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ADIEU LES MON RES
Kalika dit d’elle-même qu’elle est un peu sauvage, à l’image de sa musique, update punk. Normal, comme elle le dit Ce qui surgit ne se contrôle pas. C’est comme ça qu’elle a fait son premier album qui vient de paraître, Adieu les monstres, où elle déballe à la fois des souvenirs rose bonbon et des traumas tourbillonnants. Avec les mots, la rage et le regard d’une femme de son âge qui chante ce qui est trop dur à dire.

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Comment on matérialise la sortie d’un projet ?






Je pense que c’est l’objet, le disque et les concerts. Quand on a reçu les premiers vinyles, je me suis sentie fière, je me suis rappelée d’où je venais. J’ai pensé à moi minus et je me suis dit “j’ai fait ça”. La route est longue encore, mais c’est une façon de déjà gagner quelque chose. Maintenant j’essaie de toujours me rendre compte des trucs cools qui se produisent. On fait les premiers concerts de la tournée, il y a des gens qui connaissent déjà les paroles, ça rend les choses concrètes.
L’album est sorti, c’est quelle émotion ?
C’est bizarre. Je suis archi contente mais je n’ai pas réalisé tout de suite. Ça représente un gros changement dans ma vie. Je pense que je vais réaliser d’ici un mois, après la Cigale.
C’est une forme de preuve ?




Oui. Une preuve et une façon pour moi de rétablir ma vérité, d’être entendue. C’est une preuve à retardement, parce que c’est l’enfant que j’étais, mais mieux vaut tard que jamais. Je suis contente de l’avoir fait.
À la toi minus, justement, tu dis quoi, ce premier album, c’est un trophée, un bonbon, un diplôme, une revanche ?
C’est une transformation, c’est mon rêve qui se matérialise peu à peu. C’est aussi un peu une revanche. J’ai été rabaissée dans mon enfance, notamment par mon père. J’ai longtemps été toute seule à y croire. D’avoir réussi à emporter suffisamment de gens avec moi pour faire un disque, c’est une belle revanche, une revanche positive et sans colère.
Sur cet album Adieu les monstres, j’ai l’impression que les Kalika de tous les âges sont convoquées. Avec laquelle tu avais le plus envie de renouer ?
L’enfant. J’avais besoin de revenir dans le passé pour devenir la femme que je suis en train de devenir.
Depuis mes 18 ans, j’étais perdue. J’ai compris que c’était à cause de plein de traumas de l’enfance. Il fallait que ça sorte et que je raconte mes histoires. Il y a un côté enfantin dans l’album, même dans les morceaux les plus guerriers. J’avais besoin de jouer aussi, de m’amuser, de vivre une enfance en décalage pour me raconter, de faire les choses que je ne pouvais pas faire à l’époque.
Justement, comment ça se construit un album où on se raconte comme ça ?
Ça s’est vraiment fait naturellement. Ce n’est pas un album concept. Je n’allais pas bien. J’ai beaucoup écrit, et ça m’a replongé dans des souvenirs d’enfance et d’adolescence. Je suis retournée à la base pour comprendre pourquoi je ne suis pas solide, pourquoi je fais nimp’. En replongeant, j’ai eu ce choc enfantin, même ma voix a pris des aigus, ma façon de chanter a changé. Ma façon d’écrire a changé aussi. Le trash et le cute s’entremêlent alors qu’avant je voulais trop faire la meuf mature qui connaît tout. Là j’ai plus assumé que : non.
Adieu les monstres, ça devrait être le titre de tous les premiers projets. Chez toi, c’est universel et insolent à la fois.





Cet album est un chemin bizarre. Il ressemble beaucoup à la vie, c’est pour ça que je l’aime et que j’en suis si fière. Dans ses imperfections, ses rebondissements, ses surprises, il ressemble vraiment à ce que j’ai pu vivre et à ce qu’on peut vivre en général. Parfois tout va bien et d’un coup tout va mal.
C’est vrai que chez toi, dans l’écriture, dans ce que les chansons retranscrivent, il y a quelque chose du moment, de la photo, du point de bascule. L’été est mort me donne toujours ce sentiment.
Tu l’as bien décrit. J’ai comme des photos de souvenirs, j’ai besoin de sortir ce qu’il y a autour pour avancer plus légère. Quand je vis un truc hard, j’écris dessus puis je n’y pense plus et un jour, quand, je suis prête, elle sort. Sarah et Stéphane, la chanson sur mes parents, je l’ai écrite il y a 5 ans. Pour moi elle est encore d’actualité, mais sur le moment je m’étais sentie trop mal d’un truc et j’ai écrit le texte d’une traite, alors que je ne savais même pas que j’étais en colère contre eux. C’est un sujet sensible, j’ai mis 5 ans à la sortir.
À quel moment tu as su que la scène, c’était un lieu de performance ?

Je crois que je l’ai toujours su. J’ai commencé par la scène, et j’ai fait du studio relativement tard. Ma première scène, c’était à 9 ans, j’ai toujours kiffé faire le show. J’étais fan de Beyonce, Lady Gaga, Shakira, Britney Spears, etc. J’avais besoin de ce truc visuel, physique. Quand j’écoute un album, j’ai besoin que ça soit vivant. Quand j’ai commencé à faire de la musique en studio, j’ai compris que c’était un espace très différent. Si tu veux que ta musique soit comprise comme il faut, il vaut mieux avoir une énergie un peu plus calme en studio. Plus propre, plus lisible, plus compréhensible, pour pouvoir mieux se déchaîner sur scène. J’ai un truc plus sauvage, le studio c’est plus compliqué pour moi, mais j’aime les deux.

Tu as quel souvenir de l’époque où tu habitais à Nancy ? Des souvenirs d’alcool et de fête justement ?
Oui, un peu C’était la fête tous les soirs. C’était trop bien, mais très dangereux, parce que je ne connaissais pas du tout mes limites. C’est la période où j’ai quitté ma mère, celle où je me suis rendu compte que je ne savais pas du tout qui j’étais. Loin des gens qui étaient censés me connaître, je ne savais pas qui j’étais. Une période compliquée, mais c’est aussi à ce moment-là que j’ai rencontré Balthazar (Picard, ndlr), avec qui je travaille depuis. J’ai des souvenirs très forts. Dans notre école, la MAI, j’ai pris mes premiers cours de coaching scénique. J’ai compris l’importance que la scène allait avoir pour moi et à quel point ça peut être cathartique. J’ai commencé à beaucoup écrire en français et j’ai eu envie de faire un projet solo, alors à la fin de l’année, je suis venue tenter le coup à Paris.
Ça t’arrives de te faire surprendre par le sujet de ce que tu es en train d’écrire ?
Oui, ça surgit. Je ne peux pas l’expliquer. Écrire, c’est un muscle, j’essaie d’écrire tous les jours, mais ce qui surgit ne se contrôle pas. Quand c’est comme ça, écrire est la seule chose qui peut me canaliser, m’aider à y voir plus clair et me calmer un peu. Ma démarche c’est de m’apaiser, et toutes les chansons de l’album vont dans cette direction.
Est-ce qu’il y a des chansons que tu as réussi à écrire, mais pas encore à montrer ?
Euh, oui. J’ai plein de chansons sur ma grand-mère. Elle est l’exemple de femme puissante et indépendante dans ma vie. Si je fais tout ça c’est aussi pour elle et grâce à elle. Je tire mon courage d’elle. J’ai écrit beaucoup de chansons sur elle mais je n’arrive jamais à en sortir une. Il y a aussi des choses bien darks sur l’alcool. J’ai déjà parlé un peu de l’alcool et de la fête, mais je ne suis pas encore allée en profondeur. Je vais le faire, j’ai des trucs qui traînent, mais je ne suis pas encore prête.

Il y a des chansons plus compliquées à amener sur scène ?
Bah, Sarah et Stéphane je galère un peu. Parfois ça passe, parfois c’est plus compliqué. Mais on ne peut pas la sortir du set au dernier moment avant un concert. C’est difficile de restituer la vérité d’un morceau peu importe les conditions.
Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ?
Ça me fait un peu penser à la première désillusion. La première fois où tu te casses la gueule. Quand je suis arrivée dans la musique, j’étais confiante dans ce que je faisais, j’ai mangé des murs, et ça m’a réveillée.




Comment tu bosses le show ?
J’ai la vision toute seule. Pour les nouvelles chorés, j’ai fait appel à une pote à moi, on travaille ensemble. Je travaille en cercle proche.
Le regard des autres, avec la scène, ça a été dur parfois ?
Je crois que je m’en fous un peu du regard des autres. Il y a eu un moment plus compliqué à l’adolescence mais sinon je m’en suis toujours foutu.