Enjeux santé et logement en RBC

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Les enjeux enjeux santé et logement en Région bruxelloise ruxelloise : l’exemple de Forest.

Colloque organisé par

en partenariat avec Le 17 septembre 2013

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Le Think tank européen Pour la Solidarité (asbl) – association au service de la cohésion sociale et d’un modèle économique européen solidaire – travaille à la promotion de la solidarité, des valeurs éthiques et démocratiques sous toutes leurs formes et à lier des alliances durables entre les représentants européens des cinq familles d’acteurs socio-économiques. À travers des projets concrets, il s’agit de mettre en relation les chercheurs universitaires et les mouvements associatifs avec les pouvoirs publics, les entreprises et les acteurs sociaux afin de relever les nombreux défis émergents et contribuer à la construction d’une Europe solidaire et porteuse de cohésion sociale. Parmi ses activités actuelles, Pour la Solidarité initie et assure le suivi d'une série de projets européens et belges ; développe des réseaux de compétence, suscite et assure la réalisation et la diffusion d’études socioéconomiques ; la création d’observatoires ; l’organisation de colloques, de séminaires et de rencontres thématiques ; l’élaboration de recommandations auprès des décideurs économiques, sociaux et politiques. Pour la Solidarité organise ses activités autour de différents pôles de recherche, d’études et d’actions : la citoyenneté et la démocratie participative, le développement durable et territorial et la cohésion sociale et économique, notamment l’économie sociale.

Think tank européen Pour la Solidarité Rue Coenraets, 66 à 1060 Bruxelles Tél. : +32.2.535.06.63 Fax : +32.2.539.13.04 info@pourlasolidarite.eu www.pourlasolidarite.eu

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I.

Introduction :

Le 17 septembre 2013 s’est tenu à Forest le colloque « Les enjeux santé et logement en Région bruxelloise : l’exemple de Forest. ». Cet évènement a été organisé conjointement par l’association Forest Quartiers Santé (FQS) et le Think Tank européen Pour la Solidarité (PLS PLS), PLS en collaboration avec Rachida Bensliman qui présentait à cette occasion son étude qualitative sur les enjeux santé et logement à Forest. Ce colloque a donné la parole à divers intervenants scientifiques, politiques ou experts de terrain sur l’enjeu central de la santé liée au logement. Monsieur Denis Stokkink, Stokkink président de PLS a souligné que la santé et le logement sont des droits fondamentaux trop souvent bafoués. Le logement peut avoir de sérieux impacts sur la santé physique, psychique et sociale des personnes. Logement et santé font en réalité partie d’un cercle vicieux que l’on se doit de transformer en cercle vertueux. Avoir un revenu faible entraîne l’obtention d’un logement de qualité limitée, ce qui augmente les problèmes de santé et donc limite la possibilité de trouver un emploi. Or, un pourcentage significatif de la population se retrouve dans ce cercle vicieux. Améliorer la qualité des logements sociaux est l’une des étapes nécessaires à l’aboutissement d’un cercle vertueux. Les liens entre santé et logement sont essentiels et nous concernent tous. En effet, les inégalités sociales liées au logement produisent inévitablement des inégalités sociales de santé à Bruxelles comme dans le reste de l’Europe. La ministre de l’Environnement, de l'Énergie et de la Rénovation urbaine, Evelyne Huytebroeck est également intervenue en félicitant l’excellent travail d’étude effectué par Rachida Bensliman, le qualifiant d’exemple pour les autres communes. Cette étude a ciblé les enjeux présents aux niveaux macro, méso et microsocial. Au niveau macro social, ou régional, la ministre a parlé de l’importance du développement de politiques publiques saines et durables intégrant le thème de la santé. “Ces politiques-là

sont celles que nous développons depuis 9 ans dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, depuis 4 ans dans le domaine de la rénovation urbaine”. Dans ce cadre, celle-ci a insisté

sur l’importance de la rénovation des bâtiments,

l’agrandissement du parc de logement (il y en aurait actuellement 239 dans le Quartier Bervoets et d’autres à venir), l’intervention sur les immeubles vides et abandonnés, la prévention des abus de propriétaires, le maintien de l’investissement pour rendre possibles les projets locaux, le développement d’une aide régionale pour les gros travaux dans les logements sociaux telle que le programme ‘Plage’, ou encore l’adaptation des contrats de quartiers durables aux réalités de terrain et la mise en place de projets d’insertion. On peut de ce fait noter que, s’il reste encore du chemin à parcourir, certaines avancées dans le domaine ont néanmoins été effectuées. A ce propos, la ministre a exprimé la nécessité de réguler la loi de l’offre et de la demande au niveau du parc mais aussi d’avancer sur l’augmentation de l’offre.

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Au niveau méso, madame Huytebroeck a fait remarquer que des études démontrent que l’air intérieur est ordinairement plus pollué qu’à l’extérieur. La qualité de l’air intérieur est de ce fait déterminante pour la santé des personnes. « Or, les analyses existantes montrent que

les habitations et d’autres bâtiments, comme les écoles et les lieux de travail, peuvent connaître des pollutions importantes, qui nuisent à la santé et à la qualité de vie. C’est pour avancer concrètement dans cette problématique que nous développons le mécanisme des primes régionales à la rénovation et à l’énergie ». Si cela s’avère approprié, la Région peut intervenir jusqu’à l’échelle micro, c’est à dire jusqu’au niveau local. Bruxelles Environnement coordonne, dans ce cadre, la Cellule Régionale d’Intervention en Pollution Intérieure (la CRIPI) qui intervient sur demande médicale afin de réaliser le diagnostic environnemental d’un logement dans le but de repérer les causes de problèmes de santé des habitants en relation avec les caractéristiques du logement et proposer des conseils pour y remédier. « En intervenant avec l’ensemble des acteurs de terrains sur les différentes échelles, en

mettant en place une politique de rénovation durable du parc de logement, en renforçant les capacités de contrôle et en soutenant les acteurs de la société civile, nous pouvons dire que nous progressons ». En tout état de cause, la ministre a souligné que les défis d’aujourd’hui restent énormes. Le directeur de l’asbl FQS, Bruno Vankelegom, Vankelegom a quant à lui mit un accent fort sur la participation citoyenne dans l’enjeu de la santé. Face aux nombreux défis évoqués, la réduction des inégalités de santé constitue une difficulté considérable. On remarque par exemple que beaucoup de témoignages de terrain révèlent un grand nombre d’inégalités. Pour faire face à cette situation, Bruno Vankelegom rappelle qu’il est indispensable de mieux comprendre ensemble afin de mieux agir ensemble, les dimensions participative et citoyenne étant essentielles.

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II.

Première table ronde : « Les problématiques santé/logement à Bruxelles : analyse des constats, ressources et priorités »

Rachida Bensliman, Bensliman chargée d’études à FQS, a débuté en affirmant que Bruxelles reflète de fortes inégalités sociales. En effet, si la ville est riche, elle renferme néanmoins énormément de pauvreté et cela se traduit par des inégalités en matière de logement, qui se répercutent à leur tour sur la santé des personnes. La classe moyenne commence également à subir ces problématiques. Comme en témoigne un rapport de l’OMS de 2011 sur les risques sanitaires liés aux problèmes de logement inadéquat, une forte proportion de logement de l’Union Européenne comportent des facteurs de risques pour la santé avec un danger plus important pour les personnes à faibles revenus. L’approche socio-écologique de la santé est donc exploitée dans ce contexte, car l’homme vit en interaction permanence avec son environnement. Le cadre conceptuel théorique de l’étude présentée aujourd’hui, tient compte de la définition de l’OMS de la santé en tant que bien-être physique, psychique et social, et non comme l’absence de maladie. Parmi les déterminants importants ayant une influence positive ou négative sur la santé des populations, il y a le logement. L’objectif de l’étude est, dès lors, d’obtenir une photographie de la dynamique locale en matière de santé & logement sur Forest, avec une analyse descriptive des ressources locales et la production de connaissances partagées des problématiques avec les acteurs locaux débouchant enfin sur des recommandations concrètes. De par sa démarche scientifique, cette étude qualitative étudie en profondeur, les phénomènes sociaux en utilisant la méthode d’entretiens individuels semi-directifs, sur base d’un questionnaire pré-établi. L’échantillon est composé de onze organismes impliqués activement dans l’amélioration des conditions de logement au sein de la commune de Forest. Du point de vue des résultats, l’on remarque que pas mal d’actions existent sur le territoire de Forest. Diverses structures tentent d’améliorer la qualité de vie des personnes à travers des initiatives spécifiques telles que celles mises en œuvre par le service logement de Forest, le CPAS de Forest, le Foyer forestois, le Centre d’accueil d’urgence Ariane et d’autres organismes qui travaillent aussi sur les questions de logement. Les actions de terrain sont croisées et reprennent, par exemple, la recherche de logement, la rénovation, le travail social, l’aide aux personnes, la défense des droits, etc. Les acteurs de terrain ont mis en évidence le partenariat et le travail en réseau comme principale ressource favorisant la mise en œuvre de leurs actions. Le type de public rencontré par les acteurs est décrit comme ayant de faibles ressources financières, des problèmes de santé physique et mentale, des personnes isolées, etc. Le point commun de cette population est qu’une majorité d’entre eux vivent dans des conditions de logement inacceptables.

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Par rapport aux

problématiques du logement, l’étude prend en compte le niveau

macrosocial, c'est-à-dire, la société et le système en général (boom démographique, dégradation du parc immobilier, …), le niveau mésosocial, proche du terrain, des professionnels, du

quartier (trop de logements insalubres, chers, vides, …), et le niveau

microsocial qui reprend les caractéristiques individuelles des personnes (abus des propriétaires, discrimination, problèmes liés aux personnes âgées etc.). Les différents problèmes à ces niveaux vont avoir un impact direct ou indirect sur l’état physique, psychique et social des individus, ainsi que sur leur sécurité et leur bien-être. Trois problématiques importantes mettent en avant les interactions santé et logement : 1. La qualité du logement et l’insalubrité peuvent être à la source de problèmes de santé physique

(allergies,

infections

respiratoires,

affection

dermatologiques,

etc.)sécurité

(intoxication CO, risque d’incendie, etc.), de santé mentale (stress, dépression, perte de l’estime de soi), et de santé sociale (isolement, conflits et tensions sociales, etc.) 2. L’usage que l’on fait du logement peut le rendre insalubre (manque d’aération, le tabac, les produits toxiques etc.) et impacter la santé physique, psychique, sociale et la sécurité. 3.

Enfin, le coût du logement trop élevé va contraindre les personnes à louer un

logement

insalubre,

à

vivre

dans

un

quartier

délabré,

etc.

Ce

coût

va

automatiquement réduire la marge budgétaire pour les autres besoins essentiels du ménage. Les personnes vont, dès lors, consommer des aliments moins chers et donc moins favorable à la santé, postposer des soins de santé ou l’achat de médicaments. Conséquence : cela va renforcer les inégalités sociales de santé. Il n’y a pas de causalité directe pour le logement et l’état de santé des individus, la problématique est en réalité bien plus complexe. On voit cependant que le logement reste un facteur fondamental pour assurer la santé globale des personnes et que malgré les ressources qui existent sur le terrain, les problèmes persistent (inégalités sociales, conditions de vie et de logement inacceptables, etc.). Si la santé et le logement sont chacun considérés comme des priorités politiques, le lien entre les deux ne l’est malheureusement pas. C’est l’occasion, lors de ce colloque, de créer des ponts entre santé et logement et de poser la question de la priorité politique des enjeux santé et logement.

Murielle Deguerry, Deguerry médecin et directrice de l’Observatoire du social et de la santé de Bruxelles, a présenté quelques illustrations concrètes concernant le logement et la santé en Région bruxelloise.

On remarque par exemple la grande hétérogénéité de Bruxelles en

termes socio-économiques, de diversité ou d’âge. L’inertie spatiale est par ailleurs assez importante et malgré les transitions, les logements restent souvent dans le même état.

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Deux indicateurs sont intéressants à analyser, en ayant à l’esprit les caractéristiques du logement

(ou inversement): Le taux de mobilité (intensité de déménagement) est variable selon les quartiers et est en lien avec le second facteur : le bilan migratoire (qui illustre l’attractivité ou la répulsion des quartiers). Le fait que certains quartiers du centre aient un bilan migratoire positif peut être en lien avec le fait que les personnes y habitant n’aient pas réellement la possibilité de partir de là. Ce sont des déterminants importants du problème santé – logement. Par ailleurs, les liens entre santé et statut socio-économique ont été démontrés scientifiquement. Les locataires d’un logement de mauvaise qualité ont deux fois plus de chances d’avoir des problèmes de santé que les mieux lotis. Aujourd’hui les gens consacrent une part de plus en plus importante de leur budget à leur loyer, laissant moins de revenus disponibles pour une alimentation saine, les soins de santé, les loisirs, etc. Plus d’un quart des ménages bruxellois et 48% des mères isolées reportent des soins de santé pour des raisons budgétaires. Aujourd’hui, la demande de logements sociaux est criante. On retrouve davantage de personnes sur les listes d’attentes que de personnes occupant ces logements et malgré le développement des Agences Immobilières Sociales (AIS) (3000 logements) et les logements loués par les communes et les CPAS, cela ne suffit pas. De plus, une partie du parc n’est pas exploitée, pour diverses raisons. En Région bruxelloise, l’on compte environ 40.000 logements sociaux pour 35.000 logements sociaux loués. La qualité du logement (L’isolation, la taille, la situation, etc.) a également des conséquences sur la santé et le développement des jeunes enfants. On remarque que les quartiers où les enfants sont les plus nombreux ne sont pas forcément les plus verts et les moins exposés aux nuisances.

Frédéric Willems, coordinateur du Centre de Santé Mentale l’Adret, a attiré notre attention sur l’enjeu de la santé mentale. Il y aurait, d’après l’étude, une double relation entre celle-ci et le logement : il y a une incidence de la qualité du logement sur la santé mentale des habitants et, d’autre part, de la maladie mentale sur le logement. Nous sommes actuellement témoins d’une croissance de la population présentant des problèmes de santé mentale et des difficultés socio-économiques qui ont un impacte sur la vie psychique des personnes. Concernant l’impact de la qualité du logement, on note que l’insalubrité, la pollution, ou encore l’exigüité sont des conditions indignes au logement des personnes qui concourent à engendrer stress, anxiété et dépression. Lorsque les gens se sentent impuissants à agir sur leurs conditions de logement, cela peut entraîner une diminution de leur estime de soi. Les dégradations de l’habitat renforcent le sentiment d’insécurité, nouvelle source de stress qui peut conduire au repli.

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Aujourd’hui, une série de problèmes de santé mentale inquiètent les professionnels. Parmi ceux-ci, l’on retrouve les problèmes d’assuétude à l’alcool ou aux médicaments, la toxicomanie, les problèmes psychologiques, psychiatriques ou encore le handicap mental léger. Frédéric Willems insiste sur le fait que la connaissance mutuelle entre les acteurs et leurs ressources est essentielle pour parvenir à une collaboration pertinente concernant les questions de santé mentale. L’écho donné par l’étude à l’axe ‘problème de santé mentale – logement’

met en avant

l’attitude désespérée de repli sur soi pouvant mener au laisser-aller de la personne et à la dégradation inexorable du logement, les troubles de voisinage, ou encore l’accumulation d’objets (syndrome de Diogène) qui provoque insalubrité ou présence de parasites. Suite à ces situations, les risques d’expulsion sont réels, or, la perte de logement pour la personne en difficulté peut l’entraîner dans une spirale de perte importante : radiation à la commune suite à la perte de domiciliation, radiation des droits sociaux, et peut mener jusqu’au sansabrisme. Les personnes se retrouvent dès lors dans une spirale de marginalisation qui ne se brise que difficilement, due notamment aux lenteurs administratives pour recouvrer ses droits. En outre, le contexte socio-économique peut exacerber la précarité des individus. Si le lien social ne suffit plus à soutenir leur existence, les personnes, comme le pense J. Furtos, perdent progressivement confiance en elles, mais aussi en l’autre et en l’avenir, ce qui cause une souffrance psychique importante. On peut observer alors un syndrome d’auto-exclusion (distinct de la maladie mentale). Pour ces personnes qui se retrouvent à la rue, l’accès au logement devient inaccessible. Pour répondre à ces situations de grande exclusion, une initiative intéressante a été mise en place depuis 1991 à New-York en donnant un accès immédiat à un logement aux sansabris, sans condition quant à leur sobriété ou consommation de substances. Ce concept de Housing first a permis de diminuer d’1/3 le nombre de sans-abris de la ville. Ceux-ci ont reçu un logement et ont été suivis par une équipe pluridisciplinaire. Ce genre d’initiative est en cours d’installation à Bruxelles et a tendance à porter ses fruits, car le logement est le point de départ d’une réinsertion sociale fructueuse. Pour mener une action à la fois digne et respectueuse, il ne faut pas oublier que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale restent des sujets de droits. Le fait d’avoir un logement sûr, qui offre un abri véritable « fait soin » pour la personne. L’accès et le maintien de ces personnes dans leur logement est capital pour le processus de réinsertion dans leur milieu de vie ordinaire. Une prise en charge globale et transversale des personnes malades mentales est nécessaire et demande de la coordonner et de la poursuivre, parfois, tout au long de la vie du patient. Enfin, Frédéric Willems propose la création de logements de transit par les sociétés de logements sociaux, afin de pallier certaines lenteurs administratives et renforcer la coopération entre les services. « Cela permettrait d'éviter que certaines situations d'incurie

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concernant des personnes en grandes souffrances psychiques ne connaissent des délais trop longs avant qu'une alternative ne soit proposée en matière de logement ». Enfin, la sensibilisation et la formation à ces situations et ces problématiques de santé mentale pourraient être mise en œuvre dans les lieux de coordination où les acteurs du social et de la santé peuvent se rencontrer et échanger sur leurs pratiques.

Le Directeur adjoint du cabinet du secrétaire d'Etat au logement, Pol Zimmer, Zimmer a quant à lui posé un bilan synthétique de la politique régionale du logement. Aujourd’hui, nous comptons davantage de candidats locataires que de personnes occupant un logement social. Il est donc capital de réfléchir à de nouvelles solutions. Les objectifs principaux de la Région Bruxelles-Capitale (RBC) durant la législature sont de : -

Répondre à la crise du logement et à la croissance démographique à Bruxelles par une diversification et un renforcement des moyens d'action et une meilleure dissémination de l'offre de logements publics à finalité sociale sur l'ensemble du territoire ;

-

Contribuer à faire de Bruxelles la Capitale européenne du développement durable ;

-

Améliorer la gouvernance dans le domaine du logement afin d’appuyer la réalisation des objectifs prioritaires. Avoir plus de transparence et des politiques plus opérationnelles du point de vue régional.

Le bilan général montre qu’il y a une montée en puissance de l’action publique en Région bruxelloise, mais la forte croissance démographique l’a rendue quasiment invisible. Le Fonds du logement a, par exemple, octroyé près de 1300 prêts en 2012 et on remarque une amplification des réalisations en termes de politique d’investissement et des dépenses budgétaires, mais cela ne suffit pourtant pas à répondre à la demande démographique. On observe également une diversification de la politique du logement. La réaffectation d’espaces (bureaux vides par exemple) en logement est essentielle pour la Région Bruxelloise vu la raréfaction des fonciers constructibles. De plus, de nouveaux dispositifs alternatifs émergent comme celui du Community Land Trust. En plus de la réforme du code bruxellois du logement et la réforme du logement social, on note la mise en placedu groupe de travail de la commission interministérielle (CIM) “Droit au logement” réunissant les entités régionales et communautaires afin de trouver des formes de partenariat plus structurelles pour les publics fragilisés. Le décloisonnement et la transversalité de l’action publique permettent de mettre en place des réponses plus adaptées à la problématique du logement. On constate qu’on dépense aujourd’hui davantage pour la politique du logement. En 2012, 300 millions ont été dépensés contre 93 millions en 2003. Le montant a donc été multiplié par trois en quelques années. Aujourd’hui, cette croissance de moyens permet de multiplier les réponses et d’obtenir une politique d’investissement beaucoup plus opérationnelle. On

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observe ainsi une montée en puissance des réponses publiques et du spectre des actions. Cependant, l’écart entre croissance effective des moyens et la demande explose. Du point de vue de la problématique de ce colloque, Pol Zimmer mentionne quatre évolutions structurelles importantes : -

L’initiation de la politique d’investissement pour la durabilité doit être amplifiée car celle-ci peut avoir un impact social important à terme.

-

La montée en puissance des réponses des politiques publiques (qui reste cependant trop faible).

-

Il existe un terreau associatif important dans ce secteur. Plus de 80 associations travaillent sur la problématique, ce qui prouve l’importance de la question du logement et de la santé.

-

Une logique publique à un niveau macro de décloisonnement des problématiques entre les entités communautaires et régionales, à travers la CIM, est également de grande importance.

Dans le futur, il faudrait poursuivre la montée en régime de l’emprise publique, développer de nouveaux dispositifs à partir du transfert de compétences ainsi qu’encourager les partenariats locaux. Enfin, il faudrait faire émerger une culture de l’ « habiter ».

Lors du débat, le président du CPAS de Forest, monsieur Stéphane Roberti, a expliqué que l’on remarque de plus en plus de personnes, mais aussi de familles qui, faute de logement, se retrouvent à la rue. La situation est très préoccupante et le CPAS se retrouve assez désœuvrés par rapport à ces problématiques. On se doit d’être créatifs afin que les droits soient respectés, et ce, seulement de manière minimale. Il est impératif d’agir sur les inégalités de santé et de logement et, pour ce faire, le CPAS est aujourd’hui à la recherche de partenaires pour permettre l’accompagnement social des personnes. Il est important de sortir de la logique qui considère les personnes précarisées comme des victimes et les traiter en tant que citoyens à part entière.

2ème table ronde : « améliorer la situation socio-sanitaire liée au logement : recommandations et pistes d’actions ».

Pour

débuter

cette

seconde

table

ronde,

Rachida Bensliman

a

exposé

diverses

recommandations issues de son étude, les résumant en trois niveaux, respectivement le niveau macro, méso et micro. D’un point de vue macro, on recommande la création de politiques publiques saines et durables prenant en compte l’impact sur la santé, le développement d’outils de prévention contre, par exemple, les abus de propriétaires, l’agrandissement de l’offre du parc de logement, la continuation des subventions, le développement d’une aide régionale de

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pilotage des gros travaux de logements sociaux, l’adaptation des projets « Contrat de Quartier »

à

la

réalité

locale

et

le

renforcement

des

projets

de

réinsertion

socioprofessionnelle. Au niveau intermédiaire méso, on recommande le renforcement des partenariats, le développement d’accords de procédure et des systèmes de contrôle, la création d’une régie foncière, la favorisation de la rotation des locataires au sein des logements sociaux, le renforcement des projets de cohésion sociale, etc. Enfin, les recommandations faites au niveau micro concernent l’accentuation de la promotion de l’éducation à la santé et au logement, le transfert d’outils aux professionnels, le renforcement de la cohésion sociale, la création d’un service de médiation, le développement de la prévention envers les populations spécifiques et l’amélioration de l’accompagnement des personnes physiques. Certains projets ont déjà pris de l’ampleur sur le territoire de Forest tels que le projet d’Agence Immobilière Sociale de Forest (AISF), les formations des acteurs aux pollutions intérieures, le groupe de travail Logement de la Concertation Sociale de Forest, le groupe de travail Syndrome de Diogène, etc Rachida Bensliman a également proposé quelques recommandations « promo santé » telles que l’éducation santé via des animations ou des ateliers, afin que les personnes adoptent des comportements sains au sein de leur foyer, mais aussi la promotion de l’adaptation des logements pour les personne âgées ou à mobilité réduite, la participation des habitants dans les projets communautaires, le renforcement de la cohésion sociale, le partenariat et l’intersectorialité.

Afin de compléter la présentation précédente, JeanJean-Claude Englebert, Englebert échevin du logement à Forest a proposé quelques pistes de réflexion. D’un point de vue urbanistique, la précarité à Bruxelles se concentre au centre de la ville. Il nous faut repenser l’urbanisation de Bruxelles. Cette réflexion permettrait notamment une progression dans la coordination des grands chantiers de logement ainsi que de réfléchir à comment accueillir plus d’habitants sur la même surface, dans de bonnes conditions. En ce qui concerne la santé mentale, Jean-Claude Englebert n’estime pas qu’elle soit spécifique aux questions de logement de mauvaise qualité. Celle-ci serait également liée à l’augmentation de la précarité en général. D’après lui, si les questions de santé mentales débordent des questions de logement et de précarité sociale, c’est aussi parce que les personnes au sein de notre société se maltraitent les unes les autres (par exemple sur le lieu de travail) mais que ce phénomène est « mesurable » lorsqu’on considère les questions de logements des plus précaires. Or, on ne sort généralement pas indemne de rapports de violences mentales. Dans ce contexte, on observe une réelle nécessité de support aux acteurs de première ligne pour pouvoir supporter leur climat de travail.

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Au niveau macro, l’échevin du logement se montre plutôt pragmatique. La dimension culturelle de nos modes de vie attire son attention. Sans poser de jugement de valeur, il serait, d’après lui, positif de mener un débat touchant à la question du choix des naissances et en particulier ré-ouvrir la question des plannings familiaux. À ce propos, une participante a noté que le fondement du problème se situe en réalité autour de l’accès à l’emploi et qu’il ne faudrait pas se tromper sur la source du problème. Jean-Claude Englebert a, par ailleurs, préconisé la lutte contre le consumérisme. Le modèle consumériste constitue aujourd’hui un idéal à atteindre. Or, lorsqu’on veut accéder à cet idéal avec 900 Euros par mois, cela se révèle problématique au niveau mental et de l’estime de soi, mais aussi au niveau de la façon dont on est prêt à se préoccuper des autres. JeanClaude Englebert compare ce modèle de société consumériste au monde décrit par l’auteur italien Primo Levi, c'est-à-dire, un monde où les gens poursuivent la survie immédiate et ne se préoccupent plus de l’autre. Cela a incontestablement des conséquences dramatiques. Nous sommes aujourd’hui témoins de la destruction de nos solidarités, de la notion de penser et construire ensemble et cela impacte indéniablement la dignité humaine. Concernant la question d’organisation des moyens publics en matière de logement, il faudrait développer une vision plus claire et un pilotage plus fort.

Colette Swaelens, Swaelens directrice de l’asbl ‘Une Maison en Plus’, a parlé du point de vue d’un des acteurs de terrain et au niveau local. Son association est une maison de quartier insérée dans le tissu social local et œuvre sur l’émancipation et la cohésion sociale. Il est donc essentiel de partir des besoins de la population, d’être ouvert à tous, d’établir la confiance avec les usagers et de pouvoir les accompagner jusqu’au bout. Pour ce faire, il est indispensable d’avoir une équipe pluridisciplinaire et de travailler en réseau. C’est ce que fait la maison de quartier ‘Une Maison en Plus’ au travers d’une approche globale et croisée du quartier. On le sait, le logement insalubre peut engendrer d’autres problèmes, de santé, d’éducation, de famille, etc., d’où l’importance de mettre en place des actions croisées et d’avoir plusieurs angles de vues et d’actions afin de trouver la réponse la plus adaptée aux besoins. Les besoins de quartier étant multi factoriels, il est capital d’apporter de multiples réponses. Ce qui est principalement visé, c’est l’empowerment du quartier, la capacité des habitants à prendre en charge leurs projets individuels mais aussi politiques de gestion de la ville et de les soutenir dans leur droit à la parole, à la participation ce qui ne va pas sans difficultés. Dans le contexte démographique actuel, la question du logement n’a jamais été aussi sérieuse et les réponses doivent être élaborées étroitement avec les pouvoirs publics. Les projets

se

doivent

donc

d’être

novateurs

et

croisés.

La

mise

en

place

d’‘Energisole’ représente un bon exemple car le projet se trouve aux confins de tous les niveaux (micro, méso et macro-social) et concerne l’emploi comme le logement. Le constat de départ note que 30% des déperditions thermiques, étaient dues à une mauvaise isolation de la toiture d’une part et d’autre part, que le surendettement des ménages était en augmentation constante.

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Partant de ces constats, dans le cadre d’un contrat de quartier, La Maison en Plus, le CPAS et Casablanco ont travaillé, en étroite collaboration et ont proposé une sensibilisation ainsi qu’un accompagnement des ménages volontaires afin de réduire leur consommation en énergie (eau, gaz, électricité) et de réaliser à moindre coût des travaux d’isolation de toiture, voire de rénovation. Certaines difficultés ont néanmoins été rencontrées lors de la mise en œuvre de cette initiative, mais ce que l’on retient est que, ce type projet novateur est essentiel car nous nous devons de trouver des solutions à l’amélioration du logement à Bruxelles et plus particulièrement à Forest et qu’il faut essayer des choses nouvelles, prendre des risques. Ce projet met également en avant une action en réseau et en partenariat, dans une approche multidisciplinaire.

Pour conclure, nous l’avons vu, le lien entre santé et logement est une problématique réelle qui se doit d’être l’objet de politiques publiques saines et d’actions transversales et coordonnées entre les divers acteurs. Tout au long de ce colloque, les participants sont intervenus, notamment pour insister sur le fait qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et qu’il faudrait, par exemple, mettre en place des politiques de taxation plus ambitieuses qui permettraient de réinvestir dans les quartiers qui en ont le plus besoin. Les problèmes de la spéculation immobilière et la nécessité d’y trouver des solutions, ou, du regroupement familial qui n’est pas suffisamment pris en considération dans les politiques régionales, ont également été mentionnés lors des débats. Enfin, plusieurs personnes ont souligné le fait que, sur le terrain, la mise en œuvre des objectifs présentés aujourd’hui est particulièrement compliquée. En effet, le prix de rénovation est souvent significativement élevé. Un problème de soutenabilité financière se pose donc en la matière.

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