La réforme des rythmes scolaires-2021

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Introduction 4 1. Définition des rythmes scolaires 4 2. Les rythmes scolaires dans les pays de l’OCDE ............................................................. 5 3. Les recherches en chronobiologie 6 4. La réforme des rythmes scolaires annuels en Fédération Wallonie-Bruxelles 8 5. Conclusions 9 SOMMAIRE

Introduction

L’école d’aujourd’hui est bien différente de celle du vingtième siècle. Ses missions sont différentes tout comme l’est la société dans laquelle elle évolue. Pourtant, les temps scolaires, annuels, hebdomadaires et quotidiens, sont largement hérités du passé et depuis près de 50 ans, lorsque l’école a été supprimée le samedi matin, les rythmes scolaires n’ont plus guère évolué.

Les rythmes scolaires actuels correspondent peu aux besoins biologiques des enfants et à leurs rythmes naturels d’apprentissage. Ils ont d’abord et avant tout été pensés pour correspondre aux besoins, aux contraintes et aux rythmes de la société des adultes. Ainsi, historiquement, les vacances d’été sont plus longues que les autres périodes de congé afin de permettre aux enfants scolarisés de participer aux travaux des champs durant les mois d’été. De même, le calendrier des vacances scolaires est calqué sur le calendrier des fêtes chrétiennes et englobe généralement le jour férié y afférent. En effet, en-dehors des vacances d’été, les quatre périodes de vacances fixées pendant l’année sont toutes déterminées par le calendrier chrétien (Toussaint, Noël, Mardi gras et le début du Carême, Pâques).

Aujourd’hui, une vaste réforme des rythmes scolaires, menée par la Ministre de l’Enseignement obligatoire Caroline Désir, est en cours et devrait entrer en vigueur lors de l’année scolaire 2022-2023. Cette réforme est le fruit d’une réflexion et d’une consultation larges tenant compte des acteurs de l’école et d’avis scientifiques portés par des experts en pédagogie et en chronobiologie. Cette réforme modifie le calendrier scolaire annuel en le basant sur une alternance de sept ou huit semaines d’école et deux semaines de repos ainsi qu’un raccourcissement des vacances d’été.

Dans cet état de la question, nous verrons tout d’abord comment se définissent les rythmes scolaires, puis poserons la question de ces rythmes en Belgique francophone au regard de ce qui se pratique dans d’autres pays de l’OCDE. Nous examinerons ensuite ce que nous apprennent les recherches en chronobiologie avant d’aborder la réforme actuellement portée par la Ministre Caroline Désir.

1. Définition des rythmes scolaires

On peut définir les rythmes scolaires comme étant l’organisation temporelle de l’école. Ils correspondent à l’alternance de moments de repos et d’activité imposée aux élèves par l’école, le collège, le lycée et l’université, autrement dit les emplois du temps et calendriers scolaires1 Il s’agit d’une rythmicité environnementale, et non biologique, fixée par le législateur et les autorités scolaires.

Ces rythmes scolaires se conçoivent en trois temporalités : journalière, hebdomadaire et annuelle. Les rythmes journaliers concernent l’organisation du temps scolaire et des temps de repos au cours d’une journée d’école : heures de début et de fin des cours, repos au cours de la journée, périodes consacrées à l’apprentissage, aux jeux, au sport, à la culture, au travail autonome et aux devoirs. Les rythmes hebdomadaires concernent l’organisation du temps scolaire au cours d’une semaine : combien de jours par semaine les enfants doivent-ils se rendre à l’école ? Quant aux rythmes annuels, il s’agit de l’alternance des semaines d’école et des semaines de vacances, en ce compris les plus longues vacances d’été.

Chaque pays a décidé – ou hérité – de rythmes scolaires (journaliers, hebdomadaires et annuels) qui sont le fruit de son histoire, des besoins de la société des adultes et des missions qu’il confère à l’école. Ils ont rarement été conçus de façon à prendre en compte les rythmes biologiques et les besoins physiologiques des enfants. Aujourd’hui, la question des rythmes scolaires et d’une meilleure prise en compte des besoins des enfants se pose dans plusieurs pays européens, avec plus d’acuité encore depuis la crise liée au

1 CAVET Agnès, Rythmesscolaires:pourunedynamiquenouvelledestempséducatifs, in Dossier d’actualité n°60, INRP, février 2011, http://veille-etanalyses.ens-lyon.fr/DA-Veille/60-fevrier-2011-integrale.pdf

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Covid19. L’équation à laquelle sont confrontés les décideurs est de synchroniser au mieux les rythmes biologiques propres à l’enfant et les rythmes de leur environnement et de la société dans son ensemble, en proposant des emplois du temps qui ne soient pas source de désynchronisation, désynchronisation ellemêmesourcedefatigueet de « stress »2

2. Les rythmes scolaires dans les pays de l’OCDE

La question des rythmes scolaires se pose avec plus ou moins d’acuité dans tous les pays développés. En effet, les rythmes scolaires et les rythmes de la société dans son ensemble (organisation des temps de travail, des temps de loisirs, des temps de repos et des temps de célébration – religieuse ou autre) sont liés et sont étroitement imbriqués. L’organisation de l’école a des conséquences sur l’organisation de la société et vice versa. Chaque pays a ainsi sa propre organisation du temps scolaire, héritage de son passé, de sa propre organisation sociale, des missions dévolues à l’école et des méthodes d’apprentissage (temps en classe versus travail à domicile, place des activités sportives et culturelles au sein de l’école).

Avec ses 180 jours par an passés en classe, les élèves belges (tant francophones que flamands) se situent dans la moyenne de l’OCDE (185 jours par an dans l’enseignement primaire et 184 jours dans le premier cycle de l’enseignement secondaire). Le nombre de jours passés en classe varie de plus de 50 jours en fonction des pays (de 160 à 219 jours dans l’enseignement primaire ; de 152 à 209 jours dans le premier cycle de l’enseignement secondaire). Ainsi, un enfant français ira 160 jours par an à l’école primaire contre 219 jours pour un élève israélien tandis qu’au cours du premier cycle de l’enseignement secondaire, c’est l’élève grec qui ira le moins de journées en classe (152 jours) et l’élève israélien qui ira le plus (209 jours)3

Dans la plupart des pays, les semaines de cours sont organisées sur cinq jours. Les variations dans le nombre annuel de jours d’instruction reflètent donc des différences au niveau de la durée de l’année scolaire et des différentes vacances scolaires. Si la moyenne du nombre de semaines d’instruction par an se situe à 36 semaines dans l’enseignement primaire et 35 semaines dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, on remarque de grandes différences entre les pays de l’OCDE. Ainsi, l’année scolaire dans l’enseignement secondaire se déroule sur 31 semaines en Grèce contre plus de 40 semaines en Allemagne, en Australie ou aux Pays-Bas par exemple. Avec ses 37 semaines d’instruction, la Belgique se situe dans la moyenne de l’OCDE. Ces différences sont en partie liées à l’organisation des vacances scolaires : dans deux tiers des pays de l’OCDE, l’année scolaire commence en septembre et se termine en juin, à l’exception de certains pays nordiques où l’année scolaire débute en août et se termine en mai. Dans les pays européens, les vacances d’été durent entre 6 semaines en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni et 13 semaines en Italie, en Lettonie et en Turquie. En outre, les vacances scolaires (hors vacances d’été) sont réparties en quatre périodes : en automne, sur la période Noël/Nouvel An, en hiver/au carnaval et au Printemps/à Pâques. La durée de ces périodes de repos varie également en fonction des pays et sont généralement d’une ou deux semaines. Les dates de ces vacances diffèrent d’un pays à l’autre, certains (comme la Belgique) les rattachant à des fêtes (le plus généralement chrétiennes), les autres les fixant au bout d’une période de classe plus ou moins longue4

Le dernier élément composant les « rythmes scolaires » est l’organisation de la journée d’école en tant que telle. En effet, ce n’est pas parce qu’un enfant va à l’école un nombre élevé de jours ou que ses vacances scolaires sont courtes qu’il suit en réalité plus d’heures d’instruction. De même, ce n’est pas parce que les vacances d’été sont longues que l’élève va peu d’heures en classe. Ainsi, dans l’enseignement primaire, l’écolier français est l’élève de l’OCDE qui va le moins de jours à l’école (162 jours) mais il suit un nombre d’heures de classe annuel supérieur à la moyenne de l’OCDE (864 heures contre 799). L’élève allemand

2 Testu François (entretien), Desoutilspourcomprendrelesrythmesscolaires, Revue Humanisme n°304, 2014, https://www.cairn.info/revuehumanisme-2014-3-page-86.htm

3 OCDE, Combiendetempslesélèvespassent-ils en classe ?, https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/eag-2016-29fr.pdf?expires=1638440464&id=id&accname=guest&checksum=85483C21935C75BE5970E96789D1F6AC

4 Ibidem

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qui va à l’école 188 jours et a des vacances d’été d’à peine 6 semaines a pourtant un nombre d’heures de cours inférieur à la moyenne de l’OCDE (703 heures par an). L’écolier belge quant à lui suit un nombre d’heures de cours annuel supérieur à la moyenne de l’OCDE, 826 heures pour l’écolier flamand et 849 heures pour l’écolier francophone5 L’organisation de la journée scolaire varie fortement avec dans un tiers des pays de l’OCDE, moins de quatre heures d’instruction obligatoires par jour en primaire et dans certains pays comme la France, l’Italie ou la Belgique, plus de cinq heures par jour6 Les journées des enfants comportent selon les pays des pauses plus ou moins longues et plus ou moins nombreuses et des activités facultatives comme le sport ou la culture organisées durant la journée scolaire.

Globalement, même si ses journées d’école sont relativement longues, les enfants belges se situent dans la moyenne de l’OCDE en matière de temps scolaire. Néanmoins, être dans la moyenne ne signifie pas avoir des rythmes et un calendrier équilibrés. Comme on vient de le voir, les situations varient fortement d’un pays développé à l’autre. Chacun a hérité d’un calendrier scolaire qui est le fruit de son histoire, de l’organisation de sa société, parfois de ce qu’il pense être bon pour les enfants, mais finalement, est-ce que des journées longues ou courtes, des semaines de quatre ou cinq jours, des vacances d’été de un, deux ou trois mois, ou des pauses durant l’année plus ou moins espacées sont meilleures pour les enfants ? Y a-t-il un modèle parfait ? Nous allons voir dans le chapitre suivant ce que nous apprennent les recherchent en chronobiologie

3. Les recherches en chronobiologie

La chronobiologie est une discipline scientifique qui étudie l’organisation temporelle des êtres vivants, des mécanismes qui en assurent la régulation (contrôle, maintien) et ses altérations7. En d’autres termes, la chronobiologie a pour objet l’étude des rythmes biologiques8.

La chronobiologie trouve des applications en médecine, en pharmacologie, en préparation physique d’athlètes de haut niveau mais également, depuis une quarantaine d’années, dans le domaine scolaire. Ainsi, les recherches en chronobiologie et chronopsychologie scolaires conduisent à considérer que l’activitéintellectuelledesélèvesainsiquelescomportementsd’adaptationàlasituationscolairefluctuent aucoursdelajournée,delasemaine et de l’année9

Pendant longtemps, les enfants et adolescents ont été considérés comme des adultes en miniature, qui devaient dès lors s’adapter et se plier aux contraintes de l’organisation temporelle du monde des adultes. Or aujourd’hui, l’examen du développement humain des rythmes psychologiques et biologiques conduit à différencier l’enfant de l’adulte10. Le rythme biologique de l’enfant, ses besoins physiologiques, le développement de son cerveau nous indiquent que lui imposer un rythme de vie (école/travail, temps libre, repos) similaire à celui d’un adulte altère sa santé et son épanouissement personnel et scolaire. Ainsi, déjà en 1974, des pédiatres français plaidaient pour la prise en compte de la biologie des enfants et des conséquences du surmenage scolaire. Ils écrivaient : « unsystèmequinetientpascompteenpremierlieu de la biologie de l’enfant et de l’adolescent, est une menace sur sa santé et le rend inapte à fixer les connaissancesenseignées. »11

Si les chercheurs reconnaissent unanimement l’importance à accorder au sommeil de l’enfant qui conditionne sa capacité d’apprentissage, de concentration et de gestion du stress, ils sont également unanimes à reconnaitre que les rythmes scolaires, journaliers, hebdomadaires et annuels, jouent un rôle

5 Ibidem

6 CAVET A., op.cit.

7 Wikipédia, Chronobiologie, https://fr.wikipedia.org/wiki/Chronobiologie

8 TESTU F. (entretien), op.cit.

9 Ibidem

10 Ibidem

11 FOTINOS Georges, L’« aberration»desrythmesscolairesenFrance.Constat,analyse,propositions. , Revue Enfances & Psy n°55, 2012, https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2012-2-page-6.htm

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fondamental dans la réussite scolaire, l’anxiété des enfants, le stress engendré par l’école, leur santé et leur bien-être.

Il n’existe pas de modèle parfait pour les rythmes scolaires parce que le rythme biologique naturel varie en fonction des saisons, de l’âge de l’enfant, de l’intensité des apprentissages et finalement de chaque enfant qui a des besoins propres en matière de temps de repos et de temps d’éveil. Néanmoins, des constats similaires sont faits à travers différents modèles au sein des pays de l’OCDE. Ainsi, la grande concentration du temps scolaire en France, avec les journées d’apprentissage les plus longues des pays de l’OCDE, réparties en semaines de quatre jours et en années comportant dix-sept semaines de congé, entraine pour l’enfant des difficultés/impossibilités à rester vigilant et attentif, à traiter les informations, donc à comprendreetàapprendre.12 De même, des congés mal répartis sur l’ensemble de l’année induisent pour l’enfant une fatigue parfois intense : des vacances d’été très longues demandent un effort de reconcentration et de remise à niveau importants au moment de la rentrée tandis que durant l’année, des congés intermédiaires courts et parfois espacés de neuf ou dix semaines amènent chez l’enfant des risques de déconnexion voire de décrochage en fin de longues périodes d’apprentissage. Au niveau du rythme journalier également, on constate que des journées d’apprentissage trop longues (dans l’enseignement primaire, presque six heures d’enseignement en France, plus de cinq heures en Belgique, sans compter le temps consacré aux devoirs) nuisent à la réussite scolaire et sont source d’anxiété, de fatigue et de mal-être chez les enfants.

Partant des études des chronobiologistes, l’Académie nationale de Médecine (France) a notamment recommandé les mesures suivantes13 :

- Aménager la journée scolaire en fonction des rythmes de performance et enseigner les matières difficiles aux moments d’efficience scolaire reconnus, en milieu de matinée et en milieu d’après-midi; retarder l’entrée des enfants en classe en créant une période intermédiaire d’activités calmes en début de matinée; instituer une heure d’étude surveillée enfind’enseignement.

- Aménagerlasemainesur4joursetdemiou5jours;

- Respecterlesommeildel’enfantetleconsidérercommeunsujetdesantépublique;

- Evoluer vers un calendrier de 7-8 semaines de classe et 2 semaines de vacances;

- Allégerletempsdeprésencequotidiendel’élèveàl’écoleenfonctiondesonâge.

Les recherches en chronobiologie, qui nous apprennent à mieux prendre en compte les rythmes naturels des enfants dans l’organisation scolaire et les apprentissages, ne constituent pas une solution miracle contre l’échec scolaire et dans l’amélioration du bien-être des enfants à l’école. De nombreux autres facteurs jouent. Néanmoins, une meilleure organisation du temps scolaire permet de réduire le stress et la fatigue des enfants et améliore leur bien-être et leur capacité à assimiler les apprentissages. C’est dans cette optique que la Ministre de l’Enseignement obligatoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Caroline Désir, a entrepris une réforme des rythmes scolaires annuels.

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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -12 CAVET A., op.cit. 13 CAVET A., op.cit.

4. La réforme des rythmes scolaires annuels en Fédération Wallonie-Bruxelles

L’année scolaire 2022-2023 constituera, dans l’histoire de l’enseignement en Fédération WallonieBruxelles, une petite révolution. En effet, les enfants effectueront leur retour à l’école en août et termineront l’année en juillet. Finies les dates sacrées du 1er septembre et du 30 juin, place à la réforme des rythmes scolaires annuels !

Depuis près de 30 ans, les experts de l’enseignement et des rythmes biologiques demandent une réforme des temps scolaires, estimant que l’organisation de l’année scolaire est trop déséquilibrée et a des conséquences néfastes sur les apprentissages et le bien-être des enfants. En effet, notre calendrier scolaire annuel tourne essentiellement autour de deux piliers : des vacances d’été longues (neuf semaines, allant du 1er juillet au 31 août) et des congés d’une ou deux semaines fixés en fonction du calendrier chrétien (Toussaint, Noël, Carnaval et Pâques). Le début du Carême (mardi gras/mercredi des Cendres) et Pâques n’ont pas lieu à dates fixes et en fonction du jour de la semaine où tombent le 1er novembre (Toussaint) et le 25 décembre (Noël), le nombre de semaines scolaires entre deux congés peut varier fortement d’une année à l’autre, allant de quatre semaines possibles entre les vacances d’hiver et le congé de carnaval à parfois onze semaines entre le congé de printemps et les vacances d’été. Partant du constat que l’irrégularité des rythmes annuels et la longueur de certaines périodes nuisent au bien-être des enfants et à leurs apprentissages, le Groupe central du Pacte pour un enseignement d’excellence, dans son avis n°3, a demandé la réalisation d’une étude de faisabilité approfondie tant en ce qui concerne le rythme de la journée que celui de l’année. Pour tous les niveaux et types confondus, il est envisagé de répartirl’année en périodes de sept semaines de cours suivies chaque fois de deux semaines de congés et adapter en conséquencelesvacancesd’été,enprivilégiantleprincipedesemainescomplètes »14

Cette étude de faisabilité, destinée à évaluer les impacts d’une réforme des rythmes scolaires annuels sur le reste de la société, a été réalisée par la Fondation Roi Baudouin. Concrètement, dans son étude publiée en septembre 2018, la Fondation a analysé les conditions d’acceptabilité d’une modification des rythmes scolaires annuels pour les différents acteurs impactés, à l’exception de la dimension pédagogique de la question. Il en ressort globalement que les acteurs consultés (monde de l’école, des familles, secteurs économiques, secteurs associatifs, culturels et sportifs, monde de la jeunesse et monde religieux et laïque) « se sont, dans une large mesure, spontanément, exprimés plutôt en faveur d’un rythme 7/2, le bien-être et les apprentissages de l’enfant étant au cœur de leurs motivations. »15 Néanmoins, certaines préoccupations ont émergé : la nécessité de repenser certaines dynamiques scolaires, comme les évaluations, les jours blancs, les rythmes journaliers, la remédiation ; la nécessité de repenser l’offre extrascolaire et notamment de travailler sur son accessibilité ; une réarticulation des rythmes et agendas de certains secteurs liés à la vie sociale, culturelle et économique des enfants et de leurs parents. Sur cette base, la Fondation Roi Baudouin a élaboré différents scénarios de calendrier basés sur trois éléments : le maintien des vacances de Noël en l’état, l’organisation de l’année en semaines complètes et le maintien du nombre de jours de cours actuels, c’est-à-dire 180 minimum.

S’appuyant sur cette étude de faisabilité, la Déclaration de politique communautaire 2019-2024 a repris les objectifs du Pacte pour un Enseignement d’Excellence en indiquant que le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, « en tenant compte notamment des résultats de l’étude de faisabilité de la Fondation Roi Baudouin, propose d’adapter progressivement, en concertation avec les enseignants et les autres acteurs concernés, les rythmes scolaires annuels et journaliers au rythme chronobiologique des enfantsetréformerl’organisationdutempsscolaireetlefinancementdel’extrascolaire. »16

14 Pacte pour un Enseignement d’Excellence, Avis n°3 du Groupe central, pp.303-304, disponible sur http://www.enseignement.be/index.php?page=28280

15 Fondation roi Baudouin, Etudedefaisabilitévisantàexplorerlesconditionsd’acceptabilitéduprojetderéformedesrythmesscolairesannuels« 7/2 ». Rapport., Septembre 2018, https://www.kbs-frb.be/fr/etude-de-faisabilite-visant-explorer-les-conditions-dacceptabilite-du-projet-de-reforme-de-rythmes

16 Déclaration de Politique de la Fédération Wallonie Bruxelles 2019-2024, pp.16-17, http://www.federation-walloniebruxelles.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&g=0&hash=d46c9f4830a54be6e1cd75d62c91dbd4bfd19b73&file=fileadmin/sites/portail/uploads/Illu strations_documents_images/A._A_propos_de_la_Federation/3._Gouvernement/DPC2019-2024.pdf

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Sur proposition de la Ministre de l’Enseignement obligatoire Caroline Désir, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a approuvé en mai 2021 une note d’orientation fixant le modèle des futurs rythmes scolaires annuels. Un avant-projet de décret a ensuite été rédigé et suit actuellement son parcours législatif classique, qui aboutira à son approbation par le Parlement dans les prochaines semaines en vue d’une entrée en vigueur dès l’année scolaire 2022-2023. Les éléments piliers de ce modèle sont :

- Une alternance de sept ou huit semaines de cours et de deux semaines de congé, avec les vacances d’hiver comme pivot de cette alternance ;

- Le maintien de la fourchette de jours de cours annuels comprise entre 180 et 184 jours ;

- Un calendrier de semaines complètes, du lundi au vendredi, à l’exception des jours fériés légaux ;

- Une année scolaire commençant le lundi de la dernière semaine d’août et se terminant le premier vendredi du mois de juillet.

Cette réforme devra également s’articuler avec un renforcement de l’accessibilité de l’offre d’activités extrascolaires et une meilleure prise en compte de celles-ci dans les rythmes journaliers, hebdomadaires et annuels des enfants. En effet, il n’est pas rare que certaines activités occupent les enfants à raisons d’une ou deux heures par jour, trois ou quatre jours par semaine. Or, si l’école est sur la bonne voie pour mieux prendre en compte la chronobiologie des enfants, il appartient également aux secteurs de la jeunesse, des sports et des activités extra-scolaires au sens large de faire le même travail et d’évaluer si les horaires qu’ils proposent sont soutenables et profitables au bien-être des enfants. Ce travail doit encore être mené, tout comme doit encore l’être celui sur l’organisation des journées d’école. Dans la Déclaration de politique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il est indiqué que « le rythme journalier doit donc s’appuyer sur une politique cohérente d’éducation (formelle et non formelle) associant l’enseignement, l’extrascolaire, le soutienscolaire,l’activitéassociative,lesportetlesactivitésartistiquesetculturelles. »17 Dans le futur, une réforme de l’organisation des rythmes journaliers devra permettre de rééquilibrer les heures de travail en classe, où les enfants de la Fédération Wallonie-Bruxelles passent un nombre d’heures élevé comparativement aux enfants d’autres pays de l’OCDE, et les activités sportives, culturelles et de loisirs de qualité. Des expériences pilotes seront prochainement lancées avant, peut-être, d’ici quelques années une réforme à plus grande échelle.

5. Conclusions

En cherchant à équilibrer davantage l’organisation de l’année scolaire entre périodes d’école et moments de repos, le nouveau calendrier scolaire annuel devrait mieux respecter la chronobiologie des enfants et leur permettre de mieux apprendre, en étant moins soumis à la fatigue et à la pression d’un rythme qui était par moment difficilement soutenable pour certains enfants. L’allongement du congé d’automne et du congé de détente donneront aux enfants une réelle possibilité de déconnexion par rapport à l’école tandis que le raccourcissement des vacances d’été, unanimement considérées comme trop longues, facilitera le retour en classe dès la fin août. Cette réforme historique, qui touche à l’organisation du temps scolaire pour la première fois depuis la suppression de l’école le samedi matin en 1973, favorisera – mais sans en être la recette miracle - les apprentissages et in fine le bien-être des enfants à l’école

La réforme impliquera des changements importants dans la société, une adaptation du monde du travail, des loisirs, du sport, de l’organisation des familles. Pour les enseignants et les directions d’école également, la réforme constituera une petite révolution. Mais après le nécessaire temps d’adaptation aux nouveaux rythmes scolaires annuels, chacun devrait se sentir mieux dans un calendrier plus régulier, plus apaisé et plus respectueux des besoins des enfants.

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Résumé

L’année scolaire 2022-2023 constituera dans l’histoire de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles une petite révolution. En effet, elle verra la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires annuels. Le calendrier des écoliers, inchangé depuis des décennies, organisé entre les dates sacrées du 1er septembre et du 30 juin, rythmé par des congés calqués sur des fêtes chrétiennes, sera profondément modifié et rééquilibré. Les nouveaux rythmes scolaires annuels seront plus réguliers avec des vacances d’été plus courtes et une alternance de sept ou huit semaines de cours et de deux semaines de congé.

Portée par la Ministre de l’Enseignement obligatoire Caroline Désir, cette réforme s’appuie sur les recherches en chronobiologie qui ont mis en évidence des besoins biologiques spécifiques aux enfants et différents de ceux des adultes. Ces besoins nécessitent, pour le bien-être des enfants et pour améliorer leurs capacités d’apprentissage, d’adopter un calendrier scolaire plus en phase avec les rythmes naturels des enfants.

Dans cet « Etat de la question », nous verrons tout d’abord ce qu’il faut entendre par « rythmes scolaires ». Nous comparerons ensuite notre organisation temporelle de l’école au regard de ce qui se pratique dans d’autres pays de l’OCDE. Nous examinerons ce que nous apprennent les recherches en chronobiologie et ce que préconisent les spécialistes des rythmes de l’enfant. Nous expliquerons enfin les principes de la réforme et l’architecture du futur calendrier scolaire.

La réforme des rythmes scolaires annuels impliquera des changements importants dans la société et de nécessaires adaptations du monde du travail, des loisirs et de l’organisation des familles. Néanmoins, en tenant mieux compte de leurs besoins, elle devrait améliorer le bien-être des enfants, dans et en-dehors de l’école, et facilitera leurs apprentissages.

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