C'est décidé, je suis fabuleuse - Petit guide de l'imperfection heureuse

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Tous droits réservés. Aucune partie de ce texte ne peut être reproduite ou transmise sous n’importe quelle forme, par n’importe quel moyen, électronique, mécanique, photocopie ou autre sans l’accord préalable par écrit de l’éditeur. De courts extraits peuvent être utilisés pour les besoins d’une revue. © 2016 Première Partie www.premierepartie.com Courriel : contact@premierepartie.com. Couverture et composition : David Bonhomme. Photographie : Anaelle Le Roy et Photography ByWinter. Merci à Rebecca Dernelle-Fischer, psychologue, pour sa participation active à la rédaction de cet ouvrage. Merci à ceux qui ont accepté la difficile tâche de relecture de ces pages, et en particulier à Aurore Caudal et Céline Hellot . Imprimé en France Dépôt légal : 3e trimestre 2016 ISBN : 978-2-36526-121-0

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DÉDICACE À ceux qui nous écoutent pleurer sous la couette en acceptant de ne rien dire, qui trouvent le moyen de nous faire rire quand plus rien ne va, qui n’oublient pas que nous sommes femmes avant d’être mères, qui laissent traîner leurs slips mais qui au fond, ont aussi le droit d’être imparfaits. À ceux qui restent, même quand ce n’est vraiment plus drôle, qui ont encore un peu de patience et qui n’ont pas besoin de ce livre pour être convaincus que nous sommes fabuleuses. À nos fabuleux !

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REMERCIEMENTS À mes lectrices, merci pour la sincérité de nos échanges. L’écoute bienveillante et le soutien mutuel qui animent notre communauté sont la preuve qu’internet peut aussi être un lieu d’authenticité rassurante. Merci pour vos messages, commentaires, réactions, chroniques et partages qui m’inspirent jour après jour. Merci à Florence Servan-Schreiber, professeur de bonheur, de m’avoir montré qu’on peut oser être soi et de m’avoir aidée à prendre le train d’une incroyable aventure créative. Merci à Pierre Chausse, notre éditeur et ami, d’avoir osé y croire dès le début. Merci à toute l’équipe de Première Partie et en particulier à Aurore Caudal, minutieuse fée de la langue française. À Rebecca Dernelle-Fischer, psychologue, merci d’avoir été pour moi une sage-femme authentique, vulnérable, drôle, disponible, talentueuse et compétente. T’avoir à mes cô-

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tés pour la naissance de cet ouvrage est une chance que j’ai savourée. Ces pages puisent leur profondeur dans le courage ordinaire dont tu as osé faire preuve en les alimentant de ton vécu sincère et de ton empathie rassurante. Si le bébé est sorti, c’est véritablement grâce à toi. Merci ! David, merci pour tes idées qui fusent et ton soutien qui me porte. Avec toi, le monde est un formidable terrain de jeu, rien n’est jamais impossible, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne s’ennuie pas. Merci d’être toi. Je t’aime ! À Roman et Adelin, merci d’avoir changé ma vie pour toujours et merci de me changer jour après jour. Hélène Bonhomme

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PRÉFACE Et si le métier le plus pratiqué au monde était finalement le plus original ? Hélène Bonhomme nous ouvre ici les placards de son château et vide ses poches sur la table pour partager avec nous sa vision aiguisée de la fabuleuse réalité qui nous porte au quotidien : celle d’être maman. Il y a du pétillant dans ces pages. Mais rien n’y est briqué. Bien au contraire. Hélène souligne, comme des annotations d’un relecteur, la force que nous puisons dans la réalité. 

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Ce livre est une invitation à accepter ses doutes et à s’accepter même si certains persistent. À vivre dans les miettes pour ne pas tomber en miette à son tour. À se regarder dans un miroir bienveillant et coloré pour y retrouver de la liberté. Celle de briller sans la ramener, d’écouter son instinct puis de l’en remercier et de cesser de se critiquer, car de toutes les façons, ça ne sert vraiment à rien. Un voyage intelligent et bienveillant.

Florence Servan-Schreiber

Fabuleusement rassurée


AVANT-PROPOS Encore un livre pour me rendre plus heureuse ? Non. Encore un livre pour me dire comment être heureuse ? Non. Encore des recettes toutes faites pour être une femme épanouie ? Non. Ce livre, ce sont les chroniques ordinaires d’une fabuleuse. Oh, vous voulez dire que l’auteure est parfaite ? Loin de là. Qu’elle a sa vie bien en mains ? Si vous saviez ! Qu’elle n’a plus besoin d’aide ? Oh que si. L’auteure est une fabuleuse imparfaite qui a fait le pari d’arrêter de tout contrôler, pour essayer de vivre un peu plus. Donc après la lecture de ce livre, tout change ? Non. Après avoir avalé ces deux cents pages, tout ira mieux ? Non. En fin de livre, on se sent un peu moins seule, on a envie de changer de lunettes, on a surtout envie de s’écouter et de vivre.

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Ces pensées sont une ode à la fabuleuse que nous sommes, tout le temps, tout simplement. Une ode aux petites choses ordinaires qui forgent notre vie. Une ode au temps, le temps d’être une femme, une épouse, une mère, une amie. Ces pensées sont des dosettes de courage, des sérums anti­ honte, des vitamines d’humour, des gouttes de bienveillance envers soi. Laissez-les sur la table basse, glissez-les dans le sac à langer, feuilletez-les dans une salle d’attente, parcourez-les quand vous aurez un coup de mou… Osez la bienveillance envers vous-même, et voyez le résultat. J’ai pu écrire ces mots, y ajouter de jolies photos… mais seule vous pouvez les faire vivre. Vous êtes fabuleuse, et ça change tout. Hélène Bonhomme

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Bonne question ! La dernière fois que c’est arrivé, je faisais la queue dans une pharmacie bondée. Mes adorables jumeaux de trois ans étaient occupés à renverser délibérément un rayon entier de sprays à l’eau de mer, quand on m’a posé la question fatale : “Vous faites quoi dans la vie ?” Silence, comme si l’ensemble de la clientèle s’était tue pour mieux entendre ma réponse. Panique au coeur de mon cerveau. Que dire ? - 11 -


M

ère au foyer ? Ils vont tous penser que je ne fais rien de mes journées. Entrepreneuse ? Ils vont penser que je ne m’occupe pas assez de ma progéniture, et que c’est précisément la raison pour laquelle elle est aussi mal élevée. Rédactrice freelance ? Vrai, mais incomplet, puisque je ne fais cela que douze heures par semaine, et que le reste de mes activités s’organise autour d’une quête intrépide : trouver de nouvelles aires de jeux (il faut les fatiguer avant qu’ils nous fatiguent, sic). Blogueuse, alors ? Ce n’est pas un loisir, ça ? J’ai trouvé : “Mère de famille qui travaille à domicile”. Mouais. Pas très convaincant. Alors, que suis-je, au juste ? Pour ma grand-mère, je suis une femme au foyer. Pour l’Insee, je suis détentrice d’une micro-entreprise. Pour les sociologues, je suis une mampreneuse, entendez “une maman qui, pour mieux concilier vie pro et vie perso, a créé sa propre entreprise”.

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Pour le facteur, je suis, à part les retraités, l’une des rares citoyennes de cette ville présente à son domicile pour signer un avis de réception à 10h30 du matin. Pour les publicitaires, je suis une ménagère de moins de cinquante ans. Pour les marketeurs, je suis une digital mum. Une maman 2.0, smartphone greffé au bout de la main droite. Réducteur, même si je confesse qu’une cure de désintox ne ferait pas de mal à notre équilibre familial, victime d’une forme de technophilie chronophage. Pour mes clients, je suis une prestataire qui, puisque que la maîtresse était malade, a terminé la dernière vidéoconférence en présence d’un blondinet affairé à renverser du jus de pomme sur l’ordinateur familial. Pour mon mari, je suis une femme qui veut tout gérer de front, même ses émotions, ce qui parfois peut devenir éreintant.

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Pour mes enfants, je suis “maman” qui vient les chercher à l’école et qui sait super bien dessiner les voitures de courses. Et aussi, “maman” qui porte de jolis pantalons de velours où il est doux de s’essuyer les mains, voire de se moucher le nez. “Vous faites quoi dans la vie ?” Là, au milieu de cette pharmacie bondée, j’aurais voulu ignorer les sueurs froides causées par la partie de cache-cache improvisée de mes impertinents chérubins, et j’aurais voulu avoir l’audace de répondre : “Fabuleuse”. C’est vrai. Je suis loin d’être parfaite, mais voilà ce que je fais dans la vie : je jongle entre mille exigences, je m’accorde mille indulgences, et contribue à ma manière à bâtir la société de demain. “Fabuleuse”, c’est peut-être bien le terme qui pourrait résumer à lui seul mes mille vies ainsi que les vôtres, vous mes courageuses congénères. Qu’elles soient au foyer à 100% ou qu’elles concilient à leur manière leur vie de femme et leur vie de mère, toutes les fabuleuses devraient faire l’objet de notre bienveillante gratitude... 

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La vie, c’est comme une boite de chocolat. On ne sait jamais sur lequel on va tomber. Forrest Gump

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“Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’emmerdes.” Ils vécurent heureux, eurent beaucoup d’enfants… et après ? Aucune donnée digne d’être exploitée. L’histoire ne conte que la femme d’avant. Celle qui brillait en société, bien gainée dans sa robe de bal, celle dont la fraîcheur et le courage avaient ébloui moult prétendants et fait baver moult reines-mères. - 17 -


L

’histoire tait la femme d’après. Celle dont les doigts jadis délicats véhiculent désormais une perpétuelle odeur de crème de change à l’huile de foie de poisson. Celle dont les yeux de diamant sont dorénavant cernés. Celle dont les rêves d’antan sont aujourd’hui éprouvés par la dure réalité d’une vie de famille trop souvent vécue en jogging ruisselant de bave ou maculé de purée de carottes. Celle qui pourtant, derrière les portes du château, apporte soin et soutien aux princes de demain. La femme qui, devenue mère, a posé ses valises dans un lieu mystérieux, sulfureux, harassant, exaltant, tout cela à la fois : le foyer. “Ma tête est dans mon foyer, m’écrit Hélène, mère de quatre enfants, lorsqu’entre deux réunions (ou pire, par sms en pleine réunion), je gère un pugilat qui oppose mes ados amateurs de BN à ceux qui veulent des pailles d’or, je résous à distance l’équation qui détermine au centième près la taille du champ de l’oncle Michel, ou j’explique à mon fils que non, la pasta box ne se met pas au four…” Qu’elles aient ou non une activité professionnelle, toutes les mamans le sont à plein temps. Et toutes les mères sont “dans leur foyer” à un moment ou à un autre de la journée. Le matin, le soir, le week-end, les mères œuvrent dans les coulisses du château et, quels que soient les beaux discours - 18 -


sur le partage des tâches ménagères, rappelons-le : elles font des lessives, mettent des goûters dans les cartables, lisent des histoires et embrassent des petites joues roses. Les coulisses du château, cette “vie ordinaire des mères”, ce chapitre de la vie d’une femme qui s’écrit à l’intérieur de sa maison, et dont il est politiquement incorrect de parler. Pourtant, de nombreuses batailles sont gagnées dans le secret du foyer. Dans ce territoire insaisissable, un peu moins de strass, de paillettes et de reconnaissance sociale, mais un peu plus d’authenticité et un peu plus de courage : celui d’œuvrer dans l’ombre. Dans les couloirs de son château, la princesse devenue épouse et mère oublie parfois la valeur de son œuvre. Jour après jour, elle brode le tissu social de sa famille. Mais dans le dédale des couloirs sombres, elle croise des miroirs déformants qui lui murmurent : “tu ne fais rien d’important”, “tu n’es pas rentable”, “regarde-toi vieillir”, “rien de ce que tu fais ne sera jamais au niveau”, “les autres gèrent bien mieux que toi”. Le coeur s’aigrit et perd de sa joie de vivre : où trouver de l’élan quand mes murs ne sont que tâches ingrates et actions répétitives ? Pourtant, un trésor s’amasse à partir de gestes quotidiens, inutiles et sans écho, à qui l’on donne un sens. Dans les coulisses du château, elle fuit les miroirs déformants. Et elle dessine les contours de la salle au trésor : tous ces petits - 19 -


mots qui l’ont un jour encouragée, ces objets qui lui disent “merci”, “courage”, “tu es si belle”, “tu as tant réussi déjà”, “quelle joie de t’avoir dans ma vie”. Un carnet de compliments (qu’elle note parce qu’elle les oublie si vite), un mur de cartes postales, de petits mots des enfants, un gentil post-it laissé par son fabuleux prince charmant… S’arrêter un instant dans la salle du trésor et comme Picsou, faire des longueurs dans notre piscine de pièces d’or, plonger dans nos petits trésors, les respirer, les aimer. Laisser la bienveillance des autres nous souffler quelques mots doux. Et courir dans la galerie des glaces, là où les miroirs nous reflètent en vérité, sans nous déformer. Les regarder en face et reconnaître que dans toute notre imperfection, nous sommes fabuleuse. Reconnaître que ce ne sont ni nos rides, ni nos échecs, ni notre fatigue, qui définissent notre beauté… mais bien plutôt notre manière de nous traiter nous-mêmes, d’aimer tendrement nos imperfections. Danser dans la salle de bal. Et dans notre reflet, nous souvenir que nous avons des ressources. Accepter nos limites, savourer l’instant puis se réinvestir dans notre vie, même quand l’ombre semble bien plus grande que la lumière, parce que cette vie est la nôtre et qu’au fond, elle sera fabuleuse non par tout ce qui brille mais par tout ce que nous sommes, portons et donnons en héritage. 

Charles Caleb Colton - 20 -


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À deux doigts de la perfection 17h30. Il me reste deux heures. Deux heures top chrono pour transformer ce champ de mines en un intérieur paisible et délicieux. Ce soir, nous recevons des invités. J’élabore un plan d’action. 1. Neutraliser les éventuels perturbateurs : “Surprise les enfants ! Que diriez-vous d’un petit dessin animé ?” 2. Hiérarchiser les tâches : par où dois-je commencer ? Éliminer les moutons de poussière sous la table du salon, descendre les poubelles honteusement débordantes, décrasser la gazinière écœurante ? 3. Jogging lâche, manches retroussées, musique à fond : j’entre dans l’arène. - 23 -


18h30. État de l’avancement : salon OK, salle à manger OK, cuisine OK. Gigot au four, crémant au frais, enfants pas encore survoltés. Merci Oui-Oui, j’ai toujours su que je pouvais compter sur toi. Je tiens le bon bout. Je m’attaque aux chambres des enfants. Mon mari va encore avoir la superbe idée de faire visiter la maison aux invités. Or il ne faudrait surtout pas qu’ils voient ce tas de jouets jonchant le sol, nageant dans un mélange de bave et de miettes de pain. 19h. J’ai presque fini. La maison commence à sentir bon et même à ressembler à quelque chose. Cerise sur le gâteau, il me reste trente minutes pour m’habiller et me maquiller. Je suis si fière de moi ! 19h15. Zut, j’ai oublié les WC. Il serait quand même dommage que nos hôtes s’arrêtent à cette infâme cuvette, sans constater que tout le reste de la maison lui, est nickel ! Un peu de canard, un coup d’éponge et c’est une affaire qui roule. 19h20. Oh, il y a des cheveux au fond du lavabo. Par respect pour nos amis, je ne peux pas laisser ça. Enfin, surtout par respect pour moi. J’ai fait 95% du travail. Je ne vais quand

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même pas courir le risque d’être jugée sur les 5% restants ! Allez, un dernier petit effort. Et plus vite que ça ! 19h25. Je suis en nage. Les enfants se tapent dessus en hurlant, comme à chaque fois que je cède à la tentation de les laisser devant Oui-Oui pour faire le ménage. La sonnette va retentir dans quelques minutes. Il faudrait peut-être que je m’habille ! 19h27. Dernier tour d’horizon : mince, le canapé est couvert de poils de chien ! Ils vont être horrifiés ! M’être donnée autant de mal pour qu’au final mes invités repartent dégoûtés par des poils qui leur collent au pantalon ? Hors de question. Je ressors l’aspirateur pour régler l’affaire. 19h30. J’ai réussi à calmer les enfants avec quelques bretzels prélevés sur l’apéritif à venir. Je suis à peu près correctement habillée et j’ai tartiné une bonne tonne de déodorant sous mes aisselles. Mission accomplie ! 19h31. Ils ont un peu de retard. Je suis sûre qu’ils vont être impressionnés par mon intérieur. Comment ne pas l’être, par une maman de jumeaux qui gère aussi bien sa maison ? Je suis parfaite. Parfaite et… un peu maniaque.

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19h32. Au secours. Avec un intérieur aussi nickel, ils vont penser que je suis tarée. Ils le savent très bien, que j’ai des jumeaux de trois ans. En réfléchissant deux secondes, ils vont vite comprendre que cette mascarade ne peut pas être vraie ! Je vais me faire prendre en flagrant délit de ménage compulsif. Au secours ! 19h33. Pour éloigner les soupçons, je mets un peu de pagaille dans les coussins, je sors quelques petites voitures de la caisse à jouets et laisse traîner les torchons sur la table. 19h34. Stop. Mais qu’est-ce qui me prend ? Suis-je réellement en train de déranger ce que j’avais rangé ? Après avoir passé plus de deux heures à astiquer ma maison, pour impressionner mes invités sous couvert de les honorer, suis-je réellement en train de mettre en scène un peu de cafouillis, pour feindre le naturel et ne pas passer pour une maniaco-dépressive ? Oui, c’est exactement ce que je suis en train de faire : essayer de me montrer parfaite, le genre de femme tellement parfaite qu’elle est même capable de lâcher prise sur certains détails. Ironie du perfectionnisme qui exige tout de moi : une maison parfaite, mais pas trop, pour que je sois parfaite, mais pas trop, puisque c’est ça la perfection.

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19h35. Je me déteste. Le perfectionnisme est une épidémie contagieuse et sournoise, qui nous siffle un mensonge à l’oreille : “seules les personnes parfaites sont aimées”. S’il est aisé de voir les côtés positifs des autres, il est bien plus ardu de se regarder soi-même et de se dire “tu es bien, ma chère.” On la voit, la petite tâche sur le pull blanc, on sait ! On sait bien qu’on n’est pas parfaite. Notre conjoint, d’ailleurs, le sait également. Et nos enfants s’en doutent un peu, parfois. Souvent. Nous, on sait. On connaît trop bien notre côté pile et notre côté face. Et bon sang, quelle énergie déployée à essayer de n’avoir que deux côté piles ! Un peu comme un zèbre qui voudrait se débarrasser de ses lignes noires pour ne plus luire que d’une blancheur parfaite. Un zèbre qui oublie que sa majestueuse beauté prend justement racine dans l’alternance de ses rayures. Le perfectionnisme, c’est : “tu ne seras aimable que si tu es bien dans tous les domaines ; pas un peu bien, mais très très bien”. Le perfectionnisme, c’est donner plus d’importance à ce que les autres pensent (ou, plus précisément, à l’idée que l’on se fait de ce que les autres pensent) qu’à la réalité. Le

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perfectionnisme est un faux ami. Le perfectionnisme nous dit “je ferai de toi la plus belle”, mais il ne nous dit jamais “maintenant, tu es la plus belle”. Il nous rappelle sans arrêt qu’il reste encore une tache sur le pull blanc. Le perfectionnisme, c’est faire 95%, puis paniquer à l’idée d’être jugée sur les 5% qui ne sont pas faits. C’est cette histoire vraie d’une femme qui passait l’aspirateur tous les jours, dans toute sa maison. Un jour, elle a réveillé son mari à quatre heures du matin, pour lui dire qu’elle avait oublié de passer l’aspirateur dans le salon ce jour-là. Le pauvre homme a eu beau lui expliquer qu’elle pourrait le faire le lendemain, cette femme s’est levée en pleine nuit pour aspirer le salon : “Tous les jours, je travaille dur pour aspirer ma maison. Si quelqu’un venait justement demain et voyait cette pièce non aspirée, à quoi aurait servi tout le reste de mon travail ?” Autant le perfectionnisme nous dit que c’est d’être au top qui nous rend aimable, autant les gens ne veulent pas de ces personnes lisses, sans rugosités, sans failles et sans ombres. Une peinture dont toutes les ombres sont effacées est un tableau sans vie. La vie ne nous permettra jamais d’être parfaite. Peut-être pourrons-nous tricher un instant, mais à quel prix ? Au - 28 -


prix de l’angoisse, de l’épuisement et du tourment. Au prix de se lever à quatre heures du matin pour aspirer le salon. La perfection c’est se perdre, se vider de son énergie et devenir fade. Parce qu’au fond, on aime les gens comme nous qui se prennent des gamelles quand ils sont courageux. On aime les encourager, ceux qui nous rappellent que la petite tache sur le chemisier blanc, c’est toute la valeur de la vie. La perfection c’est le contrôle. Et vouloir tout contrôler, c’est vider l’océan avec une petite cuillère, c’est nager contre le courant, c’est vouloir jouer à Icare et risquer de se brûler les ailes. D’autant plus quand on a des enfants, qui sont maîtres dans l’art de nous donner de sacrées leçons de pagaille. Vouloir combiner maternité et perfection, c’est se rendre malheureuse et risquer de devenir un dictateur dans son foyer. C’est vouloir donner une image parfaite, par peur d’être rejetée, étiquetée, jugée. C’est devenir bâtisseuse de façade et se retrouver coincée derrière, seule pour pleurer. Nous sommes fabuleusement humaines. Nous sommes fabuleusement entourées de gens imparfaits que nous aimons, justement. Nous avons des invités sur le pas de la porte, et ils n’attendent que de trinquer avec nous. La vraie nous, celle qui n’a pas peur de montrer ses zébrures. Nous sommes fabuleusement en vie, restons-le !  - 29 -


Il ne s’agit pas de chercher à transformer notre imperfection en perfection, car cela est impossible et contre la nature humaine. Non, il s’agirait plutôt de transformer “l’imparfait malheureux” en un “imparfait heureux”. Car se peut-il que la nouvelle perfection soit l’imperfection heureuse ? … Ainsi donc nous n’avons pas à nous defaire de notre petitesse, mais à apprendre à en sourire avec compassion. Bernard Montaud - 30 -


Écrivez la fabuleuse histoire de votre vie Elle se forme tranquillement. Dans quelques secondes, elle déferlera sur mon deux pièces fleuri-soldé-jamais-porté. Qui, d’ailleurs, crée une formidable illusion d’optique sur mes poignées d’amour. Mais restons concentrée : elle arrive. Je la regarde en souriant. “Tu crois que tu vas m’avoir, ma vieille ? Je ne suis pas née de la dernière pluie !” J’attends le dernier moment. Et hop, juste avant qu’elle ne me renverse, je plonge dans son flanc. Évidemment que je ne fais pas le poids face à ce mur d’eau salée. Mais j’ai un avantage non négligeable : je sais nager. - 31 -


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u m’as décoiffée, tu as défait la lanière de mon bikini, tu m’as salé l’intérieur du nez. Mais je me suis sacrément bien amusée. Quand est-ce que tu reviens ?

Petite, je t’attendais de face. Combien de fois tu m’as renversée ! Et puis, sur les immenses étendues de la côte atlantique, mon père m’a appris à t’attendre en riant, à disparaître gracieusement dans tes entrailles, à surfer sur ta puissance magistrale et à rejoindre la plage en riant d’autant plus fort. Ma crise. Mon moment décisif. Mon opportunité. Ma vague. Un mariage, un divorce, un déménagement, une expatriation, un enfant devenu grand, un deuil, un traumatisme, un travail abrutissant… L’arrivée d’un enfant. Ou, dans mon cas, de deux enfants en même temps. Tsunami. De couches, de biberons, de nuits sans sommeil, d’inquiétudes nouvelles. Déferlante de journées trop longues, d’années trop courtes, de fatigue chronique, de crises

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conjugales, de cafés froids qui attendent sur la table de la cuisine. Devenir mère est l’une des premières grosses vagues de notre vie. Résistez, et vous serez renversée à coup sûr. Enfilez votre maillot de bain, faites amie-amie avec votre déferlante, plongez, surfez, et vous trouverez à coup sûr le moyen de vous amuser un peu. Certains jours, nous avons la désagréable sensation que nos enfants nous volent notre vie. C’est tout le contraire. Être mère, c’est partir à la découverte de nos ressources insoupçonnées. Là où tout le monde voit un problème, voyez une opportunité en or pour puiser dans l’immense énergie de la vague et décider ce que vous voulez faire de votre vie ! Vous souhaitez passer un maximum de temps avec vos enfants ? Faire évoluer votre vie professionnelle ? Postuler pour le job de vos rêves ? Reprendre des études ? Rendre votre maison accueillante pour toute la famille ? Créer votre entreprise ? Travailler à domicile ? Oser enfin mettre en valeur votre créativité ?

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“Qu’est-ce qui fait qu’on a des idées ? Le fait d’être confronté à la nouveauté. Or les mamans sont les premières à être constamment confrontées à la nouveauté”1, m’a confié Florence Servan-Schreiber. C’est ça, la résilience. Récupérer l’énergie générée par une émotion intense, et l’utiliser comme une planche de surf. Rebondir sur un événement qui nous met au tapis dans un premier temps, comme sur un tremplin qui nous amène plus loin. Les plus grandes inventions naissent des plus grandes frustrations. Les plus belles histoires sont peuplées de héros sur lesquels les embûches semblent s’acharner. Vous n’êtes pas obligée de subir votre quotidien de maman. Vous pouvez le prendre en main. Le fait même d’être mère fait de vous une personne créative et pleine de ressources. Prenez la plume, plongez dans vos vagues et écrivez la fabuleuse histoire de votre vie. 

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Charles Caleb Colton

https://fabuleusesaufoyer.com/entretien-avec-florence-servan-schreiber/

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Après deux ans de vie commune, n’importe quel prince charmant se transforme en grenouille. L’amour s’est caché dans le panier à linge. Il est là, quelque part entre les torchons et les serviettes. Il s’est caché sur le lieu du crime, là où l’on mélange sans aucun scrupule le blanc et les couleurs, là où la réalité de la vie et de ses contraintes vient déteindre sur la candeur et la passion des débuts. - 37 -


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’amour, c’est quand ta vie entière passe à la machine à laver.

L’amour, ce sont des slips propres et pliés qui, quelques petites heures après cet instant de gloire, gisent, malodorants, sur le sol de la salle de bains. Dans quelques jours, ils seront à nouveau alignés dans un tiroir, arborant une délicate senteur que les publicitaires qualifient de Bora-Bora. Avant de se retrouver immanquablement dans une corbeille à linge qui sent le bidonville. L’histoire commence avec deux personnes qui s’aiment plus que tout et qui n’attendent que le moment de vivre enfin sous le même toit. Surtout, n’être plus jamais séparés, pour ne jamais vivre la torture qu’endure une paire de chaussettes le temps d’une lessive. Être ensemble pour toujours ! Et un jour — se serait-on trompée de programme de lavage ? — on remet son choix en question. Peut-être bien que je me serais mieux entendue avec un 100% coton made in France. Le synthétique, ce n’est pas ma tasse de thé.

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Ces défauts que l’on trouvait si mignons au début, on donnerait tout pour en être débarrassée. Mais tandis que l’on songe à chercher ailleurs le frétillement du début, l’amour est toujours là. Caché tout au fond du panier à linge. Et si j’avais le courage d’embrasser ma grenouille à nouveau ?­ De dépoussiérer mes sentiments ? De rechercher le feu du début ? Facile ou pas facile ? Devinez ! Pas facile du tout, puisque réanimer le lien, cela demande une bonne dose d’engagement. Possible ou pas possible ? Possible mais il vous faudra peut-être de l’aide. Investir pour un temps dans un détachant surpuissant en plus de votre lessive habituelle. Avoir une grenouille pour mari, moi j’adore. Parce qu’un prince charmant, ça n’est pas si pratique : à côté, j’aurais l’air d’une cruche avec tous mes défauts. Parce que le polyester, au moins, c’est plus facile à repasser ! Parce qu’être ensemble, c’est laisser l’autre être imparfait et chérir ce que l’on a construit ensemble. Parce que l’amour dans la folie du quotidien, c’est comme une courageuse et excitante fouille spéléologique au fin fond d’un sombre et puant panier à linge. 

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“Je vais me faire un nouvelle amie.” J’ai épousé un homme dont le cerveau produit quarante nouvelles idées à la seconde. Des idées d’avenir, de vacances, de projets professionnels, de sorties, d’optimisation du temps et de l’espace... Tout le temps des nouvelles idées. Or moi, je suis faite pour accomplir des tâches. J’aime quand les choses sont faites, et bien faites. - 41 -


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orsque j’entends l’énoncé d’un projet, mon cerveau le transforme instantanément en une liste de tâches à accomplir pour atteindre l’objectif en question. Autant dire qu’en écoutant mon mari parler trente secondes, j’ai déjà planifié quatre années de travail. Rien qu’à la pensée de cette immense liste de tâches, je suis déjà frustrée par tout ce qui reste à accomplir. Je tente alors de calmer les ardeurs de mon imaginatif de conjoint, lequel est aussitôt frustré par mon incapacité à le laisser énoncer des idées, juste comme ça, pour le plaisir. Deux personnes peuvent avoir une expérience complètement différente du même événement. Ce qui est frustrant pour moi ne l’est pas forcément pour l’autre, et inversement. Lorsque mon mari est en déplacement, je trouve excessivement frustrant d’avoir à coucher seule les enfants. Lui ne voit pas le problème : lorsque c’est moi qui suis en réunion, il n’éprouve aucune frustration à être seul pour les coucher et profite de mon absence pour regarder sereinement des films de guerre.

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Ce qui est le plus frustrant dans la frustration, c’est certainement de ne pas se sentir comprise dans sa frustration. Entre les petits qui vident les tiroirs que nous venons de trier, les ados qui râlent à propos des chaussures que nous venons de leur acheter à prix d’or et les papas qui ne voient pas en quoi tout cela nous fait râler, nous les mamans, sommes expertes en frustration. Surtout lorsqu’il s’agit de se sentir honteuse d’être frustrée. La frustration, c’est comme une épine dans le pied : c’est tout petit, invisible aux yeux des autres, mais c’est très inconfortable, voire saignant. Tout va bien dans votre vie. Tout va bien, sauf cette petite épine qui vient tout gâcher. Mon amie Delphine a cinq trésors, parmi lesquels l’autisme s’est invité. Les épines de Delphine ont des formes variées comme la privation de sommeil, le stress de vérifier à longueur de journée si personne n’a oublié de fermer une porte ou une fenêtre ou la trop longue attente pour entendre un “Maman” sortir de la bouche de son prince bleu.

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La première fois que Delphine m’a parlé de ses épines, je me suis sentie un peu bête d’être frustrée par des détails aussi insignifiants que mes petits soucis de tous les jours. Et puis, j’ai compris : ce qui est frustrant pour moi ne l’est pas forcément pour l’autre, et inversement ! Je ne peux pas imaginer la souffrance de Delphine, tout comme elle ne peut pas imaginer la mienne. Être frustrée, même par une toute petite chose, c’est normal. Et même : les gens les plus engagés sont aussi les gens les plus frustrés ! Vous êtes frustrée parce que vous devez mettre les enfants au lit seule tous les soirs ? Cela signifie que vous mettez les enfants au lit tous les soirs ! Vous êtes frustrée parce que vous ne parvenez pas à enseigner la natation à votre cadette ? Cela signifie que vous enseignez la natation à votre cadette !

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Vous êtes frustrée parce que vous êtes la seule à rédiger les rapports de réunion correctement ? Cela signifie que vous rédigez les rapports de réunion correctement ! Vous êtes frustrée parce que vous faites quarante lessives par semaine ? Cela signifie que vous faites quarante lessives par semaine ! Vous êtes frustrée parce que vous devez vous occuper de vos parents malades ? Cela signifie que vous vous occupez de vos parents malades ! Vous êtes frustrée à force de ramasser des chaussettes sales sur le sol de votre chambre à coucher ? Cela signifie que vous avez eu la bonne idée de faire votre vie avec un homme. Les gens les plus frustrés sont les gens qui sont là, qui restent, qui se mobilisent pour que le monde tourne à peu près convenablement.

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Et la bonne nouvelle, c’est que l’on peut devenir amie avec sa frustration. Comment ? En comprenant qu’elle a toujours quelque chose à nous dire. Les plus grandes inventions sont nées dans l’esprit d’hommes et de femmes qui, au lieu de pester contre leurs épines, ont eu le courage de se demander pourquoi elles étaient plantées là et en quoi elles pourraient consister en un formidable tremplin de créativité. Ce livre ne serait pas entre vos mains si je n’avais pas passé des après-midi entiers à pleurer sur mon incapacité à être une bonne mère pour les deux nourrissons que je portais dans mes bras. Il ne serait pas non plus entre vos mains si je n’avais pas saisi la formidable complémentarité entre mon fabuleux et moi. Les gens les plus créatifs sont ceux qui sautent sur le trampoline de leurs plus grandes frustrations. Et c’est justement pour cela qu’on a envie d’écouter ce qu’ils ont à dire ! 

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Ils ont besoin de moi. Ils n’ont pas besoin d’une conteuse assez captivante pour transformer les lectures du soir en théâtre jeune public. Ça tombe bien : quand je leur lis des histoires, ce n’est pas eux, mais moi que ça fait dormir. La dernière fois que c’est arrivé, c’était à la page 9 de Lassie et mon mari les a retrouvés dans le jardin pendant que je dormais à poings fermés, recroquevillée dans un lit à barreaux... - 49 -


I

ls n’ont pas besoin d’une animatrice du tonnerre. Ça tombe bien : sans manuel, je suis incapable de construire le plus basique des véhicules Duplo. Et je n’ai jamais organisé de fête d’anniversaire.

En parlant d’anniversaire, ils n’ont pas besoin d’un marmiton hors pair. Ça tombe bien, les seuls gâteaux que je leur ai faits viennent tout droit du rayon “aide à la pâtisserie” de mon supermarché. Le seul ingrédient que je sais y ajouter, c’est une bougie en cas de fête. Ils n’ont pas besoin d’une implacable pro de l’hygiène. Ça tombe bien : la dernière fois qu’ils se sont fait savonner les cheveux, c’était la semaine dernière au salon de coiffure (laissons faire les pros). Ils n’ont pas besoin d’un irréprochable modèle. Ça tombe bien : les quelques gros mots qu’ils connaissent, ce n’est pas à l’école qu’ils les ont appris... Mes enfants n’ont pas besoin d’une mère parfaite. Ils ont besoin de moi ! Moi, dans toute mon imperfection. Moi, avec ma marge de progression. Moi, quand j’accepte de ne pas laisser mes erreurs

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définir mon niveau de sérénité. Moi, quand je prends le risque de ne pas laisser mes ratés voler ma joie. Moi, avec mes petites blagues, mes éclairs de génie, mes doux câlins, mes crudités, et aussi mes cartons de pizza, mes retards à l’école, mes coups de blues et mes crises de panique. Lorsque je me trompe, ils ont besoin de moi pour ne pas en faire un foin. Lorsque je m’emporte, ils ont besoin de moi pour accueillir mes émotions plutôt que de m’enfoncer dans une dose encore plus grande de culpabilité dévastatrice. Lorsque je fais des dégâts, ils ont besoin de moi pour leur montrer qu’après tout, on a tous le droit à l’erreur. Lorsque je suis imparfaite, ils ont besoin de moi pour en rire, et par la même occasion les rassurer : tu vois mon chéri, tu seras toujours aimé, même si tu tapes à côté. Mes enfants ont besoin de moi, telle que je suis. Et ils ont besoin que je m’aime, comme je suis. 

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“T’es pas toi quand t’es crevée.” Un bocal de cornichons qui vient se briser à mes pieds tandis que j’ouvre la porte du frigo. Une brique Lego qui vient se mettre sur le chemin de mes pieds nus. Une tasse de thé renversée sur le clavier de mon ordinateur. Un téléphone qui se brise sur le carrelage de la salle de bains. Un biberon que je secoue sans l’avoir fermé correctement. Une flaque de lait tellement étendue que je ne peux même pas la contourner pour attraper la serpillère. Un tube de dentifrice qui me fait pleurer à force d’être vide — encore. - 53 -


P

arfois, les objets nous exaspèrent. Et les gens, aussi. Les enfants qui veulent tout, tout de suite. Les ados qui oublient leur carte de bus. Les maris qui se réfugient vingt minutes aux toilettes. Les livreurs qui se trompent d’adresse, les vieilles dames qui se mêlent de nos affaires, les caissières qui ne comprennent pas que passer maintenant est pour nous une affaire de la plus haute importance. Il y a des jours où le monde entier complote pour nous irriter. On est excédée par les pâtes qui ne veulent pas cuire plus vite, horripilée par cette voiture qui refuse de démarrer, et on se sent poignardée par notre meilleure amie qui poste une innocente photo de ses pieds en éventail sur une plage de sable fin. Ces jours-là, on laisse traîner les couteaux de cuisine à portée des enfants, on perd notre trousseau de clés, on arrive en retard à l’école, on crie au monde entier de se dépêcher, on s’engouffre dans la moindre faille et on déclenche des crises conjugales. Alors on se sent nulle, maladroite, incapable, insuffisante, moche, bête et méchante.

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On se débat, on se déchaîne, on se défend, on se démène pour ne pas être la sorcière que l’on est en train de devenir. Et on oublie l’essentiel : aller dormir. “Ne partez pas fatigués”, nous prévient la sécurité routière. “Avant un long trajet, passez une bonne nuit de sommeil. Sachez qu’une dette de sommeil de cinq heures entraîne au volant le même effet que l’absorption de deux ou trois verres de vin.” ”Cinq heures !? Mais moi, c’est d’au moins sept cents heures que je suis endettée, depuis l’arrivée du petit dernier ! Ça fait combien de verres de vin ? Mon compte courant de sommeil est dans le rouge depuis des mois, et je n’ai pas l’ombre d’une assurance vie ni d’un livret A où puiser quelques ressources d’urgence !” Pour remettre votre compte à flot, il ne suffira pas d’une bonne nuit. Même si cela vous aidera déjà beaucoup, surtout pour changer de perspective sur les biberons renversés, les maris aux WC et les ados déprimés. Dans certains pays, la privation de sommeil est une véritable méthode de torture, et les mères le savent. Au mieux, le

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sommeil nous manque. Au pire, nous en souffrons au point de ne même plus savoir que c’est la fatigue qui nous met dans un tel état de mal-être. Et après un certain temps, nos réactions sont effectivement celles d’une personne qui a beaucoup trop bu. Pour les parents, la fatigue est un état constant. On s’habitue doucement à cet épuisement qui devient notre deuxième peau. Être fatiguée, c’est tellement normal qu’on en oublie que c’est dangereux ! On ne perçoit pas bien la gravité de notre fatigue. On sous-estime son effet sur nos émotions, nos relations, notre couple, notre foyer, notre vie. La fatigue nous ronge de l’intérieur et nous vole beaucoup de capacités. Et surtout, elle érode de plus en plus notre marge de confort, cette zone où l’on se sent bien, où l’on a accès à des réflexes aiguisés, à des réactions créatives, à une réflexion posée et à une logique bien nourrie. La fatigue nous expose au danger de mal réagir aux demandes de nos enfants, d’en être irritée outre mesure et d’y réagir trop vite, sans réfléchir : “La fatigue est le pire ennemi des

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parents. Elle nous déconnecte totalement de nos enfants. Elle nous fait agir à partir de nos blessures passées et non à partir de nos compétences relationnelles. Nous fonctionnons alors en mode automatique. C’est dans ces moments-là que la violence surgit”, explique Catherine Dumonteil Kremer. La fatigue nous fait perdre notre dextérité… d’où les gaffes que nous enchaînons à longueur de journée : verser du jus d’orange dans le café, casser de la vaisselle, se cogner la tête, oublier ses rendez-vous, ne pas écouter ce que l’on nous dit, fondre en larmes à la moindre remarque, oublier de manger sain… Mais le pire est certainement notre tendance aveugle à ne pas reconnaître que c’est le simple manque de sommeil qui nous met dans cet état-là. La fatigue chronique et massive qui nous touche doit être comme un gros voyant rouge qui signale que quelque chose doit changer. À force de trop vouloir sauver le monde entier, on oublie que pour être réellement bienveillante envers les autres, on doit d’abord l’être envers soi. Quitte à rogner sur certains principes. Pas d’excuse :

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mettre les enfants devant un dessin animé pour pouvoir s’endormir quelques minutes sur le canapé, même si on a toujours dit que la télé c’est mal. Quand on est à bout de nerfs, on a rien de meilleur à donner que la télé !

planifier deux jours un peu plus légers au moment où nos hormones se déchaîneront le mois prochain. Quand de toute façon on n’a plus de forces, pas besoin de se déprimer encore plus avec un programme intenable !

prendre une baby-sitter pour s’octroyer le droit de ne rien faire pendant deux heures. Même si on a toujours dit qu’on ne laisserait pas ses enfants à une inconnue. Il y a d’excellentes baby-sitters et il y a urgence à ce que vous les trouviez !

Personne ne peut deviner vos besoins. C’est à vous de poser des limites, d’apprendre à les reconnaître, à les respecter, à les exprimer… faites-le pour vous-même, et si vous n’en êtes pas capable, alors faites-le pour votre famille… Quand maman va, tout va. Quand maman ne va pas, il faut régler ça au plus vite ! 

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AIMEZ-VOUS. PRENEZ SOIN DE VOUS. FAITES LA SIESTE.

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C’est arrivé vers dix heures du matin. J’ai vu ma vie défiler devant mes yeux. Je venais de lancer une machine à 30° (cette température magique qui vous évite de séparer le blanc des couleurs). Je m’apprêtais à mettre au micro-ondes un café que j’avais déjà réchauffé une première fois ce matin-là. À grands cris, les enfants se disputaient une figurine de chien pompier. Bref, une matinée comme toutes les autres.

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Et puis c’est arrivé. Mon pire cauchemar. La sonnette. Un rapide coup d’oeil par la fenêtre : pas d’utilitaire à l’horizon. Ce n’est ni le facteur, ni un ouvrier du gaz. J’écarte donc l’option “accueil sur le perron”. “C’est peut-être une voisine. On est quel jour, déjà ? Mardi. Dix heures. Mardi dix heures ! M*** ! La visite du propriétaire ! État de la situation : évier en débordement, poils de chiens en recouvrement, sol jonché de jouets en tout genre, panier à linge au milieu du salon, slips sales sur le carrelage du couloir, enfants en pyjama, et moi en… en… M*** ! Je suis en pyjama ! OK, priorité. C’est quoi la priorité ? Mascara. Mais nan, réfléchis, p*** ! Va t’habiller et plus vite que ça ! Je monte les escaliers quatre à quatre.” Deuxième coup de sonnette. “Un instant ! J’arrive !” J’ouvre la commode. Mon cerveau cafouille. “Je mets quoi ? Je fais quoi ? M*** !” Panique généralisée. - 62 -


Et puis, contre toute attente, j’ai fait preuve d’une admirable bravoure. J’ai enfilé calmement un énorme pull cache-misère. J’ai laissé en plan ce bronx intersidéral. J’ai fait demi-tour et je me suis dirigée vers la porte d’entrée. En pyjama. J’ai tourné la clé, baissé la poignée, ouvert la porte. J’ai rassemblé tout mon courage, et j’ai fait preuve de bravoure intrépide : j’ai souri. Je n’ai même pas essayé d’expliquer que chacun de mes enfants s’était réveillé trois fois la nuit précédente. Je n’ai pas tenté de faire savoir que malgré les apparences, j’avais été affairée toute la matinée. J’ai ouvert la porte, et j’ai souri. C’est tout. Une histoire banale de courage ordinaire, cette sorte de courage qui n’est pas de l’héroïsme. (Cela dit, si j’avais été en chemise de nuit, là ça aurait véritablement été de l’héroïsme.) Juste se mettre dans une position inconfortable où l’on prend le risque d’être jugée. Juste renoncer à porter un masque pour cacher notre imperfection. Juste être vraie et permettre aux autres d’être vrais aussi. - 63 -


“Avec le courage héroïque, il s’agit de risquer sa vie. Avec le courage ordinaire, il s’agit d’exposer sa vulnérabilité. Dans le monde actuel, c’est assez extraordinaire” 1. Et pour vous, qu’est-ce que le courage ordinaire ? • • • • • • •

aller à la piscine avec vos enfants, même si vous vous sentez mal à l’aise en maillot de bain ? ne pas savoir quoi dire à une amie qui subit un traitement contre le cancer, mais l’appeler quand même pour prendre de ses nouvelles ? expliquer, pendant la réunion des parents, que vous ne prendrez pas le temps d’aider à organiser la kermesse ? demander de l’aide à votre belle-mère pour pouvoir souffler un peu ? engager une femme de ménage, quitte à ce que ça se sache dans le village ? laisser votre compagnon vous prendre dans ses bras pour vous rassurer ? dire non sans vous justifier ?

Ouvrez la porte. En pyjama. Et surtout : souriez. 

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Brené Brown, La force de l’imperfection, éd. Quotidien Malin, 2014, p.35

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Faire le vide pour faire le plein Mes doigts frôlaient la tapisserie rose des couloirs du CHU de Strasbourg. Je rentrais chez moi avec des consignes claires : grossesse à risque, repos forcé. C’était il y a quatre ans. À cette époque, il n’était pas rare que je rentre du bureau à 22h pour y refaire mon apparition à 8h le lendemain. Et j’aimais ça. Mais je devais avouer qu’hormis le stress d’avoir à déléguer mes dossiers dans l’urgence, je n’avais rien contre l’idée de prendre un peu de répit. J’allais pouvoir avaler tranquillement la petite douzaine d’ouvrages entamés qui s’entassaient sur ma table de nuit. - 67 -


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roisième jour au foyer. J’ai lu tous mes livres. Je suis une lionne en cage. Pas le droit d’aller bosser ? Pas grave, je n’ai qu’à ranger le garage. Je trie des vêtements et déplace des cartons pendant deux petites heures de rien du tout. Au retour de mon fabuleux, je me fais prendre en flagrant délit de surmenage : punie au lit (mais pas sans manger). Travailler moins pour gagner plus... de vide Je tombe sur ces lignes de Brené Brown, mettant majestueusement en mots l’anxiété éprouvée lors de ma grossesse gémellaire : “L’une des stratégies universelles d’anesthésie est ce que j’appelle l’affairement frénétique. (...) Nous sommes une société qui a gobé l’idée qu’en restant assez occupé, la vérité de notre existence ne pourra jamais nous rattraper”1.

Être forcée de travailler moins. Pour gagner plus de vide. Laisser mon âme ankylosée se réveiller à ses doutes enfouis. Permettre à l’anesthésie de s’évaporer, et pour la première fois, regarder ma vie en face. Penser à ce que j’ai vraiment envie de faire, à la personne que j’ai vraiment envie d’être, et traiter une par une ces angoisses qui profitent du calme plat pour remonter à la surface. 1

Brené Brown, Le pouvoir de la vulnérabilité, éd. Trédaniel, 2014

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Travailler moins pour gagner plus... de temps ? Je mène à terme ma grossesse gémellaire, goûtant ainsi pour la première fois depuis des mois à la douce satisfaction du travail accompli. Je fanfaronne, mais ai-je seulement idée de l’avalanche de couches, de lessives et de doutes qui est sur le point de s’abattre sur mes illusions ? Je prends un congé parental de trois ans, histoire “d’avoir le temps” de nourrir, vêtir et voir grandir ces deux êtres blonds aux yeux bleus qui me regardent goulûment. Du temps, je n’en ai même pas assez pour dormir, alors je me serre la ceinture plutôt que d’avoir en plus à courir au bureau. Comme ces anciens cadres de multinationales frustrés de ne pas avoir le temps de dépenser leur argent, je décide de travailler moins pour gagner moins et vivre mieux. Travailler moins pour gagner plus... d’efficacité À la fin de mon congé parental, j’expérimente ma propre version du phénomène La semaine de quatre heures (ce bestseller où Tim Ferris expose à notre génération surmenée les bases d’une productivité permettant de travailler moins, pour gagner plus et vivre mieux). Puisque l’heure n’est plus à la

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durée du travail mais à son efficacité réelle, je fais le pari de devenir une mampreneuse assez productive pour ne travailler qu’en l’absence de mes enfants, scolarisés en petite section (de 8h35 à 11h15, chaque minute compte), ainsi que (tel est mon secret) bien avant l’aube et les premières tartines beurrées. Eh bien, cette limite que j’ai imposée à ma vie professionnelle est devenue pour moi une fantastique opportunité de développer mes compétences en termes de gestion des priorités, de vivacité d’esprit, de capacité à déléguer, de clarification des objectifs et de productivité réelle. En toute objectivité, je travaille mieux et de manière plus productive que dans mon ancienne vie, lorsque je passais dix à douze heures par jour au bureau. Travailler moins pour gagner plus... de sens “Pour nombre de gens, l’époque la plus intéressante et la plus productive de leur vie a débuté après la naissance de leurs enfants”, pour citer à nouveau Brené Brown. C’est mon cas, même si les courtes nuits, les journées rythmées, les varicelles et autres aléas du direct veulent me faire croire que mes enfants volent mes heures, volent mon travail, volent ma vie. Jamais je n’ai eu si peu de temps, pourtant jamais je n’ai autant appris, ni autant grandi, ni autant gagné… 

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Vous n’avez pas d’enfants : “Comment ça ?” Vous en avez un : “Attention au syndrome de l’enfant unique !” Vous en avez plus de trois : “Vous êtes du genre catho tradi ou coureurs d’allocs ?” Il y a un grand écart d’âge entre vos enfants : “Mais enfin qu’attendiez-vous ?” Pas assez d’écart : “Qu’estce qui vous a pris ?” Vous travaillez hors de chez vous : “Comment faites-vous pour l’organisation familiale ?” Vous ne travaillez pas : “Quel exemple donnez-vous à vos filles ?” Vous n’allaitez pas : “Comment peut-on être aussi égoïste ?” Vous allaitez encore : “Il serait temps de perdre un ou deux bonnets.” - 73 -


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e pas vouloir fonder une famille à tout prix, mais en fonder une quand même. Travailler quarante heures par semaine, mais cuisiner bio, local et maison. Être une bonne mère, mais ne pas paraître trop préoccupée par sa progéniture. Être tout pour tout le monde, mais savoir prendre soin de soi. Bienvenue au XXIe siècle, sous le règne de la honte maternelle.

Un fléau qui touche toutes les femmes, même celles qui ne sont pas mères. Sans enfants, vous n’êtes pas accomplie, et il y aura toujours une bonne âme pour vous le rappeler. Avec enfants, pas non plus d’accomplissement : votre carrière va prendre un coup. Pas grave, vous allez compenser ! Voilà ce pour quoi vous avez été programmée : être une mère irréprochable, accomplir un travail irréprochable, sans oublier d’entretenir une maison irréprochable, tout en étant une personne formidablement détendue (et drôle si possible, Mais sans être bécasse, on s’entend). C’est simple : vous êtes née pour être irréprochable. Sur tous les plans. Et tout cela naturellement, sans aucun effort ! Il ne faudrait pas que l’on vous voie suer. Vous

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devez être naturellement belle, naturellement maternelle, naturellement douée pour diriger, avoir une famille naturellement formidable et une activité naturellement florissante. Soyez irréprochable, mais n’allez pas en faire tout un flan. Quand on est vraiment douée, la perfection coule de source ! Si vous faites le choix de rester au foyer, non seulement vous aurez honte pour cause de dévalorisation sociale, mais en prime, vous aurez honte de ne pas être une assez bonne mère. Ben oui, si déjà vous êtes au foyer, alors soyez au moins maternellement parfaite ! “Tant d’années à me morfondre, à me comparer et à culpabiliser parce que je pensais être une mauvaise mère, incapable d’y arriver, m’écrit Laura. J’avais pourtant fait ce choix de devenir mère au foyer, je devais assumer !” “J’ai été au foyer pendant 6 ans”, me raconte Mireille, 3 enfants, rédactrice en chef. “Ces années ont été marquées par la solitude et un très fort sentiment d’échec pour moi. Quand j’ai repris le travail, j’ai vécu également la solitude, la souffrance de ne pas être là où il fallait quand il le fallait. Il

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Brené Brown, Le pouvoir de la vulnérabilité, éd. Trédaniel, 2014

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n’était pas bien vu de prendre son mercredi pour s’occuper de sa famille mais il n’était pas bien vu non plus d’abandonner ses enfants pour partir en voyage de presse…” Et si la liberté de la femme commençait par l’acceptation de ce regard interrogateur que l’autre pose sur nous, et du fait qu’il ne puisse pas comprendre nos choix ? Jamais assez à la maison, jamais assez au travail, jamais assez ferme, jamais assez douce, jamais assez compétente, jamais assez rentable, jamais assez présente : j’en ai assez du “jamais assez”. Je suis un être humain à part entière et à ce titre, je m’octroie le droit à l’imperfection. Je veux être une femme libre : libre de la honte. Perdez votre temps à jaser si vous voulez. Moi je n’ai qu’une vie et je compte bien la vivre en étant moi ! 

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Le mieux est l’ennemi du bien !

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Une balade de sept minutes vaut mieux qu’une course de dix kilomètres que je ne fais pas. Un rapide tour à l’aire de jeux vaut mieux qu’une journée à Disneyland que je n’organiserai jamais. Des gribouillis sur un dépliant publicitaire valent mieux qu’un après-midi peinture que je n’ai pas le courage d’encadrer. Une bière en amoureux sur le tapis du salon vaut mieux qu’une soirée cinéma qui ne se fera pas. Une facture réglée vaut mieux qu’un bureau débarrassé de toute paperasse, qui n’existe que dans mes rêves. Un 24 décembre à base de nems récupérés chez le Thaïlandais d’en-bas vaut mieux qu’un dîner de fête que je ne préparerai jamais. Un jet de javel en spray sur la cuvette des WC vaut mieux qu’un grand ménage de printemps qui n’aura jamais lieu. Et une maman imparfaite qui se fait confiance vaut mieux qu’une maman parfaite qui n’existe pas...

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Le perfectionnisme est l’ennemi du progrès. Steven Furtick - 81 -


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Vous n’êtes pas vos disputes. De la pâte à modeler desséchée, des livres déchirés, une machine à laver fatiguée. Le téléphone sonne. Erreur de débutante : je décroche. Comme pour me rappeler que je suis là pour eux et rien que pour eux, ils se mettent à hurler dans le combiné. Honte. Je m’enferme dans la salle de bains pour conclure tant bien que mal cette conversation ratée. Puis-je imaginer le prix que j’aurai à payer, pour ces trois minutes hors du temps ? - 83 -


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ilence suspect. Petits rires étouffés en provenance de la cuisine. “Je rêve, ou ils sont en train de jouer au ping-pong avec deux douzaines d’œufs ?”

Maman de jumeaux, d’accord. Mais me sacrifier à longueur de journée pour au final nettoyer vingt-quatre œufs écrabouillés sur le sol, la table, le frigo et les placards de ma cuisine ? Non merci ! Je me mets à hurler des insanités, au point que mes enfants se bouchent les oreilles et s’enfuient loin de moi. Et puis je me mets en boule et je pleure. Je pleure parce que je suis excessivement nulle, très très loin de l’image de la mère douce que je m’étais imaginée devenir. C’est ce moment précis que choisit mon mari pour tourner la clé dans la serrure et se diriger tout droit vers le placard à boissons : “Il n’y a plus d’eau pétillante ?” Je passe mes journées entières à gérer cette famille. Je viens d’éponger deux douzaines d’œufs gluants, éparpillés dans toute la cuisine. J’ai les yeux rougis par la honte de ne pas être une bonne mère. Lui, il veut savoir pourquoi “il n’y a plus d’eau pétillante ?”

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Je quitte la pièce en claquant la porte. Scène de ménage : mon pauvre mari, qui voulait juste savoir s’il y avait encore de l’eau pétillante, en prend pour son grade. Insomnie : en plus d’être une mauvaise mère, je suis une mauvaise épouse. Même pas capable de contenir mes émotions. Bonne qu’à semer la tempête. Bonne qu’à provoquer des conflits. La partie émergée de nos icebergs conflictuels, ce sont les choses que l’on dit, les portes qui claquent, la vaisselle qui vole. Et la partie immergée de nos disputes, ce sont les sentiments, les valeurs, la frustration, la fatigue qui se cachent sous la surface. Parfois, une simple remarque de Monsieur est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, l’étincelle qui allume une bombe de colère, de déception, de reproches… adressés au mauvais destinataire, qui va payer l’addition pour tous les autres. Pourquoi sommes-nous capables de tels bombardements ? Comment pouvons-nous être aussi réservées hors de la maison, ne même pas oser donner notre avis sur la politique

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lors d’un dîner entre amis, puis laisser toute notre colère sortir avec panache, derrière les portes du château ? Comment pouvons-nous être aussi gentilles face à des inconnus, tandis que l’on profère les pires horreurs à celui que l’on aime plus que tout ? Peut-être parce que chez soi, on peut être authentique. Peutêtre parce que n’est pas facile de vivre ensemble, d’élever des enfants, de se mettre d’accord sur la manière de les éduquer. Peut-être parce que la pression est intenable. Vous vous êtes encore disputés ? Bonne nouvelle : ni vous, ni votre conjoint n’êtes des ratés. Les conflits font partie de la vie de famille ! Se disputer dans une famille, c’est normal, c’est permis et, lorsqu’on respecte les règles du jeu, c’est même sain. 

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“Donner des noms, c’est le paradis.” Se surprendre en train d’ouvrir un paquet de chips. S’apercevoir, consternée, que l’on joue à Candy Crush depuis plus de quinze minutes, alors que l’on était censée s’attaquer à l’immense tas de paperasse. Se réveiller sur Youtube, au beau milieu d’une vidéo de chats, et se demander ce que l’on peut bien faire là. Dépoussiérer machinalement la bibliothèque, alors que l’on est censée appeler un potentiel employeur. Constater avec étonnement que l’on est affairée à éplucher frénétiquement des pommes de terre, tandis que l’on était en pleine dispute conjugale. S’écouter vociférer des phrases toutes faites, sans même savoir à qui on les adresse. - 89 -


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uvrir les yeux, au beau milieu de ses anesthésies ordinaires. S’éveiller et remarquer ce que l’on est en train de faire, embourbée dans ses automatismes.

S’éveiller et remarquer les stratégies qui nous permettent de ne pas avoir à penser à ce que l’on ressent vraiment, ici et maintenant. S’éveiller à tout ce qui nous distrait du cri étouffé de nos coeurs. Tout ce qui anesthésie nos émotions : du shopping de fringues, de carnets ou de livres pour apaiser une angoisse, une engueulade pour décharger la tension, une sieste pour oublier la peur, un verre de vin pour mettre un peu de distance avec une blessure, un tour sur Facebook pour ne pas affronter une appréhension, six heures de bénévolat pour racheter une erreur, une dose d’inquiétude pour les autres afin d’éviter de penser à nos propres soucis, un acharnement sur des détails pour faire taire un terrible sentiment de fragilité. Apprendre à faire du vélo. Rouler, le plus vite possible, pour ne pas perdre l’équilibre. Arriver à destination, et réaliser que l’on n’a même pas pris le temps de regarder le paysage. Courir. Comme Forrest. Mais pour aller où ? Et surtout, pour fuir quoi ?

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Une fuite en avant. Qui aboutit souvent sur le classique “Je n’ai pas le temps”. On nous dit de vivre chaque instant comme si c’était le dernier, mais on oublie de nous dire que la vie, c’est aussi modérer, soupeser, digérer, penser ses blessures, panser sa vie... Alors, on anesthésie ses émotions, ses doutes, ses craintes. Surtout ses craintes. Tentatives désespérées de ne pas se retrouver face à soi, à sa fragilité, ses espoirs manqués, ses choix ratés. “Et si je découvrais que je ne suis pas heureuse ? Et si je découvrais que je dois changer mais que je n’en ai pas la force ? Et si je découvrais que je dois prendre la responsabilité de mon bonheur ?” On ne peut changer que ce que l’on décide de voir. Refuser la péridurale, prendre conscience de son ressenti, y poser son regard, reprendre contact avec ses émotions, ses rêves, ses défaites... Pour enfin chercher sa voie, trouver sa voix, avancer pas à pas, faire des essais, faire des erreurs… Mais surtout ne plus fuir. On ne peut changer que ce que l’on décide de nommer. - 91 -


Comme cet éleveur de porcs, soulagé d’être enfin capable de mettre un nom sur le mal mystérieux qui évince son troupeau depuis des mois : “Je n’aime pas beaucoup ça, ni le fait que ça semble quasiment impossible à éradiquer, mais tu sais quoi ? Je suis étrangement heureux. Dieu est bon. Rien que de mettre un nom… Rien que de mettre un nom. Quand on n’arrive pas à mettre un nom sur les choses, on est hanté par des ombres. Ça fait vieillir. Mais quand on peut donner un nom à quelque chose… Donner des noms, c’est le paradis.” 1 Je suis Adam, qui transforme une foule grouillante de créatures indéfinies en un jardin zoologique cohérent. Comme Adam, ma première tâche consiste à nommer les géants tapis derrière mon anesthésie : “Ces chips, c’est de l’anxiété.” “Cette heure de ménage, c’est du perfectionnisme.” “Ces pleurs, c’est : quand serai-je assez bien pour toi ?”

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Ann Voskamp, Mille cadeaux, éd. Farel, 2012, p.48

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“Cette sieste, c’est : j’aimerais tant que l’on me prenne dans les bras pour être consolée.” “Cette nouvelle robe, c’est : j’ai envie que quelqu’un s’assoie à côté de moi pour dire que tout ira bien”. “Ce statut Facebook, c’est : j’ai envie qu’on me plaigne.” “C’est : j’ai envie d’apaiser ma vulnérabilité avec trois cafés, deux beignets aux pommes et dix vidéos de chats.” “C’est : j’ai envie d’apaiser mes incertitudes avec cette tablette de chocolat.” Nommer. Pour ne plus ignorer cette petite voix, pour ne plus noyer l’angoisse dans un mojito, pour ne plus fuir les questions existentielles dans le travail, pour ne plus manquer l’opportunité de les regarder en face. Nommer. Et voir le ballon de baudruche se dégonfler. 

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Nommer, c’est apprendre la langue du paradis. Ann Voskamp

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À qui le tour de sortir les poubelles ? “Délivrance. Tous ceinturés dans la voiture. Nous sommes en route. Soupir. Non pas de soulagement. Plutôt le genre de soupir à visée culpabilisante. Ce soupir retentissant que l’on pousse après plus de quatre heures occupées à remplir des valises en solitaire, tandis que notre fabuleux n’avait qu’une idée en tête : partir au plus vite.” - 95 -


C

ertes, on risque de tomber dans les bouchons. Cependant : ne m’a-t-il pas vue courir dans tous les sens, pour faire sécher à la va-vite quelques slips de rechange, nettoyer deux biberons de plus, localiser cette satanée crème de change, ce fichu thermomètre et cet énième doudou manquant à l’appel ? Il n’a pas remarqué que j’avais besoin d’aide ? Ni que le petit avait fait dans sa couche ? Lui faut-il de l’eau de mer pour se déboucher le nez ? À l’aide d’une phrase d’une irréprochable candeur, je déclenche un drame familial : “Dans trente minutes, il faudra s’arrêter pour allaiter le petit.” Ça t’énerve, hein ? Tu n’avais qu’à m’aider à faire les valises ! De toute façon, je sais bien que s’il manque quelque chose en arrivant, ce sera encore de ma faute… Ma définition de la vie de famille : une organisation quotidienne dont les paramètres essentiels se font remarquer uniquement lorsqu’on les oublie ! •

Un cri strident depuis la salle du trône : “On est à court de papier ?”

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• • •

Un regard hébété à 7h : “Comment ça se fait qu’il n’y a déjà plus de slips propres ?” Une crise de colère à 7h03 : “Désolée mon petit chéri, je n’ai pas encore lavé ton t-shirt Pat Patrouille.” Un conversation passionnée dans la salle de bain : “Le tube, je l’ai déjà découpé. Je t’assure qu’il n’y a plus de dentifrice !” Un dimanche matin raté : “Tu n’as pas pensé à prendre du pain ?”

Qui, oui, qui est censé : • • • • • • • • •

prendre rendez-vous chez le dentiste ? trouver une baby-sitter ? nourrir le chien ? brosser le chien ? sortir le chien ? emmener le chien chez le vétérinaire ? (nous avons un chien) (qu’est-ce qui nous a pris !?) laver les vitres ?

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• • • • • • •

payer les factures ? déposer les enfants à l’école ? les aider à faire les devoirs ? faire le contrôle technique ? remplir le lave-vaisselle ? sortir les poubelles ? préparer les valises ?

Qui ? Toi ou moi ? “Moi, évidemment. Encore moi. Toujours moi. Puisque personne d’autre ne le fait. Et ce n’est pas plus mal : la dernière fois qu’il a voulu remplir le lave-vaisselle, j’ai dû ressortir toutes les assiettes pour réorganiser l’espace. La dernière fois qu’il a lancé une machine, il a oublié le linge mouillé à l’intérieur. La dernière fois qu’il a pris rendez-vous chez le dentiste, il a appelé le mauvais dentiste. Et lorsqu’il cuisine, c’est pour faire baigner des tortellini dans une quantité astronomique de beurre salé. Autant le faire moi-même. Si je l’avais laissé faire les valises, il aurait à coup sûr oublié les maillots de bain. On n’est pas mieux servie que par la seule personne qui assure dans cette maison... c’est-à-dire moi.”

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Vous le connaissez bien, ce dialogue intérieur ? Garder le contrôle… Minimiser le risque de déception... mais aussi la confiance ! Une créature de sexe masculin ne lit pas dans vos pensées, et ne devine pas vos besoins. La prochaine fois, ouvrez la bouche et déléguez ! C’est bien moins exécuté ? Oui, souvent. Frustrant ? Oui, parfois. Vous l’auriez fait différemment ? Et alors ! Et si être fabuleuse c’était aussi cultiver la confiance, tolérer les erreurs et ne pas se sur-responsabliser ? Et si dans votre couple, vous testiez le travail d’équipe : • • • •

on parle on partage (même les tâches ingrates) on adapte ses attentes on dit merci ! 

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Si c’était facile, ça se saurait. C’est l’histoire d’une fausse couche il y a très longtemps, dont elle n’a jamais parlé puisque la barre des trois mois n’était pas franchie. De toute façon, le gynécologue a dit que c’était très courant.

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C

’est l’histoire de sa maman partie trop tôt, dont les souvenirs douloureux se sont réveillés lorsqu’elle est devenue maman à son tour.

C’est l’histoire d’un mari qui se jette du haut d’une falaise, la laissant seule avec trois adolescents désemparés. L’histoire d’un bébé mort qu’il faut expulser hors de son ventre. L’histoire d’un handicap qui s’invite sans prévenir. L’histoire d’une autre femme qui a pris sa place dans le lit conjugal. C’est l’histoire d’années de pleurs étouffés, de travail acharné et de perfection simulée. Pour oublier. Des histoires vraies, celles que vous me racontez et qui, certains jours, transforment ma boîte de réception en un poignant réceptacle à douleur vive. Ces histoires, ce sont nos ballons de plage : ces ballons que l’on maintient sous l’eau le plus longtemps possible et le plus profondément possible, jusqu’à ce que la pression les fasse jaillir vigoureusement à la surface.

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Combien d’entre nous vivons des événements qui nous blessent, qui nous plaquent contre le sol, qui nous coupent l’air, qui nous estomaquent ? Combien de blessures cachonsnous sous des bandages colorés, des sourires astiqués, des discours politiquement corrects qui maintiennent nos cris au fond de l’eau, jusqu’à ce qu’un jour le ballon ressorte de l’eau tellement puissamment qu’il fait encore plus de dégâts ? Oui, on peut être fabuleuse et aller mal. Oui, la peine peut sembler n’avoir fait qu’une bouchée de nous. Oui, on peut avoir l’impression d’avoir baissé les armes et de s’être arrêtée sur le bord de la route. Et oui, parfois la vie est une salope, et non, ce qui nous arrive n’a pas de sens. Parfois, ça ne va pas. On pleure, assise sur un tas de fumier puant, censé être notre existence. Il y a des enfants qui meurent, des maris qui trompent leur femme et inversement, des violences conjugales, des abus émotionnels, physiques et sexuels. Des cancers qui bouffent la vie, des accidents qui la stoppent, des trahisons qui la gangrènent, des pervers qui la gâchent. Et le terrorisme qui la déchire.

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Alors parfois, être fabuleuse ne dépend pas de ce qui nous arrive. Ni de ce que nous faisons ou ne faisons pas. Parfois, être fabuleuse, c’est se laisser le temps de guérir, de pleurer, de saigner, de nettoyer ses plaies, prendre soin de son âme. S’octroyer un temps de convalescence. Et puis un jour, on retrouve des forces, on se remet debout, on ose à nouveau. On accepte que nos blessures aient pu contribuer à faire de nous la personne que nous sommes, et à nous donner une bonne dose de compassion pour les gens qui nous entourent. Oui, parfois on a des cicatrices, et elles peuvent nous rendre belle, unique, et ces tissus qui ont été blessés deviennent des tissus forts, résistants… même si pour toujours, ils resteront notre zone de turbulence à nous. Quel qu’il soit, votre ballon de plage a le droit de sortir de l’eau, d’éclabousser votre vie et même celle de vos proches. Lâcher le ballon, c’est ça aussi, être fabuleuse. 

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“En étant vous-même, vous apportez quelque chose dans le monde qui n’était pas là auparavant.” Edwin Elliot Certaines de mes amies savent coudre leurs propres robes. Certaines autres font des gâteaux d’anniversaire en forme de camion de pompiers, habillent leurs enfants avec style, les emmènent au musée et ont tous les jours une nouvelle idée de travaux manuels à faire avec eux. J’aimerais bien être comme elles. J’aimerais aussi savoir me maquiller mieux que juste mettre un peu de mascara de temps en temps. - 107 -


S

auf que moi, ce n’est pas ça. Moi, je suis une maman en jean, cheveux courts, coiffure asymétrique, entretien zéro et coiffage facile. Moi je suis une maman rat de bibliothèque, jamais très loin de mes livres pour être sûre de ne pas rater une information. Je suis une maman qui fait des conférences et qui fait rire le public avec ses histoires de chaussettes trouées. Je suis une maman qui aime bien raconter sa vie et qui écrit avec du Céline Dion à fond dans les oreilles.

Moi, je suis la maman qui désencombre une fois pour toutes, pour ne plus jamais avoir à ranger. Moi je suis la maman qui ne sait faire que des gâteaux où il n’y a pas besoin de monter les blancs en neige. Je suis une maman qui aime se lever tôt pour accomplir plein de choses. Je suis assez disciplinée, parfois à la limite de l’obsession. J’ai un côté un peu psychorigide (vient-il de mes racines alsaciennes : efficacité à tout prix ?) J’ai essayé, bien sûr, de devenir quelqu’un d’autre : plus souple, plus cool, plus manuelle, plus spontanée. J’ai perdu mon temps, mes précieux nerfs, je me suis fait des cheveux blancs et au bout du compte, celles à qui je voulais ressembler... elles voulaient devenir comme moi. L’hyper flexible me dit “j’aimerais bien être aussi organisée que toi”, l’hyper chic me dit “sortir sans maquillage, je n’en aurais jamais la force, j’aimerais tant avoir ton assurance”,

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l’hyper débrouillarde me dit “j’aimerais bien écrire comme toi”. Avez-vous déjà remarqué que dans les romans pour enfants, rares sont les héros qui savent tout faire ? Ces aventures sont menées par une fine équipe où chacun a ses dons : elle est experte en nature, lui en histoire, celui-là est sportif, celle-ci est fine et légère… Comment a-t-on fait pour oublier si vite que c’est la diversité qui nous enrichit, et qu’être soi plutôt que de se conformer au moule, c’est rendre service au monde ? Chacune d’entre nous possède des dons et des talents. Si nous les partageons, nous donnons un sens et une intention à notre vie. Si nous les laissons inexploités, nous nous sentons déconnectée, nous avons un sentiment de vide, de frustration, de ressentiment, voire de peur. “Oui mais mes dons… comment les reconnaître ?” Vos dons, ce sont les choses : • • •

qui vous font oublier le temps qui passe qui font battre votre coeur plus vite qui font d’une journée normale, une journée réussie

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Ce sont ces activités, cette manière d’être, ce talent qui vous semble tellement naturel que vous pensez qu’il est normal : “Des choux à la crème ? Tout le monde sait faire ça !” Eh bien non, tout le monde ne sait pas ! “Parler de sa vie devant un petit groupe ? C’est donné à tout le monde !” Eh bien non, ce n’est pas donné à tout le monde. C’est un don ! Vos dons, ce sont ces activités de luxe sur votre to-do-list, celles que vous gardez pour “quand vous aurez un moment”. Et c’est là l’erreur ! Pour exercer un talent, il faut trouver un moyen de s’épanouir dans des activités importantes mais pas urgentes, qui sont là pour m’aider à ne pas me déconnecter de moi-même. En ce sens, ces activités ne sont peut-être pas productives, mais elles sont essentielles. Oui, même si c’est dessiner, tricoter, lire des articles scientifiques, prendre des cours de danse, apprendre le piano ou l’italien ! “Et mes enfants ? Et mon ménage ? Et mon mari, mes amis : j’en fais quoi ?” Pas de panique, ils gagneront au change : ils profiteront d’une maman qui vit pleinement, même si ça rend certaines autres choses moins agréables… Peut-être devrontils s’investir un peu plus dans certaines tâches quotidiennes. “Oui mais moi, j’ai vécu trop de choses difficiles. Je n’ai pas le coeur à m’amuser.” Et si votre inspiration se trouvait justement dans votre blessure ? Oser créer en étant soi, c’est - 110 -


aussi accepter que nos plus grandes défaites sont notre plus beau message. C’est aller à la rencontre de ceux qui souffrent des mêmes souffrances et leur dire : “Tu vois, je suis passée par là, je peux me tenir ici avec toi”. Ce que je fais ne ressemble en rien à ce que font mes amies, peu de gens dans mon entourage comprennent quand je dis que je travaille “à écrire quelque chose”, beaucoup de gens n’aiment pas ce que je fais et certains n’hésitent pas à me le faire savoir avec parfois une bonne dose de mépris. Mais peu m’importe. Je ne peux pas être comprise par tout le monde. Je ne peux pas plaire à tout le monde. Quand mes livres sont ouverts sur mon bureau, quand mes doigts jouent une petite musique cliquetante sur le clavier de mon ordinateur, quand je croque un nouveau texte, une nouvelle histoire, je vole dans mes hauteurs, je déploie mes ailes et je savoure le paysage, mon paysage de prédilection. Quel est le vôtre ? 

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Ne te demande pas de quoi le monde a besoin. Demande-toi ce qui t’éveille à la vie, puis fais-le. Car ce dont le monde a besoin, c’est d’êtres qui se sont éveillés à la vie. Howard Thurman - 112 -


“Il faut un village pour élever un enfant.” À ceux qui prônent honorablement l’expression bien-pensante mentionnée plus haut, j’ai envie de répondre que je préférerais mille fois ceci : que le village se mêle de ce qui le regarde.

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Non, il ne faut pas un village pour élever un enfant... Sauf si la voisine, au lieu de me prévenir, dix mois dans l’année, que les petits vont prendre froid sans leur bonnet, me disait au moins une fois par an qu’elle aime bien m’entendre rire avec eux, le soir quand je les mets au lit. Sauf si les autres passagers du bus m’aidaient à descendre ma poussette plutôt que de geindre derrière moi parce que je suis si lente à sortir. Sauf si la maîtresse pouvait me dire de temps en temps ce qu’elle aime chez mon enfant plutôt que de râler sur ses mauvaises habitudes. Sauf si les autres mamans ne me mitraillaient pas de leurs regards noirs chaque fois que mon petit remonte encore le toboggan à l’envers. Sauf si les générations d’avant cessaient de nous dire combien leurs enfants étaient mieux élevés et combien nos enfants sont de sacrés petits morveux-pourris-gâtés-accros-à-la-télé.

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Sauf si plutôt que de me faire la morale parce que mes petits ne savent pas tenir assis dans un caddie, la dame me faisait un sourire complice comme pour dire : “Pas évident de faire les courses quand on a deux enfants de moins de trois ans !” S’il faut un village pour élever un enfant, c’est peut-être tout simplement parce que nos rejetons ont besoin d’une maman qui se sente aimée et entourée. D’une maman qui sache où trouver de l’aide sans être jugée. D’une maman qui sache que personne ne l’épie à longueur de journée, à l’affût de ce qu’elle pourrait faire mieux. S’il faut un village pour élever un enfant, c’est peut-être tout simplement parce que toutes les mères ont besoin d’entendre qu’au fond, elles sont à leur place et bel et bien fabuleuses. 

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Soyez un encouragement, le monde comporte dĂŠjĂ assez de critiques. - 116 -


Quelque chose de sacré se produit entre deux mères, quand l’une d’elles dit “moi aussi”. La fameuse scène de la table à langer. Ce scenario effroyable qui n’arrive que chez les autres. Jusqu’à ce qu’un beau matin, on retrouve son bébé par terre. - 117 -


O

ption 1, la plus répandue : ne pas en parler, jamais, à personne. Rester seule avec sa honte. Et laisser penser à tous les autres parents qu’eux aussi sont les seuls coupables d’une telle ignominie.

Option 2, la plus terrible : avoir le courage d’exprimer son désarroi et obtenir en retour un “Comment as-tu pu faire une chose pareille ?”, ou, pire, un silence. Option 3, la plus puissante : ouvrir son coeur et se voir répondre : “Comment va le petit ? Moi aussi, ça m’est arrivé. Incroyable comme on se sent mal après, n’est-ce pas ? Cela va tellement vite. Deux petites secondes, et il est par terre. Quel choc. T’en fais pas, je connais plein de parents à qui c’est arrivé.” Une force immense se dégage lorsque deux personnes se rencontrent vraiment. Lorsque la première a le courage de se raconter et lorsque la deuxième a le courage d’écouter, de ne pas dire une phrase toute faite, mais de dire “moi aussi”. C’est ouvrir un peu la cage qui se forme autour de la poitrine de l’autre, pour lui envoyer une bouffée d’air… C’est lui montrer qu’elle peut faire quelques pas en arrière et ne pas se laisser dévorer par l’émotion qui est à l’intérieur.

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Cela fonctionne pour les chutes au bas de la table à langer, pour les ados qui déraillent, les couples qui se disputent, les enfants qui ne savent pas se tenir : c’est incroyable comme on se sent déjà mieux, dès le moment où l’on sait qu’on n’est pas seule à faire face à ces difficultés. Il y a quelques années, je suis partie en vacances en laissant tourner la machine à laver. Lorsque je suis revenue dix jours plus tard, la machine avait lâché et l’eau n’avait cessé de couler. Pendant dix jours entiers. Les murs, le plancher, les meubles regorgeaient d’eau. Pire encore : nous étions locataires ; j’avais détruit la maison de quelqu’un d’autre et causé des soucis à notre propriétaire. Je le savais, pourtant, qu’on ne laisse jamais tourner une machine en son absence. Pendant plusieurs jours entiers, j’ai cru que j’allais mourir de honte. Jusqu’à ce qu’une personne bienveillante me dise “moi aussi”. La honte est une émotion qui, en un quart de seconde, nous prend à la gorge, pour nous torturer à vie. Pour commencer à désamorcer la honte, il faut la nommer. Lorsque l’on ose dire les choses, les mots nous libèrent. “Tu sais, je me sens mal, j’ai fait tomber le bébé de la table à langer, j’ai manqué

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le spectacle de danse de ma fille, j’ai envoyé un message par erreur à la mauvaise personne… et depuis ça me travaille, j’ai comme une boule dans la gorge”. La honte n’a de prise sur nous que parce qu’on pense être seul, et que si les autres savaient, ils pourraient ne pas nous aimer ou encore pire, nous rejeter. Et c’est bien pour cela que les mots “moi aussi” sont magiques. Parce que j’appelle au secours, parce que quelqu’un entend, comprend et dit : “Tu peux m’en parler, je sais l’entendre et au lieu de te faire la morale, je peux me tenir là, avec toi, dans cet endroit désagréable et sombre”. C’est ce qu’on appelle l’empathie : “Je cherche à me mettre dans tes chaussures, à reconnaître chez moi le sentiment que tu es peut-être en train de ressentir”. Je ne dis pas : “Ce n’est pas grave que ton enfant soit tombé de la table à langer”. Je dis : “Je sais que c’est un sentiment de culpabilité terrible, ça m’est aussi arrivé. Non, tu n’es pas un mauvais père ou une mauvaise mère parce que ça t’est arrivé. Tu as fait une erreur et tu n’es pas le seul à faire des erreurs. Merci pour ta confiance. Je t’apprécie toujours autant”.

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La réussite comme on nous l’a enseignée, c’est faire cavalier seul. C’est même écraser l’autre, juste un peu, pour se donner l’impression d’être meilleur. Être self-made, autodidacte, et ne devoir sa réussite qu’à soi-même. On pense être du côté des bons lorsque tout fonctionne bien, sans que l’on ait eu besoin d’aide extérieure. “Nous avons divisé le monde en deux camps : ceux qui proposent leur aide et ceux qui ont besoin d’aide. En réalité, nous sommes dans les deux camps.” 1 Non seulement nous sommes dans les deux camps, mais encore il est bon que nous soyons dans les deux camps. Parce qu’en apprenant à être aidée, nous apprenons à aider mieux et avec plus de compassion. 

1

Brené Brown, La force de l’imperfection, éd. Quotidien Malin, 2014, p.47

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L’une des raisons qui font que l’empathie et la compassion sont si puissantes, c’est qu’elles expriment à quelqu’un : “Je peux entendre ça. C’est dur, mais je peux me tenir dans cet espace avec toi.” Brené Brown

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Elles postent un selfie, coiffées d’une charlotte, pour nous prévenir qu’elle sont « à 7 », prêtes à passer en salle d’accouchement. Elles inondent nos fils d’actualité avec les dernières nouvelles de la purée de carotte de leur chérubin. Elles mettent en scène leur vie de famille avant de la publier sur Instagram, en prenant bien soin d’y appliquer un filtre assez discret pour feindre le naturel. Elles sont trop absorbées par leur smartphone pour remarquer que leurs rejetons remontent le toboggan, bloquant ainsi une dizaine de petits innocents.

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Elles jalousent les blogueuses qui ne vêtissent leur progéniture que de marinières made in France. Elles se rassurent en constatant que leur belle-soeur est encore plus accro à Facebook. Elles ont un smartphone greffé à l’extrémité du bras droit, et lorsqu’elles l’oublient pour la journée, elles ne sont pas loin du trouble anxieux généralisé.

C

ertains parleront de dépendance, d’autres de relations dangereusement virtualisées.

Déplacer un tas de linge sale pour montrer le seul mètre carré du salon qui est en ordre, prendre un selfie de son plus beau profil, choisir le bon filtre et comme par magie, faire disparaître les taches de lait caillé de la surface du fauteuil. Vanter les réussites scolaires des enfants, glisser une adorable petite déclaration d’amour à son époux… que, par un incroyable concours de circonstances, 537 amis liront. Des regards convulsifs sur les photos parfaites des autres, comme pour se faire du mal, comme feuilleter un magazine de jardinage lorsqu’on vit au quinzième étage d’une tour de béton. Que génère ce flot d’informations sur nos systèmes nerveux de mamans fatiguées, gangrenées par cette fâcheuse tendance à croire que tout le monde fait mieux que nous ? Il remet une - 124 -


couche de culpabilité sur notre imperfection anxieuse. Et il renforce notre profond sentiment de solitude : plus entourée, mais bien plus seule, le lien entre dépression et utilisation importante des réseaux sociaux étant lié, selon les chercheurs, à la “comparaison sociale”1. Avant de jeter le bébé avec l’eau du bain, cherchons à comprendre : ces amitiés virtuelles sont de véritables échanges. Elles répondent à un besoin humain fondamental : appartenir, sortir de l’isolement, partager, échanger, demander de l’aide... si et seulement si nous osons utiliser ces réseaux virtuels de manière authentique, ouverte et que nous n’en négligeons pas pour autant notre réseau social traditionnel. Les deux réseaux peuvent se compléter à merveille : nos amies connectées nous portent et nous encouragent à leur manière. Comme cette bouteille jetée sur le web : “Il est 22 heures, le petit tousse, la nuit va être compliquée et je suis déjà à bout.” Et comme cinq réponses réconfortantes de la part d’autres mères qui peuvent comprendre. Comme cet article que nous lisons en pyjama et qui nous fait pleurer parce qu’il nous rappelle que nous sommes loin d’être la seule à nous sentir submergée par le doute d’être une mauvaise mère. 1

http://www.huffingtonpost.fr/2016/05/19/reseaux-sociaux-depression_n_10046924.html

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Comme cette image stupide qui nous fait pouffer de rire pendant la sieste du petit dernier. Comme ces mots échangés, ces expériences partagées, ces idées mises en commun, qui alimentent et facilitent le quotidien. Les réseaux sociaux ne sont pas aussi nouveaux qu’on le dit. Le besoin d’appartenir et celui d’être en relation sont profondément ancrés dans la nature humaine. Mais pour les familles, les temps changent. L’époque n’est pas si ancienne, où trois ou quatre générations pouvaient vivre sous un même toit. La famille mononucléaire est devenue la norme. Même si on dénombre ainsi une baisse considérable des inextricables conflits liés aux belles-mères, le support social est étriqué. La communion, les relations, l’expertise de l’autre, l’aide et le partage sont restreints et certaines personnes, dont les jeunes mères, se retrouvent seules durant la grande majorité de leurs journées. Certes, internet a ses absurdités. Mais reconnaissons-lui la force de rassembler les gens. Bien entendu, certains groupes

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de mères parfaites pourraient vous déprimer à vie à propos des coiffures ratées (voire inexistantes) de vos filles, de votre absence de talent de couturière et de l’état lamentable de votre jardin… Mais il en est de même dans la réalité. À nous de choisir où poser notre regard et sur quelle voix porter notre attention. Et surtout : à nous de choisir comment nous voulons utiliser notre voix, nos mots et nos photos sur ces réseaux. Voulons-nous participer à la surenchère du mieux et du meilleur ? Ou osons-nous être authentiques et partager nos coups de mou, nos coins en désordre, nos photos un peu moins parfaites ? Juste parce que c’est la vraie vie ? Et parce qu’être fabuleuse, c’est aussi aimer notre vie ordinaire ? 

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Il n’est pas de pire solitude que celle qui naît de l’indifférence des autres. Martin Gray - 128 -


Et si l’on arrêtait de se mentir ? Sourire bright, tête haute, poussette double, adorables têtes blondes. Qui pouvait se douter de mon état ? Le monde entier ignorait que j’étais à bout de forces, de nerfs, de souffle. Sauf peut-être la voisine, qui m’entendait crier à longueur de journée. Et mon mari qui assistait, désarmé, à la grimpée de cette insaisissable confusion. Je me sentais nulle, incapable, coupable. Dans mes efforts pour réprimer la “mauvaise mère” qui était en moi, je n’avais pas saisi l’essentiel : j’étais fatiguée, tout simplement. - 129 -


Q

u’est-ce qui m’avait empêchée de me l’avouer à moi-même ? Pourquoi avais-je trop honte d’être épuisée pour enfin le reconnaître ? Mon entourage ne comptait que des mères d’apparence parfaite.

J’en faisais partie, jouant sur les réseaux sociaux, dans les supermarchés ou les aires de jeux à la mère de jumeaux qui assure à tous les niveaux. Je me suis rendue complice d’une imposture qui date de la nuit des temps, et qui laisse penser à chaque femme qu’elle est la seule mauvaise mère. Combien de fois a-t-on demandé de mes nouvelles, et combien de fois ai-je répondu avec un large sourire que tout allait bien, comme pour faire mentir les statistiques sur les jeunes parents en détresse, pour ensuite m’effondrer en larmes au volant de ma voiture ? C’est à la lecture du témoignage d’une autre maman de jumeaux à bout de forces que le tabou s’est brisé : je me mentais avant tout à moi-même. Je faisais tout pour garder en vie mon idéal de la mère parfaite. J’étais en congé parental : avais-je seulement le droit de me sentir dépassée par les événements ? Penser que je pouvais aller mal, était-ce seulement une option ? Aidée par une culture

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de la perfection (génération contraception : “Cet enfant, tu l’as voulu, tu dois le réussir”), je m’étais construite l’image mentale d’une vie de famille qui irait de soi. Sauf qu’elle s’est avérée ressembler à un slalom géant entre couches, biberons, nuits sans sommeil, crises de colère, pression financière, et désir de rester amoureux malgré tout. Cette sensation désagréable de ne plus m’appartenir à moi-même, ou comme l’aurait dit mon mari, de grand désenchantement. Jusqu’au jour où, perdue au milieu d’un tas de linge sale, yeux cernés, corps fatigué, vêtements dépareillés et enfants déchaînés, j’ai arrété de me mentir. Oui, c’était dur pour moi d’être mère. Oui, la vie de famille avait un prix. Oui, j’avais le droit d’être imparfaite, et c’est justement dans cette bienveillance envers moi-même que j’allais pouvoir puiser la force de déléguer, d’oser demander de l’aide, de trouver du temps pour moi. À l’heure où, dans l’indifférence générale, trop de femmes s’enfoncent dans l’épuisement et la culpabilité, il est temps que le burn out maternel devienne une priorité de santé publique. Et que des hommes aient enfin le courage de parler de burn out paternel. Et que l’on ose parler de burn out conjugal,

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puisque la fatigue physique et émotionnelle peut avoir des conséquences dramatiques sur notre vie sentimentale : il paraît qu’un divorce sur trois est imputable aux pleurs des bébés1 ! Quoi qu’il en soit, en attendant que leur entourage reconnaisse qu’ils sont dangereusement fatigués, je souhaite aux parents épuisés d’avoir assez de bienveillance envers eux-mêmes pour commencer par l’admettre. Je leur souhaite de goûter à ce doux sentiment de liberté qui nous envahit lorsque nous cessons de prétendre que tout va bien quand ce n’est pas le cas… C’est sacrément éreintant de faire bonne figure tout le temps ! 

1

Sondage organisé par la chaîne britannique Channel 4, http://www.marieclaire. fr/,les-nouveaux-parents-perdent-trois-heures-de-sommeil-par-nuit,700729.asp

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C’est ma psy qui la première a diagnostiqué le mal en question : “Hélène, tu t’agrippes”. Qui sait si avant d’être une vieille mégère antipathique, la belle-mère de Cendrillon n’était-elle pas aussi une jolie princesse douce et aimable ? Que s’est-il passé pour qu’elle devienne aussi désagréable et aussi méchante ? Combien de mères assistent-elles, désarmées, au spectacle dont elles sont elles-mêmes l’actrice principale, et où l’héroïne devient précisément la femme qu’elles voulaient à tout prix ne jamais devenir ? - 135 -


M

oi, je voulais être disponible, aimante et épanouie. Et puis j’ai eu des enfants. Et je me suis mise à crier, à bouder, à râler. J’avais tout ce dont j’avais toujours rêvé, mais je n’étais pas celle que j’avais toujours rêvé d’être.

“Hélène, tu t’agrippes”. C’est ça. Je m’agrippe. Je m’agrippe à cette photo qui s’est incrustée dans mon fil d’actualité Facebook, avec pour objectif évident de me faire rager de jalousie. Je m’agrippe à la remarque désobligeante de la caissière à propos de mes enfants survoltés. Je m’agrippe à cette énième histoire de clés égarées dans les méandres de mon sac à mains, à l’origine d’une énième conversation musclée. Je m’agrippe à cet e-mail un brin vilain, que je connais par coeur à force de me le répéter en boucle. Je m’agrippe à cet ordinateur que j’ai cassé avec du Earl Grey Russe. Je m’agrippe à la fureur d’avoir (encore) marché dans une flaque d’urine de chiot (Seigneur, qu’avons-nous fait ?) Je m’agrippe à la mauvaise humeur matinale d’un jeune garçon occupé à décharger sa frustration sur ledit chiot innocent. Je m’agrippe à la honte d’avoir poussé des cris. Et tout cela, bien avant dix heures du matin.

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Je m’agrippe. Je me cramponne. Je me raccroche à la première frustration venue. Parce qu’au fond, c’est bon de s’agripper. Et puis, c’est plus facile que de laisser tomber. Alors quid de Cendrillon ? Comment ne pas devenir la reinemère acariâtre ? Et si tout se résumait à notre capacité à lâcher l’affaire ? En parlant de princesses, je m’adresse à la génération Reine des Neiges : avez-vous remarqué que dans la VO, elle chante “Let it goooo, let it goooo” ? J’ai créé ma propre version de la chanson. Je me la chante à moi-même, pour changer le dialogue intérieur de ma tête couronnée : “Ton chéri a omis de te remercier pour l’impeccable rangée de slips propres qui comble son tiroir ? Laisse tombeeeer, laisse tombeeeer ! Tu as vu sur ton smartphone que la bimbo de service va avoir un bébé et tu es persuadée qu’elle va encore

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s’arranger pour tout faire mieux que toi ? Laisse tombeeeer, laisse tombeeeer ! Tu es persuadée d’être une mère nulle ? Laisse tombeeeer, laisse tombeeeer !” J’ai laissé tomber mon image photoshopée de la femme, de la mère idéale. J’ai commencé à m’agripper, mais à mes convictions, à mes rêves, à ma foi, à mon droit d’être imparfaite et d’avoir une vie imparfaite. 

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C’est vous qui avez la télécommande de vos pensées. Changez de chaîne !

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21 heures. Coup d’envoi de France-Allemagne. Elle : “Il faut qu’on parle” Lui : “Oui…” Elle : (un discours à propos de la grande qui veut aller au cinéma avec son copain, le terrorisme, “quelque chose a changé entre nous” en passant par la case “on va chez tes parents ou mes parents pour Noël ?”) Lui : (silence suspect) “Tu m’écoutes au moins ?” “Oui. T’as fini là ?” “Mais tu en dis quoi ?” “Mets ta robe verte ce sera bien.” - 141 -


C

ommunication dans le couple : terrain miné ! Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que l’autre veut entendre, ce qu’il entend, ce qu’il croit en comprendre, ce qu’il veut en comprendre et ce qu’il comprend, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre et quatre milliards de possibilités de mal l’interpréter ! Pas facile de se parler, d’autant plus quand nos rares conversations sont interrompues à coup sûr par une couche à changer, une dispute entre frère et soeur à arbitrer ou un enfant à stopper avant qu’il ne se coupe les cheveux à l’aide d’un couteau de cuisine (avec pour objectif évident de captiver le monopole de l’attention). Pourtant, même lorsque l’on attend que les enfants dorment pour lancer un “faut qu’on parle”, on a l’impression de parler chinois à un brésilien. Combien de temps serons-nous condamnées à subir ces interférences ? Fort longtemps ! Mais avec quelques ajustements, on pourra simplifier (un peu) la tâche. Avec pour effet immédiat de se sentir un peu moins incapable de faire marcher son couple !

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Prête pour les 10 règles du jeu de la communication à deux ? 1. Je parle à la première personne : “Je ne me sens pas respectée lorsque tu laisses traîner tes slips”, et non pas “Tu me manques de respect lorsque tu laisses traîner tes slips” (soit dit en passant : avez-vous compté combien de fois le mot “slip” apparaît dans ce livre ?) 2. J’écoute vraiment, sans penser à ma prochaine réponse, même si cet impertinent est en train de m’accuser d’avoir oublié le pain 3. Si je ne comprends pas, plutôt que d’interpréter, je… demande, tout simplement. 4. Je ne pars jamais du principe que mon partenaire peut lire dans mes pensées ou anticiper mes désirs (Vous vous demandez s’il a réservé une table dans un restaurant bio pour votre anniversaire ? La réponse est non !) 5. Je choisis mon moment : autant que possible, j’évite de lancer un sujet brûlant quand aucun de nous deux n’a dormi plus de quatre heures de suite, qu’il est au volant ou que mes hormones font la fête mensuelle.

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6. J’apprends par coeur ce doux refrain : “Il existe un choix fondamental à faire dans la vie : être heureux ou bien avoir raison”1 ! 7. Mon fabuleux a horreur de parler ? J’essaie d’observer ce que disent ses actes, ses attitudes, les expressions sur son visage. 8. Je me souviens que certaines personnes (de sexe masculin) n’ont que très peu de vocabulaire pour exprimer leurs émotions… Là où vous voyez “fuschia”, “lilas”, “vieux rose” ou “bordeaux”, il ne voit peutêtre bien que du “rouge” ! 9. Je me souviens que souvent, les conversations les plus édifiantes n’ont pas été planifiées et ne sont pas formelles. Elles découlent d’une activité à deux : d’énormes sacs de noeuds ont été démêlés en faisant la vaisselle ou en nettoyant la voiture ! 10. Je pars toujours du principe que j’ai le droit à l’erreur… et l’autre aussi. Après tout, nous formons une bien belle équipe de fabuleux ! 

1

Thomas d‘Ansembourg, Cessez d‘être gentil, soyez vrai, les éditions de l‘homme

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Être débordée est devenue une norme… à laquelle rien ne nous oblige à nous soumettre ! J’avais fait trois lessives. Pourtant, le panier à linge débordait. J’avais passé l’aspirateur. Pourtant, de nouvelles miettes gisaient sur le tapis du salon. J’avais pu répondre à quelques e-mails, mais ma boîte de réception était pleine à craquer. En rentrant du bureau, mon fabuleux m’a posé la grande question : « Tu as fait quoi aujourd’hui ? » - 147 -


«…»

C

e que je savais, c’est que j’avais été dans ma maison avec mes enfants. Mais qu’avais-je accompli ? Et surtout, pourquoi me sentais-je obligée de prouver à tout prix que j’avais été capable d’achever des tâches mesurables ? “Et toi ça va ?” “Ça va, débordée mais ça va.” Avez-vous remarqué comme cette formule est devenue la réponse par défaut de la majorité d’entre nous ? Être débordée, c’est tendance. Je dirais même plus : avoir le temps, c’est ringard ! Les recherches les plus sérieuses nous ont prévenus des effets du stress sur nos vies suroccupées. Pourtant, la norme est à un quotidien minuté, compressé, surchargé. Accomplir plus pour être plus. Ou pour paraître plus. “Et toi ça va ?” Vous n’entendrez certainement jamais une mère de famille vous répondre : “Ça va, j’ai le temps, donc ça va.” D’abord parce qu’une mère de famille n’a jamais le temps, ensuite parce si d’aventure elle avait du temps, elle ne vous l’avouerait pas. Ce serait alimenter votre suspicion de fainéantise… surtout si elle est au foyer. Car face à la

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méfiance d’une société qui ne sait reconnaître la rentabilité matérielle, nombreuses sont les mères qui se justifient en tentant d’énumérer le nombre incalculable de tâches qu’elles accomplissent dans le secret du foyer. Mais si une mère de famille vous avouait qu’elle a le temps, que lui reprocheriez-vous ? D’être entretenue ? D’être paresseuse ? D’être marginale ? Après tout, ne seriez-vous pas plutôt envieux de sa capacité à vivre pleinement sa vie actuelle ? Oui, les réalités économiques nous soumettent à des rythmes parfois intenables. Mais quelle est la part de pression que nous nous imposons à nous-mêmes, par peur de déplaire ou d’être hors cadre ? Qui a dit que la vraie vie doit être vécue au bord du précipice appelé burn out ? Et finalement, est-ce moins une question de temps qu’une question d’appréhension de la manière dont les autres jugent notre gestion du temps ? 

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Pour un enfant, avoir une conversation avec le chien, ce n’est pas du temps perdu. Janusz Korczak - 150 -


Aux fabuleuses entre les fabuleuses Fin de soirée, on se dit au revoir. Bisous, bonne semaine, bon courage : “Je vais en avoir besoin, de courage : mon homme part en déplacement professionnel. Je serai toute seule pendant huit jours !”

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“Ben non, tu ne seras pas toute seule ! Il y aura les enfants !” Rires nerveux. Le problème, ce n’est pas d’être seule. Être seule, j’en rêve. Le problème, c’est d’être seule avec eux. Jour 3. Je me couche immédiatement après avoir mis les enfants au lit, paralysée de fatigue. Je ferme les yeux et je pense à vous. Comment font-elles, toutes les mamans qui sont seules ? Voici ma standing ovation… •

aux fabuleuses qui gèrent seules la vie de famille, aussi pressées que des citrons

aux fabuleuses qui vivent avec une maladie chronique, plus généreuses en énergie que nous toutes réunies

aux jeunes fabuleuses, qui n’avaient pas compté sur un bébé si tôt

aux fabuleuses qui ont un enfant différent, qui ont appris

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à sortir des sentiers battus et qui se fichent du regard des gens •

aux fabuleuses qui ont su articuler une famille recomposée où chacun se sent accueilli

aux fabuleuses porteuses d’un handicap, victorieuses de milliers de petites batailles qui ne nous viendraient même pas à l’esprit

aux fabuleuses mamans adoptives, qui ont ouvert leur coeur à l’inconnu

aux fabuleuses mamans d’accueil, toujours prêtes à prendre le relais d’une enfance brisée

aux fabuleuses à petit budget, reines de l’astuce et du plan B

aux fabuleuses d’enfants à caractère détrempé qui leur en font voir de toutes les couleurs au supermarché

aux fabuleuses organisées, qui ont l’agenda serré comme un expresso

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aux fabuleuses en deuil, qui se lèvent tous les matins parce qu’il faut continuer à vivre

aux fabuleuses boules de nerfs, qui réagissent au quart de tour et vous motivent un groupe de mamans en un rien de temps

aux fabuleuses dans la lune, qui ont oublié les lingettes mais pas les mots tout doux

aux fabuleuses bidonnantes qui n’hésitent pas à rire de leurs plus belles bêtises

aux fabuleuses timides qui écoutent avec attention mais n’osent pas dire grand chose

Standing ovation juste pour vous dire bravo et merci… vous voir vivre, c’est beau. 

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“L’histoire de l’espèce humaine est celle d’hommes et de femmes qui se sous-estiment.” Abraham Maslow Dans le dédale de notre dialogue intérieur, il existe une imposture assez banale pour être ignorée, et assez sournoise pour que l’on s’y attarde un instant. - 157 -


C’est cette méprise de l’esprit qui nous engage à penser : • • • • •

“Je suis insignifiante”, lorsque notre conjoint est incapable de célébrer nos progrès “Je suis minable”, lorsque nos enfants tournent une scène de fin du monde au rayon charcuterie “Je suis égoïste”, lorsque nos amis traversent une mauvaise passe “Je suis incompétente”, lorsque notre ado n’en fait qu’à sa tête “Je suis bête”, lorsque l’itinéraire des vacances est bloqué par des travaux

À l’inverse, la même méprise fonctionne également à merveille dans nos esprits torturés, lorsqu’elle nous fait dire : • • • •

“Je n’ai aucun mérite”, lorsque nos enfants ont 18 au bac français “On a eu de la chance”, lorsque le déménagement s’est déroulé sans anicroche “C’est grâce à mon conjoint si je suis une personne enjouée” “La DRH est aveugle, c’est pour ça que j’ai décroché cette augmentation” - 158 -


Comme l’explique admirablement Florence Servan-Schreiber,­ il y a un lien étroit entre optimisme, pessimisme et estime de soi : •

le pessimisme, c’est dire “je suis tombée sur un examinateur sympa” si on réussit le permis, et dire “je suis une triple ratée” si on le rate ; l’optimisme, c’est dire “je suis tombée sur quelqu’un qui n’a pas la même sensibilité” lorsqu’un éditeur refuse notre manuscrit, et “j’ai un vrai talent” lorsqu’un autre le publie.

Autrement dit, le pessimiste s’octroie la responsabilité de ses échecs tandis que l’optimiste s’octroie la responsabilité de ses réussites ! Une maman optimiste garde bien précieusement les clés de son estime personnelle, tandis qu’une maman pessimiste confie ses clés au premier venu. La prochaine fois que votre bébé aura mal au ventre, allezvous dire “C’est de ma faute” ou allez-vous dire “Ce petit a des soucis intestinaux” ?

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Et lorsque votre aîné aura un D en calcul mental, allez-vous dire “Je suis pitoyable”, ou allez-vous dire “Il n’a pas la bosse des maths” ? Lorsque votre mari ne fera que râler, allez-vous dire “Je suis médiocre” ou allez-vous dire “Le bougre a besoin de se détendre” ? Lorsque vous réussirez votre prochain soufflé au fromage, allez-vous dire “Heureusement que j’ai un bon four” ou allezvous dire “Je suis un sacré cordon bleu” ? Et lorsque vos enfants vous feront d’énormes bisous gluants, allez-vous dire “Je ne mérite pas autant de reconnaissance”, ou “Je suis bigrement fabuleuse” ? Donnerez-vous votre trousseau de clés aux humeurs des autres, ou le garderez-vous pour vous ?

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Ce moment de la journée où le niveau d’énergie de vos enfants commence à monter, tandis que vous vous videz progressivement de toute forme de motivation. Cette tranche horaire sacrée, quelque part entre 18 et 20 heures, où l’éducation bienveillante n’a qu’à aller se faire foutre. Cette heure sombre où la première copine qui osera vous appeler pour prendre de vos nouvelles se verra expliquer en détail vos envies de meurtre. On fait quoi dans ces cas-là ? - 163 -


1. On vit par tranches de trente minutes. Une demi-heure à la fois. Au milieu des oreillers qui volent, des brosses à dents transformées en pinceaux pour redécorer la salle de bains et du ballet de petits êtres qui courent tout nus dans le couloir, on s’appuie sur la seule certitude inébranlable : le temps qui passe. “J’ai tenu trente minutes de plus. Je suis trop forte !” 2. On s’interdit de résoudre la question de leurs études supérieures. Fabuleuse, pas téméraire. Les questions épineuses, c’est pas pour ce soir ! D’abord, attraper ce Pokémon qui trimballe ses fesses roses d’une pièce à l’autre et dégainer ma plus belle prise de catch pour lui faire enfiler enfin son pyjama. 3. Autant de fois qu’il le faut, on se pose la question : “C’était quoi, déjà, ma priorité ?” “Leur apprendre la politesse ? Non. Être une mère aimante ? Je ne crois pas. Ah oui, je me souviens : que tous les membres de cette famille soient dans leurs lits respectifs sans s’être entretués.” 4. On se cache si l’on a décidé de s’offrir un petit remontant (barre chocolatée, banane ou raisins secs). Attention, si vous vous faites prendre, vous pourriez le regretter amèrement !

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5. On s’interdit de penser à sa meilleure copine qui reste si zen quand Marie-Pénélope et Baptistin mettent leurs pyjamas Ralph Lauren en embrassant “mère” trois fois pour la nuit. 6. On déblaie deux mètres carrés de Lego pour se coucher par terre au milieu d’une chambre en désordre. Depuis ce semblant de havre de paix, on lit à voix haute une petite histoire (si vous avez ce livre en mains, je parie que vous aimez les histoires). 7. On ne s’endort pas sur place ! Avant de fermer les yeux, bercée par le doux son de sa propre voix, on fait l’effort (surhumain, certes) de se lever pour gagner son lit. Pas la force de vous brosser les dents ni de vous mettre en pyjama ? Pas grave. Mais par respect pour vous-mêmes, ne vous endormez pas sur le sol d’une chambre d’enfants ! Ce serait quand même dommage de tomber dans les bras de Morphée au milieu d’une horde de playmobils armés juqu’aux dents. Bonne nuit… et à demain, six heures, pour la suite des événements. 

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Ma tête se pose sur l’oreiller. Je vais encore m’endormir comme une masse, pour me réveiller en panique au milieu de la nuit. Quatre heures du matin, l’heure de la to-do-list. Le syndrome de la mère de famille. Je suis seule, dans le noir, et je pense. Je pense trop, mal, confusément. Je pense à tout ce que je devrais faire, à tout ce que j’aurais dû faire, à tout ce que je devrais être. J’ai beau savoir que ce n’est pas une heure pour faire marcher ses neurones de manière optimale, je pense :

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“Ce n’est pas assez. Peu importe les efforts que tu fais et que tu feras, jamais tu n’atteindras la ligne d’arrivée. Et même si tu en atteins une, il y en aura toujours une nouvelle pour apparaître un peu plus loin”.

M

a vie est un chemin, et plus je cours, plus mes cibles s’éloignent. Ce n’est jamais fini. Je l’ai trouvé, moi, le mouvement perpétuel : c’est celui de ma machine à laver. La pile de linge ne fait que se muer d’une étape à la suivante. C’est le tempo endiablé du sale-mouillé-sec-plié-rangé-porté-sale… (Vous avez remarqué ? L’étape repassage n’a pas sa place sous mon toit.) Et puis un jour, le vêtement trop grand est devenu trop petit et ce sont d’autres tas de linge qui prennent le relais : garder-donner-jeter… Quatre heures du matin. L’heure de “je n’arrive pas à maigrir, ma fille ne sait pas encore nager, le frigo sent encore l’oeuf pourri, je n’arrive plus à accéder au grenier tellement il déborde, ça fait trois mois que les pneus sont lisses, c’est quand déjà la date limite de la déclaration d’impôts ?, je n’ai pas eu le temps de faire des courses, encore un jour où je ne vais pas manger de fruits, je sais bien qu’il est fan de camping mais il faut que j’arrive à le convaincre de réserver un bungalow,

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est-ce que j’ai répondu à Julie ?, je n’ai pas encore d’idée de cadeau pour l’anniversaire de ma belle-soeur, qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire à la voisine qui a un cancer ?” Je ne vais pas réussir à me rendormir et je le sais : ma gorge serrée confirme que je suis tombée dans le mauvais film. Un film où il manque toujours quelque chose et où je ne suis jamais assez (compétente, présente, cool, mince, intelligente, flexible, organisée, indépendante) pour jouer le rôle de l’héroïne. Mes épingles Pinterest me rappellent sans arrêt que c’est ma vie et que je dois la vivre. Le problème, c’est qu’elles me disent aussi comment je dois la vivre : être heureuse, faire un job qui me plaît, être mère, faire du sport, réussir socialement, manger bio et local... Alors forcément, en grattant juste un peu, il nous manque toujours quelque chose. D’ailleurs, puisque l’heure est à l’écologie responsable, ce qui nous manque, c’est peutêtre justement le fait d’expérimenter le manque en arrêtant de consommer à outrance. Bref, soyons claires : dans ce potpourri d’attentes, d’injonctions qui émanent de nous et des autres… je ne peux pas tout avoir !

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Certaines personnes sont prêtes à se contenter de leur bonheur bancal et un peu rustique, mais il y aura toujours quelqu’un pour leur rappeler que ce n’est pas suffisant. Une de mes amies a un mari qui ne parle que très peu. Bien sûr, le silence est pesant pour elle parfois, et bien sûr, elle aimerait qu’il change. Mais la plupart du temps, elle s’accommode de cette absence de mots et elle chérit tout l’amour qu’il lui montre, en dépit des heures passées dans le silence. Un jour, elle m’a dit : “Tu sais, je ne vais plus aux conférences sur la communication dans le couple. À chaque fois que j’y ai assisté, je rentrais en pensant que notre manière de vivre devait changer, parce qu’un couple devait parler plus. Oui mais en voulant changer les choses, je les empirais et j’étais encore plus malheureuse”. Ces amis sont mariés depuis plus de quarante ans et non, leurs schémas de communication ne seront jamais donnés en exemple. Cependant, qui sommes-nous pour leur dire que leur communication est mauvaise ? C’est leur manière d’être heureux… et pourquoi pas ? Oui, il y a parfois un grand canyon entre la personne que j’avais prévue d’être et les journées que je traverse. Entre ce qui devrait me rendre heureuse et ce que je fais vraiment de ma vie. Entre mes rêves et la réalité, entre mes plans et le

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quotidien. Comme ces éducateurs capables de cadrer des gros durs passés devant le juge pour enfants, mais complètement déstabilisés devant leur propre progéniture qui balance ses brocolis sur le sol, et qui se demandent pourquoi ils ne sont pas d’assez bons parents. Pas assez. Pas assez de contrôle sur la situation, pas assez de temps, pas assez de sommeil, pas assez de congés, de temps pour soi, de moments avec ses enfants, pas assez d’argent, pas assez de reconnaissance… Notre dialogue intérieur est en pilote automatique, réglé sur l’itinéraire tout tracé du pas assez, qui nous bouffe le peu d’énergie qu’il nous reste. Ce dialogue intérieur, c’est celui qui s’enclenche automatiquement dès que l’on vide et remplit le lave-vaisselle : “Tu me demandes pourquoi je suis fatiguée ? Tu crois que je n’ai rien à faire parce que je suis femme au foyer ? Tu n’en as aucune idée. Tu te dis que je suis une ratée ? Sur ce coup-là, tu as peut-être raison.” Et toute seule, comme une grande, je parviens à me mettre de mauvaise humeur, juste parce que je ressasse allègrement tout ce qui me manque. Comme un bovin qui fait passer la nourriture d’une poche d’estomac à l’autre, je laisse ces pensées

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me foutre en l’air ma matinée. D’ailleurs, je pourrais postuler pour que ma tête apparaisse en première de couverture de Faites vous-même votre malheur de Watzlawick... Quatre heures du matin : l’heure de changer de disque. L’heure de laisser tomber le réflexe du “c’est dingue tout ce que j’ai à faire et le peu de temps que j’ai pour le faire”… L’heure de chercher, comme une chasseuse de trésors, des pensées qui me portent : “Je suis en vie, je respire, c’est déjà tout un miracle, ma vie est assez, je suis assez.” Comme l’écrit Lynne Twist, “la suffisance est une expérience, un contexte que nous générons, une déclaration, une intime conviction que nous avons suffisamment de ce dont nous avons besoin et que nous avons suffisamment d’estime de nous-mêmes”1. Nous ne pouvons pas tout avoir. Nous ne pouvons pas tout être. Et il ne sert à rien de prétendre naïvement que tout va bien, pour tenter de s’en convaincre. Cet ouvrage n’a pas été rédigé pour vous dire que ce qui ne va pas, va… Mais plutôt

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Lynne Twist, L’âme de l’argent, Ariane, 2004

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que c’est votre vie, et que vous n’en aurez pas d’autre. Peutêtre bien que ce n’est pas la version de votre vie que vous aviez planifiée. Mais peut-être bien qu’au fond, elle vous plaît bien, cette vie. Même si certains la qualifieraient de “pas assez”. Peut-être bien que vous êtes au bord de la piscine, et que vous aimeriez sauter dans l’eau pour changer quelques fondamentaux. Sachez-le : ne pas choisir, c’est aussi choisir. Ne pas sauter dans l’eau, c’est choisir de rester au bord de la piscine. Si vous voulez du changement, c’est à vous de l’initier. Et si vous voulez changer depuis longtemps mais que vous n’y arrivez pas, vous avez le droit de demander de l’aide. Moi, c’est ma formidable thérapeute et mon fabuleux mari qui m’ont beaucoup aidée. Avec leur présence, leur regard extérieur et leurs encouragements, j’ai sauté plein de fois dans l’eau… Et ce n’est que le début. Parfois, à quatre heures du matin, je me réveille encore la tête pleine de “pas assez”. Et je me réponds : “Tu es fabuleuse, tu es toi, tu es en chemin et ça, c’est tout ce qu’il te faut”. 

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“Le moment présent est plus important que n’importe quelle période de votre vie, car c’est ce que vous faites aujourd’hui qui conditionne l’individu que vous devenez.” Hal Elrod C’était un jour pas tout à fait comme les autres. J’aurais droit à un après-midi entier, seule au monde. Quatre heures de liberté, que je m’étais employée à imaginer, usant de toutes sortes de stratagèmes logistiques destinés à m’éviter de perdre une seule minute de cette demi-journée hors du temps.

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Et puis le téléphone a sonné. “Je suis désolé. Je ne pourrai pas rentrer avant vingt-etune heure. C’est pas moi, c’est le client… Je suis vraiment navré.”

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’ai la gorge serrée et mes larmes se font entendre au bout du combiné. “C’est pas grave ma chérie, tu l’auras ton après-midi, il n’est pas annulé, juste reporté !”

Ses tentatives pour me consoler ne me suffisent pas et je continue à en faire des tonnes. Il décèle l’évidence : “Tu es en manque, ou quoi ?” Oui, c’est ça ! Je suis en manque ! En manque de temps. Tellement en manque que j’en veux à la gentille mamie qui me tient la jambe au marché. Depuis la naissance de mes jumeaux, le temps est devenu une denrée rare, trop rare pour ne pas la rentabiliser à 100%, trop précieuse pour la dilapider en futilités. J’ai besoin de ma dose, et je suis prête à payer un grand prix pour l’avoir. Alors je me dépêche. Je prends le temps de vitesse. Je suis même prête à me lever avant tout le monde, histoire d’écrire quelques lignes de plus. Et puis ils débarquent dans mon

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bureau. Et ça commence. Le slip et les chaussettes… et on se dépêche. Le sac et les chaussures… et plus vite que ça. Tout le monde dans la voiture… hop hop hop. Ann Voskamp le dit mieux que moi : “Je fonce, j’aboie, je leur tombe dessus ; et quand leurs grands yeux débordent de tristesse et qu’ils vont tomber de fatigue, je suis lessivée et c’est moi celle qui, toute pâle, reflète leur lassitude, prête à craquer, mes yeux mouillés de cette même souffrance absolue qu’ils endurent. Se dépêcher, ça nous fait du mal”1 . Plus je me débats dans le marécage de mon planning, plus je m’enfonce. En fait, ce n’est pas de plus de temps dont j’ai besoin. C’est d’assez de temps. Le temps, c’est mon héritage “Apprends-nous à bien compter nos jours”, disait le roi David : je dois apprendre, je veux apprendre à ralentir ma course effrénée. M’arrêter, ici et maintenant. Je n’ai pas eu mon après-midi à moi, mais je suis là, et c’est à moi seule de décider de racheter le temps. User de mes sens, et vivre. Une petite minute après l’autre : 1

Ann Voskamp, Mille cadeaux, éd. Farel, 2012, p.65

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regarder un enfant se brosser les dents, une fourmi déplacer une miette de pain, un mari lire un Picsou • toucher la table en bois du bureau d’une psy, le t-shirt trempé de la transpiration d’un adolescent, les cheveux bouclés d’une petite fille • écouter leur respiration (c’est mignon quand ça dort !) • savourer un thé chaud • sentir (OK, j’admets, ce n’est pas un bon exemple. Mais entre les couches du petit dernier et les aisselles de l’aîné, je suis sûre que vous trouverez un paquet de sucre vanillé à renifler) J’embrasse les saisons de mon existence. En hiver, le pommier ne produit rien. Il y a des saisons où vous ne produisez rien de visible (personne ne voit la couleur des six langes que vous changez chaque jour). J’ai le droit de m’accorder des temps de jachère. J’ai le droit, j’ai le devoir, même, de dire non, de ne pas tout faire, tout le temps. De laisser de côté des choses urgentes, pour faire des choses importantes. Il y a toujours du temps. Il faut juste apprendre à le chercher. Revêtir les lunettes de la gratitude et s’apercevoir qu’il est juste là, sous mes yeux : le temps de vivre une saison de ma vie qui ne reviendra pas.  - 178 -


OÙ QUE TU SOIS, SOIS-Y COMPLÈTEMENT. Elisabeth Eliott

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C’est l’album qui compte, pas la photo. “Je pense souvent à ma cousine. Les émotions sont toujours aussi fortes. Julie a été emportée par un cancer du cerveau. Elle avait trente-neuf ans et trois enfants de moins de quatorze ans. Je pense souvent à elle quand je fais les tartines des enfants ou quand je balaie ma cuisine. Et je me dis que j’ai de la chance. J’ai de la chance de balayer ma cuisine, d’avoir une table de petit déjeuner toute sale, de devoir conduire mes enfants à l’école. Toutes ces choses auxquelles je résistais avant, maintenant je me dis que j’ai de la chance de les vivre”1. 1

https://fabuleusesaufoyer.com/entretien-avec-christine-lewicki/

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À

la fin, on s’en fichera pas mal d’être allés au bout du monde, d’avoir décroché une remarquable augmentation ou de ce que les gens auront pensé de nous. À la fin, ce qu’on voudra, c’est encore un peu de temps pour sortir le chien sous la pluie, pour aspirer le paillasson, pour raconter une histoire, pour se brosser les dents en famille. Encore un peu de cette vie ordinaire à laquelle on aura tant résisté mais qui aura été notre vie. Ce n’est que lorsqu’ils quittent le nid que l’on regrette la pagaille semée par nos rejetons. Un jour, ils ne seront plus là et le silence nous fera mal aux oreilles. Un jour, on sera prête à tout pour encore un peu de jouets qui traînent sur le tapis du salon. Pas pour une somptueuse fête sous un chapiteau doré. Juste pour quelques moments ordinaires de la vie de tous les jours. C’est l’accumulation de beaucoup de moments ordinaires qui rend nos vies extraordinaires. Ce ne sont pas quelques arrêts sur image dans les moments exceptionnels qui définissent un passage sur Terre. C’est plutôt la tonalité que l’on aura su donner à notre vie banale.

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J’écris des livres, j’ai une vie qui bouge, marquée par mes valeurs et des projets qui m’électrisent. J’ai des enfants qui semblent bien se développer. Mon mari est amoureux de moi, et je suis amoureuse de lui. Mes amis ne se sont pas tous enfuis et la plupart d’entre eux savent me trouver quand ils ont besoin de moi. Je suis un peu hyperactive, un peu dans la lune et parfois, on me retrouve sous ma couette à pleurer les plus grosses larmes des plus gros crocodiles. Que vais-je laisser derrière moi ? Est-ce qu’un jour, je regretterai mes choix ? Au fond, qu’est-ce qui fait d’une vie, une vie réussie ? Je connais une grande dame de bientôt quatre-vingts ans qui a tout vécu : orpheline de père à huit ans, de mère à douze ans, veuve à quarante-sept ans, sur fond de persécution nazie, d’extrême pauvreté puis de cancer. Cette femme, c’est ma grand-mère et ces lignes sont pour elle. Parce qu’elle apprend l’anglais, parce qu’elle nous écrit sur WhatsApp, parce qu’elle fait les meilleurs bredele de Noël, parce qu’elle fabrique des coussins, parce qu’elle dénoyaute des cerises, parce qu’elle s’amuse avec mon chien, parce qu’elle fait des mots fléchés niveau 5. Si Mamita s’était arrêtée à certains clichés, elle aurait baissé les bras depuis longtemps. Mais elle n’est

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devenue ni amère ni misérable, parce qu’elle a compris que c’est l’album qui compte, pas la photo. C’est de la résilience ordinaire. C’est aimer sa vie jusqu’au bout, comme Terri St. Cloud : “Elle ne pouvait jamais revenir en arrière et améliorer certains détails. Elle ne pouvait qu’avancer et rendre l’ensemble magnifique.” Ce qui compte, c’est l’album tout entier. C’est ce que nous laissons derrière nous quand nous passons dans la vie de quelqu’un. La société regarde en pleurant les modèles parfaits. Elle ne le sait pas, mais ce qu’elle cherche en réalité, c’est la beauté ordinaire. Le monde ne cherche pas des gens sur-puissants dans leur extraordinaire efficacité, il cherche des gens dont les mains sont sales, les genoux écorchés, et les yeux parfois pleins de larmes. Des gens ordinaires, mais extraordinairement capables de voir l’invisible trésor caché dans les moments normaux de la vie. 

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Il n’existe que deux façons de vivre votre vie. L’une comme si rien n’était un miracle. L’autre comme si tout était un miracle. Albert Einstein - 185 -


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TABLE DES MATIÈRES Pensée 1 : “Vous faites quoi dans la vie ?” … p.11 Pensée 2 : Les coulisses du château … p.17 Pensée 3 : 95% … p.23 Pensée 4 : Leçon de surf … p.31 Pensée 5 : L’amour s’est caché dans le panier à linge … p.37 Pensée 6 : Frustration, mon amie … p.41 Pensée 7 : La maman que je ne suis pas … p.49 Pensée 8 : La dette … p.53 Pensée 9 : Adrénaline … p.61 Pensée 10 : Travailler pour gagner plus … p.67 Pensée 11 : La peste ou le choléra … p.73 Pensée 12 : Fait vaut mieux que parfait … p.79 Pensée 13 : Quand la vaisselle vole … p.83 Pensée 14 : Éden … p.89 Pensée 15 : Am stram gram … p.95

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Pensée 16 : Le ballon de plage … p.101 Pensée 17 : Le monde a besoin de vous … p.107 Pensée 18 : De quoi je me mêle ? … p.113 Pensée 19 : Les deux mots les plus puissants du monde … p.117 Pensée 20 : Mamans connectées … p.123 Pensée 21 : L’imposture des mauvaises mères … p.129 Pensée 22 : Pourquoi j’ai décidé de laisser tomber … p.135 Pensée 23 : “Faut qu’on parle” … p.141 Pensée 24 : “Ça va, débordée mais ça va” … p.147 Pensée 25 : Standing ovation … p.151 Pensée 26 : Le trousseau de clés … p.157 Pensée 27 : L’heure du crime … p.163 Pensée 28 : Le mouvement perpétuel … p.167 Pensée 29 : La valeur d’une minute … p.175 Pensée 30 : (Extra)ordinaire … p.181

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À PROPOS DE L’AUTEUR En 2012, Hélène Bonhomme vit l’arrivée de ses jumeaux comme un tsunami de couches, de biberons et de questions : “Suis-je nulle ? À quoi est-ce que je sers ? Ah bon, c’est ça être mère ?” Elle se met à interviewer des femmes inspirantes et part à la recherche de contenus pertinents sur l’art d’être une mère qui aime sa vie au XXIe siècle. C’est ainsi que voient le jour le site Fabuleuses au foyer, ainsi que le livre collaboratif illustré Il y a une fabuleuse dans chaque foyer (éditions Première Partie, 2015).

Aujourd’hui elle est bloggeuse, auteur, conférencière et chroniqueuse sur plusieurs médias nationaux. Des milliers de femmes se reconnaissent dans ses textes sincères, drôles et profonds, qui éveillent à la beauté et à l’ampleur de ce qui se joue derrière les portes de nos foyers. Hélène est mariée à David. Ils vivent près de Bordeaux avec leurs fils Adelin et Roman.

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RAPPELLE-MOI QUE JE SUIS FABULEUSE ! Les aléas de votre vie de maman vous font parfois oublier la fabuleuse qui est en vous ? Vous aimeriez pouvoir prendre un peu de recul sur votre quotidien aussi épuisant que fabuleux ? INSCRIVEZ-VOUS SUR :

fabuleusesaufoyer.com/newsletter Je vous enverrai gratuitement des e-mails qui vont vous inspirer et vous motiver ! En cadeau de bienvenue, vous recevrez mon e-book 10 clés pour révéler la fabuleuse qui est en vous .

Hélène Bonhomme

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www.FABULEUSESAUFOYER.com

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abuleuses au foyer est une communauté de digital mums qui cherchent à révéler la fabuleuse en chaque maman. Lancé par Hélène Bonhomme en mars 2014, le site réunit plusieurs dizaines de chroniqueuses qui partagent leurs humeurs, astuces et fous rires sur l’art d’être une maman au XXIe siècle. - 192 -


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IL Y A UNE FABULEUSE DANS CHAQUE FOYER

14 mamans révèlent la fabuleuse qui est en vous !

• On vous a dit que devenir maman, ce n’est que du bonheur ?

• Vous pensiez devenir une princesse fabuleuse, mais à

force de verres d’eau renversés et d’étagères vidées, votre niveau de patience ressemble plutôt à celui de la reine-mère grincheuse ? • Votre fil amstramgram vous montre des mamans au teint de fée, dans des intérieurs léchés avec des enfants surdoués ? • Vous vous demandez ce qui cloche chez vous ? - 194 -


Heureusement, vous pouvez découvrir :

• que vous êtes loin d’être la seule à user de stratagèmes pour vous rendre SEULE dans la salle du trône

• comment reprendre goût à cette vie ordinaire et pas toujours sexy

• pourquoi celle qui opère dans les coulisses de son château est forcément une fabuleuse • et en quoi cela n’a rien à voir avec être une parfaite fée du logis ! Enfin un livre pour raconter ce que l’histoire ne dit pas… et révéler la fabuleuse qui est en vous ! 50 pensées, à déguster au fil des jours, où vous apprendrez :

• que vous n’avez pas besoin d’être parfaite pour être fabuleuse

• que vous pouvez devenir moins exigeante envers vousmême

• que prendre du temps pour soi, c’est POSSIBLE • et que c’est même un service rendu à vos enfants et à votre conjoint !

www.fabuleusesaufoyer.com/livre - 195 -


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ÉCRIVEZ LA FABULEUSE HISTOIRE DE VOTRE VIE

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VOUS ÊTES FABULEUSE, ET ÇA CHANGE TOUT.

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OSEZ LA BIENVEILLANCE… ENVERS VOUS-MÊME.

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“ILS N’ONT PAS BESOIN D’UNE MAMAN PARFAITE. ILS ONT BESOIN DE MOI !”

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LES DEUX MOTS LES PLUS PUISSANTS DU MONDE : “MOI AUSSI”.

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ET SI LA NOUVELLE PERFECTION ÉTAIT L’IMPERFECTION HEUREUSE ?

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OSEZ LA BIENVEILLANCE… ENVERS VOUS-MÊME !

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étro, boulot, “au dodo”, “allez sur le pot”, “n’ouvre pas le frigo”, “tu as encore renversé la boîte de cacao”, “je ne suis pas au niveau”... Pas évident de cultiver la confiance en soi, quand notre vie de maman est un grand n’importe quoi qui se répète inlassablement ! Hélène Bonhomme vous invite à prendre un peu de recul sur ce quotidien survolté qui veut vous faire croire que vous n’êtes jamais assez mince, jamais assez compétente, jamais assez présente… pour découvrir que vous êtes juste assez fabuleuse, et que ça change tout ! Au fil de ces 30 pensées sincères, drôles et rassurantes, vous vous sentirez un peu moins seule. Vous refermerez ces pages avec le sourire et une certitude : pas besoin d’être parfaite pour être fabuleuse !

« Un voyage intelligent et bienveillant. » Florence Servan-Schreiber, auteure de 3 kifs par jour ISBN : 978-2-36526-121-0

EPP121

18 €

FABULEUSES AU FOYER

9 782365 261210

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