Architectures de petit bois histoire et applications contemporaines


22 juin 2023
Pierre RAFFIN
Licence 3
E535 - Rapport d’études
Année scolaire 2022 - 2023
École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon
22 juin 2023
Pierre RAFFIN
Licence 3
E535 - Rapport d’études
Année scolaire 2022 - 2023
École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon
Avant de commencer ce rapport, j’aimerais faire un petit aparté sur les raisons qui m’ont poussé à le rédiger.
Lors de ma première année à l’école, j’ai effectué un stage ouvrier dans une entreprise de charpente. Mon maître de stage, un compagnon expérimenté et enseignant me montra plusieurs livres sur l’art du trait. La construction bois m’intéressait déjà depuis un moment et avant de commencer mes études, j’étais déjà fasciné par l’architecture japonaise et l’ingéniosité dont faisait preuve les architectes pour créer ces structures. J’ai plus tard dans l’année participé en duo à un concours sur les matériaux biosourcés. Lors de nos recherches, nous nous sommes intéressés au travail de Philibert de l’Orme et Friedrich Zollinger sur les charpentes à petit bois. Ces systèmes m’ont beaucoup intéressé de par leur aspect simple et ingénieux et leur façon de répondre aux problématiques de leur époque. À partir de ces recherches, une nouvelle perspective s’est ouverte à moi : j’ai découvert qu’il existait à travers l’histoire énormément d’architectes qui avaient mis au point des systèmes constructifs tous plus ingénieux et créatifs les uns que les autres et qui ne semblaient que très peu mis en avant dans l’architecture, ou du moins, dans nos études. J’ai ensuite participé à l’intensive « Construire en bois » durant laquelle nous avons pendant deux semaines, commencé la création d’une maquette à l’échelle 1/3 de la charpente du monastère de Brou. À travers ces expériences et les discussions que j’ai pu entretenir avec les architectes, charpentiers et différents acteurs de la filière bois, j’ai pu constater que bons nombres d’entre eux étaient d’accord pour dire qu’il y avait de nos jours une perte de savoir-faire et un manque de créativité dans le domaine de la construction bois, qui pourrait s’expliquer par le manque d’échanges et de communication entre les architectes et les artisans.
Dans la continuité de ces expériences, j’ai donc décidé d’étudier à travers ce rapport les différents systèmes constructifs en petit bois et les possibilités d’utiliser ces principes aujourd’hui, pour peut-être offrir de nouvelles possibilités créatives aux architectes tout en s’inscrivant dans la dynamique actuelle d’évolution de la filière forêt-bois.
Je tenais à remercier Romain Anger, mon tuteur pour ce rapport, de m’avoir suivi cette année ; Anne-Sophie Gouyen, rédactrice de la revue Séquence Bois, d’avoir répondu à mes questions et de m’avoir apporté de nombreuses références très précieuses ; et Bastien Grégis, architecte et charpentier, de m’avoir conseillé et apporté lui aussi des références pertinentes pour rédiger ce rapport.
En tout temps, les architectes et ingénieurs ont réfléchi à des systèmes permettant de nous abriter. La recherche de systèmes constructifs est une dimension fondamentale de l’architecture, car le besoin de créer un toit pour s’abriter est primordial. Au fil des expérimentations, les architectes ont fait évoluer ces principes en fonction des besoins de leur temps. Cette recherche de nouveaux procédés structurels relève d’un vrai travail créatif, d’assemblages et de connexions des matériaux. Chaque époque et chaque contexte, géographique et social, ont entraîné la création et le développement de systèmes structurels différents. Dans des périodes de crises, où la ressource forestière est sous tension et où le bois de construction vient à manquer, certains architectes comme Philibert de l’Orme ou Friedrich Zollinger ont trouvé dans le développement de systèmes constructifs utilisant des petites sections de bois, une nouvelle solution pour palier à ce manque. Le secteur de la construction bois est aujourd’hui encore sujet à de nombreuses tensions. Face aux récentes crises et à l’urgence climatique, il est plus que jamais nécessaire de faire évoluer notre façon de construire si l’on veut préserver nos forêts.
Ce rapport sera guidé par la question suivante : de quelles manières les charpentes à petit bois peuvent-elles être une réponse durable aux crises actuelles et futures de la filière forêt-bois ?
Nous débuterons par un bref tour d’horizon permettant d’appréhender ce qu’est la charpente et nous définirons plus en détails la dénomination « charpente à petit bois ». Nous nous intéresserons ensuite aux origines de ces systèmes constructifs et à leur évolution à travers l’histoire grâce aux travaux de nombreux architectes et ingénieurs pour arriver jusqu’à notre époque contemporaine. Nous tenterons de mettre en lumière les transmissions de savoirs qui ont eu lieu entre les différentes époques ainsi que les échanges de connaissances entre les différentes cultures.
Avant d’étudier les applications de ces charpentes dans notre contexte actuel, nous tenterons de comprendre et d’apporter une vue d’ensemble sur l’état de la filière forêt-bois en France, sur les acteurs qui la composent, sur les dynamiques dans lesquelles elle s’inscrit et sur les inquiétudes et difficultés auxquelles elle fait face. Nous étudierons en quoi les charpentes à petit bois sont capables de s’inscrire dans l’évolution du secteur de la construction bois et de répondre aux problématiques actuelles.
Dans une dernière partie, nous analyserons les applications contemporaines de ces systèmes constructifs à travers l’étude de quelques projets pertinents en Europe et en Asie. Nous mettrons aussi en avant les nombreuses recherches sur le sujet et la diversité des applications possibles. Nous finirons ce chapitre par une liste de projets pertinents utilisant des systèmes à petit bois qui ont le mérite d’être connus, mais dont je n’ai pas pu développer l’étude.
Généralités sur les charpentes
Avant de rentrer plus en profondeur dans les détails techniques des systèmes constructifs à petit bois, il me semblait important de rédiger cette courte section, permettant de rappeler les bases de la charpente et de définir ce qu’est une charpente à petit bois, afin que la suite du rapport soit compréhensible pour tout le monde. Cette section est rédigée en grande partie à l’aide du livre de Jean-Louis Valentin, La charpente, mode d’emploi11 et des connaissances accumulées au fur et à mesure de mes recherches et expériences. Le résumé qui va suivre, tout comme la suite de ce rapport, ne peut bien évidemment qu’effleurer l’ampleur de l’art de la charpente et se doit d’être lu en prenant en compte son aspect raccourci et vulgarisé.
L’art de la charpente est une discipline vaste. Héritier d’une longue tradition, il rassemble aussi bien des ouvrages issus d’un savoir-faire sophistiqué que des ouvrages d’une grande simplicité.
Avant toute chose, le choix des arbres est important dans la réalisation d’une charpente. On classe les arbres en deux catégories d’essences :
- Les résineux ou conifères : ces arbres à épines sont des bois tendres, faciles à scier, rectilignes et élancés. Dans les essences les plus utilisées, on retrouve le douglas ou le pin.
- Les feuillus : ces arbres sont des bois durs, plus difficiles à scier et à la morphologie plus irrégulière et courbe. Le chêne est le bois historique de la charpente, car il est solide, élancé et résistant aux insectes.
Afin de pouvoir utiliser le bois dans la construction, il est nécessaire de le transformer. Les premières étapes sont l’abattage, qui doit s’effectuer durant la période de descente de sève en hiver pour éviter la prolifération des champignons et des insectes, l’équarrissage puis le séchage, période durant laquelle le bois travaille et varie en dimensions, mais ne perd jamais de longueur. Le bois est ensuite scié en sections de différentes dimensions. Le tronc est constitué de trois sections : l’écorce, l’aubier et le duramen et chaque partie du bois offrent une qualité différente (plus on est proche du duramen, plus le bois est de qualité). Les sections sont donc taillées dans le tronc en fonction de la qualité souhaitée, le bois de construction sera donc plutôt du bois de duramen ou bois parfait, pour maximiser la performance du matériau.
Le rôle principal de la charpente est de servir de support pour la couverture. La structure des charpentes repose sur deux principes fondamentaux : la triangulation et le contreventement. Le triangle étant une forme indéformable, la plupart des charpentes utilisent des fermes triangulées pour assurer leur structure. Le contreventement, comme son nom l’indique, a pour but de rendre la charpente résistante aux vents dominants et exceptionnels. Les charpentes sont constituées d’une multitude de pièces qui assurent chacune une fonction dans la cohésion de la structure et la répartition des charges. Dans une charpente traditionnelle, les fermes sont composées d’un entrait, d’un poinçon et de deux arbalétriers. La triangulation de la ferme est complétée par les jambes de force, les fiches et les contrefiches. Ces fermes sont ensuite reliées par des pannes sur lesquelles viennent s’appuyer les chevrons, les lattes et les contre-lattes et enfin la couverture. Toutes ces pièces peuvent être assemblées par des assemblages bois-bois ou bois-métal. L’assemblage bois peut-être vu comme un art à part entière et relève d’un savoir-faire très sophistiqué.
Il existe une très grande variété de charpentes, que ce soient des charpentes robustes ou légères. Cette diversité est le fruit d’exigences particulières en termes de dimensions ou de valeur esthétique, de contraintes environnementales (climat, végétation, ressources disponibles…) et culturelles (aptitudes culturelles, situation géographique, histoire…).
Parmi cette grande diversité de charpente, nous nous intéresserons aux charpentes à petit bois. Le terme charpente à petit bois – ou charpentes d’assemblage - est souvent utilisé pour caractériser les charpentes à la Philibert de l’Orme, que l’on étudiera plus loin dans ce rapport. Mais ce terme peut s’appliquer à de nombreux autres systèmes constructifs plus ou moins similaires. Je tenterai ici d’apporter une définition de ces systèmes constructifs en décrivant les caractéristiques principales nécessaires pour qualifier une charpente de charpente à petit bois.
Les charpentes à petit bois sont des charpentes n’utilisant pas de systèmes de fermes et de pannes, mais un assemblage de petites sections de bois, identiques et limitées à un nombre réduit. Le terme petit bois désigne généralement de courtes pièces de bois assemblées, utilisées généralement dans le second œuvre, en menuiserie par exemple. Ce terme, associé à la charpente, traduit bien l’idée de ne pas utiliser de grosses pièces de bois de construction, mais plutôt de courtes sections de nature différente.
À cause de la multiplication de ces sections, ces charpentes prennent la plupart du temps une forme voûtée, formant une grille ou une résille. Mais les charpentes à petit bois ne se limitent pas à cette simple forme. Il faut considérer que l’utilisation de petites sections de bois permet d’explorer un nombre incalculable de formes, comme c’est le cas lorsque l’on joue avec des Kapla, et les seules limites formelles sont dictées par le matériau lui-même. Dans de nombreux cas, comme nous le verrons plus loin, le matériau incite à créer des structures en réseau qui sont autoportantes, mais on pourrait aussi prendre en compte dans cette définition, tous les systèmes se servant de l’association de petites sections pour recréer des sections de grandes dimensions.
Naissance d’une invention
Philibert de l’Orme – ou Delorme (1515-1570) - est un architecte et ingénieur français, né à Lyon, qui fut célèbre à la Renaissance pour être le premier à être nommé « architecte du roi » par Henri II. En 1561, il décrit dans son traité « Les Nouvelles Inventions pour bien bastir et a petits fraiz » une nouvelle technique de charpenterie, évoquant la structure des carènes de bateaux. Dans le chapitre II, il décrit les raisons qui l’ont poussé à réfléchir à ce nouveau système :
« Conseils aux architectes, maîtres maçons, charpentiers et menuisiers […] Mes amis, ce ne sont pas des raisons lucratives qui m’ont amené à cherché des solutions, encore moins le fait de faire du tort à qui que ce soit […] mais plutôt le besoin, la rareté sinon l’absence de bois de grande portée ce qui complique singulièrement les choses pour réaliser des ouvrages […]»1
Il aurait ainsi développé ce nouveau système en réponse à la pénurie de gros bois qui touchait la France à cette époque. En effet, depuis le Xe siècle, l’Europe connaît une période de forte croissance démographique et économique. Le développement des villes et des terres agricoles entraînent de grands défrichements des forêts. Le bois est une des principales ressources utilisée dans la construction. Les grands chantiers sont très consommateurs de bois, notamment de chêne et de sapin et nécessitent l’abattage de bois centenaires, très prisés pour leur grande dimension. Les forêts deviennent rapidement des zones de tension qu’il est nécessaire de protéger et de gérer. Au XVIe siècle, les forêts sont le sujet de nombreux conflits entre seigneurs et paysans, obligeant le roi à renforcer les lois sur l’accès au bois. À cette époque, de grands défrichements ont lieu dans toute la France et de nombreux discours alarmistes sur les risques de disparition des forêts se font entendre. Les bois de grande dimension deviennent de plus en plus rares et chers2
C’est dans ce contexte que Philibert de l’Orme réfléchit à un nouveau système de charpente, permettant d’utiliser des bois plus accessibles et moins coûteux que les chênes centenaires pour réaliser des voûtes, des dômes, des planchers ou encore des ponts.
Description du principe
« Vous n’aurez plus besoin de grand arbres pour faire des pannes, chevrons, jambes de force et autres grosses pièces, mais seulement de plateaux comme ceux utilisés pour faire les porte et les fenêtres après qu’ils aient séché au moins trois ans. Mais là vous pourrez utiliser du bois fraîchement abattu car le bois de bout ne rétrécit pas et le retrait en largeur et épaisseur pourra se faire sans problème. Je ne dis pas que le bois sec n’est pas meilleur, mais si vous êtes pressés[…] A défaut de chêne, on pourra utiliser du hêtre, du chêne rouvre (sic) du peuplier, du tilleul, du frêne, de l’aulne, du pin ou du sapin qui sont encore meilleurs, du châtaigner, également très bon3.»
Pour palier au manque de gros bois de construction, Philibert de l’Orme propose de remplacer le chêne par d’autres bois peu utilisés dans la construction qui ont l’avantage d’être plus jeunes. Ces bois, habituellement utilisés pour les travaux de menuiseries, sont des bois que l’on retrouve abondamment dans les forêts françaises. Ce système permet d’utiliser des bois locaux et ainsi de limiter le transport de marchandises.
Le principe de Philibert de l’Orme repose sur la multiplication d’une quantité minimale de sections de bois standards qui s’assemblent de façon précise, et dans lesquelles les forces se divisent également1.
Ces charpentes sont composées de sections de bois courtes de deux types, appelées vaux – ou aix ou arceaux - taillées en segment de cercles, qui se chevauchent et mis bout à bout permettent de former un arc en bois. Ces vaux sont assemblés par des liernes percées, elles-mêmes assemblées grâce à un système de clavetage à clefs en bois. Ces arcs peuvent être des arcs en pleins-cintres, en anse de panier ou brisés. Ce système reprend le principe des chevrons formant fermes et se rapproche d’une voûte maçonnée ou d’une carène de bateau renversée. La charpente ne nécessitent donc pas d’entraits (à condition d’abaisser les sablières ou de s’assurer que les murs gouttereau ou les galeries soient assez épais pour agir comme des contreforts) et n’est pas triangulée par des fermes2 .(à condition d’abaisser les sablières ou de s’assurer que les murs gouttereau ou les galeries soient assez épais pour agir comme des contreforts) De cette manière, le matériau bois défini la forme visible, le toit conservant alors la forme particulière de l’arc. L’absence de fermes permet de dégager les combles et de les rendre aménageables.
Les arcs des charpentes à la Philibert de l’Orme ont un comportement structurel proche d’un arc classique, semblable à celui des voûtes maçonnées par exemple, mais à la différence de celles-ci, l’utilisation du bois rend les charpentes légères et leur permet de ne produire que peu d’efforts sur les murs gouttereau et ainsi de réduire la dimension de ces murs et de limiter l’utilisation de contreforts ou de galeries. Les arcs pris séparément ont tendance à manquer de rigidité, ce qui pose problème dans le contreventement longitudinal de la charpente. L’assemblage des planches jouent beaucoup dans la rigidité de l’arc et c’est pourquoi il y aura de nombreuses évolutions dans les techniques d’assemblage de ces charpentes3.
« Pour les couvertures et combles des pavillons et maisons que l’on fait ordinairement, qui ont environ quatre toises de largeur [7,79m] dans œuvre, il suffit que les aix à faire les courbes aient un pouce de grosseur [30mm] et quatre pieds de longueur [133 cm]. Et aux corps d’hotels qui auront six toises de largeur [12 m], faut que lesdites pièces à faire les courbes aient un pouce et demi d’épaisseur [42mm]. […] Et aux bâtiments qui auront dix-huit toises de largeur [36 m], les pièces auront trois pouces d’épaisseur [85mm]. Quant aux largeurs desdits aix, vous les donnerez selon l’édifice qu’aurez à faire. Aux longueurs, je ne vous propose point de mesures […] le tout git au jugement du conducteur et à la nature du bois dont il s’aidera, et à la grandeur de l’œuvre4».
Le bon dimensionnement des planches est très important : si les vaux sont trop épais, la charpente devient trop lourde et les charges affectent les capacités de l’arc ; s’ils sont trop minces, la charpente devient fragile et instable. Philibert de l’Orme nous indique aussi dans son traité que la dimension des planches dépend de la portée souhaitée. En effet, un des avantages de ce système constructif est qu’il permet d’atteindre de très grande portée en n’utilisant que des petites sections de bois. Philibert de l’Orme mis en œuvre son système dans de nombreux bâtiments dont il ne reste malheureusement que très peu de traces. L’Hôtel de la Chancellerie à Blois serait un des rares exemples restant construit par Philibert de l’Orme.
Entretien, interchangeabilité et réversibilité
« Et quand la tierce partie des courbes ou hémicycles par cy par là serait ostee, ou bien pourrie & rompue, ce qui resterait sera encores assez fort, & pour durer plus que la charpenterie que Ion a accoustumé de faire […] Vous voiez que ceste nouvelle façon & invention a un très grand advantage & profit, au pris de l’ancienne. Car si quelque pièce de bois se gaste ou se pourrist, vous la pouvez oster & remettre tout incontinent s’il vous plaist, sans rien abbatre ne démolir, comme il se faict aux autres charpenteries. 1 »
Du fait de la multiplication des planches de bois, les charpentes à la Philibert de l’Orme ont tendance à se déformer, principalement à cause du climat et du vieillissement du bois. Mais cette multiplication est aussi un atout majeur. Chaque planche de bois étant identique, elle permet de répéter voire de standardiser la découpe des sections. De plus, le nombre conséquent de planches laisse la place à l’erreur, il suffit que la grande majorité des planches soient en parfait état pour assurer la cohésion de la structure. Ces charpentes demandent de l’entretien, car les planches se déforment et vieillissent, mais il suffit pour cela de remplacer les planches et les liernes, en utilisant différents types de bois.
« Sans rien gaster le bois, qui sera bon pour servir ailleurs à choses semblables. Et ou l’on n’en auroit plus à faire pour servir de cintres, on le pourroit accomoder à couvrir maisons, ou faire poutres, en retaillant les joincts & leur rondeur. Bref icy ne se perd aucun bois.»
De l’Orme avait déjà conscience de l’importance du réemploi et de la réversibilité des matériaux. L’utilisation de sections standards offre la possibilité de démonter et de réemployer ces pièces de bois dans d’autres constructions.
Il ne reste malheureusement que très peu d’exemples de charpentes à la Philibert de l’Orme. Une des principales raisons de ce manque est le risque d’incendie, la plupart des charpentes finirent brûlées et ne furent pas reconstruites en utilisant la même technique.
Redécouverte des charpentes à la Philibert de l’Orme
L’invention de Philibert de l’Orme fut mise de côté après sa mort, bien que quelques charpentes d’assemblages s’inspirant de son principe persistèrent. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que l’on voit réapparaître ce système. En 1782, la halle au blé de Paris est couverte par un dôme à la Philibert de l’Orme. Ce dôme est l’œuvre des architectes français Jean-Guillaume Legrand (1753-1807) et Jacques Molinos (1743-1831) qui choisirent ce système pour sa légèreté, les murs de la circulaire n’ayant pas été conçus pour soutenir une charpente. Malheureusement, la charpente fut détruite en 1802 par un incendie et fut remplacée par une charpente en acier5.
En 1786, Thomas Jefferson (1743-1826) - homme d’état américain, architecte et futur président des Etats-Unis - à l’occasion de sa visite à Paris, se rend à la halle au blé et découvre le système de Philibert de l’Orme. Il se prend de passion pour les travaux de Philibert de l’Orme et achète une copie de son traité.
À cette période, les Etats-Unis cherchent, à travers l’architecture, à prouver leur statut de nouvelle nation, puissante et stable. De nombreux grands chantiers sont lancés, mais les architectes ne parviennent pas à ériger de grandes structures efficacement. Thomas Jefferson voit dans le système de Delorme un nouvel espoir. Il décide de mettre en avant le système aux Etats-Unis et parvint à convaincre quelques jeunes architectes de l’utiliser. Un des premiers exemples aux États-Unis se trouve dans la propre maison de Jefferson, où il décide de rénover sa maison de Monticello en construisant un dôme à la Philibert de l’Orme.
Cette construction inspira d’autres architectes et de nombreux dômes à la Delorme seront construits dans le pays jusqu’à l’apogée en 1805 avec la construction du dôme de la Chambre des Représentants du Capitole à Washington par l’architecte Benjamin Henry Latrobe (1796-1820). Un des exemples les plus documentés de dômes à la Philibert de l’Orme aux Etats-Unis est le projet de Jefferson pour la Rotunda de l’université de Virginie6
La plupart de ces charpentes disparurent dans des incendies et furent remplacées par des structures en acier. Le développement de cette technique fut aussi limité par le manque d’expertise. En effet, pour réaliser une charpente à la Philibert de l’Orme, il est nécessaire de pouvoir réaliser des pièces identiques en série, de savoir les assembler et lever ces charpentes. La standardisation, qui est un des avantages de cette méthode, fut aussi un de ses inconvénients. Les charpentiers n’avaient pas toujours les compétences pour réaliser ce type de charpente et il fallait parfois faire appel à des menuisiers.
En 1820, l’architecte et ingénieur américain Ithiel Town (1784-1844) dépose le brevet d’un nouveau système constructif appelé pont à poutres en treillis. Ce système se base sur les mêmes principes que celui de Delorme : il emploie des planches de bois de taille moyenne et de même dimension, des assemblages simples pour créer des poutres permettant de franchir des grandes portées. Son inventeur vante la légèreté de sa structure, l’interchangeabilité et la réversibilité des pièces de bois et l’économie de matière qu’offre ce système. L’invention de Town sera utilisée pour la construction de nombreux ponts aux États-Unis et sera reprise dans de nombreux traités. La technologie de Town sera par la suite exportée en Europe, où un premier pont en treillis sera construit à Lyon puis à Paris en 1857, où un pont en treillis monumental sera construit devant Notre-Dame7
Vaudrey,
Le Colonel Armand-Rose Emy (1771-1851) reprit le système de Delorme dans son Traité de l’art de la charpenterie publié en trois volumes de 1841 à 1847. Il imagine un système d’arc en bois constitué de planches en cintre destiné à raidir une ferme droite. Cette charpente mêle le système Philibert de l’Orme et le système de charpente à pannes et faîtage. Les assemblages bois sont remplacés par des boulons et des étriers en fer plat8 Cette triangulation permet de régler les problèmes de contreventements longitudinaux de ces structures, mais aussi de créer des toitures à deux pans droits qui sont plus couramment utilisées et souvent plus prisées par les architectes. On retrouve ce système dans de nombreux ouvrages, notamment dans les constructions militaires nécessitant de grande couverture tout en conservant un espace dégagé. C’est le cas par exemple de la caserne Rochambeau à Mont-Dauphin ou du manège Sénarmont à Fontainebleau.
Après la publication du traité du Colonel Emy, les charpentes à petit bois, inspirées de de l’Orme et de Town sont cités dans de nombreux traités et se répandent dans le monde.
8 Médiathèque de l’architecture et du patrimoine -
Évolution des charpentes à la Philibert de l’Orme
Dans les années 1920, l’Allemagne doit se reconstruire après sa défaite lors de la Guerre. Après que l’industrie du pays eût été entièrement tournée vers l’armée, le secteur de la construction doit faire face à une pénurie de métal. C’est dans ce contexte que Friedrich Zollinger, architecte allemand chargé de la reconstruction de la petite ville de Merseburg, développe un nouveau système constructif, appelé depuis charpente Zollinger – ou bien en lamelles, en nid d’abeilles ou encore en résilles – qui utilise des sections courtes, standards et préfabriqués de bois afin de former un toit en voûte. Chaque planche est identique, en segment de cercle d’un côté et droite de l’autre. Les pièces sont assemblées par des plaques de métal ou des boulons. Trois planches se rejoignent à chaque joint et la multiplication des pièces permet de rigidifier ces joints et former un grand motif rhomboïdal léger autoportant. Ces toits peuvent être en forme d’arc brisé, en voûte arrondie ou bien segmentée et permettent de couvrir de grands espaces. À la différence des charpentes à la Philibert de l’Orme, cette méthode ne nécessite des arcs en bois qu’à chaque pignon afin de contreventer la structure. Le motif créé par l’assemblage des planches a une valeur esthétique et les planches sont la plupart du temps laissées apparentes9.
On retrouve ce type de charpente dans de nombreux édifices en Allemagne, aussi bien dans des maisons individuelles que dans des édifices publics ou religieux. Ce système se répandit par la suite dans le reste de l’Europe. La plupart de ces charpentes sont encore aujourd’hui en bon état. A Paris, l’architecte Robert Farradèche édifia en 1925 une charpente Zollinger afin de couvrir le terrain de tennis du 7e étage de l’immeuble rue de la Cavalerie 10 .
La méthode de Zollinger fut reprise et adaptée à des structures métalliques par de nombreux architectes et ingénieurs comme Hugo Junkers ou Hünnebeck. Aux Etats-Unis, l’architecte Gustel Kewitt s’inspira de ce système pour créer des grands dômes métallique ou en béton préfabriqué, permettant de couvrir des équipements sportifs comme le dôme de l’Arène de Saint Louis en 192911.
Les charpentes Zollinger reposent sur un principe structurel étudié par Olga Popovic Larsen qu’elle nomme Reciprocal Framing System (qu’on abrégera en « structures RF » ). Elle définit ce principe dans son livre Reciprocal Frame Architecture :
Le Reciprocal Frame est une structure de grillage tridimensionnelle principalement utilisée comme structure de toit, composée de poutres inclinées se soutenant mutuellement et placées dans un circuit fermé. L’extrémité intérieure de chaque poutre repose et est soutenue par la poutre adjacente. De l’autre extrémité, les poutres sont soutenues par un mur extérieur, un soubassement ou des colonnes. Les poutres rayonnantes qui se soutiennent mutuellement et qui sont placées tangentiellement autour d’un point de symétrie central forment un polygone intérieur. Les extrémités extérieures des poutres forment un polygone extérieur ou un cercle.12»
«
Ces structures reposent sur des motifs géométriques complexes et furent ainsi étudiées aussi bien par des architectes que par des mathématiciens. La plupart de ces motifs utilisent des formes en plan très régulières comme le cercle ou le carré, et sont ainsi fait d’éléments identiques qui se répètent, laissant place à la modularité. Ces structures sont connues depuis toujours par les architectes, car c’est un des principes fondamentaux lorsque l’on essaie de former une structure. Des traces remontant au néolithique témoignent de l’existence de structures RF. Au Moyen-âge, les planchers de Villard de Honnecourt utilisaient ce principe, les architectes de la Renaissance comme Léonard de Vinci, Sebastiano Serlio ou encore John Wallis étudièrent et créèrent des prototypes de structures RF. À l’origine, le cercle est la forme la plus utilisée pour ce type de structure, mais de nos jours, notamment grâce aux progrès technologiques, des structures RF utilisant des motifs géométriques très complexes peuvent être créées et permettent de couvrir n’importe quelle forme de plan13.
Mais il n’y a pas qu’en Europe que les architectes ont exploré les structures réciproques. L’architecture japonaise utilise depuis très longtemps des structures RF et constituent une des sources principales de données à propos de ce principe constructif.
Ce rapport se concentre davantage sur les charpentes occidentales, car il se veut être une étude ancrée dans le contexte de la France. C’est pourquoi cette section est plus courte que les autres. Il semble tout de même important de mettre en parallèle les dispositifs développés par d’autres cultures, et notamment en Asie, où le travail du bois est un art partagé par beaucoup de pays et qui bien évidemment ont une influence sur les systèmes développés en Occident. Ce chapitre ne constitue donc qu’un rapide survol des nombreux principes que l’on retrouve dans les pays d’Asie et pourrait à lui seul constituer le sujet de plusieurs autres études.
La culture chinoise, comme la plupart des cultures d’Extrême-Orient, entretient une longue tradition avec la construction en bois. Le Dougong est l’assemblage caractéristique des charpentes chinoises traditionnelles. Cet assemblage en bois sans clou ni vis est utilisé depuis des siècles pour réaliser temples, palais et autres édifices impériaux. Ce dispositif repose sur l’assemblage de deux petites pièces, le dou et le gong. Il existe des centaines de variantes de ce procédé très sophistiqué, qui n’utilise que des petites sections de bois1. Ces systèmes « en bras de levier » sont utilisés pour accroître le débord de toit et viennent se greffer sur la charpente. Les charpentes traditionnelles chinoises n’utilisent pas de fermes triangulées, mais un système de portiques répétés14
La construction bois est profondément ancrée dans la culture japonaise. D’une part pour des raisons religieuses, le bois ayant une dimension vivante et sacrée, et d’autre part pour des raisons structurelles, les constructions bois étant résistantes aux risques sismiques. Au Japon, le travail du bois est un art ancestral, hérité de la culture chinoise, qui se transmet depuis des siècles, et contrairement à de nombreux pays, ce savoir et cette transmission persiste encore de nos jours215.
Le Kigumi désigne au Japon l’art d’assembler le bois. Ces types d’assemblage sans clous, ni vis, ni colle, permettent la division des pièces de bois et la réduction des sections. Il existe des milliers d’assemblages différents, ayant chacun une fonction bien précise dans la cohésion structurel de l’édifice. En assemblant de plus petites sections de bois, les charpentes japonaises sont rigidifiées et contreventées afin de résister aux séismes et aux vents. Le principe Kigumi permet aussi de démonter des édifices, de les déplacer et de réemployer certaines pièces dans d’autres bâtiments. Encore aujourd’hui, beaucoup de charpentes sont construites de la sorte au Japon, et de nombreux artisans continuent de perpétuer cet art, en construisant de nouvelles charpentes et en entretenant les anciennes charpentes.
Les peuples nomades utilisent depuis très longtemps des structures à petit bois afin de créer des abris légers et facilement démontables et transportables. Les yourtes kirghize en sont un bel exemple. Ces structures utilisent de petites sections de bois arrangées autour d’une forme circulaire et qui sont combinées avec des cordes et du tissu.
Notre époque est marquée par les inquiétudes face aux dérèglements climatiques. La réduction de l’impact du secteur du bâtiment est désormais un enjeu majeur quand on sait qu’en France, les bâtiments résidentiels et tertiaires produisent 24 % des émissions de CO2 et consomment 44 % de l’énergie utilisée. Chaque année, de nouvelles réglementations environnementales paraissent afin de valoriser l’utilisation de matériaux biosourcés et de réduire l’empreinte carbone des bâtiments neufs. La construction bois joue un rôle important dans cette évolution. Le bois est en effet le matériau biosourcé le plus connu, utilisé depuis toujours et sur lequel nous avons donc le plus de retours d’expériences, d’écrits et de techniques développées à travers l’histoire. C’est aussi un matériau qui a une filière et des systèmes d’exploitation déjà bien développés. De ce fait, la part de la construction bois dans le marché de la construction neuve augmente chaque année (la part de la construction bois correspond à 6,5 % pour le logement et 16,8 % pour le tertiaire en 20201).
La sylviculture produit trois types de bois : le bois d’œuvre correspondant aux grumes pour sciage et placage (19,4 millions de m³ par an) ; le bois d’industrie correspondant au bois de trituration, aux poteaux, piquets et autres (10,6 millions de m³ par an) ; et le bois d’énergie correspondant au bois de chauffage et au charbon de bois (8 millions de m³ par an). Une fois récoltés, ces bois subissent une première transformation dans les scieries puis une deuxième transformation par des entreprises spécialisées afin d’arriver aux produits finis (contreplaqués, emballage, charpentes, menuiseries, lambris, meubles, papiers, cartons etc...). Ces produits sont ensuite utilisés pour la construction par les charpentiers, menuisiers, ébénistes etc. mais aussi par beaucoup d’entreprises et de particuliers (utilisation de carton, de papier, de mobilier, d’ustensiles en bois, de bois de chauffage etc.).
On peut ainsi classer les acteurs de la filière au sein de deux grandes inter-professions qui travaillent ensemble : les acteurs qui agissent en amont de la filière, sur la gestion et l’exploitation des forêts, comme l’ONF ou France Bois Forêt, et les acteurs qui agissent en aval, sur la transformation, la fabrication et la construction bois2. Toutes ces entités dialoguent ensemble et sont représentées par des syndicats rassemblés au sein de l’UICB (Union Industriels Constructeurs Bois)
Ainsi, de la gestion des forêts à la transformation en produit fini jusqu’à la construction et l’assemblage, le secteur de la construction bois est composé de nombreux acteurs et touchent énormément d’emplois divers. Cette diversité d’acteurs, ayant chacun leur point de vue et leurs intérêts propres, rend la gestion des forêts complexe. De plus, la forêt française est à 75 % privée et se compose majoritairement de parcelles de moins de 5 ha. La fragmentation des parcelles forestières complexifie la mise en place d’action commune. Dans la plupart des cas, les propriétaires possédant de petites parcelles, la plupart du temps issues d’un héritage, n’ont pas les moyens d’investir dans l’entretien et dans la mise à jour de leur équipement. Avec le plan France 2030, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a investi 150 millions d’euros afin d’aider les propriétaires de parcelles forestières privées à reboiser leur terrain3
Depuis 2020, le secteur est sujet à une importante crise qui peut s’expliquer par le contexte géopolitique actuel, avec l’épidémie du Covid-19 puis la guerre en Ukraine, mis en parallèle avec la dépendance aux bois d’importation venus d’Europe de l’Est et de Chine, tout cela entraînant une difficulté d’approvisionnement, une pénurie de certaines essences et sections en France et une explosion des prix à l’internationale alors que la ressource est très sollicitée4.
La France détient une ressource forestière importante. Avec ses 17 millions d’hectares, soit 31 % de taux de boisement, la France est le quatrième pays d’Europe le plus boisé. La forêt française a doublé de surface en 200 ans, après la prise de conscience, suite aux longues périodes de défrichement intensif, de l’importance de la préservation des forêts et la mise en place d’une gestion stricte de la ressource forestière5. Aujourd’hui, face à une demande de plus en plus importante, la bonne gestion et l’entretien de cette ressource est primordiale pour assurer l’avenir de nos forêts. La gestion des forêts n’est pas qu’une gestion de la production mais plutôt une gestion durable multifonctionnelle, visant à trouver un équilibre entre production de bois, accueil du public et préservation de la biodiversité.
Les forêts jouent un rôle important dans la lutte contre le réchauffement climatique. Chaque année, elles participent à environ 15 % du captage de CO2 atmosphérique. Elles sont aussi d’importantes réserves de biodiversité car il n’y a pas que les arbres dans les forêts, il y a tout un écosystème qui s’articule autour de relations parfois fragiles entre faune et flore.
La crise que subit la filière bois depuis quelques années est aussi en grande partie dû aux forts dérèglements climatiques qui rendent la gestion des forêts de plus en plus complexe et menacent l’équilibre des écosystèmes.
Ces dérèglements créent de longues périodes de sécheresse et de canicule, favorisant les incendies (70000 ha de forêts ont brûlés en 2022). Le réchauffement climatique entraîne le développement de champignons et de bactéries ainsi que la prolifération d’insectes ravageurs, comme l’épidémie de scolytes qui touchent les forêts françaises depuis plusieurs années (3,3 millions de m³ de bois déclassés en 2020, l’épicéa étant l’essence la plus touchée6). On constate que la mortalité des arbres a augmenté de 54 % entre les périodes 2005-2013 et 2012-20203
7et que certaines espèces sont vouées à disparaître à cause de ces maladies. Les prévisions estiment des taux de surmortalité très élevée pour les prochaines années.
Face à ce constat, il est nécessaire de prévoir l’adaptabilité et la résilience des forêts.
Un des problèmes majeurs auquel font face les spécialistes est la rapidité à laquelle les dérèglements climatiques évoluent. En effet, la forêt vie à un rythme très lent, un arbre peut mettre entre 50 et 150 ans à être récolté et il faut attendre plusieurs générations avant de voir le fruit de ce que l’on a semé. Il faut donc parvenir à prévoir l’évolution du climat sur plusieurs décennies voire plusieurs siècles, afin que les arbres que l’on plante aujourd’hui soient adaptés à la vie du futur. De plus, l’augmentation de la part de construction bois dans le marché obligent les forêts à répondre à une demande de plus en plus forte et des délais de plus en plus réduits, ce qui ne laisse pas le temps aux forêts de se renouveler. Le mécanisme d’adaptation des arbres étant trop lent par rapport à l’évolution du climat, la régénération naturelle ne suffit plus et il faut développer d’autres méthodes pour préserver nos forêts comme les reboisements stratégiques, consistant en l’introduction de nouvelles essences capables de résister aux aléas climatiques. L’ONF préconise aussi la diversification des principes de gestion et insiste sur l’importance d’accroître la vigilance vis à vis de la préservation des écosystèmes8
Pour mettre en place cette adaptation, le gouvernement a investi 50 millions d’euros et Emmanuel Macron a promis lors d’un discours le 28 octobre 2022, la plantation d’un milliard d’arbres d’ici dix ans.
Des tensions sur la ressource forestière
Bien que 67 % de la surface forestière française soit composée de feuillus, faisant de la forêt française la première forêt de feuillus d’Europe, les 3/4 du bois de construction mis en œuvre aujourd’hui sont issus d’essences résineuses. En effet, les bois résineux présentent de nombreux avantages par rapport aux feuillus : ils permettent d’assurer une plus grande rentabilité de production, avec une durée de croissance beaucoup plus faible ; ils sont plus tendres, plus droits et rectilignes, ce qui permet de simplifier les processus de transformation et d’accélérer la production. Le pin maritime, le douglas et autre résineux de montagne (épicéa, sapin) sont les principales essences résineuses sur le marché du bois d’œuvre ; le peuplier et le chêne sont les seules essences feuillues réellement développées et environ un tiers du chêne récolté est exporté en Asie pour être transformé avant d’être réimporté sous forme de meubles.
L’approvisionnement en bois résineux est sujet à de nombreuses tensions. Bien que 70 millions d’arbres soient plantés chaque année, le reboisement ne parvient pas à suivre la demande toujours plus grande. Les prévisions montrent que ce manque de bois résineux français risque de s’aggraver et risque d’inciter le marché à se tourner de plus en plus vers des bois d’importations. Cette difficulté d’approvisionnement entraîne le retardement et le report des chantiers et incitent la filière à se tourner vers des bois locaux et des circuits courts9 .
La filière bois cherche aujourd’hui à développer l’exploitation d’essences feuillues, comme substitution aux essences résineuses, mais surtout comme soutien à ces essences, en privilégiant la mixité des deux types. Selon l’ONF, la diversification des essences et la mixité résineux-feuillus dans les parcelles forestières permettrait d’améliorer la résilience des peuplements. De plus, la ressource forestière de feuillus est très importante en France et a un grand potentiel d’exploitation. Aujourd’hui, seulement 40 % de l’accroissement naturel des forêts de feuillus est récolté chaque année contre 65 % en moyenne pour les forêts de résineux10.
Cette marge offre la possibilité de créer des dizaines de milliers d’emplois locaux et non délocalisables. Les bois feuillus étant plus durs et moins rectilignes que les résineux, les procédés de transformation sont plus complexes et nécessitent des outils adaptés. Les outils utilisés habituellement pour les résineux ne correspondent pas aux propriétés des feuillus, la dureté du bois use les machines et la courbure des arbres ne permet pas l’optimisation du sciage. Les scieries ayant le matériel nécessaire pour travailler les bois feuillus se faisant rares, l’usage de ces essences ne peut se faire qu’à des prix très coûteux, rendant leur utilisation dans la construction aujourd’hui assez rare.
Mais ce manque de moyens de transformation pourrait aussi être vu comme une solution pour palier au déclin du nombre de scieries en France. Il est nécessaire de créer des débouchés, que ce soit en amont ou en aval de la filière, afin d’exploiter cette ressource forestière abondante et lui donner une place sur le marché de la construction bois. De nombreuses recherches sont en cours sur les moyens d’utiliser et de valoriser les essences feuillues211. En 2022, sous la coordination de Philippe Ruch, est paru un ouvrage intitulé « PraticMécaFeuillus : Guide des outils et organisations de chantiers pour optimiser la récolte mécanisée des feuillus » décrivant précisément les éléments techniques nécessaires au développement de la mécanisation des feuillus et visant à éclairer et à former les professionnels du secteur. D’autres publications montrent les avantages du feuillu notamment pour ces performances structurelles. La construction bois recherche aujourd’hui a créé des matériaux de haute performance, permettant d’élever des bâtiments de grandes hauteurs, ce qui serait possible avec l’utilisation et la transformation de bois durs312
Cependant, le développement du feuillu doit faire face à des obstacles normatifs. Bien que le feuillu semble être un matériau pertinent pour le lamellé-collé, les normalisations sont encore en cours. Des études ont prouvé que les lamelles de hêtre permettent d’obtenir des sections porteuses de classe GL48 (le lamellé-collé le plus courant étant l’épicéa et n’atteignant que la classe GL24 soit deux fois moins de résistance que le hêtre). L’utilisation de feuillu permettrait donc une économie de matière13. De plus en plus de projets valorisant les essences feuillues voient le jour et permettent ainsi d’accélérer le développement de la filière.
Un autre obstacle pour le développement de la filière feuillue est la prévision d’une baisse de disponibilité du bois français à cause des dérèglements climatiques. En effet, lors de l’International Hardwood Conference en 2022, le spécialiste Aymeric Albert décrivait des prévisions plutôt négative pour les peuplements de feuillus, dont le nombre d’arbres atteints par des maladies ne fait qu’augmenter chaque année.
Le bois au cœur d’une économie circulaire
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les charpentes à petit bois ont la plupart du temps été développées dans des périodes de crises et de tensions sur la ressource bois (pénurie de bois de construction dû aux grands défrichements pour Philibert de l’Orme, pénurie de métal dû à la Première Guerre mondiale pour Friedrich Zollinger). Le secteur de la construction bois cherche de plus en plus à se tourner vers des circuits courts locaux pour différentes raisons. Le contexte géopolitique de ces dernières années a montré les limites de l’importation de bois étrangers et mis en avant la nécessité de développer et structurer la filière locale. De plus, les politiques environnementales actuelles incitent les entreprises à utiliser des ressources locales, afin de limiter le transport, mais aussi afin de développer une économie circulaire, permettant de lutter contre l’obsolescence des matériaux et des bâtiments. La construction bois est au cœur d’une économie circulaire. Le bois étant un matériau recyclable, les déchets produits sont valorisés aussi bien en tant que matière première pour la fabrication de la pâte à papier et des panneaux de particules, que comme paillage agricole ou que comme source d’énergie à travers différentes formes de combustibles14. Le développement de l’économie locale est aussi une source de création d’emplois.
Dans ce contexte actuel de crise du bois de construction et de dynamique de valorisation des essences locales de feuillues, on peut se questionner sur la place des structures en petit bois dans cette évolution
L’utilisation de petite section de bois est compatible, voire même avantageuse, pour le développement des essences feuillues dans la construction. En effet, la limitation de la taille des sections permet de combler la durée de croissance beaucoup plus élevée de ces essences en comparaison avec les résineuses (la croissance d’un chêne est de 150 ans contre 50 ans pour un pin maritime.) Lors du séchage, les sections de bois ne variant pas de longueur, il est possible de couper les bois plus jeunes et de les laisser sécher moins longtemps, aspect que Philibert de l’Orme mettait déjà en avant dans son traité (voir citation page 6) (bien que ce système ne soit pas valable pour tous les systèmes constructifs). Les petites sections permettent aussi de réduire l’impact de la courbure des troncs lors du sciage. En prenant en compte que les pièces de ces charpentes sont standards et ainsi interchangeables, ces principes permettent d’utiliser différentes essences feuillues, moins nobles et moins couramment utilisées que le chêne, comme le hêtre, le frêne, le peuplier, le châtaignier, le charme ou le robinier. La multiplication des sections permet ainsi de diversifier les essences utilisées et laisse plus de place aux essences qui ont des propriétés structurelles moins riches. Cette perspective permettrait ainsi d’étendre le développement de la filière feuillue à de nouvelles essences qui ont un grand potentiel d’exploitation..
Une autre qualité des charpentes à petit bois est la possibilité de réemploi de matériau qu’elles offrent. De nombreuses recherches sont en cours sur le réemploi dans la construction et sur les méthodes que l’on a pour penser un bâtiment pour qu’il soit dé-constructible, réversible et réemployable. Le réemploi est utilisé dans la construction depuis toujours. Les Romains, les Grecques ou les Égyptiens réemployaient déjà les pierres et les briques dans les constructions neuves afin d’éviter d’en tailler de nouvelles15 .
Certains architectes contemporains comme Patrick Bouchain font même du réemploi un sujet majeur de leurs projets. Le réemploi a cependant encore du mal à trouver sa place dans l’architecture contemporaine, car les normes ainsi que la compétitivité des bois venus d’Europe de l’Est ou d’Asie freinent le développement de cette pratique.
On peut donc se demander si les charpentes à petit bois, de par la faible dimension, la multiplication et la standardisation de ces sections, ne pourrait pas être une « nouvelle » façon de se servir du réemploi dans la construction neuve et ainsi renforcer l’économie circulaire.
Tous ces avantages sont bien connus des spécialistes et quelques projets récents mettent en avant la petite section au service du bois local. Un chapitre du cycle de conférence « L’architecture sort du bois » organisé par FIBOIS est dédié à la petite section16. Lors de cette conférence, la parole est donnée à des architectes qui présentent leurs projets récents de construction à ossature bois en France mettant en valeur l’utilisation de petites sections. On peut constater que parmi ces projets, aucun ne reprend des systèmes de charpente à petit bois en arcs, comme on pu le développer Philibert de l’Orme ou Friedrich Zollinger, et que seul le système de pont à treillis développé par Town est aujourd’hui retravaillé pour réaliser des bâtiments de grandes portées.
On peut donc se demander s’il n’y aurait pas là un terrain de recherche fertile pour de nouvelles inventions, remettant au goût du jour et poursuivant les travaux entrepris par ces architectes.
Aujourd’hui, l’art du trait et le savoir-faire des charpentiers se perdent petit à petit. Les assemblages bois sont remplacés par des connecteurs et les charpentes traditionnelles par de simples fermettes ou poutres lamellé-collés. Pour certains, le procédé lamellé-collé peut être vu comme une évolution des charpentes à petit bois, associant à travers de lourdes transformations, de petites sections de bois pour former de grandes pièces, plus rigides et obtenant ainsi de très bonnes performances techniques. Les charpentes fermettes peuvent aussi être vues comme une évolution des charpentes à petit bois, dans le sens où elles utilisent des petites sections de bois répétées, devenant ainsi le système le moins coûteux du marché. Mais nous ne nous concentrerons que très peu sur ces dispositifs dans ce rapport, car ils mettent en partie de côté la dimension artisanale et l’art de l’assemblage du bois. De plus, ils ne constituent pas réellement une solution durable pour le développement de la filière forêt-bois française. (l’usage de bois lamellé-collé offrent de grandes possibilités créatives pour les architectes, mais il s’apparente plutôt à l’usage du béton dans la façon de penser la structure. À la différence des charpentes à petit-bois, ce n’est pas le matériau bois et ses capacités naturelles qui limitent et dictent la conception de la structure.)
Comme vu précédemment, les charpentes à petit bois possèdent de nombreux avantages. De nombreuses applications sont imaginables pour ces systèmes. Tout d’abord, de par leur légèreté et la variété de formes possibles, ces charpentes peuvent être utilisées dans des scénarios de réhabilitation, où les murs sont anciens ou ne sont pas fait pour accueillir une structure lourde, comme ce fut le cas pour la couverture de la halle au blé à Paris. À l’heure où la nécessité de construire neuf est discutée et où la réhabilitation prend de plus en plus de place dans le marché de la construction, la charpente à petit bois se montre comme une solution efficace et durable, mais aussi comme une grande source de créativité pour les architectes et ingénieurs.
Une autre application intéressante est dans la construction de bâtiments de grande portée. Que ce soit des bâtiments agricoles, des bâtiments de stockage ou des équipements publics comme des gymnases ou des salles de spectacles, la construction de bâtiments de grande portée à recours dans la plupart des cas au métal et au bois lamellé-collé. Les charpentes à petit bois pourraient aussi être utilisées dans ces scénarios.
Enfin, l’usage de petit bois pourrait être utilisé pour sa dimension économique, dans la construction de projets au budget réduit en utilisant des essences moins coûteuse.
Stéphane Berthier dans son rapport dans Les Cahiers de l’Ibois écrit :
«
[...] l’évolution des assemblages témoigne de trois âges successifs : artisanal, industriel puis numérique, l’un ne faisant pas nécessairement disparaître l’autre.»1
Grâce aux nouveaux outils numériques, les assemblages bois sont au cœur de nombreuses recherches, visant à développer des méthodes pour concevoir des assemblages précis et optimisés, à l’aide d’outils de scan, de traçage et de découpe via des bras robotiques. Les charpentes à petit bois sont le sujet de beaucoup de ces études, qui cherchent à concevoir des structures complexes permettant de limiter la quantité de bois et la dimension des sections utilisées.
C’est dans cette dynamique que s’inscrivent la redécouverte et l’étude de nombreux systèmes comme celui de Delorme et Zollinger ou encore des principes de structures réciproques. De nombreuses recherches s’emparent de ces inventions et tentent de les approfondir à l’aide d’outils contemporains et de les rendre applicables dans des contextes réalistes. Cependant, les charpentes d’assemblages bois numériques sont encore loin de pouvoir rivaliser avec la rentabilité des charpentes industrielles. L’absence de normes pour les risques d’incendies est aussi un obstacle au développement de ces systèmes.
Face à la quantité de recherches sur le sujet, voici un zoom sur quelques concepts et projets intéressants pour la conception de charpentes à petit bois à l’aide d’outils numériques.
L’Ibois, le laboratoire de construction bois de l’EPFL, est au centre de beaucoup de recherches et d’évolutions dans le domaine. Récemment, Petra Vestartas a publié un rapport sur sa thèse réalisée sur « l’utilisation du bois brut irrégulier à usage structurel »2. Il développa un programme capable de scanner des branches d’arbres afin de les modéliser en 3D dans une application permettant ensuite de tracer et de découper à l’aide de bras robotiques des assemblages bois-bois très précis. Ces branches sont ensuite assemblées grâce aux connexions et aux joints créées par les bras robotiques et forment des structures complexes.
Dans la même dynamique, le projet « Conceptual Joining – Wood Structures from Detail to Utopia » développé par l’Université d’Arts Appliqués de Vienne, réinterprète l’art traditionnel de l’assemblage du bois et propose de l’ouvrir vers de nouveaux horizons à l’aide d’outils numériques de pointe3.
Les structures réciproques sont aussi le sujet de nombreuses recherches. Avec l’arrivée des outils numériques, les tracés géométriques et les modélisations de ces structures ont suscité l’intérêt de beaucoup de chercheurs. Les systèmes développés à la Renaissance par Leonard de Vinci et Serlio ont été repris et poussés à l’extrême. De nombreux ingénieurs et mathématiciens s’intéressent notamment aux nexorades ou aux mandalas.
Prototypes de structures réciproques
L’invention de Zollinger a elle aussi été reprise et aujourd’hui beaucoup de variantes ont été développées. À l’’aide des outils numériques, les ingénieurs parviennent désormais à créer des structures en résille aux formes très complexes, se rapprochant parfois de la sculpture. La valeur esthétique de ces structures est très prisée et de plus en plus d’architectes font le choix de les utiliser dans leur projet.
Alvaro Siza, Eduardo Souto de Moura. Serpentine Pavilion. 2005. Londres, Royaume-Uni
En 2005, les architectes Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura ont été chargés de réaliser le Serpentine Pavilion. Pour réaliser cette structure temporaire, ils utilisèrent une structure en bois, formant une résille complexe, proche du système de Zollinger. Les pièces sont assemblées par des tenons-mortaises et n’utilisent presque pas de quincailleries. Les architectes ont choisi ce système constructif pour la structure complexe qu’il permettait de créer, ainsi que la légèreté et la possibilité de facilement démonter la structure. Mais ils l’ont aussi choisi pour sa valeur esthétique, l’image vernaculaire qu’il renvoie avec ses assemblages bois et l’aspect d’une peau d’animal que dégage la structure.
RAU, RO&AD Architectes avec Geometria (ingénieurs). Tij Bird Observatory. 2019. Stellendam, Pays-Bas.
Inspiré du système de Zollinger, ce projet a été conçu à l’aide d’outils de modélisation paramétrique. L’observatoire en forme d’œuf s’intègre dans un large plan de paysagisme. La structure en bois de petite section est conçu de 402 parties, découpés à l’aide d’outils numériques et assemblées par des chevilles métalliques. La structure est entièrement démontable et recyclable.
LIST et Hideyuki Nakayama (architectes) avec Bollinger + Grohmann (ingénieurs). Frans Masereel Centre. 2019. Kasterlee, Belgique.
Cet atelier est couvert par une toiture réciproque très complexe, composée de 800 poutres de bois massif identiques, formant une structure en forme de cône. La volonté des architectes était de couvrir une large portée (29m) tout en utilisant des sections limitées de bois. La façon dont ils ont laissé la charpente apparente et brute, en contraste avec l’aspect abstrait du reste de l’atelier laisser que ce système a aussi été choisi pour sa valeur esthétique
Kengo Kuma et Associés. Kodama. 2018. Arte Sella, Italie.
Bien que ce projet soit situé en Europe, cette installation est un parfait exemple de l’architecture de Kengo Kuma et de la réinterprétation des charpentes traditionnelles. Il est composé de pièces de bois identiques, assemblés sans clous ni vis ni colle (excepté pour les fondations), pour former une sphère de 4m de hauteur. Kengo Kuma est le spécialiste de l’architecture à petit bois et des structures réciproques et bon nombres de ses projets méritent d’être étudier pour quiconque s’intéresse à ces sujets.
FT Architects. Archery Hall and Boxing Club. 2013. Tokyo, Japon.
Les commanditaires de ce projet souhaitaient la création d’une structure à bas coût utilisant des bois locaux. Cependant, le programme demandait une portée de 10m. Les architectes et ingénieurs sont donc arrivés à une solution constructive, créant deux structures simples, utilisant de petites sections de bois utilisées habituellement pour la fabrication de meubles et des bois jugés défectueux à cause du dommage causé par les insectes. Ces structures sont assemblées par de simples boulons et écrous et reprennent l’orthogonalité caractéristique des charpentes traditionnelles japonaises.
Wang Shu Amateurs Studio. « Wa-Shan » («Montagne de tuiles»), maison d’hôtes. 2013. Hangzhou, Chine.
Wang Shu est un architecte chinois proche de l’artisanat et dont l’architecture se veut être dans le respect et la continuité de la tradition de son pays. Parmi tous les aspects intéressants de ce projet, l’ampleur et l’esthétique de sa charpente en fond un bâtiment à part. Pour ce projet, Wang Shu se sert de petits bois de basse qualité, de dimension identique, assemblée à l’aide de boulons et d’écrous, afin de concevoir une charpente complexe et unique. Selon lui, la charpente doit évoluée avec le temps et vieillir. Ce n’est pas dérangeant de devoir remplacer certaines pièces, trop usées par le temps.
Hugo Häring, Gut Garkau. 1926. Germany
Geometria. SOTKANMUNA. 2013. Nuuksio, Finland
Rural Studio Students .Hale County Animal Shelter. 2006. Greensboro, AL
Studio North, Ted Cavanagh, Sam Lock, Clayton Blackman, Coastal Studio. Dining Hall. Ross Creek, Nova Scotia
Design Studio Tanzania Ecole d’architecture de Munich. Salle de classe. 2014. Tanzanie
WikiHouse
Nous avons pu constater à travers cette étude que les charpentes à petit bois constituent autant de systèmes constructifs différents que de choix créatifs pour les architectes et ingénieurs. Héritières d’une longue évolution rendue possible grâce aux travaux de nombreux architectes et aux transmissions et échanges de savoir qui ont eu lieu à travers les différentes générations et les différentes cultures, elles sont encore aujourd’hui le sujet d’étude de beaucoup de chercheurs. La construction, secteur parmi les plus émetteurs de CO2 cherche des solutions pour renouveler sa pratique et la rendre plus durable. Le bois est de plus en plus présenté comme le matériau du futur, pour son aspect biosourcé associé à la rentabilité de production qu’il peut offrir, et devient désormais une ressource très sollicitée. Cependant, le secteur de la construction bois, menacé par les dérèglements climatiques et les différentes crises politiques actuelles, cherchent encore à s’adapter et à se préparer pour assurer son avenir. Le développement de la filière forêt-bois est aussi important pour préserver et entretenir nos forêts que pour assurer les taux de productivité demandés par le secteur de la construction. Ce développement est lié à une dynamique de valorisation du potentiel local, notamment des espèces feuillues, aujourd’hui trop peu exploitées malgré le fait qu’elles composent la plupart des forêts françaises.
Les recherches sur les charpentes à petit bois s’inscrivent la plupart du temps dans cette dynamique de valorisation du bois local. La division en petites sections présente de nombreux avantages : utilisation de jeunes feuillus, valorisation d’essences moins exploitées, facilité de taille, interchangeabilité et réemploi des pièces, participation à l’économie circulaire, solution technique et créative, valeur esthétique, et bien d’autres.. Il existe un vrai lien qui nécessite d’être étoffé entre les perspectives vers lesquelles évolue la filière forêt-bois et les solutions apportées par ces systèmes constructifs.
Si de nos jours, de plus en plus d’architectes font le choix d’utiliser des systèmes à petit bois, leur usage est encore trop peu présents et se limite la plupart du temps à des bâtiments d’exceptions. Cette absence est en partie causée par la concurrence des charpentes industrielles, par le manque de visibilité et de connaissances aux sujets de ces systèmes et par le manque de développement de la filière. Grâce aux recherches en cours sur le sujet et avancées apportées par les outils numériques, il est possible que le paysage architectural français voie naître de plus en plus de charpentes à petit bois dans les années à venir.
Ce rapport m’a beaucoup appris et j’aurais aimé pouvoir poussé plus loin de nombreux sujets. J’avais prévu à l’origine de réaliser en dernière partie une étude comparative entre les différents types de charpente les plus couramment utilisés et des charpentes à petit bois, afin d’étudier les différences et déceler les avantages des systèmes à petit bois dans le contexte plus réaliste d’un projet. Mais faute de temps et de connaissances sur le sujet, je n’ai pas pu réaliser cette étude. J’espère pouvoir continuer mes recherches pour mon mémoire, que j’aimerais porter sur l’utilisation de charpente à petit bois dans un contexte plus commun que les pavillons d’exposition, comme le logement par exemple.
Livres
Berthier, Stéphane. Catsaros, Christophe. Rinke, Mario. Vestartas Petras. Vuilleumier, Sandra. Les Cahiers de l’Ibois, Notebooks 3. EPFL Press. 2022
CHALVET Martine, Une histoire de la forêt, Paris, Seuil, 2011.
De l’Orme, P. . Nouvelles inventions pour bien bastir et à petits fraiz (Federic Morel). 1561
Herzog, Thomas ; Natterer, Julius ; Schweitzer, Roland ; Volz, Michael ; Winter, Wolfgang. «Construire en bois», Presses polytechniques et universitaires romandes, 2021
Hoffsummer, Patrick. _Les charpentes du XIe au XIXe siècle : Grand Ouest de la France : Typologie et évolution, analyse de la documentation de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine_. 1 vol. Architectura Medii Aevi. Turnhout (Belgique): Brepols, 2011.
Mascarenhas-Mateus, Joao ; Paula Pires, Ana. History of Construction Cultures. vol. 1. CRC Press. Lisbonne. 2021
Médiathèque de l’architecture et du patrimoine - Paris, France (Collectivité éditrice). Les charpentes du XIe au XIXe siècle : typologie et évolution en France du Nord et en Belgique. 1 vol. Cahiers du patrimoine 62. Paris: Monum, Éditions du Patrimoine, 2002.
Popovic Larsen, Olga. Reciprocal Frame Architecture. Elsevier. Architectural Press. Oxford. 2008
Ruch, Phillippe. FCBA. PraticMécaFeuillus : Guide des outils et organisations de chantiers pour optimiser la récolte mécanisée des feuillus. 2022
Valentin, Jean-Louis. La charpente, mode d’emploi. Editions Eyrolles. 2008
Mémoires, thèses et rapports
Cany, Léo. «Les charpentes à petits bois en Sarthe». MSE, ENSA Paris-La Vilette. 2018 https://issuu.com/canyleo/docs/cany_le_o_les_charpentes_a__petits_
Garnier, Jean. «La postérité d’une invention : les charpentes à petit bois de Philibert de l’Orme». MFE, ENSA-V. 2022
Jan Brüttinga , Camille Vandervaerenb, Gennaro Senatorec, Niels De Temmermanb, Corentin Fivet. «Environmental impact minimization of reticular structures made of reused and new elements through Life Cycle Assessment and Mixed-Integer Linear Programming». Energy and Buildings 215. 2020.
Milica Petrović, Isidora Ilić, Svetislav Mijatović, Nenad Šekularac. «The Geometry of Timber Lamella Vaults: Prototype Analysis» In Buildings, Octobre 2022, Bâle, Suisse [Buildings | Free Full-Text | The Geometry of Timber Lamella Vaults: Prototype Analysis (https://www.mdpi.com/2075-5309/12/10/1653)
Articles
« Circul’Hier : les charpentes “à petit bois” de de l’Orme ». 20 mai 2020
[https://www.circubuild.be/fr/actualite/circul-hier-les-charpentes-a-petit-bois-de-philibert-de-l-orme/](https://www.circubuild.be/fr/actualite/circul-hier-les-charpentes-a-petit-bois-de-philibert-de-l-orme/).
Ador, Sarah. « Concevoir autrement pour employer le bois local - Séquences Bois ». 01/04/2021
https://www.sequencesbois.fr/concevoir-autrement-pour-employer-le-bois-local-a601. html).
C. Marie. « La construction bois & économie circulaire ». auto-constructeurs.fr. 18 septembre 2021
(https://auto-constructeurs.fr/economie-circulaire-construction-bois/)
Cahiers Techniques du Bâtiment (CTB). « Une résille losangique de contreventement », 1 décembre 2003.
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(https://www.youtube.com/watch?v=xei5yR4JceA)
A travers ce rapport, nous cherchons à comprendre comment les charpentes à petit bois, systèmes constructifs n’utilisant que des petites sections de bois, peuvent être utilisés dans le contexte de la construction en France. Systèmes inventés pour faire face aux pénuries de bois de construction, ils ont aujourd’hui une vrai place à jouer dans la dynamique de valorisation d’essences locales et dans le développement de la filière forêt-bois, qui cherche à s’adapter aux dérèglements climatiques et à se renouveler pour faire face à la hausse de la demande ainsi qu’aux futures crises. Modularité, réemploi, standardisation, légèreté, adaptabilité, réversibilité, les charpentes à petit bois ont énormément d’avantages. A l’aide des outils numériques dont nous disposons aujourd’hui, ces systèmes offrent de vraies possibilités créatives et ingénieuses et pourraient probablement constituer une solution durable pour le secteur de la construction bois.
CHARPENTE - PETIT BOIS - CONSTRUCTION - MODULARITÉ - DURABILITÉ
Through this report, we seek to understand how small timber frame construction systems, using only small sections of wood, can be used in the French construction context. These systems were invented in response to timber shortages, and today they have a real role to play in the drive to enhance the value of local species, and in the development of the forest-wood sector, which is seeking to adapt to climate change and renew itself to cope with rising demand and future crises. Modularity, reusability, standardization, lightweight, adaptability, reversibility: small timber frames have many advantages. Using the digital tools available today, these systems offer real creative and ingenious possibilities, and could well be a sustainable solution for the timber construction sector.
FRAMEWORK - SMALL TIMBER - CONSTRUCTION - MODULARITY - DURABILITY