Guide New DDeal 2012

Page 19

LES FONDAMENTAUX

leurs potentialités (capital humain, capital social, réseaux, …). Tout cela constitue la dotation des personnes. Ensuite, en fonction de ses caractéristiques personnelles (le fait d’être un homme ou une femme, handicapé ou pas, d’un âge donné, etc.) et des opportunités sociales, économiques ou environnementales, chaque personne peut convertir sa dotation en fonctionnements. Des fonctionnements qui sont effectivement réalisés, ou potentiellement réalisables et qui ont tous pour finalité de réaliser ce qu’une personne aspire à être ou à faire.

Cependant, cette approche présente aussi des limites. Tout d’abord, son opérationnalisation demeure difficile, car si les fonctionnements effectivement réalisés sont facilement observables et mesurables, l’observation de la capabilité potentielle d’une personne est compliquée à imputer. Ensuite, l’accent mis sur les capabilités individuelles des agents ne rend pas bien compte des interactions et des relations sociales qui permettent l’action collective. Une action collective qui engendre des capabilités collectives dont on perçoit mal le lien avec les capabilités individuelles.

A travers la combinaison de ses fonctionnements, l’individu devient capable d’un certain nombre de choses. La capabilité d’une personne représente alors l’ensemble des fonctionnements effectifs ou potentiels qu’elle est capable, ou serait capable, d’accomplir sur la base de ses caractéristiques propres et des opportunités ou contraintes économiques, sociales et environnementales qu’elle rencontre. Cette capabilité résulte de son aptitude à transformer des ressources de toutes sortes en fonctionnements.

Enfin, si l’amélioration de la capabilité permet d’accroître la liberté des personnes, elle implique aussi un accroissement de la responsabilité personnelle pour respecter les obligations sociales auxquelles les personnes font régulièrement face … une dimension qui est peu prise en compte dans l’analyse.

Le fait, pour une personne, de devenir plus « capable » la rend aussi plus libre dans ses choix effectifs face aux contraintes de la vie ou de la société. La capabilité devient alors assimilable à la liberté d’agir et d’être, à une époque donnée, dans une société donnée. Elle constitue ainsi autant un moyen qu’une fin du développement. Dans ce cadre, la croissance peut se faire plus par l’amélioration des fonctionnements et, plus généralement, des capabilités ou libertés des personnes, que par l’augmentation de la quantité de biens disponibles. C’est en ce sens que l’approche de Amartya Sen est fortement innovante : elle met l’accent sur les fonctionnements, effectifs et potentiels, des personnes et sur leur capacité d’acteur. Elle considère plus les potentialités des personnes que leur revenu ou richesse accumulée, ce qui apporte un nouveau regard au développement économique et rend le modèle de développement orthodoxe inadapté aux contraintes du monde actuel.

Cependant l’approche par les capabilités permet d’aborder le problème de la soutenabilité du développement sous un jour nouveau, en considérant qu’un développement ne peut être durable que s’il promeut les capabilités de la génération présente sans compromettre les capabilités des générations à venir. Ceci pose la question de la distribution équitable au sein d’une même génération et entre les générations et ouvre la voie à la recherche des conditions qui font qu’un développement soit socialement durable. On attend d’un tel développement qu’il accroisse les potentialités et les capacités d’une génération donnée, tout en facilitant leur transfert de manière équitable à la génération suivante. Ceci afin de garantir à toutes les générations, présentes comme futures, une amélioration équitable de leurs capabilités de bien-être.

Rapport Stiglitz : mesurer la croissance autrement La Commission Stiglitz, du nom de son président Joseph Stiglitz, est née d’une proposition de Nicolas Sarkozy le 8 janvier 2008. Elle est officiellement intitulée « Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social ». Le but de cette commission est de développer une « réflexion sur les moyens d’échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives » et d’élaborer de nouveaux indicateurs de richesse renseignant sur le progrès social et le bien-être des individus. Le rapport formule 12 recommandations. Trois principes sont retenus : la prise en compte des ménages dans l’analyse économique, la mesure de la qualité de vie et le développement durable. Le PIB est la mesure de la production nationale, il donne une moyenne sur la situation française et masque ainsi les disparités individuelles. Le rapport propose d’analyser les revenus et la consommation en fonction des catégories d’individus et non plus d’une moyenne nationale. Pour l’analyse de la situation des ménages, il préconise de prendre en compte le patrimoine et les activités non marchandes, par exemple l’activité domestique et les loisirs alors que le PIB mesure essentiellement la production marchande. Le rapport établit également une distinction entre évaluation du bien-être présent et l’évaluation de la soutenabilité, c’est-à-dire de sa capacité à se maintenir dans le temps (capital naturel, physique, humain, social transmis aux générations à venir). La commission estime qu’outre ces indicateurs objectifs, il conviendrait de procéder à des mesures subjectives de la qualité de vie (perception du bienêtre, du bonheur, inquiétude…). Enfin, le rapport prône la création d’indicateurs monétaires de développement durable permettant de mesurer les ressources naturelles.

NewDDeal 2012

17


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.