La Pologne de mal en PiS

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SOMMAIRE 1 Éléments contextuels 2 1.1 Le système politique polonais depuis 1990 2 1.2 Solidarność, moteur accidentel de la droite ? 2 1.3 PiS : des prémisses à l’affirmation 3 2 Cinquante nuances de droite 5 2.1 Un flou lexicologique 5 2.2 Qu’en est-il de PiS ? 6 3 Vers une dérive autoritaire ? 7 3.1 « […] Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question » 7 3.2 Les médias polonais : instruments de (contre-)pouvoir ? 8 4 Conclusion 9

Introduction

La présente analyse a pour principal objectif d’analyser la doctrine défendue par le parti politique polonais « Droit et Justice » (PrawoiSprawiedliwość, PiS). Fondé il y a plus de vingt ans par les frères Jarosław et Lech Kaczyński, ce parti ne cesse de faire parler de lui, tant à l’échelle nationale qu’internationale (cf. politiques européennes). Tantôt considérée comme traditionnelle, tantôt classée à l’extrême droite de l’échiquier politique, l’idéologie défendue par PiS soulève de nombreux questionnements : quel(s) lien(s) historique(s) ce parti entretient-il avec le célèbre syndicat Solidarność1 ? De quel héritage politique PiS se déclare-t-il ? Comment expliquer le leadership des frères Kaczyński ? Quel degré d’implication et d’immixtion dans des dossiers politiques, l’Église possède-t-elle grâce à PiS ? L’ensemble de ces interrogations poursuivent un même objectif, à savoir, répondre à la problématique suivante : à l’aune de la littérature spécialisée en science politique, doiton considérer PiS comme un parti de droite, de droite radicale ou d’extrême droite ?

Pour répondre à cette question, la méthodologie utilisée dans ce travail de recherche s’articule en trois temps : en premier lieu, des éléments contextuels concernant le régime politique polonais actuel seront abordés. En deuxième lieu, une analyse lexicale et sémantique sera réalisée afin de distinguer les valeurs interprétatives et les nuances existantes entre les concepts suivants : « droite », « droite radicale » et « extrême droite ». Cet examen linguistique permettra d’amorcer le dernier volet de ce travail, à savoir, l’étude et l’observation d’exemples concrets de politiques menées par PiS en vue de déterminer, avec précision, le positionnement de ce parti sur l’échiquier politique.

1 Solidarność (en français « Solidarité ») est le premier syndicat indépendant du bloc soviétique, constitué à Gdańsk en 1980 et cofondé par Lech Wałęsa

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1 Éléments contextuels

1.1 Le système politique polonais depuis 1990

De nos jours, la droite domine sans conteste la scène politique polonaise. Lors des dernières élections parlementaires de 2019, PiS avait récolté 43,59 % des voix, loin devant l’opposition centriste qui en avait obtenues 27 %. « La droite en Pologne bénéficie d’un avantage politique de taille : son histoire se confond avec l’histoire de la lutte contre le régime communiste et de la transition démocratique. [Mais] il n’en a pas toujours été ainsi. Dès le début des années 1990, la droite polonaise était en proie à un morcellement extrême, tandis que la gauche postcommuniste restait unie […] »2. Avec une élection présidentielle au suffrage universel organisée le 25 novembre 1990 et des législatives planifiées le 27 octobre 1991, la Pologne retrouve enfin, depuis de nombreuses années, tous les attributs formels de la démocratie et entre dans une nouvelle ère : la Troisième République. Après quinze années rythmées par une dynamique d’alternance droite-gauche, depuis 2005, la droite polonaise réussit finalement à s’imposer durablement via l’émergence de deux courants : PiS – que nous ne devons plus présenter – et PO (PlatformaObywatelska , « Plateforme civique »).

1.2 Solidarność, moteur accidentel de la droite ?

La droite polonaise, devenue aujourd’hui incontournable dans le pays, puise historiquement ses racines dans le mouvement d’opposition au pouvoir communiste, lequel s’est affirmé autour du syndicat Solidarność en 1980. Effectivement, bien qu’aujourd’hui PiS et PO présentent d’importantes divergences doctrinales, ces deux partis partagent en réalité cette origine commune. En effet, le leadership de Lech Wałęsa3 ne doit pas masquer le caractère pourtant hétéroclite de Solidarność , fédération regroupant en son sein des personnes et des tendances extrêmement diverses, allant de la gauche – incarnée par des intellectuels anciennement communistes, empreints d’une forte fibre sociale – à la droite – représentée par des groupes nationalistes et catholiques, étroitement liés au clergé et à l’Église

Au lendemain des élections démocratiques de 1990 et de 1991, des ruptures entre Lech Wałęsa et certains membres de Solidarnośćse multiplient : à titre d’exemple, l’affrontement présidentiel WałęsaMazowiecki de 1990 marque la sortie progressive de l’aile centriste du mouvement syndical – via la création d’un autre parti, Unia Demokratyczna (UD, « Union démocratique »), renommé par la suite Unia Wolności (UW, « Union de la Liberté ») –, laquelle se restructurera en 2001 en un nouveau parti libéral, PO. Outre l’émergence d’un courant réformateur, le caractère composite des membres constituant Solidarność entraîne également l’apparition d’une tendance plus conservatrice, impulsée par deux frères : Jarosław et Lech Kaczyński. Ces jumeaux, collaborateurs proches de Lech Wałęsa, associés au mouvement syndical depuis ses origines, créent en 1990 leur propre parti : Porozumienie Centrum (PC , « Entente du Centre »4). Soutiens indéfectibles du syndicaliste lors de l’élection présidentielle de 1990, ceux-ci sont, par la suite, associés à l’exercice du pouvoir : l’un – Jarosław

devient le directeur de cabinet du nouveau Président, l’autre – Lech – dirige le BiuroBezpieczeństwa Narodowego(BBN , « Bureau de sécurité nationale »). Toutefois, les relations entre Lech Wałęsa et les frères Kaczyński se détériorent dès 1992, en raison de visions différentes dans la gestion et la publication d’archives datant de l’ère communiste, les seconds accusant le premier de collaboration avec le régime marxiste-léniniste. Récoltant d’années en années davantage de popularité et profitant d’un environnement politique instable et agité, éprouvé par les réformes des années 1990, Jarosław et Lech Kaczyński créent en 2001 le parti PiSafin de partir plus offensivement à la conquête du pouvoir.

2 TOMASZEWSKA-MORTIMER D. Où en est la droite ? La Pologne. Paris : Fondapol. 2010. p. 5.

3 Lech Wałęsa, né en 1943, est un électricien polonais, leader du mouvement Solidarność, élu président de la République de Pologne le 9 décembre 1990. Prix Nobel de la Paix en 1983, son visage incarne la lutte des 17.000 grévistes des chantiers navals de Gdańsk de 1980.

4 Ou encore « Accord du Centre », selon les traductions.

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1.3 PiS : des prémisses à l’affirmation

L’année 2005 marque les premières victoires de PiS , qui remporte alors deux élections : les présidentielles et les législatives. Grâce à ces succès, les jumeaux sont placés à la tête de l’État polonais : Lech devient Président de la République, tandis que Jarosław occupe le poste de Premier ministre.

Depuis sa création, PiS s’identifie comme un parti de droite, conservateur qui défend une vision traditionnelle de la société, comme l’indique son site internet : “uważamy, żemodelżyciaspołecznego ufundowanynawartościachnaszejtradycji,gdyzostaniewprowadzonywżycie,możemiećznaczącą siłę oddziaływania poprzez dobry przykład„5 Parti des laissés pour compte – l’électorat de PiS se compose, en grande majorité, de personnes âgées de plus de 60 ans, peu diplômées et vivant dans un environnement rural –, « Droit et Justice » se fait le porte-voix des victimes de la modernisation et de la transformation capitaliste du pays. L’instauration du marché libre, lequel devait mener l’ensemble de la population polonaise vers un niveau de vie semblable à celui des habitants de pays occidentaux, n’a pas intégralement tenu ses promesses. En effet, les réformes économiques et politiques ont eu de profondes répercussions, notamment sur certaines strates de la société, lesquelles ont été victimes de paupérisation. À titre d’exemple, les politiques menées sous le quinquennat de Komorowski6 étaient loin d’être suffisantes : le salaire minimum équivalait encore à moins de 400 euros par mois ; le chômage était de 12 % ; l’émigration continuait à exploser, surtout chez les jeunes (on comptait alors 600.000 Polonais juste à Londres) ; les aides européennes étaient mal réparties (10 à 15 % d’entreelles allant directement vers des boîtes de consultances)7

Conscient de ces problématiques, PiS en a donc imbibé son programme électoral. C’est ainsi que la rhétorique du parti conservateur polonais s’appuie notamment sur la défense des traditions polonaises et des valeurs familiales. L’une des mesures phares récentes défendues par PiS – et qui entrera en vigueur en 2024 – concerne l’augmentation de l’allocation accordée aux ménages pour chaque enfant, laquelle passera de 500 à 800 zlotys, soit l’équivalent de 180 euros. En Pologne, le salaire moyen brut étant de 6653 zlotys (soit 1500 euros), l’allocation familiale par enfant représente 12 % du montant de ce dernier. À titre comparatif, pour obtenir le même pourcentage en Belgique, les allocations familiales devraient s’élever à 460 euros8 par enfant (contre 181 euros, actuellement, pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2020). Si cet exemple de politique menée par le parti conservateur polonais semble à première vue louable dans son aspect social et sociétal, il convient de soulever toutefois quelques interrogations : PiS ne tente-t-il pas, par ce moyen, de revenir à un modèle familial davantage « traditionnel », dans lequel un seul salaire pourrait suffire aux dépenses du ménage ? Sous couvert de réponse à la crise de la natalité que traverse actuellement la Pologne, le gouvernement conservateur ne tenterait-il pas de saper une partie des libertés et des droits acquis par les femmes ? Quoi qu’il en soit, cet exemple de réforme menée par le gouvernement Morawiecki II9 porte ses fruits et permet d’asseoir confortablement PiS à l’exercice du pouvoir. Les tableaux ci-dessous reprennent, à titre indicatif, les résultats obtenus par le parti, depuis 2001, lors des élections législatives et présidentielles. Si des victoires alternées entre PiS et PO peuvent être observées en ce début de XXIe siècle, force est de constater que l’année 2015 marque le retour durable des conservateurs en Pologne à tous les niveaux de pouvoir. À titre d’exemple, élu le 24 mai 2015, Andrzej Duda, « créature de Jarosław Kaczyński »10, accède à l’exercice présidentiel grâce à une campagne ciblée, menée par le parti, laquelle offre aux groupes sociaux « laissés pour compte » par les libéraux des promesses d’améliorations rapidement mises en œuvre : abaissement de l’âge de la pension, relèvement du seuil d’imposition ou encore, nous l’avons vu, aide aux familles pour augmenter le taux de natalité. Les élections législatives qui suivent en octobre 2015 confirment la tendance : avec 235 sièges à la Diète11 ,

5 Notre traduction : « Nous pensons qu’un modèle de vie sociale fondé sur les valeurs de notre tradition, lorsqu’il est mis en pratique, peut avoir un impact significatif par le bon exemple ». Voir : https://pis.org.pl/partia/prawo-i-sprawiedliwosc [consulté le 31/07/23].

6 Bronisław Komorowski, homme politique issu de PO, fut président de la République de Pologne de 2010 à 2015.

7 BEAUVOIS, D. La Pologne, des origines à nos jours. Paris : Seuil. 2022 [1995]. p. 626.

8 Cette simulation a été réalisée sur la base du salaire moyen brut belge pour l’année 2023, à savoir 3832 euros brut.

9 Le gouvernement actuel, dénommé « gouvernement Morawiecki II » (Drugi rząd Mateusza Morawieckiego), est dirigé –comme son nom l’indique – par Mateusz Morawiecki (PiS).

10 BEAUVOIS, D. op. cit. p. 629.

11 En Pologne, le pouvoir législatif se compose de deux chambres : la Diète (Sejm), composée de 460 députés et le Sénat (Senat), comptant 100 membres. Voir article 10 de la Constitution : “Władzę ustawodawczą sprawują Sejm i Senat, władzę

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PiS écrase la « Plateforme civique » (laquelle obtient 138 sièges). Même constat au niveau du Sénat, lequel se voit composé à 61 % par PiS , contre 34 % par PO. Depuis ce succès électoral – réitéré en 2019 –, « Droit et Justice » échafaude un nouveau type de gouvernance, marquée par le démantèlement progressif de l’État de droit (cf. atteintes à l’indépendance judiciaire, à la liberté de la presse ou encore aux droits des personnes LGBTQIA+), rendant plus poreux les contours de son apparentement politique.

Tableau comparatif des résultats de PiS lors des élections législatives (depuis 2001) 12

Résultats des élections présidentielles (depuis 2005) 13

wykonawczą Prezydent Rzeczypospolitej Polskiej i Rada Ministrów, a władzę sądowniczą sądy i trybunały„. Notre traduction : « La Diète et le Sénat exercent le pouvoir législatif, le Président de la République et le Conseil des ministres exercent le pouvoir exécutif, les cours et tribunaux exercent le pouvoir judiciaire ».

12 L’ensemble des résultats sont disponibles en ligne sur le site de la « Commission électorale de l’État » (Państwowa Komisja Wyborcza) : https://pkw.gov.pl/ [consulté le 29/07/23].

13 Idem.

14 Le président Andrzej Duda, historiquement membre de PiS, est désormais indépendant, bien que resté très proche du parti conservateur.

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Année Nombre de votes Pourcentages des votes Nombre de sièges Nombre total de sièges Pourcentages des sièges 2001 1 236 787 9,5 44 460 9,6 2005 3 185 714 27,0 155 460 33,7 2007 5 183 477 32,1 166 460 36,1 2011 4 295 016 29,9 157 458 34,3 2015 5 711 687 37,6 235 460 51,1 2019 8 051 935 43,6 235 460 51,1
Année Président
Parti Nombre de votes Pourcentages obtenus par le candidat 2005 Lech Kaczyński PiS 15 279 787 54 2010 Bronisław Komorowski PO 17 050 417 53 2015 Andrzej Duda PiS 16 993 169 51,5 2020 Andrzej Duda [PiS]14 20 636 635 51
élu

2 Cinquante nuances de droite

2.1 Un flou lexicologique

Si distinguer la « droite » de l’« extrême droite » est un exercice intuitif assez aisément réalisable, il en va différemment de la démarcation entre « extrême droite » et « droite radicale ». Les secteurs médiatique et politique usent de ces termes de manière interchangeable, sans définition claire, alors même que les droites extrêmes constituent l’un des corpus de recherche les plus étudiés dans la littérature comparative actuelle en science politique. Dès la fin des années 1990, Cas Mudde

politologue néerlandais, théoricien de l’extrême droite – s’intéresse à cette question terminologique et suggère de distinguer les organisations d’extrême droite (extreme right) des formations de droite radicale (radical right). Extreme right et radical right adoptent une même vision du monde selon laquelle « différentes races, ethnies ou civilisations […] peuvent être distinguées et hiérarchisées »15 En outre, leur idéologie repose sur un nationalisme particulièrement fort, qui entend « poursuivre un objectif d’homogénéité ethnique à l’intérieur d’un territoire »16. Toutefois, selon le chercheur hollandais, alors que les premières rejettent l’ordre constitutionnel démocratiquement établi et peuvent recourir à des moyens physiquement ou symboliquement violents, les secondes acceptent le jeu démocratique tout en continuant à rejeter certains droits tels que les droits de minorités lesquelles peuvent être définies sur bases convictionnelle, culturelle, sexuelle ou encore ethnique17. Ainsi, selon Cas Mudde, extremerightet radicalrightsont donc des déclinaisons différentes d’une même idéologie d’« ultradroite »18

En outre, Cas Mudde distingue quatre vagues d’étude des extrémismes de droite dans l’Europe d’après-guerre (“fourwavesofright-wingextremisminpost-warEurope„19) :

- La première vague – ou vague du « néofascisme » – (1945-1955), principalement historique et descriptive, est exploitée par des historiens, experts des fascismes du début du XXe siècle, qui analysent la persistance des manifestations de la droite radicale populiste d’après-guerre ;

- La deuxième vague – ou vague du « populisme de droite » – (1955-1980) accorde davantage d’importance aux sciences sociales et cherche à comprendre comment de nouveaux partis populistes de droite radicale – qui ne sont plus des héritiers de la Seconde Guerre mondiale – parviennent à éclore dans des démocraties modernes ;

- La troisième vague – ou vague de la « droite radicale » – (1980-2000) rassemble des études qui s’intéressent à l’offre politique – toujours marginalisée – et aux mécanismes de persuasion mis en place par les partis, les mouvements et les groupuscules appartenant au champ des droites extrêmes ;

- La quatrième vague – ou vague de l’« ultradroite » – (de nos jours) se centralise autour de la problématique de la normalisation et du mainstreamingpolitique des acteurs de droite radicale et de leurs idées.

Notons enfin que les termes d’extreme right et radical right ne doivent pas être confondus avec la notion de populisme, laquelle n’est pas une idéologie, mais un type de discours, un style communicationnel qui vise à créer un antagonisme entre le peuple, « paré de toutes les vertus »20, et les élites jugées corrompues et viciées. Ainsi, le « style populiste » n’est pas le propre des droites extrêmes. Il peut être mobilisé par tout type de formation politique – même traditionnelle –. Le potentiel de cette stratégie discursive a néanmoins été bien saisi par l’extremerightet la radicalright, lesquelles articulent leur argumentaire autour de la capitalisation des souffrances sociales et des failles de l’État de droit, de manière à ce que l’ensemble des discours populistes de droite donnent un sens et une grille d’interprétation à l’expérience du « déclassement » ressenti par certaines catégories de citoyens.

15 BIARD, B. « Extrême droite : de la conquête des esprits à celle du pouvoir ». in Politique. Revue d’analyse et de débat. HorsSérie n°5. Bruxelles. 2021. p. 26.

16 Idem.

17 MUDDE, C. « The war of words defining the extreme right party family ». in West European Politics, vol. 19, n°2. 1996. Londres : Routledge. pp. 225-248.

18 MUDDE, C. La Ultraderecha hoy. Buenos Aires : Paidós. 2021. p. 20.

19 MUDDE, C. The Study of Populist Radical Right Parties: Towards a Fourth Wave. Oslo : University of Oslo. 2016. p. 3.

20 BIARD, B. art. cit. p. 27.

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2.2 Qu’en est-il de PiS ?

Sur la base des éléments de définition mentionnés ci-dessus, de quelle manière le parti « Droit et Justice » peut-il être catégorisé ? Là où la « Ligue des familles polonaises21 » (LigaPolskichRodzin, LPR) peut être considérée, sans peine, comme un parti nationaliste radical, le cas de PiS doit être analysé de manière plus fine au fil du temps.

Le programme défendu par PiS lors des élections législatives et présidentielles de 2005 repose principalement sur la construction d’une « Quatrième République » (IV Rzeczpospolita), slogan postulant la nécessité de rompre définitivement avec « le système » – selon les termes employés par les frères Kaczyński –, lequel favorise la collusion entre les élites du pays et les intérêts privés. Cette connivence est, selon PiS , « mise en évidence par la manière dont ont été conduites les privatisations des entreprises publiques depuis le début des années 1990, la bienveillance des gouvernements précédents à l’égard des investisseurs privés et les nombreuses affaires de corruption »22 Rapidement, PiS adopte donc un discours populiste – reposant sur cette représentation binaire et dichotomique de la société –, appelant le peuple à ouvrir les yeux sur la responsabilité des élites économiques, politiques et intellectuelles à propos de la « décadence » de la société polonaise.

De surcroît, dans sa campagne de 2005, Lech Kaczyński met en garde son électorat contre ce qu’il dénomme la « crise du polonisme23 et du patriotisme » et enjoint la communauté nationale à être sur ses gardes face au danger des influences étrangères et du pluralisme. PiS accuse ses opposants libéraux de travailler contre l’identité nationale. Adoptant donc un discours ouvertement nationaliste, PiS , dès ses débuts, s’apparente à un parti de droite, conservateur mais aussi défenseur du catholicisme24, qui revendique la prééminence de la Pologne, laquelle « est confrontée à une hostilité anti-chrétienne qu’on rencontre dans l’Europe libérale » 2526. L’histoire le confirmera : cette tendance culminera en octobre 2021 avec la décision du Tribunal constitutionnel de Varsovie de déclarer contraires à la Constitution du pays certains articles du Traité de l’Union européenne (TUE). Notons toutefois que, malgré ces virulentes attaques perpétrées par PiS à l’encontre de Bruxelles, le gouvernement Morawiecki II n’a pas été contraire, quelques mois plus tard, à voter en faveur du budget de cette UE tant détestée, afin d’en recevoir le plus de crédits possibles. Attachement aux valeurs catholiques, exaltation du patriotisme, rejet des mœurs occidentales, stigmatisation des personnes LGBTQIA+ : c’est avec autant d’éléments idéologiques – propres à l’extrême droite – que PiSse présente, dès l’année 2005, au grand public, tout en arborant, néanmoins, les traits d’un parti de droite traditionnelle, prêt à négocier avec des partis davantage centristes, tels que PO . Ces tentatives de tractations, bien qu’avortées, attestent cependant de la disposition de PiS , de pouvoir rentrer dans un processus de gouvernance démocratique, respectant le choix de l’électorat – notons qu’aux élections de septembre 2005, 60 % d’électeurs s’abstinrent ; 27 % votèrent pour PiS ; 24 % choisirent PO –. Cas Mudde souligne que la particularité de PiS – et du parti hongrois Fidesz (Fiatal Demokraták Szövetsége , « Alliance des jeunes démocrates ») – est d’avoir muté, au fil du temps, de « parti traditionnel » à « formation de droite radicale » tout en participant à l’exercice gouvernemental. En effet, de telles évolutions avaient déjà pu être constatées dans le champ politique, notamment avec le FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs , « Parti de la liberté d’Autriche ») et le SVP (SüdtirolerVolkspartei , « Parti populaire sud-tyrolien »), mais toujours depuis l’opposition27

Ainsi, initialement considéré comme un parti traditionnel, PiS , via l’exercice du pouvoir, a évolué vers une idéologie plus extrême et s’identifie aujourd’hui à une formation politique de droite radicale (radical

21 La Ligue des familles polonaises est une formation politique d’extrême droite, fondée en 2001 par Roman Giertych, ouvertement homophobe, antisémite et antieuropéenne.

22 TOMASZEWSKA-MORTIMER D. op. cit. p. 15.

23 Le terme « polonisme », désuet depuis les années 1930 et remis au goût du jour par PiS, désigne une idéologie basée sur la défense de l’identité nationale.

24 Le programme diffusé par PiS durant la campagne électorale de 2005 s’intitule « Une Pologne catholique dans une Europe chrétienne » (Polska katolicka w chrześcijańskiej Europie).

25 Notre traduction de l’extrait suivant : “[…] z wrogością antychrześcijańską mamy do czynienia również w liberalnej Europie„.

26 PRAWO I SPRAWIEDLIWOŚĆ Polska katolicka w chrześcijańskiej Europie. Varsovie. 2005. p. 38. Programme disponible en ligne : https://christianitas.org/site_media/content/broszura_katolicka.pdf [consulté le 03/08/2023].

27 MUDDE, C. op. cit. 2021. p. 28.

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right). Acceptant l’essence de la démocratie, le parti polonais rejette toutefois des éléments fondamentaux de celle-ci, tels que le respect de la séparation des pouvoirs ou encore la considération de l’État de droit. Cette ambiguïté s’illustre également par l’appartenance de « Droit et Justice » au groupe des European Conservatives and Reformists (ECR , « Conservateurs et Réformistes européens »), qui adopte une posture moins excessive que la formation IdentityandDemocracyParty (ID , « Identité et Démocratie »), laquelle réunit notamment le Rassemblement national, la LegaNord (LN , « Ligue du Nord ») ou encore le VlaamsBelang (VB, « Intérêt flamand ») Réaffirmant la primauté de l’identité nationale sur l’ordre européen, mais ne rejetant pas totalement ni l’autorité, ni l’utilité de l’UE, PiS se caractérise donc davantage par son « eurocriticisme » que son « euroscepticisme ». En témoigne la récente allocution du Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, lequel en mars dernier, lors d’un discours prononcé à Heidelberg, déclarait :

“Our basic identity is national identity. I am a European because I am a Pole, a Frenchman,aGerman,notbecauseIdenymyPolishnessorGermanness[…].History shows that a politic that does not respect sovereignty and the will of the people will sooner or later dissolve into utopia or dictatorship. Europe has a bright future if it respectsthediversityofitsnations„28

3 Vers une dérive autoritaire ?

Selon bon nombre d’académiques, la transition polonaise vers la démocratie s’est symboliquement

et paradoxalement – achevée le 1er mai 2004, lors de l’adhésion du pays à l’Union européenne29. Le mouvement Solidarność , qui souhaitait mener la Pologne vers un modèle de société pluraliste et tolérant, a été rattrapé, en début de XXIe siècle, par des prises de position et des discours empreints de populisme et de nationalisme de la part de nouveaux partis – tels que PiS –, lesquels ont tiré avantage de problèmes sociaux importants, comme le chômage de masse, qui « touchait trois millions de personnes en 2003 »30. Afin d’illustrer la régression démocratique vers laquelle s’est progressivement dirigée la Pologne, deux cas concrets vont être ici approfondis : le droit des femmes

via la question de l’accès à l’avortement – et la liberté de la presse.

»31

En période de troubles, une des réactions instinctives humaines les plus communes consiste à se tourner vers le passé et à épurer à l’extrême une situation complexe afin de prétendre y remédier par une réponse tout aussi simpliste. Cet argumentaire, PiSl’a adopté face à la « crise de la natalité » que traverse la Pologne. Plutôt que d’analyser les raisons structurelles et conjoncturelles expliquant le refus ou le report de la maternité – difficultés pécuniaires, inégalités sociales et salariales, crise climatique –, le parti de droite radicale opte pour un discours populiste qui dénonce le déclin des valeurs familiales et traditionnelles dans la société polonaise actuelle.

La thématique des droits reproductifs en Pologne – et plus particulièrement celle de l’avortement – a été largement relayée par la presse internationale. Les organisations de défense des droits humains interviennent régulièrement sur le sujet, afin de contester les récentes modifications juridiques en la matière. Rappelons, toutefois, que l’avortement était relativement libéralisé en Pologne, jusqu’en 1993.

28 Notre traduction : « Notre identité de base est l’identité nationale. Je suis Européen parce que je suis Polonais, Français ou Allemand, non parce que je nie ma polonité ou ma germanité […]. L’histoire montre qu’une politique qui ne respecte pas la souveraineté et la volonté du peuple se dissout tôt ou tard dans l’utopie ou la dictature. L’Europe a un bel avenir si elle respecte la diversité de ses nations ». Voir : https://www.gov.pl/web/primeminister/mateusz-morawiecki-at-heidelberg-university europeat-a-historic-turning-point [consulté le 07/08/23].

29 PANKOWSKI, R. The Populist Radical Right in Poland. Londres : Routledge. 2010. p. 191.

30 BEAUVOIS, D. op. cit. p. 610.

31 BEAUVOIR DE, S. Le Deuxième Sexe. Paris : Gallimard. 1949. p. 57.

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3.1 « […] Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question

En effet, le 27 avril 195632, le parlement polonais – alors d’obédience communiste – adoptait un projet de loi dépénalisant l’avortement. Pendant plus de trente ans, celui-ci fut donc libre et gratuit. Paradoxalement, c’est au moment de l’instauration d’une nouvelle démocratie

après 1989

que les femmes ont perdu, à nouveau, leurs droits. En effet, une nouvelle loi, fruit d’un compromis entre l’Église catholique et l’État, est votée en 1993 – « en dépit d’une pétition pour un référendum qui obtint 1,5 millions de signatures de citoyens »33 –. Celle-ci restreint drastiquement l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, laquelle ne devient possible que dans trois cas de figure : malformation du fœtus, risque pour la vie ou la santé de la femme, grossesse résultant d’un acte illégal (viol, inceste)34

Le débat au sujet de l’interruption volontaire de grossesse revient sur le devant de la scène dans les années 2010 : après avoir tenté de l’interdire totalement en 2016, à la suite de pressions populaires

le 3 octobre 2016, 100.000 femmes étaient en grève (strajkkobiet) dans tout le pays afin de protester contre ce projet –, le gouvernement dirigé par PiSl’a restreint en supprimant la possibilité d’avorter en cas de malformation grave du fœtus. Cette lourde restriction – qui concernait alors plus de 90 % des IVG dans le pays – est validée le 22 octobre 2020 par un arrêt du Tribunal constitutionnel polonais35 , entré en vigueur le 27 janvier 2021, lequel statue qu’une maladie incurable menaçant la vie du fœtus n’est constitutionnellement plus un motif recevable pour recourir à un avortement. En réalité, le durcissement des politiques sur le droit à l’interruption volontaire de grossesse – qualifiée d’« infanticide prénatal »36 par les partisans de PiS – est le résultat de promesses faites à l’Église de la part de « Droit et Justice » en échange du soutien électoral de celle-ci.

Effectivement, la puissance du clergé polonais n’est pas à minimiser : « propriétaire de 160.000 hectares de terre, exempté d’impôts, fort de ses 1.240 jardins d’enfants, de ses 417 écoles secondaires, de ses 69 établissements supérieurs, de ses 33 hôpitaux, 244 dispensaires, 269 maisons de retraite, 120 maisons d’édition, de sa centaine d’exorcistes, de Radio Maryja et de sa chaîne de télévision Trwam »37, l’Église est en capacité de pénétrer tous les foyers et reflète, de cette manière, une force de frappe politiquement lucrative. Qui aurait été en mesure de prédire que la chute du régime communiste en Pologne ferait entrer le pays dans une nouvelle ère, marquée par un intégrisme religieux suranné, lequel démontrerait, une fois encore, hélas, que les droits et les libertés ne sont jamais acquis ?

3.2 Les médias polonais : instruments de (contre-)pouvoir ?

“RzeczpospolitaPolskazapewniawolnośćprasyiinnychśrodkówspołecznegoprzekazu„38 Alors que l’article 14 de la Constitution polonaise garantit la liberté de la presse et des médias, Reporters sans frontières dénonce une situation tout autre. Selon le classement mondial de la liberté de la presse organisé chaque année par l’ONG, la Pologne voit sa position chuter continuellement. Aujourd’hui classée 57e sur un total de 180 pays, la Pologne comptabilise l’un des pires scores européens – elle qui occupait encore la 18e place au même classement en 2015, avant l’arrivée durable de PiS au

32 Ustawa z dnia 27 kwietnia 1956 r. o warunkach dopuszczalności przerywania ciąży. Notre traduction : « Loi du 27 avril 1956 sur les conditions d’admissibilité de l’IVG ». Voir : https://isap.sejm.gov.pl/isap.nsf/DocDetails.xsp?id=WDU19560120061 [consulté le 07/08/23].

33 JAKUBOWSKA, T. « Femmes polonaises en liberté surveillée ». in Après-demain. n°1. 2007. Paris : Fondation Seligmann. p. 13.

34 Ustawa z dnia 7 stycznia 1993 r. o planowaniu rodziny, ochronie płodu ludzkiego i warunkach dopuszczalności przerywania ciąży. Notre traduction : « Loi du 7 janvier 1993 relative à la planification familiale, à la protection du fœtus humain et aux conditions de recevabilité de l’interruption de grossesse ». Voir : https://isap.sejm.gov.pl/isap.nsf/DocDetails.xsp?id=wdu19930170078 [consulté le 07/08/23].

35 Wyrok Trybunału Konstytucyjnego z dnia 22 października 2020. Notre traduction : « Arrêt du Tribunal constitutionnel du 22 octobre 2020 ». Voir : https://trybunal.gov.pl/postepowanie-i-orzeczenia/wyroki/art/11300-planowanie-rodziny-ochrona-ploduludzkiego-i-warunki-dopuszczalnosci-przerywania-ciazy [consulté le 07/08/23].

36 En effet, le programme électoral de PiS de 2005 stipule que : “Jednym z najpoważniejszych wyzwań dzisiejszych czasów jest powszechne przyzwolenie w wielu krajach na dzieciobójstwo prenatalne„. Notre traduction : « L'un des défis les plus graves d'aujourd'hui est l'acceptation généralisée, dans de nombreux pays, de l'infanticide prénatal ». »

37 BEAUVOIS, D. op. cit. p. 623.

38 Notre traduction : « La République de Pologne garantit la liberté de la presse et des autres médias ». in Konstytucja

Rzeczypospolitej Polskiej (« Constitution de la République de Pologne »). art. 14. 16 juillet 1997.

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pouvoir –39. En effet, l’une des premières mesures prises par le gouvernement Szydło40 , téléguidé par Jarosław Kaczyński, a été de « réformer » les médias publics. « Considérant que ces médias ne remplissaient pas correctement le rôle de service public qui leur était confié, le gouvernement […] s’est fixé comme objectif de transformer les médias publics polonais fonctionnant, jusqu’à l’arrivée au pouvoir du parti « Droit et Justice » en octobre 2015, comme des sociétés de droit commercial contrôlées par l’État en institutions culturelles « nationales » parrainées par un Conseil des médias nationaux (Rada Mediów narodowych) »41. Rapidement, une transformation drastique des organes médiatiques a donc lieu : le 30 décembre 2015, la Diète nouvellement élue adopte sa toute première loi, laquelle confie au ministre en charge du Trésor public (MinisterwłaściwydosprawSkarbuPaństwa) le plein pouvoir quant à la nomination et la révocation des dirigeants de télévisions et de radios publiques42. Ainsi, le parti « Droit et Justice » s’assure du contrôle le plus total des médias publics, qui deviennent des instruments de propagande gouvernementale – particulièrement le groupe TVP –

Aux côtés du secteur médiatique public se maintiennent toutefois des médias indépendants et pluralistes – comme la chaîne TVN ou le quotidien Gazeta Wyborcza –, que le gouvernement tente, par tous les moyens, d’affaiblir. En atteste la loi du 11 août 202143, plus connue sous le nom de « Lex TVN », laquelle tend à contraindre et faire taire les chaînes détenues majoritairement par des entreprises extérieures à l’Espace économique européen – comme tel est le cas de la chaîne TVN24, financée majoritairement par le groupe américain Discovery –

Enfin, l’espace audiovisuel polonais compte un troisième champ : l’empire médiatique du Père rédemptoriste Tadeusz Rydzyk. Par le biais d’une radio – Radio Maryja (« Radio Marie ») –, d’une chaîne de télévision – Trwam (« Je demeure ») – et d’un journal – Nasz Dziennik (« Notre Journal ») –appartenant à la Fondation Lux Veritatis, quantité de messages nationalistes et ultra-catholiques sont diffusés quotidiennement dans la presse et sur les ondes polonaises. Puissants vecteurs de propagande, ces outils véhiculent des consignes de vote – favorables à PiS , évidemment – et des commentaires xénophobes et antisémites. Dès 2006, le Vatican et le pape Benoît XVI appellent –discrètement – Tadeusz Rydzyk à la modération, requête restée néanmoins vaine. Quoi qu’il en soit, ces instruments médiatiques représentent un soutien précieux pour PiS , puisqu’ils rassemblent une audience – et donc un électorat – conservatrice et disciplinée, profondément attachée aux valeurs traditionnalistes.

4 Conclusion

L’objectif premier de cette analyse était de déterminer à quel courant idéologique se rattache PiS . Par son historique, ses prises de positions, ses politiques menées à l’encontre des femmes et de la presse, mais par sa volonté à vouloir participer démocratiquement à l’exercice du pouvoir, ce parti ne peut être associé, nous l’avons démontré, qu’à la droite radicale. Loin de clore le sujet, cette étude soulève, à l’aube des élections parlementaires du 15 octobre prochain, d’innombrables questionnements sur le devenir de la Pologne.

En effet, le pays, gouverné sans discontinuité depuis 2015 par PiS , renvoie une image trouble. Qui dirige réellement la Pologne depuis lors ? Le Président ? Le Premier ministre ? Et si le pouvoir était entre les mains d’un homme qui a préféré se tenir à l’écart de tout poste exécutif, se distanciant, ainsi, des modalités prévues par la Constitution ? Effectivement, Jarosław Kaczyński a toujours œuvré depuis le siège de son parti, situé en plein cœur de Varsovie, dans la rue Nowogrodzka – si l’on

39 L’ensemble des données sont disponibles sur le site de Reporters sans frontières : https://rsf.org/fr/classement [consulté le 09/08/23].

40 Le gouvernement Szydło (Rząd Beaty Szydło), dirigé – comme son nom l’indique – par Beata Szydło (PiS), s’est tenu de 2015 à 2017.

41 HOLUBOWICZ, M. « Des médias publics aux médias nationaux. Le pluralisme des médias publics polonais en proie à des intérêts politiques ». in Les Enjeux de l’information et de la communication. n°22. 2021. Grenoble : Gresec. p. 90.

42 Ustawa z dnia 30 grudnia 2015 r. o zmianie ustawy o radiofonii i telewizji. Notre traduction : « Loi du 30 décembre 2015 modifiant la loi sur l’audiovisuel ». Voir : https://isap.sejm.gov.pl/isap.nsf/DocDetails.xsp?id=WDU20160000025 [consulté le 09/08/23].

43 Ustawa z dnia 11 sierpnia 2021 r. o zmianie ustawy o radiofonii i telewizji oraz ustawy o kinematografii. Notre traduction : « Loi du 11 août 2021 modifiant la loi sur l’audiovisuel et la cinématographie ». Voir : https://isap.sejm.gov.pl/isap.nsf/DocDetails.xsp?id=WDU20210001676 [consulté le 09/08/23].

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excepte la brève période allant d’octobre 2020 à juin 2022, moment durant lequel il a tenu le poste de vice-Premier ministre, contraint de sauver la fragile coalition alors en place –, renforçant la représentation singulière de l’exercice du pouvoir dans l’État polonais. En déplaçant de la sorte l’autorité étatique, ne protégeons-nous pas le « chef » de toute poursuite, en cas de décision problématique, et ne le dédouanons-nous pas de toute responsabilité, de manière à ce que celui-ci puisse asseoir durablement son pouvoir ? N’assistons-nous pas là aux prémices de l’instauration d’un régime autoritaire ? Si la gauche semble totalement hors-jeu de l’échiquier politique polonais depuis l’instauration de la timide démocratie post-communiste, les futures alliances détermineront le virage que prendra, dans quelques semaines, la Pologne pour les quatre années à venir.

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Bibliographie

Ouvrages

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- PRAWO I SPRAWIEDLIWOŚĆ Program wyborczy. Dbamy o Polskę Dbamy o Polaków Varsovie. 2007.

- PRAWO I SPRAWIEDLIWOŚĆ Program wyborczy. Nowoczesna solidarna bezpieczna Cracovie. 2009

- PRAWO I SPRAWIEDLIWOŚĆ Program wyborczy. Zdrowie, praca, rodzina Varsovie 2014

- PRAWO I SPRAWIEDLIWOŚĆ Program wyborczy. Polski model Państwa Dobrobytu Varsovie. 2019

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