La maison alsacienne du 21e siècle

Institut national des sciences appliquées de Strasbourg Master Architecture, structures et projets urbains Mémoire de stage

La maison alsacienne du 21e siècle Promotion 2017-2018 Quentin Fahrner

Directeur de mémoire Gaëtan Desmarais

Septembre 2018

Remerciements Mes remerciements vont à Mr Gaëtan DESMARAIS, mon directeur de mémoire, pour ses précieux conseils et remarques.

Mr Bruno CARO, Directeur du château du Haut-Kœnigsbourg, Mme Claudia MAISSET, Receveur principal du droit d’entrée du château du Haut-Kœnigsbourg, sans qui je n’aurai pas pris connaissance de ce stage.

Mr Frédéric BIERRY, Président du Conseil départemental du Bas-Rhin, Anne HAUMESSER, Directrice du Secteur Habitat et logement, Gaëlle LE BARBU, Directrice du Service Développement du logement social, pour m’avoir accueilli et offert l’opportunité de travailler pour le Conseil départemental du Bas-Rhin.

Mme Frédérique BERTHAUD, Référente départementale Habitat, ma maître de stage, pour sa confiance dans la réalisation de ce travail et pour le partage de ses connaissances qui ont permis le bon déroulement de ce stage.

Toute l’équipe du Secteur Habitat et Logement, ma collègue de bureau, mes collègues stagiaires, pour leur accueil chaleureux, leur bonne humeur et leur aide.

Tous ceux qui ont pu rendre ce travail possible.

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Chapitre 0

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Glossaire Auvent Toit à un seul rampant placé au-dessus d’une ouverture ou le long de toute une façade, servant à protéger les fenêtres et la façade de la pluie. En Alsace, l’auvent se prolonge très souvent sur l’ensemble de la façade et certaines maisons possèdent deux, voire trois auvents en façade. 10 Balcon Plate-forme en saillie sur la façade d’un bâtiment et qui communique avec une pièce. 10 Balustrade Clôture à jour ou garde-corps, à hauteur d’appui, en principe faits d’une rangée de balustres unis par une tablette. 11 Chaînage Piliers de pierre élevées d’aplomb disposées dans les maçonneries pour en accroître la résistance et formant l’encoignure d’un bâtiment. 19 Colombage Synonyme de pan de bois, est d’une part l’ossature de bois qui forme la structure et d’autre part constitué aussi du remplissage des parties vides entre les bois, hormis les ouvertures. 3 coulisseau Pièce mécanique de guidage, qui se déplace dans une coulisse. 21 Croupe Versant de toiture, généralement triangulaire, réunissant à leur extrémité les longs-pans de certains toits. 10 Encorbellement Position d’une construction en saillie sur un mur. 18 Entretoise Pièce qui sert à relier dans un écartement fixe des poutres. 10 Faîtage Pièce de charpente reliant l’angle supérieur des habitations, partie supérieure d’un comble.

En l’absence de panne faîtière, le faîtage est l’arête horizontale supérieure de la toiture, couverte de tuiles de faîtage.). 9 Galerie Lieu de passage ou de promenade, couvert, beaucoup plus long que large. 10 Linteau Pièce horizontale (de bois, pierre, métal) qui forme la partie supérieure d’une ouverture et soutient la maçonnerie. 10 Loggia Balcon couvert et fermé sur les côtés. 10 Moellon Pierre de construction maniable (par son poids, son encombrement). 14 Mur gouttereau Mur portant une gouttière terminant le versant de toiture et recevant les eaux. 21 iii

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Chapitre 0 Oriel Avancée en encorbellement aménagée sur un ou plusieurs niveaux d’une façade. 21 Pan de bois Ouvrage de charpenterie composé de sablières hautes et basses, de poteaux de décharges et de tournisses formant un mur de bois. 8 Pignon Partie haute et triangulaire d’un mur, entre les deux versants d’un toit. 6 Poteau Élément porteur vertical, soit libre (fermes de charpente, support de balcon, granges), soit pris dans un colombage (poteau cornier, montant). 9 Poteau cornier Poteau d’angle donnant sur la rue et la cour revêtant souvent une importance particulière, car porteur d’inscriptions (cartouche avec les noms des propriétaires, la date de la construction, des formules de protection…) ou de décors symboliques (vis sans fin, statues, décors divers…).

9 Soupirail Ouverture pratiquée à la partie inférieure d’un édifice. 21 Usoir Espace entre la chaussée et le bâti où les maisons sont jointives. 17

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Sommaire Introduction 1

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La maison alsacienne, entre unité et diversité 1.1 Construction de la typologie . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1.2 La ville et le village alsaciens . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1.3 Histoire de la maison alsacienne . . . . . . . . . . . . . . .

1.3.1 La maison avant le 16e siècle . . . . . . . . . . . . .

1.3.2 La maison entre le 16e et 17e siècle . . . . . . . . . .

1.3.3 La maison du 18e siècle . . . . . . . . . . . . . . . .

1.3.4 La maison du 19e siècle . . . . . . . . . . . . . . . .

1.3.5 La maison du 20e siècle . . . . . . . . . . . . . . . .

1.4 Deux grands types de maisons alsaciennes . . . . . . . . . .

1.4.1 Caractéristiques communes de la maison alsacienne 1.4.2 La maison de la plaine . . . . . . . . . . . . . . . .

1.4.3 La maison de la montagne . . . . . . . . . . . . . .

1.5 Des matériaux et techniques spécifiques . . . . . . . . . . .

1.5.1 Le bois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1.5.2 La pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1.5.3 Les façades . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1.5.4 Les ouvertures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1.5.5 La couverture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1.6 Une déclinaison de variantes liées aux territoires . . . . . . .

1.6.1 La maison du Kochersberg . . . . . . . . . . . . . .

1.6.2 La maison d’Alsace Bossue . . . . . . . . . . . . . .

1.6.3 La maison d’Outre-Forêt . . . . . . . . . . . . . . .

1.6.4 La maison du Pays de Hanau . . . . . . . . . . . . .

1.6.5 La maison du Sundgau . . . . . . . . . . . . . . . .

1.6.6 La maison du Ried . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1.6.7 La maison de la ville . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Chapitre 0 Un patrimoine et de la valeur 2.1 Le patrimoine bâti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.1.1 Évolution de la notion de patrimoine . . . . . . . . . . . . .

2.1.2 Patrimoine culturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.1.3 Petit patrimoine bâti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.2 La maison alsacienne devenue patrimoine bâti . . . . . . . . . . . . .

2.2.1 Valeurs d’appréciation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.2.2 Identification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.2.3 Repérage par l’Inventaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.3 Les critères de conservation de ce patrimoine et de sa hiérarchisation 2.3.1 Faut-il tout conserver? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.3.2 Critères de conservation et hiérarchisation par l’Inventaire . .

2.3.3 Outils pour la préservation du patrimoine bâti en France . . .

2.4 Le processus de valorisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.4.1 Valorisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.4.2 Formes de la mise en valeur . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2.4.3 Réemploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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La maison alsacienne du 21e siècle 3.1 Une maison intégrée dans un contexte architectural et urbain . . . . . . . . . . . . . . .

3.1.1 Inspiration des typologies et morphologies du territoire . . . . . . . . . . . . .

3.1.2 Volumes en accord avec l’environnement bâti préexistant . . . . . . . . . . . .

3.1.3 Respect de l’alignement et du recul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.1.4 Articulation avec le terrain naturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.2 Moderne et fonctionnelle : adaptée aux usages et aux populations . . . . . . . . . . . .

3.2.1 Luminosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.2.2 Domotique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.2.3 Nouveaux modes de déplacement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.3 Économe en énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.3.1 Isolation, circulations d’air et taux d’humidité . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.3.2 Énergies renouvelables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.3.3 Matériaux biosourcés et innovants et techniques locales . . . . . . . . . . . . .

3.3.4 Construction passive, implantation optimisée et économie des surfaces bâties .

3.4 Évolutive, accessible et adaptable à tout public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.4.1 Évolution des pièces (taille et nombre), extensions et divisions . . . . . . . . . .

3.4.2 Évolution du statut d’occupation, changement d’usage et changement de destination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.4.3 Accessibilité et adaptation à tout public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Conclusion

31 31 31 32 32 33 33 33 34 34 34 35 35 36 36 37 37 39 39 39 40 40 41 41 42 42 42 43 43 44 45 45 46 46 47 48 52

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Table des figures 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 1.10 1.11 1.12 1.13 1.14 1.15 1.16 1.17 1.18 1.19 1.20 1.21

Recensement des limites et dénominations (Atlas des paysages d’Alsace) Unités paysagères d’Alsace (Atlas des paysages d’Alsace) . . . . . . . . .

Village-tas (Noémie Thomas) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Village-rue (Noémie Thomas) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Village-cercle et village-échelle (Noémie Thomas) . . . . . . . . . . . .

Maison d’avant le 16e siècle (ASMA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison du 16e siècle (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison du 18e siècle (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison du 19e siècle (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Plan d’une maison alsacienne (Maurice Ruch) . . . . . . . . . . . . . .

Maison de la plaine (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison de la montagne (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Plusieurs essences de bois (PNRVN) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Plusieurs types de pierre (PNRVN) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison du Kochersberg (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison d’Alsace Bossue (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison d’Outre-Forêt (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison du Pays de Hanau (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maison du Sundgau (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maisons du Ried (ASMA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maisons de la ville (Canopée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Chapitre 0

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Introduction Dans les années 1970, l’association Maisons paysannes d’Alsace, à l’origine de l’Écomusée d’Alsace, alertait l’opinion publique sur la disparition d’un millier de constructions anciennes traditionnelles par an en Alsace. Aujourd’hui, l’Association de Sauvegarde des Maisons Alsaciennes (ASMA) estime que chaque année, ce sont entre 400 et 500 maisons alsaciennes ou dépendances qui sont démolies.

Les raisons de ces destructions sont nombreuses mais notamment liées au désintérêt de la population pour les maisons traditionnelles et à un manque de sensibilisation des élus à la restauration du bâti traditionnel. Souvent obtenues à la suite d’un héritage familial, ces maisons sont perçues comme un bien difficile à aménager, conduisant dans de nombreux cas à sa revente à un promoteur plus intéressé par le terrain que par la maison en elle-même. Elles sont alors détruites en faveur de constructions neuves, jugées plus adaptées aux modes de vie actuels. D’autres de ces maisons peuvent rester vacantes après le décès de leur dernier occupant, aboutissant à leur dégradation. Les nouveaux repreneurs pensent alors qu’une restauration est impossible ou que son coût est trop élevé. Les collectivités locales elles aussi, tiraillées entre préservation du patrimoine bâti et densification, peuvent difficilement résister aux demandes de démolition de maisons situées en dehors des périmètres de protection.

Les démolitions des maisons alsaciennes traditionnelles dégradent de manière irréversible l’aspect des villages alsaciens et leur attrait touristique. Le processus de destruction des maisons traditionnelles est lent et n’est pas encore assez visible aujourd’hui, mais le maintien de ces démolitions au rythme actuel nous oblige à nous en préoccuper au plus vite avant que les communes alsaciennes perdent de leur pittoresque.

C’est dans ce contexte alarmant, qu’a été créée la stratégie opérationnelle concernant la maison alsacienne du 21e siècle « M.Als.21 » au sein du département du Bas-Rhin (CD67). Il s’agit d’encourager les projets de valorisation du patrimoine bâti alsacien, en appui de la stratégie culturelle et touristique du CD67, et d’enrayer le processus de démolition du bâti alsacien considéré comme inadapté aux nécessités d’aujourd’hui. La maison alsacienne du 21e, en réhabilitation comme en construction, devra être une maison adaptée aux modes de vie d’aujourd’hui et en anticipation sur les évolutions technologiques et sociétales.

L’objectif est de mettre en œuvre un processus de réhabilitation respectueux du bâti, permettant d’offrir aux ménages un habitat moderne et adapté à leur besoins et d’engager une réflexion afin de concevoir de l’habitat neuf inséré dans le paysage et l’urbanisme traditionnel, renouvelant les codes locaux, intégrant la préoccupation de la transition énergétique ainsi que les ressources des nouvelles technologies et des nouveaux modes constructifs.

Ce mémoire s’appuie sur un stage d’une durée de quatre mois passés au CD67 à travailler au montage de cette stratégie opérationnelle. Durant ce stage ont été recensées les actions d’ores et déjà réalisées par 1

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Chapitre 0

tous les acteurs concernés, a été définie la maison alsacienne traditionnelle et a été créé une ébauche de référentiel utilisée pour la construction d’une démarche opérationnelle d’expérimentation dans la commune de Batzendorf. Ce stage fait également suite à un stage portant sur l’utilisation des données de l’Inventaire général du patrimoine culturel pour la protection du patrimoine bâti dans le PLUi de la Vallée de Villé, en 2017 (Fahrner 2017). L’addition de ces expériences ont pu permettre la rédaction de ce mémoire portant sur la maison alsacienne du 21e siècle.

Mais alors, qu’est-ce que la maison alsacienne du 21e siècle?

Afin de traiter le sujet et de répondre à la problématique, un plan de recherche a été établi. Il consiste tout d’abord en une recherche de la bibliographie et des travaux liés au sujet. De nombreux acteurs ont également été rencontrés tels que l’Écomusée d’Alsace, le Parc national des Vosges du Nord (PNRVN) ou encore le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) du Bas-Rhin. Les nombreux échanges avec plusieurs collègues du CD67 ont permis d’aiguiller la réflexion et d’enrichir mon expérience personnelle.

Afin de comprendre ce qu’est la maison alsacienne du 21e siècle, il faut tout d’abord définir ce qu’est la maison alsacienne. Suite à cette définition, se pose la question de qu’est-ce qui en fait un patrimoine et de la valeur et donc pourquoi mériterait-elle d’être conservée? Vient enfin la nécessité de définir la maison alsacienne du 21e siècle.

Nous verrons dans un premier temps que la maison alsacienne peut se décrire par son unité mais aussi par sa diversité. Suite à ce constat, base de la réflexion, vient une réflexion : la maison alsacienne traditionnelle est un patrimoine et de la valeur qui mérite d’être conservé. Enfin, ce patrimoine bâti peut être mis en valeur et devenir la maison alsacienne du 21e siècle grâce à des prescriptions d’actions.

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Chapitre 1 La maison alsacienne, entre unité et diversité L’une des premières images venant à l’esprit d’une personne étrangère à l’Alsace lorsqu’on lui demande ce que lui évoque la région est probablement la maison à pans de bois, couverte d’un toit à forte pente à dominante rouge, agrémentée de géraniums posés à ses fenêtres et avec en toile de fond un petit village et un vignoble. L’image de la maison à colombage* amène à la considérer comme étant une sorte de modèle typique, disséminé dans toute la région. Toutefois, l’Alsace offre des maisons aussi diverses que les lieux où elles sont implantées.

Ce premier chapitre a pour but de décrire la maison alsacienne, son unité et sa diversité, à travers une description du village ou de la ville où elle s’implante, de son évolution dans le temps, de ses différents types et variantes et des matériaux et techniques qu’elle nécessite. Ce chapitre n’est pas une description exhaustive de la maison alsacienne mais une synthèse de nombreuses sources rendant accessible sa description. Les termes techniques ont été évités au maximum mais sont définis dans un glossaire en annexe lorsqu’ils sont employés.

1.1 Construction de la typologie Parler de la maison alsacienne n’est pas chose aisée, puisqu’il n’existe pas une unique « maison alsacienne ». En effet, celle-ci partage des caractéristiques communes à l’ensemble de l’Alsace mais se divise en deux grands types et en plusieurs variantes dont le nombre et les appellations peuvent varier d’une source à l’autre.

L’enjeu de la définition de la maison alsacienne que donne ce mémoire a été de proposer une synthèse de la bibliographie et des nombreux travaux faits à ce sujet tout en opérant certains choix. Ainsi, alors qu’il a été facile de décrire les deux grands types de maisons alsaciennes, il a été plus difficile de s’arrêter à un certain nombre de variantes.

Les travaux de Georges Klein (Klein 1976), conservateur honoraire du musée alsacien, ont été une référence de départ dans cette définition de la maison alsacienne. En effet, ses travaux ont servi de base aux travaux et ouvrages d’autres sources comme Maurice Ruch (Ruch 1977), Marie-Noële Denis (Denis 2005), l’EcomuséeWeiss 1991, le PNRVN (PNRVN 2013) ou encore l’ASMA (ASMA 2012) pour ne citer que 3

1.1

Chapitre 1

quelques-uns. Le croisement de ces nombreuses sources avec une rencontre d’acteurs et une expérience acquise durant le stage lié à l’écriture de ce mémoire ont permis la construction de la typologie que nous allons parcourir dans ce premier chapitre.

Afin de proposer une cartographie des différents territoires de l’Alsace, ce mémoire s’appuie sur les travaux de l’Atlas des paysages alsaciens. L’Atlas des paysages alsaciens est issu d’un processus de partage, d’élaboration et de validation concertées entre les services régionaux et départementaux de l’État, les collectivités territoriales, les services et établissements publics régionaux et partenaires locaux et les représentants de la société civile, sous maîtrise d’ouvrage de l’État. Cet atlas a pour but l’émergence d’une ambition régionale en matière de paysage grâce à la mise à disposition de données globales sur le paysage, couvrant de façon homogène l’intégralité du territoire alsacien. Délimiter des unités paysagères sur un aussi vaste territoire est toujours un exercice délicat. Il s’agit en effet d’appréhender la richesse des paysages alsaciens sans pour autant prétendre à une quelconque exhaustivité. L’atlas apporte un premier niveau de connaissance sur les paysages, homogène et harmonisé sur l’ensemble du territoire régional.

L’étude de la bibliographie alsacienne a révélé de nombreuses cartes où sont nommées et souvent délimitées des unités territoriales selon des critères géographiques, historiques, administratifs, politiques, agricoles et paysagers.(Atlas des paysages d’Alsace 2013) La superposition graphique de chaque carte correspondant à une approche paysagère ou environnementale révèle une grande disparité dans les délimitations des principales unités alsaciennes ainsi que dans certaines appellations. Apparaissent ainsi des consensus et des points de divergence concernant tant les délimitations que les appellations.

Figure 1.1 – Recensement des limites et dénominations (Atlas des paysages d’Alsace)

4

Chapitre 1

1.2

L’Atlas des paysages alsaciens a ainsi relevé des délimitations qui faisaient consensus, en mettant en évidence certaines dénominations locales apparaissant sur de nombreux documents. La carte des unités paysagères d’Alsace identifie ainsi 21 unités paysagères.

Figure 1.2 – Unités paysagères d’Alsace (Atlas des paysages d’Alsace)

Le croisement de ces travaux avec les autres sources précédemment évoquées ont permis de retenir six territoires liés aux variantes de la maison alsacienne : le Kochersberg, l’Alsace Bossue, l’Outre-Forêt, le pays de Hanau, le Sundgau et le Ried. Une dernière variante liée aux villes a également été ajoutée, les maisons alsaciennes s’y trouvant étant aussi caractéristiques et différenciables des autres territoires.

Avant de s’intéresser à la maison alsacienne, il est tout aussi important d’évoquer la ville et le village alsaciens ou celle-ci s’y implante. En effet, ils possèdent eux aussi des caractéristiques propres à l’Alsace.

1.2 La ville et le village alsaciens L’habitat alsacien est toujours concentré dans les villages, à l’exception des fermes disséminées hors et loin des bourgs dans des régions montagneuses, en raison du terrain accidenté ou de l’agriculture spécifique. Le village se présente en général sous deux types : le village-tas (Hüffedorf ) et le village-rue (Strossedorf ).

Le village-tas est la forme primitive du village, type le plus représenté avec sa forme d’habitats agglomérés sans ordonnancement précis. Il se groupe autour d’une place centrale et est en général traversé par 5

1.2

Chapitre 1

une rivière ou un ruisseau.(Klein 1976) Figure 1.3 – Village-tas (Noémie Thomas)

Le village-rue se développe le long d’un axe de circulation (route et rivière). Le découpage des parcelles s’y fait perpendiculairement à l’axe. Les maisons sont implantées le plus souvent à l’alignement montrant à la rue leur façade ou leur pignon* suivant l’orientation, la vue ou les nuisances. On retrouve ce type de village dans les vallées vosgiennes, en Alsace Bossue mais également dans la plaine agricole.(Klein 1976) Figure 1.4 – Village-rue (Noémie Thomas)

D’autres types de villages moins répandus peuvent être distingués comme le village-cercle (ou village circulaire, ou encore village rond), bâti en cercle autour d’une église ou d’un château fort, dont les rues concentriques offrent des protections complémentaires en cas de franchissement des remparts par des forces ennemies ou encore le village-échelle dont les deux rues parallèles sont reliées par des rues secondaires.(Klein 1976) 6

Chapitre 1

1.3

Figure 1.5 – Village-cercle et village-échelle (Noémie Thomas) En plus de sa forme distinctive, ce qui caractérise le village alsacien c’est la disposition des habitations par rapport à la rue et l’implantation codifiée des propriétés. En effet, au sein même du village existe une hiérarchie qui se manifeste par la maison : il y a la maison des fermiers propriétaires possédant une ou deux grandes fermes aisées, souvent au centre du village. Ils travaillent leurs propres terres ainsi qu’une partie des terres communales. Autour de leurs fermes, à l’entrée du village, les maisons plus modestes des journaliers, ouvriers agricoles. Ils possèdent quelques biens, lopins de terres, bêtes, mais souvent doivent une partie de leur récolte en échange de l’utilisation d’un cheval appartenant au fermier. A l’écart du village, vivent les nécessiteux, familles pauvres. Autre particularité fondamentale du village alsacien : les maisons sont des entités indépendantes s’agençant harmonieusement à l’ensemble du village. Le village alsacien est un ensemble d’édifices, de places, ruelles, puits, fontaines, tout ce qui confère au village alsacien l’image qu’on lui connaît.(Ruch 1986) Aujourd’hui, la physionomie des villages a été considérablement modifiée avec l’arrivée de l’automobile, le tracé de routes et de rues nouvelles et la multiplication des lotissements.

Enfin, la ville alsacienne se distinguait du village alsacien par ses maisons à plusieurs étages, une organisation moins rigoureuse et une succession complexe de ruelles, de cours et arrière-cours et de bâtiments, des échoppes et tavernes plus nombreuses ou encore plusieurs demeures bourgeoises. Jusqu’au 17e siècle, la ville alsacienne n’est en fait qu’un très grand village.

Cette description de la ville et le village alsaciens terminée, nous pouvons commencer à décrire la maison alsacienne à travers son histoire et ses évolutions dans le temps, étape importante dans la compréhension de ses différents types et variantes.

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1.3

Chapitre 1

1.3 Histoire de la maison alsacienne Le patrimoine bâti alsacien témoigne de la capacité des hommes à mobiliser des ressources telles que la pierre et le bois pour bâtir leurs abris et maisons et également de leur capacité à créer des lieux adaptés à leurs modes de vie, à leurs activités économiques et à leurs organisations sociales. L’habitant, en accord avec son maître d’œuvre, décidait de la conception architecturale de sa maison, de la disposition et des dimensions des corps de bâtiment, des matériaux employés et des éléments décoratifs, tout cela en respectant les traditions locales. La maison rurale est donc conditionnée et agencée en accord en accord et en harmonie avec le paysage et le sol où elle a été créée. Le milieu naturel, les systèmes agricoles et le système social déterminaient son implantation et son orientation, l’importance, la disposition et le décor extérieur des bâtiments.

Les maisons restées dans l’état où elles étaient lors de leur construction sont rares. Leur aspect dans l’ensemble, ainsi que dans les détails, a été sensiblement modifié. Lorsque les modes de culture ou de vie ont été changés et que les locaux devaient être adaptés aux nouveaux besoin, des modifications ont été faites. Les corps du métier du bâtiment tels que les charpentiers ou les tailleurs de pierre ont su faire évoluer leurs techniques en fonction des besoins et des courants culturels.

Les maisons alsaciennes à colombage datent du Moyen Âge mais les destructions volontaires ou accidentelles de l’homme et le temps n’ont pas laissé d’exemplaires de maisons datant d’avant le 15e siècle.

Quelques gravures anciennes existent mais fournissent peu de détails. Il est difficile de déterminer précisément à quel moment on est passé de la hutte à la véritable maison à pans de bois*, l’évolution s’étant opérée progressivement. Quelques grandes étapes successives de technologie et d’art se sont succédées avant d’atteindre la perfection au 18e siècle, siècle d’or de la construction de maisons alsaciennes.(Ruch 1986)

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Chapitre 1

1.3

1.3.1 La maison avant le 16e siècle Figure 1.6 – Maison d’avant le 16e siècle (ASMA)

La maison à poteaux* est le type de construction le plus ancien, dérivé de l’art de construire des cabanes. Cette technique consiste à dresser des poteaux soutenant le faîtage* et solidaires avec le toit. Elle présente de nombreux inconvénients comme le manque de hauteur ou la difficulté de construction sur des terrains peu accessibles. La maison dite à Kniestock est une évolution de ce type de maison comportant un étage et demi, caractéristique de la plaine d’Alsace au Bas Moyen Âge.

La maison médiévale est un autre type d’architecture où l’intérieur des combles prend la forme d’un bateau inversé. Plusieurs exemplaires sont encore visibles dans le Sundgau ou à Sélestat.(Gardner 1989) La méthode des bois longs remplace les poteaux centraux par des poteaux corniers* : un poteau d’une seule pièce à chaque coin de la maison, du sol au toit, dont les pièces de bois horizontales viennent s’y encastrer. Cette méthode est en vigueur jusqu’au 16e siècle mais est lourde et fragile.

La Guerre de Trente Ans avait été désastreuse pour les villages de la plaine d’Alsace, très vulnérables.

Les réquisitions, pillages, dévastations et incendies ont décimé la population et l’ont forcé à s’exiler. Ce sont pour ces raisons qu’il n’existe que très peu de maisons du 15e et du début du 16e siècle.(Klein 1976)

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1.3

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1.3.2 La maison entre le 16e et 17e siècle Figure 1.7 – Maison du 16e siècle (Canopée)

La méthode des bois courts est une nouvelle technique d’assemblage des pans de bois révolutionnaire, l’ossature devenant un ensemble de boites superposées. La maison alsacienne devient plus légère, plus solide. Les poteaux corniers ne font plus qu’un étage de haut, les pièces principales constituent le cadre, les poteaux intermédiaires servent de support aux portes et fenêtres, les pièces obliques assurent la triangulation pour plus de solidité et les entretoises* horizontales tiennent le tout en place tout en servant d’appuis et de linteaux* aux fenêtres.

Les toits de ces maisons de cette époque sont à deux versants, le faîtage est souvent coupé aux extrémités pour former des croupes* (Wàlm) très caractéristiques des maisons alsaciennes, des auvents*, balcons*, loggias*, galeries*, commencent à faire leur apparition sur les façades et les maisons sont progressivement décorées.(Klein 1976)

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Chapitre 1

1.3

1.3.3 La maison du 18e siècle Figure 1.8 – Maison du 18e siècle (Canopée)

L’aisance reprit lentement longtemps après la Guerre de Trente Ans, à la fin du 17e siècle. Beaucoup de villages ont dû être reconstruits et repeuplés.(Klein 1976) Comme évoqué précédemment, le 18e siècle apparaît comme la période d’apogée de la maison alsacienne, plus spacieuse, mieux agencée et plus belle.

Des immigrants venus en Alsace à la fin du 17e siècle, notamment les « Schini » de Suisse, ont apporté de nouvelles techniques et ont marqué les maisons qu’ils ont construites. La maison ne doit plus être uniquement fonctionnelle et solide, elle doit aussi allier l’esthétique, l’harmonie, la symétrie et l’élégance grâce à la disposition de son poutrage.(Canopée 2011) La méthode de construction reste la même, celle des bois courts, qui permet à la maison d’être solide et d’avoir jusqu’à quatre niveaux. Les lignes verticales l’emportent et on emploie de plus en plus de poutres moulurées. Les portails fermant les cours des maisons dans les régions fortement agricoles deviennent imposants, les garde-corps des balcons se dotent de belles balustrades*, des décors sont intégrés au poutrage et des inscriptions ornementales sont gravées.(Ruch 1986)

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1.3

Chapitre 1

1.3.4 La maison du 19e siècle Figure 1.9 – Maison du 19e siècle (Canopée)

La Révolution française a laissé quelques traces, mais l’époque napoléonienne marque une période d’ordre, de paix civile et religieuse et une prospérité en Alsace. L’industrie et le chemin de fer se développent. Le 19e siècle continue les traditions du siècle précédent dans la construction.

Les constructions sont plus grandes et plus spacieuses pour faire face aux exigences des cultures industrielles (houblon, tabac, orge, textiles, oléagineux ou encore colorants). Les maisons comportent une cave à l’entrée, excepté là où la nappe phréatique est proche du sol. Le style du 19e siècle est élégant et on observe l’apparition de grandes fermes possédant de grandes cours et des décors luxueux dans le Kochersberg et dans le Pays de Hanau.(ASMA 2012) La tuile mécanique est inventée à la moitié du 19e siècle et remplace progressivement les tuiles plates.

Les premières gouttières apparaissent avec l’invention de méthodes industrielles du traitement du zinc.

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Chapitre 1

1.4

1.3.5 La maison du 20e siècle La construction de maisons à pans de bois a cessé définitivement vers 1870, sous l’influence de la mode de la ville et à la fin de la guerre franco-allemande de 1870. Les immigrés italiens ont propagé la mode du crépissage des façades, recouvrant de nombreux colombages. Les architectes allemands tenteront de relancer un style néo-alsacien entre les deux guerres mondiales, sans succès. Un certain engouement pour la maison alsacienne traditionnelle est réapparu à la moitié du 20e siècle pour continuer de s’accroître jusqu’au 21e siècle.(ASMA 2012) La maison alsacienne a fortement évolué entre ses débuts avant le 16e siècle et l’arrêt de constructions de maisons à pans de bois à la fin du 19e siècle. De toutes ces évolutions, on observe aujourd’hui deux grands types de maisons alsaciennes se démarquant très nettement : la maison de la plaine et la maison de la montagne.

1.4 Deux grands types de maisons alsaciennes Avant de parler de la maison de la plaine et de la maison de la montagne, la maison alsacienne possède des caractéristiques communes à l’ensemble des maisons du territoire.

1.4.1 Caractéristiques communes de la maison alsacienne La maison alsacienne possède des traits caractéristiques communs à l’ensemble des maisons de la région, constituant le style alsacien.

Les maisons sont individualisées, séparées par un potager ou par un passage étroit (Schlupf ). Côté rue, un jardinet ou un portail sépare la rue de la maison.

Les toits sont à forte pente (entre 40 et 60°), légèrement adoucie vers le bas pour chasser la pluie. Ils sont à deux versants et l’extrémité du faîtage est coupée par une croupe (Wàlm). La tuile plate de terre cuite à extrémité arrondie (Biwerschwànz) est le matériau de couverture traditionnel.(PNRVN 2018) Les pièces de la maison alsacienne et des dépendances agricoles sont distribuées selon un plan-type que l’on trouve dans toute l’Alsace avec quelques légères variantes. La cuisine, petite pièce de service relativement sombre, se trouve en face de l’entrée. Côté rue, la Gross Stub est la pièce de séjour où la famille se réunit, vit et prend ses repas. Elle possède une chambre à coucher avec alcôve. En face de la Gross Stub, la Klein Stub est la chambre, non chauffée, réservée aux grands-parents. La maison comporte un couloir (Hüsgang) avec un escalier assez raide menant à l’étage où se répartissent les différentes chambres (Kàmmere).

La cuisine est petite et exiguë et communique avec le débarras (Kammerle). Le fumoir (Reicherkammerle) se situe à l’étage, au-dessus de la cuisine, et communique avec la cheminée. Plusieurs annexes peuvent être rajoutées aux bâtiments originels en fonction des besoins des habitants, comme des dépendances aménagées en logements. Au cours du temps, l’exploitation agricole peut devenir une maison d’habitation.(Ruch 1977)

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1.4

Chapitre 1 Figure 1.10 – Plan d’une maison alsacienne (Maurice Ruch)

Il existe en Alsace deux types de maisons fondamentalement opposées qui correspondent à un environnement naturel et des modes de vie différents : la maison cour et la maison bloc. Ces maisons sont établies sur des zones distinctes du territoire et se déclinent sur les modes constructifs du pan de bois et du moellon* de grès.(PNRVN 2018)

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Chapitre 1

1.4

1.4.2 La maison de la plaine Figure 1.11 – Maison de la plaine (Canopée)

La maison de la plaine ou maison cour est une ferme composée de plusieurs bâtiments, réunis autour d’une cour fermée (Hof). Localisée dans la plaine du Rhin, possédant un sol peu résistant et composé essentiellement de lœss fertiles, la maison cour utilise des matériaux locaux tels que l’argile et le bois.

Les villages constitués d’une majorité de maisons cour sont caractérisés par un urbanisme dense. La maison présente son pignon à la rue et l’entrée donne sur la cour, fermée par un portail, par une palissade en bois ou totalement ouverte. Chaque maison est une unité concentrée vers sa cour ferme (Hof ), centre de l’exploitation. Les maisons sont individualisées, séparées les unes des autres par un potager ou par un étroit passage (Schlupf ), servant de ventilation et d’écoulement des eaux sanitaires.

Les bâtiments sont organisés selon leur fonction (habitation, étable, écurie ou encore grange de stockage). L’usage de la parcelle est optimisé, ses dimensions et l’importance du développement de l’exploitation définissent la forme de l’organisation des bâtiments en L ou en U. Ainsi, les parcelles longues et étroites, perpendiculaires à la rue principale, favorisent une forme en L, contrairement aux parcelles plus larges présentant un grand côté sur la rue principale, favorisant une forme en U. La maison cour est de forme rectangulaire, perpendiculaire à la rue et construite sur les limites de la parcelle. L’usage, la fonction des espaces et les proportions de la façade dictent le nombre d’ouvertures et leur taille. Il y a très peu d’ouvertures qui ne donnent pas sur la cour.(PNRVN 2018) Le pan de bois apparent est prépondérant. Le colombage alsacien intègre la triangulation au pan de bois, étant une forme difficile à déformer. Des chevilles amovibles maintiennent les éléments du colombage, solidement assemblés entre eux. Les maisons d’habitation des propriétaires aisés accordent une

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1.4

Chapitre 1

grande attention à la symétrie et au décor (inscriptions, date, figures symboliques…).(d’Andlau-Hombourg 1979)

1.4.3 La maison de la montagne Figure 1.12 – Maison de la montagne (Canopée)

Reflet de son environnement, la maison de la montagne ou maison bloc (ou encore Eindachhüs) est une ferme d’élevage construite en montagne sur un sol généralement en pente, monobloc, édifiée en pierre, qui abrite toutes les fonctions de la vie familiale et agricole sont sous un même toit, communiquant entre eux par l’intérieur. Basse, trapue et partiellement enterrée, elle est conçue pour faire face aux intempéries. La maison bloc est un parallélépipède allongé, surmonté d’une toiture à deux pans. Cette forme simple est due à une économie de matériaux, d’énergie et d’espace.(Denis 2005) Les villages où se situent la maison de la montagne se développent peu à peu, à partir du noyau originel, le long de ses axes de circulations : ce sont les villages rue évoqués précédemment. Les maisons sont alignées et s’organisent entre elles. L’utilisation des terrains est optimisée; les maisons sont serrées les unes contre les autres, sont souvent mitoyennes, tout en préservant des passages desservant les vergers. Elles forment un front bâti, structuré de façon linéaire.

L’implantation de la maison s’adapte à la disposition du terrain de façon à s’adosser à la pente, ce qui la protège des vents et lui donne une forte inertie thermique renforcée par l’épaisseur des murs du rez-dechaussée. L’exploitation agricole et ses exigences (cheminement et accès des machines et des bestiaux) influe sur la disposition des différentes fonctions sur la parcelle. Deux types de parcelles dominent, correspondant à deux principes d’implantation du bâti : les parcelles plus larges présentant un grand côté 16

Chapitre 1

1.5

sur la rue principale et les parcelles longues et étroites perpendiculaires à la rue principale. L’usoir* est un prolongement de la rue en direction de la façade principale, sorte de cour ouverte servant à la fois au stockage (bois, véhicules, fumier) et aux activités agricoles, se situe entre la maison et la rue. Cet espace intermédiaire n’est pas planté hormis la présence d’arbres et de jardinets en pied de façade. Le fumier et le tas de bois en réserve pour l’hiver qui s’y trouvent sont tous les deux symboles de la prospérité de la ferme.(PNRVN 2018) La maison bloc est de forme rectangulaire, parallèle à la rue et construite sur les limites de sa parcelle.

Il y a très peu d’ouvertures dans les murs des granges. L’usage et la fonction des espaces et les proportions de la façade dictent la taille et le nombre d’ouvertures de l’habitation. Les fenêtres sont nombreuses mais étroites.

Le pan de bois n’est pas prépondérant dans les zones de montagne où il est quasiment inexistant. Il est mis en œuvre pour la structure porteuse intérieure, la charpente et la partie haute des pignons. La charpente est faite pour supporter une épaisse couche de neige pendant plusieurs mois. En fonction des carrières présentes à proximité des villages, la structure principale de l’enveloppe du bâtiment est soit en grès ou en calcaire. Les murs, contrairement à ceux des maisons de la plaine, sont surtout en maçonnerie assez épaisse. La pierre de taille laissée visible a une fonction structurelle et décorative. Elle est utilisée pour les soubassements, les encadrements de portes et de fenêtres ou encore les corniches.(Denis 2005) Les deux grands types de maisons alsaciennes font appel à des matériaux et des techniques spécifiques qui donnent à ces maisons leur aspect si caractéristique.

1.5 Des matériaux et techniques spécifiques La maison alsacienne emploie principalement deux matériaux : le bois et la pierre. Ils se déclinent sous plusieurs formes et les techniques employées peuvent varier d’un territoire à l’autre. Il est tout aussi important d’évoquer les façades, les ouvertures et la couverture, éléments essentiels à la description des maisons alsaciennes.

1.5.1 Le bois L’emploi prédominant du pan de bois apparent dans la plaine d’Alsace est dû à la proximité et l’abondance des forêts telles que la forêt du Rhin ou la forêt de Haguenau, à la facilité de sa préparation, de son transport et de sa mise en œuvre en tant que matériau de construction et à l’existence d’une main d’œuvre qualifiée.

Les charpentiers et menuisiers ruraux, souvent cultivateurs eux-mêmes, augmentaient leurs faibles revenus en travaillant pour les besoins de la communauté lors d’une construction à pans de bois. Dans la plaine, où la pierre de construction manquait, le bois et le torchis étaient des matériaux moins coûteux.(Weiss 1991) Le choix des bois utilisés dépend de sa destination pour la construction, chaque essence ayant des qualités qui lui sont propres. Le chêne est un bois dur et résistant aux intempéries, essence principale dans 17

1.5

Chapitre 1

la construction à pans de bois. Il est préférentiellement utilisé pour les éléments de la structure principale et est surtout employé pour les éléments verticaux. Le châtaignier possède des qualités proches du chêne mais son usage reste exceptionnel. Résistant au climat, aux insectes et aux champignons, il est souvent utilisé pour les bardages. Le hêtre est surtout utilisé dans le mobilier pour sa dureté. Le pin sylvestre et l’épicéa sont résistants aux efforts de traction et sont plus légers que le chêne, leur bois peut aussi être très long. Ces bois sont utilisés dans la toiture et en poutres horizontales. Leur temps de croissance est plus rapide et ils sont plus économiques, mais ils sont moins durables et demandent plus d’entretien que le chêne. Enfin, le mélèze est un bois rarement utilisé en Alsace, puisque planté à partir du 19e siècle.

Possédant de très bonnes qualités structurelles et résistant aux intempéries, il est aujourd’hui utilisé pour les bardages, portes et fenêtres. Il n’est pas rare de rencontrer sur une même maison, des poutres en chêne sur le pignon et la façade sur cour et des poutres en pin sylvestre ou en épicéa sur l’arrière.(PNRVN 2018) L’ossature bois et le remplissage constituent un système constructif appelé colombage. Ce système de construction est souple, en effet sa conception dissocie structure et remplissage. Les parties essentielles et constructives du poutrage d’une maison alsacienne sont les poteaux corniers, des poutres situées aux angles de la maison. La méthode des bois longs, méthode la plus ancienne, utilise des poteaux corniers d’une seule pièce qui montent du sol au toit. La méthode des bois courts est adoptée à partir du milieu du 16e siècle. Elle permet de construire en hauteur et de créer des encorbellements* grâce à l’utilisation de poteaux corniers qui n’ont plus qu’un étage de haut.

Un pan est constitué par un ensemble de pièces de bois inscrites dans un même pan. L’ossature de la maison est constituée de trois pans s’assemblant les uns aux autres : le pan horizontal qui comporte les planchers et plafonds, le plan vertical qui comprend l’ossature et le remplissage des murs et des cloisons intérieures et le plan incliné, fait de la charpente et des combles. Tous les éléments sont solidaires les uns des autres et l’ensemble est en équilibre. La rigidité de la charpente de la maison alsacienne est apportée par la triangulation. La charpente du toit et les façades comportent plusieurs triangles, une structure à la fois souple et solide, pouvant résister à des séismes.

La maison à colombage est l’œuvre presque exclusive du charpentier, travaillant essentiellement dans son atelier puis montant la maison en quelques jours. Le charpentier relève les cotes nécessaires sur le terrain puis fait un croquis à petite échelle (projet linéaire Uffriss) de l’ensemble de l’ossature en plan, en élévation et en coupe. Il réalise ensuite un tracé grandeur nature (ételon ou Rissbonde) sur le sol de son atelier et choisit le bois et les pièces à assembler. Chaque pièce est marquée d’un chiffre latin selon leur emplacement sur une même façade et une même hauteur d’étage. Ce marquage permet de reconnaître les éléments après leur transport sur le chantier, lors du montage définitif.

La construction à pans de bois est montée sur une base solide en dur, à même le sol ou sur une cave. La structure à pans de bois repose sur un soubassement en maçonnerie de pierre qui permet une protection contre l’humidité et une stabilité renforcée. La sablière est une poutre horizontale assurant une bonne répartition des charges transmises aux fondations. Vient ensuite la structure principale composée d’éléments verticaux et horizontaux et d’un système porteur secondaire. Une fois la charpente mise en place, l’œuvre du charpentier s’achève. Il reste alors à remplir les murs de la charpente et à réaliser les travaux de menuiserie et de maçonnerie. Le propriétaire fait appel aux corps de métiers pour la menuiserie et la maçonnerie mais se charge lui-même du remplissage. Le remplissage est formé par une ossature légère en bois recouverte avec du torchis (mélange de terre argileuse, de paille, de chaux et d’eau) ou par des 18

Chapitre 1

1.5

moellons de pierre, ou encore par des briques en terre cuite ou crue. Enfin, le remplissage est protégé par un enduit au mortier de chaux posé en plusieurs couches. Le montage est une opération relativement rapide.(d’Andlau-Hombourg 1979) Figure 1.13 – Plusieurs essences de bois (PNRVN)

1.5.2 La pierre En Alsace, la pierre de taille est utilisée dans les régions où le colombage est quasi absent (maisons de la montagne et maisons d’Alsace Bossue) et dans les régions où sont utilisées à la fois le pan de bois et la pierre. La pierre est utilisée et préparée pour rester au moins en partie apparente, soit aplanie, soit moulurée ou sculptée. Ainsi, elle peut être utilisée aux rez-de-chaussée, au dallage de l’entrée, aux encadrements de portes et fenêtres, dans les portails, portes de caves ou encore soubassements.

La pierre utilisée en Alsace est essentiellement le grès des Vosges, très rarement le granit. Elle a été exploitée pour sa grande résistance dans la construction. Ainsi sa mise en œuvre et son choix dépendent plus précisément de sa densité, sa porosité, sa difficulté de taille, sa dureté superficielle et ses défauts. Sa finition peut être bosselée, bouchardée ou peignée, polie ou en charruage.

Le choix du type de fondation et sa profondeur se fait en fonction de la nature des sols et de l’importance de la construction.

Vient ensuite le soubassement en pierres de taille. Le soubassement se situe à la base des murs, fortement exposée aux chocs et à l’humidité dont les remontées d’humidité qui proviennent du sol. On emploie des pierres dures, taillées et souvent laissées apparentes.

La structure porteuse de la maison en pierre est constituée des quatre façades et des murs intérieurs.

Ces murs sont réalisés en moellons (pierres de toute nature, cassées ou grossièrement équarries, entrant dans la composition de la plupart des maçonneries traditionnelles) de grès ou en pierre de taille. Des murs intérieurs en pans de bois et les planchers participent à la stabilité de l’ensemble de la structure. On peut également trouver le pan de bois au niveau des parties hautes des pignons. Les murs ont une épaisseur variable en fonction des modes constructifs et de la hauteur des bâtiments. Le mur simple, maçonné en pierre, est constitué de deux rangées d’éléments montés par couches successives et consolidées par des pierres traversantes. Le double mur est composé de deux murs maçonnés en pierre, rempli au milieu de gravillons, sables, morceaux de pierre ou terre et consolidés par des pierres traversantes. Le double mur participe à l’isolation de la maison grâce à son inertie importante.

Les chaînages* solidarisent les murs des façades entre eux aux angles de la maison. Ils sont en général en pierre taillée apparente.

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L’encadrement des fenêtres est constitué du linteau, du linteau de décharge, des pieds droits et de l’appui de fenêtre. Leurs rôles sont de reprendre les charges, contenir la maçonnerie de part et d’autre de l’ouverture et protéger la maçonnerie sous la fenêtre. Le seuil de porte, lui, est légèrement plus haut que le sol afin d’assurer une bonne étanchéité à l’eau et à l’air.

Le mortier à base de chaux consolide les pierres entre elles, il est adhérent, perméable à l’eau, souple, s’adapte aux mouvements du mur et répartit les charges dans le mur. Il est posé en plusieurs couches.(PNRVN 2018) Figure 1.14 – Plusieurs types de pierre (PNRVN)

1.5.3 Les façades Les façades sont toutes les parties extérieures verticales du bâti. On discerne généralement la façade sur rue et la façade arrière. La façade sur rue met en avant l’importance et la richesse des propriétaires par la qualité de ses matériaux, sa finition et ses décors. La façade arrière ne donne pas sur la rue, ainsi elle ne possède pas de décors, la teinte de son enduit reste naturelle et les matériaux utilisés sont de moins bonne qualité.

La composition architecturale d’un bâtiment se comprend dans la lecture de ses façades. Les percements apportent un éclairage et une ventilation naturels, permettent un accès ou un passage et créent des continuités visuelles entre intérieur et extérieur. Les dimensions des percements, les volets et les encadrements permettent d’imaginer l’organisation intérieure du bâtiment depuis la rue, où il est facile de distinguer l’habitation de la dépendance agricole.(Klein 1976) L’équilibre entre les pleins et les vides participent à l’harmonie de la façade. Les percements du logis ont une ouverture plus haute que large et l’encadrement des portes et fenêtres est soigné dans la finition et le choix des matériaux. Les fenêtres des dépendances agricoles, au contraire, sont souvent de petites dimensions. Leur rôle est d’assurer la ventilation des espaces et non pas d’apporter de la lumière.

L’ordonnancement des façades (la manière dont les percements ont été disposés les uns par rapport aux autres) est lié à l’organisation structurelle du bâtiment. Il permet de reprendre correctement les descentes de charges, c’est-à-dire le chemin que prennent les charges de la toiture au sol à travers la structure du bâtiment. Les percements de l’habitation sont alignés selon un axe de symétrie et ceux de la grange sont disposés en fonction des usages des espaces intérieurs.(PNRVN 2018)

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1.5.4 Les ouvertures Les portes, fenêtres, portails ou encore oriels*, répondent à des logiques liées à leur usage et à la structure du bâtiment et révèlent des savoir-faire des artisans. Les menuiseries occultent et protègent les ouvertures, elles permettent l’éclairage et la ventilation des pièces selon les saisons et le climat.(ASMA 2012) La porte d’entrée de l’habitation se trouve toujours sur le mur gouttereau*, elle est le plus souvent constituée de bois massif et directement fixée sur l’encadrement en pierre ou en bois. La porte traditionnelle est en deux parties, permettant d’empêcher la volaille de pénétrer à l’intérieur de la maison en fermant la partie inférieure et de faciliter la ventilation de l’habitation en ouvrant la partie supérieure. Dès la seconde moitié du 18e siècle, les portes à imposte permettent d’éclairer le couloir grâce à une ouverture au-dessus de la partie ouvrante principale. La porte de la grange (ou porte charretière) est composée de deux battants, avec un assemblage de planches de bois verticales. La porte de la cave s’ouvre sur deux battants elle aussi mais est de dimension réduite. Son encadrement est en pierre car l’ouverture est aménagée dans les soubassements de la maison. Les portes sont traitées pour résister aux intempéries et peuvent être peintes pour être davantage protégées. Enfin, les soupiraux* sont des ouvertures pratiquées dans le soubassement ou dans le rez-de-chaussée du bâtiment. Son encadrement est en pierre et il est fermé par un petit volet en bois à un battant ou par des coulisseaux* en grès. Les soupiraux servent à aérer la cave pour assécher les murs et maintenir une température constante.

Les fenêtres et leur menuiserie sont rectangulaires et de proportion verticale, permettant d’avoir un maximum de lumière naturelle entrant dans la pièce. Les fenêtres sont toujours en bois, parfois serties de plomb. La maison du 16e siècle est caractérisée par des fenêtres de petite taille, à un seul battant, s’insérant directement dans le colombage. Les fenêtres de la maison de la plaine ont un encadrement en bois, contrairement à celles de la maison de la montagne possédant un encadrement en grès. A la Renaissance, on voit l’apparition d’oriels, situés soit au centre du pignon, soit à l’angle. Ils éclairent la Stub à l’étage et permet une vue latérale vers l’extérieur. A la fin du 17e siècle, les fenêtres s’agrandissent pour devenir à croisée (Kritzstock) à quatre vantaux, souvent cintrées. Depuis la fin du 19e siècle, les fenêtres à double battants, sont le modèle le plus courant. L’usage du verre à vitre fut peu répandu jusqu’au 15e siècle. Les volets pleins qui abritent ces fenêtres sont constitués d’une ou plusieurs planches de bois massif jointives, parfois embellies par de petites ouvertures de forme diverses, fonctionnelles et symboliques.(PNRVN 2018) Le porche et le portail sont des éléments forts du bâti, constitués d’une porte piétonne et d’une porte charretière. On peut distinguer trois types de portails, très différents l’un de l’autre : le portail bas, le portail haut et le portail surbâti. Le portail bas se compose de trois piliers en grès, supportant les vantaux de la porte charretière et du portillon. Les portes sont constituées de planches verticales. Le portail haut est constitué par un mur de clôture reliant l’habitation principale et l’habitation secondaire, couvert d’un toit.

Enfin, à partir du 18e siècle, le portail surbâti apparaît avec la prospérité dans les campagnes. Le portail est surmonté d’une construction, accolée à l’habitation principale. On pénètre dans la cour par un passage couvert, le Durichfuehr.(PNRVN 2002)

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1.5

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1.5.5 La couverture Les toits des maisons alsaciennes présentent une assez forte pente (40 à 60°) rendue nécessaire par la faible épaisseur et la fragilité de la tuile plate de terre cuite, matériau de couverture traditionnel. La pente est adoucie en bas du versant, cette différence d’inclinaison dessine une brisure sur la silhouette de la toiture. La forme du toit la plus fréquente et la plus ancienne est le toit à deux versants (Sàtteldàch).

Le faîtage est de plus en plus souvent coupé par une petite croupe (Wàlm) à partir du 17e siècle. Quelques habitations rares possèdent un toit à quatre pans (Zeltdach). La charpente traditionnelle est composée de fermes. La ferme est le nom donné à une structure triangulée, fournissant à la charpente une stabilité face aux vents, à la neige et au poids de la couverture. Des auvents peuvent aussi être installés, ayant un rôle essentiel dans la protection des façades et pouvant jouer un rôle de galerie couverte.(Weiss 1991) La couverture, sa couleur et sa patine, contribue à donner aux maisons alsaciennes leur aspect si caractéristique. Elle est, après la charpente, la partie la plus importante de la maison, car elle en assure l’étanchéité. En Alsace, la tuile plate a remplacé progressivement la couverture en chaume, en bardeaux de bois ou encore en tuiles romaines à partir de la fin du 15e siècle. Faites à partir d’un mélange d’argile et d’eau formant une pâte, façonnées à la main à l’aide d’un moule, séchées à l’air et cuites dans un four, les tuiles plates ont plus généralement une extrémité arrondie en forme de queue de castor, d’où leur nom de Biberschwanz. La couverture repose sur la charpente sur lequel un lattis est fixé préalablement. Un tenon sous le talon de la tuile sert d’arrêt et de fixation sur les lattes. L’écartement de ces lattes varie en fonction du type de couverture. En effet, en Alsace, il existe deux façons de couvrir une charpente avec des tuiles plates : la couverture simple et la couverture double. La couverture simple est caractérisée par un alignement des tuiles les unes par rapport aux autres. Les tuiles se recouvrent à un tiers et l’étanchéité doit être assurée par de minces bardeaux de bois appelés Schindel. C’est une couverture économique puisqu’il ne faut qu’à peu près vingt-huit tuiles au mètre carré. Néanmoins, ce procédé nécessite une surveillance assidue car les bardeaux de bois pourrissent rapidement. Les combles doivent alors rester toujours accessibles, ce qui empêche leur aménagement habitable ou leur isolation. Aujourd’hui, alors que l’on privilégie l’aménagement des combles, ce type de couverture est à exclure au profit de la couverture double. La couverture double est caractérisée par la pose de tuiles placées côte à côte, mais dont la rangée supérieure est chaque fois décalée d’une demi-tuile par rapport aux joints de la rangée inférieure. Ce procédé assure une bonne étanchéité de la couverture puisque l’étanchéité est ici assurée par la pose décalée des tuiles les unes par rapport aux autres. Néanmoins, il faut à peu près quarante à quarante-cinq tuiles au mètre carré, ce qui en fait un procédé moins économique. Au faîte du toit, les tuiles sont recouvertes par des tuiles faîtières scellées au mortier. L’usage de la tuile chatière a pour rôle de ventiler les combles.(d’Andlau-Hombourg 1979) Les maisons alsaciennes possèdent en général une cheminée, conçue pour permettre l’évacuation des fumées hors toiture. Elles sont souvent construites en briques plates de terre cuite et la partie visible de l’extérieur est souvent très décorative. Une habitation possédant deux cheminées est un signe d’aisance, elles correspondent à l’existence de la Stub et de la Klein Stub au rez-de-chaussée. Des chapeaux permettent de protéger la sortie des fumées contre le vent, d’empêcher la pluie de pénétrer à l’intérieur du conduit et d’augmenter le tirage. Les souches de cheminées sont montées en brique réfractaires et peuvent être coiffée d’une mitre en forme de lanterne, constituée de briques et de tuiles, ou moins décorative avec un 22

Chapitre 1

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simple empilage de briques, surmonté d’une dalle de pierre ou d’une plaque métallique. En montagne, les souches sont protégées des intempéries par des tôles.(Denis 2005) De nombreuses girouettes décorent aussi les faîtes des toits. Construites en fer forgé et en tôle découpée, utilisées pour connaître la direction du vent, elles prennent souvent la forme d’un fanion, mais peuvent aussi représenter divers métiers.

La maison alsacienne ne se résume pas uniquement à ses deux grands types, à savoir la maison de la plaine et la maison de la montagne. Elle se décline en de nombreuses variantes liées à des territoires, chacune possédant des caractéristiques propres lui permettant de se démarquer de l’autre.

1.6 Une déclinaison de variantes liées aux territoires Les variantes retenues dans ce mémoire sont celles des territoires du Kochersberg, de l’Alsace Bossue, de l’Outre-Forêt, du Pays de Hanau, du Sundgau et du Ried. S’ajoutent à ces variantes liées à des territoires, une variante liée aux villes telles que Strasbourg ou Colmar.

1.6.1 La maison du Kochersberg Figure 1.15 – Maison du Kochersberg (Canopée)

Le Kochersberg est difficile à délimiter précisément et les géographes ne sont pas tous d’accord entre eux. Néanmoins, on peut délimiter le Kochersberg entre les collines de Hausbergen au sud, la N4 à l’ouest et le canal de la Marne-au-Rhin au nord et à l’est. Cette zone d’environ 30 km par 20 km compte près de 70 communes.(Klein 1976) Le Kochersberg est souvent qualifié de grenier à blé de l’Alsace, tout y pousse en abondance : céréales, plantes fourragères, betteraves sucrières, tabac, houblon, légumes, tournesol et même un peu de vigne. Les grandes fermes de cette région sont le signe d’une réussite matérielle de ses habitants et que les terres ont 23

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un rendement supérieur à celles d’autres contrées. Mais le Kochersberg est aussi le théâtre d’une injustice sociale en raison des coutumes successorales qui voulaient que l’un des enfants hérite de tout et de la disproportion flagrante entre le Hof du gros exploitant, le Herrenbauer ou le Rossbür (paysan labourant avec des chevaux), celui des petits Kühbihrle (paysans labourant avec des vaches) et celui des journaliers, endettés et obligés d’emprunter les machines, les bêtes ou le grain. L’habitat traditionnel de ce territoire témoigne de cette situation sociale et religieuse particulière.

Les habitations du Kochersberg sont marquées socialement et organisées en petites maisons basses, petites ou moyennes exploitations et grandes fermes. Les petites maisons basses appartiennent aux journaliers. Elles possèdent un niveau et sont complétées par une petite grange et quelques dépendances (porcherie, clapier, poulailler, potager ou même étable). Les petites ou moyennes exploitations ont le même plan que les grandes fermes mais de manière réduite. L’habitation, la grange et le hangar (Schopf ) sont disposés en U autour de la cour, fermée par un muret bas ou un portail haut. Enfin, les grandes fermes (dont souvent deux appartiennent au même propriétaire) possèdent divers bâtiments s’articulant autour d’une vaste cour différenciant l’habitation, les étables et écuries, la grange et les hangars. La cour est généralement fermée par un portail haut très décoré. Ces grandes fermes datent du 18 et 19e siècle.(Canopée 2011) Le colombage fait appel à plusieurs essences de bois : le chêne pour les grandes fermes, sur les façades ornées et visibles de la rue, le sapin pour les fermes moins importantes, les combles ou les façades arrières.

Le colombage, les portails et le crépi sont richement décorés. C’est au Kochersberg que l’on observe les trois variantes de portails : le portail bas, le portail haut et le portail surbâti. Ces portails possèdent des caractères religieux (niches terminées vers le haut par une coquille Saint-Jacques) dont certains sont différents entre les portails protestants et catholiques. Le rez-de-chaussée est fréquemment maçonné mais les étages sont à pan de bois apparents. Les auvents sont peu abondants mais les balcons sont nombreux.

1.6.2 La maison d’Alsace Bossue Figure 1.16 – Maison d’Alsace Bossue (Canopée)

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1.6

L’Alsace Bossue est une enclave alsacienne dans le plateau lorrain, à la pointe nord-ouest du département du Bas-Rhin. Fortement excentrée par rapport au Bas-Rhin, cette enclave compte une soixantaine de communes. Sa limite à l’est est plus floue que ses limites nord, sud et ouest.(Klein 1976) Le type de construction traditionnel de l’Alsace Bossue est un habitat composite qui emprunte à la plaine le pan de bois, et à la montagne la composition de la maison-bloc, sous un seul toit, qui s’étire le long de la rue. Contrairement à la maison de la plaine, la maison présente son long pan parallèlement à la rue sur laquelle donne son entrée principale. La façade sur rue est précédée de l’usoir, sorte de cour non close où l’on entrepose le fumier, signe extérieur de prospérité d’une exploitation agricole. Les constructions sont mitoyennes entre elles. Une vaste avancée de ce toit devant l’étable et la grange, appelée le Schopf, abrite les réserves de bois, les outils et les travaux agricoles. Il divise le bâtiment en deux corps distincts, l’habitation et l’exploitation agricole. Ces maisons ont en grande majorité été construite après le début du 19e siècle.(Canopée 2011) La pierre de taille est employée et utilisée en abondance (soubassements, chaînages d’angles, encadrements de portes et de fenêtres, escaliers, corniches des rebords de toitures). L’élément décoratif essentiel de la maison est l’encadrement en pierre de taille de la porte d’entrée à deux battants : l’un étroit et fixe, l’autre plus large et ouvrant. Le pan de bois de la maison de l’Alsace Bossue est discret et la maison est peu ornée. Les murs sont constitués de moellons et crépis. Le pan de bois est présent sur quelques pignons et à l’étage de certaines maisons.

1.6.3 La maison d’Outre-Forêt Figure 1.17 – Maison d’Outre-Forêt (Canopée)

L’Outre-Forêt est un terme récent désignant un territoire au nord du Bas-Rhin, au-delà de la forêt de Haguenau, entre le Rhin et les Vosges du Nord. Son isolement relatif a permis la conservation d’un certain nombre de traditions architecturales. La majorité des communes y est protestante.(Klein 1976) L’habitation principale est perpendiculaire à la rue à laquelle elle présente son pignon. Les bâtiments 25

1.6

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sont disposés en L par rapport à l’habitation ou en U par rapport à la cour, fermée par une clôture basse.

Plus rarement, l’entrée se fait par un portail surbâti.(Canopée 2011) La maison repose sur un soubassement en pierre important, plus ou moins élevé selon la configuration et la pente du terrain. Une cave est creusée sous la salle de séjour et est accessible par un escalier très raide et une porte voûtée. Elle possède des soupiraux, fermés par des volets en bois ou des coulisseaux en grès.

Le pan de bois est généralement abondant et massif, caractérisé par une recherche artistique. Le chêne est l’essence de bois la plus souvent utilisée. Les lignes verticales dominent et donnent des allures élancées à la maison. De nombreux auvents encerclent l’habitation et protègent ses façades des intempéries et du soleil. Les toits en petite croupe sont en forte pente. De nombreuses maisons sont couvertes de tuiles à emboîtement, en raison de la présence d’une importante tuilerie à Seltz. Les fenêtres sont plus nombreuses que dans d’autres territoires, elles sont aussi plus hautes que large et leur linteau est souvent cintré. La maison d’habitation est surtout élégante par ses proportions et par ses auvents, mais des éléments de décor tels que les losanges barrés de la croix de saint André se retrouvent souvent sur l’étable et la grange.

Certains autres décors sont particuliers à l’Outre-Forêt comme les hauts de pignons ornés uniquement de pièces incurvées ou les colonnes à vis.(Ruch 1977)

1.6.4 La maison du Pays de Hanau Figure 1.18 – Maison du Pays de Hanau (Canopée)

Le Pays de Hanau est difficile à définir avec précision sur le plan historique et du point de vue géographique, ses frontières ayant varié à travers les siècles. Ses limites passent par Saverne à l’ouest, la Zorn au sud et la forêt de Haguenau à l’est. Ce territoire englobe des villages de montagne mais aussi des terres proches du Kochersberg. Son habitat ne peut donc qu’être caractérisé par des traits généraux.(Klein 1976) Les bâtiments sont disposés autour d’une grande cour, notamment sur les importantes exploitations du centre des villages. La cour est fermée par un portail pouvant compter jusqu’à deux portes charretières et un portillon. Ce portail peut être couvert d’un toit ou peut être surbâti. Ces grands portails possèdent une grande qualité artistique.

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Chapitre 1

1.6

Les soubassements sont souvent en pierre de taille, la montagne étant proche, le grès étant d’excellente qualité et les tailleurs de pierre nombreux. Le Pays de Hanau est l’un des territoires mariant le mieux la pierre et le bois. Les maisons élégantes construites à partir du 18e siècle sont l’œuvre des Schini, charpentiers suisses immigrés. Ces maisons sont élancées, aux toits à forte pente, possèdent de très nombreux balcons et balustrades à but purement ornemental, sont dominées par un poutrage vertical et possèdent de nombreuses moulures. Leur crépi peut être teinté en ocre et on trouve aussi de simples dessins au badigeon ou encore des dessins gravés dans le crépi et parfois rehaussés de pointes de couleurs.(Klein 1976)

1.6.5 La maison du Sundgau Figure 1.19 – Maison du Sundgau (Canopée)

Le Sundgau est un territoire vallonné et boisé du sud de l’Alsace, s’inscrivant dans la région des Trois Frontières (France, Allemagne, Suisse). On y trouve encore de nombreuses maisons antérieures au 18e siècle et plusieurs maisons rurales médiévales postérieures à 1450.(Klein 1976) La maison du Sundgau présente de nombreuses particularités et est moins élaborée que la maison de la plaine. La ferme est généralement une maison-bloc, regroupant sous un même toit l’habitat principal et les dépendances. Elle peut aussi être en L avec une cour fermée par une clôture ou une haie.

Le pan de bois de la maison sundgauvienne est massif, sans recherche d’esthétique et de symétrie. Il coexiste trois types principaux de pans de bois : la maison à poteaux, la maison à bois longs et la maison à bois courts. Le toit est recouvert de tuiles plates à l’extrémité en pointe et descend assez bas, les croupes sont importantes et les auvents grands et fréquents. Le crépi est de couleur ocre ou grisâtre et est rehaussé d’un liseré blanc, vert ou rouge.(Gardner 1989)

1.6.6 La maison du Ried Le Ried, ou plutôt les Rieds (Grand Ried et Ried du Nord) constitue la bande humide bordant le Rhin de Colmar au nord de l’Alsace. Ce territoire possède de nombreux marécages, des prairies inondables, des 27

1.6

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Figure 1.20 – Maisons du Ried (ASMA) forêts et donc très peu de cultures. La taille, la richesse et la disposition des maisons du Ried reflète ces caractéristiques. Les villages se sont généralement formés autour d’un noyau central et chaque époque a apporté sa génération de bâtiments. La majorité des bâtiments du Ried datent des 18e et 19e siècle. Très souvent, les villages sont implantés sur des terrains hauts pour les mettre à l’abri des inondations.(Klein 1976) La ferme du Ried est perpendiculaire à la rue, parfois prolongeant son habitation par des dépendances, formant ainsi une maison-bloc. Le plus souvent, le corps de ferme partant de la maison d’habitation se répartir en L ou en U autour de la cour. L’entrée est de plain-pied, les caves rares à cause de la hauteur de la nappe phréatique. La porte d’accès à la cour est de faible hauteur et maintenue par des piliers en grès, souvent ornés de sculptures et de décors en faible relief.(Canopée 2011) Le pan de bois n’est pas uni par rapport aux autres territoires. Le plus souvent, le colombage descend jusqu’au sol et es peu orné. Les auvents sont fréquents et ceinturent la maison sur trois façades. Les toits des maisons du Ried du Nord comportent systématiquement une petite croupe. Les balcons du Ried du Nord sont nombreux avec des garde-corps richement ornés. Les maisons les plus anciennes du Ried sont des maisons à Kniestock, des maisons-bloc dont l’étage est à demi engagé sous les combles. Dès la moitié du 15e siècle, les maisons présentent une structure à bois courts et possèdent plusieurs étages. Au 18e et surtout au début du 19e siècle, des maisons individuelles de taille réduite et modestes d’apparence sont construites, ne comprenant qu’un rez-de-chaussée en maçonnerie ou en briques crues.(ASMA 2012)

1.6.7 La maison de la ville Dans les villes alsaciennes entourées d’enceintes, les surfaces constructibles sont limitées, les maisons proches les unes des autres et les rues étroites. Pour loger de nombreux habitants sur une surface restreinte, on utilise massivement la technique des encorbellements pour gagner en hauteur l’espace qu’il manque au sol.(Canopée 2011) Le poutrage est plus horizontal que vertical et le rez-de-chaussée est en maçonnerie. Les ouvertures sont encadrées en pierre de taille au rez-de-chaussée et en bois à l’étage. La maison urbaine est plus ornée que la maison rurale, montrant l’opulence des bâtiments. Les toits sont très pentus et possèdent de nom28

Chapitre 1

1.6

Figure 1.21 – Maisons de la ville (Canopée) breuses lucarnes rampantes assurant l’éclairage et l’aération des combles, servant d’endroit de stockage des denrées.

La maison alsacienne ne peut être considérée comme un modèle unique. En effet, pour la décrire, il est nécessaire d’évoquer son unité mais aussi la diversité de ses formes. Une cartographie des différents territoires d’Alsace permet de placer ces différentes formes liées aux territoires. La maison alsacienne est tout d’abord partie d’un ensemble de villes et villages possédant des caractéristiques propres à l’Alsace. Elle a également évolué dans le temps jusqu’à son apogée au 18e siècle et sa chute à la fin du 19e siècle. De là, se dessinent deux grands types de maisons alsaciennes : la maison de la plaine et la maison de la montagne.

Les matériaux et les techniques employés sont nombreux et varient d’un territoire à l’autre. Ainsi, en plus de la distinction entre les deux grands types de maisons alsaciennes, de nombreuses variantes existent.

Cette maison alsacienne traditionnelle est aujourd’hui considérée comme un patrimoine et de la valeur. Mais cela n’a pas toujours été le cas et cette considération est le résultat d’un changement de mentalité évoqué dans le prochain chapitre.

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1.6

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30

Chapitre 2 Un patrimoine et de la valeur La maison alsacienne peut aujourd’hui être considérée comme un patrimoine doté de valeur. En effet, la notion de patrimoine a évolué jusqu’à prendre en compte le petit patrimoine bâti, plus commun.

Cette maison devenue patrimoine bâti doit être repérée, identifiée et hiérarchisée. Ce n’est que lorsque ces données sont collectées qu’entre en jeu le processus de valorisation sous ses multiples formes.

2.1 Le patrimoine bâti La notion de patrimoine implique des enjeux sociaux et culturels qui sont liés aux valeurs des biens et à leur transmission. Ce bien, matériel ou immatériel, perdure après la disparition de son détenteur. Ainsi, la valeur de patrimoine est attribuée à un bien existant dont la jouissance et les qualités dépassent l’usage ordinaire, cette valeur reconnue imposant des pratiques de protection et de conservation, le bien devant être sauvé, conservé et transmis.(Choay 1992)

2.1.1 Évolution de la notion de patrimoine La notion traditionnelle de patrimoine fut fondée sur la possession et la transmission et elle fut profondément élargie depuis la Révolution française. Précédemment, la notion de patrimoine historique n’existait que pour quelques biens mobiliers ou édifices à caractère hautement symbolique. Les destructions de la Révolution ont entraîné une prise de conscience en faveur de la protection des édifices religieux et civils, jugés représentatifs de la mémoire collective par la conscience politique et sociale.

Pour qu’un bien devienne un patrimoine, il faut qu’une collectivité humaine se l’approprie et le considère comme valeur commune, cette exigence aboutissant à une identification au bien par la collectivité qui l’a approprié. Mais le patrimoine n’intéresse l’opinion publique que depuis les années 1980 et touche davantage de personnes seulement après 1990. Le succès des « Journées du Patrimoine » initiées à compter des années 2000 illustre bien cet engouement récent.(Choay 2009) Aujourd’hui, le patrimoine est un concept élargi à plusieurs formes d’expression du passé et de la nature : architecture, villes, paysages, bâtiments industriels, équilibres écologiques, etc. Le champ s’est considérablement étendue et même les édifices modestes sont aujourd’hui considérés comme étant dignes de 31

2.2

Chapitre 2

protection. Le patrimoine ne se définit plus seulement comme la propriété dont on hérite, il est devenu un bien constitutif de la mémoire collective d’un groupe.(Germann 2009)

2.1.2 Patrimoine culturel Le patrimoine culturel est une forme de patrimoine représentant les traces laissées par les générations antérieures que la société à un moment donné a jugé indispensable à transmettre aux générations futures.

Se concentrant d’abord sur les œuvres monumentales caractéristiques, le patrimoine culturel s’est étendu aux sites, aux centres historiques, à la nature et même aux biens immatériels tels que les savoir-faire ou les modes de vie. Un patrimoine non culturel peut le devenir dès lors que la société juge sa représentation et sa mémoire importantes. Le patrimoine culturel apparaît au début du 21e siècle comme un bien commun à une population, à une nation ou à toute l’humanité. Le Comité du Patrimoine Mondial de l’UNESCO décide de l’inscription d’un certain nombre de biens tous les ans depuis 1972, ces monuments et sites culturels ou naturels nationaux étant jugés comme des biens de valeur universelle. Il existe une multiplicité de patrimoines culturels : le patrimoine culturel immatériel, le patrimoine culturel matériel et le nouveau patrimoine, lequel apparaît dans les décennies 1960-1970 et élargit la protection aux patrimoines industriels, ferroviaires, cultuels et aux édifices du quotidien.(Germann 2014)

2.1.3 Petit patrimoine bâti Le patrimoine n’est plus seulement objet architectural mais aussi territoire urbain. Le territoire patrimonial s’est en effet constitué historiquement selon une volonté d’englober toujours plus d’espace autour de l’objet principal à respecter, comme une église au centre d’un village. L’environnement immédiat aux abords du monument a été envisagé, en premier lieu, comme un espace tampon respecté.

Mais, cet espace n’est pas neutre. C’est un tissu habité disposant d’une trame viaire avec ses tracés et ses îlots, une échelle et une densité, une organisation parcellaire et des bâtiments avec leur hauteur et largeur, leur composition architecturale, leurs matériaux, etc. L’environnement immédiat aux abords d’un bâtiment est ainsi passé du simple rôle d’espace tampon à un statut de patrimoine à part entière. La société a pris conscience de la valeur des tissus habités. Elle revendique désormais que les qualités de son parc bâti traditionnel soient reconnues et que celui-ci soit élevé à un rang de considération qui n’autorise plus ni à le détruire ni à le dénaturer.

Le petit patrimoine bâti du tissu urbain traditionnel est pluriel, reproductible et normalisable, contrairement au patrimoine exceptionnel, unique et irremplaçable. Ce qui signifie que l’on peut caractériser le milieu et chercher à en maintenir les caractéristiques. Ce patrimoine ordinaire est hybride entre le monumental et le vernaculaire. Ce n’est ni sa rareté ni son pittoresque qui le caractérisent, mais plutôt sa masse et son anonymat. S’il est moins exceptionnel, il est plus complexe parce que protéiforme. La maison alsacienne fait partie de ce petit patrimoine bâti aujourd’hui reconnu pour sa valeur.(Germann 2009) La maison alsacienne fait partie de ce petit patrimoine bâti aujourd’hui reconnu pour sa valeur.

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Chapitre 2

2.2

2.2 La maison alsacienne devenue patrimoine bâti Pour être considéré comme un patrimoine bâti, il est nécessaire de juger la maison alsacienne selon des valeurs d’appréciation. L’identification et l’évaluation de sa valeur doivent reposer sur des critères patrimoniaux avérés par le Service de l’Inventaire général du patrimoine.

2.2.1 Valeurs d’appréciation Quatre valeurs d’appréciation sont habituellement invoquées : la valeur historique, la valeur architecturale, la valeur esthétique et la valeur d’usage. La valeur historique consiste dans le respect des traces du passé et elle conduit à conserver les marques de la diversité historique en tant que témoignages de la vie d’un bâtiment ou d’un site qu’il convient de préserver. La valeur architecturale correspond pour sa part aux caractères constructifs d’un patrimoine bâti, englobant plusieurs références historiques et culturelles.

Il demeure un témoignage historique et culturel que la société doit se réapproprier et la référence d’un savoir-faire en matière d’édification. La valeur esthétique est liée à un jugement de goût portant sur les qualités formelles, matérielles et ornementales, caractéristiques d’un âge ou d’une période donnée. Enfin, la valeur d’usage concerne le maintien de la vocation du lieu, de la pérennité de ses fonctions d’origine ou de la conservation des modes de vie.(Choay 1992)

2.2.2 Identification L’identification et l’évaluation de la valeur du patrimoine bâti alsacien doit reposer sur des critères patrimoniaux incontestables. La maison alsacienne constitue un témoignage physique de son époque, du lieu dans lequel elle se trouve et de son usage. Sa signification culturelle réside d’une part dans ses composantes physiques, notamment sa localisation, son aspect, ses couleurs, son système constructif, ses matériaux, ses caractères esthétiques et son utilisation. Des valeurs immatérielles lui sont aussi associées telles que des valeurs historiques, sociales, scientifiques ou spirituelles.

L’environnement proche et les paysages des alentours doivent également être pris en compte afin de mieux intégrer le contexte dans l’évaluation d’un objet patrimonial. Dans le cas des tissus urbains tels que les villes et villages alsaciens, les aménagements et les idées fondatrices correspondant aux différentes périodes de chaque bien patrimonial doivent être identifiés et leur signification clairement évaluée.

L’identification et l’évaluation sont réalisées sur la base d’investigations et d’inventaires systématiques, d’études approfondies conduites par des équipes pluridisciplinaires. Les mesures de sauvegarde prises par les autorités responsables en matière d’urbanisme et de conservation du patrimoine sont la conséquence directe de ces études. Lors de l’évaluation de la signification des biens du patrimoine bâti alsacien, il est nécessaire de les comparer à d’autres biens similaires pour mieux analyser et comprendre leurs valeurs respectives.(ICOMOS 2003)

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2.3

Chapitre 2

2.2.3 Repérage par l’Inventaire En France, le Service de l’Inventaire général du patrimoine culturel recense les édifices anciens et les œuvres d’art. Il se compose d’une équipe pluridisciplinaire qui rassemble et met en forme une documentation selon une méthode scientifique et des normes nationales. En Alsace, le Service de l’Inventaire dispose de locaux d’archivage et sa documentation comprend près de 300 mètres-linéaires de classeurs, soit près de 20 000 dossiers d’édifices, 25 000 dossiers d’objets mobiliers et 275 000 photographies. Le but principal de ces dossiers est de rendre compte de l’état actuel du patrimoine à partir des recherches sur le terrain.

Cette masse d’information est indexée dans les bases de données nationales Mérimée pour les édifices et Palissy pour les objets mobiliers. Les sites web « patrimoine.alsace » et « gertrude.region-alsace.eu » ont été récemment créés pour diffuser une partie des dossiers désormais disponible sous forme dématérialisée. De plus, diverses manifestations permettent de diffuser les connaissances et valoriser le patrimoine auprès d’un plus large public. Enfin, des collections nationales sont chargées de publier les résultats des opérations conduites dans le cadre de l’Inventaire.(Fahrner 2017) Une fois la valeur de la maison alsacienne identifiée et évaluée par l’Inventaire général du patrimoine, la question des critères de conservation de ce patrimoine et de sa hiérarchisation est posée.

2.3 Les critères de conservation de ce patrimoine et de sa hiérarchisation Que doit-on conserver? Comment déterminer les choix opérés par la conservation et la hiérarchisation? Le Service de l’Inventaire général du patrimoine apporte une partie de la réponse en vertu sa méthode scientifique. Une fois les éléments identifiés, sélectionnés et hiérarchisés, plusieurs outils permettent de préserver ce petit patrimoine bâti.(Godet 2006)

2.3.1 Faut-il tout conserver?

Faut-il tout conserver? Cette question se pose pour tout témoignage d’une activité humaine passée. A la suite de la Révolution de 1789, les édifices témoins de l’Ancien Régime tels que les châteaux représentaient la mémoire du pouvoir de la noblesse à éradiquer et ils ont ainsi été pillés pour leurs pierres. Avec le temps, ces édifices finiront par être considérés comme des biens communs méritant d’être conservés.

Cet exemple illustre bien le débat ancien autour du choix de détruire ou de conserver.(ICOMOS 2003) Aujourd’hui, cette question s’étend à tout témoignage d’une activité humaine passée ou de la richesse de l’environnement. La sauvegarde est justifiée par son aspect esthétique mais aussi par sa signification sociale, technique et économique. Face à la banalisation du cadre de vie ou à la perte de racines, la société est de plus en plus préoccupée par ces questions et des associations comme l’Association pour la sauvegarde de la maison alsacienne se mobilisent. Faut-il alors tout conserver au risque de figer et de muséifier le territoire? Ou bien tout détruire comme dans les années 1960-1970? Ou bien encore trouver un équilibre entre conservation et destruction, avec des procédures adaptées à chaque territoire?(Godet 2006) 34

Chapitre 2

2.3

Peut-on refuser ce que l’on nous transmet? Chaque ville, village ou monument est le résultat d’une série d’interventions s’étalant sur plusieurs siècles et possédant malgré cela une grande homogénéité liée aux techniques, aux matériaux et à la transmission des savoir-faire. La cathédrale Notre-Dame de Strasbourg fut construite en trois siècles et a connu de nombreux aménagements, destructions et réparations.

Les villes et villages alsaciens possèdent des maisons dont le style varie selon l’époque de leur construction.

Les anciens ont eux aussi détruit pour remplacer, sans pour autant bouleverser l’unité de l’ensemble. La question est alors de déterminer les critères de conservation du patrimoine bâti, de placer la limite entre des transformations acceptables ou non.(Germann 2014)

2.3.2 Critères de conservation et hiérarchisation par l’Inventaire Le Service de l’Inventaire du patrimoine culturel rassemble dans chaque région de France une équipe pluridisciplinaire travaillant ensemble afin de réaliser un inventaire de terrain dont l’objectif est de faire connaître le patrimoine au public le plus large à travers des bases de données, des publications ou encore des expositions.

Tous les édifices et éléments mobiliers sont étudiés. Les éléments sélectionnés font l’objet d’une étude comportant historique, description, bibliographie, photocopies, relevés et autres documents graphiques.

Les « cartes du patrimoine » localisent les édifices étudiés et repérés sur la base du plan cadastral de la commune. La méthode de l’Inventaire souhaite ne pas figer arbitrairement la notion de patrimoine, dynamique par nature, qui englobe une infinie variété des formes de la production artistique et des territoires.

Ainsi, la méthode se distingue par une démarche systémique, une documentation cohérente et homogène, un vocabulaire spécifique et une syntaxe de description identiques sur l’ensemble du territoire français. Le territoire doit être parcouru et toute œuvre doit être examinée pour déterminer, quel que soit son état, si elle entre ou non dans le cadre chronologique défini préalablement, il s’agit du recensement.

Le recensement restitue une information minimale sur tous les objets, permettant de les identifier et de les dénombrer. Son objectif rejoint les préoccupations de certaines collectivités territoriales qui souhaitent disposer d’un état des lieux portant sur l’ensemble du domaine bâti afin d’en évaluer le potentiel patrimonial. L’étude met en œuvre des investigations et des outils différents, tant au niveau de la préparation de l’enquête et de la recherche documentaire, qu’au niveau de l’enquête elle-même. Elle sollicite plus de moyens d’analyse pour le traitement des données. L’étude peut prendre la forme de monographies sur une sélection raisonnée d’œuvres et d’une étude collective sur une ou plusieurs œuvres.(Fahrner 2017)

2.3.3 Outils pour la préservation du patrimoine bâti en France Les monuments historiques, immeubles ou objets mobiliers, reçoivent un statut juridique particulier destiné à les protéger. Le statut de monument historique est une reconnaissance par l’État de la valeur patrimoniale d’un bien, du fait de son intérêt historique, artistique, architectural mais aussi technique ou scientifique. Il existe, deux régimes distincts de protection au titre des monuments historiques : le classement et l’inscription. Sont classés les immeubles dont la conservation présente un intérêt public du point de vue de l’histoire ou de l’art, il s’agit du plus haut niveau de protection.

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2.4

Chapitre 2

La création des Sites patrimoniaux remarquables (SPR), des Plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ainsi que des Plans de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (PVAP) par la loi CAP en 2016 a permis entre autres d’assurer la prise en compte du patrimoine bâti dans les politiques urbaines.

Les villes, villages ou quartiers sont classés au titre de SPR lorsque la conservation, la réhabilitation, la restauration ou la mise en valeur (des points de vue historique, architectural, paysager, artistique ou archéologique) présentent un intérêt public. Les espaces ruraux et les paysages qui forment un ensemble cohérent avec ces villes et villages peuvent eux aussi être classés lorsqu’ils sont susceptibles de contribuer à leur mise en valeur ou à leur conservation.

Par ailleurs, un Plan local d’urbanisme (PLU) peut proposer une protection complète de l’ensemble du patrimoine repéré par l’Inventaire avec un certain nombre de contraintes liées à la destruction ou à la modification des édifices repérés. Un PLU à volet patrimonial ne peut se faire que lorsque le patrimoine est un véritable enjeu pour ses élus, le PLU n’étant pas obligé de traiter son patrimoine plus qu’un recensement et une prise en compte des monuments historiques ou SPR si présents sur son territoire. Cette option est adaptée à une protection de l’ensemble urbain puisque la protection ne concerne pas uniquement des éléments isolés.(Fahrner 2017) La société doit conserver des repères, quels que soient leur intérêt et leur qualité. Une coquille vide est condamnée par manque d’entretien et il est important de trouver aux bâtiments un nouvel usage et de s’appuyer sur les caractéristiques de l’existant avant de décider de le renforcer ou de le remplacer. On ne peut certes pas tout conserver, mais tout démolir serait plus grave encore.(Choay 1992) Une fois le patrimoine bâti identifié, sélectionné et hiérarchisé, peut alors commencer le processus de valorisation qui lui donnera une nouvelle vie.

2.4 Le processus de valorisation La mise en valeur désigne des éthiques et des enjeux différents changeant le destin du patrimoine bâti.

Les formes de valeur sont diverses ainsi que leurs conséquences. Enfin, le réemploi, forme récente de mise en valeur, peut permettre de faire passer la maison au 21e siècle.

2.4.1 Valorisation La valorisation du patrimoine bâti consiste à faire connaître et à mettre un patrimoine local en valeur afin de favoriser l’attractivité du territoire. Le but est ainsi d’augmenter les flux touristiques et de jouer le rôle de levier de développement. Enjeu social et culturel, la valorisation, mais aussi la protection et la gestion du patrimoine, constituent également des atouts majeurs pour l’identité et la cohésion ainsi que pour l’équilibre économique.

La mise en valeur ne doit pas dissimuler la destruction continue des édifices et des ensembles anciens sous prétexte de modernisation, de restauration, ou sous la contrainte de pressions. La mise en valeur désigne deux éthiques et deux styles de conservation. La première tendance est respectueuse et poursuit la restauration et la conservation avec des moyens nouveaux offerts par la science et la technique. La seconde 36

Chapitre 2

2.4

tendance, désormais dominante, est celle de la rentabilité. Ce combat entre ces deux éthiques est inégal et douteux mais le pouvoir des individus reste grand et toute personne peut encore changer le destin d’un patrimoine bâti.(Choay 2009)

2.4.2 Formes de la mise en valeur La conservation et la restauration sont les fondements de toute mise en valeur. La mise en scène est une autre façon de mettre en valeur en présentant le bâti comme un spectacle, en le donnant à voir de la façon la plus flatteuse. Les années 1930 ont vu apparaître l’éclairage nocturne qui n’a depuis cessé de se perfectionner. Le son participe lui aussi à la mise en scène avec les spectacles de son et lumière. L’animation à travers des intermédiaires humains ou des formes de présentation graphique (schémas, plans ou encore notices) peut participer à la mise en valeur, tout comme des expositions, concerts ou opéras se déroulant à l’intérieur du patrimoine bâti. La modernisation est une procédure nouvelle de mise en valeur qui propose la symbiose entre le bâti ancien et des éléments neufs. La conversion en espèces est l’utilisation du patrimoine bâti comme support publicitaire à la vente de produits de consommation tels que les souvenirs, vêtements ou objets. Elle est le dénominateur commun de toutes les modalités de mise en valeur. Enfin, la livraison est l’aménagement du patrimoine bâti afin que son accessibilité soit facilitée.(Germann 2009)

2.4.3 Réemploi Mais il reste encore une façon de mettre en valeur le patrimoine bâti : le réemploi, forme la plus audacieuse et difficile de la mise en valeur patrimoniale. Une destination nouvelle est attribuée, devant tenir compte de l’état matériel du bâti et ne devant pas se fonder uniquement sur une homologie avec la destination originelle. Les villes et ensembles anciens montrent bien les difficultés et contradictions rencontrées lors de la mise en valeur du patrimoine bâti, notamment sa réutilisation, son intégration dans la vie contemporaine. La loi de 1962 sur les secteurs sauvegardés voulue par André Malraux avait pour but une préservation muséale, mettant à l’abri et rendant intouchables, en l’état, des quartiers entiers. A partir de 1976, la question de leur intégration dans la vie collective est posée par l’UNESCO avec une « Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques et traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine », en faveur d’un traitement non muséal des tissus urbains anciens. La conservation vivante des ensembles anciens est présentée comme un moyen de lutter pour la sauvegarde des particularités locales et contre la banalisation et la normalisation des sociétés et de leur environnement.(Germann 2009) Dans ce chapitre, nous avons vu que la notion de patrimoine est récente et que la prise en compte du petit patrimoine bâti comme les maisons alsaciennes n’existe que depuis une cinquantaine d’années. Le patrimoine bâti est défini selon plusieurs valeurs et est identifié en France par le Service de l’Inventaire général du patrimoine culturel. Une fois ce patrimoine identifié, la question selon laquelle il faut ou non tout conserver se pose alors. Les critères de conservation et de hiérarchisation doivent être définis et là encore, l’Inventaire propose une méthode exhaustive et scientifique. Enfin, vient le processus de valorisation. Il existe différentes façons de valoriser le patrimoine bâti, dont certaines plus liées à des monuments 37

2.4

Chapitre 2

historiques qu’au patrimoine bâti des villes et villages alsaciens. Le réemploi est aujourd’hui la forme de mise en valeur la plus intéressante afin de reconquérir les maisons alsaciennes. En effet, c’est par la conservation vivante de ce patrimoine bâti que l’on peut éviter sa destruction et le faire passer au 21e siècle en l’adaptant aux nouveaux modes de vie.

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Chapitre 3 La maison alsacienne du 21e siècle Qu’est-ce que la maison alsacienne du 21e siècle? Derrière cette expression assez vague se cachent de nombreuses thématiques comme par exemple le confort, l’énergie, l’accessibilité, l’évolutivité, l’architecture ou encore l’urbanisme. La maison alsacienne du 21e siècle se doit d’intégrer au mieux ces différentes thématiques, qu’elle soit de construction ancienne ou récente.

Dans ce troisième chapitre, quatre thématiques majeures ont été retenues pour décrire ce que devrait être la maison alsacienne du 21e siècle. Ce chapitre expose des prescriptions d’action et peut être utilisé comme un guide explicitant les principes et règles à appliquer dans des projets de restauration ou de construction neuve. Ainsi, la maison devra être intégrée dans un contexte architectural et urbain, moderne et fonctionnelle, économe en énergie et évolutive, accessible et adaptable à tout public. Le respect de ces impératifs permettra de faire évoluer l’habitat traditionnel alsacien en accord avec les besoins contemporains de ses occupants et ce type d’habitat pourra de la sorte non seulement persister dans le temps mais aussi innover en respectant les principes traditionnels. Habitat ancien et constructions neuves pourront alors coexister harmonieusement en offrant la même qualité de vie à la population.

3.1 Une maison intégrée dans un contexte architectural et urbain Qu’elle soit ancienne ou récente, la maison alsacienne doit être intégrée dans un contexte architectural et urbain. Pour se faire, elle doit s’inspirer des typologies et morphologies présentes dans le territoire, ses volumes devant s’accorder avec ceux du bâti existant, son implantation devant respecter son environnement bâti et tirer parti de la topographie du site sur lequel elle s’implante.

3.1.1 Inspiration des typologies et morphologies du territoire Un des avantages du choix de s’inscrire dans l’enveloppe urbaine existante est d’économiser le foncier et d’éviter ainsi l’étalement urbain. Les centres-bourg offrent généralement de grandes parcelles, des friches, des maisons ou granges à réhabiliter, à un prix plus intéressant que de la construction neuve. En plus de réfléchir à l’économie des espaces urbanisables, l’ajout de nouvelles constructions est également à anticiper au début d’un projet.

39

3.1

Chapitre 3

Les villages se caractérisent par une continuité de maisons qui dessinent la rue. Le respect de la disposition urbaine existante, de la logique et de la trame du bâti existant sont indispensables lors de l’implantation de nouvelles maisons dans les parcelles vierges, ou à l’emplacement de bâtiments démolis. On préférera également inscrire l’extension d’un bâtiment dans sa logique structurelle, en prolongement de l’existant, plutôt qu’éloigné du reste des constructions alentour. L’extension peut participer à former une cour ou également s’implanter en limite de l’emprise publique, formant façade sur rue et créant des espaces intimes protégés des vues sur les voisins et des bruits du voisinage.(Pôle Urbanisme Habitat du Piémont Oloronais 2016) Chaque construction a une incidence sur l’évolution du paysage naturel et urbain. Observer le paysage pour comprendre les relations entre le bâti existant, le relief, le végétal et l’eau, permet de retrouver un lien avec le contexte. Chaque territoire possède ses propres typologies urbaines et architecturales, utilisant les ressources locales, s’adaptant aux contraintes de l’environnement et issues de savoir-faire locaux : ce patrimoine contribue à l’identité de l’Alsace. Ainsi, un modèle d’un autre territoire et en rupture avec les typologies locales risque de déstructurer l’unité des paysages et ce choix est donc à éviter.(PNRVN 2013) Les mutations de la société au cours du 20e siècle ont entraîné des modifications dans l’urbanisation et l’architecture des villages, conduisant à une banalisation du patrimoine et du paysage. Aujourd’hui, le but n’est pas de mettre sous cloche le patrimoine mais de comprendre ce qui le compose et connaître ses caractéristiques. Une compréhension du site sur lequel s’implante le bâti permet de bénéficier des traces du passé. La construction fait ainsi la synthèse entre les enjeux d’une époque donnée, elle doit s’articuler à son environnement naturel et culturel. Il est donc important de préserver le patrimoine, mais aussi de le réinterpréter dans une logique contemporaine, en reliant le passé et le présent, en conjuguant valeur historique et esthétique ainsi que les enjeux actuels de l’habitat. Par exemple, le choix des couleurs des murs doit tenir compte de l’environnement, des maisons voisines et mérite de tenir compte du style architectural suivant l’époque de construction.

3.1.2 Volumes en accord avec l’environnement bâti préexistant Les typologies du patrimoine rural traditionnelles sont nombreuses et représentatives d’un territoire déterminé. Chaque territoire possède des édifices-types qui se déclinent en formes et volumes particuliers.

La forme et les volumes d’un bâtiment doivent traduire des usages tout en respectant le site sur lequel il s’installe. La hauteur, la largeur et la profondeur d’un bâtiment sont à accorder avec l’environnement bâti préexistant pour constituer des rythmes harmonieux. Pour qu’un bâtiment s’intègre dans un environnement urbain, sa forme ne doit pas être singulière. Il est donc nécessaire de comprendre le contexte urbain. La volumétrie et l’implantation d’une construction peuvent être identiques à celles du patrimoine préexistant tout en réinterprétant le gabarit traditionnel avec le choix des matériaux ou la disposition des percements.(Pôle Urbanisme Habitat du Piémont Oloronais 2016)

3.1.3 Respect de l’alignement et du recul L’implantation des constructions et de leurs annexes est déterminée par des règles d’alignement et de mitoyenneté. Il est nécessaire d’observer la disposition des constructions voisines entre elles et par rapport 40

Chapitre 3

3.2

à l’espace public pour bien implanter le bâti dans la rue.

Respecter l’alignement (l’implantation des constructions par rapport au domaine publique) satisfait des enjeux d’ambiance urbaine et des exigences de salubrité et de sécurité. Cette logique de continuité entre les façades peut être brisée pour affirmer le caractère d’un lieu ou continuée pour constituer une transition.

La rue est marquée par l’implantation du bâti par rapport aux limites séparatives des terrains. Par exemple, dans les tissus anciens denses, les constructions sont souvent accolées ou décalées pour créer le Schlupf. S’implanter en limite séparative permet d’économiser du foncier, de bénéficier au mieux du terrain et favoriser l’intimité.(PNRVN 2002)

3.1.4 Articulation avec le terrain naturel Les villages installés dans la pente organisent les voiries selon les courbes de niveaux, encastrent les maisons dans la pente et gèrent les reliefs par des murs de soutènement. L’installation de maisons dans des territoires pentus est souvent compliquée techniquement et par l’impact dans le paysage.

Comprendre la topographie du terrain naturel avec un relevé topographique est la première chose à faire. La topographie peut être vue comme une contrainte mais il est possible d’en tirer parti, sans pour autant niveler le terrain. Les terrains constructibles des villages de montagne sont souvent en pente, mais un terrassement n’est pas toujours la solution. Les remblais et déblais sont à minimiser afin de respecter la structure naturelle du terrain, on limitera aussi les murs de soutènement en privilégiant la création de terrasses successives en continuité du terrain naturel ou en utilisant le bâti comme soutènement. Ménager la topographie du lieu en évitant les remblais et les décaissés de terrain permet de conserver les profils du terrain naturel et ainsi de limiter l’impact environnemental global de la construction. Des remblais et déblais peuvent tout de même s’articuler avec le terrain naturel en aménageant des terrasses successives en continuité du terrain naturel, créant des espaces de vie et de cultures.(CAUE de l’Oise 2014) Le choix d’implantation d’un bâtiment et la topographie du terrain déterminent en grande partie l’organisation et la volumétrie de celui-ci. Ainsi, le bâtiment peut être en surplomb, encastré ou semi-enterré, posé sur un plat terrassé ou en cascade, avec une succession de niveaux. Être intégrée dans un contexte urbain et architectural ne suffit pas à rendre une maison attirante aux yeux de ses occupants. Celle-ci doit aussi être adaptée à leurs usages et nouveaux modes de vie.

3.2 Moderne et fonctionnelle : adaptée aux usages et aux populations De nos jours, une maison se doit d’offrir un certain niveau de confort et de proposer des prestations liées aux usages de ses occupants. La luminosité est un facteur important, la domotique propose de nouvelles solutions et les nouveaux modes de déplacement sont à prendre en considération.

41

3.2

Chapitre 3

3.2.1 Luminosité Le recours à la lumière naturelle doit être favorisé et l’ambiance lumineuse maîtrisée. L’éclairage doit être adapté aux espaces et activités en créant des vues vers l’extérieur ou en les occultant et en privilégiant des équipements lumineux consommant le moins d’énergie.

Alors que pour les constructions anciennes, les dimensions des ouvertures restaient contenues, aujourd’hui les progrès techniques offrent de plus grandes possibilités. Lorsque l’on modifie les baies et la façade, il est nécessaire de comprendre l’ordonnancement original du bâtiment et de respecter les logiques initiales et les axes sur lesquels sont alignées les ouvertures. L’alignement des baies ne doit pas être rompu et les proportions des nouvelles baies ne doivent pas déstructurer la composition. On peut également en profiter pour harmoniser la couleur des menuiseries avec celle de la façade et d’autres éléments de la construction.

Les ouvrages doivent s’intégrer dans la cohérence du toit et de l’architecture locale, en tenant compte de l’impact paysager. Des puits de lumière naturelle sont aussi une solution discrète permettant de capter la lumière naturelle sur le toit pour l’apporter dans les pièces.(PNRVN 2013)

3.2.2 Domotique Selon le dictionnaire Larousse, la domotique est un « ensemble de techniques visant à intégrer à l’habitat tous les automatismes en matière de sécurité, de gestion de l’énergie, de communication, etc. ». Le domaine de la domotique a énormément évolué et de nombreuses solutions simples à mettre en place sont abordables pour le grand public. On préfère désormais parler de maison intelligente car les différents domaines de la maison ne se contentent plus d’être automatisés et pilotables, ils communiquent ensemble.

La domotique apporte du confort (ouverture et fermeture des volets, enceintes connectées, éclairage connecté, etc.), elle permet de réaliser des économies d’énergie (suivi de la consommation d’énergie, réglage du chauffage, éclairage automatique, etc.) et apporte de la sécurité (simulation de présence, détection d’incendie, surveillance, appels des secours, etc.).

La domotique est accessible et chacun peut l’installer sans avoir recours à un professionnel. Le système domotique est constitué d’un cerveau (ordinateur), de capteurs (luminosité, présence, consommation électrique, CO2, température, etc.) et d’actionneurs (prises connectées, ampoules connectées, automatismes, etc.).

Les solutions filières sont à privilégier afin d’éviter les ondes lorsque cela est possible. Les solutions filières relient le cerveau, les capteurs et les actionneurs par des câbles à travers la maison. Mais le passage de câbles dans une habitation existante peut être difficile, ainsi cette solution s’adressera plutôt aux constructions neuves ou aux rénovations importantes. Des solutions sans fils, toutes aussi fiables et simples à mettre en œuvre, peuvent être envisageable lorsque l’installation de câbles est impossible.(Gallissot 2012)

3.2.3 Nouveaux modes de déplacement On retrouve souvent la voiture dans l’espace entre la chaussée et la construction. Pourtant, cet espace de transition pourrait être un lieu de vie à exploiter. L’implantation de la maison et du stationnement par

42

Chapitre 3

3.3

rapport à la rue doit être réfléchie. Un garage en annexe le long de la voie permet par exemple de créer des espaces d’intimité alors qu’un garage en sous-sol est une solution coûteuse et non adaptée au terrain.

Les cheminements et les accès doivent être pensés comme des espaces de passage entre public et privé mais aussi permettre l’activité. Ils doivent être limités et tenir compte de la topographie en constituant des cours lorsque cela est possible : l’importance de la voiture doit être réduite et la multiplication des flux limitée.(PNRVN 2018) Les véhicules électriques se démocratisent de plus en plus, actuellement deux options sont à disposition des particuliers pour recharger un véhicule électrique à domicile : une prise électrique renforcée ou un boîtier de charge mural. La prise renforcée ressemble à une prise domestique standard mais elle a été conçue pour la recharge de voitures électriques. Le coffret de charge mural est installé dans le garage par un professionnel et permet une recharge plus rapide et un niveau de protection maximal pendant la charge du véhicule électrique.(EDF 2018) Une maison adaptée à ses occupants répond également à un souhait relativement récent : l’économie d’énergie. Une maison économe en énergie est gage de confort, d’hygiène, de qualité mais aussi d’économies financières.

3.3 Économe en énergie L’économie en énergie est un point important regroupant l’isolation, les circulations d’air, la maîtrise du taux d’humidité, la production d’énergie renouvelable, l’utilisation de matériaux biosourcés et des savoir-faire locaux associés et la construction passive. Le respect de ces différents points permet d’atteindre les objectifs du développement durable.

3.3.1 Isolation, circulations d’air et taux d’humidité L’isolation est un élément clé de la construction et nécessite d’y porter une attention particulière pour baisser les factures énergétiques, pour un confort assuré en hiver comme en été et pour la pérennité des équipements. Une bonne isolation doit aussi s’accompagner d’une ventilation efficace.

Certaines zones de la construction sont plus sensibles à la fuite de chaleur, notamment le toit car l’air chaud est plus léger et a tendance à monter. La déperdition se fait à 30% par le haut de la maison. Les murs sont aussi une source importante de déperdition, de l’ordre de 25%. De plus, un mur mal isolé est froid et favorise la condensation et le développement de moisissures. Les portes et les fenêtres peuvent représenter 15% de la déperdition de la chaleur intérieure. Les fuites d’air peuvent se manifester partout et affectent sensiblement l’isolation du bâtiment, jusqu’à 20% des pertes. Les ponts thermiques sont formés par toute interruption dans la continuité de l’isolant et occasionnent 5% des déperditions. Enfin, on estime à 7% les pertes thermiques par les sols.(Service départemental de l’architecture et du patrimoine de Seine-et-Marne 2010) La qualité isolante des matériaux d’isolation est fonction de deux facteurs principaux : la résistance thermique et le coefficient de conductivité. Ils conditionnent notamment l’épaisseur de matériau néces43

3.3

Chapitre 3

saire pour obtenir une isolation satisfaisante. Suivant l’exposition des façades et la structure des murs, un juste équilibre entre l’isolation et l’inertie thermique des murs doit être trouvé. Ainsi, les murs froids sont à isoler principalement par rapport aux murs exposés au soleil.

L’isolation par l’intérieur permet de ne pas modifier l’aspect extérieur de la construction et son coût est moins élevé. Néanmoins, l’espace intérieur est réduit et elle ne permet pas de se prémunir contre tous les ponts thermiques. L’isolation par l’extérieur est plus efficace contre les ponts thermiques, protège les murs et ne modifie pas l’aspect intérieur de la maison. Cette isolation est cependant plus coûteuse, plus difficile à mettre en œuvre et ne convient pas à une maison alsacienne. En effet, elle modifie l’aspect extérieur de la construction et empêche les murs de respirer. L’isolation des murs doit être adaptée dans le respect de leur logique constructive.(PNRVN 2018) La ventilation peut constituer une part importante des pertes thermiques (jusqu’à 20%) mais est importante pour une bonne efficacité énergétique du bâtiment. La ventilation double flux consiste à limiter les pertes de chaleur occasionnées par l’aération : la chaleur de l’air extrait est récupérée pour préchauffer l’air entrant.(Service départemental de l’architecture et du patrimoine de Seine-et-Marne 2010) Le taux d’humidité et les circulations d’air doivent être maîtrisés. La température ressentie ne dépend pas uniquement de l’air ambiant mais aussi de celle des murs, du taux d’humidité et de la circulation d’air.

Enfin, les percements ne sont pas à sous-estimer, ce sont d’importants facteurs de déperditions thermiques. Leur performance doit être adaptée à leur environnement (double ou triple vitrage).

3.3.2 Énergies renouvelables Une fois que les déperditions et la consommation électrique ont été limitées, il est possible d’avoir recours à des systèmes de production d’énergie renouvelable. Ces systèmes doivent être adaptés aux besoins en évitant leur surdimensionnement. Leur coût global (le coût d’acquisition du matériel, de son entretien et de son utilisation sur la durée) doit être calculé avant leur mise en place.(PNRVN 2013) Le choix de la source d’énergie primaire doit privilégier les énergies renouvelables facilement accessibles et en quantité suffisante sur le site. Les types d’énergies renouvelables pouvant être présentes sur le site sont le solaire, l’éolien, l’hydraulique et la géothermie. L’énergie produite est soit thermique ou convertie en électricité, l’implantation de ces systèmes est déterminante pour l’optimisation de leur production.

Le solaire thermique consiste en la captation de la chaleur solaire avec des capteurs fixés sur le toit et de sa redistribution via un fluide caloporteur (fluide chargé de transporter la chaleur entre deux ou plusieurs sources de température). Le solaire photovoltaïque produit de l’électricité grâce à la captation de la lumière solaire par des panneaux de silicium fixés sur le toit ou la façade. L’éolien utilise la force du vent pour produire de l’énergie électrique. L’hydraulique utilise la force de l’eau pour actionner des mécanismes permettant de produire de l’énergie électrique. Enfin, la géothermie capte les calories contenues dans le sol grâce à une pompe à chaleur et des capteurs enterrés et produit de chaleur via une unité indépendante.(MAIF 2018) Pour maîtriser les dépenses d’énergie, le rendement, le dimensionnement et l’entretien des systèmes de chauffage doivent être pris en compte. La domotique peut ainsi permettre d’optimiser les dépenses d’énergie par l’automatisation et la programmation d’appareils.(Gallissot 2012)

44

Chapitre 3

3.3

Pour gérer l’eau sur sa parcelle, il est possible de la stocker pour la réutiliser dans la maison ou le jardin, de la traiter par les plantes ou encore de limiter les réseaux et d’installer des équipements économes en eau afin de bien gérer sa consommation. La construction ne doit pas faire barrage au cycle naturel de l’eau et le respecter en protégeant les captages et en préservant son cours naturel. Des dispositifs de rétention et d’infiltration des eaux pluviales (mares, noues, bassins, sols perméables, etc.) facilitent l’infiltration naturelle et ralentissent son ruissellement. Afin de stocker et valoriser les eaux de pluie, une toiture végétalisée peut absorber un volume d’eau important et une citerne de récupération permet de la stocker et de la restituer progressivement dans l’environnement afin de ralentir les phénomènes d’inondation. L’eau de pluie collectée en aval des toitures peut être utilisée pour des usages non alimentaires et non liés à l’hygiène corporelle. Elles sont adaptées à l’arrosage des jardins et peuvent être utilisées dans des toilettes et lave-linges avec un filtre spécifique.(PNRVN 2013)

3.3.3 Matériaux biosourcés et innovants et techniques locales Les constructeurs de l’époque tiraient parti des ressources locales pour édifier leurs bâtiments. Le patrimoine bâti alsacien est le résultat harmonieux entre les matériaux et les modes constructifs et chaque construction est unique et témoigne son époque. Restaurer un patrimoine avec des matériaux et techniques originels permet d’éviter d’effacer progressivement l’identité de la région et de respecter les fondements du patrimoine.(PNRVN 2002) Les nouveaux matériaux et nouveaux modes de vie ont bouleversé les pratiques de vie, constructives et architecturales en offrant de nouvelles possibilités. Les matériaux biosourcés sont des matériaux à base de matière renouvelable locale. Il est possible de privilégier ces ressources locales dont le processus est peu polluant et économe en énergie et leur transformation limitée. Le choix des matériaux est important pour la qualité de l’air puisqu’ils sont le premier facteur de pollution de l’air intérieur. La composition et la qualité des matériaux est importante à prendre en compte, des matériaux non polluants auront alors un faible impact sur la santé. Le volume global de matériaux peut être optimisé grâce à l’utilisation de modes constructifs économes en ressources.(Pôle Urbanisme Habitat du Piémont Oloronais 2016) Profiter des savoir-faire et matériaux locaux permet de développer une économie locale de la construction et de promouvoir de nouveaux savoirs adaptés aux nouveaux modes de vie. Le patrimoine bâti alsacien utilise des matériaux neufs et des matériaux anciens détournés de leur fonction initiale. Il est aujourd’hui encore possible d’anticiper la réutilisation potentielle des matériaux en construisant avec des matériaux pouvant être recyclés dans des constructions futures et ainsi poursuivre ce cycle de vie des matériaux.

3.3.4 Construction passive, implantation optimisée et économie des surfaces bâties L’architecture bioclimatique utilise au maximum les conditions d’un site et de son environnement pour que la construction soit protégée d’un climat rigoureux, que le confort de ses habitants soit amélioré et qu’il soit possible de tirer parti des apports solaires disponibles sur le site, à tel point que la construction peut devenir passive, voir positive. Une construction bioclimatique doit ainsi être très économe en énergie et confortable.(Pôle Urbanisme Habitat du Piémont Oloronais 2016) 45

3.4

Chapitre 3

Une analyse du site permet d’optimiser l’implantation de la construction afin de tirer parti au maximum du climat local et du microclimat du site. Les caractéristiques particulières du terrain définissent également l’agencement intérieur de la construction : les pièces de vie utilisées le jour doivent bénéficier d’un maximum de soleil et de lumière et les espaces techniques doivent être protégées. La conception bioclimatique privilégie une construction compacte qui minimise la surface et le nombre de parois en contact avec l’extérieur, ce qui minimise les pertes de chaleur. Les constructions mitoyennes sont également une solution pour diminuer les surfaces les surfaces en contact avec l’extérieur. L’énergie solaire entrant dans l’habitation par ses ouvertures est restituée sous forme de chaleur, il est possible de profiter au maximum de ces apports en hiver avec des façades au sud et de se protéger des surchauffes en été avec des brise-soleils, des débords de toiture, des arbres ou des façades à l’ouest ou à l’est. Enfin, des détails architecturaux comme des percements adaptés permettent de capter ces apports solaires.

La position des espaces de vie, des lieux de travail et des espaces techniques doit être hiérarchisée. Les espaces doivent être organisés et articulés entre eux afin d’économiser les surfaces bâties et de limiter le volume des espaces chauffés. Les espaces peuvent être flexibles et ne pas se limiter qu’à un usage limité en multipliant ses fonctions. Hiérarchiser les espaces et réfléchir à leur position permet d’économiser des surfaces bâties, de réduire les coûts et de limiter le volume des espaces chauffés.(PNRVN 2013) Il est ainsi tout à fait possible qu’une maison alsacienne traditionnelle devienne économe en énergie, selon les mêmes standards d’une construction neuve. Enfin, la maison alsacienne du 21e siècle est une maison accessible et adaptable à tout public, capable d’évoluer dans le temps afin de toujours répondre aux nouveaux besoins de ses occupants.

3.4 Évolutive, accessible et adaptable à tout public Une maison évolutive, accessible et adaptable à tout public est une maison où il est capable de faire évoluer le nombre et la taille des pièces, d’y ajouter des extensions ou de la diviser. Elle peut aussi changer de statut d’occupation et accueillir plusieurs familles ou même changer de destination et devenir autre chose qu’un logement tout en gardant ses caractéristiques initiales. Enfin, elle doit permettre à toute personne d’y habiter, quel que soit son âge ou son handicap.

3.4.1 Évolution des pièces (taille et nombre), extensions et divisions Les intentions d’une construction devraient s’adapter à d’autres personnes, à d’autres usages ultérieurs et rester évolutives. Une bonne réflexion des besoins réels permet de concevoir des lieux fonctionnels aux usages évolutifs, en imaginant par exemple la future division du logement. L’organisation du logement devrait pourvoir évoluer avec ses occupants en prenant en compte l’ensemble de leurs habitudes de vie et de confort.

Les nouveaux besoins sont parfois difficilement compatibles avec l’organisation traditionnelle du logis et nécessitent des adaptations. Les surfaces nécessaires à l’organisation des logements actuels dépassent souvent la surface disponible dans les anciens logis, d’où l’aménagement des combles et des dépendances.

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Chapitre 3

3.4

L’évolution des besoins liés aux nouveaux modes de vie entraîne une redistribution des espaces : la plupart du temps les pièces de vie trouvent leur place au rez-de-chaussée, tandis que les chambres et salles de bains s’installent dans les combles. Les espaces se multiplient et se spécialisent, les réseaux et locaux techniques doivent trouver leur place. Avant de modifier l’ordonnancement intérieur, il est important de comprendre l’ordonnancement originel du bâtiment.(CAUE de l’Oise 2014) Les extensions peuvent s’inscrire dans une continuité ou être en rupture. Le principe est de respecter l’harmonie de l’ensemble bâti en travaillant sur les volumes, la forme de la toiture, l’ordonnancement de la façade, tout en privilégiant la simplicité dans les choix de construction. Le prolongement dans le même plan de façade ou de toiture peut poser des problèmes de raccord de matériaux et risque de déséquilibrer l’ensemble du bâti. La création d’extensions est également l’occasion d’avoir une réflexion globale concernant la maîtrise de l’énergie et l’amélioration thermique de l’ensemble des bâtiments. Enfin, le choix d’une véranda ou d’une verrière est une option d’extension à moindre coût qui doit être adaptée à son environnement.

Les granges possèdent des volumes ouverts, peu de cloisons et plusieurs types d’ouvertures. Elles peuvent être aménagées en un espace contemporain ouvert et lumineux répondant aux besoins des modes de vie actuels. L’enveloppe de la grange peut être le volume habitable mais il est aussi possible de ne pas s’appuyer sur la structure porteuse du bâtiment avec une structure indépendante et désolidarisée à l’intérieur de la grange. Cela permet de maîtriser la surface du logement et les performances thermiques et phoniques de l’enveloppe. Les espaces couverts restants peuvent être utilisés comme jardin d’hiver, atelier ou encore espaces de jeux. La transformation d’une grange en espaces habités engendre une réflexion sur l’aménagement des abords : l’accès, le stationnement, les espaces d’accueil et d’intimité, le jardin et le potager.(PNRVN 2018) L’aménagement des combles est l’opportunité de gagner de la surface habitable et de diminuer les déperditions thermiques de l’ensemble du bâtiment. Les circulations et les dégagements doivent être situés à proximité de l’axe central de la toiture, de façon à ce qu’on puisse s’y tenir debout et desservent de part et d’autre les pièces et rangements. Les cloisons neuves doivent être indépendantes de la charpente, de préférence à proximité des poteaux, afin que ceux-ci n’encombrent pas l’espace des pièces. Le choix du type d’ouvertures dépend de l’orientation, de la réglementation spécifique (document d’urbanisme, abords d’un monument historique), de la typologie de la toiture et du bâtiment, de la présence d’ouvertures existantes et de l’usage du futur espace habitable. La création d’ouvertures est à privilégier au niveau des pignons.(CAUE de l’Oise 2014)

3.4.2 Évolution du statut d’occupation, changement d’usage et changement de destination En milieu rural, les granges offrent un potentiel de réhabilitation important, puisqu’elles peuvent être divisées en plusieurs logements. Il est alors possible de diviser pour louer ou de diviser pour vendre.

Avant d’opérer à une division, il est fortement recommandé de connaître les contraintes et les obligations relatives à l’accès à la fourniture de courant, l’évacuation des eaux, l’alimentation en eau potable, etc.

La maison doit posséder un certain nombre d’équipements obligatoires. La loi ALUR (2014) a encadré les

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travaux de division d’une même maison en plusieurs habitations en prévoyant leur interdiction notamment si la surface créée par division est inférieure à 14 m² concernant la surface intérieure du logement et 33 m² de volume habitable.

La maison peut être divisée en plusieurs unités habitables avec un ou plusieurs appartements mis en location : rien n’empêche au propriétaire d’habiter sa maison et de louer l’autre partie pour compléter ses revenus. La maison doit alors être divisée physiquement : l’entrée peut être commune ou séparée selon la configuration des lieux, il peut y avoir un jardin ou une cour commune et un accès séparé, la division peut être verticale avec des entrées séparées. La maison étant séparée en plusieurs logements, il est possible d’avoir plusieurs locataires, un bail pour chacun et une gestion indépendante.

La maison peut être divisée pour être vendue en plusieurs lots. Aujourd’hui, les acquéreurs souhaitant acheter une petite ou moyenne surface sont plus nombreux que ceux souhaitant acheter de grandes propriétés. La division d’une maison en plusieurs appartements vendus séparément entraîne la création d’une copropriété. Pour éviter la création d’une copropriété, le foncier doit être séparé physiquement et juridiquement.

Il est également envisageable de dédier une partie d’une maison alsacienne à une activité professionnelle (atelier, cabinet, hébergement hôtelier, etc.) en passant de l’habitation à un usage mixte. Ce changement d’usage permet de la mixité fonctionnelle et de profiter de l’emplacement central de ces constructions au sein des communes. Une maison peut ainsi accueillir des logements et des locaux sur le même site. Le changement d’usage permet cela avec une demande d’autorisation provisoire d’un propriétaire ou d’un locataire souhaitant utiliser son habitation pour son activité professionnelle. Cette autorisation est liée à l’occupant.

Enfin, il est possible de changer totalement la destination d’une maison alsacienne en la modifiant définitivement. Le changement de destination est attaché à l’habitation. Il s’agit de demander une modification définitive de sa destination : hébergement hôtelier, bureaux, commerces, artisanat, etc.

3.4.3 Accessibilité et adaptation à tout public La question de l’adaptation d’un logement est essentielle. Le fait que l’on puisse rester chez soi, indépendamment de son avancée en âge, ou encore que l’on puisse bénéficier d’un logement malgré un handicap quel que soit son type, sont, aujourd’hui, des demandes à prendre en compte. Le maintien à domicile d’habitants avec le maximum de confort, d’autonomie et de sécurité, impose que l’habitat puisse s’adapter aux besoins et aux souhaits de son ou ses occupants, tout au long de leur vie.

On différencie logement accessible et logement adapté. Des aménagements sont parfois nécessaires pour adapter le logement aux besoins singuliers de son occupant handicapé ou âgé. Un logement est ainsi dit adapté lorsque ses caractéristiques correspondent aux capacités et besoins de la personne handicapée ou de la personne âgée et que celle-ci peut y vivre en toute autonomie. Un logement accessible respecte les obligations du code de la construction et de l’habitation. Ainsi, la majorité des logements récents sont accessibles. Cependant, cela ne garantit pas pour autant une adéquation avec les besoins de son occupant.

Les logements adaptés concernent toutes les personnes ayant besoin d’aménagements particuliers pour pouvoir évoluer en toute sécurité, avec tout le confort nécessaire et en autonomie dans leur habitation. La mise en accessibilité englobe tous les types de handicap et ne se limite pas, comme c’est souvent le 48

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cas, aux seules personnes en fauteuil roulant. En effet, les difficultés rencontrées diffèrent selon le type de handicap dont il est question. On distingue le handicap moteur, le handicap auditif et le handicap mental ou psychique. Les personnes âgées peuvent être concernées par l’adaptation des logements sur tous ces aspects.(Ministère de la transition écologique et solidaire 2017) Cette adaptation des logements peut se traduire par différents aménagements tels que l’élargissement des portes et des couloirs, la suppression des différences de niveau entre les pièces, la suppression de marches ou la construction de rampes d’accès ou encore l’adaptation des systèmes de commande.(Gallissot 2012) La maison alsacienne du 21e siècle est une maison intégrée dans un contexte architectural et urbain, moderne et fonctionnelle, économe en énergie et évolutive, accessible et adaptable à tout public. Elle s’inspire des typologies et morphologies du territoire, son volume et son alignement respectent l’environnement bâti préexistant et elle s’articule avec le terrain sur lequel elle est construite. La luminosité, la domotique ou encore la prise en compte des nouveaux moyens de déplacement sont des éléments à prendre en compte pour satisfaire le niveau de confort d’aujourd’hui. L’isolation, les circulations d’air, le taux d’humidité, les énergies renouvelables, les matériaux, les techniques ou encore la construction passive sont à réfléchir pour que la maison puisse être économe en énergie. Enfin, l’évolution des pièces, les extensions et divisions, l’évolution du statut d’occupation, le changement d’usage ou de destination en encore l’accessibilité et l’adaptation à tout public lui permettent d’être évolutive, accessible et adaptable à tout public, lui assurant ainsi de perdurer dans le temps.

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Conclusion Ce mémoire avait pour ambition de définir ce qu’est la maison alsacienne du 21e siècle, en se demandant qu’est-ce que la maison alsacienne, comment celle-ci est devenue patrimoine et comment celui-ci peut-il être mis en valeur à travers un ensemble d’actions permettant son réemploi.

La maison alsacienne possède des caractéristiques communes à l’ensemble des maisons de la région mais est aussi diverse dans les formes qu’elle peut prendre. Faisant partie d’une ville ou d’un village alsacien possédant des caractéristiques elles aussi propres à l’Alsace, la maison traditionnelle alsacienne est le résultat d’une évolution sur plusieurs siècles. Aujourd’hui, elle se décline en deux grands types : la maison de la plaine et la maison de la montagne. Ses matériaux et ses techniques de constructions varient d’un territoire à l’autre, à un tel point qu’il est possible de distinguer des variantes des deux grands types liés à des territoires tels que le Kochersberg ou l’Alsace-Bossue.

Cette description synthétique de la maison alsacienne permet de nous rendre compte de sa valeur.

Ainsi, vient naturellement la question de savoir si l’ont peut la considérer comme un patrimoine. La notion de patrimoine est relativement récente et la prise en compte du petit patrimoine bâti local l’est encore plus, puisque cette distinction n’est apparue qu’il y a une cinquantaine d’années. En France, le Service de l’Inventaire général du patrimoine culturel définit ses valeurs et identifie l’intégralité de ce patrimoine.

Faut-il tout conserver? Il est difficile et n’est pas forcément nécessaire de tout conserver, mais ce choix doit reposer sur des critères de conservation et de hiérarchisation tels que ceux proposés par l’Inventaire. Le patrimoine conservé peut alors être mis en valeur à travers différents processus dont le réemploi, conservation vivante du patrimoine.

Pour éviter la destruction du patrimoine bâti alsacien, il est nécessaire de lui donner une nouvelle fonction adaptée aux nouveaux modes de vie. En suivant des principes et règles à appliquer dans des projets de restauration ou de construction neuve, la maison alsacienne traditionnelle peut évoluer et coexister harmonieusement avec les constructions récentes. La maison du 21e siècle est ainsi une maison intégrée dans un contexte architectural et urbain. Elle est également moderne et fonctionnelle en proposant un grand niveau de confort. Elle se doit d’être économe en énergie dans une optique de développement durable.

Enfin, en étant évolutive, accessible et adaptable à tout public, elle est capable d’accueillir toute personne à tout moment de sa vie et d’évoluer avec la sociétés et les besoins de ses occupants.

Ce travail de mémoire de mémoire avait pour but de proposer une maison alsacienne du 21e siècle en tenant en compte du patrimoine bâti existant et de ses caractéristiques. Mais comment inventer un nouveau patrimoine permettant à l’Alsace de se réinventer? Quelle forme peut-il prendre? Ce changement radical, restant uniquement alsacien dans l’esprit, proposerait alors une nouvelle forme. Pour cela, il serait 51

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pertinent d’étudier ce qu’est l’esprit des constructions alsaciennes. À l’image du festival d’expérimentations constructives Bàuistella, proposé chaque année par l’Écomusée d’Alsace, de nouvelles formes d’habitat alsacien sont déjà expérimentées. La maison alsacienne contemporaine conçue par l’architecte Mathieu Winter a été réalisée dans le but de conserver l’esprit de la maison traditionnelle alsacienne tout en assumant les enjeux du 21e siècle. Cette maison ergonomique, économique et écologie utilise des matériaux locaux naturels et à faible empreinte carbone. D’autres thématiques comme les architectures montables ou démontables ou celles en terre et en bois permettent d’explorer ces nouvelles formes de patrimoine alsacien réinventé.

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