur le chantier perdent en responsabilité et leurs compétences deviennent limitées. Les tâches des ouvriers sont de moins en moins responsabilisées. Leurs compétences deviennent davantage limitées. On s’éloigne du travail de l’artisan qui réalise son œuvre complètement. En outre, tous ces paliers à franchir : ouvriers, chef de chantier, conducteur de chantier… font que les informations peuvent se perdre au fur et à mesure. On remarque aussi qu’il y a une grande diversité de mode de dévolution des travaux : entreprise générale, en lots séparés, entreprises groupées, en partenariat public-privé… Dans le cas d’un marché privé en lots séparés, comme c’est le cas de Trébois, il est rare que le conducteur de chantier de chaque lot lise l’entièreté du CCTP. Le CCTP appuie la fragmentation du travail puisqu’il est décrit par lot, il n’y a aucune relation entre les différentes chronologies de tâches. Le morcellement et donc l’automatisation des missions réduit l’opérateur (l’ouvrier par exemple) à une tâche dont il ne verra pas la finalité.

Ainsi, la parcellisation des tâches peut être source de conflits voire de rivalités entre les différents corps de métiers. La multiplicité des acteurs peut aussi avoir un impact sur l’implication et donc sur la qualité même de la mise en œuvre. En plus de défendre ses convictions, l’architecte a un grand rôle de coordinateur à jouer. En autre, il doit gérer la temporalité à l’œuvre du chantier, réussir à tenir l’harmonisation entre les nombreux intervenants, il doit réussir à se tenir au plus proche du chantier et de ceux qui « font » pour affirmer la cohérence de l’œuvre.

Le chantier est une aventure humaine où chacun a son rôle à jouer. Il faut donc avoir conscience des rôles de chacun pour respecter l’autorité, la hiérarchie et les compétences que peuvent apporter chaque protagoniste. Ces rôles sont définis par les contrats et par la loi.

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BERNARD Pierre, Conférence : Le chantier, Criticat n°2, septembre 2008

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II.

LA MISSION DE CHANTIER : SCENE D’ACTIONS RÉVÉLATRICE Et… action !

Le chantier, c’est le moment des scènes d’action : les décisions doivent être prises vite et bien. Il faut savoir réagir rapidement. Le chantier est le moment où l’œuvre devient palpable. C’est le moment où l’œuvre que l’on a imaginé prend sa forme réelle.

Pourtant, la conception et la construction se sont progressivement scindées au cours du temps. « Si, à l'ère médiévale, concepteurs et bâtisseurs partageaient un savoir commun, la Renaissance et l'apparition du terme d'architecte ont entériné la séparation conception/construction. » 4

1. Une mission mise à l’épreuve Dans le cadre des marchés privés, la place de l’architecte dans la mission exécution est de plus en plus contestée. Cela n’est pas le cas dans les marchés publics car ils sont régis par la loi MOP, loi que nous détaillerons au point suivant. D’après les chiffres MAF (Edition 2021), dans le cadre du marché privé, 48% des architectes sont en mission complète, 15% en mission complète élargie et 37% en mission partielle. On assiste de plus en plus à la séparation entre la phase de conception et la phase d’exécution. Nous nous demandons alors pourquoi certains acteurs souhaitent évincer l’architecte à ce moment de l’opération ? Et pourquoi y a-t-il un désintérêt progressif de l’architecte-même pour la mission de chantier ? « En marché privé, il est courant que la maîtrise d’ouvrage cherche à décomposer la mission globale en confiant la partie Études à l’architecte et son équipe et la partie Exécution à ses propres services travaux ou à un BET indépendant. » 5 A l’agence, nous faisons assez souvent face à ce genre de scénarios. Nous avons des clients qui nous sollicitent pour la réalisation de projets en nous informant qu’ils ont déjà un maitre d’œuvre pour la réalisation et le suivi de chantier. En tant qu’architectes, nous devons parfois batailler pour obtenir la mission complète. En moyenne (dans le cas de la maitrise d’ouvrage privée toujours, pour des particuliers), un client se retrouve dans le monde du chantier une à deux fois dans sa vie s’il fait construire ou rénover.

L’écartement de l’architecte sur le chantier s’explique donc tout d’abord par une méconnaissance de la part de la maitrise d’ouvrage quant au rôle et aux capacités de l’architecte dans le suivi des travaux.

Il existe aussi une grande compétition entre les acteurs de la construction. Comme vu avant, la multiplicité des acteurs n’aide en rien ce mouvement. Un grand nombre de métier parallèle de l’architecte se développent de plus en plus. Maîtres d’œuvre d’exécution, architectes d’intérieur, constructeurs de maisons individuelles, décorateurs d’intérieur, designers d’espaces, artisans concepteurs, … il existe une multitude d’acteurs qui aujourd’hui proposent leur service de construction ou rénovation. Pourtant, si l’on prend le cas de l’architecte d’intérieur, ce métier n’appartient pas à une profession règlementée, il n’appartient pas à un ordre. Il peut alors y avoir une concurrence déloyale qui place donc l’architecte comme architecte « d’extérieur » et qui accentue la confusion pour les maitrises d’ouvrage. Ils peuvent alors faire appel à des architectes d’intérieur pour des missions relevant des architectes. A l’agence, travaillant souvent sur des projets de moins de 1000m2, nous 4 5

DESMOULINS Christine, Les enjeux du chantier : qui maîtrise quoi ? D’Architectures n°189, mars 2010 LEBECQ Jean-Philip, Acteurs et Processus, livret de janvier 2022

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sommes souvent confrontés à cette problématique. Cependant nous nous tenons à faire des missions complètes. Si la mission n’est pas complète, il s’agit d’une mission dite de « suivi architectural ». Cette mission, est complètement informelle. Nous développerons ce point en partie suivante.

L’éloignement des architectes en phase d’exécution vient aussi de la lassitude des architectes même. La complexification des projets et, comme dit précédemment, l’ambiguïté des rôles ou encore la multiplicité des acteurs sont de nombreuses raisons qui font peur aux architectes. De plus, l’aspect « en direct » du chantier, et donc de devoir répondre instantanément aux questions des entreprises ou de la maitrise d’ouvrage en réunion peut être une source d’appréhension pour l’architecte. Souvent, la maîtrise d’ouvrage peut exercer une pression sur cette mission : elle souhaite obtenir une présence accrue des architectes sur le chantier. Sur le chantier de Trébois, l’AMO, à chaque réunion, me faisait clairement comprendre qu’il fallait que je sois sur le chantier en permanence et à l’écouter même, plusieurs heures tous les jours. Sans compter les appels et mails à outrance qu’il envoyait. En effet, je pouvais, en l’espace de 10minutes, obtenir plusieurs appels en absence de sa part. Les premières fois j’ai été particulièrement surprise, pensant qu’il y avait de grandes urgences à gérer. Lorsque j’ai compris que c’était tout bonnement son attitude qui était abusive, j’ai alors pris les devants en lui demandant de ne surtout pas me harceler de la sorte, ni par téléphone ni par mail. Cela peut poser de réelles démotivations d’autant plus que cette assiduité est rarement valorisée en termes d’honoraires. Cela rend alors la mission chronophage avec une rémunération qui n’est pas en conséquence. Se pose alors la question de la rentabilité pour l’agence. En plus, suivre un chantier implique d’y être proche géographiquement.

Dans notre cas, tous nos chantiers sont dans Paris et sa proche banlieue. Pour l’échelle de nos projets, nous acceptons difficilement les projets au-delà de ce périmètre. Le suivi régulier sur le chantier engendrerait une trop grande perte de temps et donc d’argent. Au-delà du fait que cela pourrait être pesant, cela ne serait donc pas rentable pour l’agence. Enfin, comme nous l’avons énoncé précédemment, il faut aussi savoir gérer les rapports humains sur le chantier. Cela en plus de gérer la coordination, les enjeux techniques et architecturaux. Ces aspects peuvent donc faire peur à certains architectes, d’où parfois leur volonté de s’extraire de la direction des travaux.

Cependant, il faut être extrêmement vigilant. Au-delà de la question éthique vis-à-vis de notre profession, que se passe-t-il si l’architecte ne suit pas le chantier du projet qu’il a conçu ? Quelles sont nos responsabilités en chantier, et nos responsabilités si nous nous écartons de cette mission ? Si ce n’est pas l’architecte, qui est-ce et où s’arrête alors sa mission ?

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2.

Une mission à responsabilités

« La maîtrise d’œuvre désigne l’ensemble des professionnels qui mènent les études par lesquelles le projet prend forme et par lesquels il obtient les agréments techniques nécessaires à sa réalisation. Ils sont liés par contrat à la maîtrise d’ouvrage. L’architecte est l’un d’eux. »6 Comme nous l’avons vu, la mission exécution pour l’architecte n’est plus évidente dans le cadre des marchés privés. Soit c’est la maitrise d’ouvrage qui l’en éloigne, soit c’est l’architecte lui-même qui la craint. La mission exécution peut faire peur, elle représente beaucoup de responsabilités pour l’architecte, que nous nommerons ci-après.

La loi MOP détaille précisément les missions de l’architecte lors du processus de projet. Cette loi est un cadre légal pour les contrats de droits publics où les missions « Études » et « Exécution » ne peuvent être dissociées. En marché privé, elle sert de cadre informel.

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Voici les missions que la loi MOP a établi , pour les marchés publics : Phase Études : Études d’esquisse : ESQ Études d’avant-projet : AVP Le projet PRO/DCE L’assistance à la passation de marchés de travaux : ACT Phase Exécution : Études d’exécution ou visa si les études sont réalisées par un autre prestataire : VISA La direction des travaux : DET L’assistance apportée au maitre d’ouvrage lors des opérations de réception , et durant la garantie de parfait achèvement : AOR Dans le cadre des marchés privés, il n’y a pas d’obligation de la part de la maitrise d’ouvrage de confier la mission exécution à l’architecte qui a fait la phase études.

Ainsi, si le contrat n’est pas établi en mission complète, l’architecte peut alors avoir une mission du suivi de conformité architectural.

La loi sur l’architecture (1977) impose que la mission de l’architecte est une mission qui va au-delà de l’établissement du projet architectural, c’est-à-dire du permis de construire. Tout maitre d’ouvrage doit mettre l’architecte en mesure de s’assurer de la conformité architecturale de la réalisation de l’œuvre. L’article 3 de cette loi sur l’architecture définit un contenu obligatoire minimum de la mission que la maitrise d’ouvrage confie à l’architecte. On l’appelle la mission socle. Elle doit donc contenir la phase de conception et au minimum le suivi de la conformité architectural. Ainsi, dans le cadre des marchés privés, cette mission socle est le minima obligatoire, quel que soit le statut juridique du maitre d’ouvrage.

En cas de mission de suivi architectural, l’architecte doit être extrêmement prudent s’il ne veut pas prendre de risques en cas de sinistre. La signature du DAACT (déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux) ou la présence de l’architecte aux réunions de chantier engagent sa responsabilité. Ces éléments sont à vérifier sur les clauses du contrat avec le maitre d’ouvrage. La signature du DAACT par l’architecte ne doit être faite que si ce dernier dispose de la mission de direction de l’exécution des travaux. Le contrôle de la conformité architectural doit donc être fait en dehors des

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LEBECQ Jean-Philip, Acteurs et Processus, livret de janvier 2022

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réunions de chantier. La MAF avertit les architectes des risques liés à cette mission. Les plans d’exécution doivent alors porter la mention « visa de conformité architectural » pour qu’en cas de litige, sa responsabilité ne soit pas retenue (sauf si la concordance vient de la mission qui lui a été confiée et le dommage déclaré.) En cas de non-respect du projet architectural, l’architecte doit remplir son devoir de conseil et donc avertir par lettre recommandée ce non-respect. La mission de suivi architectural n’existe que si le projet a fait l’objet d’un permis de construire et si la direction des travaux est confiée à un maitre d’œuvre d’exécution dument assuré. La MAF avertit également les architectes de cette mission non complète. En effet la prime d’assurance de cette mission est la même qu’en mission complète. Enfin, au-delà des responsabilités, se pose la question de la qualité et de la cohérence de l’œuvre si l’architecte ne suit pas le projet jusqu’à sa réalisation.

Il est essentiel de définir les missions et la responsabilité de chacun au sein du jeu d’acteur compliqué sur le chantier. Comme nous l’avons vu en première partie, aller au-delà de ses missions ou ne pas respecter ses responsabilités peut créer une réelle ambiguïté et un réel désordre dans le cadre du fonctionnement du chantier.

Après avoir éclairci ce qu’il en était si l’architecte ne disposait pas de la mission complète, nous allons brièvement rappeler ses missions s’il a la mission de chantier et en profiter pour rappeler les missions des autres acteurs : entreprises et maitrise d’ouvrage.

La maitrise d’ouvrage, avant le démarrage de chantier, doit être assurée de pouvoir construire et/ou doit lever toutes les contraintes à ce que les entreprises sur site puissent faire leur mission de travaux. Il signe alors l’ordre de service de l’ouverture du chantier. L’architecte rédige et signe les ordres de service des différents corps d’états pour l’exécution des travaux. Il dirige les réunions hebdomadaires et en rédige les comptes rendus. Il vérifie l’avancement des travaux, leur conformité, vérifie les situations des entreprises et établit alors les propositions de paiement. Il assiste aux opérations de réception et établit le décompte définitif en fin de chantier afin de proposer le règlement pour solde. Le maitre d’ouvrage, s’il a des remarques, doit fournir ses observations dans les huit jours à la réception du compte rendu de chantier.

Il doit régler les entreprises suivant les situations reçues par l’architecte et l’en informer des paiements. Le maitre d’ouvrage ne peut donner d’ordre directement à l’entreprise (choix techniques ou de matériaux). Si c’est le cas, il en assume les conséquences dommageables de cette immixtion.

Comme cité auparavant, l’AMO sur le chantier de Trébois, nous demande de venir sur le chantier, je cite « tous les jours, plusieurs heures par jour. » L’architecte n’est pas tenu à cela. La fréquence moyenne des visites de l’architecte est hebdomadaire, sauf clauses ou missions complémentaires sur le contrat. Bien évidemment, selon les aléas, ou pendant certaines phases « clé » du chantier, l’architecte sera plus ou moins présent dans la semaine. Il est important de préciser aussi que la mission de l’architecte est indépendante de celle de l’entreprise.

L’entreprise a un rôle principal sur le chantier, elle construit. Sur le chantier, elle a pour mission de réaliser les travaux dans le respect des Règles de l’Art, des DTU (Documents Techniques Unifiés) et des normes en vigueur. Elle doit aussi respecter le contenu des documents fournis par l’architecte, respecter les prescriptions du CCTP. Les plans d’exécution de son ouvrage peuvent être à la charge de l’entreprise ou du maitre d’œuvre. En revanche, les plans d’atelier sont à la charge de l’entreprise. Elle doit conduire et surveiller l’exécution des travaux. Elle doit respecter les délais et les coûts indiqués dans son marché. Et bien sûr, respecter les règles de sécurité et d’hygiène

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pour tout intervenants sur le chantier. Si l’entreprise manque à l’une de ces missions, l’architecte est tenu de l’indiquer dans ses comptes rendus. Si l’entreprise ne réagit pas, la maitrise d’ouvrage établira une mise en demeure.

Sur le chantier Trébois, j’ai alors dû me questionner sur le réel rôle de l’AMO, sur ses réelles responsabilités au sens juridique. Comme nous l’avons souligné précédemment, l’AMO, à la différence du MOD a une mission de conseil et ne peut accomplir d’actes juridiques. Il est possible d’identifier deux typologies d’AMO, selon qu’ils interviennent dans la sphère technique de l’opération ou non. Ce n’est pas le cas ici. L’AMO a provoqué du retard sur le chantier à vouloir tout contrôler et anticiper.

Cependant, l’AMO ici n’a pas pour mission d’intervenir sur les aspects techniques de l’ouvrage. D’ailleurs, sa responsabilité décennale ne peut être recherchée. Les retards occasionnés ne lui seront pas reprochés alors qu’à l’architecte ou aux entreprises, oui.

C’est pour cela qu’il a fallu remettre de l’ordre (nous détaillerons comment en partie III) à plusieurs reprises et lui rappeler les rôles de chacun des intervenants. En outre, l’AMO a tenté, pour chaque phase de chantier, de nous demander de faire bien plus que ce que la mission inscrite sur le contrat demandait. Les appels d’offres ont duré beaucoup trop longtemps (allés et retours et perpétuelles reprises des devis), ce qui avait déjà commencé à agacer les entreprises. Lors du chantier, il nous a demandé de faire des relevés ultras précis, des moins et plus-values pour chaque corps d’état. Cela se comptait à la prise près. Il a même osé, lors des dernières semaines de chantier, nous demander de tester toutes les alimentations électriques du projet, de faire le repérage de chaque câble dans les faux-plafonds. Ce à quoi nous avons répondu que ce n’était pas notre rôle. En effet, les notes d’autocontrôle, les recettes informatiques fournies par l’électricien servent à cela. Au-delà de nous demander de faire plus qu’il en est, il oublie que les entreprises font leur métier, encore une fois il ne fait confiance à personne.

Ainsi, il est important que les missions et les responsabilités soient claires afin d’éviter toute ambiguïté. Il est important de prendre conscience du positionnement de chaque acteur, de ses motivations ou prises de risques. La posture qu’adopte l’architecte est importante vis-à-vis des autres acteurs. Il doit faire valoir sa place et cela passe tout d’abord par le fait de se faire attribuer des missions complètes. L’architecte qui ne suit pas l’exécution des travaux engendre des risques pour la qualité et la conformité de l’ouvrage. La direction des travaux par l’architecte est déterminante, pour un bon nombre de raisons.

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3.

Une mission déterminante

Le dictionnaire de l'Académie Française définit l'architecte comme « l’artiste qui compose les édifices, en détermine les proportions, les distributions, les décore, les fait exécuter sous ses ordres et règle les dépenses. Par conséquent, l’architecte est à la fois un artiste et un praticien.»7 Nous avons vu que beaucoup de raisons conduisent la maîtrise d’ouvrage à éloigner l’architecte de la direction des travaux, ou que c’est l’architecte lui-même qui s’en éloigne, réduisant son savoir à celui du dessin. Or, il est essentiel de réfléchir à la complexité qu’est le chantier pour nous réarmer sur cette phase qui est essentielle dans notre mission. La continuité entre les différentes phases de l’œuvre est indispensable. L’œuvre ne s’arrête pas au commencement du chantier, il doit en être de même pour la mission de l’architecte. Nous allons dans ce paragraphe comprendre pourquoi il est important de maintenir le suivi de chantier dans la pratique de l’architecte ? En quoi cela est-il important pour l’œuvre architecturale, pour les autres acteurs de chantier et pour l’architecte lui-même ? « La sélection du Prix d’architectures 10+1 montre cette année encore que ce sont les réalisations dont les architectes ont maîtrisé toutes les phases du projet, de sa conception à son achèvement, qui atteignent un haut niveau de qualité tant du point de vue architectural que des usages. »8 Pour asseoir sa position d’architecte dans le réel autant que dans l’irréel, il faut garder cette présence sur le chantier. Se retirer à ce moment du processus de projet, serait comme abandonner l’œuvre architecturale. Une œuvre n’existe pas sans sa mise en œuvre. L’architecte a travaillé sur le projet depuis l’esquisse, il détient donc la mémoire du projet et est donc totalement légitime de suivre l’exécution des travaux.

Suivre le chantier permet la continuité, la cohérence et le contrôle de la qualité architecturale de l’œuvre. La posture et les relations que nous créons entre tous les acteurs du chantier est déterminante pour son bon fonctionnement. Le chantier est le lieu où nous pouvons affirmer nos volontés architecturales. Nous pouvons mettre en valeur notre travail depuis l’esquisse et devenons le garant de l’histoire du projet. Le chantier est muni d’aléas et d’éléments que l’on ne peut maîtriser. Comme nous l’avons vu lors de la session de HMO avec Didier Debarge, le chantier est imprévisible, imperceptible et indescriptible. Le processus industriel pour le monde de la construction contient des limites. Le chantier est semé d’aléas que l’on ne peut prévoir et anticiper : la discontinuité des matériaux, les intempéries, les stocks, l’humain... On ne peut tout gérer en phase de conception, c’est pour cela que la phase de travaux est déterminante. « La gestion de projet comporte un aspect de coordination et de vision globale propre à l’architecte »9. L’architecte accompagne les modifications nécessaires en cours de chantier dans le respect de sa conception initiale. De plus, l’architecte sera surement plus rigoureux dans l’élaboration du DCE si c’est lui qui assure la direction des travaux. Dans le cas où le chantier se déroule en corps d’états séparés, la GUADET Julien-Azaïs, Les codes des devoirs professionnels de l’architecte, L’Architecture n°33, 1895 CAILLE Emmanuelle, Peut-on faire confiance aux architectes, D’Architectures n°292, Septembre 2021 9 Entretien avec SAUBOT Clémence et ROUIL Baptiste de SRA Architectes, Peut-on faire confiance aux architectes, D’Architectures n°292, septembre 2021 7

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conjugaison entre tous les acteurs est cruciale. Cela implique un engagement certain de l’architecte sur cette coordination. Il faut réussir à faire la synthèse entre tous les acteurs. Nous sommes le mieux placé pour jouer ce rôle. En effet, travaillant sur le projet dès sa naissance, nous avons une connaissance globale et très précise du projet.

Nous pouvons également conseiller au maitre d’ouvrage de privilégier des entreprises plus locales. Ces échelles d’entreprises ont davantage gardé leur savoir-faire. Le fait de conseiller à la maitrise d’ouvrage certaines entreprises est un rôle déterminant pour la bonne marche du projet, pour la réalisation mais également pour la bonne entente sur le chantier. A l’agence, Florian travaille avec des entreprises depuis plusieurs années et cela est une réelle force pour anticiper et diriger au mieux les chantiers. Il a su créer son équipe et fait donc confiance à ses entreprises. Il peut donc les proposer facilement aux clients. Se créer un carnet d’adresse de bonnes entreprises fait partie du métier et demande parfois plusieurs années. Cela est donc extrêmement précieux et peut mettre en confiance la maitrise d’ouvrage. Lorsque des entreprises ont déjà travaillé ensemble avec succès sur des chantiers communs, qu’elle se retrouvent sur de nouveaux projets, alors une ambiance conviviale peut se créer et les conditions sont favorables à la bonne réalisation de ces projets. Le chantier est le moment où tous les acteurs se rencontrent, de l’ingénieur à l’ouvrier. L’architecte est le lien et l’articulation de toute cette mise en œuvre et de tous ces savoirs. Il a donc un réel rôle à jouer dans le choix des entreprises. La rencontre entre les acteurs, les échanges ne peuvent que nourrir le projet lui-même et le futur professionnel ou personnel de chacun. Durant le chantier, des solutions techniques peuvent être trouvées et des partenariats peuvent se créer. L’artisan s’adapte sur le chantier, avec l’assistance de l’architecte. Notre collaboration et notre adaptabilité avec les entreprises est donc essentielle. « C’est un métier (architecte) qu’il faut défendre dans l’entièreté de ses missions : la conception ET l’exécution. La réussite d’un projet se joue sur l’ensemble des phases et l’architecte est à la barre du début à la fin ! »10 Pour la maitrise d’ouvrage, la présence de l’architecte représente une valeur ajoutée sur le chantier. Tout d’abord, car nous sécurisons la maitrise d’ouvrage grâce à notre assurance : la garantie décennale. Nous garantissons la mise en œuvre des matériaux prescrits. Les honoraires sont fixes donc nous n’aurons rien à gagner d’une baisse de qualité dans le choix des matériaux. Ayant un statut indépendant, l’architecte est indépendant de tout système marchand et de tous les autres acteurs du chantier.

Nous défendons le projet que nous avons conçu et donc les intérêts du client puisqu’il n’y aura rien d’autre à gagner. Sans architecte, le risque est de faire baisser la qualité du projet (par le choix des matériaux, de la qualité de mise en œuvre…) Nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, grâce aux connaissances techniques et au suivi régulier, l’architecte vérifie les situations de travaux des entreprises et ne proposera leur paiement que si ces dernières auront parfaitement été exécutées. Je l’ai vu à plusieurs reprises sur des chantiers, les entreprises peuvent avoir tendance à effectuer leur facture d’avancement à 90% alors que leur travail n’a pas été fait même à 50%. Le suivi régulier de l’architecte permet donc à la maitrise d’ouvrage de payer l’avancement des travaux à leur juste valeur. Nous pouvons également donner notre avis à la maitrise d’ouvrage sur les contrats de sous-traitance. Dans le cas de travaux supplémentaires, l’architecte, ayant la mémoire du projet, peut être capable de proposer des moinsvalues pour essayer de compenser le surcoût, et cela toujours dans le respect du projet 10 Entretien avec LE BŒUF Jean-Philippe de CALQ, Peut-on faire confiance aux architectes, D’Architectures n°292, septembre 2021

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architectural. Maîtriser le temps est un réel enjeu de chantier. L’architecte est plus apte à capter les enjeux constructifs du chantier grâce à ses connaissances techniques et à la collaboration étroite avec l’entreprise. Pour la maitrise d’ouvrage, trouver comment gagner du temps (et donc de l’argent) peut permettre à l’architecte de défendre ses idées et faire valoir sa place.

L’architecte a conçu le projet et est donc le mieux placé pour l’expliquer aux autres acteurs du chantier, au-delà de la lecture des plans et pièces écrites. Nous l’avons dit plus haut, les entreprises peuvent perdre de leur compétence à cause de la multiplicité des acteurs de chantier et de la sous-traitance accrue. En tant qu’architecte, nous devons échanger avec les entreprises sur les attentes du projet et leur permettre ainsi d’assimiler les intentions.

Pour nous, architectes, l’expérience des chantiers est un apprentissage personnel et continu. Les chantiers évoluent avec le temps, l’architecte aussi. Le chantier nous permet de nous construire un bagage qui assoit notre position sur les chantiers et de nous rendre davantage légitime. Cela permet de développer notre pensée globale de l’exécution. A l’agence, j’écris des CCTP, sur base d’anciens exemples. Plus je « fais du chantier », plus certains aspects de ces écrits sont clairs.

J’oublie moins certaines informations, mes reflexes évoluent. Nous l’avons vu précédemment, la pratique du chantier demande à l’architecte un suivi plus que régulier pouvant rendre cette mission fastidieuse. Néanmoins, c’est dans la gestion du chantier que des ressources de rentabilité et d’efficacité sont aussi à trouver, afin de défendre les honoraires de l’architecte qui s’y rattachent. Cela peut passer par l’ajout de certaines missions dans le contrat, des missions complémentaires, comme les OPR (Opérations Préalables à la Réception). Pour le chantier de Trébois nous sommes missionnés sur les OPR. Cette mission nous l’avons sur le chantier Trébois. Pour l’agence d’architecture, l’expérience de chantier permet de nourrir la conception des futurs projets : détails, mise en œuvre, échanges avec les artisans, ouvriers, transmission des savoirs. La pratique du chantier permet de prendre conscience que le lien entre la forme architecturale et sa mise en œuvre constructive est assurément garanti. La mise en œuvre met en lumière tous les potentiels de futurs dessins de projet. Penser que l’architecte peut s’extraire de cette pratique de chantier et de son suivi, serait le réduire à une profession virtuelle. Alors que la base de l’architecture même c’est la matière, c’est la lumière, c’est l’odeur, le bruit, choses qui ne peuvent se réduire au fictif. L’éloignement du chantier entraine notre méconnaissance sur la réalité matérielle et constructive.

Sur le chantier, l’architecte doit jongler entre les imprévus physiques, économiques, temporels et humains dans un temps chronomètré. C’est un exercice périlleux mais qui peut aussi permettre une émulation intellectuelle formidable au service du projet qui se construit. Cette émulation est aussi possible grâce à la collaboration avec les nombreux acteurs du chantier. L’architecte donne le rythme. La mission complète est facteur de qualité, de performances et d’économies sur la durée.

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Discussion entre un électricien, un maçon et un peintre – Levallois-Perret - 2022

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III.

L’ARCHITECTE : UN DES RÔLES PRINCIPAUX SUR LE CHANTIER Sur le chantier, entre la complexité du jeu des nombreux acteurs, les enjeux relationnels, les rôles et responsabilités de chacun… l’architecte doit assurer que le projet se réalise dans le respect des intentions architecturales qu’il a mises en place.

Et tout cela dans un cadre partenarial. Il faut alors trouver des clés et des moyens pour assurer ces objectifs. Les expériences de chantier que j’ai connues jusqu’à présent, surtout celle du chantier de Trébois, et toutes les réflexions qui en découlent soulèvent alors des questions : quels outils mettre en place pour mieux appréhender ces situations et comment y faire face ?

1. Renforcer son rôle et asseoir sa position L’architecte doit faire valoir sa place sur le chantier et cela passe notamment, nous l’avons vu, par le fait de se faire attribuer des missions complètes.

Suivre un projet dès ses débuts favorise la cohérence de l’ouvrage mais également l’implication de l’architecte et sa légitimité à assurer la direction du chantier. Au contact des différents intervenants, possédant chacun leur mission, leur savoir-faire, l’architecte construit son rôle au service de l’œuvre architecturale. C’est pourquoi il est important d’expliquer à la maitrise d’ouvrage son rôle sur le chantier et ce que l’architecte apporte de plus qu’un maitre d’œuvre n’ayant pas suivi la phase de conception du projet. Comme vu en partie II, il peut y avoir un réel manque de pédagogie et de connaissance de la part de la maitrise d’ouvrage, écartant alors l’architecte de cette mission. Renforcer son rôle dans le monde de l’exécution c’est aussi se faire payer à sa juste valeur. Il ne faut pas « brader » cette mission. Il faut faire valoir auprès des clients nos capacités à suivre le chantier afin que la mission nous soit accordée. Il est donc important, dans le contrat, de détailler précisément les éléments de mission d’exécution.

Lors du chantier, l’architecte est le seul à avoir la vision d’ensemble du projet. Il va donc consolider sa position face aux autres intervenants et cela va le mettre en confiance. D’avoir travaillé sur le projet de Trébois depuis ses débuts m’a aidé à avoir de l’assurance et à intervenir plus facilement lors des réunions de chantier. L’aisance technique s’acquiert au fur et à mesure des expériences et des échanges. Mais déjà, de connaitre le projet de manière très précise est un vrai renfort.

Encore une fois, on remarque l’importance de la mission complète de l’architecte. A l’agence, cela m’est arrivé de récupérer des dossiers et d’assister des chantiers de projets que je n’avais pas suivis depuis le début, j’ai trouvé cela beaucoup plus difficile. Lors des réunions de chantier, il est important d’expliquer son déroulement et de rappeler le rôle de chacun. L’architecte est capable de diriger, tout en sachant écouter, il faut savoir ordonner les prises de paroles en fonction de l’importance ou de l’urgence d’un problème. L’architecte doit aussi être capable de négocier, que ce soit avec les entreprises ou la maitrise d’ouvrage. Il faut savoir remettre en question son point de vue et prendre des décisions intelligemment. Certaines solutions trouvées peuvent finalement déranger un autre lot d’entreprise. Il faut être capable de mettre tout le monde d’accord, toujours dans le but du bien commun de l’œuvre.

En chantier, je remarque qu’il peut être parfois délicat de demander à une entreprise d’ajouter ou de modifier un élément. Il est alors important de leur expliquer pourquoi, d’exposer les raisons de cet éventuel changement ou rajout. Cela favorise l’implication et le dialogue. Il faut bien comprendre que chaque acteur perçoit le

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projet sous un prisme différent, avec des intérêts différents. Connaissant les tenants et aboutissants du projet, l’architecte peut recentrer les idées et replacer au centre les réels enjeux de l’œuvre.

Le chantier ne commence pas le premier jour de la démolition sur le chantier. Il se prépare déjà lors de la phase d’études. A l’agence, lorsque Florian nous confie un projet, et donc le suivi du chantier, c’est donc à nous de rédiger les CCTP. Cela permet une meilleure maitrise lors du chantier et une meilleure anticipation aux aléas. Le CCTP, tout comme le DCE, sont de véritables outils pour les différents acteurs avec lesquels nous interagirons. Leur rédaction et donc leur parfaite connaissance renforce la place et la justesse de l’architecte en phase d’exécution.

Avec l’expérience de Trébois et l’AMO qui est sorti de son rôle, je me suis alors demandé concrètement par quel moyen adroit remettre de l’ordre dans les attributions respectives de la MO, de l’AMO et de moi-même en tant que maître d’œuvre. J’ai tout d’abord remis de l’ordre lors des réunions hebdomadaires de chantier en prenant le lead en expliquant leur déroulement (ordre du jour, points à aborder, clarifier les objectifs attendus) et en organisant les prises de paroles de chaque intervenant. Nous avons également eu une discussion avec l’AMO en évoquant les risques encourus si les rôles restent confus vis-à-vis de chaque acteur.

L’AMO a malgré tout continué d’être oppressant et une discussion a alors eu lieu avec la MO. J’ai compris qu’en tant que maître d’œuvre, nous étions en droit et il était important de montrer de la fermeté pour défendre les intérêts de tout le monde, et notamment du client. Il est important d’être conscient que les retards occasionnés par cette situation confuse nous seront reprochés en tant qu’architecte, puisque missionné d’assurer la direction de chantier. Nous l’avons précisé, l’AMO lui ne sera jamais recherché en responsabilité en cas de sinistre, retards d’exécution ou encore réclamation des entreprises. Le chantier continue aussi après les réunions.

L’architecte établi son compte-rendu, il relance les entreprises, débriefe. Il est important, en plus des appels, de communiquer par mail. Les traces écrites, en cas de sinistre auront du poids par leur valeur juridique. Même si dans ce cas, l’AMO a un comportement totalement exagéré et prend beaucoup de place, il est important de prendre en compte ce que chacun a à se dire.

Les rapports de force sont très courants sur un chantier : ici, l’exemple avec l’AMO, mais cela peut aussi être le cas avec les entreprises qui cherchent à faire de la rentabilité ; avec la MO qui met une pression sur les délais ou qui change d’avis, ce qui a tendance à agacer les entreprises… Bref, l’architecte se retrouve au milieu de tout cela et doit tenter de faire preuve de diplomatie. La question de l’attitude à adopter est donc primordiale afin de créer une bonne harmonie entre tous les acteurs de projet. L’architecte doit faire figure d’autorité. Il doit rester ferme, tout en gardant de bons rapports. Tout cela est subtile et c’est pour cela qu’il est essentiel d’en avoir conscience afin d’appréhender au mieux les situations. Situations qui varieront toujours selon le projet et ses acteurs. Chaque projet est différent, donc chaque chantier aussi. Pas moyen donc de s’ennuyer …

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2.

Trouver un langage commun pour œuvrer collectivement

Les acteurs du chantier ne sont pas tous présents depuis la conception du projet, notamment les entreprises. Notre rôle de transmission est alors essentiel. Il faut donc être capable d’expliquer le projet afin qu’il devienne une œuvre collective.

En tant qu’architectes nous avons appris, et cela dès nos études, à expliquer et communiquer sur notre projet. L’architecte doit s’adapter face aux différents interlocuteurs. Que ce soit de manière écrite, graphique ou à l’oral, nous avons dû, et devons toujours, réussir à expliquer un projet d’architecture. Face à des interlocuteurs aussi différents qu’ils soient (ingénieur, bureau d’études, client, artisans…) il faut être capable de trouver un langage accessible à tous. L’entente entre les acteurs passe aussi par les moyens de communication mis en place : la qualité du DCE, la précision des CCTP... Ces éléments permettront de bien préparer le chantier. Les documents de projet sont primordiaux pour l’explication et la transmission des objectifs de l’œuvre. Il est important de prendre le temps de donner ces informations. En tant qu’architecte, nous devons donner une grande importance à cela pour éviter tout malentendu qui pourrait être néfaste pour le projet. Nous devons être capable de transmettre clairement nos pensées et les informations dont nous disposons. En tant qu’architecte, il est plus compliqué, à l’inverse d’un ingénieur par exemple, d’expliquer un projet car l’architecture fait aussi appel à la sensibilité.

Rappelons qu’il y a une réelle limite à l’écriture des CCTP puisqu’ils décrivent les lots de manières séparées. Les entreprises, surtout quand le marché est divisé en lots, n’ont alors pas la vision d’ensemble de la future œuvre. En outre, comme nous l’avons remarqué, la standardisation et la multiplication des acteurs fait que l’ouvrier est moins impliqué, ne connaissant pas toujours le but final de l’œuvre.

Il est donc important de se questionner sur comment réduire cet écart. Rappeler et communiquer sur les intentions générales est primordial afin que chaque acteur puisse, avec sa spécificité, apporter le meilleur de lui-même pour ce projet. Ainsi l'implication des entreprises sur le chantier jouera sur la bonne réalisation de l'ouvrage, il en est de même pour l'architecte. Les ouvriers peuvent se méfier de l’architecte, le voyant comme « contrôleur des travaux finis ». Il ne faut donc pas hésiter à communiquer avec les artisans, malgré leur prudence. Chaque artisan apporte sa pierre à l'édifice. Il est important de leur prouver que leur travail est essentiel pour que le projet se réalise et réponde au mieux aux attentes architecturales. Les échanges, la transmission de leur savoir, et la mise au courant de nos idées ne peuvent être que bénéfiques. La relation doit être conviviale et l’architecte doit montrer qu’il considère tout le monde. A l’agence, nous avons l’occasion de retravailler avec les mêmes entreprises, cela créé une confiance évidente, une envie de bien faire. Le rapport à la conception sera aussi différent lorsque nous connaissons en amont la ou les entreprises avec lesquelles nous allons collaborer. Nous pouvons prévoir la manière dont elles vont travailler.

Nous savons et remarquons à quel point les relations sur le chantier peuvent être fragiles et représentent un réel enjeu. Les questions de délais ou d’enjeux financiers peuvent créer facilement des tensions. Cela peut être compliqué et c’est pour cela qu’il faut accorder une réelle importance à la bienséance sur le chantier.

Les sommes des échanges entre l’architecte et tous les autres acteurs du processus de projet sont considérables. Il faut parfois savoir court-circuiter la hiérarchie en s’adressant directement aux ouvriers afin de privilégier au maximum les échanges

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constructifs pour un environnement de travail plus sein. Le chantier est un moment collectif, où tous les savoirs et compétences se mélangent. Il faut être curieux afin d’être au plus proche des échanges, des questionnements et de la progression du chantier. Il faut mettre en lumière l’intelligence constructive des entreprises. Il faut réussir à comprendre les intérêts et la manière de mettre en œuvre de chaque corps d’état. Saisir la culture de chaque entreprise ; leurs moyens humains, matériels. Pour le chantier de Trébois, j’ai réussi à prendre le temps d’y aller régulièrement et seule, hors réunion de chantier, afin d’observer calmement ce qu’il s’y passait. J’ai pu discuter avec les entreprises et la communication était bien plus facile quand l’AMO n’était pas là. Les échanges furent riches et d’autant plus nourris des autres chantiers que je mène en parallèle.

La communication passe aussi par la mémoire du chantier. Cela parait anecdotique, mais avec l’expérience, nous nous rendons compte qu’il faut sans cesse relever, prendre des photos du chantier et veiller à les archiver correctement. En cas de litige, cela permet d’apporter des éléments de réponse en revenant sur ce qu’il s’est passé. En effet, le chantier est une scène d’actions où tout s’enchaîne rapidement. Il est donc très important de garder la mémoire de ce qu’il s’est passé dans le processus de construction. Cela permet de gagner du temps mais aussi d’éviter au maximum les tensions entre tous les acteurs. Cela permet que les choses se passent de la manière la plus honnête possible. Le reportage photographique du chantier peut aussi rassurer la maitrise d’ouvrage (sur l’emplacement des gaines avant la fermeture des placo par exemple). Tout cela permet de garder une trace de l’ensemble des étapes qui ont jalonné le projet.

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3.

Collaborer, se former et s’informer

Nous l’avons remarqué pendant nos études, avec la variété des cours que nous avons eu : de l’histoire de l’art, à la structure, en passant par les mathématiques, la sociologie, la philosophie et le moyen d’expression… le métier d’architecte doit regrouper un champ de connaissances très vaste. Cela nous permet d’interagir avec le plus grand nombre d’acteurs, tout en adaptant le langage en fonction de l’interlocuteur. Aller sur le chantier permet de mettre en action ces interactions.

Tout au long de ce mémoire, nous avons vu qu’il est notable de prendre conscience des responsabilités que nous avons dans ce métier. Le fait de s’informer et de s’ouvrir en permanence au monde qui nous entoure est aussi l’une des missions de notre profession. Nous devons continuer de nous former sur l’évolution de la société, sur la pratique du métier, sur les nouvelles techniques de conception et de construction … Cela a souvent été relevé durant ces sessions de HMO. L’architecte doit avoir une conscience du monde et de ses enjeux, qu’ils soient sociaux, économiques ou encore environnementaux. Ces enjeux ne cessent d’évoluer, et selon la société dans laquelle nous vivons, en tant qu’architectes, nous avons un réel rôle à jouer. Il est de notre devoir de nous mettre à la page et de continuer de proposer des solutions innovantes. Le monde de l’architecture et du bâtiment est très réglementé. Nous faisons face à une grande multiplicité d’acteurs de projet, mais aussi de normes. L’architecte ne doit pas subir ces nombreuses normes et réglementations mais les re-questionner sans cesse afin d’évoluer de manière raisonnable et raisonnée. S’assurer et se munir de connaissances permet de proposer des idées et conseils avisés durant le processus de projet. Se questionner en permanence sur comment construire, avec quels moyens, quels matériaux… faut-il construire tout court ? Être et penser frugal. Il est important aujourd’hui de s’inscrire dans une démarche durable en s’informant et en ayant une meilleure connaissance des enjeux, mais aussi des acteurs potentiels qui nous entourent : entreprises, bureaux d’études, fournisseurs...

Réfléchir à d’autres moyens de construire ou même de s’approvisionner n’est pas forcément l’un des objectifs principaux de l’agence dans laquelle je travaille aujourd’hui. Je tente tout de même de rechercher et me renseigner quand il est possible, de discuter avec les entreprises afin de saisir certains enjeux et certaines difficultés qu’elles peuvent rencontrer dans la construction. A l’agence, nous avons tout de même la chance de collaborer avec un bureau d’études structure très engagé écologiquement. Il propose des matériaux et des solutions techniques durables. Fort de son engagement, il a créé un site internet référençant un large panel de matériaux naturels et écologiques pour le bâtiment. Ce site, ainsi que les échanges avec ce bureau, permettent alors de nourrir et d’appréhender certains projets différemment.

Lors d’un autre chantier de réhabilitation de salles de classe, j’ai eu l’occasion de beaucoup échanger avec le bureau de contrôle. Lors du rendez-vous pour établir le RVRAT (Rapport de Vérification Réglementaire Après Travaux) il a pris le temps de m’expliquer les nombreuses normes à prendre en compte, ici dans le cas d’un projet ERP. Normes qui sont difficiles parfois à comprendre si nous n’avons les explications avec des exemples concrets et construits.

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Se confronter entre acteurs, intelligemment, avec toutes les contraintes que le chantier détient, permet d’enrichir le projet et de rendre l’œuvre non pas individuelle mais collective. L’apprentissage, l’échange avec les intervenants aident à appréhender l’économie d’un projet en utilisant par exemple des matériaux ou techniques de constructions simples. Il serait intéressant de solliciter davantage les entreprises lors de la phase de conception. Les échanges collectifs arrivent finalement assez tard, en phase chantier d’ailleurs.

Cette quête d’innovation passe donc par le fait de s’entourer et favoriser la collaboration avec des acteurs voulant aussi aller dans cette direction. Sinon, de s’armer de connaissances pour partager ses valeurs. Ainsi, la connaissance et l’apprentissage permanent sont des sujets primordiaux pour aussi faire preuve de crédibilité. Construire nous apprend à concevoir. Le projet évolue pendant la phase de chantier tout comme notre regard et nos connaissances évoluent par la pratique.

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Surélévation d’une maison existante en maçonnerie en blocs de pierres ponce Cogetherm – Les Lilas - 2020

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Construction d’une extension de maison – Pas-de-Calais - 2021

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CONCLUSION Ce mémoire a été l’occasion d’apporter des réflexions sur un sujet qui m’a beaucoup questionné durant la MSP : la posture de l’architecte en chantier. A travers les aléas de chantiers que j’ai dû gérer chez FDLA, j’ai pu me poser des questions et porter un regard critique sur la pratique du métier. Les aléas rencontrés ne sont pas toujours d’ordre constructifs, météorologiques, de site, ou de production… Ils peuvent aussi être liés aux acteurs qui interviennent sur le chantier et en particulier aux relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres.

Je me suis rendu compte à quel point le chantier était une aventure humaine et comment les rapports humains , aussi complexes soient-ils, étaient essentiels à prendre en compte. En tant qu’architecte, nous sommes au centre des interactions, au cœur des échanges entre les acteurs du chantier. Chacun se doit de garder sa place de manière légitime, pour une bonne cohésion d’équipe et un parfait aboutissement du projet. Saisir le rôle et les responsabilités de chaque acteur est essentiel pour mieux appréhender les rapports humains sur le chantier, et donc de potentiels aléas. Cette expérience professionnelle et la HMONP m’ont aussi largement confirmé l’importance de la mission complète de l’architecte. Au-delà des responsabilités que l’architecte se doit de prendre sur le chantier et des risques qu’il encourt à ne pas le suivre, le chantier est la phase ultime et déterminante dans l’aboutissement du projet. Notre rôle est central pour la réalisation de l’œuvre ellemême, pour chacun des acteurs, et pour nous en tant qu’architectes. Porter et voir évoluer le projet dans la durée favorise aussi notre implication personnelle et notre légitimé à assurer la direction des travaux. Notre place sur le chantier est essentielle, nous devons en avoir conscience et la faire valoir. Les acteurs sont nombreux, les échanges aussi, nous devons donc toujours communiquer, partager et collaborer pour mettre en lumière l’intelligence collective. Comprendre ces éléments permet de renforcer notre rôle central et d’affirmer notre place sur le chantier. Ainsi, au travers de ces expériences et réflexions, j’ai pu me construire un regard plus objectif et éclairé sur ma future pratique professionnelle. J’ai précisé ainsi mes envies et ma conviction de continuer à « faire du chantier ».

Enfin, une autre conviction qui s’est renforcée chez moi au cours des dernières années est que notre profession nous permet d’agir sur les enjeux environnementaux et sociétaux du monde qui nous entoure. Je tiens particulièrement à développer cette idée dans ma future pratique du métier d’architecte. D’ailleurs, le panel grandissant d’acteurs intervenants sur le chantier offre aussi de nombreux avantages et d’opportunités sur la question de l’innovation et de son intégration dans nos projets. Ainsi, s’entourer de partenaires engagés et spécialisés devient une réelle force pour le projet. En composant avec le savoir et les techniques des acteurs de la maitrise d’œuvre, on développe et on intègre un savoir commun. Trouver le temps d'échanger, d'écouter, de partager, d’apprendre, de se former, pour penser frugal et appréhender par exemple la conception d'un projet, ainsi que sa réalisation, de manière raisonnable. Tout cela, l'architecte l'obtient en favorisant la convivialité et la participation de chacun sur le chantier. Nous devons nous sentir, et faire sentir, que nous sommes tous indispensables, acteurs de la réalisation de l’œuvre, et acteurs du futur de l’architecture.

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Réhabilitation d’un appartement - Paris 14 - 2021

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